mercredi, décembre 3, 2025
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La menace militaire a changé… Il faut changer la structure des armées en conséquence

Alors que la structure des armées françaises aujourd’hui est héritée d’une appréciation des menaces datant de 2013, il est nécessaire désormais de l’adapter aux évolutions constatées des menaces et rapports de force aujourd’hui.

Le Plan Z de 2013 : le mauvais diagnostic, mais la bonne démarche pour étendre la structure des armées

À l’occasion des travaux encadrant la rédaction du Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale de 2013, un projet visant à réduire les dépenses de défense fut proposé par le ministère des Finances. Plus connu sous le nom de Plan Z, cette stratégie visait à réorganiser la structure des armées françaises en fonction de la réalité de la menace alors perçue, avec une bonne dose de myopie, il est vrai, tant elle ignorait la trajectoire de montée en puissance des armées russes ou chinoises.

Bercy proposa de réduire les forces terrestres françaises à un corps expéditionnaire de 60.000 hommes, en confiant l’ensemble de la défense du territoire à la seule dissuasion épaulée des forces navales et ariennes, elles aussi restructurées pour l’occasion afin de répondre à cette logique.

Fort heureusement, le projet fut abandonné, en grande partie du fait d’une fronde du ministre de la Défense et des quatre chefs d’État-majors de l’époque, tous ayant mis leur démission dans la balance pour cela.

Pour autant, ce plan ne manquait d’une certaine logique, à savoir adapter structurellement les armées à la réalité de la menace telle qu’elle était (mal) perçue à cette époque, mais était conçu sur des bases exclusivement budgétaires et non opérationnelles.

Structure des armées françaises
Les Armées françaises, aujourd’hui, sont organisées autour d’unités professionnelles disposant de forces de réserve pour en accroitre la résilience

Une évolution radicale de la menace militaire ces dix dernières années en Europe

Reste que si Bercy voulait adapter, en 2013, les armées françaises à l’évolution de la menace pour mieux répondre aux engagements anti-terroristes de l’époque comme en Afghanistan et plus tard au Mali, cette même menace a considérablement évolué depuis, au point d’interroger sur la pertinence de la structure actuelle des armées.

Ainsi, s’exprimant dans le cadre de la Royal United Services Institute’s (RUSI) Land Warfare Conference en début de semaine, le chef d’État-major de la British Army, le général Patrick Sander, a ainsi donné un sincère plaidoyer en faveur d’un retour de la masse pour répondre aux enjeux à venir, à l’opposé de la trajectoire actuellement suivie par la British Army qui doit voir ses effectifs ramenés de 82.000 hommes en 2015 à 72.500 militaires en 2025.

Pour le général britannique, l’évolution de la menace, mais également les enseignements de la guerre en Ukraine, montrent qu’il est désormais indispensable de redonner aux armées le volume requis pour s’engager et faire face dans la durée à un adversaire aussi nombreux que puissamment armé, comme peut l’être la Russie.

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La British Army a été passablement érodée par ses engagements en Afghanistan et en Irak

Et d’ajouter qu’il ne sied pas à la Grande-Bretagne de s’appuyer sur les armées de ses alliés qui, eux, auront pris la mesure des enjeux (référence à la Pologne sans le moindre doute), et de se contenter de parier sur la technologie pour compenser sa masse famélique.

Le général Sander a, ici, pris le contre-pied direct des conclusions du Livre Blanc britannique de 2021 qui, dans une approche proche de celle employée par le Plan Z français huit ans plus tôt, considérait que la technologie était une alternative à la masse, et que la British Army pouvait être « spécialisée » dans certaines missions de soutien et de support au profit de forces alliées conçues, elles, pour les engagements majeurs et de haute intensité.

Pour Londres, il s’agissait alors de répondre à l’impossible équation budgétaire engendrée par l’usure considérable du potentiel militaire de la British Army, mais également le la Royal Navy et de la Royal Air Force, pour répondre aux contraintes et couts de ses engagements en Irak et en Afghanistan.

Les paradigmes considérés comme cohérents en mars 2021, ont toutefois été en grande partie balayés par les réalités observées en Ukraine, au point que le Secrétaire à la Défense, Ben Wallace, a dû reconnaitre, récemment, face à la Chambre des Lords, que les armées de Sa Majesté seraient bien en peine aujourd’hui d’opposer une résistance sérieuse sans l’appui de ses alliés si la Russie entreprenait une action militaire conséquente contre les iles britanniques.

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Les forces armées ukrainiennes, presque exclusivement composées de conscrits et de réservistes, ont montré qu’elles étaient capables d’une importante technicité et d’une grande efficacité au combat

Reste qu’il ne suffit de décréter une augmentation de masse des armées pour en faire une réalité. Les armées britanniques, comme françaises, allemandes, italiennes ou espagnoles, ayant fait le choix de la professionnalisation, se posent de nombreuses contraintes pour y parvenir, notamment au niveau budgétaire alors que les pays européens peinent déjà à financer leur effort courant.

Surtout, comme nous l’avons à plusieurs reprises abordé le sujet ces dernières semaines, toutes ces armées rencontrent d’importantes difficultés en matière de recrutement des profils requis, et de reconduction des contrats des militaires en poste.

Conscription, réserve ou armée professionnelle : comment répondre au défi de la montée en masse nécessaire des armées françaises ?

Dans ces conditions, on peut raisonnablement questionner la pertinence de la structure professionnelle d’une majorité d’armées européennes, qui précisément conjugue ces deux contraintes à leur plus au niveau, avec des couts de personnels de plus en plus élevés pour faire face à la concurrence du civil, et des difficultés croissantes de recrutement et de fidélisation des effectifs, rendant l’objectif de prise de masse au mieux très difficile à atteindre.

Le retour de la conscription : une option particulièrement lourde de contraintes pour le ministère de la Défense

Les alternatives, dans ce domaine, ne sont toutefois guère nombreuses. Le retour à une armée de conscription, comme c’était le cas pour la plupart des pays européens lors de la guerre froide, permettrait probablement un retour à des formats plus importants, avec des couts très inférieurs à ceux d’une armée professionnelle.

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Plusieurs pays d’Europe du Nord, comme la Suède et la Norvège, ont rétabli la conscription

Toutefois, cette solution n’est pas dénuée de contraintes, elle non plus. D’une part, les unités composées entièrement ou partiellement de conscrits ont une employabilité extrêmement encadrée. D’autre part, en dehors de certaines missions, le temps nécessaire pour former un conscrit à l’utilisation efficace des équipements militaires récents, conformément aux doctrines modernes, n’est pas compatible avec un service militaire de moins d’un an.

Surtout, même si, selon les sondages en France, par exemple, une majorité de l’opinion est favorable à un retour du service national, il s’avère qu’il s’agit surtout, pour ces supporters, de donner « aux jeunes » des valeurs et une expérience de vie différente de celle qu’ils ont pu connaitre, et en rien de renforcer la défense du pays et de ses alliés.

Il n’est d’ailleurs pas surprenant de constater que les deux catégories de personnels directement concernées par un retour du service national, sont également celles qui y seraient directement confrontées, à savoir les militaires d’une part, et les jeunes de l’autre.

Les forces de réserve ou garde nationale : une option attrayante, mais complexe à mettre en œuvre

L’autre possibilité repose sur la création d’une puissante force de réserve qui constituerait précisément la composante massifiée des armées, comme c’est le cas, par exemple, de la Garde Nationale américaine.

Contrairement aux forces de réserve européennes, le plus souvent destinées à renforcer les unités professionnelles et à accroitre leur résilience à l’engagement, l’US National Gard est un corps de bataille constitué disposant d’unités de combat autonomes, ainsi que d’une puissante force aérienne mobilisable au besoin par les Etats eux-mêmes, mais également par le gouvernement fédéral.

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L »US National Guard est une force armée autonome disposant de presque les mêmes capacités que l’US Army ou l’US Air Force. Elle peut également être projetée, comme ce fut le cas en Arabie Saoudite en 1991, puis en Afghanistan et en Irak.

Une équation budgétaire très favorable pour la garde nationale pour accroitre la masse des armées

Cette approche a plusieurs vertus intéressantes. Ainsi, les couts en matière de ressources humaines d’une unité constituée de réservistes, avec un encadrement partiellement professionnel, sont très inférieurs à ceux d’une unité professionnelle, même en tenant compte d’un format global sensiblement plus important pour tenir compte de la nature spécifique du contrat de réserviste.

À l’inverse, les couts d’équipement sont identiques. Mais il convient de garder à l’esprit que, pour le budget de l’état d’un pays produisant ses propres équipements, comme la France, le retour budgétaire, c’est à dire les recettes et économies sociales et fiscales liées à l’acquisition de matériels militaires produits sur son sol, est considérablement plus élevé que le retour budgétaire RH, de l’ordre de 50 à 75% pour le premier, selon que l’on considère ou non les recettes induites par l’exportation d’équipements, contre 25 à 35% pour le second.

De manière synthétique, si en prenant en considération un retour budgétaire de 50% sur les équipements, de 25% sur les couts RH, et si les couts RH d’une unité de réserve représentent 30% de ceux d’une unité professionnelle, le cout final d’une unité de réserve sera 35% inférieur à celui d’une unité professionnelle, et 50% inférieur en considérant les critères de retour budgétaire précités. Dit autrement, à budget équivalent, le recours à des unités formées de réservistes permettraient d’en doubler le nombre.

En outre, contrairement aux conscrits, l’employabilité des réservistes est bien plus souple, et même s’ils ne peuvent avoir la même flexibilité que les militaires professionnels, celle-ci répond de manière adéquate aux besoins nécessitant précisément une hausse de la masse, c’est à dire un engagement en zone alliée pour renforcer ses défenses, y compris de manière préventive.

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Le 24ᵉ Régiment d’Infanterie est la seule unité de l’Armée de terre française composée uniquement de réservistes

Délais, recrutement, changement de paradigmes : la mise en œuvre d’une puissante garde nationale a aussi des contraintes importantes

Reste que la réserve n’est pas, elle non plus, dénuée de difficultés et de contraintes. En premier lieu, le recrutement et la fidélisation de réservistes opérationnels, sans imposer les mêmes difficultés que pour les militaires professionnels, nécessitent d’importants efforts en matière de communication et d’attractivité, en particulier vers les profils à fort potentiel.

En second lieu, une telle approche suppose une profonde réorganisation des paradigmes employés aujourd’hui par les Armées, ce qui ne peut aller sans engendrer une réelle résistance des armées elles-mêmes, et des états-majors en particulier, que l’on sait peu enclins à se tourner vers une telle approche, même en dépit de la masse tant demandée.

Enfin, la mise en oeuvre d’une réelle composante de réserve prenant à sa charge l’engagement de haute intensité, nécessiterait beaucoup de temps, et un surcroit de crédits dans les premières années, ne serait-ce que pour établir et équiper les nouvelles unités, ce qui ne pourra se faire qu’au détriment des unités professionnelles qui, de leur coté, devront produire un effort supplémentaire pour assurer l’intérim dans l’attente que ces forces soient opérationnelles et efficaces.

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Le retour budgétaire liée à l’acquisition et la mise en oeuvre d’équipements militaires pour l’état est deux fois plus important que celui concernant les couts RH

Conclusion

Pour autant, en observant la réalité de la menace aujourd’hui, et des contraintes économiques et sociales qui s’imposent aux démocraties européennes, il n’existe guère d’alternatives à cette approche, sauf à accepter de revenir au service national, ou d’abandonner des pans capacitaires entiers pour spécialiser les armées en laissant à certains alliés la tache exclusive de constituer précisément cette masse nécessaire.

Reste à voir, désormais, quelles seront les décisions qui seront prises dans ce domaine à Londres, Paris, Berlin ou Rome, si tant est que de réelles décisions soient effectivement prises pour répondre efficacement aux évolutions de cette menace, et donc sortir du statu quo et de la zone de confort actuelle.

L’US Army avance dans le domaine des capacités de guerre électronique et cyber sur le champ de bataille

Avec le retour des tensions avec la Russie et la Chine, les armées occidentales ont entrepris de retrouver des capacités de guerre électronique et cyber après 30 années de friches suite à la fin de la guerre froide et aux guerres anti-terroristes des années 2000.

Le sujet est devenu bien plus pressant ces derniers mois, avec les enseignements de la guerre en Ukraine. En effet, si au début du conflit, les performances des tant redoutés systèmes de guerre électroniques russes se montrèrent décevantes, Moscou a rapidement rectifié le tir en passant en posture défensive, et s’impose désormais de manière incontestable sur le spectre électromagnétique, venant sévèrement handicaper les capacités des drones et systèmes d’arme de précision ukrainiens.

C’est dans ce contexte que s’inscrit le programme qui vient d’être confié à Lockheed-Martin par l’US Army, et qui vise à équiper les échelons au-dessus de la brigade (division, corps d’armée) de moyens avancés de guerre électronique offensive et défensive au profit de ses unités.

Le programme TLS-EAB (Terrestrial Layer System – Echelons Above Brigade) vise à doter cet échelon d’un ensemble de capacités dans les domaines de la guerre électroniques et cyber, qu’il s’agisse de priver l’adversaire de ses moyens de communication ou de géolocalisation, mais également d’identifier et localiser les systèmes adverses pour mener des frappes d’artillerie ou d’aviation.

Les militaires ukrainiens sont parvenus à mettre la main sur un des systèmes de guerre électronique les plus avancés en service dans les armées russes, le Krasukha 4
Les militaires ukrainiens sont parvenus à mettre la main sur un des systèmes de guerre électronique les plus avancés en service dans les armées russes, le Krasukha 4

Pour cela, le TLS-EAB disposera d’une panoplie de systèmes de brouillage, mais aussi de moyens de guerre cyber et de hacking, ainsi que d’émetteurs destinés à leurrer les systèmes adverses, par exemple en appliquant des technologies de Spoofing sur la géolocalisation adverse, ou de fantômes sur ses systèmes radar.

C’est le deuxième programme de guerre électronique remporté par Lockheed-Martin ces derniers mois pour le compte de l’US Army. Précédemment, en juillet 2022, celle-ci a en effet sélectionné l’industriel pour son programme TLS-BCT, qui vise à doter les brigades de combat américaines de véhicules Stryker dotés de capacités de guerre électronique au plus près de la ligne d’engagement.

À l’instar du TLS-EAB, le Stryker de guerre électronique du programme TLS-BCT sera, lui aussi, doté de capacités de renseignement électronique, de brouillage et des capacités de guerre cyber, bien que plus réduites et moins puissantes que celles disponibles à l’échelon divisionnaire. Le programme prévoit de livrer trois prototypes à l’automne de cette année pour entamer les essais et tests.

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Le Stryker de guerre électronique du programme TLS-BCT offrira aux brigades de combat de l’US Army des capacités de guerre électroniques et cyber au plus près de la ligne d’engagement

Ces deux capacités doivent rejoindre les unités opérationnelles de l’US Army au cours de la seconde moitié de la décennie, et devraient permettre de rétablir l’équilibre face aux moyens dont disposent russes et chinoises dans ce domaine.

On notera, paradoxalement, qu’en France, alors qu’une version dédiée à la guerre électronique du véhicule blindé multirôle léger Serval était initialement planifiée, son avenir est devenu plus incertain ces derniers mois, le Serval GE ayant disparu des quatre principales versions du blindé en cours de développement dans la planification publiée.

Espérons qu’il s’agisse uniquement d’une mesure technique et que celui-ci ait été simplement reclassé en sous-version, et non d’un abandon ou d’un report, alors que cette capacité est aujourd’hui indispensable dans le cadre d’un engagement de haute intensité face à un adversaire comme la Russie.

La Chine pourrait s’appuyer sur le chômage des jeunes pour renforcer ses effectifs militaires

A l’instar de nombreuses armées mondiales, l’Armée Populaire de Libération chinoise rencontre, depuis quelques années, de réelles difficultés pour satisfaire leurs objectifs de recrutement, alors que les taux de rétention des effectifs militaires s’amenuisent eux aussi face à la concurrence du secteur privé.

C’est la raison pour laquelle, ce printemps, les autorités chinoises ont annoncé d’importantes évolutions concernant les critères et obligations entourant la conscription qui fournit aujourd’hui plus de 70% des effectifs de l’APL au travers d’un service militaire de 2 ans.

Ainsi, les conscrits chinois qui tenteraient d’échapper à leurs obligations militaires, risquent désormais un très forte amende pouvant atteindre 6000 €, mais également se voir interdir l’accès à des fonctions dans le service public, ou encore plus simplement, l’obtention d’un logement d’état.

Quoiqu’il en soit, il semble qu’un facteur extérieur puisse largement améliorer les objectifs de recrutement et de rétention de l’APL. En effet, depuis 2020, la Chine est exposée à un très important chômage des jeunes, qui a atteint un pic en Mai dernier avec un taux de chômage record de 20,8% pour la tranche 16-24 ans.

L'APL aussi fait face à des difficultés en matière d'effectifs militaires
Comme les armées occidentales, l’APL fait face à des difficultés pour satisfaire à ses objectifs de recrutement et de rétention des effectifs

Pire encore, la fin de l’année scolaire va projeter presque 12 millions de jeunes diplômés sur un marché du travail saturé cet été, un sujet par ailleurs pris très au sérieux par le Parti Communiste Chinois, parfaitement conscient du rôle déstabilisateur qu’une telle masse de jeunes gens pourrait représenter.

Or, les difficultés de recrutement de l’Armée Populaire de Libération sont en partie liées au besoin d’accroitre les critères de recrutement pour privilégier les profils diplômés, du fait de l’arrivée massive de technologies avancées dans la plupart des systèmes d’arme modernes.

Il n’y a donc rien détonnant, dans ce contexte, que l’idée visant à employer l’APL pour former un tampon de sorte à atténuer les effets de cette crise socio-économique germe de plus en plus dans les milieux économiques et politiques chinois, tout en résolvant une des grandes difficultés à laquelle l’APL est confrontée aujourd’hui.

Le sujet est d’autant plus critique que les tensions avec Taïwan, mais aussi avec les Etats-Unis, ne cessent de croitre. Dans ce contexte, on peut s’attendre, dans les mois et années à venir, à une augmentation sensible du format de l’APL, peut-être même au delà des objectifs visés par celle-ci.

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Plus de 11 millions de jeunes diplômés chinois arriveront sur le marché du travail dans les mois à venir, alors que le chômage des jeunes dépasse déjà la barre des 20%

Si cette augmentation rapide et prévisible des effectifs ne doit pas laisser penser à une volonté pour Pékin de précipiter les événements face à Washington et Taïpei, elle permettra cependant non seulement d’augmenter le format de l’APL, mais également à plus long terme, celui de la réserve sur laquelle elle pourrait s’appuyer le cas échéant.

Rappelons à ce titre que, concomitamment au durcissement des règles de conscription, la Commission militaire centrale chinoise a également renforcé les règles entourant le fonctionnement de cette réserve, précisément dans l’hypothèse ou une mobilisation venait à être annoncée.

Reste que si cette conjonction de facteurs fera probablement les affaires de l’APL, elle va certainement accroitre l’anxiété des militaires taïwanais et de leurs alliés américains.

En effet, l’hypothèse de voir l’APL pouvoir s’appuyer, dans les années à venir, sur plusieurs millions de jeunes gens entrainés et mobilisables en cas de besoin, est tout sauf une perspective rassurante pour ce qui concerne la stabilité du continent asiatique.

L’US Navy a un problème : la Chine développe, elle aussi, une flotte robotisée pour accroitre sa masse

Conscient de l’efficacité remarquable du plan de montée en puissance appliqué par les forces navales de l’Armée Populaire de Libération, ainsi que par l’industrie navale chinoise, l’US Navy a, depuis quelques années, élaboré une stratégie s’appuyant sur une imposante flotte robotisée pour combler l’écart de plus en sensible en termes de masse et de capacités avec la Marine chinoise.

Selon le Pentagone, cette approche, bien que complexe technologiquement parlant, permettra de constituer une flotte d’environ 150 navires ou sous-marins robotisés d’ici à 2045, permettant d’amener le format planifié de l’US Navy à 450 bâtiments à cette date, et ainsi de contrôler la montée en force chinoise dans ce domaine.

Toutefois, et comme nous nous en étions déjà faits l’écho, cette stratégie souffre d’une importante faiblesse, car elle suppose que Pékin, pour sa part, ne développe pas une flotte robotisée en miroir, de sorte à neutraliser l’avantage espéré par le Pentagone.

C’est pourtant précisément la trajectoire suivie par la Marine chinoise, qui depuis quelques années, multiplie les avancées technologiques dans le domaine des navires et sous-marins robotisés, y compris en s’inspirant très ouvertement des approches américaines.

Une flotte robotisée militaire chinoise handicaperait grandement les plans de l'US Navy
Bien que réduit, le JARI emporte un radar EASA à face plane et un sonar de coque, ainsi qu’un puissant armement composé d’un canon de 30 mm, de huit missiles anti-aériens ou anti-navires à courte portée en silo et deux tubes lance-torpilles.

C’est notamment le cas d’un démonstrateur naval de 45 m et 200 tonnes lancé en 2019 et de toute évidence très proche du navire expérimental océanique robotisé SeaHunter de l’US Navy, qui avait mené l’année dernière une première campagne de tests et d’essais jugés satisfaisant par l’état-major chinois, tout en moins dans sa communication officielle.

D’autres modèles ont été expérimentés, dont le JARI présenté en 2019, un navire beaucoup plus compact de 15 mètres pour seulement 20 tonnes, destiné à assurer la protection côtière et des infrastructures portuaires et littorales.

Depuis, les essais et présentations se sont multipliés avec une grande régularité. Ainsi, lors du salon Airshow China de 2022 de Zhuhaï fut présenté le J-30i, alors que la même année, les chantiers navals de Guangzhou lançaient le Zhu Hai Yun, un navire de 88 mètres de long pour 14 me de large, replaçant 2.100 tonnes et agissant comme bateau mère pour mettre en œuvre une cinquantaine de drones aériens, navals et sous-marins.

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Lancé en 2022, le Zhu Hai Yun est un navire mère expérimental pouvant accueillir et mettre en œuvre jusqu’à 50 drones navals et aériens

Mais si les ingénieurs et scientifiques chinois montrent la même détermination que leurs homologues américains pour rapidement developper les technologies nécessaires pour mettre en œuvre des navires robotisés, la marine chinoise, elle, semble envisager leur utilisation de manière relativement différente.

En effet, pour Pékin, ces navires autonomes seront avant destinés à assurer des missions de surveillance et de protection des espaces maritimes intérieurs et des cotes, ainsi qu’à escorter et étendre les capacités des unités navales classiques, là où l’US Navy envisage ces bâtiments comme des alternatives aux navires dotés d’équipage.

Quoi qu’il en soit, tout indique désormais que la stratégie élaborée par l’US Navy pour contenir la masse en devenir de la marine de l’APL, ne sera probablement pas suffisante pour y parvenir.

Malheureusement pour elle, avec des navires qui lui coutent 3 à 6 fois plus cher à l’achat à capacités comparables, et qui sont fabriqués autant moins rapidement par les chantiers navals américains, les options sont réduites pour y parvenir, alors que parier sur le seul ascendant technologique pour rétablir l’équilibre semble particulièrement optimiste.

Le chasseur KF-21 Boramae sud-coréen pourrait atteindre sa pleine capacité opérationnelle avant le F-35…

Il est rare qu’un programme aussi complexe que le développement d’un nouvel avion de combat ne connaisse aucun retard. C’est d’autant plus remarquable lorsqu’il s’agit du premier avion de combat développé par une industrie aéronautique qui plus est à cheval sur la nouvelle génération.

C’est pourtant bel et bien ce que les Sud-coréens du groupe sud-coréen KAI sont en passe d’accomplir avec le programme KF-21 Boramae, alors que le 6ᵉ et dernier des prototypes prévus vient d’effectuer un premier vol de 33 minutes à Gyeongnam-do dans le sud du pays (en illustration principale).

Le programme dispose en effet désormais de quatre appareils monoplaces, les n° 1, 2, 3 et 5 ; ainsi que de deux versions biplaces, les n° 4 et 6. pour terminer leurs essais, explorer le domaine de vol et tester et valider les équipements électroniques et les armements de l’appareil, moins d’un an après le premier vol de l’appareil.

Il y a un mois de cela, le KF-21 avait d’ailleurs obtenu, à ce titre, une première qualification de combat partielle, alors qu’il est prévu que l’appareil reçoive sa capacité de combat complète dès 2026, lors de l’entrée en service de celui-ci pour remplacer les F-4 et F-5 encore en service au sein des forces aériennes sud-coréennes.

Le KF-21 Boramae a effectué son premier vol y a moins d'un an, en juillet 2022. Depuis, 5 autres prototypes dont deux biplaces ont été produits et participent au programme d'essais en vol
Le KF-21 Boramae a effectué son premier vol y a moins d’un an, en juillet 2022. Depuis, 5 autres prototypes dont deux biplaces ont été produits et participent au programme d’essais en vol

On notera, à ce titre, que dans l’hypothèse où les dernières phases du programme se dérouleraient selon le planning jusqu’ici respecté à la lettre, le KF-21 Boramae atteindrait la pleine capacité opérationnelle, et passerait en production de série, avant que le F-35A ne le fasse, alors même que le programme sud-coréen a été lancé seulement en 2010, soit 15 ans après celui du Lightning II.

Il est vrai que les deux programmes sont difficilement comparables, le F-35 étant sensiblement plus avancé dans les domaines de la furtivité, de la fusion de données et des capteurs. Toutefois, un tel écart, par ailleurs amplifié par le fait qu’il s’agissait d’une première pour l’industrie aéronautique sud-coréenne, tend à démontrer l’ensemble des déséquilibres structurels qui handicapent le programme américain, et entravent lourdement son bon déroulement.

Le fait est, le KF-21 Boramae a été conçu selon un paradigme opposé à celui du Lightning II, alors que toutes les tuiles technologiques pour lui donner naissance étaient déjà disponibles en amont de sa conception. Ainsi, aucun retard lié à d’éventuelles difficultés de développement technologique n’est venu entraver le bon déroulement de ce programme, ni d’ailleurs son budget de 7 Md$ plus de 20 fois inférieur à celui ayant permis la conception du F-35.

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KAi aura assemblé et fait voler les 6 prototypes du Boramae en 2 ans, et est parvenu à développer l’appareil jusqu’à la production de série avec une enveloppe budgétaire de 7 Md$.

Quoi qu’il en soit, le programme KF-21 va se poursuivre dans les mois à venir, alors que la production industrielle des appareils de série devrait, quant à elle, débuter en 2024 pour une entrée en service prévue en 2026. Au total, les forces aériennes sud-coréennes ont prévu d’acquérir 120 appareils devant être livrés entre 2026 et 2032.

Au-delà de ces bonnes nouvelles, il semble, à en croire l’article de l’agence de presse Yunhap, qu’en dépit des engagements pris par le ministre indonésien de La Défense par intérim, Muhammad Herindra, à l’occasion de la présentation officielle de l’appareil en septembre 2022, le pays n’ait toujours pas entrepris de payer sa contribution au programme, ce qui fait peser un sérieux doute quant à sa future acquisition par les forces aériennes de Jakarta.

En revanche, à l’occasion de la visite du ministre de la Défense polonais en Corée du Sud pour la livraison du premier chasseur léger FA-50 aux forces aériennes du pays, celui-ci a annoncé que Varsovie envisageait de rejoindre le programme Boramae une fois la capacité opérationnelle obtenue, ce qui constituerait une alternative potentielle à la défection de l’Indonésie tant du point de vue commercial qu’industriel.

Reste, désormais, à conclure cette première phase de développement et d’essais avec la même célérité et efficacité qu’observé jusqu’ici. Si tel est le cas, il est probable que le KF-51 Boramae s’invitera prochainement dans les compétitions internationales face aux F-16, Rafale, Typhoon, et autres Su-35s, avec des chances bien réelles de s’imposer, comme cela a déjà été le cas de l’avion d’entrainement et d’attaque T/FA-50 avant lui, qui vient récemment d’être sélectionné par la Malaisie qui va devenir son 5ᵉ client à l’exportation en dehors de la Corée du Sud et de l’Indonésie qui l’avaient co-développé.

La France peut-elle répondre aux évolutions des stratégies industrielles de défense dans le monde ?

Il n’aurait échappé à personne que les industriels allemands du marché de la Défense, comme Rheinmetall, Krauss-Maffei Wegmann, Diehl ou Hensoldt, sont très friands du préfixe Euro dès lors qu’il s’agit de concevoir un équipement en partenariat. Cela avait commencé avec la famille Euromissile entre l’allemand MBB et le français Aérospatiale, qui donna naissance dans les années 70 à certains des missiles les plus performants et les plus exportés du moment, les missiles antichars Milan et HOT, ainsi que le missile antiaérien Roland.

C’est également ce préfixe qui fut choisi initialement pour le rapprochement entre MBB et Aérospatiale dans le domaine des hélicoptères pour donner naissance à Eurocoptere qui deviendra, par la suite, Airbus Hélicoptères, et dans le domaine des avions de combat avec le consortium Eurofighter qui a conçu le Typhoon.

Depuis le début des années 2000, cependant, les industriels allemands basculèrent de leur approche d’alliances purement européenne, vers des partenariats avec des acteurs hors de l’Union européenne, de sorte à leur donner accès au marché européen en « européanisant » leurs équipements.

C’est ainsi qu’apparut, en 2004, EuroSpike, une joint-venture entre Rheinmetall Electronics, Diehl Defence, et l’Israélien Rafael Advanced Defense Systems, visant initialement à vendre à la Bundeswehr de missile antichar israélien Spike (en illustration principale), puis à l’exporter, avec grand succès, auprès des armées européennes.

De fait, aujourd’hui, 12 armées européennes emploient cette famille de missile, alors en concurrence directe avec les Milan et HOT d’Euromissile, laissés pour l’occasion en désuétude par Berlin.

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Un VCI Marder A5 de la Bundeswehr tirant un missile antichar Milan

Depuis, une véritable boulimie d’Euro-X a déferlé outre-Rhin et au-delà, allant de l’EuroTrophy pour les systèmes de protection active Hard-Kill Trophy de l’Israélien Rafael, à l’EuroArrow pour l’acquisition du système antibalistique d’IAI et de Boeing. La stratégie, sans le préfixe (pour l’instant), est également appliquée dans le domaine des systèmes d’artillerie à longue portée.

Ainsi, un partenariat a été signé il y a peu entre Rheinmetall et Lockheed Martin pour le développement d’une évolution du système HIMARS, alors que dans le même temps, KMW et l’israélien Elbit ont entrepris de developper conjointement une version du système PULS israélien pour le même marché, le choix de la Bundeswehr faisant office de juge de paix dans cette compétition, mais aussi de référence pour les armées européennes qui pourraient se tourner vers cette offre.

Fondamentalement, l’approche des industriels allemands est très raisonnable et parfaitement efficace. En effet, en suivant cette stratégie, ils demeurent au centre du marché européen et de la production industrielle de défense en Europe, tout en réduisant sensiblement les besoins d’investissement en matière de R&D.

Surtout, cette stratégie leur offre une grande réactivité, en permettant de produire avec un délai réduit des solutions technologiques adaptées au marché européen, en allant puiser dans l’offre exogène occidentale.

Par ailleurs, le cas allemand est loin d’être unique. Les armées US n’hésitent pas, à ce titre, à recourir à des pratiques similaires, comme ce fut, par exemple, le cas pour développer la frégate Constellation, dérivée de la FREMM Italienne construite par Fincantieri, ou les hélicoptères UH-72 Lakota de l’US Army, conçus par Airbus Hélicoptères.

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Les futures frégates de l’US Navy de la classe Constellation sont dérivées des frégates FREMM italiennes conçues par Fincantieri

La même stratégie est employée en Grande-Bretagne, par exemple, avec le blindé Boxer et le peu glorieux véhicule blindé Ajax, par l’Italie qui veut acquérir sur étagère avec production locale un nouveau char de combat et un nouveau véhicule de combat d’infanterie, ou encore par l’Espagne dans de nombreux domaines.

La Pologne, quant à elle, en a fait le pilier de sa stratégie industrielle, avec des partenariats prometteurs avec la Corée du Sud dans le domaine des blindés et des avions de combat, avec les Etats-Unis dans le domaine de l’artillerie à longue portée et des hélicoptères, et la Grande-Bretagne dans le domaine des systèmes anti-aériens, et toujours le marché européen en perspective.

En revanche, la France n’a jamais recouru à une telle approche. Traditionnellement, s’il arrive (rarement) que Paris accepte certaines importations d’équipements militaires non européens, comme c’est le cas des E-2D Hawkeye de la Marine nationale, le pays privilégie strictement deux stratégies : la production nationale et la production en partenariat européen.

Même les acquisitions directes à certains voisins européens sont rares pour les armées françaises, en dehors de certains contrats aussi symboliques que vertement critiqués, comme c’est le cas aujourd’hui des fusils d’assaut HK416 allemands pour le remplacement les Famas vieillissants.

Dans les faits, l’approche française n’est pas dénuée d’intérêts, tant s’en faut. En préservant au maximum, parfois au-delà même de certaines grandes puissances comme les Etats-Unis et la Chine, la dimension nationale des équipements employés par les armées françaises, la France conserve simultanément une autonomie d’utilisation et de décision presque intégrales ainsi qu’une grande maitrise de ses chaines logistiques et de maintenance.

En outre, le retour budgétaire pour les finances publiques des investissements pour équiper les armées est optimum, probablement l’un des meilleurs au monde par la très faible exposition des industriels français de défense aux importations, de même que des taux de prélèvements sociaux et fiscaux très élevés dans le pays.

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Rheinmetall et Lockheed-Martin vont codévelopper une version lourde du système HIMARS capable de mettre en oeuvre davantage de roquettes que le modèle standard

Enfin, la France maitrise le plus souvent intégralement son offre en matière d’exportation de ses équipements de défense, et bénéficie là encore presque intégralement des recettes fiscales et sociales liées à ces mêmes exportations, contribuant grandement à la soutenabilité de l’effort de défense français.

Pour autant, en l’absence d’un effort de défense français sensiblement supérieur à celui de ses voisins et principaux concurrents sur la scène internationale, cette stratégie engendre également certaines faiblesses bien visibles. Ainsi, faute d’investissements et d’une anticipation suffisants, les équipements français arrivent parfois sur un marché déjà saturé par les offres concurrentes, comme ce fut, par exemple, le cas du char Leclerc, mais aussi cela risque, probablement, d’être le cas concernant un éventuel système d’artillerie à longue portée de facture nationale.

Aussi, en refusant de créer des dépendances industrielles vis-à-vis de pays non européens, Paris limite de plus l’efficacité de ses offres commerciales sur la scène internationale, notamment face à certaines offres portées par des pays plus offensifs. C’est spécifiquement le cas des Etats-Unis, mais aussi de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne, beaucoup plus souples dans ces domaines, y compris autour de programmes critiques comme le F-35. Dans ces conditions, est-il possible pour Paris de répondre à la menace des Euro-X précédemment détaillée ?

Une chose est certaine, l’application des paradigmes actuels risque d’accroitre la perte de pertinence des offres françaises dans de nombreux domaines, particulièrement face à certains acteurs particulièrement souples dans ces domaines, comme c’est le cas de l’Allemagne, mais également, et surtout, de la Corée du Sud, Israël ou la Turquie, qui par ailleurs investissent proportionnellement à leur PIB bien davantage dans leurs propres efforts de défense.

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L’Italie assemble les F-35 destinés au marché européen

Fondamentalement, la France a deux possibilités pour répondre à cette évolution du marché mondial de l’armement. La première consiste à se rapprocher de la posture allemande, en acceptant une plus importante interdépendance exo-européenne dans le domaine des équipements de défense, que ce soit dans le cadre d’accord d’offset liés à des contrats d’exportation, ou dans celui d’une importation de technologies non développées en France.

La seconde possibilité suppose une réforme profonde du pilotage et du financement de l’effort de défense, notamment pour ce qui concerne les travaux visant à acquérir l’ensemble des technologies nécessaires pour maintenir l’industrie de défense française dans une position dominante sur le marché. Elle se rapproche, dans les faits, de celle détaillée par Eric Trappier et le GIFAS en marge de la campagne présidentielle de 2017 en France.

À cette époque, le CEO de Dassault Aviation estimait qu’il était nécessaire d’augmenter le budget dédié à l’acquisition d’équipements, mais également à la conception de démonstrateurs à hauteur de 24 Md€ par an, dont 6 à 8 Md€ consacrés chaque année à la R&D et à la conception de démonstrateurs, de sorte à pouvoir « stocker » les technologies prêtes à l’emploi au besoin pour developper les équipements pour les armées.

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Le programme de démonstrateur NEURON est la parfaite démonstration de la pertinence de l’approche par démonstrateurs préconisée par le GIFAS en 2017

Cette approche suppose, d’une certaine manière, une inversion de paradigme en matière de pilotage des programmes technologiques et industriels de défense. En effet, là où, aujourd’hui, les recherches et les développements sont exclusivement entrepris à des fins de développement de programmes pour les armées, exceptionnellement pour un client export, ils seraient dans cette hypothèse entreprise méthodiquement pour créer les briques technologiques qui, par la suite, pourront être employées pour developper les systèmes requis à la demande des armées et d’éventuels clients internationaux.

D’un certain point de vue, cette approche recoupe celle développée par le Dr Will Roper dans le cadre de son projet de E-Century Série, lorsqu’il présidait aux acquisitions de l’US Air Force. Celle-ci reposait sur le même découpage entre R&D et démonstrateurs, et la conception / production d’équipements pour les armées, par ailleurs en plus petite série, sans impact négatif sur l’enveloppe globale de financement.

Quoi qu’il en soit, d’une manière ou d’une autre, il sera probablement nécessaire pour la France d’adapter sa stratégie concernant le pilotage de ses programmes et de son offre industrielle de défense dans les années à venir. Il lui faudra, en effet, répondre simultanément à l’arrivée de nouveaux acteurs aux offres aussi agressives que souples, mais également, sur le marché européen, pour s’adapter à l’émergence rapide des partenariats internationaux sous la forme des Euro-X initiés par Berlin.

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L’US Air Force soutenait activement le programme E-Century Series du Dr Will Roper lorsqu’il en dirigeait les acquisitions

La pire des postures, dans ce domaine, serait probablement de s’arc-bouter sur ses propres acquis et sur certaines certitudes héritées de succès passés dans un marché excessivement dynamique qui, en bien des domaines, rappelle bien davantage la recomposition qui eut lieu en occidentaux concernant le marché et les industriels de l’armement dans les années 50 et 60, qu’aux 40 années qui viennent de s’écouler.

Et de se rappeler qu’à l’issue de cette recomposition post Seconde Guerre mondiale, la plupart des BITD européennes avaient été ramenées à leur plus simple expression en dehors de la France, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, précisément qui purent s’appuyer sur des décisions politiques courageuses et volontaires dans ce domaine.

Rheinmetall vs General Dynamic : le remplacement des M2 Bradley américains sera en territoire connu

Le remplacement des M2 Bradley de l’US Army opposera le KF-41 Lynx de Rheinmetall

En janvier 2020, l’US Army annula son programme Optionnaly Manned Fighting Vehicle devant permettre le remplacement de ses quelque 5000 véhicules de combat d’infanterie M2 et véhicules de reconnaissance armée M3 de la famille Bradley.

En effet, en raison d’un planning de test très serré et de difficultés administratives, le prototype du KF21 Lynx de l’Allemand Rheinmetall présenté par Rheinmetall USA, Textron, L3 Harris et Raytheon (rebaptisé depuis peu RTX) n’avait pu être livré à temps pour les essais aux Etats-Unis face au Griffin III de General Dynamic Land System et General Motors Defence.

Faute d’une réelle compétition, l’US Army prit alors la décision de l’annuler pour la relancer sur de nouvelles bases quelques mois plus tard. En effet, au-delà d’un planning trop serré, il est apparu que le cahier des charges produit alors était bien trop contraignant, bridant en de nombreux aspects le travail et les possibilités à disposition des industriels pour concevoir un blindé efficace et innovant.

Une année plus tard, en avril 2021, le programme OMFV était à nouveau sur les rails, avec un cahier des charges repensé et réadapté aux évolutions géostratégiques, pour produire un blindé qui ne sera plus aéro-transportable par avion C17 cette fois, mais qui sera bien mieux protégé et armé, avec un canon pouvant atteindre 50 mm, et des exigences opérationnelles révisées pour un équipage à deux personnes grâce à l’intégration de nouvelles technologies numériques, et la capacité à transporter six soldats équipés.

Le remplacement des M2 Bradley de l'US Army est désormais urgent
L’US Army va devoir remplacer plus de 5000 Bradley dans les années à venir, un programme qui atteindra 45 Md$.

Quoi qu’il en soit, au bout d’une période d’étude d’un peu plus de deux ans, l’US Army a rendu publique la liste des deux finalistes sélectionnés dans le cadre du programme OMFV rebaptisé pour l’occasion XM30, et qui devront d’ici à 2025 produire 7 prototypes de test devant être livrés en 2025 pour participer à la phase d’évaluation et de tests sur le terrain.

Sans grande surprise, il est vrai, ce sont à nouveau les consortiums rassemblant autour du KF41 Lynx Rheinmetall USA, RTX, L3 et Textron d’une part, et celui rassemblant GDLS et GM Defence, qui ont été sélectionnés au détriment des trois autres compétiteurs qu’étaient BAe (concepteur du Bradley), Oshkosh Defense associé pour l’occasion au sud-coréen Hanwha avec l’AS21 Redback et l’Israélien Rafael, ainsi que l’offre de Point Blank associée avec Renk america.

Les vainqueurs de la phase initiale ont donc désormais deux ans pour adapter leurs modèles aux exigences de l’US Army, avec une tourelle entièrement automatisée, une grande survivabilité avec système de protection hard-kill/soft-kill ainsi qu’une furtivité radar/optique et infrarouge renforcée, et un puissant armement reposant sur un canon de 35, voire 50 mm, des missiles antichars et des munitions rôdeuses et drones au besoin.

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GDLS s’était appuyé sur le modèle Griffin 3 pour la conception initiale du OMFV.

En termes de propulsion, tout porte à croire que les deux compétiteurs s’orienteront vers une propulsion hybride offrant une plus grande souplesse opérationnelle, et au besoin une discrétion sonore parfois fort utile. La mobilité est à ce titre l’une des principales attentes de l’US Army et le rapport puissance poids sera observée de près.

Enfin, l’automatisation et la vétronique (l’ensemble des dispositifs électro-optiques offrant à l’équipage la perception globale de leur environnement) seront très poussés, le blindé devant, à ce titre, disposer d’une grande capacité d’évolution dans ce domaine pour absorber les nouvelles capacités qui ne manqueront par de lui être ajoutées au cours de sa vie opérationnelle, et ainsi éviter l’extraordinaire prise de poids qu’a connu le Bradley.

On remarque toutefois que l’ambition initiale du programme, à savoir que le blindé puisse être au besoin mis en œuvre sans équipage, semble encore très distante dans les préoccupations immédiates de l’US Army, qui privilégie de toute évidence l’automatisation d’assistance à l’automatisation de pilotage.

On peut naturellement penser qu’avec la sélection de Rheinmetall et de GDLS, l’US Army se retrouve dans la même situation qu’il y a trois ans. Rien n’est moins vrai cependant. Comme expliqué précédemment, l’approche suivie par l’US Army et les contraintes imposées aux industriels ont considérablement évolué depuis, pour bien mieux répondre à l’évolution de la menace que ne l’était le précédent programme, encore fortement influencé par les campagnes d’Irak et d’Afghanistan.

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Les Bradley transféré à l’Ukraine ont connu des pertes depuis le début de la contre-offensive ukrainienne débutée il y a un mois, comme sur ce cliché désormais célèbre montrant des M2 et des Leopard 2 endommagés et abandonnés par leurs équipages. Il semble toutefois que les pertes humaines lors de cet engagement ont été très réduites, selon l’état-major ukrainien.

De fait, le nouveau véhicule de combat d’infanterie qui équipera l’US Army et la Garde Nationale sera probablement très différent de ceux initialement proposés par Rheinmetall et GDLS, conférant aux armées américaines un avantage opérationnel probable plus que significatif. Et ce qui semblait être un nouvel échec dans la longue histoire des programmes pour remplacer le Bradley, pourrait bien s’avérer au final une réelle réussite, mettant fin à 25 années de parcours chaotique.

VMAX, Aquila… Concernant les armes hypersoniques, la France développe simultanément la Lance et le Bouclier

Il n’y a de cela que quelques années encore, le ministère des Armées et les états-majors français, demeuraient perplexes quant à la réalité des armes hypersoniques présentées alors depuis peu par la Russie (Kinzhal, Tzirkon, Avangard) et la Chine (DF17).

De nombreuses questions demeuraient toutefois sans réponse claire, comme la manière dont ces armes seraient guidées, ou encore sur l’efficacité réelle des systèmes de propulsion employés.

À partir de 2019, cette position évolua rapidement, tant par les démonstrations, observées notamment par satellites, de cette réalité, mais également des avancées obtenues dans ce domaine par les Etats-Unis notamment, au point que désormais, elles sont considérées comme l’un des piliers technologiques déterminant dans l’équilibre des forces et des nations pour les décennies à venir.

Les différents programmes d’armes hypersoniques offensives françaises : la lance

C’est ainsi qu’en 2019, le ministère des Armées lança, dans le cadre de la nouvelle Loi de Programmation Militaire, le programme VMAX, un démonstrateur de planeur hypersonique dont la conception fut attribuée à l’ONERA et Ariane Espace, avec objectif d’effectuer un premier vol en 2021, alors que d’autres programmes devaient pouvoir s’appuyer sur les acquis technologiques développés.

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Le programme ASN4G doit permettre de remplacer le missile nucléaire supersonique ASMPA à bord des futurs Rafale F5

Les missiles de croisière ASN4G et FMC/FMAN

C’est le cas du nouveau missile Air-Sol Nucléaire de 4ᵉ Génération, ou ASN4G, qui doit remplacer le missile supersonique ASMPA actuellement en service à bord des nouveaux Rafale F5 au milieu de la décennie à venir.

Mais c’est aussi celui du programme franco-britannique Futur Missile de Croisière / Futur Missile anti-Navire, devraient évoluer à des vitesses hypersoniques, même si dans le cas du FMC/FMAN, le sujet demeure débattu entre Paris, Londres et désormais Rome, quant à l’utilisation de capacités hypersoniques ou de la furtivité pour accroitre l’efficacité de l’arme.

Rappelons qu’une arme est considérée comme hypersonique lorsqu’elle atteint ou dépasse une vitesse supérieure à Mach 5, mais également qu’elle dispose d’importantes capacités de manœuvre à ces vitesses.

C’est la raison pour laquelle le missile russe aéroporté Kinzhal, présenté depuis 2018 comme une arme hypersonique, mais aussi le missile DF21D / YJ21 anti-navire chinois ne sont pas des armes hypersoniques, même s’ils atteignent effectivement des vitesses supérieures à Mach 5, du fait qu’ils ne disposent pas de facultés de manœuvre significatives suffisantes pour éviter les intercepteurs antibalistiques.

Scramjet et planeur hypersonique pour dépasser Mach 5

Il existe aujourd’hui deux types de technologies permettant de concevoir un missile potentiellement hypersonique. La première est le Scramjet, ou superstatoréacteur, un propulseur aérobie (utilisant l’air atmosphérique comme comburant contrairement à un moteur fusée qui emporte simultanément carburant et comburant), capable de ralentir et de refroidir les flux d’air pour stabiliser une combustion permettant de créer la poussée nécessaire pour atteindre ces vitesses.

C’est notamment la technologie employée par le missile de croisière anti-navire hypersonique russe 3M22 Tzirkon, qui lui, contrairement au Kinzhal, semble bel et bien cocher toutes les cases de la définition d’une arme hypersonique.

Armes hypersoniques 3M22 Tzirkon
Le missile hypersonique anti-navire 3M22 Tzirkon utilise un scramjet pour atteindre et conserver une vitesse supérieure à mach 5. Le système de guidage du missile reste encore mystérieux.

La seconde technologie pour y parvenir, repose sur l’utilisation d’un planeur hypersonique, qui utilise sa vitesse initiale, mais également son énergie potentielle (donc son altitude), toutes deux conférées par un missile balistique l’amenant à l’altitude, la position et la vitesse souhaitées pour conserver une vitesse hypersonique pendant toute la durée de la phase balistique.

Les capacités de manœuvre pour déjouer l’interception

Contrairement à des véhicules de rentrée atmosphérique classiques, comme ceux employés à bord des missiles balistiques actuellement en service comme le Minutemann III américain ou le RS-24 Yars russe, le planeur hypersonique conserve une très importante capacité de manœuvre durant toute la durée de son vol.

Celle-ci est suffisante pour suivre des trajectoires imprédictibles par les systèmes antibalistiques en service, alors que sa vitesse le garde hors de portée des systèmes anti-aériens conçus pour intercepter des cibles manoeuvrantes comme des avions de combat, mais n’évoluant pas au-delà Mach 2,5 ou Mach 3.

Cette technologie est employée notamment par le système Avangard développé en Russie pour armer le nouveau missile balistique ICBM RS-28, mais également le missile hypersonique tactique chinois DF-17 apparut publiquement pour la première fois lors du défilé de 2019 marquant les 50 ans de l’APL.

Le programme de planeur hypersonique VMAX

C’est aussi l’objet du programme français, dont il semblerait qu’un premier vol ait eu lieu ce lundi 26 mai au large de Biscarrosse, sur la côte occidentale française.

VMAX Biscarosse
Cliché publié sur le compte Twitter de l’association Météo Pyrénées lundi 26 juin montrant les évolutions supposées du VMAX

Si aucune publication officielle n’avait été publiée (lors de la rédaction de l’article, une confirmation de la DGA a été publiée depuis), les observations faites par les habitants de la côte Atlantique entre Biarritz et Bordeaux, mais aussi les notifications aéronautiques qui laissèrent anticiper qu’un essai majeur de ce type interviendrait ce jour, permettent de penser raisonnablement que le premier vol du VMAX a bien eu lieu ce jour.

Comme on peut le voir sur le cliché ci-dessus publié sur le compte Twitter de l’association Meteo-Pyrénées, il semble bien que démonstrateur français ait d’importantes capacités de manœuvre, lui permettant d’évoluer dans un espace relativement restreint sans une dégradation excessive de l’altitude, même si à une telle distance et altitude, il est impossible d’évaluer sur la base d’un simple cliché la finesse (distance parcourue par l’altitude perdue) de l’appareil.

Toutefois, la grande répartition des observations, s’étendant sur une distance de côtes de presque 180 km, nous indique que ce qui a été observé, évoluait à très haute altitude.

Il faut dire que les conditions météo ce lundi étaient idéales pour une telle observation, avec une nébulosité quasiment nulle, une très grande visibilité, ainsi qu’une heure tardive qui créa un puissant contraste entre la luminosité au sol et en altitude favorisant son observation.

DF-17 chine
Le DF17 chinois est coiffé d’un planeur hypersonique. Il a été présenté pour la première fois en 2019 pour les 70 ans de la création de l’Armée Populaire de Libération.

Quoi qu’il en soit, il faudra attendre la communication officielle pour en savoir plus sur cet essai. S’il ne fait guère de doute qu’il s’agissait bien du VMAX, et qu’il est parvenu à évoluer de manière plus que significative sans suivre une trajectoire balistique classique, on ignore cependant à quel point il est effectivement parvenu à maintenir sa vitesse hypersonique sur l’ensemble du vol, ni même si l’intégrité de l’appareil a pu être préservée jusqu’à la fin du vol et l’arrivée au sol.

Le communiqué de la DGA indique que c’est bien le cas, et que l’ONERA et Ariane Espace traitent et compilent actuellement l’ensemble des données collectées. Il s’agit donc d’une étape cruciale dans le développement du programme, et par conséquent dans celui des technologies nécessaires à la conception de l’ASN4G et peut-être du FMC-FMAN.

L’Aquila pour contrer les armes hypersoniques : le bouclier

Un autre programme majeur dans ce domaine a été dévoilé il y a quelques jours en France. En effet, le VMAX doit concevoir la lance hypersonique permettant à la France de demeurer un acteur majeur clé des technologies de défense et plus particulièrement de dissuasion.

Le programme Aquila annoncé par MBDA avec le soutien de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et des Pays-Bas il y a quelques jours à l’occasion du salon du Bourget, doit lui aider à constituer le bouclier pour s’en prémunir.

Complémentaire de la famille des missiles anti-aériens et anti-balistiques Aster déjà en service, il équipera les navires de combat majeurs et leur escorte, comme les sites terrestres d’importance, d’une protection efficace contre les armées hypersoniques, que l’on sait avoir beaucoup, et même exagérément, été prises comme argument pour affirmer la fin des grandes unités navales comme les porte-avions.

Aquila MBDA
La maquette de l’Aquila était présentée à l’entrée du stand MBDA au salon du Bourget 2023. La structure à 3 étages présentée ici n’est pas définitive selon MBDA

On ignore beaucoup de choses sur l’Aquila, ce qui est parfaitement compréhensible dans la mesure où le programme n’a pas même entamé sa phase d’étude préalable.

Toutefois, l’annonce de cette initiative, complémentaire du programme européen Twister qui doit précisément permettre de détecter et de suivre les menaces hypersoniques, montre que Paris, et plus globalement les européens, ont pris conscience du rôle stratégique que joueront les armes hypersoniques dans les décennies à venir.

Tout comme le caractère hiérarchisant sur la scène internationale, qui sera conféré aux nations qui disposeront des compétences technologiques dans ce domaine, qu’il s’agisse de concevoir la lance, oui le bouclier, pour s’en prémunir.

Une chose est certaine, cependant : si les européens, et la France en particulier, ont raté certains virages majeurs technologiques ces dernières décennies, comme dans le domaine des drones ou de l’artillerie à longue portée, ils semblent avoir bel et bien pris le train à temps pour les armes hypersoniques, comme pour les chasseurs de nouvelle génération du reste.

Nous (européens) avons suffisamment eu d’occasion pour regretter le manque d’anticipation et de réactivité des gouvernants dans le domaine de la défense pour gouter avec plaisir le réveil en cours dans des certains domaines les plus stratégiques.

Le Rafale de Dassault Aviation retrouve des couleurs en Colombie

À la fin du mois de décembre 2022, la France était passée à quelques encablures de la signature d’un nouveau contrat export pour son avion Rafale de Dassault Aviation en Colombie. Présenté alors comme le favori de la compétition qui l’avait opposé au F-16 américain et au Gripen suédois à la suite des évaluations par l’Armée de l’Air colombienne pour remplacer sa flotte de 19 chasseurs Kfir d’occasion israélienne acquis en 2008.

Toutefois, Bogotá ne souhaitait s’engager alors que sur l’acquisition de 3 ou 4 appareils sur l’engagement budgétaire de 678 m$ autorisé par le parlement colombien pour l’année 2022, alors que pour Dassault, il était nécessaire d’un engagement supérieur de sorte à intégrer la commande dans le planning de production. Au final, les autorités colombiennes annoncèrent début janvier que la transaction n’avait pas été possible, ce qui reportait le processus d’acquisition pour le remplacement des Kfir.

Depuis, peu d’informations ont circulé à ce sujet, si ce n’est une offensive américaine non sollicitée il y a quelques semaines, pour tenter d’imposer une nouvelle fois le F-16V dans un accord bilatéral en dehors du processus de sélection engagé, ce qui constituait surtout une tentative de Washington de sortir le Rafale de ce dossier, comme le fit également Washington aux Philippines pour sortir le Gripen, lui aussi donné favori face au F-16.

Le Rafale de Dassault aviation pourrait remplacer les Kfir de l'armée de l'air colombienne
Les forces aériennes colombiennes doivent remplacer la vingtaine de chasseurs Kfir encore en service constituant aujourd’hui sa flotte de chasse

Pour autant, l’intérêt pour le Rafale des autorités colombiennes ne semble pas s’être émoussé avec le temps. En effet, selon un article du site infodefensa.com, spécialisé sur les actualités de défense espagnoles et en Amérique du Sud, l’acquisition du chasseur français demeurerait dans les intentions de Bogotá, même si celle-ci n’interviendra pas avant 2025 ou 2026.

Ainsi, à l’occasion de sa visite officielle en France, le président colombien, Gustavo Petro, aurait longuement rencontré le président de Dassault Aviation, Eric Trappier, ainsi que les équipes du groupe. Selon le communiqué officiel des autorités colombiennes, le président Petro aurait même précisément étendu la durée de sa visite à Paris pour cette rencontre qui eut lieu ce dimanche 25 juin, en marge du salon du Bourget.

Cette rencontre aurait été l’occasion pour le groupe aéronautique français de détailler l’offre française, allant des performances de l’appareil lui-même aux services associés, ainsi qu’une explication détaillée des couts et des engagements d’offset qui accompagnerait cette offre par ailleurs activement soutenue par les autorités françaises.

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Le dernier chasseur français livré par la France en Amérique du Sud est un Mirage 2000 livré en 2008 aux forces aériennes brésiliennes

Un succès du Rafale en Colombie permettrait à Dassault Aviation de remettre le pied en Amérique du Sud, plus de 20 ans après que le dernier Mirage 2000 brésilien a été livré. Selon les autorités colombiennes, si la commande n’interviendra qu’en 2025 ou 2026, son annonce, quant à elle, pourrait être rendue publique sur un calendrier beaucoup plus court.

Les avions chinois se sont approchés plus prés que jamais de l’espace aérien Taïwanais

En arrivant à 24 miles des cotes, les chasseurs chinois de l’Armée populaire de libération n’ont jamais été aussi proche de l’espace aérien Taïwanais, marquant une nouvelle escalade entre les deux pays.

En dépit du voyage à Pékin du Secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, il y a tout juste une semaine pour rencontrer le Président Chinois Xi Jinping, les tensions entre les Etats-Unis et la Chine, au sujet de Taïwan, demeurent très élevées. Ainsi, Pékin a multiplié ces derniers jours les déclarations venant menacer toutes velléités indépendantistes taïwanaises, parfois de manière très directe.

Ce samedi, cette tension est encore montée d’un cran, lorsqu’une flotte de 21 avions de combat de l’Armée Populaire de Libération, ainsi que 5 navires, ont une nouvelle fois franchit la ligne fictive divisant le détroit de Taiwan, utilisée jusqu’il y a quelques années comme frontière aérienne entre Taiwan et la Chine populaire.

Mais là où ces derniers mois, les appareils faisaient presque immédiatement demi-tour, une flotte de 8 chasseurs J-10 a poursuivi sa route pour arriver à seulement 24 nautiques des côtes taïwanaises, une distance marquant la limite de la zone contigüe qui s’étend de la limite des eaux territoriales à 12 nautiques des cotes, à distance de 24 nautiques.

Sans avoir les mêmes prérogatives que dans les eaux territoriales, l’état dispose de droits et devoirs d’intervention étendus dans la zone contiguë, notamment dans le domaine de l’application de la réglementation douanière, mais également de la lutte contre l’immigration.

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en évoluant à proximité des cotes taïwanaises, les avions chinois collectent de précieux renseignements électroniques sur les défenses anti-aériennes taïwanaises.

En s’approchant aussi prés de cette zone, les chasseurs chinois sont donc venu flirtés avec la défense anti-aérienne taïwanaise. Pour autant, le faible nombre d’appareils concernés ayant probablement convaincu Taipei qu’il s’agissait d’une nouvelle provocation, et donc de répondre avec la plus grande retenue.

Cette nouvelle provocation déplace une nouvelle fois la limite à laquelle l’APL estime pouvoir aller face à Taïwan sans riposte, alors qu’il ne faut que 3 minutes à un chasseur évoluant à 400 noeuds pour couvrir cette distance.

Il convient de garder à l’esprit que les provocations répétées des forces aériennes et navales chinoises face et autour de Taïwan, n’ont pas pour seul but d’accroitre la pression sur les autorités du pays.

Elles permettent également de cartographier précisément les défenses anti-aériennes et radars de surveillance taïwanais, tout en récupérant de précieuses informations sur les équipements mis en oeuvre notamment en matière de signature électronique, de sorte à optimiser les éventuelles trajectoires de pénétration comme les systèmes de brouillage pouvant être employé le cas échéant.

la défense de l'espace aérien taïwanais est assurée par des chasseurs F-16 et Mirage 2000
Le harcèlement des avions chinois oblige la chasse taïwanaise à multiplier les départs en alerte et à consommer le potentiel de ses avions de combat

De même, ce harcèlement permet d’user les matériels, et notamment le potentiel de vol des avions de chasse qui assurent la sécurité du ciel taïwanais. tout en usant irrémédiablement la vigilance des militaires. Rappelons ainsi qu’avant le 22 février 2022, les forces russes avaient par 3 fois en 2 ans effectué des déploiements massifs aux frontières de l’Ukraine, avant de lancer l’offensive. Il en alla de même en 2007 et 2008 face à la Géorgie.

De fait, au delà des pressions politiques qu’engendrent de telles opérations, l’APL construit incontestablement et efficacement un contexte opérationnel très favorable pour soutenir une opération offensive contre l’ile, qu’il s’agisse d’un assaut aéro-amphibie ou d’un blocus, dans un avenir pouvant être relativement proche.