lundi, décembre 1, 2025
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Les Etats-Unis menacent l’Egypte au sujet de l’acquisition de Su-35 russes

Depuis l’entrée en vigueur du CAATSA, pour Countering Adversery of America Through Sanction Act, une loi destinée à permettre à l’exécutif américain de mettre en place des sanctions économiques contre les pays jugés hostiles aux Etats-Unis, la mise en œuvre de cette loi est devenue une arme économique à géométrie variable pour la Maison Blanche. Ainsi, l’acquisition d’équipements de défense identifiés comme critiques et fabriqués par une nation jugée hostile, peut entrainer la mise ne œuvre de sanctions économiques sévères. C’est ainsi que la Maison Blanche a clairement fait savoir que si Ankara persévérait à vouloir acquérir les systèmes anti-aériens S-400 russes, le pays pourrait non seulement être mis hors jeu au sujet du programme F35, mais également sous embargo en matière d’armements (comme les pièces détachées pour ses 250 F16), ainsi que des sanctions économiques dont Ankara à eu un avant gout à l’automne dernier, lorsque la Livre turque à été attaquée et a perdu beaucoup de valeurs sur les marchés internationaux.

Aujourd’hui, c’est au tour de l’Egypte d’être menacé. Le Caire a en effet annoncé son intention d’acquérir des avions de chasse lourds Su-35 auprès de la Russie, ce qui n’est pas du tout du gout des autorités US. La menace n’est d’ailleurs pas uniquement dirigée contre l’Egypte. En effet, plusieurs monarchie du Golfe, dont les très fidèles Emirats Arabes Unis et Royaume d’Arabie Saoudite, ont en effet annoncé envisager l’acquisition de S-400, mais également d’appareils de combat d’origine Russe. Il s’agit donc pour Washington d’empêcher la contagion, sachant que la Russie propose désormais des équipements beaucoup plus fiables qu’il y a quelques années, mais surtout beaucoup moins cher que leurs homologues américains. Un chasseur lourd Su-35 coute ainsi moins cher qu’un F-16 Block52, et le char Abrams M1A2 coute le prix de chars lourds 5 T90BM.



Parallèlement, les autorités américaines font preuve d’une compréhension sans limite quand il s’agit des acquisitions de New Dehli. Non seulement le président Moodi a-t-il reçu l’assurance des Etats-Unis qu’aucune sanction ne serait appliquée à l’Inde suite à l’acquisition de 5 régiments de S-400, mais l’acquisition récente de Mig-29 et de Su-30MKI ne poserait pas problèmes non plus.

Cette approche obtient des résultats, plusieurs pays ayant déjà annoncé renoncer, au moins temporairement, à acquérir des équipements russes ou chinois pour éviter cette épée de Damoclès. Mais l’action combinée du CAATSA, de la réglementation ITAR permettant aux Etats-Unis d’interdire l’exportation d’équipements de Défense utilisant des composants jugés sensibles, elle aussi utilisée à des fins économiques, et des dernières révélations sur le contrôle potentiel que pourrait exercer Washington sur l’utilisation des équipements d’origine US, commencent à engendrer des réactions contraires aux objectifs recherchés, comme c’est le cas avec la Turquie, qui désormais envisage des solutions d’équipements de Défense très alternatives au F35, F16 et autres équipements US.

Etats-Unis, Turquie, Russie, l’heure des grandes manœuvres a sonné

Il aura fallu moins d’une semaine aux Etats-Unis comme à la Turquie pour entamer leurs plans visant à compenser la sortie du programme F35 de cette dernière, suite à la suspension de la livraison de pièces détachées du programme décidée par Washington.

Coté américain, l’objectif aura été de rapidement trouver preneur pour les 100 appareils destinés aux forces aériennes turques. Et cela n’aura pas pris bien longtemps. A peine eurent-ils présenté leurs propositions aux 4 pays concernés, que la Pologne et la Grèce répondaient favorablement et se sont déclarés intéressés pour acquérir l’appareil de Lockheed. Coté polonais, il s’agit de donner des gages aux autorités US sur l’implication du pays afin de renforcer sensiblement la présence de forces US sur son territoire. Et, le fait est, entre la proximité de la zone de contact avec la Russie, les tensions avec entre Washington et Berlin concernant le faible effort de Défense allemand et l’élimination du F35 pour remplacer ses Tornados, l’attractivité polonaise monte en flèche. Rappelons que la pays avait acquis récemment le système d’artillerie longue distance HIMARS, le systèmes Patriot PAC-3 et les hélicoptères Black Hawk, dans un attachement assumé aux matériels américains plutôt qu’européens.

Coté Grec, la situation est sensiblement différente. Le pays est fortement contraint financièrement, et les déclarations du ministre de la Défense grec selon lesquels le pays était intéressé par l’acquisition de 24 appareils impliquent que l’offre financière qui accompagne l’offre technologique doit être plus que motivante. En outre, il s’agirait d’un retournement de situation face à la Turquie qui devait, jusqu’il y a peu, représenter une menace très difficile à contenir pour les armés helléniques, avec la centaine de F35A qui étaient commandés.

La Turquie, justement, qui ne reste pas inactive. Via les voix diplomatiques, le pays répète en boucle que l’acquisition de système S-400 ne menace aucunement les systèmes de l’OTAN, et que le pays a respecté en tout point ses engagements industriels dans le programme F35 comme dans l’OTAN. A contrario, le président Erdogan a rencontré le président russe V.Poutine aujourd’hui 8 avril, pour discuter des possibilités de rapprochement des deux pays. Outre les aspects économiques, les deux hommes ont également abordé une « collaboration accrue » en matière d’équipements de Défense, selon les rapports faits de la rencontre. Le message aux Etats-Unis est clair, la Turquie ne se retrouverait pas isolé en cas de retrait définitif du programme F-35, voir en cas de retrait de l’OTAN. Il serait surprenant, à ce titre, que le président Erdogan maintienne la Turquie au sein de l’OTAN alors que les Etats-Unis auraient mis le pays sous embargo technologique, tout en menant une offensive économique visant à dévaluer la livre turque.

Pour la Russie, sortir la Turquie de l’OTAN pour s’en faire un allié militaire, un partenaire technologique et un client de matériels de Défense serait un succès extraordinaire. En outre, l’OTAN perdrait le contrôle du Bosphore, et par voie de conséquence, verrait ses positions en mer noire largement compromises, comme en méditerranée orientale. Enfin, Ankara serait en mesure de partager avec Moscou certaines technologies modernes et stratégies de Défense de L’OTAN, acquises lors des programmes de coopération (Hélicoptère T129, F16-block52+, F-35A, char lourd Altay et corvettes Ada).

De fait, si les tensions américano-turques ne devaient pas s’aplanir, et il n’y a que peu de raisons qu’elles le fassent, il ne serait pas surprenant de voir Ankara acquérir des avions de combat Su-35 et Su-57, comme de voir Moscou remplacer Londres dans le programme TFX.

Faire de la France une puissance militaire mondiale : Possible ? Comment Faire ? Comment le Financer ?

Il y a quelques jours, le chef d’état-major des Armées, le général Lecointre, présenta son plan pour que la France puisse « Maintenir son rang sur la scène internationale ». Mais de quel rang parle-t-on ? La France est elle encore une puissance militaire capable d’influencer sur la géopolitique mondiale ? Et si ce n’est pas le cas, peut-elle le redevenir ?

Bien qu’associée au camp des pays vainqueurs de la seconde guerre mondiale, tant du fait de la pugnacité du général de Gaulle que du premier ministre britannique Winston Churchill, la France n’en est pas moins sortie très affaiblie du conflit, au point d’avoir perdu son statut de puissance mondiale qu’elle détenait pourtant depuis prés d’un demi-siècle. Les guerres coloniales et « l’affaire de Suez », mirent un terme aux ambitions françaises et britanniques de recoller à ce peloton de tête des puissances mondiales, dans un monde bipolarisé entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique. 

Pourtant, dès son retour à la tête du pays, le général de Gaulle entrepris de redonner à la France une légitimité internationale, et une réelle indépendance d’action, par un programme nucléaire militaire que beaucoup, à l’époque, jugeaient irréaliste, voir utopique. Le fait est, en un peu plus d’une dizaine d’années, la France s’était dotée d’une triade nucléaire, avec une flotte de bombardiers stratégiques Mirage IV, des missiles nucléaires longue portée M4 sur le plateau de l’Albion, et l’entrée en service des premiers sous-marins nucléaires lanceur d’engin de la classe le Redoutable. Elle disposait en outre d’un panel d’armes nucléaires tactiques, comme le missile sol-sol balistique Pluton, et la bombe AN-52 pouvant équiper les Jaguar de l’Armée de l’air comme les Super-Etendard de la Marine Nationale. Dans le contexte du début des années 70, la France avait retrouvé son rang de puissance mondiale, et sa légitimité à siéger en tant que membre permanent au Conseil de Sécurité des Nations Unis.

La lente érosion des ambitions militaires et politiques Françaises

La fin des années de croissance économique ininterrompue, appelées « les trente glorieuses », suivit du premier puis du second choc pétrolier, engendrèrent une lente mais irréversible décroissance des moyens alloués par le pays à sa Défense, et par voie de conséquence, à sa position sur l’échiquier mondial. Des arbitrages commencèrent à opposer investissements de Défense et investissements économiques et sociaux, au point qu’avec le temps, la perception du budget des armées glissa, dans l’esprit des hommes et femmes politiques comme des hauts-fonctionnaires qui les conseillaient, vers un statut de « charge non productive », dépourvu de potentiel économique et politique. La Défense avait cessé d’être un enjeu politique majeur pour la France …

L’effondrement de l’Union Soviétique, en 1991, et la période « Post Guerre Froide » durant laquelle de nombreux dirigeants appelèrent à profiter des « bénéfices de la paix », amplifia ce phénomène, au point qu’aujourd’hui, il existe un sentiment profond, ayant valeur d’axiome politique, selon lequel la France ne peut plus financer des moyens militaires capables d’influencer sur le cours des évènements mondiaux, sans l’aide de ses alliés européens, et surtout des Etats-Unis. 

Et dans le contexte actuel des forces françaises, c’est parfaitement exact ! 

Sans le soutien logistique et de renseignement US, la France ne pourrait maintenir la force Barkhane en zone Sahel, comme elle n’avait pu intervenir seule en réponse à l’utilisation d’armes chimiques par le régime Syrien en 2014, après la reculade de dernière minute du président Obama.

La perception dépasse même, aujourd’hui, le cadre opérationnel, puisque de nombreux hommes et femmes politiques justifient la coopération européenne dans le domaine de l’armement, comme pour les programmes SCAF, MGCS et autres, par la certitude que la France « n’a plus les moyens de mener de tels programmes de façon isolée ». 

Mais est-ce vraiment le cas ? 

Depuis 3 ans, l’approche de la doctrine Défense à Valorisation Positive, et du modèle Socle Défense, ont montré que l’investissement dans l’écosystème Défense français avait des effets sociaux-économiques et budgétaires sensiblement supérieurs à ceux de nombreuses politiques économiques tentées en vain depuis des décennies, pour résoudre le chômage, la faible croissance, ou les déficits sociaux. Au travers de plusieurs articles, nous avons ainsi pu constater que la France pouvait effectivement financer un second porte-avions, les avions de combat nécessaires à l’accomplissement des missions de l’armée de l’air ou de la Marine Nationale, ou accélérer le programme HIL devant remplacer les hélicoptères gazelles et lynx en service depuis bien trop longtemps.

Mais qu’en serait-il si l’objectif était de redonner à la France, une puissance militaire la ramenant dans le jeu géopolitique mondial, capable, comme le disait le général de Gaulle «  de choisir ses guerres, et de les gagner en autonomie » ?

Qu’est-ce qu’une puissance militaire mondiale ?

Il ne suffirait pas d’appliquer la doctrine du faible au fort du général de Gaulle de 1960 pour faire de la France d’aujourd’hui une puissance militaire mondiale. Le contexte technologique et politique a largement évolué, et si elle ne doit pas être négligée, la dissuasion nucléaire n’a plus la toute puissance qu’elle avait dans les années 60 et 70. 

Pour définir ce qu’est une puissance militaire mondiale, il suffit d’observer quelles nations, dans un passé récent, sont parvenues à atteindre ce statut. La réponse à cette question est évidente, il s’agit de la Chine, et de la Russie.

A la fin des années 80, la Chine était considérée comme une puissance régionale, technologiquement en retard, économiquement sous-développée, et militairement dépassée. Aujourd’hui, elle est devenue l’obsession des stratèges américains, qui y voient la principale menace vis-à-vis de leur puissance militaire incontestée depuis 30 ans. Pour cela, la Chine a d’une part développé sa triade nucléaire avec des technologies modernes, mais surtout, elle a construit une force conventionnelle et de projection de premier plan, suffisante aujourd’hui pour représenter une menace avérée pour l’ile de Taiwan, allié des Etats-Unis.

Le parcours de la Russie est encore plus notable. Totalement ruinée et désorganisée par l’effondrement de l’Union Soviétique, et les calamiteuses années Eltsine, la Russie a su, en à peine 20 ans, reconstruire un outil militaire qui aujourd’hui serait en mesure de défier la toute puissante OTAN, rassemblant 5 des 7 pays les plus riches de la planète. En outre, le pays ne peut compter, comme la Chine, sur une démographie très favorable, ni sur des décennies de très forte croissance industrielle soutenue par l’occident. Pourtant, malgré son PIB égal à celui de l’Italie, le pays a développé une force blindée de 2500 chars modernes, une force aériennes de plus de 1200 avions de combat, une capacité de projection et de frappe autonome qui a fait ses preuves en Syrie, alors que tous estimaient le pouvoir en place à l’agonie. En outre, et en dépit de ses faibles moyens financiers en comparaison des Etats-Unis, elle a développé ses propres technologies de rupture, missile hypersonique, chasseur et bombardier furtif, char de nouvelle génération etc.. là encore, en toute autonomie. On pourrait penser que le pays, comme le fit l’Union soviétique, épuiserait ses ressources dans l’investissement de Défense. Pourtant, les exportations d’équipements de défense dépassent aujourd’hui les commandes domestiques, et le poids budgétaire final sur le PIB russe, une fois déduites les recettes des exportations, ne dépasse pas 3%, soit un niveau largement soutenable pour l’économie russe, même sous pression des sanctions occidentales.

De ces deux exemples, et de l’axiome de départ selon lequel la France n’est pas une puissance militaire mondiale aujourd’hui, nous pouvons déduire la définition suivante de ce qu’est, ou doit être, une puissance militaire pour être qualifiée de mondiale :

  1. Disposer d’une dissuasion nucléaire en triade, évoluée, redondante, capable de garantir la destruction de l’adverse en cas d’attaque 
  • Disposer d’une force conventionnelle moderne de dimension suffisante pour protéger le territoire et, le cas échéant, garantir la sécurité de ses alliés proches, contre toute offensive, même venant d’une autre puissance mondiale
  • Disposer d’une capacité de projection de puissance mobilisable suffisante pour prendre l’avantage rapidement sur une zone faiblement à moyennement défendue, et d’en assurer le contrôle par la suite, et ce en totale autonomie.

Sur la base de cette définition, la France n’est pas, aujourd’hui, une puissance militaire mondiale … cela, je l’espère, n’aura surpris personne.

Pourquoi la France doit-elle devenir une puissance militaire mondiale ?

Au delà de l’énumération des objectifs à atteindre pour devenir une puissance mondiale, encore faut-il en avoir la motivation, et donc savoir quels seraient les bénéfices pour la France de produire un tel effort présenté comme extraordinairement couteux pour le pays comme ses finances publiques. Et même si, comme nous le verrons, cette perception du cout est erronée, cette volonté doit être forte et ancrée car on ne choisit pas de devenir un acteur de la géopolitique mondial pour des motifs économiques et sociaux.

Si la France doit recouvrer effectivement son rang, ce serait pour les mêmes raisons qui poussèrent le général de Gaulle à accélérer et renforcer de développement de la dissuasion à partir de 1959. Alors que la géopolitique mondiale est en pleine transformation, il s’agira de garantir au pays, comme à sa population, de préserver sa sécurité, son indépendance politique et économique, et son indépendance d’action et de décision sur la scène internationale pour les décennies à venir.

En outre, une France militaire puissante pourrait représenter le point d’accroche indispensable à l’émergence d’une réelle indépendance européenne tant en matière de Défense que de politique internationale, donc libérée de l’omniprésence des Etats-Unis dans toutes les décisions et prises de positions internationales de l’Europe ou de ses membres. Car si, aujourd’hui, l’Europe de la Défense est dans toutes les déclarations politiques, dans les faits, les pays européens sont à ce point faibles militairement qu’ils ne seraient, le cas échéant, pas même capable de s’opposer seul à la puissance militaire russe, un pays pourtant 4 fois moins peuplé et 9 fois moins riche que l’Union Européenne. D’ou l’omniprésence de l’OTAN, donc des Etats-Unis, dans les décisions européennes dès lors qu’il s’agit de Défense, même lorsque le sujet n’entre pas dans les prérogatives de l’alliance.

De fait, une France militairement forte serait en mesure de fédérer progressivement les européens dans une alliance collective factuelle, faisant passer l’Europe du statut de superpuissance économique à celui de superpuissance globale, rejoignant les Etats-Unis et la Chine dans ce statut, et pouvant même devenir étonnamment attractive pour une Russie qui peinera toujours à atteindre les seuils démographiques et économiques pour retrouver ce statut ou équilibrer la montée en puissance chinoise.

Comment faire de la France une puissance mondiale ?

Maintenant que nous avons définit le quoi, et le pourquoi, reste à déterminer le comment, donc de déterminer quel devrait être le format des forces françaises, comme de son industrie de Défense, pour éteindre ces objectifs. Et de cette évaluation, nous pourrons évaluer le cout que représenterait un tel effort pour le budget de l’Etat.

Nous décomposerons notre analyse en 4 points :

  • la dissuasion

Si la dissuasion a une puissance moins absolue que par le passé, elle n’en représente pas moins l’assurance vie du pays. Pour répondre aux enjeux de puissance mondiale, la France devrait retourner à une triade nucléaire susceptible de s’opposer à un adversaire potentiel comme la Russie. Il faudra donc revenir à un format de 6 SNLE[efn_note]Sous-marin Nucléaire Lanceur d’Engins[/efn_note] de sorte à disposer en permanence de 2 bâtiments à la mer, et un en alerte 24h et de 3 escadrons nucléaires tactiques, ainsi que des unités de soutien indispensables à cette mission. Dans l’évaluation faite, nous prendrons également en compte la mise en oeuvre de 2 escadrons de bombardiers à long rayon d’action, comparables aux bombardiers furtifs américains, chinois, ou russes. Enfin, l’Armée de terre devra disposer de régiments de missiles balistiques moyenne portée idéalement hypersoniques, de sorte à pouvoir neutraliser la menace d’une première frappe tactique sur les centres névralgiques du pays et de ses alliés.

L’ensemble de ces besoins représenterait un effort de recherche et de construction de 180 à 200 Md€ sur 30 ans, soit 6 à 6,5 Md€ par an.

  • L’Armée de Terre

Si toutes les armées ont connu d’importantes limitations de moyens et de formats ces 30 dernières années, l’Armée de Terre est, de loin, celle qui aura vu ses moyens les plus négligés, au point de continuer à utiliser des blindés VAB[efn_note]Véhicule de l’Avant Blindé[/efn_note] et des hélicoptères gazelles et Puma des années 80. C’est également celle qui devra accroitre le plus son format pour répondre aux besoins du nouveau statut de la France. 

Ainsi, la Force Opérationnelle Tactique devra être progressivement doublé, avec un effort important pour renforcer les unités capables de soutenir des opérations de haute intensité. Les forces de réserves opérationnelles devront également croitre de manière substantielle, de sorte à pouvoir assurer un déploiement constant équivalent à 25% des forces françaises opérationnelles. En outre, le nombre de véhicules blindés, chenillés et sur roue, des systèmes d’artillerie mobile, des hélicoptères de combat, des systèmes de protection anti-aérienne et anti-missile, de guerre électronique, de communication, de renseignement et d’infovalorisation du champs de bataille, comme le nombre des équipements individuels de combat, devra sensiblement augmenter conformément aux besoins effectifs des forces, alors que les systèmes d’armes eux-mêmes devront être modernisés ou remplacer par des systèmes de nouvelle génération.

Du point de vue équipements, en ajoutant les systèmes connexes, et les équipements individuels, la dépense serait de 200 md€ sur 30 ans, soit 6,5 md€ par an.

  • La Marine Nationale

La Marine Nationale évoluerait de sorte à répondre aux besoins effectifs de protection des intérêts français sur l’ensemble de sa ZEE[efn_note]Zone Economique Exclusive[/efn_note] , et au mieux de ses intérêts politiques et stratégiques. Pour cela, elle devra disposer d’un nombre suffisant de groupes aéronavals, de groupes amphibies, de flottes de haute mer, de flottilles de protection littorales en France comme en outre mer, et de l’ensemble des unités de soutien, de forces d’intervention, et des moyens aéronavales requis. Eu égard aux besoins réels, et au renforcement des capacités des marines, forces aériennes et défenses côtières dans le monde, il serait nécessaire de multiplier par 3 le nombre de bâtiments majeurs en service dans la Marine nationale, ainsi que de son aéronavale, représentant une dépense de 250 md€ sur 30 ans, soit 8 Md€ par an, pour un format à 70.000 hommes, dont 15% de réservistes.

  • L’Armée de l’Air

Au delà des escadrons dédiés à la dissuasion, incluant bombardiers tactiques, stratégiques, drones de ravitaillement et avions de brouillage, l’Armée de l’Air devra elle aussi largement modifier son format. La Chasse devrait être progressivement ramenée à 500 appareils, soit 25 escadrons. Chaque escadron de combat disposerait également, naturellement, d’une dotation au moins égale au nombre d’appareil en drone de combat. Ces appareils seraient soutenus une flotte d’avions et/ou de drones de ravitaillement en vol, ainsi que d’appareils et drones de détection aériennes avancées. La flotte de transport, serait, elle, dimensionnée au prorata des besoins exactes de projection de moyens cohérent avec les capacités de projection de force de l’Armée de terre, de l’Armée de l’air et de la Marine Nationale. Dans le même registre, les flottes d’hélicoptères, la défense anti-aérienne, et le volet spatial, devront croitre et être modernisés de sorte à couvrir effectivement les besoins des forces nationales nouvellement dimensionnées. Soit, là encore, une facture de 250 Md€ sur 30 ans, et un format de 120.000 hommes, dont 20% de réservistes.

La somme des équipements de ces 3 armées représenterait donc, dissuasion comprise, un budget de 900 Md€ sur 30 ans, soit 30 Md€ par an, ceci incluant les travaux de recherche, de prototypage, et de production. L’entretien de ces équipements, sur 30 ans, représenterait 450 Md€, 15 Md€ par an, de prestations industrielles extérieures aux Armées. Les Armées seraient composées de 350.000 militaires d’active, et 320.000 réservistes opérationnels, soit un budget de 25Md€ par an, auxquelles s’ajoutent 5 Md€ de budget pour les civils de la Défense, et 5 Md€ par an pour les infrastructures.

Soit un budget total dédié à l’effort de Défense de 80 Md€ par an, représentant 3,5% du PIB actuel du pays. 

Les valeurs et chiffrages donnés dans ce paragraphe le sont à titre indicatif, afin d’illustrer le format potentiel d’une armée française ayant retrouvé un potentiel militaire mondial, et d’en évaluer le cout. Il ne s’agit nullement d’une analyse des besoins précis des forces armées, qui devront être définis par les Etats-Majors et le pouvoir politique.

Comment financer ce programme de 80 Md€ par an pendant 30 ans ?

La question semble, en effet, plus que pertinente. Cela fait des décennies que l’on explique en boucle que l’Etat doit réduire ses dépenses, se désendetter, cet argument ayant en grande partie servi de justification à la baisse des crédits alloués à l’effort de Défense. Pour y répondre, nous procéderons en deux temps…

Dans un premier temps, nous allons étudier les effets économiques de cet investissement dans le pays. En effet, une des caractéristiques unique de l’investissement de Défense, repose sur son efficacité du point de vue économique, largement supérieure aux autres investissements d’Etat. Et ceci pour une raison simple : sa très faible exposition aux importations, même dans son réseau de sous-traitance.

En effet, selon plusieurs études de terrain, comme selon le calcul théorique issu de la doctrine Défense à Valorisation Positive, ont montré que l’investissement dans l’industrie de Défense française générait en moyenne 10 emplois directs, 7 emplois indirects de sous-traitance, et 5 emplois induits de consommation, par million d’euro annuel investi. Or, un emploi génère des revenus connus pour le budget de l’état, comme les 22.000 € euro annuels de cotisations sociales moyennes, et les 6000 € de taxes et impôts payés par le salarié. A cela s’ajoute les économies faites vis-à-vis des indemnisations chômages et des couts d’accompagnement des chercheurs d’emploi, en moyenne 24.000 € par an pour l’Etat, qui ne seront plus payés si l’individu retrouve un emploi. De fait, les 22 emplois par million d’euro investis dans l’industrie de Défense génèrent donc 22×52.000 soit 1.144 m€ par an par million d’euro investis. Et ceci sans tenir compte des effets positifs de l’évolution de l’offre française sur le marché export, ni sur les effets connexes en matière de valorisation de la dette liée à la croissance induite.

Les 30 Md€ par an d’équipement, et les 15 Md€ de couts industriels de maintenance, déduits des 20 Md€ déjà investis actuellement dans ce domaine, génèreront donc 25.000x 22 = 550.000 emplois, dont 200.000 emplois dans la seule BITD nationale. Ces emplois générés créeront à leur tour 28 Md€ de solde budgétaire pour l’Etat, pour un cout de 25 Md€, soit un très logique « bénéfice d’état » de 3 Md€ par an.

Les 30 Md€ consacrés aux emplois de la défense, soit une hausse de 12 Md€ vis-à-vis du budget actuel, génèreront eux 150.000 postes de militaires, et 20.000 postes de civils de la Défense.  Ces 170.000 postes génèreront un taux de retour budgétaire inferieur au taux industriel, les prélèvements variant entre les systèmes, et l’application du chômage sur les jeunes engagés étant moins systématique. Le retour budgétaire global est donc estimé à 50% de la somme dépensé, soit 6 Md€, pour 150.000 postes de militaires, 20.000 postes de civils de la Défense, et 60.000 emplois induits.

Enfin, le budget de 5 Md€ par an indispensable pour la refonte des infrastructures militaires se ventilera directement dans l’acquisition de bien foncier (50%), et des prestations de bâtiments et de voieries, ces 50%, représentant 50.000 emplois soit 2,6 Md€ de solde budgétaire.

De fait, le passage d’un effort de Défense de 35 Md€ à 80 Md€ entrainerait :

  • une hausse des dépenses de l’Etat de 45 Md€ par an
  • La création de 550.000 emplois industriels et civils
  • La création de 150.000 postes de militaires et 20.000 postes de civils de la Défense, 
  • La création de 50.000 emplois liés aux travaux d’infrastructure sur tout le territoire
  • La création d’un solde budgétaire de 40 Md€

Soit un cout effectif annuel de seulement 5 Md€, pour passer du statut de puissance régionale déclinante, au statut de puissance mondiale montante, tout en réduisant le chômage de 35%. A noter, encore une fois, que l’augmentation des investissements dans l’industrie de Défense, comme l’augmentation de la puissance militaire française sur la scène internationale, augmenteront mécaniquement l’attractivité de l’offre d’équipements de Défense français sur la scène internationale, avec, à la clé, des recettes budgétaires très probablement supérieures au surcout de 5 Md€ par an identifié.

Les effets socio-économiques et politiques induits

Les données employées sont issus sur la base de plusieurs rapports d’Etude régionaux, et développé sous forme de doctrine, la Défense à Valorisation Positive. Mais, au delà des effets directs constatés, de nombreux effets indirects et induits, plus difficiles à modéliser, entoureront la mise en œuvre d’un tel programme. Ainsi, la création de plus de 200.000 emplois industriels génèrera l’émergence de plusieurs dizaines de pôles industriels, auxquels s’ajouteront la centaine de bases militaires à ouvrir ou ré-ouvrir sur l’ensemble du territoire pour absorber les 150.000 militaires supplémentaires. Le potentiel en matière d’aménagement du territoire, est, évidemment, très important, avec à la clé, d’importants effets politiques.

Parallèlement aux investissements de l’Etat, les industriels, faisant face à un plan d’équipement ferme structuré dans la durée, pourront eux aussi investir, tant dans la formation des personnels recrutés, que pour de nouvelles infrastructures industrielles, agissant tel un coefficient multiplicateur de l’investissement de l’Etat durant les 10 premières années. Ces investissements, et la puissance financière retrouvées des groupes français de Défense, agiront comme un puissant levier pour promouvoir la BITD[efn_note]Base Industrielle et Technologique Défense[/efn_note] nationale en Europe, de sorte à consolider la BITD européenne, dans des conditions favorables. 

Enfin, les nouveaux équipements proposés, comme les capacités de production modernisée, et la puissance militaire du pays, amélioreront nettement l’attractivité des équipements de Défense français sur la scène internationale, même face aux Etats-Unis ou à la Chine. La prise en compte de la doctrine DVP[efn_note]Défense à Valorisation Positive[/efn_note] pourrait même donner un avantage concurrentiel très important aux industriels français à l’export, avec des modèles de financement et des tarifs très attractifs.

Du point de vue politique, outre l’élan nationale donné par une telle ambition, la baisse du chômage cumulée à une croissance induite très sensible et la suppression des déficits sociaux, ainsi que les effets d’un aménagement du territoire visible, apaiseront la grogne sociale pour partie, d’autant que les recettes non comptabilisées, comme celles liées aux exportations, pourraient être attribuées à la baisse des prélèvements. L’ensemble de ces points pourraient même, dans un contexte international favorable, contribuer à améliorer la solvabilité de la dette nationale, et donc à baisser son cout sur les finances publiques. A contrario, dans le cas d’une crise économique, ces différents points forts économiques et sociaux pourront renforcer la résilience française face à d’autres pays, agissant comme un pôle de stabilité là ou les autres pays affronteront de graves difficultés.

Conclusion

Nous l’avons vu, la France a les moyens, tout au moins financiers, pour retrouver son statut de puissance militaire ayant un rôle déterminant sur la géopolitique mondiale. Il est, à ce titre, intéressant de constater que les difficultés et limitation du modèle présenté relèvent bien davantage des problématiques de recrutement et de formation, tant pour les industriels que pour les militaires, que du modèle budgétaire et financier, pourtant présenté depuis des décennies comme l’élément restrictif justifiant le format réduit de la Défense française aujourd’hui. Certains modèles, comme le Socle Défense, apportent, à ce titre, des solutions pour traiter ces difficultés de recrutement et de formation, comme pour faciliter le démarrage d’un tel programme sans impact négatif sur les équilibres budgétaires de l’Etat.

Quoiqu’il en soit, désormais, la France pourrait, et devrait, accroitre ses investissements de Défense de sorte à retrouver une puissance militaire et industrielle suffisante pour défendre ses intérêts, et pour donner corps à l’Europe de la Défense. Reste que, pour y parvenir, à accepter de se poser les bonnes questions, d’avoir la volonté d’y apporter des réponses applicables et efficaces …

Après le risque Brexit, Airbus fait face au risque allemand

La position allemande face aux exportations de systèmes d’armes vers l’Arabie Saoudite suite à l’affaire Khashoggi pose de sérieux problèmes à l’ensemble de la BITD européenne, déjà fragilisée par les possibles conséquences d’un BREXIT dure et l’instrumentalisation de la réglementation ITAR par l’administration et l’industrie US.

Outre le consortium eurofighter et le missilier MBDA, dont la vente de 48 avions de combat Typhoon et de missiles Météor est bloquée par l’intransigeance du gouvernement allemand, c’est au tour d’Airbus qui, par la voit de son président Tom Enders, a annoncé qu’il entamerait la « dé-germanisation » de certains de ses produits, comme par exemple l’avion de transport C-295. Selon ses déclarations, d’autres appareils seraient en train de subir le même processus, notamment des hélicoptères bloqués à l’exportation en raison d’un très petit nombre de composants produits en Allemagne.

En dépit des accords signés avec la France au sujet d’une limite de l’applicabilité d’un embargo allemand en deçà de 20% de composants produits en Allemagne pour un équipement donné, c’est avant tout un problème de politique interne qui est à l’œuvre en Allemagne aujourd’hui. Par nature contraint par des alliances gouvernementales, le gouvernement allemand est l’objet d’une certaine forme de radicalisation des positions de chaque partie de gouvernement, de sorte à exister dans la politique du pays. Ainsi, le SPD, allié de la CDU d’Angela Merkel, s’arque-boute de plus en plus sur des positions « antimilitaristes », refusant ainsi l’augmentation déjà modérée à 1,5% du PIB d’ici 2025 de l’effort de Défense du pays, et est le plus féroce adversaire de la levée de l’embargo contre l’Arabie Saoudite.

La solution pour se prémunir contre les conséquences potentiellement catastrophiques de la versatilité allemande dans ce domaine, tout en maintenant l’ambition d’une importante coopération industrielle à l’échelle européenne, ne réside pas dans des accords entre états largement soumis à appréciations et contenant leurs propres sujets de discorde, mais par une approche conceptuelle modulaire des équipements, permettant à chaque acteur de faire valoir ses positions politiques aux yeux de son opinion publique, sans entraver l’exécution d’un contrat considéré comme stratégique pour son ou ses partenaires, ne partageant pas la même lecture des évènements et de la réponse à y apporter.

La Russie s’apprête à proposer le Su-57 à l’export pour contrer le F-35

Aujourd’hui, le seul appareil identifié comme de « 5eme génération » disponible sur le marché international est le F-35 de l’américain Lockheed. Si les Etats-Unis ne s’économisent guère pour promouvoir leur appareil auprès de leurs alliés, il agit également comme levier technologique dans les politiques régionales, selon qu’un pays dispose ou non de l’autorisation d’exportation pour acquérir l’appareil. C’est le cas, par exemple, de nombreux pays du Golfe, dont l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis qui, bien qu’alliés des Etats-Unis, ne peuvent s’équiper de F-35 pour respecter l’avantage technologique contractuel que les Etats-Unis confèrent à Israël.

Et c’est précisément conscient de cette opportunité que la Russie a annoncé, par la voix de Vicktor Kladov, le directeur de la coopération internationale et des politiques régionales du consortium Rostec, qu’une version du Su-57, l’appareil de 5eme génération de facture russe, sera prochainement proposé sur le marché de l’exportation, à l’occasion du Langkawi International Maritime and Air, ou LIMA, qui se déroule cette semaine en Malaisie. Parmi les clients potentiels de l’appareil, le groupe russe identifie justement la Malaisie, l’Inde, et plusieurs pays du Golfe. On pourra également ajouter l’Egypte à cette liste, qui ne manquera pas de s’intéresser au potentiel de l’appareil russe, ainsi qu’évidemment, la Turquie, si l’exclusion du programme F-35 venait à se confirmer.

Les informations sur les capacités et performances exactes du Su-57 sont parcellaires, et non recoupées, d’autant que l’appareil n’évolue pas encore dans son standard opérationnel définitif, notamment en terme de moteurs. Il semble admis que sa furtivité sera nettement moindre que celle du F-35, et serait plus proche de celle d’un Rafale en configuration lisse, de l’ordre de 0,1m2 en secteur frontal. Mais l’avion russe sera loin d’être démuni, notamment grâce à une couverture radar à 360°, des soutes à munition de très grandes dimensions, une capacité d’emport de carburant importante lui conférant un rayon d’action très importante, et la fiabilité que représente la configuration bimoteur. Les travaux sont également en cours pour lui permettre d’évoluer en coopération avec le drone de combat Okoshnik, à être capable de mettre en œuvre le missile hypersonique Kinjal, ou le missile air)air à très longue portée R-37, conçu pour éliminer les avions ravitailleurs et awacs à plus de 300 km.

Quoiqu’il en soit, l’arrivé du Su-57 sur le marché international va probablement accélérer la redéfinition de la carte géopolitique mondiale, exercice dans lequel l’Europe sera singulièrement absente. Il est également probable que cela amènera la Chine à elle-même accélérer ses programmes furtifs exports, comme le FC-31. Enfin, cela rendra encore plus difficile le positionnement d’appareils comme le Rafale, le Typhoon, le F-18 et même le Su-35, pour peu que l’appareil russe parvienne à convaincre en matière de fiabilité, et de support industriel, deux domaines critiques ces dernières décennies pour l’industrie aéronautique russe, mais qui semble rapidement s’améliorer ces dernières années.

Une fois encore, l’impasse faite par la France et les Européens sur la 5eme génération, comme sur les appareils de combat légers, s’avère être un pari très risqué pour continuer à exister comme acteur majeur de l’industrie aéronautique de Défense dans les décennies à venir à l’échelle mondiale ..

Le F-16 aligne les succès commerciaux, loin du regard des constructeurs européens

Décidemment, le chasseur léger américain, dessiné dans les années 70 et modernisés sans relâche depuis, ne cesse d’aligner les succès commerciaux depuis quelques années. Après Taiwan qui souhaite acquérir 66 F16V, la proposition faite à New Dehli pour fabriquer une centaine de F-21, ultime version du F-16 spécialement conçu pour l’Indian Air Force, et après avoir fait main basse sur toutes armées de l’air européenne à l’exception des quelques pays capables de s’offrir des appareils à plus 80 m€ l’unité, c’est au tour du Maroc, de se préparer à passer commande d’une nouvelle tranche de 25 F16VC/D Block 72 accompagnée de la modernisation de 23 F16 au standard 52+, le tout pour un montant dépassant les 4 Md$.

Si les qualités de l’appareil américain n’ont plus à être démontrées, ce succès est en grande partie le fait de l’absence de combattant. En effet, à l’exception du JAS 39 Gripen, aucun appareil monomoteur moderne n’est en mesure de s’aligner en terme de prix et de performance face au F16 en occident. Or, l’avion suédois utilise un nombre important de composant, dont le moteur, en provenance des Etats-Unis, ou de Grande-Bretagne. Les négociations commerciales, et les licences d’exportation, en sont de fait très complexe à obtenir, d’autant que les Etats-Unis n’hésitent pas désormais à ouvertement mettre des entraves aux industriels européens.

Certes, un mirage 2000 modernisé aurait eu toute sa place dans cette compétition, et aura certainement sût convaincre plusieurs armées de l’air, l’avion étant très performant, économique, et très polyvalent. Mais Dassault, par crainte de voir l’Etat réduire la commande de Rafale en commandant des mirage 2000 modernisés, a choisit de condamner la chaine de production après l’échec en Pologne. Finalement, le nombre de Rafale aura tout de même été divisé par deux, et Dassault n’est plus en mesure de s’opposer aux F16V, laissant un boulevard à Lockheed pour toutes les armées de l’air peu fortunées.

Étonnamment, la leçon ne semble pas avoir été retenue. Ainsi, le SCAF franco-allemand n’intègre, en tout cas pour l’heure, aucune composante « légère », le mettant à la portée de ces mêmes armées de l’air, plus de 10 dans la seule Union Européenne. Difficile, dans ce cas, de vouloir faire de ce programme l’étendard de la coopération européenne en matière de Défense …

La Russie va développer une nouvelle génération d’hélicoptère « Hind »

L ‘hélicoptère de combat Mil MI-24, dénommé « Hind » dans la terminologie OTAN, a été un symbole de la puissance militaire soviétique pendant la guerre froide. Construit à plus de 2500 exemplaires, exporté dans plus de 60 pays, l’appareil a participé, au fil de ses évolutions et modernisations, à plus d’une dizaine de conflits majeurs, allant de la guerre d’Afghanistan à l’intervention russe en Ossétie du Sud. Contrairement aux concepts occidentaux, qui divisèrent les hélicoptères de combat comme l’Apache AH-64 et le Cobra AH-1, les ingénieurs soviétiques optèrent pour la configuration « GunShip », un hélicoptère fortement armé et blindé, et capable de transporter jusqu’à 8 hommes simultanément.

Dans les années 80, et 90, les industriels et militaires russes décidèrent de rejoindre les positions occidentales, en développant l’hélicoptère de combat Mil Mi-28 et le Kamov Ka-52. Parallèlement, et pour faire face à l’obsolescence des Mi-24 et aux délais de livraisons des nouveaux hélicoptères, une version modernisée du Hind, le Mi-35, a été conçu, avec pour seule ambition de faire la jonction avec les nouveaux appareils.

Mais depuis, l’engagement en Syrie a profondément fait évoluer les paradigmes et les doctrines russes, et le Hind a, semble-t-il, séduit les militaires. Ainsi, alors qu’il était destiné être progressivement retiré du service, le Mi-35 sera modernisé pour étendre sa durée de vie opérationnelle. 

Aujourd’hui, l’agence TASS annonce, citant une source proche du dossier, qu’un nouvel appareil, basé sur la structure du Hind, sera prochainement développé, pour devenir le cheval de bataille héliporté des forces russes. En l’absence de déclaration officielle et de recoupement crédible, il convient de rester prudent avec ces déclarations. Toutefois, elles corroborent les décisions prises pour étendre la durée de vie et les performances des Mi-35 suite à l’expérience Syrienne.

2 porte-avions nucléaires pour la Marine Nationale : Possible ? Comment faire ? Comment le financer ?

Lors de son audition par la commission Défense de l’Assemblée Nationale, l’amiral Jean-Philippe Rolland, commandant la Force d’Action Navale, a estimé que la construction d’un nouveau porte-avions couterait à la France « plus de 5 Milliards d’Euros », et encore davantage si l’option de la propulsion nucléaire était retenue.

Un tel investissement, dans les circonstances actuelles de tensions économiques et sociales, semble évidemment hors de propos. D’autant que, même si la Marine Nationale estime pouvoir mettre en œuvre un second porte-avions sans devoir augmenter son format aéronaval, d’escorteurs, de bâtiments logistiques et de sous-marins d’attaque, un tel ajout bénéficierait évidemment d’une nouvelle flottille de chasse, d’une frégate anti-aérienne et deux frégate anti-sous-marines supplémentaires, ainsi que d’un sous-marin nucléaire d’attaque en plus. Au final, l’investissement global, ainsi présenté, rend l’initiative inabordable, raison pour laquelle le problème a été postponé de septennats en quinquennats depuis le lancement du Charles de Gaulle.

Dans ces conditions, quels seraient les couts pour le budget de l’Etat d’une initiative visant à construire non pas un, mais deux porte-avions nucléaires, de sorte à assurer non seulement la permanence du groupe aéronaval, mais d’anticiper le retrait du service du Charles de Gaulle, qui interviendra d’ici 2035/2040 ?

Un bâtiment qui coute cher

Les « 5 milliards » auxquels fait référence l’Amiral Rolland se décompose en une phase d’étude de 1 milliard d’euro pour le porte-avions lui même, ainsi que les études des systèmes qui en feront une arme redoutée, comme ses systèmes de protection anti-aérienne, anti-missiles, anti-torpilles, ses systèmes de détection et de communication, ses systèmes de brouillage. A cela s’ajoute enfin les études concernant la propulsion nucléaire, pour un bâtiment dont on estime qu’il devra jauger plus de 60.000 tonnes. Ensemble, les études représentent donc 2,5 Md€ d’investissements.

La phase de construction s’étalerait sur plusieurs années (5 ans semble cohérent), pour un investissement de 3 Md€, dont 500 millions pour les catapultes acquises aux Etats-Unis, auxquels devront s’ajouter 0,5 Md€ pour la construction et l’adaptation des outils de production pour produire un bâtiment de ce type, jamais construit en France. Enfin, la phase de test et d’essais, ainsi que la gestion du cycle qualité, nécessite une dernière provision de 0,5 Md€. 

Un nouveau porte-avions nucléaire couterait donc 6,5 Md€ aux finances publiques, et 10 Md€ pour 2 unités. Sur 10 ans, cela représente donc un investissement de 1 Md€ par an.


Mais combien « rapporte-t-il » à l’Etat ?

Prenons dans notre étude le cas de la construction de 2 porte-avions nucléaires sur 10 ans, coutant 10 Md€ à l’Etat. Sur ce montant, 9 Md€ sont investis en France, soit 900 m€ par an.

Les effets sur l’emploi de l’investissement dans l’industrie de Défense, et notamment dans l’industrie Navale, ont donné lieu à plusieurs études, que ce soit dans le bassin d’emploi Lorient-Brest, que dans celui de Toulon. Il en ressort que pour un million d’Euro investi, se créent 10 emplois directs dans la BITD, 9 emplois de sous-traitance hors BITD, et 8 emplois induits, des emplois liés à la consommation des 19 emplois précédemment créés.

1 m€ investi génère 27 emplois

Un emploi à plein temps génère en France en Moyenne 22.000 € de taxes et cotisation sociale chaque année. En outre, la personne salariée paiera, en moyenne toujours, 6000 € de taxes chaque année, sous forme d’IR, de TVA etc.. Un chômeur coute, lui, 24.000 € par an aux organismes sociaux ainsi qu’à l’Etat, pour le paiement de ses indemnités et l’accompagnement dont il bénéficie pour le retour à l’emploi. Mis bout-à-bout, transformer un chômeur en salarié génère donc un solde budgétaire de 52.000 € pour l’Etat, qui compense aujourd’hui encore les déficits des organismes sociaux.

1 emploi génère un solde budgétaire de 52.000 € par an

En croisant ces informations nous constatons que les 900 m€ investis chaque année génèreront donc 24.300 emplois dont 9000 emplois directs, 8100 emplois indirects et 7200 emplois induits. Ces emplois génèreront, à leurs tours, 1 263,2 millions d’euros de recettes sociales et fiscales. Notre investissement annuel étant égal à 1 milliard d’euro, le processus industriel génèrera donc un solde budgétaire positif de 263,2 m€.

Sur 10 ans, construire 2 porte-avions rapportera 2,5 Md€ à l’Etat


Et les avions, les escorteurs, les marins ?

Il ne suffit pas d’avoir un porte-avions pour avoir une Groupe aéronaval. Mais les bases de la démonstration faite précédemment pour la conception et la construction des 2 porte-avions s’appliquent à l’identique aux 6 Md€ nécessaires pour une nouvelle flottille de Rafale M, une nouvelle FREMM DA, 2 FTI et un Suffren supplémentaires. Les 600 millions d’investissement annuels généreront 16 200 emplois générant à leur tour 8 424 millions d’euro de retour budgétaire, soit un solde positif de 224 m€ chaque année.

Reste à former, et payer les équipages d’une telle flotte, soit 3000 marins, représentant un surcout de 200 millions d’euro en matière de solde et de couts de formation annuels, un chiffre très inferieurs aux 263,2 + 224 millions d’euro de solde budgétaire. Les 287 millions d’euro annuels de solde, auxquels il serait possible d’ajouter les impôts et taxes payés par nos 3000 nouveaux marins, représentent un montant suffisant pour acquérir les 6 Grumman E-2D Hawkeye nécessaires pour armer les 2 bâtiments, et remplacer les E-2C actuellement en service.


Pourquoi ne le fait-on pas ?

A ce niveau de la démonstration, vous devriez arriver à la question « mais qu’attend-on pour le faire ? », et de vous dire que si ce mécanisme n’est pas appliqué, c’est que, finalement, « ce n’est pas aussi simple »…

Malheureusement, l’application de cette doctrine, appelée Défense à Valorisation Positive, nécessite un changement radical de paradigmes de la part des instances politiques et administratives, un exercice bien difficile lorsque les gens en situation de décision sont, en règle général, issu d’un modèle qui sera justement remis en question par la DVP. Il faudra bien, cependant, qu’à un moment donné, la France cesse de se limiter à avoir des ambitions et des idées, et qu’elle se dote de moyens pour se défendre, et défendre ses alliés européens si le besoin venait à apparaître. 

Alors que les tensions internationales ne cessent de croitre, et que les meilleurs économistes sont de plus en plus nombreux à prédire une crise économique de la dette des Etats pour les années à venir, le renforcement des moyens militaires comme des moyens industriels de Défense devient indispensable. En tout état de cause, la conception, la construction et la mise en œuvre d’un second porte-avions avec son groupe aéronaval, et le remplacement à terme du Charles de Gaulle, sont économiquement à la portée des finances publiques, comme le serait le renforcement des 3 armées nationales. Il suffirait, pour cela, de changer de paradigmes …

L’axe Pékin-Islamabad-Ankara se renforce sous l’égide pakistanaise

Lorsque l’on évoque la possible rupture de ban de la Turquie vis-à-vis de l’OTAN et des Etats-Unis, il est coutume d’imaginer un rapprochement d’Ankara avec Moscou, considérant que le casus belli aura été l’acquisition de systèmes S-400 pour les forces ottomanes.

C’est cependant ignorer les efforts déployés par les autorités pakistanaises pour amener les autorités turques à participer à l’alliance militaire et économique de plus en plus solide qui lie le pays avec la Chine. En outre, dans le cas d’une opposition intense entre les Etats-Unis et la Turquie, seule la Chine serait en mesure de soutenir économiquement le pays pour éviter d’être broyé par les sanctions US. Pékin a déjà agit de la sorte, que ce soit vis-à-vis de la Corée du Nord, de la Russie, du Myanmar. D’autant que la Turquie, par sa position hautement stratégique, constituerait un pivot idéal pour contrôler l’extrémité occidentale des nouvelles routes de la Soie.

C’est dans ce contexte que la présence de forces turques et chinoises lors du défilé militaire du 23 mars à Islamabad, jours de la fête nationale pakistanaise, prend un sens particulier. D’autant que les autorités pakistanaises verraient d’un bon œil assumer le rôle de coordinateur entre les aspirations orientales et occidentales de cette alliance en construction, dépassant la construction du chasseur JF-17 sino-pakistanais, ou des hélicoptères Attak et corvettes Ada turcs.

L’hélicoptère de combat Mi-28NM va recevoir des missiles antichars à portée étendue

Une fois encore, l’expérience syrienne a été mise à profit par les armées et les industriels russes pour améliorer l’efficacité au combat des forces et équipements. L’hélicoptère MI-28M a été déployé à plusieurs reprises sur le théâtre syrien, et emportait en configuration standard le missile anti-char 9M120 Ataka-B, un missile radiocommandé dont la portée atteint 10 km. Or, les hélicoptères se retrouvent très exposés aux missiles anti-aériens et systèmes d’artillerie lors de la mise en œuvre de ces missiles, nécessitant une ligne de visée, et dont la portée réduite les met à distance pour ces systèmes.

C’est pourquoi le MI-28 va subir une cure de jouvence, pour être portée au standard NM, avec une nouvelle optronique, un blindage renforcé, des détecteurs de tirs et des moteurs plus puissant. Surtout, le nouvel hélicoptère sera doté d’un nouveau missile anti-char, identifié pour l’heure par le code « article 305 ».

Ce nouveau missile, d’après les informées recueillies, aura une portée maximale étendue à 25 km, et un autodirecteur infrarouge avec homme dans la bouclé, à l’image des fonctionnalités proposées par le missile français MMP de MBDA.

Avec ce nouveau système, le MI-28NM pourra prendre à parti des cibles blindées à distance de sécurité des systèmes SHORAD actuel et en cours de conception en occident, et pourra utiliser le masquage terrain pour être protégé des missiles sol-air à longue portée. Comme souvent en Russie, il s’agit là d’une solution simple et pragmatique pour maintenir un avantage tactique, même temporaire.

Sur la base des précédents correctifs apportés aux équipements déployés en Syrie, il est raisonnable d’estimer que le nouvel hélicoptère, et son nouveau missile, entreront en service d’ici 3 à 4 ans, faisant du Mi-28NM un système redoutable contre les blindés, notamment occidentaux, le cas échéant, et ce pendant plusieurs années.

La réactivité et le volontarisme dont font preuve industriels et militaires en Russie pour améliorer leur performance opérationnelles dans des délais courts sont aussi admirables qu’ils sont inquiétants pour nous, occidentaux, exposés que nous sommes à des délais beaucoup plus importants.