lundi, décembre 1, 2025
Accueil Blog Page 50

Militarisation de la jeunesse : les inquiétantes trajectoires chinoises et russes

La militarisation de la jeunesse semblait appartenir au passé, au sein des grandes puissances militaires mondiales, depuis l’effondrement de l’Union Soviétique et la fin de la guerre froide.

Toutefois, face aux difficultés anticipées en matière de démographie et de recrutement pour les armées, plusieurs pays ont entrepris, à nouveau, d’intensifier l’éducation nationaliste et militaire de leur jeunesse.

C’est en particulier le cas des deux plus importantes puissances militaires en trajectoire de confrontation avec l’occident aujourd’hui, la Fédération de Russie, et la République Populaire de Chine.

En effet, Pékin comme Moscou ont engagé, depuis quelques années, une intensification et une extension des programmes éducatifs, scolaires et périscolaires, visant à donner une formation militaire et paramilitaire à leur jeunesse, parfois dès la maternelle et l’école primaire.

Le mur démographique qui menace les armées russes et chinoises à moyen terme

Comme de nombreux pays développés, la Russie et la Chine souffrent d’une démographie problématique, avec une fertilité en berne, et une espérance de vie qui s’allonge, entrainant un important vieillissement de la population. Si ces trajectoires posent d’importants problèmes à venir en matière d’économie et de modèle social, ils sont, aussi, un puissant frein aux ambitions militaires affichées par leurs pouvoirs politiques respectifs.

La menace de la pyramide des âges chinoise

Ainsi, la pyramide des âges chinoise montre une structure, en 2040, avec une surreprésentation des tranches d’âge de 54 à 75 ans, en particulier face aux tranches de 20 à 44 ans.

Pyramide des ages Chine 2040
Pyramides des âges chinoises comparées en 2015 et 2040 (projection)

Ce faisant, la Chine devrait atteindre une population maximale de 1,450 milliards d’habitants en 2030, avant de la voir décroitre pour revenir sous les 1,300 milliards d’habitants, en 2060. La population en âge de travail, elle, passera de 911 millions en 2015, à 830 millions en 2030, et même 700 millions, en 2050.

Cette trajectoire est d’autant plus problématique, pour Pékin, que le voisin indien, lui, a une démographie très dynamique, qui atteindra 1,5 milliard d’individus avant la fin de la décennie, et 1,7 milliard en 2050. Surtout, à cette date, la population indienne, en âge de travailler, dépassera les 1,1 milliard d’individus, soit presque 60 % de plus que la Chine.

En outre, alors que la population chinoise en âge de rejoindre les armées tendra à diminuer rapidement dans les années à venir, de récents rapports en provenance de l’APL, indiquent que celle-ci rencontre d’importantes difficultés pour trouver des candidats répondant aux critères physiques exigés.

Ainsi, alors que l’APL recrute, à présent, 70 % de jeunes diplômés, il est apparu, depuis quelques années, que 60 % d’entre eux étaient inaptes physiquement, en partie en raison de très nombreuses fortes myopies.

La fertilité des femmes et l’effondrement démographique qui se profile en Russie

Les jeunes russes, quant à eux, sont en bien meilleure condition physique que leurs homologues chinois, et même occidentaux. En revanche, ils sont de moins en moins nombreux, au point de créer une épée de Damoclès sur l’avenir des armées du Kremlin.

Taux de fertilité en Russie
Taux de fertilité en Russie

Et pour cause : la fertilité des femmes russes s’est effondrée ces dernières années, passant de 1,78 enfant par femme en 2015, à 1,43 en 2024, après avoir atteint un plus bas historique de 1,2 en 2000.

Ce déficit de naissance n’est, par ailleurs, pas compensé par l’immigration dans le pays, avec un taux d’immigration net de 0,6 pour 1000 habitants en 2023, un taux en baisse constante depuis le début de la guerre en Ukraine. À titre de comparaison, ce taux était, en 2023, de 0,967 en France, de 1,74 en Allemagne, de 2,24 au Royaume-Uni et de 2,75 aux États-Unis, tous ces pays ayant une fertilité plus élevée, allant de 1,56 (RU) à 1,86 (Fr).

Conséquences pour la Russie, sa population, en âge de travailler, est aujourd’hui sur une trajectoire décroissante rapide, passant de 80 millions à 65 millions d’ici à 2050, ces projections ne prenant pas en compte le déficit démographique qui résultera de la guerre en Ukraine. La population du pays, elle, devrait stagner dans le meilleur des cas autour de 145 millions d’habitants d’ici à 2040, ou décroitre jusqu’à 133 millions, à cette même date.

Des initiatives politiques pour soutenir et relancer la natalité en Russie et en Chine

Face à cette menace parfaitement identifiée, Pékin comme Moscou ont entrepris d’engager de nouvelles réformes visant à relancer la natalité, pour tenter d’inverser ces courbes. Ainsi, dès 2006, Vladimir Poutine lança le programme « Capital Maternel », allouant à chaque couple une somme de 639 431 roubles (en 2021, soit 7400 euros) lors de la naissance du second enfant. Cette politique permit, un temps, d’inverser la chute de la natalité russe, jusqu’en 2015.

Militarisation de la jeunesse russe vladimir Poutine
Dès son arrivé au Kremlin en 2000, Vladimir a fait de la natalité et de l’éduction patriotique et militaire de la jeunesse russe, une priorité. C’est toutefois après l’annexion de la Crimée, et le debut de la guerre en Ukraine, que les points d’inflexion positifs ont été les plus marqués.

Toutefois, les incertitudes économiques et géopolitiques apparues avec les tensions avec l’occident, et le durcissement du régime de Vladimir Poutine, entrainèrent une nouvelle chute de cet indice, ininterrompue jusqu’à présent, alors qu’il passait sous la barre des 1,5 enfant par femme, en 2022.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, la natalité est devenue un enjeu stratégique pour le Kremlin, et Vladimir Poutine a annoncé, en décembre 2023, nouvelle politique de natalité, alliant incitation et répression, notamment en pénalisant « l’incitation à l’avortement ».

Pour autant, rien n’indique, à ce jour, que ces mesures sont en mesure d’altérer la décroissance constatée, ce d’autant que les conséquences de la guerre en Ukraine, sur les structures familiales russes, demeurent inconnues, en particulier pour les républiques de l’est, les plus fertiles, mais les plus pauvres, et celles qui procurent le plus de soldats aux armées engagées en Ukraine.

Marquées par la politique de l’enfant unique, les réactions de Pékin, aux défis démographiques qui se profilent, apparaissent beaucoup plus mesurées. Ainsi, ce n’est qu’en 2016 que cette politique a été abrogée. En 2021, tous les couples mariés ont été autorisés à avoir jusqu’à trois enfants.

Là encore, les effets de ces changements de politiques ne se font pas encore percevoir, d’autant que la population chinoise a été lourdement marquée par la crise Covid, et surtout par les difficultés économiques rencontrées dans le pays ces dernières années.

La montée en puissance de la militarisation de la jeunesse chinoise, pour accroitre l’attractivité des armées et la condition physique des jeunes chinois

De fait, l’Armée Populaire de Libération doit, aujourd’hui, anticiper une diminution sensible du vivier admissible de jeunes chinois pouvant servir sous les drapeaux. Afin de coller aux ambitions affichées par Pékin de se doter de la plus puissante armée mondiale en 2049, et certainement, même, avant cela, celle-ci doit donc augmenter simultanément le nombre de volontaires répondant à ses critères de formation, ainsi que la condition physique des jeunes chinois.

Militarisation de la jeunesse en Chine
Jeunes étudiantes chinoises lors de la formation paramilitaire d’état au corps à corps.

Pour ce faire, en 2018, les ambitions et les moyens attribués à la formation militaire et patriotique obligatoire de l’ensemble des lycéens et étudiants chinois, ont été sensiblement augmentés, alors qu’elle était, au même moment, étendue aux élèves des collèges.

Ainsi, tous les jeunes collégiens chinois reçoivent, depuis 2022, une formation de combat au corps à corps, alors qu’une part croissante d’entre eux, reçoit également une formation en matière de pilotage de drones FPV. En outre, tous sont exposés à des formations patriotiques de plus en plus intensives, dans le but avoué de créer une population de patriotes dévoués et fidèles au pays et au Parti communiste chinois.

En 2024, la formation a été étendue, pour expérimentation, auprès de presque 2500 écoles primaires, pour améliorer la sensibilisation et les compétences militaires des enfants. « Si vous recevez une éducation à la défense nationale le plus tôt possible, qu’il s’agisse de la condition physique, de l’identité nationale ou de la construction d’une pensée patriotique, vous aurez une vision correcte sur la façon de protéger le pays » indique Lu Li-shih, ancien instructeur de l’académie navale chinoise.

Ainsi, tous les élèves de ces écoles vont recevoir, cette année, une formation, durant sept jours, aux techniques de combat, la formation militaire devenant, depuis un an, une composante à part entière du cursus éducatif chinois.

Au-delà des formations techniques, les jeunes chinois recevront une formation géopolitique, expliquant les menaces que font peser les États-Unis et leurs alliés, sur la légitime croissance chinoise, l’occident étant explicitement présenté comme la menace principale et existentielle qui fait face à la Chine. On imagine bien ce que de tels discours pourront produire sur les esprits malléables des enfants et adolescents, en Chine.

Un cursus paramilitaire intégré aux cursus secondaires traditionnels en Russie, tout en intensifiant l’éducation nationaliste dès la primaire

La situation n’est pas moins préoccupante en Russie. Ainsi, en 2024, le Kremlin a alloué 511 m$ au programme « Éducation patriotique des citoyens de la Fédération de Russie« , alors que celui-ci n’était que de 50 m$ en 2014. Ces fonds sont répartis vers différentes organisations paramilitaires étatiques, comme le « Mouvement du Premier« , « L’Armée de la jeunesse« , le « Big Change » ou encore le mouvement « Eaglets of Russia« .

Militarisation de la jeunesse russe
Entrainement au combat des jeunes écoliers russes

Ces associations de jeunesse patriotiques avaient disparu du paysage russe après l’effondrement du bloc soviétique. Elles sont réapparues, mais discrètement, dès l’arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin, en 2000, et ont suivi une courbe ascendante depuis, avec deux pics de croissance notables, après l’annexion de la Crimée, en 2014, et le début de la guerre en Ukraine, en 2022.

Depuis deux ans, cependant, cette formation paramilitaire est entrée de plain-pied dans les écoles et universités russes, avec un caractère obligatoire intégré aux différents cursus de formation.

Comme en Chine, les jeunes collégiens, lycéens et étudiants russes, recevront donc une formation au combat au corps à corps, ainsi qu’une instruction sur les objectifs du pays, et les devoirs du citoyen, notamment en termes de natalité. Ainsi, les jeunes filles russes sont désormais formées pour avoir au moins trois enfants, tout en visant des familles de huit enfants. La dévotion à la patrie, le nationalisme et l’obéissance à l’état font, aussi, pleinement partie de cette formation, qui arrivera, bientôt, dans les écoles primaires.

Conclusion

On le voit, la collision entre les ambitions militaires et géopolitiques des dirigeants russes et chinois, avec la réalité démographique qui menace ces deux pays, a créé le cadre d’une initiative, si pas commune, en tout cas particulièrement proche, pour faire entrer la formation militaire et patriotique dans les écoles, de la primaire jusqu’à l’université.

Formation patriotique russie
Outre la formation militaire, les jeunes russes reçoivent une intense formation « Patriotique ».

Le discours et la nature des formations données à ces jeunes esprits, n’est pas sans rappeler d’autres initiatives comparables, par le passé, ayant le plus souvent engendré des désastres, pour leurs voisins, et surtout pour la jeunesse de leurs propres pays.

Reste que ces politiques, peu visibles, créent une trajectoire belliqueuse croissante pour ces deux pays, qui n’avaient pourtant vraiment pas besoin de cela pour représenter, déjà, l’épicentre des préoccupations et inquiétudes géopolitiques mondiales.

Ce d’autant que les pays occidentaux, désignés comme l’adversaire, voire l’ennemi, aux jeunes russes et chinois, ne se livreront jamais à telles dérives (ou du moins, peut-on l’espérer), alors que leurs armées, comme celles de ces deux pays, font également face à d’importantes difficultés en matière d’effectifs.

GERAN-2, Du missile low cost à la munition rôdeuse

Article proposé par CERBAIR, le spécialiste de la lutte anti-drone.

Le Shahed 136, à l’origine du drone russe Geran-2, a été conçu en Iran, et est entré en service en 2020. Cet engin simple mesure 3,5 m de long et 2,5 m de large avec une aile delta. Il pèse au maximum 240 kg et transporte une charge militaire de 50 kg.

CERBAIR Logo

Sa structure composite en nid d’abeille est propulsée par un moteur à piston MD 550, 4 cylindres de 50 CV. Conçu initialement en Allemagne, ce moteur est désormais produit en Chine et en Iran. Une hélice bipale assure sa propulsion. Il atteint une vitesse maximale de 185 km/h et son autonomie, sujette à caution, serait de 2500 km.

Cependant, il a démontré sa capacité à voler sur 1700 km lors de l’opération « Promesse honnête » dans la nuit du 13 au 14 avril 2024. En matière d’électronique, le Shahed 136 utilise une navigation par GNSS et une centrale inertielle. Certaines sources suggèrent la présence d’un capteur optique ou d’un récepteur radar pour une meilleure précision, mais cela reste non vérifié.

En réalité, le Shahed 136, bien qu’il soit souvent présenté comme une munition rôdeuse, fonctionne plutôt comme un missile de croisière économique. Il est lancé uniquement contre des cibles fixes avec des coordonnées programmées à l’avance.

Son coût unitaire, très abordable, est estimé entre 10 000 $ et 50 000 $, selon les sources et que l’on parle de son coût de construction ou de son prix de vente. À partir de septembre 2022, le Shahed 136 sera exporté vers la Russie, qui l’utilisera massivement contre l’Ukraine. Rapidement, il sera produit sous licence en Russie sous le nom de Geran-2.

Les premières modifications russes du drone Shahed-136

La production russe s’est rapidement distinguée des modèles iraniens. Tout d’abord, la structure extérieure est désormais en fibre de verre renforcée par une fibre de carbone entrelacée, remplaçant la structure en nid d’abeille. Cette modification vise probablement à faciliter l’industrialisation à grande échelle. Ensuite, plusieurs améliorations ont été apportées à l’électronique.

Notamment, l’unité de navigation par satellite a été remplacée par un modèle «Kometa-M» fonctionnant avec la constellation Glonass. La production russe s’est rapidement distinguée des modèles iraniens.

Capture decran 2024 07 15 a 15.53.05 Drones et Robotique militaires | Actualités Défense | Annonces Partenaires

Structure en nid d’abeille des Shahed 136

Ensuite, plusieurs améliorations ont été apportées à l’électronique. Notamment, l’unité de navigation par satellite a été remplacée par un modèle «Kometa-M» fonctionnant avec la constellation Glonass. Ce modèle, produit en Russie, dispose d’antennes plus résistantes au brouillage et est utilisé également sur les drones Forpost-R et Orlan-10. De plus, le contrôleur de vol a été modifié avec l’adoption du B-101, également produit en Russie.

Capture decran 2024 07 15 a 15.53.16 Drones et Robotique militaires | Actualités Défense | Annonces Partenaires

Structure fibre de verre renforcée avec une fibre de carbone entrelacée sur le Geran-2

Globalement, la version russe a simplifié la conception du Shahed d’origine tout en améliorant la répartition des masses des systèmes électroniques, ce qui a conduit à une meilleure stabilité de vol. Une partie de l’électronique a été améliorée avec des sous-ensembles produits en Russie, bien que certains composants proviennent encore d’Occident. La charge militaire a également été modifiée par la Russie, adoptant une charge à éclats plus efficace contre les infrastructures.

Par la suite, le Geran-2 a été recouvert d’une peinture noire, probablement pour le rendre moins visible de nuit. Bien que sensiblement amélioré par rapport à la version initiale produite en Iran, le Geran-2 reste un missile de croisière à faible coût. Relativement facile à abattre pour la défense sol/air, il n’en épuise pas moins les défenses anti-aériennes et peut les saturer par son nombre.

Nouvelles améliorations du Geran-2

À partir de mars 2024, une nouvelle version du Geran-2 a été retrouvée en Ukraine. Les modifications apportées sont bien plus importantes que sur les modèles précédents. Tout d’abord, la charge militaire est passée de 50 à 90 kg. Le repositionnement de certains équipements a permis de dégager l’espace nécessaire pour cette charge militaire plus importante.

Cette augmentation de la charge utile s’accompagne probablement d’une diminution substantielle de l’autonomie. Bien que l’ampleur de cette baisse ne soit pas connue, il est probable que le Geran-2 conserve une autonomie supérieure à 1000 km. Cela reste largement suffisant pour frapper l’ensemble du territoire ukrainien, aucun point de l’Ukraine n’étant à plus de 600 km d’une zone contrôlée par les forces russes. Cette portée permet également de tirer à une bonne distance de la frontière, offrant ainsi une relative sécurité.

Capture decran 2024 07 15 a 15.53.27 Drones et Robotique militaires | Actualités Défense | Annonces Partenaires
GERAN-2, Du missile low cost à la munition rôdeuse 16

Évolution de l’architecture du Geran-2 pour accepter l’augmentation de charge militaire

Les charges militaires ont été adaptées avec le développement de deux types spécifiques pour le Geran-2 : une charge thermobarique et une charge à fragmentation hautement explosive.

Capture decran 2024 07 15 a 15.53.34 Drones et Robotique militaires | Actualités Défense | Annonces Partenaires

Charge militaire de 90 kg intégrée dans le Geran-2

Ensuite, au niveau de la navigation, outre le système «Kometa-M» qui offre une meilleure résistance au brouillage GNSS, il a été découvert que des traceurs de signal GSM avec une carte SIM de l’opérateur «Kyivstar» sont également utilisés. Cela permet au Geran-2 d’exploiter la géolocalisation basée sur les positions des antennes de téléphonie mobile (GSM).

Cette méthode de géolocalisation offre une précision d’environ 200 m dans les zones urbaines bien pourvues en antennes relais, mais elle peut être moins précise, atteignant plusieurs kilomètres, dans les zones rurales. Cette capacité permet à l’engin de détecter les zones de brouillage et de «spoofing» des signaux GNSS.

Les informations peuvent ensuite être renvoyées aux forces russes via le réseau crypté «Telegram» grâce au modem 4G intégré. Sur certains Geran-2, la présence d’une caméra «PTZ» issue du commerce a également été observée.

Elle permettrait de renvoyer des photos de certaines zones directement via le réseau « Telegram ». Il n’est pas certain que ce soit une évolution de série, car tous les Geran-2 de nouvelle version ne semblent pas en être équipés. Cela pourrait concerner uniquement quelques exemplaires affectés à des missions spécifiques.

Capture decran 2024 07 15 a 15.53.45 Drones et Robotique militaires | Actualités Défense | Annonces Partenaires

Installation d’une caméra «PTZ» sous l’aile d’un Geran-2

Outre un modem 4G, des moyens de communication séparés, de production russe et chinoise, ont également été retrouvés. Parmi eux, on trouve notamment les modules de transmission SFGT-HF0505UF et XK-F403E-150 d’origine chinoise, ainsi que le NWAVE TRX-8D d’origine russe. Leurs caractéristiques sont similaires :

SFGT-HF0505UFXK-F403E-150NWAVE TRX-8D
Puissance5W2WRéglable : 0,01 / 0,1 / 1 / 5 W
Fréquence1,4 Ghz800 MHz – 1,4 Ghz2 Ghz – 2,5 Ghz
Bande passante instantanée1/2/5/10/20/40 Mhz3/5/10/20 Mhz80/40/20/10/5 Mhz
Portée max de transmission250 km150 km240kmà 50Mbps
CryptageAES 128 ou 256AES 128 ou 256
ModulationOFDM et évasion de fréquence FHSSOFDMOFDM et évasion de fréquence FHSS
Poids800 g470 g300 g

On retrouve également des encodeurs vidéo permettant de transmettre en temps réel le flux de la caméra. L’ensemble est compatible avec la station de contrôle « Set-1 Sector » du drone « Supercam ». En pratique, cela permet de maintenir la liaison de données jusqu’à 100 km de la station de contrôle, distance qui peut être doublée par l’utilisation d’un drone aérien relais.

https://armyrecognition.com/focus-analysis-conflicts/army/conflicts-in-the-world/russia-ukraine-war-2022/russia-uses-new-shahed-136-drone-with-video-camera-to-spy-ukrainian-rear-lines

Conséquences opérationnelles

De missile de croisière « du pauvre », le Geran-2 s’est transformé en munition rôdeuse et en plateforme de renseignement. Les évolutions du Geran-2 permettent aux Russes de cartographier les zones de brouillage et de spoofing GNSS sans affecter fondamentalement le système, grâce à la navigation par positionnement GSM. En suivant en quasi-temps réel leur trajectoire, les forces russes peuvent également modifier dynamiquement leur itinéraire pour éviter les zones de défense sol/air et adopter des trajectoires complexes.

Capture decran 2024 07 15 a 15.53.53 Drones et Robotique militaires | Actualités Défense | Annonces Partenaires

Trajectoire complexe d’un Geran-2

La connectivité 4G permet également aux Geran-2 de recevoir des images de points spécifiques, même profondément à l’intérieur du territoire ukrainien, et d’alimenter ainsi leur chaîne de renseignement.

Ainsi, même les Geran-2 abattus fournissent des informations précieuses sur la présence de systèmes sol/air. La liaison radio directe permet de les utiliser comme munitions rôdeuses sur une bande de territoire de 100 à 200 km de profondeur, offrant ainsi un niveau tactique permettant de cibler des objectifs d’opportunité.

Évolutions futures

Capture decran 2024 07 15 a 15.53.59 Drones et Robotique militaires | Actualités Défense | Annonces Partenaires

Vue d’artiste d’un Geran-2 remorquant un leurre

La presse russe mentionne également une étude en cours : la possibilité, pour les Geran-2, d’emporter un leurre remorqué constitué d’une lentille de Lüneberg, permettant d’augmenter la signature radar. En attirant les missiles sur le leurre, cela réduirait l’efficacité de la défense anti-aérienne ukrainienne. Ces Geran-2 seraient utilisés à des altitudes de vol plus élevées pour obliger les défenseurs à recourir à des systèmes anti-aériens plus performants, donc des missiles plus coûteux.

L’idée sous-jacente est de provoquer un épuisement plus rapide des stocks de missiles des défenses sol/air en diminuant la probabilité de toucher les Geran-2 grâce à ce leurre remorqué.

La guerre en Ukraine marque une évolution. Après la SEAD (Suppression of Enemy Air Defenses) et la DEAD (Destruction of Enemy Air Defenses), qui ont montré leurs limites face à des défenses denses et nombreuses, nous assistons peut-être à l’émergence de l’ADD (Air Defense Depletion).

Le Geran-2 russe n’a plus grand-chose à voir avec son parent le Shahed-136, ne conservant guère que la motorisation et la configuration aérodynamique. Pour le reste, les ingénieurs russes l’ont transformé en une plateforme polyvalente capable de servir à la fois de missile de croisière «low cost», de munition rôdeuse et de cible pour épuiser la défense sol/air.

Bien que la plate-forme se soit complexifiée, le processus de production adopté par la Russie devrait permettre de limiter l’augmentation des coûts. En adoptant un modèle de production industrielle avec une fabrication en série, il est prévu de construire 8 000 de ces engins en 2024.

Le coût unitaire devrait rester dans une tranche de 20 à 30 000 dollars au maximum. Il est même possible que ce coût diminue avec une augmentation de la production. Si l’industrie automobile est capable de produire des centaines de milliers d’exemplaires d’un même véhicule chaque année, on peut envisager la même chose pour le Geran-2.

De plus, il n’est pas certain que tous les Geran-2 soient munis de l’ensemble des équipements. Certains restent probablement de simples missiles de croisière bon marché, suffisants pour des missions de frappe en profondeur et de saturation. Le Geran-2 est devenu, à lui seul, une gamme de vecteurs qui, bien que simple de conception, permet de couvrir un ensemble de besoins complémentaires.

Retrouvez tous les actualités sur la lutte antidrone sur le site CERBAIR.COM – Les analyses et arguments exprimés ne représentent pas la position de Meta-defense.

CERBAIR Logo

Avec le programme MDACS, l’US Army va expérimenter l’artillerie anti-aérienne de 155 mm

Il y a quelques mois, l’US Army annonçait le lancement d’un programme baptisé MDACS, devant remettre l’artillerie antiaérienne au cœur du mix antiaérien, antimissile et antidrone américain. Il s’agissait, alors, de faire la synthèse des technologies développées par l’US Navy et l’US Air Force, pour un développement rapide et peu risqué.

On en sait désormais plus au sujet de ce nouveau système antiaérien. En effet, l’armée américaine entend, pour cela, employer un canon de 155 mm, monté sur un véhicule sur roues, et armé de l’obus HVP (Hyper Velocity Projectile) conçu pour le programme de Rail Gun de l’US Navy, abandonné il y a quelques années. Et tout cela, avant la fin de la décennie !

Pourquoi le missile s’est-il imposé face au canon antiaérien ?

L’annonce faite par le Rapid Capabilities and Critical Technologies Office (RCCTO) de l’US Army, a, évidemment, de quoi surprendre. En effet, jusqu’il y a peu, l’US Army semblait ne jurer que par le missile antiaérien, et les armes à énergie dirigée comme les lasers à haute énergie, pour assurer, dans les années à venir, la défense antiaérienne, antimissile et antidrone de ses unités et infrastructures.

M247 Sergeant York canon antiaérien
M147 Sergeant York de l’US Army

Certes, celle-ci a récemment admis au service le système M-SHORAD, conçu autour d’un canon antiaérien de 30 mm. Pour autant, depuis le retrait des M247 Sergeant York, l’US Army s’était exclusivement reposée sur le Stinger, le Patriot et, surtout, sur la flotte de chasse de l’US Air Force et de l’US Navy, pour assurer sa défense aérienne.

Le canon antiaérien n’avait, de fait, plus voix au chapitre au sein des armées US, depuis le début des 70. Il est vrai qu’avec l’arrivée des jets, capables de voler beaucoup trop haut, et trop vite, pour les canons, le missile semblait s’imposer, un temps tout du moins. Paradoxalement, avec l’arrivée des premiers missiles à moyenne portée, comme le Nike Hercule et le SA-2, et les versions tactiques Hawk et SA-6, les avions de combat ont dû réinvestir les couches basses, ce qui aurait dû, logiquement, les mettre à portée de la DCA canon.

Toutefois, plutôt que de se tourner à nouveau vers cette solution, l’US Army privilégia les systèmes tout missile. En effet, si les canons de DCA s’avèrent effectivement performants contre des avions, voire contre des missiles, évoluant à basse altitude et à vitesse subsonique élevée, leur portée, en revanche, représente un sérieux handicap, lorsqu’il est nécessaire d’opacifier un espace aérien.

À titre d’exemple, le Skyranger 30 de Rheinmetall, qui aujourd’hui séduit plusieurs forces aériennes, ne peut protéger qu’un espace aérien de 25 km², là où un Patriot, avec une portée de 150 km, protège 35 000 km² d’espace, pour une unique batterie, au delta près de l’horizon électromagnétique et du relief.

Skyranger 30 Rheinmetall
Skyranger 30 de Rheinmetall

Il faudrait, donc, logiquement, 1400 Skyranger pour protéger le même espace aérien, soit 6000 hommes, soit une brigade complète, contre une batterie et une vingtaine d’hommes, pour le Patriot. De fait, même si le Patriot est 50 fois plus onéreux que le Skyranger, il nécessite presque 6000 hommes de moins, pour protéger le même espace aérien, ce d’autant que la batterie Patriot peut effectuer de la défense antibalistique et haute altitude, inaccessible aux canons aujourd’hui.

On comprend, dans ces conditions, pourquoi le missile s’est à ce point imposé au détriment du canon antiaérien, surtout au sein des forces armées professionnalisées, comme l’US Army, pour lesquelles le paramètre des ressources humaines s’avère déterminant.

Drones, bombes planantes et missiles de croisière redistribuent les enjeux de défense aérienne

Ces dernières années, toutefois, l’arrivée de nouvelles munitions, a profondément bouleverser le statu quo qui mettait le missile au sommet de la chaine alimentaire de la guerre aérienne.

En effet, les missiles de croisière, d’abord, et surtout les drones d’attaque et les bombes planantes, plus récemment, sont des munitions pouvant être lancées à distance de sécurité, on parle de munition Standoff, pour garantir la sécurité du vecteur aérien, y compris contre les systèmes antiaériens de défense de zone, comme le Patriot, le SAMP/T ou le S400.

Shahed 136 Iran drone d'attaque
Drones d’attaque Shahed 136 iraniens

En outre, ces munitions sont beaucoup moins onéreuses et longues à produire que les avions de combat jusqu’ici ciblés par les systèmes antiaériens. Avec les bombes planantes et les drones d’attaque, les munitions sol-sol ou air-sol, sont même beaucoup moins cher et plus rapide à produire, que les missiles antiaériens censés les intercepter.

Ils constituent, donc, une capacité de frappe pouvant, simultanément, attaquer les cibles ennemies, et forcer l’adversaire à vider son propre stock de missiles défensifs, le laissant sans protection, car saturé par ces attaques.

Longtemps, l’US Army semblait convaincue que la meilleure alternative, face à ce type de menaces, était l’utilisation d’armes à énergie dirigée, comme les lasers à haute énergie, et les canons à microonde.

Ces derniers mois, cependant, les essais concernant ces systèmes, en situation opérationnelle, ont montré leurs limites, notamment en matière de portée par météo défavorable (pour les lasers), et surtout de production d’énergie et de refroidissement. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que l’artillerie antiaérienne, retrouve l’intérêt perdu, au sein de l’US Army.

Avec le programme MDACS, l’artillerie antiaérienne à nouveau au cœur des préoccupations de l’US Army

Toutefois, les limitations initiales, obligeant à une densité de systèmes très supérieures à celle déployable par l’US Army, demeurait. La réponse du RCCTO, est apparu il y a quelques mois. Pour réduire cette contrainte RH, il fallait que les canons antiaériens, aient une portée bien supérieure. Et pour avoir une portée supérieure, ceux-ci devaient avoir un tube plus long, un calibre plus important, ou une munition spécifique plus planante.

Programme MDACS

On sait désormais que la solution de RCCTO, toute américaine, est de faire les trois à la fois. En effet, dans le cadre du programme Multi-Domain Artillery Cannon System (MDACS), celle-ci veut se doter d’un canon antiaérien de 155 mm et de 52 calibres, et employer l’obus hypersonique HVP développé dans le cadre du programme de Rail Gun de l’US Navy, pour constituer une solution d’artillerie antiaérienne mobile, car portée par un camion 6×6 (comme le caesar français).

Cette configuration n’est pas sans rappeler une expérimentation de l’US Air Force Lab de 2020, lorsqu’un M109 Paladin équipé d’un obus « hypersonique », peut-être le HVP, et intégré à une kill chain de défense aérienne, était parvenu à abattre un drone reproduisant le vol d’un missile de croisière.

Le tube de 155 mm et l’obus HVP pour contrer les menaces émergentes

Le RCCTO a ressemblé et acquis les licences d’exploitation de l’ensemble de ces programmes après de l’US Air Force et de l’US Navy, pour developper sa propre solution antiaérienne à moyenne portée centré autour d’un canon de 155 mm.

L’objectif, sans le moindre doute, est d’étendre suffisamment la portée du système, pour le rendre « soutenable », pour l’US Army, et ses propres contraintes RH. Ainsi, si la portée atteint 20 km, la surface protégée atteindrait presque 650 km², ramenant le besoin, pour couvrir un périmètre identique à celui du Patriot, à une cinquantaine de systèmes, soit 200 hommes, 30 fois moins que le Skyranger ou le M-SHORAD.

obus HVP
Obus Hyper Velocity Projectil HVP

Sur une ligne de défense double, pour opacifier en quiconque 300 km de ligne d’engagement, avec un recoupement de 5 km, il faudrait, seulement, 20 systèmes d’artillerie de 155 mm, pour couvrir une ligne identique à celle du Patriot.

Dans le même temps, le prix du tir, lui, serait bien plus faible que celui d’un missile Patriot, Nasams ou IFC, le rendant pertinent pour assurer la défense antimissile et antidrone, même contre les munitions rôdeuses et les bombes planantes.

Pour autant, aujourd’hui, en dehors d’un calendrier promettant le début des essais pour 2028, et une possible entrée en service en 2030, aucune information sur les performances attendues, ou sur le prix du tir, a été révélée.

Au mieux sait-on que parmi les enjeux technologiques à relever, il sera nécessaire de concevoir un système de chargement automatique suffisamment rapide pour soutenir la fonction antiaérienne sur un système de 155 mm, et que d’autres caractéristiques comme la profondeur du magasin, ou la vitesse de procédure de rechargement, font l’objet d’une attention spécifique.

Conclusion

Il faudra donc se montrer patient, pour en apprendre davantage sur l’ambitieux programme MDACS de l’US Army. Rappelons, en effet, qu’à de nombreuses reprises, certaines ambitions et certitudes avancées avec enthousiasme, en matière de programmes innovants des armées US, se sont au final révélées des impasses technologiques couteuses et, parfois, handicapantes.

XM1299 ERCA US Army
XM1299 avec tube de 58 calibres de l’US Army. Le programme a été abandonné il y a quelques mois, face à l’usure prématuré du tube lors des tirs.

Le calendrier de ce programme indique toutefois une certaine réorientation des moyens de l’US Army, privilégiant, semble-t-il, le développement rapide d’un système antiaérien cinétique, à celui des armes à énergie dirigée, pourtant largement plébiscitées pendant des années par le Pentagone.

Il semble bien que, comme dans le domaine des blindés, l’US Army s’est aujourd’hui recentrée sur la création de systèmes d’armes et de technologies réalistes, construites autour de programmes aux ambitions raisonnables, et sur des calendriers particulièrement courts, à mettre en lien avec les craintes concernant la Chine à partir de 2027.

Dans tous les cas, la multiplication des menaces formées par la création de stocks de missiles de croisière, drones d’attaque et bombes planantes, appelle certainement à une remontée en puissance, sur des délais courts, de systèmes d’artillerie antiaérienne de différents calibres, la seule alternative viable économiquement, suffisante opérationnellement parlant, et soutenable dans sa dimension RH, pour s’y opposer.

Rafale, Caesar, Scorpene : quand les armées ne voulaient pas des 3 stars des exportations françaises

Depuis une dizaine d’années, l’industrie de défense française est engagée dans une dynamique porteuse particulièrement efficace à l’exportation, l’ayant amenée sur la seconde marche du podium mondial, après les États-Unis, mais devant la Russie.

Si la France exporte une grande variété d’équipements, allant du missile antichar au sous-marin, en passant par l’obus d’artillerie et l’avion de chasse, trois équipements se démarquent et portent, en grande partie, la progression des exportations françaises de défense aujourd’hui.

Ainsi, le chasseur Rafale, le sous-marin Scorpene et le canon Caesar, font régulièrement les gros titres, en France comme ailleurs, pour leurs succès internationaux. Si, désormais, tous se félicitent de ces succès, qu’on attribue volontiers à l’innovation et la détermination française, peu savent, en revanche, que ces trois équipements ont eu des débuts pour le moins difficiles, lorsque les armées françaises n’en voulaient pas.

Les stars de l’exportation des équipements de défense français

Il est, aujourd’hui, incontestable que le Rafale, le Scorpene et le Caesar, portent, à eux trois, la dynamique d’exportation française en matière d’armement, grâce à des contrats qui se chiffrent en centaines de millions, voire en milliards d’euros, mais également en entrainant, avec eux, d’importants contrats d’équipements et de maintenance, ruisselant dans toute la BITD (Base Industrielle et Technologie Défense).

Rafale Qatar
Rafale, Caesar, Scorpene : quand les armées ne voulaient pas des 3 stars des exportations françaises 33

Ainsi, après une quinzaine d’années de vaches maigres et d’inquiétudes industrielles et politiques, le Rafale de Dassault Aviation, s’est imposé, avec 300 appareils commandés sur la scène internationale, comme le plus grand succès européen d’exportation d’avions de combat depuis le Mirage F1, dans les années 70 et 80, et comme l’avion de chasse moderne le plus exporté aujourd’hui, après le F-35 américain.

De même, le sous-marin Scorpene, avec 16 navires commandés (bientôt 19 avec la commande indienne) par 5 forces navales, dépasse déjà le précédent record français détenu par la Daphnée dans les années 60, et vient directement menacer le Type 214 allemand, successeur du Type 209 qui détient le record occidental de sous-marins exportés dans les années 80 et 90.

Le canon Caesar, enfin, est devenu le plus grand succès à l’exportation de KNDS France (Ex-Nexter Ex-GIAT), et le système d’artillerie moderne européen le plus exporté ces trente dernières années, ne cédant, à l’échelle de la planète, qu’au K9 Thunder sud-coréen.

Chose encore plus rare, pour un équipement français, le Caesar est en passe de s’imposer comme un équipement standard au sein de l’OTAN, alors que cinq forces armées européennes, en plus de la France, ont déjà signé des commandes en ce sens (Belgique, Estonie, Lituanie, République tchèque et France), et que deux autres ont signé des lettres d’intention en ce sens (Croatie et Slovénie).

Il est toutefois particulièrement intéressant de constater que ces trois équipements qui, aujourd’hui, portent les exportations françaises en matière d’équipements de défense, et qui rapportent plusieurs milliards d’euros de production industrielle export, chaque année, à la balance commerciale nationale, ont connu des débuts particulièrement difficiles.

En effet, les armées françaises, ou certaines d’entre elles, n’en voulaient pas !

La Marine nationale préférait le F/A-18 Hornet au Rafale M en 1993

Lorsqu’il est question des débuts difficiles du Rafale, et de ses différents échecs commerciaux de 1997 à 2015, au Maroc, au Brésil ou encore aux Pays-Bas, il est fréquent de se voir rappeler la phrase désormais ô combien « pas prophétique » du ministre de la Défense Hervé Morin en 2010, lorsqu’il jugeait l’appareil trop compliqué et trop cher pour pouvoir être exporté.

Mirage 2000-9 EAU
Rafale, Caesar, Scorpene : quand les armées ne voulaient pas des 3 stars des exportations françaises 34

Cette position ministérielle avait, il est vrai, à ce point inquiété Dassault Aviation, que l’industriel préféra sacrifier la ligne d’assemblage du Mirage 2000, après l’échec de l’appareil en Pologne, même si certains marchés potentiels se profilaient déjà en Europe de l’Est et en Asie, à moyen terme, pour le monomoteur français.

En effet, l’avionneur français craignait que le gouvernement français, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, abandonne le Rafale pour une version modernisée du Mirage 2000, comme pouvait l’être le Mirage 2000-9 vendu aux Émirats arabes unis.

Le fait est, en procédant ainsi, Dassault obligea le ministère de la Défense à respecter ses engagements de commandes minimum de Rafale, avec 11 appareils par an, pour maintenir la ligne de production active, jusqu’à la première commande Égyptienne, en 2015, suivie, depuis, par beaucoup d’autres.

Quelques années plus tôt, cependant, c’est bien le ministère de la Défense, et son locataire, François Léotard, qui sauvèrent le programme Rafale, plus spécifiquement, le Rafale Marine. En effet, en 1993, l’ensemble de l’état-major, rue Royale, n’avait qu’une idée en tête : sortir du programme Rafale, pour pouvoir acheter des F/A-18 Hornet américains.

Il est vrai qu’à ce moment-là, l’aéronavale française était face à une évolution très incertaine, en particulier à court terme. Ainsi, les deux porte-avions français, embarquaient toujours des chasseurs de troisième génération, le Super-Étendard d’attaque, le F-8 Crusader de supériorité aérienne, et l’Étendard-4P de reconnaissance.

FA 18 Hornet foch 1 Drones et Robotique militaires | Actualités Défense | Annonces Partenaires
Rafale, Caesar, Scorpene : quand les armées ne voulaient pas des 3 stars des exportations françaises 35

Ces appareils, mis en œuvre en Irak trois ans plus tôt, étaient alors largement dépassés face à une défense aérienne ou une chasse moderne, et face au groupe aérien embarqué américain, alignant F-14, F-18, A-6 et A-7.

De fait, lorsque l’US Navy proposa à la Marine nationale, une flotte d’une soixantaine de F/A-18 Hornet en occasion récente, pour le prix de moins de vingt Rafale M, tout l’état-major, ou presque, s’est mobilisé pour tenter de faire pression sur le ministère, et laisser le programme Rafale à la seule Armée de l’Air.

Or, le retrait de la Marine de ce programme aurait non seulement fait porter son développement sur la seule Armée de l’air, mais cela aurait, également, augmenté le prix unitaire de l’appareil, avec, à la clé, une réduction du volume de production. De fait, avec le retrait de la Marine, le programme Rafale pouvait, tout simplement, péricliter.

Le ministère de la Défense décida cependant de rejeter l’offre américaine, et de poursuivre le programme Rafale comme prévu. Notons qu’aujourd’hui, les Rafale M du premier lot, au standard F1, ont été portés au standard F3R multirôle, et volent toujours, alors que l’US Navy a retiré du service l’ensemble de ses Hornet.

Le Caesar, le système d’artillerie révolutionnaire conçu par GIAT dans le dos de l’Armée de terre

Si la Marine nationale a tenté de se retirer du programme Rafale pour se tourner vers un chasseur américain, l’Armée de terre, elle, a tout simplement ignoré, pendant plusieurs années, le canon Caesar, et n’a consenti à en commander que cinq exemplaires, initialement, pour lancer la carrière internationale du système d’artillerie conçu par GIAT.

AuF1 Armée de terre
Rafale, Caesar, Scorpene : quand les armées ne voulaient pas des 3 stars des exportations françaises 36

Il est vrai que quand le concept du Caesar est apparu dans l’esprit des ingénieurs français, l’Armée de terre percevait encore le reliquat de ses nouveaux canons automoteurs AuF1 GCT, dont elle était particulièrement satisfaite, un temps au moins. En outre, elle venait de lancer l’acquisition du canon tracté TrF1, pour soutenir les éléments projetés.

De fait, le besoin d’un nouveau système, tout innovant fut-il, était loin d’être la priorité de l’état-major de l’Armée de terre. Surtout que le programme Caesar semblait devoir relever des défis impossibles.

En effet, il s’agissait non seulement de franchir le cap des tubes de 52 calibres, ce qui entrainait de nombreuses évolutions, notamment au niveau de la culasse, mais aussi de parvenir à installer ce canon sur un châssis 6×6 susceptible de résister aux contraintes mécaniques du tir.

Le Caesar avait, force est de le reconnaitre, des ambitions particulièrement élevées, devant assurer un tir soutenu de 155 mm, avec une grande précision et une portée de 40 km, tout en pouvant embarquer, en monobloc, à bord d’un avion C130. À vrai dire, pas grand monde, en dehors des ingénieurs de GIAT, ne pensaient alors la chose possible. Pas question, donc, de dépenser des crédits dans ce programme.

caesar ukraine
Rafale, Caesar, Scorpene : quand les armées ne voulaient pas des 3 stars des exportations françaises 37

Ces derniers avaient, pourtant, déjà résolu le problème, en ajoutant un faux châssis au châssis principal du camion UNIMOG 6×6 sélectionné, car seul à répondre aux exigences françaises alors. Celui-ci permettait d’absorber une grande partie des efforts mécaniques lors du tir, alors qu’avec d’autres innovations, le Caesar passait de concept farfelu, à système d’armes efficace et redoutable.

En dépit de ces avancées, et de la présentation officielle du Caesar lors du salon Eurosatory 1994, l’Armée de terre n’était toujours pas convaincue. Le ministre de la Défense, Alain Richard, consenti toutefois à en acquérir cinq exemplaires, pour lancer la carrière internationale du système.

Ce ne sera qu’une fois les premiers exemplaires livrés et expérimentés, que l’Armée de Terre prit la mesure du potentiel de ce nouveau système, d’abord pour remplacer les TrF1, puis pour devenir la pièce d’artillerie standard de ses régiments, en remplaçant les AuF1.

Même aujourd’hui, la Marine nationale ne veut pas entendre parler du Scorpene, ni d’un quelconque sous-marin à propulsion conventionnelle.

Si le ministère de la Défense est parvenu à sauver le programme Rafale, et à faire adopter le Caesar par l’Armée de Terre, personne, en revanche, n’a réussi à faire changer de point de vue la Marine nationale, sur la question des sous-marins à propulsion conventionnelle.

SNA Rubis lors des essais de plongée en 1982
SNA Rubis lors des essais de plongée en 1982

Depuis qu’elle a reçu son premier sous-marin nucléaire d’attaque, le Rubis, en 1983, celle-ci considère, en effet, qu’il lui serait très inefficace de se doter d’une flotte mixte, alliant SNA et sous-marins d’attaque à propulsion conventionnelle, ou SSK. Pour elle, un SNA peut faire tout ce que fait un SSK, en mieux, et un plus rapide, alors que l’inverse n’est pas vrai.

De fait, même si on venait à proposer à la Royale deux SSK plutôt qu’un SNA, soit sensiblement la même enveloppe budgétaire, celle-ci refuserait sans le moindre doute.

Pourtant, le SNA a un immense défaut : il ne s’exporte pas. Or, la flotte de 6 SNA et de 4 SNLE, ne suffit pas pour garantir la pérennité et l’évolution des compétences sous-marines de Naval Group et de sa chaine de sous-traitance et d’équipements, pourtant indispensables à la dissuasion française.

D’ailleurs, la Grande-Bretagne, second, et seul pays opérant une flotte sous-marine nationale à propulsion nucléaire comparable à celle de la France, avec 7 SNA et 4 SNLE, a dû se tourner vers certaines technologies américaines, pour concentrer ses investissements de R&D pour maintenir sa filière industrielle.

Scorpene chili
Rafale, Caesar, Scorpene : quand les armées ne voulaient pas des 3 stars des exportations françaises 38

Naval Group, alors DCNS, prit un parti différent, en poursuivant la conception, la fabrication et l’exportation de sous-marins à propulsion conventionnelle, un exemple unique sur la planète. En effet, tous les industriels construisant des SSK dans le monde, peuvent s’appuyer sur une commande nationale pour concevoir et fabriquer leurs premiers exemplaires.

C’est le cas de la Chine avec le Type 39A, la Russie avec les 636.3 et 677, l’Allemagne avec le Type 214 et Type 212/CD, de la Suède avec le A26, l’Espagne avec le S80 plus et de la Corée du Sud avec le KSS-III, tous proposant à l’export des sous-marins en service, dérivés de modèles en service ou bientôt en service, dans leur propre marine.

Naval group, pour sa part, est parvenue à faire du Scorpene, un modèle initialement codéveloppé avec l’Espagne, avant de devenir exclusivement français, un véritable succès international. Celui-ci a d’ailleurs dépassé le record de 15 sous-marins français exportés établi par la Daphnée dans les années 60, et vient désormais flirter avec les ventes de Type 214 de l’allemand TKMS, pourtant champion absolu des exportations de sous-marins depuis les années 70 et 80 avec le Type 209.

Il fallut, cependant, beaucoup de détermination, et une certaine dose de chances, pour convaincre Santiago et la Marine chilienne, ses premiers clients, d’acquérir les deux premiers Scorpene, pour lancer la carrière internationale du modèle, alors que la Marine nationale refusait, et refuse toujours, de s’en équiper.

Le puissant lien entre l’attractivité à l’exportation et la mise en œuvre d’un armement par les armées nationales

Pourtant, un équipement militaire majeur, comme un sous-marin ou un avion de combat, bénéficie grandement d’être mis en œuvre par ses armées d’origine, pour son attractivité internationale.

TKMS Type 212CD
Type 212 CD de TKMS

En effet, une commande nationale permet de porter une grande partie de la R&D du modèle, et donc d’en faire un système financièrement compétitif face à la concurrence internationale.

Ainsi, lors de la compétition norvégienne en 2018, Berlin s’assura du succès de TKMS, en annonçant la commande de 2 sous-marins du même modèle pour la Bundesmarine, et en portant 66 % des couts de R&D pour son développement. Ne pouvant s’aligner, Naval Group et le Scorpene, pourtant favoris jusque-là, durent se résigner à abandonner la compétition.

En second lieu, un sous-marin, un avion de combat ou un navire en service dans les armées nationales d’origine, peut prétendre à une meilleure évolutivité, et à une maintenance sécurisée, puisque l’industriel doit, avant tout, assurer ces aspects pour ses propres forces. Ce sont ces paradigmes qui amenèrent la Marine hellénique à exiger des FDI très proches de celles en service au sein de la Marine nationale, pour son programme de frégates.

Enfin, disposer d’un équipement, au sein des armées nationales, permet d’en faire la promotion lors des exercices internationaux, mais aussi lors des conflits. Ainsi, le Rafale et le Caesar sont devenus d’autant plus attractifs qu’ils avaient montré leur efficacité opérationnelle au Levant et en Afrique, obtenant au passage le fameux qualificatif « Combat Proven ».

Peut-on refonder le lien entre les armées et l’industrie de défense au bénéfice des deux ?

Bien évidemment, la commande nationale n’entraine pas le succès international. Toutefois, elle ouvre des opportunités commerciales accrues et renforcées, dans les compétitions et discussions avec les armées partenaires, souvent inaccessibles aux équipements destinés exclusivement à l’exportation.

Russie checkmate
Le Checkmate russe n’a toujours pas concaincu a l’export, alors que les forces aériennes russes restent à distance de ce programme.

Cela vaut, d’ailleurs, aussi bien pour les équipements français que pour les autres. Ainsi, le Mig-35 et le JF-31 chinois n’ont toujours pas convaincu sur la scène internationale, alors que le Su-35s, et le J-10C, rencontrent davantage de succès, nonobstant les conditions spécifiques des exportations d’équipements de défens de la Russie et de la Chine.

On peut, dès lors, s’interroger du succès qu’aurait pu rencontrer le Scorpene, ou la corvette Gowind 2500, si la Marine nationale s’était équipée de quelques exemplaires ?

Néanmoins, aujourd’hui, les Armées françaises n’ont aucun intérêt, en dehors de répondre à d’éventuelles exigences du ministère des Armées, pour s’équiper de ces équipements, et, plus largement, pour soutenir l’émergence de nouveaux équipements, n’entrant pas strictement dans son calendrier d’acquisition.

Pourtant, ces exportations représentent un enjeu majeur pour préserver l’autonomie stratégique française, avec une BITD capable de produire la presque totalité des équipements de défense nécessaires, la commande française, seule, ne suffisant pas à cela.

Il conviendrait donc d’imaginer des mécanismes permettant aux armées de retirer des bénéfices directs du succès des exportations françaises, l’amenant à réviser leur stratégie d’équipements pour soutenir l’émergence de ces nouveaux équipements, y compris en participant à leur développement.

Gowind 2500
Quel aurait été la carrière internationale de la corvette Gowind 2500 si la France en avait acquis 4 exemplaires, pour sécuriser les abords des arsenaux français ?

Certains pays, comme la Corée du Sud et la Turquie, ont institutionnalisé ce lien, leurs armées commandant, quasiment systématiquement, mais souvent en petites quantités, les équipements produits par leur BITD respective, tant à des fins d’expérimentation opérationnelle, que pour soutenir leurs exportations. Ceci créé, d’ailleurs, un tempo technologique beaucoup plus soutenu pour l’industrie de défense dans ces deux pays.

Une solution, en France, serait de créer un fond ministériel destiné à cette fonction, régénéré par les succès enregistrés à l’exportation de la BITD, par une évaluation et captation des recettes budgétaires ainsi générées. Ce mécanisme budgétaire serait assez proche, dans sa mise œuvre, des recettes variables employées dans les années 2010 pour compléter le financement du ministère de la Défense, par la vente d’infrastructures ou de licences télécom.

Conclusion

On le voit, le succès que rencontre aujourd’hui le Rafale, le Scorpene ou le canon Caesar, doivent bien davantage à la détermination de leurs industriels d’origine, et parfois d’un coup de pouce politique de la part du ministère de la Défense, que du soutien des Armées elles-mêmes.

Il ne s’agit, évidemment, de jeter l’opprobre sur les Armées françaises et leurs état-majors, qui doivent, depuis plusieurs décennies, déployer des trésors d’inventivité pour parvenir à optimiser les programmes industriels indispensables à leur modernisation, avec des budgets sans marge de manœuvre.

Ateliers Rafale Mérignac
Rafale, Caesar, Scorpene : quand les armées ne voulaient pas des 3 stars des exportations françaises 39

Pour résoudre ce problème, et se préparer à absorber le choc que vont représenter l’arrivée des nouvelles BITD chinoises, coréennes ou turques, ainsi que la montée en puissance des offres industrielles allemandes, italiennes ou encore, espagnoles et polonaises, il conviendrait de mettre en œuvre un dispositif dégageant, justement, ces marges de manœuvre, et qui bénéficieraient simultanément aux armées et aux industriels, sans surcouts pour l’état.

Des solutions, en ce sens, peuvent être imaginées, même dans un cadre aussi contraint que celui de la France aujourd’hui. Encore faut-il que le problème soit étudié au bon niveau, par les politiques comme par les industriels eux-mêmes, et bien entendu, par les Armées.

Le Congrès américain veut une nouvelle Corvette pour l’US Navy

Le Congrès américain a enjoint l’US Navy à étudier la possibilité de rapidement concevoir et fabriquer une nouvelle classe de corvette, ou Small Combattant Ship, pour palier les retards et les critiques concernant la classe de frégates Constellation, face au retrait des croiseurs Ticonderoga et à l’inefficacité opérationnelle des LCS.

Pour les sénateurs américains, il est, en effet, nécessaire de mettre en œuvre des solutions à court terme, pour compenser en partie le retrait de nombreuses coques planifié dans les années à venir, entrainant, entre autres choses, une chute vertigineuse du nombre de VLS disponibles pour l’US Navy, si elle devait faire face à la Marine chinoise, ou à diviser ses forces pour intervenir sur plusieurs théâtres simultanément.

Le Congrès américain très inquiet des conséquences du retrait des derniers croiseurs Ticonderoga et SSGN Ohio de l’US Navy

Ces dernières années, de nombreuses voix, au Congrès américain, se sont élevées pour alerter sur la trajectoire préoccupante de la flotte de surface de l’US Navy, que ce soit en termes de nombre de coques ou de VLS (Systèmes de lancement vertical de missiles), face à la montée en puissance de la flotte chinoise, comme pour répondre à la multiplication des points chauds sur la planète.

Congrès américain Comité des forces armées du sénat
Le Congrès américain s’inquiete de la baisse du nombre des coques et de VLS de l’US Navy d’ici à 2030, et commande à l’US Navy d’étudier des solutions paliatives interimaires, comme la construction d’une nouvelle corvette oceanique.

En effet, d’ici à 2030, l’US Navy va devoir retirer du service l’ensemble des croiseurs Ticonderoga restant, chacun emportant 122 silos, ainsi que les quatre sous-marins nucléaires lance-missiles SSGN de la classe Ohio, avec 154 missiles de croisière Tomahawk chacun.

À partir de 2027, elle devra également entamer le retrait des vingt premiers destroyers de la classe Arleigh Burke Flight I, armés de 92 silos, alors que seule une quinzaine des quarante LCS construites, restera effectivement en service à cette date, principalement pour des missions de guerre des mines, avec le retrait des chasseurs de mines de la classe Avenger.

Ainsi, pour la seule année fiscale 2025, qui s’étale de novembre 2024 à la fin octobre 2025, l’US Navy prévoit de retirer du service 19 navires de combat, alors que seules six nouvelles coques seront admises au service.

Les rapports critiques s’accumulent sur la conduite du programme de frégates USS Constellation par l’US Navy

Une des causes de ce décrochage de l’US Navy, en termes de nombre de navires comme de VLS, en particulier face à la Marine chinoise, n’est autre que la mauvaise conduite de programmes, mise en œuvre par l’US Navy, pour les nouvelles frégates de la classe Constellation.

CGI classe Constellation US Navy
les rapports critiquant la conduite du programme Constellation par l’US Navy se sont accumulés ces derniers mois. La frégate américaine n’a plus que 15 % des composants provenant de la Fremme italienne initiale.

En effet, plusieurs rapports, émanant à la fois d’un audit interne commandé par le Secretaire à la Navy, des services d’audits du Congrès, et du GAO, l’équivalent US de la cour des Comptes, pointent les nombreuses aberrations constatées dans ce programme et dans sa conduite par l’US Navy elle-même.

Un précédent article a été consacré à ce sujet. Il montre, notamment, les effets délétères de l’excès de spécifications et l’empilement des exigences de la part de l’US Navy, ayant engendré trois années de retard dans la livraison de la première frégate, passée de 2026 à 2029.

En outre, alors que le FREMM de Fincantieri avait été retenue initialement, précisément pour concevoir et fabriquer rapidement un navire économique et facile à produire, il ne reste, aujourd’hui, que 15 % de la FREMM italienne, dans la nouvelle constellation américaine.

De fait, là où l’US Navy devait précisément être en mesure de s’appuyer sur ce programme pour structurer sa réponse à la montée en puissance rapide de la flotte chinoise, qui admet au service une trentaine de navires, dont une dizaine de destroyers et frégates chaque année, celui-ci ne livrera, au mieux, qu’une seule frégate en 2029, et une, en 2030.

Une nouvelle corvette pour palier l’inefficacité des LCS et le retard des frégates Constellation

Il est certainement trop tard, aujourd’hui, pour faire marche arrière sur le programme Constellation. C’est la raison pour laquelle le Comite des forces armées du Sénat, a demandé à l’US Navy d’étudier, en urgence, plusieurs solutions intérimaires, destinées à augmenter rapidement le nombre de coques et de missiles disponibles, en particulier sur la seconde moitié de la décennie en cours.

Lancement LCS N°7 USS Detroit Marinette Shipyard
D’ici à la fin de la decennie, l’US navy ne veut garder en service qu’une quinzaine de LCS, principalement pour mener des missions de guerre des mines.

Parmi les pistes évoquées, le Sénat propose de créer une version dotée d’un équipage des futurs grands navires de combat sans équipage, ou Large Unmanned Surface Vessel (LUSV), qui doivent épauler les destroyers américains lors de la prochaine décennie.

Cette solution permettrait, notamment, de tester l’efficacité de l’ensemble des systèmes, en dehors des capacités robotisées, et ainsi de participer activement à la fiabilisation de ces navires robotisés, tout en augmentant le nombre de coques et la puissance de feu de la flotte de surface de l’US Navy.

Le Sénat propose, également, d’armer les navires de soutien et d’assaut de l’US Navy, de missiles venant compenser la diminution prévue du nombre de VLS avec le retrait des Ticonderoga et des Ohio, en particulier pour ce qui concerne les capacités de frappe avec les missiles de croisière Tomahawk.

Surtout, les sénateurs demandent à l’US Navy, d’étudier la possibilité de concevoir et construire rapidement une nouvelle classe de Small Surface Combattant, catégorie qui accueille aujourd’hui les LCS. Concrètement, il s’agirait, ici, de concevoir et produire sur un calendrier raccourci, une flotte de Corvettes à capacités océaniques.

Sea Hunter USV Us Navy
L’US Navy attend beaucoup de sa flotte robotisée. Cependant, ces navires n’entreront en service qu’à compter de la seconde moitié de la decennie prochaine.

Pour ce faire, le Sénat recommande de se tourner vers un modèle existant, robuste et fiabilisé, pour produire rapidement, avec un nombre le plus réduit possible de modifications, des navires économiques armés, venant prestement compenser le déficit de coques et de VLS de l’US Navy dans les années à venir.

Quel modèle de corvettes est-il envisageable pour répondre aux besoins de l’US Navy ?

Il existe, en occident, plusieurs modèles de corvettes à capacités océaniques, susceptibles de répondre aux besoins et impératifs exprimés par le Sénat américain, et susceptibles d’apporter, effectivement, une plus-value numérique, en matière d’escorte et de puissance de feu, à l’US Navy, avec des couts réduits et des délais de production réduits.

Sigma, Meko A200, Gowind 2500… : une offre européenne riche et variée

En Europe, la plupart des grands groupes industriels navals proposent ce type de navires. Ainsi, le néerlandais Damen propose les corvettes SIGMA 9xxx, d’une longueur de 90 à 100 mètres, susceptibles d’effectuer des missions de lutte anti-navire et anti-sous-marine, et d’emporter jusqu’à 16 silos verticaux.

Avec la Meko A200, l’allemand TKMS propose une frégate légère de 118 m et 3 700 tonnes, capable de mettre en œuvre jusqu’au 32 silos verticaux, et de mettre en œuvre deux hélicoptères moyens, ou un hélicoptère lourd et un drone.

Meko A200 algerie
Meko 1200 algerienne

L’italien Fincantieri, propose pour sa part les corvettes de la classe Al Zubarah quatari, longues de 107 mètres pour un déplacement de 3200 tonnes, armées de 2 VLS Sylver 50 et de 16 missiles antiaériens à longue portée Aster 30. Elles pourraient ainsi, aisément, passer sur deux VLS Mk41, pour 16 silos tactiques et 64 missiles antiaériens ESSM.

C’est aussi le cas des corvettes de la classe Gowind 2500 du français Naval Group, déplaçant 2500 à 2700 tonnes, et armées de 16 silos verticaux pour missiles VL Mica NG, ou de 2 VLS MK41 pour 64 missiles ESSM. Cette corvette dispose, en outre, d’excellentes capacités anti-sous-marines, avec un sonar de coque et un sonar tracté à profondeur variable.

Daegu et FFM Mogami : les corvettes et frégates légères asiatiques offrent des alternatives pertinentes

En Asie, les corvettes sud-coréennes de la classe Daegu, proposent, elles aussi, des capacités et dimensions similaires, avec un déplacement de 3500 tonnes en charge, et un armement composé d’un VLS à 16 silos, et, chose rare pour ce type d navire, d’un canon naval de 127 mm.

Corvette Daegu corée du sud
Corvette classe Daegu sud-coréenne

Bien que plus imposantes, avec un déplacement de 5.500 tonnes en charge, les frégates de la classe FFM Mogami japonaises, pourraient également être considérées par l’US Navy, car rapides à produire et économiques, à moins de 500 m$ l’unité. Elles emportent un armement comparable aux Daegu sud-coréennes.

La corvette MMSC de Lockheed Martin, ses qualités et ses défauts

Toutefois, le modèle le plus probable, si l’US Navy devait se lancer dans la fabrication d’une corvette à fonction intérimaire, serait certainement la Multi-Mission Surface Combatant (MMSC), vendue par Lockheed Martin à l’Arabie Saoudite en 2020.

Dérivé des LCS de la classe Freedom, les MMSC sont plus imposantes, et emportent un armement plus conséquent, avec 8 silos Mk41 pour 32 missiles ESSM. Si elles souffrent, assurément, de l’image détériorée des LCS de la classe Freedom, elles présenteraient, en revanche, l’avantage d’une certaine homogénéité des systèmes embarqués avec ces navires déjà en service au sein de l’US Navy, permettant d’en simplifier la maintenance et la formation des équipages.

MMSC Lockheed Martin Arabie saoudite
Corvette MMSC dérivée des LCS classe Freedom, dont 4 exemplaires ont été commandées par la Marine saoudienne

Néanmoins, force est de constater que ces navires offrent des capacités inférieures à celles des modèles européens ou asiatiques, et qu’elles sont, également, plus onéreuses à produire. Raison pour laquelle, aucune marine, en dehors de l’Arabie Saoudite, dans un accord plus politique qu’opérationnel, ne s’est tournée vers cette classe depuis, alors que les corvettes européennes et asiatiques ont remporté plusieurs succès commerciaux, depuis.

Une révolution copernicienne du pilotage industriel de l’US Navy indispensable pour espérer relever le défi chinois et la multiplication des points chauds

Reste que le lancement d’une nouvelle classe de corvettes, fut-elle achetée « sur étagère » auprès d’un allié, n’est que la conséquence des nombreuses difficultés observées dans les récents programmes de l’US Navy concernant sa flotte de surface combattante.

Ainsi, les 4 derniers grands programmes, CG(x), Zumwalt, LCS et Constellation, dans ce domaine, ont été marqués par d’importants difficultés, parfois par des échecs aussi couteux que retentissants.

De fait, même un programme intérimaire, lancé en urgence, risque fort de rencontrer le même destin que ses ascendants, avec des couts et des délais ayant une fâcheuse tendance à grandir plus rapidement que le mécontentement public après l’annonce d’une hausse d’impôts.

chantiers navals Arliegh burke
La construction navale représente, aujourd’hui, le point faible de l’US Navy face au défi chinois.

Il est donc indispensable, avant toute chose, de profondément refonder le pilotage des programmes industriels menés par l’US Navy et, au-delà, de mener une profonde réflexion, à moyen termes, pour transformer l’outil industriel, les procédures de passation et de suivi de marchés, et surtout de prendre une réelle distance avec l’empilement des expressions de besoins et des ambitions technologiques venant, au final, lourdement handicaper les capacités opérationnelles de la flotte américaine.

Pour autant, lorsqu’il s’agit d’une administration aussi massive que l’US Navy, alors que les officiers qui sont aujourd’hui en position de décision, ont baigné pendant deux décennies dans un bain technologiste délétère, de tels changements, touchant jusqu’à la propre conception intellectuelle sur la manière de mener un programme, seront certainement très difficiles à mettre en œuvre, sur un calendrier resserré.

Conclusion

C’est pourtant bien là que se situe, très certainement, la clé du futur rapport de forces qui se dessine dans la zone indo-pacifique entre l’US Navy et ses alliés, d’un côté, la Chine et la Russie, de l’autre.

En effet, l’avantage qui est encore le sien, face à la Marine chinoise, et qui repose, surtout, sur l’antériorité de la flotte de haute mer américaine, ainsi que sur ses capacités sous-marines et aéronavales, ne durera plus longtemps, alors que les chantiers navals lancent, chaque année, trois à quatre fois plus de destroyers et frégates, et sept fois plus d’unités navales, que leurs homologues américains.

Toute la question, aujourd’hui, est de savoir si l’US Navy, et avec elle, l’industrie navale militaire américaine, même sous la pression du Congrès, sauront franchir cette étape pour de réinventer, et, effectivement, relever le défi chinois, ou si, engoncer dans un certain confort intellectuel, les résistances seront trop fortes pour le permettre, entrainant, à une échéance de dix à quinze ans, le déclassement des forces navales américaines, au sommet du podium mondial.

Le Su-30MKI indien pourrait bientôt être proposé à l’export par New Delhi et Moscou

Avec 259 Su-30MKI en service, et douze en commande, l’Inde est aujourd’hui le plus important opérateur international de chasseurs modernes de conception russe, et le seul à avoir obtenu de Moscou l’autorisation d’assembler localement l’un des chasseurs les plus modernes de l’arsenal aérien russe.

C’est l’avionneur indien Hindustan Aeronautics Limited, ou HAL, qui assemble les Su-30MKI pour les forces aériennes indiennes, et qui en effectue la maintenance et les évolutions, pour y intégrer, notamment, des équipements de conception locale, ou importés, qu’il s’agisse de missiles, d’avionique ou d’interface IHM.

Alors que l’industrie militaire russe est pleinement mobilisée en soutien de l’opération spéciale militaire en Ukraine, et face à la législation américaine CAATSA, les exportations russes, en particulier dans le domaine des avions de combat, ont connu un coup d’arrêt net depuis 2018.

C’est dans ce contexte qu’HAL a annoncé que des discussions ont été entamées avec les autorités russes, pour lui permettre de proposer, à l’exportation, les Su-30MKI assemblés par ses soins. Pas sûr, cependant, que cette initiative soit du gout des États-Unis…

Un accord russo-indien pour exporter des Su-30MKI assemblés en Inde

Selon le site FinancialExpress.com, HAL aurait, en effet, entamé des discussions avec les autorités russes, dans le cadre du contrat portant sur la fabrication locale et la maintenance de la flotte de Su-30MKI des forces aériennes indiennes.

Su-30MKI
Avec 259 appareils en service, le Su-30MKI représente aujourd’hui la colonne vertebrale de l’Indian Air Force

Ces négociations s’inscrivent dans le cadre de l’accord de coopération étendue, signé par Narendra Modi, à l’occasion de sa visite officielle à Moscou, s’étant tenue cette semaine en Russie. Le premier ministre indien, et son homologue russe, Vladimir Poutine, ont notamment publié un communiqué commun marquant « l’absence de divergence » entre les positions russes et indiennes, ce qui ne manquera pas d’intéresser les partenaires américains et européens de New Delhi, alors que la Russie intensifie ses attaques contre les infrastructures ukrainiennes.

Il faut dire que New Delhi tire de nombreux avantages de la faiblesse relative de la Russie sur la scène internationale. Non seulement l’Inde peut-elle importer massivement des matières premières et des équipements russes, y compris militaires, mais les échanges sont directement effectués en roubles et roupies, sans passer par le dollar américain ou l’Euro européen.

Ainsi, les échanges entre les deux pays ont augmenté de 60 % sur la seule année 2023, vis-à-vis de 2022, pour atteindre 57 Md$, et les premiers mois de 2024 confirment la tendance, avec une nouvelle hausse de 23 %. Revers de la médaille, Moscou accumule des roupies indiennes, 1 Md$ par mois, sans avoir l’opportunité de les dépenser.

Les négociations entre HAL et UAC, la maison mère de Sukhoï, se tiennent sur le site de Nashik, où sont assemblés les chasseurs russes, et visent, en particulier, à permettre à HAL de proposer le Su-30MKI, assemblé en Inde, sur le marché export.

Un marché adressable jugé prometteur par l’avionneur HAL

Pour HAL, avionneur détenu à 71 % par l’état indien, un tel accord permettrait d’accompagner la croissance du groupe sur la scène internationale, et de se positionner, dès à présent, comme un acteur sur le marché mondial des avions de combat, alors que le HAL Tejas ne parvient pas à convaincre jusqu’à présent, en dépit des nombreux efforts de l’industriel et de l’état indien.

HAL Su-30MKI et TEJAS
HAL peine à exporter son Tejas sur la scène internationale. Le Su-30 pourrait représenter, dans ce cas, une alternative pour se positionner sur le marché mondial.

HAL estime, à ce titre, que le marché qu’il serait capable d’adresser, est suffisamment important pour justifier de cet accord. Il cite, notamment, des pays proches comme le Vietnam, la Malaisie, l’Algérie et l’Indonésie, comme des clients potentiels pour le chasseur russo-indien.

Outre les accords concernant l’exportation, les négociations entre HAL et UAC portent également sur la maintenance et l’évolution de la flotte de Su-30MKI indien, alors que les infrastructures russes semblent avoir atteint leurs limites productives, en soutien des armées russes en Ukraine.

Enfin, ces accords permettraient de s’inscrire pleinement dans la politique Make in India de Narendra Modi, dont le calendrier prévoit la hausse progressive de l’implication industrielle indienne, dans les contrats d’armement passés avec des partenaires étrangers.

Une tentative russe pour contourner la législation CAATSA américaine

Il est, par ailleurs, probable que UAC et Moscou accordent à HAL la possibilité d’exporter les Su-30MKI. En effet, non seulement, comme évoqué précédemment, les infrastructures industrielles russes semblent aujourd’hui à saturation, mais la législation CAATSA américaine a considérablement amoindri les opportunités de vente à l’étranger pour les avionneurs russes, en dehors de pays déjà sous lourdes sanctions, comme la Corée du Nord ou l’Iran.

CAATSA Arrivée des S400 en egypte
arrivée des S-400 en Turquie

La législation CAATSA, pour Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act, a été promulguée en 2018 par Donald Trump, alors locataire de la Maison-Blanche. Elle prévoit la mise sous sanctions sévères des clients des industries de défense de pays identifiés comme adversaires des États-Unis, comme la Corée du Nord, l’Iran ou encore, la Russie.

Celle-ci ne concerne que les nouveaux contrats signés postérieurement à la promulgation de la loi, et elle ne s’applique, dans les faits, qu’à certains équipements majeurs, comme des missiles antiaériens, de croisière ou balistiques, des avions de combat, ou des navires et sous-marins.

C’est notamment cette loi qui a été employée pour mettre la Turquie et son industrie de défense sous sanctions américaines, après que le pays a effectivement accepté la livraison de la batterie antiaérienne S400 russe, en 2020.

Cette loi aurait à plusieurs reprises été employée pour discrètement menacer de sanctions, des pays qui s’apprêtaient à commander, ou à prendre livraison de certains matériels russes, dont les Su-35s égyptiens et indonésiens.

De fait, cette loi a considérablement réduit les exportations d’équipements militaires russes ces dernières années, surtout pour ce qui concerne les équipements majeurs, comme les avions et hélicoptères de combat, et les missiles sol-air.

Su-35se livrée egyptienne
Su-35se aux couleurs egyptiennes. Les appareils ne seront pas livrés au Caire, probablement en raison de menaces de sanctions américaines.

En revanche, Washington s’est toujours montré très précautionneux vis-à-vis de New Delhi, dans l’application de cette législation. Pourtant, les armées indiennes mettent en œuvre de nombreux équipements russes, et sont toujours des clients stratégiques de l’industrie de défense du pays.

L’Inde attend, notamment, la prochaine livraison de six batteries S400 qui, semble-t-il, ne seront pas visées, elles, par la législation CAATSA, en tout cas, tant que l’administration Biden reste au pouvoir.

Pour Moscou et UAC, l’accord d’exportation des Su-30MKI, représenterait, peut-être, un moyen de contourner cette législation, en pariant sur le fait que Washington ne visera pas New Delhi dans ce domaine.

Dans le cas contraire, les menaces américaines pourraient sensiblement détériorer les relations indo-américaine, ce qui serait, là encore, certainement au plus grand bénéfice de la Russie, alors que les États-Unis ont signé de nombreux contrats d’armement majeurs avec l’Inde ces dernières années, souvent à son détriment.

Su-30MKI HAL
Su-30 MKI des forces aériennes indiennes.

Une situation similaire pourrait émerger si le département d’État américain venait menacer les futurs clients de l’offre russo-indienne, ce qui serait, probablement, la réponse la moins violente de la part des États-Unis, pour contenir cette stratégie. De fait, dans tous les cas, la Russie pourrait obtenir des bénéfices notables de cet accord, quelle que soit la réaction de Washington.

Une réponse de HAL à la possibilité d’un accord d’exportation franco-indien sur l’exportation du Rafale ?

L’annonce de ces négociations intervient, par ailleurs, quelques jours seulement après que la presse indienne s’est faite l’écho d’une initiative de la Team Rafale, menée par Dassault Aviation, en Inde, pour construire des sites de maintenance et de production locale de Rafale dans le pays.

Selon la presse locale, cette initiative s’inscrirait l’application des accords d’offset concernant le premier contrat Rafale franco-indien de 2016, mais aussi, et surtout, dans l’anticipation des résultats du programme MRCA-2, qui prévoit la construction locale de 114 chasseurs moyens.

En outre, il semblerait, selon les sources citées, qu’un accord permettant l’exportation des Rafale assemblés en Inde, le cas échéant, serait également sur la table des négociations, côté français, alors que les infrastructures industrielles françaises sont aujourd’hui saturées pour encore quelques années, par le carnet de commande export du Rafale, et que d’autres contrats se profilent.

Rafale en Inde
Dassault Rafale en evolution

On ne peut que remarquer la forte similitude entre l’initiative menée par HAL vis-à-vis de UAC, au sujet du Su-30MKI, et les négociations rapportées avec la France et Dassault aviation, au sujet du Rafale.

Il convient de rappeler, pour une parfaite compréhension du sujet, que l’annulation du programme MRCA, en 2014, était la conséquence des difficultés de collaboration entre Dassault et HAL, ce dernier ayant été imposé par New Delhi pour assembler les Rafale en Inde pour le compte du premier.

De fait, si le Rafale devait remporter la compétition MRCA-2, la construction locale des 114 Rafale, ne serait assurément pas réalisée par HAL, mais par des partenariats industriels ad hoc locaux, choisis et formés par Dassault et la Team Rafale (Safran, Thales, MBDA…), de sorte à garantir, sans risque, la qualité et la fiabilité des appareils livrés, comme s’ils avaient été assemblés à Mérignac.

On peut penser, dès lors, que l’initiative de HAL constitue une réponse aux conséquences industrielles du programme MRCA-2, s’il était attribué à Dassault Aviation, pour donner des compensations industrielles au très influent, politiquement parlant, HAL.

Conclusion

Bien qu’inattendue, l’initiative menée par HAL, dans le cadre de la visite officielle de Narendra Modi en Russie, pour permettre d’exporter des Su-30MKI, s’inscrit donc dans un contexte général d’une grande rationalité.

Pour l’Inde et HAL, il s’agit d’enfin se positionner efficacement sur le marché international des avions de combat, et de valoriser, encore davantage, le Make in India de Narendra Modi. Il peut s’agir, également, pour HAL, d’une compensation à la possibilité d’exporter le nouveau chasseur occidental qui sera acquis dans le cadre du programme MRCA-2.

Modi Trump
Narendra Modi et Donald Trump

Reste que la grande inconnue, dans ce dossier, demeure la position qui sera celle des États-Unis, face à une telle initiative, visiblement conçue pour contourner la législation CAATSA, en représentant une alternative aux sanctions américaines sur l’exportation des équipements militaires majeurs russes.

Il est probable, maintenant que l’information est rendue publique, que le département d’État, voire Joe Biden lui-même, s’emparera de ce dossier, qui risque de profondément dégrader les relations entre New Delhi et Washington.

En outre, même si la Maison-Blanche faisait mine de ne rien remarquer, pour éviter un affrontement avec Narendra Modi en pleine campagne électorale, il est très possible que la situation vienne à changer après les élections présidentielles américaines, quel qu’en soit le résultat.

Il s’agit donc d’un mouvement dangereux de la part de HAL et du gouvernement Modi, qui risque de sensiblement détériorer les relations avec les États-Unis, en dépit des nombreux efforts produits par Washington pour amener l’Inde dans le camp occidental, ces dernières années, dont l’Inde a considérablement profité, économiquement et militairement. Il est tout sauf certains, que le jeu en vaille la chandelle…

Le JAS 39 Gripen E/F a la préférence des forces aériennes thaïlandaises face au F-16V.

La commande d’une douzaine de JAS 39 Gripen E/F par les forces aériennes thaïlandaises apparait, aujourd’hui, aussi probable qu’imminente. En effet, à l’issue d’un processus d’évaluation ayant opposé le chasseur suédois au F-16V américain de Lockheed Martin, c’est bien le Gripen dont l’achat a été recommandé par le chef d’état-major thaïlandais, au ministre de la Défense du pays.

Une décision en faveur du Gripen E/F par les autorités thaïlandaises, marquerait la fin d’une longue période qui, depuis la commande brésilienne de 2016, a été marquée par de nombreux échecs commerciaux, et des doutes croissants, quant aux chances du chasseur suédois, face au couple formé par le F-35A et le F-16V américains.

Le chaotique statut de favori JAS 39 Gripen E/F en Thaïlande

Lorsque les forces royales aériennes thaïlandaises annoncèrent, en 2020, leur intention de moderniser leur flotte de chasse, een remplaçant 12 de ses F-16 les plus anciens, le Saab 39 Gripen E/F suédois, fut naturellement considéré comme le grand favori de ce programme.

Royal Thai air Force JAS 30 Gripen C/D elephant walk
Royal Thai Air Force JAS 30 Gripen C/D elephant walk

En effet, en 2007, Bangkok se tourna vers Stockholm pour remplacer une partie de ses F-5 Tiger II, en commandant 6 JAS 39 Gripen, deux monoplaces C et quatre biplaces D, suivis en 2010, par six autres appareils, tous monoplaces cette fois.

Le chasseur suédois était alors considéré, par les forces aériennes thaïlandaises, comme le modèle au centre de sa transformation, avec l’ambition d’acquérir jusqu’à 40 aéronefs. D’ailleurs, en 2019, son chef d’état-major, l’Air Chief Marshal Maanat Wongwat, allait dans ce sens, en excluant la possibilité de se tourner vers le F-35A.

En 2022, son successeur, l’Air Chief Marshal Napadej, prit le contre-pied de cette position, et annonça son intention d’acquérir des F-35A américains, pour moderniser la chasse thaïlandaise. Selon lui, l’appareil américain était moins cher que le Gripen suédois, ce qui était, évidemment, pour le moins très contestable, comme la Suisse en fait l’expérience aujourd’hui.

Néanmoins, quels que soient les arguments avancés par l’ACM Napadej, les possibilités, pour les forces aériennes thaïlandaises, de s’équiper en F-35A, semblaient très réduites, pour ne pas dire fantaisistes. En effet, Bangkok s’était beaucoup rapproché de Pékin ces dernières années, y compris en matière d’acquisition de matériels militaires. Pas question, dans ces conditions, pour Washington, d’autoriser l’exportation de son fleuron technologique en Thaïlande.

Sans surprise, en 2023, les États-Unis rejetèrent donc la demande de Bangkok, et proposèrent, comme alternatives, l’acquisition de F-16V ou de F-15EX. Après une première réaction d’amour-propre, ayant fait craindre un basculement de la Thaïlande dans la sphère d’influence chinoise, les forces aériennes thaï réorganisèrent leurs prévisions, et se tournèrent à nouveau vers le JAS 39 Gripen E/F, alors que Washington faisait le forcing, y compris jusqu’au tout dernier moment, avec une offre de leasing, pour imposer son F-16V.

Les forces aériennes thaïlandaises recommandent l’acquisition du Gripen E/F pour moderniser sa flotte de chasse aux dépens du F-16V

En dépit des efforts américains, c’est bien le Gripen E/F suédois, dont le nouveau chef d’état-major, l’ACM Phanphakdee, vient de recommander l’acquisition au ministère de la Défense, au terme d’une évaluation comparée minutieuse face au F-16V américain.

Gripen E Saab Suède
Le JAS 39 Gripen E/F peut emporter jusqu’à 6 tonnes alors que son carubrant interne a été augmenté de 40 % par rapport à la version C/D.

Si la recommandation des Forces aériennes thaïlandaises n’est que consultative, et que la décision finale revient au ministère de la Défense et au gouvernement thaïlandais, cet arbitrage en faveur du chasseur suédois, augmente très sensiblement les chances de succès du Gripen E/F dans cette compétition.

Ce d’autant qu’à en croire la presse locale, la décision finale devrait rapidement intervenir, le ministère devant transmettre sous huit jours l’avis au premier ministre, pour validation.

Dans le même temps, le ministre de la Défense, Sutin Klungsang, ne s’était pas montré particulièrement emballé par l’offre concurrentielle basée sur un leasing de F-16V amenée en personne par l’ambassadeur américain dans le pays, Robert Frank Godec, dans une probable dernière tentative pour tenter d’imposer le F-16V dans le pays face au JAS 39 E/F Gripen de plus en plus favori.

Le Gambit américain, pour remporter le tour et la partie en Thaïlande, a donc, certainement, échoué, tant il est probable, désormais, que le chasseur suédois soit commandé pour remplacer les 12 F-16 A/B thaïlandais, devant rapidement être retirés du service.

Une approche américaine qui prépare le terrain pour le F-15EX en Thaïlande ?

Cependant, on peut penser que l’offre américaine, si elle n’a pas fonctionné aujourd’hui, aura permis de renouer le dialogue avec les autorités du pays, après l’épisode F-35, alors que les forces aériennes Thaïlandaises vont devoir, dans les quelques années à venir, remplacer encore une douzaine de F-16, et surtout trentaine de F-5, d’ici à 2031.

F-16V Lockheed-Martin
Jusqu’ici, F-16V s’est toujours imposé face au Gripen suédois depuis 6 ans, sauf en Croatie, le marché ayant été remporté par le Rafale français.

Il reste donc un important potentiel commercial pour les avionneurs américains, dans ce pays dont l’économie repart enfin à la hausse, après trois années d’incertitudes post-covid, marquées par une croissance sensiblement inférieure à celle des autres pays du groupe ASEAN.

C’est donc probablement là que porte, en réalité, l’effort américain, d’autant que les forces aériennes Thaï n’ont guère intérêt à se tourner uniquement vers le Gripen (ou le F-16V), pour cela. En effet, si, avec une surface de 514,000 km², le pays est proche de la France, sa géographie, elle, est très spécifique, notamment en raison des quelque 4 800 km de frontières terrestres partagées avec le Myanmar, le Cambodge, le Laos et la Malaisie.

En outre, 3200 km de côtes thaïlandaises bordent le golfe de Thaïlande, lui-même en position de pivot entre la mer de Chine du Sud et le golfe du Bengale. Il est probable, dans ce contexte, que le Gripen E/F, comme le F-16V du reste, ait les pattes un peu courtes pour assurer l’ensemble des missions des forces aériennes Thaïs dans cette région au cœur de l’épicentre des tensions entre la Chine et le bloc américano-occidental.

C’est précisément pour ce type de mission que le F-15EX a été conçu, et Bangkok a certainement en sa possession, désormais, une première approche qui lui permettrait de s’équiper, de manière budgétairement soutenable, d’un ou deux escadrons de ce chasseur lourd, prenant une longueur d’avance sur les Rafale et Typhoon européens, voire sur le prometteur KF-21 Boramae sud-coréen.

F-15EX Boeing
L »offre de leasing transmise par Washington à Bankok, concernant les F-16V, est certainement une stratégie à plusieurs bandes, pour placer d’autres modèles, comme le F-15EX, dans les forces aériennes thaïlandaises.

Rappelons, enfin, que Washington n’a pas définitivement fermé la porte à Bangkok concernant le F-35A. Le Pentagone avait, en effet, rejeté cette demande, en expliquant que les forces aériennes thaï n’étaient pas technologiquement et doctrinalement prêtes pour le chasseur furtif, en dépit du fait qu’elles mettent en œuvre le JAS 39 Gripen C/D depuis plus de dix ans maintenant.

Il s’agissait, sans le moindre doute, d’une manière polie et diplomatiquement acceptable, d’imposer aux forces aériennes thaïlandaises, l’acquisition de F-16V ou de F-15EX, et de les mettre en œuvre un certain temps, pour retrouver les bonnes grâces du département d’état. Le F-16V étant certainement trop proche du Gripen, déjà en service, les FAT n’auront d’autres choix que de se tourner, rapidement, vers le F-15EX, pour espérer acquérir, d’ici à 10 ans, le précieux F-35A, qui sera peut-être effectivement opérationnel à ce moment-là. Encore que…

La longue traversée du désert du Gripen de Saab sur la scène export depuis 2016

Une décision thaïlandaise, en faveur du JAS 39 Gripen E/F, serait, bien évidemment, une excellente nouvelle, et même un profond soulagement, pour son constructeur, Saab. En 2015, le Gripen E/F a connu un premier succès remarquable au Brésil, s’étant astucieusement positionné sur les maladresses françaises alors que le Rafale avait partie gagnée dans le pays.

Depuis cette commande brésilienne, toutefois, le Gripen a connu une longue, très longue traversée du désert, en matière de commandes exports, qu’il s’agisse de la version C/D qui avait pourtant connu un réel succès dans les années 2000 (Hongrie, République tchèque, Afrique du Sud et Thaïlande), que de la nouvelle version E/F acquise par le Brésil.

JAS 39 Gripen E/F Bresil
Le Brésil demeure à ce jour le seul client export du JAS 39 Gripen E/F de Saab. Le second volet de cette commande a souvent été annoncé comme imminent, mais a toujours été reporté jusqu’à présent.

Comme les autres appareils européens, le Gripen a subi la concurrence féroce du F-35A américain, qui s’est imposé auprès de plus de 70% des forces aériennes européennes disposant d’une flotte de chasse. Les pays restants, peu nombreux, se sont tournés vers le F-16V américain et le Rafale français, plutôt que vers le performant, économique, mais monomoteur et suédois, Gripen.

Il en fut de même au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique du Sud. De fait, huit ans après la signature de la commande brésilienne, Saab n’avait toujours pas vendu le moindre chasseur en dehors de la Flygvapnet. Même la deuxième tranche de Gripen E/F brésiliens, plusieurs fois annoncée comme imminente, n’a toujours pas été officialisée.

Et là où Saab s’attendait à vendre plus de 200 Gripen E/F dans les dix années suivant sa commercialisation à l’export, l’avionneur suédois n’en aura vendu, dans les faits, que 40, soit 20 % des objectifs annoncés, l’obligeant parfois à se battre sur des compétitions perdues d’avance, comme au Canada, pour continuer d’exister.

Les échecs du Gripen, depuis 2016, ont, en outre, été accentués par les succès répétés d’un autre Eurocanard, le Rafale français, qui pourtant n’était pas parvenu à trouver preneur de 2001 à 2014, et qui, depuis 2015, s’est exporté à plus de 300 exemplaires auprès de sept forces aériennes.

Les mauvaises langues diront que Saab avait certainement raison sur le volume, mais s’est trompé d’avion dans ses prévisions commerciales, alors que plus de 500 avions de combat Rafale, Eurofighter et F-16V, ayant trouvé promeneurs à l’export sur cette période…

Saab a enfin trouvé la bonne formule pour prendre l’avantage sur le F-16V de Lockheed Martin

Ces derniers mois, cependant, le vent semble avoir tourné, en faveur du chasseur suédois. D’abord en Hongrie, en février 2024, Budapest ayant non seulement renouvelé le contrat de leasing pour ses 14 Gripen incluant leur modernisation, mais aussi commandé quatre appareils supplémentaires, des monoplaces Gripen C.

Gripen E Flygvapnet
Les forces aériennes suédoises, la Flygvapnet, vont recevoir une soixantaine de Gripen E/F dans les années à venir.

Plus tard, les informations en provenance de Manille sont devenues de plus en plus prometteuses, au point qu’il est probable, désormais, que les Philippines commandent, dans les semaines ou mois à venir, un escadron de JAS 39 Gripen, soit douze à seize appareils, pour reconstruire sa flotte de chasse.

Toutefois, pour Budapest comme pour Manille, il s’agit de Gripen C ou D, soit l’évolution des Gripen A/B entrés en service il y a une quinzaine d’années. L’appareil est certes moderne, mais il est surtout sensiblement moins onéreux que le nouveau Gripen E/F, pourtant bien plus performant.

De fait, un arbitrage thaïlandais, en faveur de ce modèle, constituerait la seconde référence export pour le Gripen E/F, très attendue par Saab, qui lui échappait depuis une dizaine d’années. Il s’agirait, en outre, d’une seconde victoire directe face au F-16V américain, le cheval de bataille de Lockheed Martin et du département d’État, concernant les pays ne pouvant se tourner vers le F-35.

Si ces succès se confirment, on peut penser que Saab est parvenu, effectivement, à trouver la bonne formule pour exporter son Gripen, en version C/D ou E/F, spécialement dans les compétitions qui l’opposent au F-16V. On ne peut que l’espérer, pour la pérennité de l’avionneur suédois, concepteur du Gripen, ainsi que du Draken et du remarquable Viggen, deux avions mythiques de la guerre froide.

Sous-marins canadiens : la compétition stratégique à ne pas rater pour Naval Group, et les autres…

Après plusieurs années de rumeurs plus ou moins claires, le ministère canadien de la Défense a annoncé l’organisation d’une compétition internationale pour acquérir et mettre en œuvre 12 nouveaux sous-marins canadiens conventionnels pour remplacer les quatre sous-marins de la classe Victoria de la Royal Canadian Navy.

Cette compétition représente la plus importante commande potentielle en matière de sous-marins conventionnels ces 30 dernières années, même la compétition australienne n’ayant porté, initialement, que sur huit coques.

En outre, l’offre internationale est plus riche, ainsi que considérablement plus structurée, aujourd’hui, qu’elle ne l’était en 2015, lors de la compétition australienne. Ainsi, ce sont pas moins de six groupes industriels qui ont été identifiés pour devoir y participer : quatre européens, Kockums, Naval Group, Navantia et TKMS ; et deux asiatiques, Hanwha Ocean et Kawasaki.

De fait, quel qu’en soit le modèle et l’industriel retenus par Ottawa, la compétition annoncée par le ministère de la Défense canadien, aura le potentiel de profondément hiérarchisé le marché occidental du sous-marin conventionnel, voire de faire émerger un roi, en son sein.

Un nouveau super-contrat en préparation par le ministère de la Défense pour 12 sous-marins canadiens

Le Canada est un pays de profonds contrastes, et pas uniquement en matière de prononciation. En effet, alors que le pays demeure en queue de peloton au sein de l’OTAN, pour ce qui concerne son effort de défense, qui n’a atteint que 1,3 % de son PIB en 2023, il est aussi celui qui a engagé les commandes les plus volumineuses en matière de programmes d’équipements militaires ces trente dernières années.

sous-marins canadiens classe victoria
Sous-marin canadien classe Victoria

Ainsi, en 2023, Ottawa annonçait la commande de 88 chasseurs F-35A auprès de Lockheed Martin, après un simulacre de compétition à laquelle seule Saab s’était prêtée, tant le résultat était connu à l’avance. Il s’agissait de la plus importante internationale du chasseur américain au sein de l’OTAN, et de la seconde plus importante dans le monde, après les 127 exemplaires japonais.

En 2019, le ministère de la Défense canadien retenait le modèle Type 26 britannique pour son programme Canadian Surface Combattant, pour la conception et la construction de 15 frégates lance-missiles pour remplacer les quatre destroyers antiaériens de la classe Iroquois, et les douze frégates anti-sous-marines de la classe Halifax.

La construction du premier navire de la classe désormais baptisée River, qui doit entrer en service au début des années 2030, a débuté à la fin du mois de juin 2024, alors que la quinzième unité de ce programme à plus de 30 Md$, le plus important concernant la fabrication de frégates et destroyers jamais signé à l’export, entrera en service avant 2050.

Plus récemment, Ottawa a annoncé la commande de 16 avions de patrouille maritime P-8A Poseidon auprès de l’Américain Boeing, pour un montant de 6 Md$, soit, là encore, la plus importante commande export pour l’avion américain, ainsi que la plus élevée concernant une capacité de patrouille maritime jamais enregistrée à l’exportation.

La Royal Canadian Navy veut 12 sous-marins conventionnels océaniques à haute autonomie face aux menaces russes et chinoises

Cette fois, c’est une compétition pour remplacer les quatre sous-marins de la classe Victoria, de la Royal Canadian Navy, qui vient d’être annoncée par le ministère de la Défense canadien. Toutefois, et contrairement aux trois super-contrats précédents, celui-ci va engendrer une très importante transformation de la flotte canadienne, puisqu’il vise à commander non pas 4, mais 12 nouveaux sous-marins.

Surface Combattant ship classe River Royal Canadian Navy
Frégate classe River du programme Surface Combattant Ship

Selon le communiqué du ministère de la Défense, ce changement de format doit permettre de répondre à l’évolution des menaces dans le Pacifique, l’Atlantique et l’Arctique, et protéger le littoral national le plus long de la planète.

Les nouveaux sous-marins devront, en particulier, être dotés d’une longue endurance et d’une capacité océanique, et pouvoir être déployés sous la banquise arctique en toute sécurité. Avec le réchauffement climatique, l’Arctique est devenu l’enjeu d’un important bras de fer militaro-diplomatique entre la Russie, le Canada, les États-Unis et les pays d’Europe du Nord, tant pour en exploiter les ressources désormais accessibles, que pour ouvrir de nouvelles voies navigables à très fort potentiel commercial.

Bien évidemment, avec une telle commande, les navires devront être construits et entretenus par l’industrie navale canadienne, ce qui suppose d’importants transferts de technologies et un accompagnement sans faille de l’ensemble des processus industriels.

Enfin, comme cela a été le cas des frégates de la classe River, l’industrie de défense US sera très présente dans le programme, pour fournir les composants clés des navires, bien que l’industrie américaine ne construise plus de sous-marins à propulsion conventionnelle depuis bientôt 60 ans.

Un marché de 60 Md$, faiseur de roi sur le marché des sous-marins conventionnels occidentaux

Si l’enveloppe du programme d’acquisition n’a pas, pour l’heure, été révélée, on peut estimer, sur la base des programmes comparables, et par extrapolation des contrats récents, que celui-ci représentera un montant de 20 à 30 Md$ pour ce qui concerne la conception, la fabrication et la livraison des navires, ainsi que le transfert de technologies et le déploiement industriel, peut-être davantage en fonction des exigences d’Ottawa en matière de composants et équipements US. Sur la durée de vie des navires, le programme représenterait une enveloppe de 60 Md$ (2024), selon le ministère de la défense.

TKMS Type 212CD
Type 212CD de TKMS

De fait, cette compétition représente, pour les industriels qui y participent, celle à ne pas rater, tant pour ses dimensions industrielles et technologiques, que budgétaires et financières, ainsi que concernant sa capacité à profondément hiérarchiser le marché occidental des sous-marins conventionnels, pour les deux ou trois décennies à venir.

Qui plus est, il est peu probable que Washington vienne, cette fois, faire dérailler le programme, comme ce fut le cas en Australie, les États-Unis n’ayant plus les capacités industrielles pour envisager de livrer de nouveaux sous-marins à propulsion nucléaire à certains de ses alliés d’ici à 2050.

TKMS, Kockums et Navantia : les Européens en ordre de bataille

En Europe, quatre groupes navals industriels se sont engagés dans cette compétition. Le premier, et le plus offensif à ce jour, est l’allemand TKMS. En partenariat avec la Norvège, Berlin a déjà proposé, en effet, à Ottawa, un partenariat stratégique pour rejoindre le programme entourant le nouveau sous-marin Type 212 CD, commandé conjointement par la Marine norvégienne et allemande, comme il le fit vis-à-vis d’Oslo en 2019, pour s’imposer face à Naval Group.

Toutefois, l’annonce du lancement de la compétition internationale, semble représenter, d’une certaine manière, une fin de non-recevoir de la part des autorités canadiennes, en tout cas, pas sans en passer, d’abord, par une réelle compétition pour faire émerger les meilleures offres.

Navantia S-80 plus classe Isaak Peral
Navantia S-80 plus de la classe Issak Peral

Le suédois Kockums s’est aussi pleinement investi dans cette compétition, avec son C71 « Expéditionnaire », un navire plus imposant que le A26 dont il reprend les technologies clés, en particulier après l’échec aux Pays-Bas face au Blacksword Barracuda de Naval Group.

Pour Navantia, et son S80 classe Isaac Peral, la compétition canadienne représente une opportunité unique de rejoindre Naval group et TKMS sur le podium occidental des exportateurs de sous-marins, ce d’autant que son modèle a initialement été conçu comme un sous-marin conventionnel à capacité océanique.

Hanwha Ocean et Kawasaki : les dragons asiatiques vont se confronter aux offres européennes

Si les Européens avaient l’habitude de s’affronter entre eux, ces dernières décennies, et parfois à se confronter aux modèles russes, lors des compétitions internationales, il va, désormais, falloir composer avec les modèles venus d’Asie, et qui sont loin d’être désavantagés face aux navires allemands, français ou suédois.

Cela fait ainsi plusieurs mois que le sud-coréen Hanwha Ocean, mène une intense campagne de promotion et de communication au Canada (mais également en Pologne), pour promouvoir son modèle KSS-III classe Dosan Anh Changho.

classe Taigei
les sous-marins de la classe Taigei sont les seuls sous-marins opérationnels équipés de batteries lithium-ion.

Si ce navire dispose de nombreux attributs que l’on retrouve sur les sous-marins européens, comme un système de propulsion AIP, il est surtout le seul à être doté nativement de systèmes lance-missiles verticaux, pouvant accueillir des missiles de croisière et même des missiles balistiques à tête conventionnelle.

De fait, le KSS-III est aujourd’hui le seul sous-marin conventionnel lance-missiles guidés, ou SSGK. En revanche, il peut apparaitre en retrait des modèles français, suédois, allemands ou japonais, en termes de discrétion acoustique, et dans le domaine de la lutte anti-sous-marine.

Ce n’est pas le cas des sous-marins de la classe Taigei, conçus par le japonais Kawasaki. Ce navire n’est autre que le premier, et à ce jour le seul, modèle de sous-marins à propulsion conventionnelle en service, équipé de batteries lithium-ion, lui conférant une autonomie et surtout des performances largement plus élevées que les navires équipés de batteries plomb-acide et/ou d’un système AIP.

En revanche, le Japon n’a jamais eu l’occasion d’expérimenter l’accompagnement industriel, le transfert de technologies et la fabrication locale dans le domaine des sous-marins. En outre, les autorités nippones n’ont pas encore statué sur la participation japonaise à cette compétition, qui représenterait une rupture profonde avec la doctrine japonaise en matière d’exportation d’armement.

Le plus discret des grands industriels participant à cette compétition, aujourd’hui, est sans conteste le français Naval Group. C’est aussi, du reste, le seul à s’être imposé, en 2024, lors de deux compétitions internationales, pour la construction de nouveaux sous-marins : en Indonésie, d’abord, pour deux Scorpene Evolved, et aux Pays-Bas, un mois plus tard, pour quatre Blacksword Barracuda.

Blacksword barracuda Naval Group
Le blacksword barracuda de Naval Group s’est imposé aux Pays-Bas, pour remplacer les sous-marins de la classe Walrus.

Il faut dire que, dans cette compétition, le groupe français a, pour ainsi dire, toutes les cartes dans la main, avec deux modèles de sous-marins, le Scorpene Evolved de 2000 tonnes, et le Blacksword Barracuda de 3000 tonnes, tous deux équipés d’une propulsion Lithium-ion, et tous deux déjà commandés par un autre client.

Par ailleurs, Naval Group s’est imposé aux Pays-Bas, en raison d’un prix 25 % moins élevé que ses concurrents. On peut, dès lors, raisonnablement penser que cet avantage est reproductible au Canada, même si la construction locale peut en altérer l’efficacité.

En outre, l’industriel a deux expériences très réussies dans son agenda, en matière de construction locale, au Brésil et en Inde, le premier étant engagé dans des discussions pour accroitre la participation française à son programme de SNA, le second pour commander trois nouveaux sous-marins.

Le français peut s’appuyer sur une BITD apte à fournir tous les équipements et systèmes nécessaires, de la torpille lourde F21 au missile antinavire SM39 Exocet, en passant par le missile de croisière MdCN de MBDA, ou les sonars de Thales. Son expérience dans le domaine des sous-marins à propulsion nucléaire, lui donne, enfin, accès à certaines technologies de discrétion rares sur ce marché, comme le pumpjet et les tuiles anéchoïques.

Pumpjet shortfin Barracuda
Le pumpjet permet de créer une surpression autour des hélices, pour reduire les phénomènes de cavitations et les émissions accoustiques du navire à vitesse élevée.

De fait, sur le papier tout du moins, Naval Group, aujourd’hui, est en position de supériorité sur l’ensemble de ses compétiteurs au Canada, ceci expliquant, peut-être, sa grande discrétion sur le sujet, comme ce fut d’ailleurs le cas aux Pays-Bas, jusqu’à l’annonce de sa victoire en mars 2024.

Reste que la position de front-runner est souvent loin d’être confortable ou enviable, d’autant que l’Allemagne, l’Espagne et la Corée du Sud, seront certainement prêts à sortir le grand jeu pour s’imposer dans cette compétition, y compris en rognant sur les marges budgétaires.

Il ne fait aucun doute que tous les participants à cette compétition auront pour principal objectif, de se positionner devant l’offre française. On comprend, dans ce contexte, l’extrême discrétion de Naval Group au Canada, comme en Pologne par ailleurs.

De nombreuses questions en suspens sur la faisabilité de cet objectif par la Marine canadienne

Reste qu’au-delà de la compétition elle-même, qui ne manquera pas de faire couler des hectolitres d’encre numérique dans les mois et années à venir, de nombreuses questions, sans réponse, restent en suspens, autour de ce programme.

La première, et la plus préoccupante, concerne les équipages de ces navires, ce d’autant que la Royal Canadian Navy entend préserver, dans le même temps, deux de ses composantes existantes clés, sa flotte de surface combattante, et sa flotte de patrouille maritime, des capacités qui sont, par ailleurs, grandes consommatrices de ressources humaines.

Justin trudeau
Justin Trudeau, le premier ministre canadien, n’a jamais fait de la défense et des armées canadiennes, une priorité politique.

En second lieu, si Ottawa a présenté une trajectoire pour atteindre l’effort de défense à 1,76 % en 2030, contre 1,33 % aujourd’hui, aucun engagement n’a été pris pour l’amener au-delà, et notamment pour atteindre les 2 % exigés par l’OTAN, en 2025 qui plus est.

Dans ces conditions, on voit mal comment le ministère de la Défense canadien entend financer conjointement l’ensemble des programmes annoncés, tout en maintenant son niveau de participation et d’exigences au sein des dispositifs opérationnels et exercices de l’OTAN, alors même qu’une partie croissante de ses capacités militaires vont devoir se tourner vers le Pacifique et la Chine.

Ces questions font qualifier ce programme de sous-marins, mais aussi le programme de frégate et d’avions de patrouille maritime canadiens, de rêves éveillés, « Wishful thinking » en anglais, par l’opposition au gouvernement de Justin Trudeau.

Surtout, on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle ambition navale lorsque, dans le même temps, l’artillerie canadienne ne dispose, en tout et pour tout, que de 33 obusiers tractés M777 de 155 mm, et d’une cinquantaine d’obusiers de 105 mm également tractés, et que les armées canadiennes ne disposent d’aucun système de défense aérienne autre que des MANPADS RBS 70…

Le Dassault Rafale favori pour moderniser les forces aériennes péruviennes avec le KF-21 Boramae

Le Dassault Rafale peut s’appuyer, aujourd’hui, sur un carnet de commande confortable de presque 300 appareils à produire, dont plus d’une cinquantaine pour les forces aériennes françaises.

À cela, s’ajoutent plusieurs négociations avancées, pour des commandes supplémentaires, notamment en Inde et en Serbie, alors qu’une dizaine d’autres pays ont signifié leur intérêt pour mettre en œuvre ou pour étendre leur flotte du chasseur français, dont la Grèce, l’Égypte, le Qatar, les EAU, l’Arabie Saoudite, Oman, la Colombie ou encore, l’Irak.

C’est désormais au tour des forces aériennes péruviennes, de venir enrichir cette liste de négociations en cours. En effet, selon la presse spécialisée sud-américaine, le Rafale est aujourd’hui l’un des deux favoris, avec le KF-2 Boramae sud-coréen, pour remplacer les Mirage 2000P, les MIG-29 et Su-25 péruviens, alors que les autorités du pays ont annoncé le lancement d’un appel d’offres international pour moderniser sa flotte de chasse.

Le Rafale et le KF-21 Boramae donnés favoris pour la modernisation des forces aériennes péruviennes

Avec un PIB de seulement 250 Md$ pour 35 millions d’habitants, le Pérou n’est pas, à proprement parler, un pays riche. D’ailleurs, 29 % de sa population demeure sous le seuil international de pauvreté.

Dassault Rafale montagne
Le Rafale de Dassault va-t-il remplacer les Mirage 2000P péruviens ?

Toutefois, Lima n’a jamais négligé ses forces aériennes, pour protéger les quelque 1,3 million de km², 2500 km de côtes sur l’océan Pacifique, et les presque 7,000 km de frontières avec pas moins de 5 pays sud-américain (Équateur, Colombie, Brésil, Bolivie et Chili). Ce d’autant que le pays a des relations tendues avec l’équateur, auquel il s’est plusieurs fois confronté au XXᵉ siècle, la dernière fois en 1995 durant la guerre du Cenepa.

De fait, en dépit des difficultés économiques, le pays a maintenu une flotte d’avions de combat performante, aujourd’hui forte de 8 Mig-29, de quelques Su-25 et, surtout, 11 Mirage 2000P, dont deux biplaces.

Toutefois, ces appareils sont entrés en service en 1984 pour les Mirage 2000P, et 1997 pour les MIG et Sukhoï. Ils marquent désormais le poids des années, et doivent être d’autant plus rapidement remplacés, que plusieurs de ses voisins se sont également engagés dans cette voix, dont le Brésil et la Colombie.

C’est dans ce contexte que le général Carlos Enrique Chavez Cateriano, Commandant en chef des forces aériennes péruviennes, a annoncé le lancement, d’ici à quelques mois, d’un appel d’offres international, pour moderniser la flotte de chasse du pays. Peu d’informations ont été rendues publiques concernant cette compétition, si ce n’est qu’elle ne concernera que 3 avionneurs préalablement sélectionnés, car répondant aux exigences de Lima.

Mais selon la presse sud-américaine spécialisée, deux appareils font offices de grands favoris dans cette compétition, le Dassault Rafale français, pour remplacer les Mirage 2000P, et le KF-21 Boramae sud-coréen, pour les MIG-29.

Le Mirage 2000 et le Mirage V ont préparé le terrain pour un succès du Rafale au Pérou

Il faut dire que l’avionneur français joue presque à domicile à Lima. Le Pérou avait, en effet, déjà acheté le Mirage V dans les années 70 pour 34 appareils, dont 6 biplaces, puis le Mirage 2000P, en 1984, pour douze appareils, dont deux biplaces.

Dassault Mirage 2000P forces aériennes Peruviennes
Les Mirage 2000P assurent toujours la protection du ciel péruvien, 40 ans après avoir été livrés.

Outre la confiance commerciale vis-à-vis de Dassault Aviation, les forces aériennes péruviennes ont également pu apprécier la robustesse et la fiabilité des chasseurs français. Ainsi, sur les 12 Mirage 2000P acquis en 1984, 11 restent en service, après qu’un chasseur a été perdu en avril 2024, lors d’un vol d’entrainement, révélant la grande longévité, fiabilité et le faible taux de pertes, de l’appareil.

Rappelons qu’à ce jour, cinq des huit forces aériennes internationales équipées de Mirage 2000, se sont tournées vers le Rafale (Égypte, Qatar, Inde, Grèce et Émirats arabes unis), alors que le Brésil s’est tourné vers le Gripen E, et que Taïwan n’a plus la possibilité d’acquérir des avions de combat français.

Cette fidélité ne concerne d’ailleurs pas que le Rafale, et s’explique tant par une transition simplifiée vers un appareil venu du même constructeur, que par des facteurs de proximité et de confiance politiques.

Toutefois, les performances, la fiabilité et la rusticité du Rafale, ont un poids déterminant au Pérou, qui doit protéger un espace aérien deux fois plus étendu que celui de la France, avec beaucoup moins d’appareils, et qui n’hésitent pas à déployer ses chasseurs sur des pistes sommaires.

Il n’est donc pas surprenant que le Rafale soit considéré, par la presse spécialisée sud-américaine, comme le favori pour la modernisation des forces aériennes péruviennes, ou, tout du moins, pour remplacer les Mirage 2000P.

Une flotte à deux avions de combat pour accroitre la résilience de la chasse péruvienne

En effet, toujours selon la presse spécialisée, il est fort probable que Lima conserve une flotte de chasse à deux appareils, en dépit des contraintes que cette structure impose en matière de formation et de maintenance de deux micro-flottes ne représentant qu’un ou deux escadrons chacun.

MIG-29 Perou
A partir des années 70, le pérou s’etait en parti tourné vers l’Union Soviétique, puis le Russie, pour sa flotte de chasse, d’abord avec le Su-22, puis, en 1997, avec le Mig-29 et le Su-25. Une grande partie de la flotte de ces chasseurs n’est toutefois plus en service aujourd’hui.

Pour les forces aériennes Péruviennes, cette structure permet, avant tout, de disposer de deux sources d’approvisionnement pour garantir la pérennité et l’efficacité de sa flotte de chasse, quelles que soient les évolutions internationales et les crises.

Notons, à ce titre, que l’absence d’embargo sur les armes et pièces détachées françaises, pendant la guerre de 1995, joue probablement un rôle significatif dans la confiance de Lima en Dassault Aviation et la France.

C’est la raison pour laquelle l’hypothèse privilégiée par les journalises sud-américains, concernant la modernisation des forces aériennes péruviennes, conserve cette structure à deux avions de chasse, dont l’un serait le Rafale.

Le KF-21 Boramae, une alternative économique et industrielle aux avions russes

Les candidats pour le second chasseur péruvien, ne manquent pas, entre les Sukhoï 30 et 35 russes, l’Eurofighter Typhoon européen, le Gripen suédois et le F-16 américain. C’est toutefois le KF-21 Boramae sud-coréen qui semble faire l’unanimité dans ce domaine.

Impossible, pour Lima, de se tourner à nouveau vers la Russie, au risque de subir les sanctions CAATSA américaines. De même, Lima ne parait pas particulièrement enclin à se tourner vers le F-16V américain, les tensions entre les deux pays étant cycliques, et les États-Unis étant réputés pour garder la mainmise sur l’utilisation des avions de combat vendus.

KA-21 Boramae atterrissage
Le Pérou entend profiter des tensions entre Séoul et Jakarta, pour obtenir des transferts de technologies importants en acquerant le KF-21 Boramae.

L’Eurofighter européen ne semble pas, non plus, satisfaire aux exigences péruviennes, en dépit de la proximité du pays avec l’Espagne. Restent donc le Gripen E suédois, et le nouveau KF-21 Boramae sud-coréen.

C’est bien le Boramae qui apparait comme l’hypothèse la plus probable, dans ce dossier. Non pas que le Gripen E soit déméritant, avec des performances élevées et un prix accessible.

Toutefois, Lima semble convaincu qu’il lui sera possible d’obtenir de Séoul, davantage de concessions en matière de transferts de technologie et de partage industriel, alors que l’Indonésie s’éloigne plus que jamais du programme pour privilégier l’achat de Rafale, et que KAI doit absolument obtenir une première commande internationale pour lancer la carrière export de son chasseur.

Ce faisant, les autorités péruviennes estiment qu’elles obtiendront une plus grande autonomie stratégique à moyen et long terme, avec le KF-21 Boramae, qu’avec les autres appareils, tout en développant sa propre industrie, et en réduisant le poids budgétaire de l’investissement.

Conclusion

On le voit, il reste encore de très nombreuses inconnues, concernant la modernisation de la flotte de chasse péruvienne. Toutefois, les arguments avancés par les spécialistes sud-américains, privilégiant l’hypothèse d’une flotte à deux appareils, et plaçant le Rafale français et le KF-21 Boramae sud-coréen, comme favoris de cette compétition, sont raisonnables et probables.

Rafale merignac
Les délais de livraison que Dassault Aviation pourra proposer à Lima joueront certainement un rôle déterminant dans le succès du Rafale au Pérou.

Si, effectivement, le Rafale venait à enregistrer une nouvelle commande venue du Pérou, outre le fait que cela conforterait la position de dauphin incontesté du F-35 américain, sur la scène internationale, cela confirmerait la très grande fidélité des clients de Dassault Aviation, en matière d’avions de chasse.

En effet, sur les 7 opérateurs internationaux du Mirage 2000 accessibles, Taïwan étant hors périmètre, 6 se seront alors, à nouveau, tourné vers Dassault pour acquérir son Rafale, soit un taux de fidélité exceptionnel de 85 %, renforçant considérablement la position française dans le programme SCAF, tout en ouvrant des perspectives de planification pour un développement national, si le programme européen venait à péricliter.

Reste à voir, aujourd’hui, à quel point l’instabilité et l’incertitude politique française apparue ces dernières semaines, viendront, ou pas, peser dans ce dossier. On ne peut qu’espérer qu’à ce sujet, et plus globalement, concernant la politique industrielle de défense française, un consensus apolitique, ou qu’une majorité thématique émergent au sein de la commission défense de l’Assemblée nationale, pour ne pas menacer l’exécution de la LPM, ni les négociations internationales en cours.

Le RCH-155 de KNDS trois fois plus performant que le Pzh2000 en simulation

Beaucoup, y compris sur ce site, ont douté de la plus-value exclusive de tir en mouvement du canon d’artillerie motorisé RCH-155, présentée pourtant comme déterminante par KNDS Deutschland lors de la présentation de son nouveau système.

De fait, en dehors de cette capacité unique, le RCH-155 pouvait être considéré comme une alternative sur roues au Pzh 2000, déjà performant et bien implanté, ou comme une tentative, toute germanique, de répondre au Caesar français, qui alignait les succès à l’exportation.

Son concepteur vient toutefois d’apporter une réponse qui pourrait bien donner tort à ces interprétations. En effet, à l’occasion d’une série de simulations menée par KNDS, le RCH-155 s’est montré, grâce à cette capacité, non seulement trois fois supérieur au Pzh 2000, du même industriel, mais aussi capable de mener frappes déterminantes pour arrêter, à eux seuls, un assaut mécanisé massif.

Un crible de simulation de KNDS pour évaluer les plus-values du RCH-155 face au Pzh 2000

Ne voulant pas être taxé de partialité, KNDS a entrepris de comparer les performances de son nouveau système d’artillerie, au Pzh 2000, codéveloppé avec Rheinmetall, et reconnu comme une référence en matière d’artillerie autotractée à l’échelle mondiale, ce d’autant que le logiciel de simulation employé était aussi interne à l’industriel. Bien évidemment, tous ont compris qu’il s’agissait, davantage, d’apporter une réponse à la déferlante K9, proche du Pzh en de nombreux aspects, qui touche l’Europe aujourd’hui.

Pzh 2000 KNDS Ukraine
Le Pzh 2000 est reconnu comme étant l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur canon automoteur du moment.

Le principe était donc de créer une série de simulations formant un crible d’analyse, pour étudier les performances comparées entre les deux systèmes, dans un scénario unique comprenant deux batteries, l’une de Pzh 2000, l’autre de RCH-155, pour stopper une offensive menée par un bataillon de chars adverses, trois fois plus volumineux que les forces déployées en défense.

Le scénario prévoyait, en outre, une durée de deux heures d’engagement, avec un chargement classique de munitions pour la Bundeswehr, pour l’ensemble des systèmes. Une unité était considérée comme détruite lorsque 70% de ses capacités étaient mises hors de combat.

Plusieurs possibilités d’emplois du RCH-155 ont été ainsi testées, d’abord avec une tactique de type Shoot & Scout avec un arrêt marqué, puis en exploitant la nouvelle compétence de tir en mouvement du système, considéré comme efficace jusqu’à une vitesse de déplacement de 36 km/h ou 10 m/s.

De l’aveu même de KNDS, les résultats ainsi obtenus, ont été si massifs et marqués, qu’ils ont surpris jusqu’aux plus optimistes des ingénieurs allemands.

La capacité de tir en mouvement du RCH-155 représenterait un atout considérable au combat

Rappelons que le RCH-155 est une évolution du programme Artillerie-Geschütz-Modul, ou GAM, qui visait à concevoir un système d’artillerie automoteur aérotransportable par avion A400M, sur la base des technologies disponibles autour du Pzh2000.

Tir dynamique du RCH-155 – le système ne déclenche le tir automatiquement que lorsque le tir est parfaitement positionné pour atteindre la cible, tout en corrigeant les effets du mouvement du véhicule.

En 2014, KNDS décida de porter la tourelle développée dans le cadre du programme AGM, sur une plateforme 8×8 Boxer, plutôt que sur l’ASCOD initialement employé, probablement aiguillonné par les bons résultats opérationnels du Caesar, en matière de canon porté.

Toutefois, loin de vouloir reproduire le système français, Krauss-Maffeï Wegmann, devenu depuis KNDS Deutschland, a poursuivi les développements technologiques autour de ce nouveau RCH-155, pour en accroitre considérablement l’automatisation, et pour le doter d’une capacité unique de feu en mouvement, dérivée de celle employée à bord des chars de combat Leopard 2.

De fait, le RCH-155 est aujourd’hui le système d’artillerie mobile le plus automatisé du marché, avec seulement deux membres d’équipage, un conducteur et un chef de pièce. C’est aussi l’un des plus aboutis, technologiquement parlant, et le seul à pouvoir effectivement faire feu en mouvement, en conservant une grande précision de tir, et une excellente allonge grâce à son tube Rheinmetall L/52 de 155 mm et 52 calibres.

La question était de savoir si le tir en mouvement était un gadget marketing, ou une véritable plus-value opérationnelle, ce d’autant que le système automoteur allemand est aussi onéreux qu’un Pzh 2000, et quatre fois plus cher qu’un Caesar français, disposant pourtant des mêmes attributs en termes de portée et de précision, et d’une mobilité supérieure, mais qui doit marquer l’arrêt pour faire feu.

RCH-155 KNDS
Le RCH-155 dispose d’un blindage Stanag 4 contre les munitions de mitrailleuses lourdes à 200 m et les eclats de Shrpanels à 25 m.

Les simulations de KNDS n’ont pas permis de comparer les deux systèmes sur roues. Toutefois, face au Pzh 2000, les résultats sont sans appel. En effet, là où, en deux heures, le canon automoteur chenillé pouvait mettre hors de combat une dizaine de véhicules blindés, en appliquant la tactique du Shoot & Scout, pour éviter les tirs de contrebatterie, le RCH-155, lui, en a éliminé 35, suffisamment pour mettre le bataillon adverse hors de combat, et ce, en 40 minutes seulement.

Pour ce faire, plusieurs éléments étaient admis de part et d’autre, comme le fait de disposer de drones capables de repérer, identifier et marquer les cibles adverses, l’utilisation d’obus à capacité de détection antichars SMArt (Suchzünder-Munition Artillerie ou Munition d’artillerie à tête chercheuse), et une défense antiaérienne et antidrone alliée suffisamment performante pour empêcher l’adverse de détecter les batteries alliées, en dehors des radars de contrebatterie.

Un potentiel d’arrêt antichar remarquable avec des munitions SMArt

Si la munition SMArt, comparable à l’obus BONUS franco-suédois, a joué un rôle déterminant dans le pouvoir d’arrêt antichar du RCH-155 lors des simulations, c’est surtout sa capacité à déverser un feu presque continue sur l’adversaire, tout en restant en mouvement, qui explique un tel écart de résultats avec le Pzh 2000.

En effet, bien que très automatisé également, le Pzh 2000 était obligé de prendre une batterie, puis de la quitter, avant et après chaque engagement. Le RCH-155, lui, dispose d’un dispositif de pointage et de tir en mouvement, qui déclenche automatiquement le tir vers la cible, lorsque le tube est pointé correctement, et ceux, même si le véhicule est en mouvement.

munition SMArt antichar
Comme l’obus BONUS, l’obus SMArt transporte deux charges autoguidées destinées à frapper les véhicules blindés.

Cette technologie permet au système d’artillerie allemand, de densifier considérablement le feu contre ses cibles, réduisant les délais entre la désignation d’une cible et son traitement. N’étant pas contraint à marquer l’arrêt, fut-il bref, le RCH-155 s’est avéré, par ailleurs, presque invulnérable aux tirs de contrebatterie adverses, étant déjà à plusieurs centaines de mètres de l’origine du tir, lorsque son obus frappait la cible visée.

Revers de la médaille, le RCH-155 consomme très rapidement son stock de munitions, précisément trois à quatre fois plus rapidement qu’un Pzh 2000. Toutefois, les deux canons ayant une précision comparable, et un taux d’impact proche, cette consommation plus rapide, n’entraine qu’une densité de feu plus intense, sans surconsommation constatable, à résultat égal.

À ce titre, le développement d’un véhicule de soutien d’artillerie, comme le K10 sud-coréen, capable de recharger le magasin de munition du système en quelques minutes de manière automatique, va certainement rapidement s’imposer à KNDS, pour exploiter parfaitement les performances de son système.

Ainsi paré, la capacité de tir en mouvement du RCH-155, pourrait rapidement s’apparenter à un coefficient multiplicateur de forces, un RCH convenablement réapprovisionné, ayant le même pouvoir d’arrêt localisé, que 3 ou 4 Pzh 2000.

Une efficacité qui dépend des drones comme de la défense antidrone alliés

Reste que les paramètres employés lors de ces simulations, ne permettent pas d’en étendre les conclusions, au-delà du périmètre évalué. Ainsi, pour exploiter pleinement le déluge de feu qu’un RCH-155 est capable de délivrer, encore faut-il être en mesure, effectivement, de localiser et identifier les cibles avec précision, ce qui suppose de disposer des drones nécessaires pour cela.

Munition rodeuse lancet
Si le tir dynamique protège le RCH-155 contre les tirs de contrebatterie, il n’est d’acune utilité contre les munitions rodeuses comme le Lancet.

Or, on peut s’attendre, face à un adversaire comme la Russie, à ce que les systèmes de guerre électronique et de défense antiaérienne et antidrone ennemis, viennent notablement gêner l’exécution de ce tir dynamique à son plein potentiel.

De même, si celui-ci représente une excellente parade face aux radars de contrebatterie, même les plus modernes, il ne protège pas des munitions rôdeuses, et des tirs dirigés par les drones ennemis. Là encore, on peut raisonnablement douter que la défense antiaérienne et antidrone alliée soit à ce point opaque, qu’elle protège effectivement les RCH en permanence contre ce type de menace.

Or, si un RCH-155 est capable de délivrer le feu de trois Pzh 2000, le perdre reviendrait, en soi, à perdre la puissance de feu de trois de ces canons, là où la capacité de localisation d’un drone ou d’une munition rôdeuse, ne porte, le plus souvent, que sur une cible.

Il faut donc se montrer prudent, quant aux extrapolations opérationnelles qui peuvent être déduites de ces simulations. KNDS reconnait d’ailleurs que l’objectif recherché ici, était davantage d’obtenir des résultats prometteurs pour lancer une étude sur les simulateurs des armées allemandes et alliées, que d’en faire un argument commercial massue, pour placer le nouveau système d’artillerie.

Conclusion

Reste qu’en dépit des réserves prises précédemment, KNDS Deutschland, a certainement démontré, par ce crible de simulations, que la capacité de tir en mouvement dont est doté le RCH-155, constitue une plus-value dès plus intéressante, y compris contre la référence reconnue que représente aujourd’hui le Pzh 2000, et avec, en ligne de mire, le K9 sud-coréen.

K9 Thunder Finlande
Le véitable objet des simulations menées par KNDS étaient certainement d’enrichir l’argumentaire de KNDS face au K9 Thunder sud-coréen, qui fait carton plein en Europe aujourd’hui.

L’argument est cependant moins sensible face aux canons portés, comme le Caesar français, ou l’Atmos 2000 israélien. En effet, si le RCH-155 est incontestablement plus performant, il demeure, aussi, considérablement plus cher, et n’a pas le don d’ubiquité, en particulier lorsqu’il s’agit de défense des centaines de km de lignes d’engagement.

En outre, l’exploitation du RCH-155, à son plein potentiel, requiert des conditions spécifiques, incluant une parfaite transparence du champ de bataille adverse, et la capacité de pleinement opacifier son propre dispositif aux yeux de l’ennemi.

Toute la question, maintenant, est de savoir si, à l’usage, les bénéfices attendus justifieront les surcouts d’un RCH-155 face aux deux stars des exportations d’artillerie du moment, le K9 sud-coréen et le Caesar français, et qui se paient, souvent, avec des formats plus réduits. Une question à laquelle la simulation tactique réalisée par KNDS n’est pas capable de répondre, aujourd’hui.