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Coronavirus : les armées au cœur des rumeurs complotistes

Avant même la première allocution du Président de la République en lien avec l’épidémie actuelle de coronavirus, le 12 mars dernier, des rumeurs concernant les forces armées circulaient déjà dans les sphères complotistes. Elles cherchaient à expliquer les liens soi-disant évidents entre l’épidémie qui débutait alors en Chine ou en Italie et l’implication de l’armée, si possible américaine pour plus de sensationnalisme.

Depuis quelques jours, en France, certaines de ces rumeurs ont trouvé un certain écho et une caisse de résonnance sur l’ensemble des réseaux sociaux, de Twitter à Facebook en passant par WhatsApp. D’autres sont également subitement apparues en détournant des faits et des photos –généralement non-sourcés– pour instiller le doute et la confusion vis-à-vis des consignes officielles transmises par le gouvernement français ou encore l’OMS.

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En France et ailleurs, les laboratoires de recherche médicale dépendant des armées travaillent actuellement sur le coronavirus. Leurs recherches sont cependant loin d’être effectuées en cachette, la communication entre les différents laboratoires impliqués dans la recherche de traitements et de vaccins étant essentielle

La France n’est d’ailleurs pas le seul pays concerné par des rumeurs infondées qui participent à créer un climat de désinformation, de défiance et de panique. Ainsi, en Ecosse, une rumeur circule abondamment sur l’application de messagerie WhatsApp et prétend que l’armée britannique établit des bases secrètes, de nuit, autour de Glasgow afin de confiner la ville prochainement. Une manœuvre matériellement, humainement et organiquement impossible à réaliser, mais qui a quand même poussé la British Army à émettre un démenti.

Au cœur de nombreuses rumeurs, en France et ailleurs en Europe, les armées sont alors accusées d’être déployées massivement afin de préparer de sombres missions :

  • Imposer par la force confinements et couvre-feux,
  • Lutter contre des pillages (que certains semblent juger inévitables),
  • Empêcher toute circulation depuis ou vers certaines zones, en particulier l’Île de France,
  • Faire respecter une loi martiale dont l’annonce est imminente voire, pour les plus « enthousiastes », soutenir un coup d’état à venir…

Toujours, on n’y retrouve soit la peur de voir les armées (ou « l’Armée », aussi inexact que puisse être ce concept) prendre le pouvoir, éventuellement au profit des autorités politiques en place, soit la preuve que la situation sanitaire et sécuritaire est en train de dégénérer. De quoi pousser de plus en plus de gens à la panique et contribuer, petit à petit, à un réel climat d’insécurité et de défiance vis-à-vis des autorités.

Enfin, certaines rumeurs persistantes depuis le mois de janvier dans la sphère complotiste se répandent aujourd’hui dans les réseaux sociaux. Comme pour chaque épidémie, le coronavirus est accusé d’être une arme biologique créé par bioingénierie, ou une excuse destinée à permettre à des laboratoires militaires de faire fortune en commercialisant un vaccin (sic), alors même que ces derniers participent activement à trouver une solution au problème.

Coronavirus US Army Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Partout dans le monde, les médecins militaires sont confrontés au coronavirus et apportent leur aide, quand ils le peuvent, à leur homologues civils. En France, de nombreux médecins et infirmiers/infirmières militaires travaillent quotidiennement dans des hôpitaux publics, et continuent à le faire pendant l’épidémie

Revenons ainsi sur certaines des rumeurs les plus répandues de ces derniers jours. En premier lieu, on notera la peur d’une mobilisation générale –ou plus exactement la peur de ce que cela impliquerait– qui court depuis dimanche et la publication au Journal Officiel d’un décret relatif à l’affectation temporaire des militaires. Pourtant, ce texte n’aurait rien d’extraordinaire et sa publication était prévue de longue date. D’après le Ministère des Armées, il s’agirait d’un texte précisant la situation administrative des militaires qui servent temporairement en dehors du Ministère des Armées. De fait, les détachements de personnels militaires auprès d’autres administrations ou organismes publics ou d’utilité publique ne sont pas rares. Et même si ce texte pourrait théoriquement contribuer à faciliter la mise à disposition de personnels soignants militaires (docteurs, infirmiers, etc.) auprès des hôpitaux publics, il ne s’agit en aucun cas d’un ordre de mobilisation générale.

L’autre grande rumeur de ces derniers jours concerne le déploiement de troupes dans et autour des principales villes de France, toujours appuyée par les mêmes photos, à peu de choses près. La moindre image de blindés sur un train ou un camion de transport, le moindre 4×4 militaire circulant en ville ou le moindre convoi routier croisé sur l’autoroute devient pour beaucoup la « preuve » supplémentaire d’un déploiement en cours ou immédiat des forces armées face aux populations civiles. Pour les observateurs de l’actualité défense, ce genre de rumeurs n’est en rien une nouveauté, et elles avaient déjà pu circuler très largement au début de la crise des gilets jaunes.

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Ces deux VAB rentraient au 121e Régiment du Train de Montlhéri après un exercice dans le Sud de la France en préparation d’un prochain déploiement au Mali. La photo a pourtant fait le tour de France sur Twitter, provoquant questionnements, peur et incertitude chez de nombreux internautes

En réalité, de tels mouvements logistiques sont quotidiens sur les routes de France, à tel point qu’on ne les remarque habituellement pas. Evidemment, dans une situation tendue de confinement, et au regard des mesures bien plus extrêmes qui ont pu être prises en Italie ou en Chine, on comprend que le moindre « signal » allant dans le sens de ses croyances soit repéré, interprété et partagé par certains individus peu au fait de la chose militaire. Pour rappel, le respect des mesures de confinement actuellement en place sera assuré par près de 100.000 policiers et gendarmes répartis sur tout le territoire national. C’est, littéralement, dix fois plus que ce que l’opération Sentinelle est à même de déployer au plus fort de son activité, réserve de 3000 hommes comprise. Or, l’opération Sentinelle est régulièrement critiquée par les analystes et les militaires pour la pression énorme qu’elle impose sur les effectifs des armées françaises.

Pour l’heure, loin de contrôler les populations et de museler les libertés individuelles, les forces armées permettent au contraire de renforcer les dispositifs publics les plus fragiles et de palier, quand elles le peuvent, à la saturation des services étatiques submergés par l’épidémie de coronavirus. Concrètement, le principal « fait d’arme » des Armées contre le coronavirus, pour l’instant, a été le déploiement d’un hôpital militaire de campagne à côté de l’hôpital de Mulhouse, en Alsace. Les avions de transport et de ravitaillement KC-135 et A330MRTT de l’Armée de l’Air ont également été mis à profit pour transporter certains patients des hôpitaux les plus surchargés, encore une fois dans l’Est de la France, vers des établissements d’autres régions mieux à même de les accueillir. Cela a été possible grâce aux kits d’évacuation sanitaire Morphée pouvant être installés dans ces appareils. Enfin, il convient également de saluer l’engagement des personnels soignants du Service de Santé des Armées déjà intégrés au quotidien au sein de certains hôpitaux publics. C’est notamment le cas à Lyon, où les équipes médicales de l’Hôpital d’Instruction des Armées Desgenettes et celles des Hospices Civils de Lyon à l’hôpital Edouard Herriot travaillent déjà depuis des années de manière pleinement intégrée.

masque armee coronavirus Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
La livraison, tardive, de matériel médical en provenance des stocks des armées a soulevé de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux. La décision n’a cependant pas dû être simple à prendre, étant donné que le personnel soignant des armées risque d’être très bientôt déployé, avec son équipement, en dehors du territoire métropolitain

Au final, loin de servir de poing armé au service d’une hypothétique loi martiale, les forces armées françaises permettent pour l’heure d’amortir en partie certaines insuffisances des services publics. Ces dernières années, l’hôpital public, en France, a connu de drastiques réductions de moyens et de personnels, conduisant à une gestion à flux tendu des malades et de leur accueil. Comme on le voit aujourd’hui, une telle situation est absolument incompatible avec la gestion d’une crise sanitaire majeure, qui demande avant tout des stocks, de la résilience et de l’anticipation. A bien des égards, la situation que connaissent les hôpitaux n’est pas sans évoquer les tensions que subissent également les forces armées françaises, à qui on demande au quotidien de faire toujours plus avec moins de moyens et moins d’hommes. Et qui ne dispose de quasiment aucune marge de manœuvre pour affronter une situation de crise majeur.

Pour l’heure, le Service de Santé des Armées dispose de moyens matériels et de ressources humaines permettant de combler –en partie seulement– les carences du système hospitalier public. Hier soir, le Ministère a ainsi annoncé avoir livré cinq millions de masques chirurgicaux, qui font cruellement défaut, et la DGA « travaille d’arrache-pied pour tester toutes sortes de masques qui pourraient constituer des alternatives », d’après la Ministre Florence Parly. Dans les jours qui viennent, cependant, les moyens militaires pourraient bien être réquisitionnés pour lutter contre le coronavirus ailleurs que dans les hôpitaux métropolitains. Des épidémies pourraient ainsi se propager au sein des navires et des bases militaires, même si les populations militaires, jeunes et en bonne santé, ne semblent pas présenter de risques. Mais c’est surtout la situation au-delà du territoire métropolitain qui inquiète beaucoup. Des cas de coronavirus ont ainsi été signalés dans plusieurs territoires d’Outre-Mer. Or, les infrastructures hospitalières y sont encore moins préparées qu’en métropole, et tout ravitaillement devra passer par voie aérienne ou maritime. Ainsi, à Mayotte, où les conditions sanitaires sont critiques pour plus de la moitié de la population, le seul hôpital de l’île ne dispose que d’une douzaine de lits de réanimation qui devraient tous être occupés d’ici quelques jours à peine. Or, dans un contexte de pandémie, pas question de chercher une aide à La Réunion, qui devra gérer ses propres cas. Le déploiement de navires dotés de capacités hospitalières, comme les porte-hélicoptères, ou l’utilisation des MRTT avec kits Morphée, pourraient alors être utilisés en priorité pour la gestion de la situation outre-mer, très rapidement.

L’USAF et l’US Navy utilisent le gunship AC-130W pour contrer les nouvelles menaces navales dans le Golfe Persique

Du 8 au 9 Mars dernier, les forces armées américaines ont démontré dans le Golfe Persique la possibilité d’utiliser un avion « gunship » pour des opérations de soutien maritime. Le test a impliqué des gunships AC-130W Stinger-II de l’US Air Force ainsi qu’un avion de patrouille maritime P-8A Poseidon et un navire de patrouille léger de classe Cyclone de l’US Navy.

En apparence anecdotique, cet essai permet pourtant de valider l’utilisation conjointe de moyens aériens et navals permettant de contrer des essaims de cibles de surfaces légères et manoeuvrantes. En réalisant la démonstration à quelques encablures du Détroit d’Ormuz, les forces américaines envoient également un message clair à l’Iran. Enfin, il s’agit également de montrer la souplesse d’utilisation du AC-130W de l’USAF à l’heure où les escadrons de l’USAF dédiés aux opérations spéciales perçoivent une quarantaine de nouveaux AC-130J Ghostrider.

AC 130 Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Si les AC-130 n’ont pas la survavibilité d’un véritable chasseur-bombardier, ils disposent tout de même d’autoprotections largement renforcées afin de leur permettre d’opérer dans des environnements contestés

Développé durant la guerre du Vietnam, la conception moderne du gunship repose dans la réutilisation d’un avion de transport équipé de canons latéraux et, de plus en plus, d’armes guidées. Orbitant sur de longues périodes au-dessus des zones de contact, il est ainsi en mesure d’apporter un soutien d’artillerie immédiat et précis aux troupes alliées, mais aussi d’effectuer des missions de frappe aérienne ou de reconnaissance armée. Principalement utilisé en soutien des forces spéciales, les différentes versions du AC-130 réalisent également régulièrement de missions de soutien aérien conventionnel, que ce soit en Afghanistan et, surtout, au Moyen-Orient.

Equipé d’un canon rotatif de 25mm, d’un canon Bofors de 40mm et surtout d’une pièce de 105mm, le AC-130U Spooky-II est sans doute le représentant actuel le plus connu des gunships basés sur le célèbre avion de transport quadrimoteur C-130 Hercules. Le Spooky-II est notamment apparu dans de nombreuses réalisations hollywoodiennes, ainsi que dans différents jeux vidéo. Si la puissance de feu du Spooky est indéniablement impressionnante sur le plan visuel, le AC-130W Stinger-II dont il est question aujourd’hui est bien plus représentatif des gunships du futur. En attendant le nouveau AC-130J Ghostrider basé sur la variante modernisée du Hercules, le C-130J, l’USAF a en effet décidé de convertir une quinzaine de MC-130W en avions d’attaque.

105mm AC 130 Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs

Initialement, le MC-130W était destiné au soutien des opérations spéciales, et particulièrement aux missions de pénétrations de l’espace aérien adverse afin d’y déployer des parachutistes ou de réaliser le ravitaillement en vol des hélicoptères et des avions convertibles V-22 Osprey utilisés par l’USAF et l’US Army. Lors de leur conversion en AC-130W Stinger-II, les appareils se sont vus dotés d’un canon GAU-23/A de 30mm doté de sa propre boule optronique dédiée. Surtout, le AC-130W permet d’embarquer des armements de précision. Un lanceur interne permet ainsi de déployer 10 missiles guidés légers AGM-176 Griffin par la rampe arrière de l’appareil. Sous voilure, l’appareil peut également mettre en œuvre des bombes planantes GBU-39 SDB. Alors qu’il en était dépourvu à l’origine, le Stinger-II a commencé à être modifié à partir de 2017 afin d’être doté d’un obusier de 105mm, lui conférant une puissance de feu comparable à celle du Spooky-II et identique à celle du nouveau AC-130J.

En testant le AC-130W dans un contexte naval, l’USAF a en réalité ouvert la porte à une utilisation maritime de l’ensemble de ses gunships : Spooky-II, Stinger-II et Ghostrider. Concrètement, les essais ont consisté à montrer l’interopérabilité dans un environnement maritime entre les moyens de détection de l’US Navy et les moyens d’intervention « légers » de l’USAF. Les cibles –de simples bouées d’après les images dévoilées– étaient repérées par un avion P-8 Poseidon ou un patrouilleur Cyclone, et ensuite engagées très rapidement par les différentes munitions embarquées à bord des AC-130W. Grâce à leur canon de 30mm et leur obusier de 105mm, les différents AC-130 sont en effet en mesure de fournir une réponse adaptée à des cibles navales trop légères, mobiles et nombreuses pour qu’un Poseidon puisse les intercepter avec ses missiles antinavires lourds Harpoon. Il peut s’agir conventionnellement de barges de débarquement ou de mouilleurs de mines légers mais aussi, comme c’est arrivé très récemment, d’embarcations légères transformées en drones capables d’attaquer de manière coordonnée.

USS Huricane classe cyclone patrol boat Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Déplaçant moins de 350t, les navires de patrouille côtière de la classe Cyclone sont optimisés pour la lutte littorale face à des menaces légères multiples. Sur les 13 bâtiments en service dans l’US Navy, 10 sont déployés en permanence au Moyen-Orient.

Les réserves de munitions et la mobilité extrême d’une plateforme aérienne permettent également d’engager bien plus de cibles sur une distance bien plus importante que ne pourraient le faire les navires de la classe Cyclone. Pour rappel, ces patrouilleurs légers sont dotés de canons de 25mm et 40mm ainsi que de missiles Griffin, à l’instar des Stinger-II et Ghostrider. Ces bâtiments sont déployés exclusivement pour la sécurisation du Moyen-Orient, et seront probablement en première ligne si l’US Navy devait un jour affronter des essaims de vedettes rapides ou de barges de débarquement venues d’Iran. L’implication d’un bâtiment de ce type dans les essais en cours avec l’AC-130W n’a donc rien d’un hasard et participe autant à l’avertissement envoyé à Teheran qu’aux mesures de réassurance vis-à-vis des alliés de Washington dans la région. Pour l’heure, l’émergence de capacités d’attaques coordonnées par des drones navals improvisés continue d’inquiéter les pays riverains de Golfe Persique, du Golfe d’Aden et de la Mer d’Arabie.

Enfin, on ne peut manquer de noter le parallèle entre la maritimisation des avions de soutien aérien de l’USAF et l’extension des capacités de bombardement des avions de patrouille maritime de l’US Navy, déjà abordée dans nos lignes. Le renforcement des capacités de combat littoral des adversaires potentiels des États-Unis, notamment la Chine et l’Iran, semblent ainsi conduire à une plus grande fluidité des opérations aériennes dans ce milieu opérationnel particulier. Au combat, les mêmes moyens pourront ainsi être utilisés de chaque côté de la ligne littorale afin de fournir un soutien plus réactif, une continuité dans les opérations de surveillance et de renseignement et une certaine redondance dans les moyens de frappe impliqués.

Houthi suicide boat naval drone Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Au Yémen comme dans le Golfe Persique, les menaces d’attaques saturantes par le biais de vecteurs légers sont prises très au sérieux. Ici, on voit un skiff transformé en drone suicide et utilisé par les Houtis contre des moyens saoudiens le 3 Mars dernier.

Une meilleure interopérabilité entre les moyens de l’US Navy et de l’USAF, mais également ceux de l’US Marines Corps, répond également à une logique d’optimisation des moyens. En effet, à l’heure où les conflits de haute intensité reviennent au premier plan des préoccupations du Pentagone, le budget de la défense américain n’est toujours pas extensible à l’infini, et la réorientation des moyens du combat asymétrique vers le combat de haute intensité coûte cher à toutes les branches militaires américaines.

Au-delà des essais en cours, on notera que les forces américaines ne sont pas les seules à observer une convergence de certains besoins en matière de patrouille maritime et de soutien aérien. C’est particulièrement le cas dans la région Asie-Pacifique, où les missions de surveillance et de patrouille maritime sont souvent réalisées par des avions de transport légers qui se prêtes également très bien à une utilisation gunship. Ainsi, la compagnie étatique indonésienne PTDI a présenté un CN-235 équipé simultanément d’un canon latéral de 30mm et de torpilles et grenades anti-sous-marines, les essais en vol de l’appareil étant attendus sous peu. De quoi nourrir les réflexions sur les futurs moyens de surveillance et de patrouille maritime en Europe ?

Les Européens doivent-ils s’équiper d’un mécanisme d’aide à l’acquisition des équipements de défense ?

Dans un article publié hiers par le site américain Defensenews.com, le journaliste Aaron Mehta présente les évolutions qu’entendent apporter les autorités américaines au mécanismes ERIP, pour European Recapitalization Incentive Program, destiné à permettre aux pays européens d’éliminer les équipements issus de l’époque du pacte de Varsovie, au profits d’équipements occidentaux. Mais l’analyse qui est donnée montre que ce dispositif, appelé à être pérennisé par le Pentagone, et qui aura couté moins de 300 millions de $ en 2019, a généré plus de 2,5 Md$ de commandes d’équipements de défense auprés des entreprises américaines. Dans ces conditions, on peut se demander pourquoi les européens, en tant qu’Union, ou en tant que nation, ne font pas de même, pour tenter d’accroitre l’audience de leurs équipements, notamment en Europe de l’Est ?

Il faut dire que le dispositif ERIP est particulièrement bien conçu. Il ne s’agit pas, à strictement parlé, de mécanismes de compensations industrielles ou budgétaires financés par l’Etat fédéral, qui pourraient se retrouver épinglé par les règles de l’OMC. Il s’agit d’aides à l’équipements, discrétionnaires, n’ayant, à priori, aucun lien avec le soutien à la vente d’équipements américains. Sauf qu’évidement, dans les faits, il en va tout autrement, puisque les 8 pays européens, dont 6 appartenants à l’UE, ayant fait l’objet de financements de ce type en 2019, ont tous passé commande de materiels américains dans la même année, pour des montants en moyenne dix fois supérieur aux aides perçues.

Mh60R de Sikorsky Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Les aides américaines du programme ERIP ont notamment été au coeur des succès commerciaux enregistrés par Sikorsky et Bell en Europe en 2019, au détriment d’Airbus Hélicoptères et de Leonardo.

Il faut noter que ce principe n’a rien de nouveau pour les Etats-Unis, qui le pratique régulièrement depuis la mise en place du plan Marshal après la seconde guerre mondiale. Ainsi, en 2018, la Grèce s’était vue allouée une aide de 600 m$ pour amener la moitié de sa flotte de F16 au standard Block 70, un contrat de 1,6 Md$ dont seuls 20% sont effectivement effectués dans le pays. la Pologne, la Roumanie, les pays baltes ont eux aussi bénéficié de ce type d’aides, ceci expliquant d’ailleurs la grande appétence de ces pays pour des materiels américains. Comme le destinataire des fonds d’aide est le client, généralement avant la signature de la commande, ce mécanisme ne peut être qualifié de subventions, même si, dans les faits, il ne s’agit de rien d’autre.

Les européens, malheureusement, n’ont pas de tels outils pour soutenir leurs exportations, surtout au sein de l’Union européenne, qui impose aux Etats Membres des règles encore plus strictes qu’elles n’en imposent aux sociétés étrangères voulant vendre leurs produits de défense aux armées européennes. C’est ainsi que la notion d’offset, ou de compensations industrielles, ne doit jamais apparaitre dans une offre européenne, sauf dans le cadre d’une co-production entre le pays producteur et l’acquéreur. Ce qui, paradoxalement, créé des phénomènes de réplications des infrastructures industrielles dont l’europe n’a certainement pas besoin aujourd’hui, alors que la majorité de ses entreprises industrielles de défense européennes dépendent à plus de 40% des exportations pour maintenir leur activité.

Rafale Francais et F35A Americain au point dattente Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Avec une telle mesure, le prix unitaire du Rafale serait plus de 40% inférieur à celui du F35, et le Typhoon aurait un prix sensiblement égal à ce dernier, alors que le Gripen serait presque moitié prix face au F16V.

En revanche, rien n’empêcherait l’Union Europe de mettre en oeuvre un mécanisme de compensation budgétaire basé sur les recettes sociales et fiscales enregistrées par le pays producteur sur l’exécution de la commande du pays acquéreur. Concrètement, et à l’image des mécanismes de compensation de TVA intra-communautaire, un Etat européen pourrait reverser à l’état client une partie des recettes fiscales et sociales générées par les emplois impliqués dans l’exécution du contrat de défense. Cela permettrait, conjointement, de soutenir les industries européennes de défense sur les marchés intra-européens, de soutenir les capacités de modernisation des équipement des armées européennes grâce à des prix moins élevés, et de limiter la réplication des industries de défense dans l’Union, et donc d’en préserver la pérennité sur le long terme.

Rappelons qu’en France, par exemple, l’Etat perçoit plus de 75% du montant d’un contrat de défense en recettes sociales et fiscales, et ce uniquement pour ce qui concerne les emplois industriels directs et les emplois industriels de sous-traitance. En étendant l’étude aux emplois induits dans l’économie locale, ce chiffre dépasse les 100%. Dès lors, il serait possible, sans effort budgétaire pour les finances publiques françaises, d’accompagner les offres d’exportation à destination de l’Europe d’une mesure de compensation budgétaire de 30% des montants investis, pour peu que cela génère une augmentation de 50% des parts de marchés françaises en Europe en matière d’équipements de défense. Pour l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, les Pays-bas ou la Suède, également exportateurs d’équipements de défense, les valeurs de retour budgétaire diffèrent de celles identifiées en France, sans toutefois représenter d’écarts significatifs pouvant mettre à mal un tel modèle.

FDI grecque Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Des pays comme la Grèce pourrait accélérer leurs programmes de modernisation, et par exemple acquérir non pas 2 mais 4 FDI, comme le souhaite la Marine Hellénique

Evidemment, une telle mesure provoquerait la colère de Washington, déjà excédé que les européens aient l’outrecuidance de refuser leurs aides budgétaires aux entreprises américaines, et provoquerait certainement, et comme à leur habitude, des mesures de représailles outre atlantique. Mais cela donnerait également l’occasion aux européens de réclamer, dans ce cas, la suppression des aides américaines dans ce domaine, remettant, d’une certaine manière, la balance au neutre. A noter que si la mesure s’applique aux exportations, rien n’empêcherait de l’appliquer aux acquisitions intérieures, de sorte à augmenter les capacités d’investissement des Etats disposant d’une importante industrie de défense, et surtout de ne pas créer la tentation d’un état de privilégier des acquisitions importées au détriment de sa propre offre industrielle, même si, dans ce cas, l’Etat perdrait bien davantage au final du fait d’un retour budgétaire partiel et non total.

Quoiqu’il en soit, il est plus que temps que les européens, soit en tant qu’Union européenne, soit en tant que nations, décident de jouer à armes égales avec l’industrie de défense américaine sur son territoire. Ce ne sont pas les quelques hélicoptères et radars exportés outre-atlantiques qui compensent, aujourd’hui, les 8Md$ d’équipements et de services de défense acquis par les armées européennes auprés des Etats-Unis chaque année, l’équivalent du budget d’équipements majeurs de l’Armée française, la plus imposante armée professionnelle européenne.

Thales et MBDA choisis pour moderniser la frégate légère indonésienne KRI Usman-Harun

Avec un budget défense ayant augmenté de 16% en 2020, les armées indonésiennes disposent de ressources accrues pour moderniser leurs équipements, dans un contexte de tensions croissantes avec la Chine sous couvert de revendications territoriales en mer de Chine. Outre les forces aériennes qui négocient pour acquérir de nouveaux appareils de combat, la Marine indonésienne accélère également son planning de modernisation de ses bâtiments. En l’occurence, les autorités indonésiennes ont annoncé cette semaine avoir sélectionné la société Thales et le missilier européen MBDA pour moderniser la frégate légère KRI Usman-Harun, une des trois unités de la classe Bung-Tomo. La modernisation des deux autres frégates, les KRI Bung Tomo et KRI Usman Harun, interviendront prochainement, une fois le budget de 60 m$ nécessaire libéré.

Concrètement, c’est la filiale néerlandaise de Thales qui s’est vue attribuer un contrat pour moderniser les capacités de détection et de protection électronique du navire indonésien, qui recevra un système de gestion de combat TACTICOS, un radar de surveillance SMART-S Mk2, un radar STIR EO Mk2, le système de défense électronique Vigile Mk2 ainsi que des systèmes Electro-optiques de contrôle de tir. Pour sa part, MBDA a reçu mandat pour amener les missiles anti-navires MM40 équipant déjà le navire au standard block 3, ainsi que la livraison des missiles anti-aériens à courte portée VL MICA pour équiper les 16 silos de lancement verticaux en place sur le navire.

VL MICA Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Le missile VL MICA de MBDA est aujourd’hui un des meilleurs systèmes anti-aériens et anti-missiles à courte portée disponible sur le marché

Ainsi équipée, la frégate Usman Harun sera l’une des unités de surface les plus puissamment armées de la Marine Indonésienne, renforçant notamment sensiblement les capacités anti-aériennes jusqu’ici limitée de ses navires. En effet, seuls deux navires, les frégates de 2360 tonnes KRI Raden Eddy Martadinata et KRI I Gusti Ngura Rai de type Sigma 10514 entrés en service en 2017 et 2018, disposent d’une puissance de feu comparable, avec 12 VL MICA et 8 MM40 Block III. En revanche, ces deux navires disposent de capacités de lutte anti-sous-marine renforcées, avec un sonar de coque Thales UMS 4132 Kingklip et un sonar remorqué Thales CAPTAS 2, ainsi que de deux lance-torpilles triples armés de torpilles Whitehead italiennes.

Ce marché sera, en toute logique, reconduit pour la modernisation des deux autres unités de la classe Bung Tomo, des navires de 90 mètres de long pour un peu moins de 2000 tonnes, acquis auprés du britannique BAe en 2012 après que le Sultanat de Brunei ai refusé en 2007 la livraison des navires commandés. Les 3 frégates légères ont été admises au service en juillet 2014 dans la Marine indonésienne, alors équipées de missiles anti-navires MM40 bloc II et de missiles antiaériens à courte portée britanniques Seawolf. Elles disposent également de capacités anti-sous-marines limitées, avec un sonar de coque Thales TMS 4130 C1 et de deux tubes lance-torpilles triples équipés des mêmes torpilles Whitehead que les frégates Martadinata, mais sans sonar à profondeur variable comme le CAPTAS-2, limitant leur utilisation à la zone côtière. Enfin, elles mettent en oeuvre un hélicoptère AS565 Panther à partir d’une vaste plate-forme arrière et d’un hangar aéronautique.

Corvette Gowind2500 Egyptienne de Naval Group Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Les corvettes Gowind 2500 de Naval Group ont retenu l’attention de la Marine indonésienne pour étendre ses capacités d’engagement anti-navires, anti-aériennes et anti-sous-marines.

L’Indonésie représente aujourd’hui un partenaire stratégique pour l’industrie de défense navale française. En effet, à l’occasion de la visite du ministre de La Défense Prabowo Subianto à Paris mi-janvier 2020, ce dernier à évoqué la possibilité d’acquérir 3 à 4 sous-marins d’attaque Scorpene ainsi que 2 corvettes Gowind 2500, des modèles par ailleurs déjà en service dans la Marine Malaysienne. Comparables aux Sigma 10514, les corvettes Gowind 2500 sont équipées de la même suite électronique et les mêmes armements que celle qui équipera la frégate Usman Arun après sa modernisation. De fait, la Marine Indonésienne pourrait ainsi rationaliser ses efforts en matière de maintenance et de formation en sélectionnant le modèle de Naval Group pour étendre sa flotte de surface, un argument que l’industrie de Défense française ne manquera certainement pas de faire valoir dans les négociations à venir.

L’Indonésie met en balance l’acquisition de Su-35 russes pour obtenir des F-35 américains

Finalement, il semblerait que l’Indonésie soit beaucoup moins la victime de pressions américaines qu’il n’y parait concernant l’acquisition de chasseurs russes Su-35. En effet, Jakarta a démenti les informations publiées par Bloomberg il y a quelques jours sur un renoncement indonésien à l’achat des 11 Su-35 russes pour remplacer ses Su-27 au profit de F-16V américains. Au contraire, les autorités du pays semblent vouloir utiliser cette commande signée en 2018, et dont les modalités sont toujours en cours de discussion avec Moscou, notamment en matière de paiement, pour forcer la main à Washington afin d’autoriser l’exportation de F35 vers l’Indonésie.

En effet, le F-35A correspondrait aux besoins de Jakarta afin de disposer d’un appareil polyvalent capable d’assurer à la fois des missions de combat, et des missions de coordination avec les forces aériennes, terrestres et navales du pays, notamment dans le cas d’une confrontation avec la Chine. Les forces aériennes indonésiennes ne disposent pas, en effet, d’appareils dédiés à cette mission, comme l’E3 Sentry, et le F35A offre des capacités limitées mais réelles dans ce domaine, grâce à ses nombreux capteurs et sa fusion de données.

F35 Ravitalleur F16 pays Bas Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Les capacités de fusion de données du F35 semblent particulièrement intéresser les forces aériennes indonésiennes qui ne disposent pas d’avion d’alerte aérienne avancée

Si les autorités russes démentent une quelconque suspension des négociations autour de l’exécution de la commande de Su-35, les autorités indonésiennes ont déclaré être consciente qu‘elles devront faire un choix entre l’appareil russe et l’acquisition de materiels américains. Mais ce qui peut paraitre comme une contrainte, par l’application de la législation CAATSA, a été habillement transformé en un atout dans les négociations avec Washington, en écartant l’hypothèse de F16V proposée par les Etats-Unis pour remplacer les appareils russes, et en mettant en unique alternative l’acquisition de F35, jusqu’ici refusée par les Etats-Unis. En outre, Jakarta parie sur la nécessité de trouver de nouveaux marchés pour le F35 afin de pallier les sanctions contre la Turquie suite à l’acquisition de S400 russes, entamant le planning de production des appareils américains de prés d’une dizaine d’unité par an, soit 8% des capacités industrielles planifiées.

Mais la stratégie indonésienne va, semble-t-il, plus loin. En effet, lors de sa visite à Paris en janvier dernier, le ministre indonésien de La Défense, Prabowo Subianto, aurait été intéressé par une commande portant sur 48 avions Rafale. Or, le Rafale, dans sa version F4, offre justement des capacités de détection et de fusion de données comparables au F35A. Et une telle commande permettrait de remplacer les escadrons actuellement équipés de 33 F16 américains, sachant que Paris ne voit aucune objection à faire collaborer des appareils français et russes dans une même force aérienne, et n’applique évidemment pas de sanctions comparables au CAATSA.

F16 indonesie Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Les forces aériennes indonésiennes mettent en oeuvre 33 F16 aujourd’hui, constituant la colonne vertébrale de sa flotte de chasse.

De fait, il semble que Jakarta veuille mettre en compétition deux modèles de forces aériennes, un premier basé sur des Su-35 russes et potentiellement des Rafale français, un second basé sur des F35A et potentiellement des F16 modernisés au standard block 70 viper. Dans le premier cas, l’Indonésie conserverait une position internationale neutre comme ce fut le cas depuis 1956, lorsqu’avec l’Inde, l’Egypte et la Yougoslavie, le pays s’engagea dans le mouvement des non-alignés. En revanche, en choisissant des appareils américains, Jakarta pourrait bénéficier d’une protection accrue et d’une meilleur interopérabilité avec les forces américaines, notamment face à la Chine, principal sujet de préoccupation des autorités indonésiennes aujourd’hui.

Le F35 pourrait avoir le soutien de la Marine Indienne, l’une des plus puissantes du théâtre sud Pacifique avec 6 sous-marins d’attaque, 7 frégates, 26 corvettes et 4 navires d’assaut. En effet, face à la recrudescence du nombre de porte-aéronefs dans la région, que ce soit en Chine, au Japon, en Corée du Sud ou en Inde, Jakarta pourrait être tenté de s’équiper de ce type de bâtiments, même si le sujet n’a pour l’heure pas encore été évoqué officiellement. Auquel cas, le recours à un navire à tremplin dépourvu de catapultes semblerait s’imposer, et le F35B constitue un appareil parfaitement adapté à cet usage. En outre, eu égard à la géographie spécifique du pays, composé rappelons le de 18.000 iles dont 12.000 sont habitées, l’utilisation d’un appareil ADAC/V comme le F35B peut s’avérer particulièrement efficace pour augmenter la résilience militaire face à une éventuelle agression.

F35B sur USS America Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
L’Indonésie pourrait être intéressée par la version à décollage et atterrissage court et vertical F-35B pour équiper un éventuel porte-aéronef ainsi que pour disposer d’une plus grande capacité à répartir ses forces aériennes sur les 18.000 iles qui forment le pays

Quoiqu’il en soit, le dossier concernant la modernisation des forces aériennes indonésiennes est, de toute évidence, loin d’être clos aujourd’hui. Avec un budget en augmentation de 16% pour la seule année 2020, Jakarta fait l’objet de nombreuses convoitises de la part des grands pays exportateurs d’équipements de Défense, et semble déterminée à faire usage de ce regain d’intérêt pour obtenir les équipements voulus aux conditions souhaitées. Reste à voir comment chacune des capitales concernées réagiront. Il est en effet possible que, face à ce revirement de situation, Moscou propose à Jakarta d’exporter son Su-57 dans le cas d’une commande initiale de Su-35 avec, à la clé, des compensions industrielles que les Etats-Unis auront du mal à fournir, eu égard aux engagements déjà pris autour du programme F35.

Le chasseur léger indien Tejas devrait enfin être pleinement opérationnel cette année

Il était temps ! Hier, le chasseur léger indien Tejas Mark 1 a effectué son premier vol dans une configuration pleinement opérationnelle, ou FOC (pour Final Operationnal Clearance). Lancé dans les années 1980, le programme Light Combat Aircraft (LCA) devait donner naissance à un avion de combat léger, polyvalent et économique afin de remplacer rapidement les MiG-21 vieillissants de l’Indian Air Force.

Plus de 35 ans plus tard, le LCA Tejas est encore très loin de tenir ses promesses. La faute à un développement chaotique et à la mauvaise gestion du programme par l’avionneur national HAL, qui n’arrive pas à tenir les cadences prévues ni le niveau de finition attendu pour un tel programme. Pourtant, on ne peut pas dire que le Tejas soit particulièrement ambitieux. Avec 13m de longueur, une envergure de 8,2m, un poids maximal de 13t et une capacité d’emport de 5t, il s’agit de l’un des plus petits chasseurs supersoniques du monde.

Tejas FOC Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Le Tejas SP-21, représentatif de la configuration FOC, lors de ses essais au roulage. Avec les quinze derniers Tejas Mk1 restant à produire, il formera le second escadron opérationnel sur le chasseur léger de conception nationale

Les deux démonstrateurs technologiques et les trois prototypes représentatifs de la version de combat monoplace ont effectués leurs premiers vols entre 2001 et 2006, suivis par deux prototypes en version d’entrainement biplace et deux autres en configuration navale NLCA, pour l’Indian Navy. En 2005, l’Indian Air Force décide de commander 40 exemplaires déclinés en une présérie de huit appareils suivie de deux escadrons opérationnels de 16 appareils chacun livrés au standard Mark 1. Les huit appareils de présérie (Limited Series Production) volent à partir de 2007, et ont permis d’intégrer progressivement les différents éléments représentatifs des premiers appareils opérationnels livrés dans la configuration Initial Operating Clearance (IOC).

Livrés au 45 Squadron Flying Daggers à partir de 2013, les 16 appareils en configuration IOC sont jugés aptes aux opérations militaires, mais sont encore loin de répondre à toutes les spécifications initiales du contrat. Ainsi, leur accélération est limitée à 7g plutôt qu’à 9g, et leur vitesse maximale ne dépasse guère Mach 1,1. Ils disposent cependant d’une capacité de frappe minimale mais pertinente, avec l’emport de réservoirs de voilure de 1200 et 800 litres ainsi que de bombes à guidage laser de 500kg. Le standard de leur radar ne leur permet cependant pas d’emporter des missiles air-air à longue portée. L’avion est alors limité au missile d’autodéfense R-73 d’origine russe.

SU30mKI et Tejas Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Sur cette image, les casques des pilotes nous permettent d’avoir une bonne idée de la différence de taille entre un Su-30MKI lourd et le petit Tejas Mk1. Pour autant, les difficultés d’industrialisation chez HAL font que ce dernier n’est pas beaucoup moins cher à construire que le Su-30 produit sous licence.

Avec le premier vol du Tejas SP-21 en configuration FOC, le petit chasseur indien va enfin pouvoir respecter l’ensemble de son cahier des charges… plus ou moins. En effet, il est apparu dès 2010 que le Tejas Mark 1 ne sera pas en mesure de répondre à toutes les performances attendues en raison d’un alourdissement de la cellule. Néanmoins, le FOC va permettre de valider l’utilisation du Tejas dans toutes ses missions finales. Ainsi, le 18 Squadron Flying Bullets devrait percevoir ses premiers Tejas FOC à partir du mois d’avril. Dans cette configuration, les avions devraient pouvoir voler au-delà de Mach 1,6 et soutenir des accélérations d’environ 9g. Ils disposeront d’une perche de ravitaillement en vol et seront en mesure d’emporter un réservoir largable de 725 litres sous le ventre.

Surtout, le Tejas Mark 1 en configuration FOC embarquera le missile à longue portée Derby de l’Israélien Rafael, donné pour porter à plus de 50km de portée. Une telle capacité devrait enfin permettre au Tejas de remplacer dignement les MiG-21 Bison modernisés de l’IAF, capables depuis longtemps de tirs BVR. A terme, les deux escadrons de Tejas Mark 1 devraient être portés en configuration FOC et pourraient, d’ici quelques années, mettre en œuvre le missile air-air à longue portée de conception nationale, le ASTRA, ainsi que le R-77 d’origine russe. Pour l’autodéfense, le R-73 pourrait peut-être être complété par le missile britannique ASRAAM. Enfin, avec le FOC, le Tejas est enfin en mesure d’exploiter pleinement son canon GSh-23 de 23mm aussi bien en configuration air-air que air-sol.

2 Mig21 Bison des forces aeriennes indiennes 1 Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Le LCA Tejas visait initialement au remplacement des MiG-21 indiens. S’il sera plus polyvalent que le vénérable appareil soviétique, le Tejas ne devraient pas être aussi performant en matière d’interception, cependant.

Si HAL et l’IAF ne manquent pas d’enthousiasme face à ce premier vol d’un appareil en configuration FOC, il convient cependant de réaliser que l’avancement actuel du programme ne permet pas de rattraper les retards accumulés au fil des années, loin de là. En 2015, il était envisagé d’acquérir six escadrons de Tejas, plus le volant de maintenance et les appareils biplaces associés. Soit, en tout et pour tout, 123 appareils au standard Mark 1, à livrer au rythme de 16 appareils (soit un escadron) par an, qui auraient pu être suivis par 201 appareils supplémentaires dans un hypothétique standard Mark 2. Or, à l’heure actuelle, HAL peine à livrer huit avions annuellement, même si la montée en cadence devrait débuter cette année. De plus, il convient de rappeler que le FOC du Tejas était initialement attendu pour… 2014 !

Au final, suite au retard de développement du Tejas Mark 2, qui devait comprendre un nouveau moteur F414 et un radar AESA, il a été décidé en 2016 d’acquérir 83 appareils au standard intermédiaire Mark 1A. Comme les Mark 1, les Tejas Mark 1A conserveront le réacteur d’origine américaine F404, ne permettant pas d’augmenter la capacité d’emport ni les performances dynamiques de l’appareil. Cependant, le Mark 1A devrait disposer d’un radar AESA, probablement d’origine israélienne en attendant que le radar indien Uttam ne soit opérationnel. Ils embarqueront également une suite de protection électronique améliorée et un pod de brouillage externe, afin de renforcer leur survivabilité au combat.

HAL LCA Tejas Navy Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
A l’origine, l’Indian Navy devait percevoir sa propre variante du Tejas Mk1, avant d’affirmer que l’avion ne correspondait pas à ses besoins. La version Mk2, plus puissante, a été développée en prenant en compte les besoins spécifiques de l’Indian Navy, mais cette dernière lui préfère des chasseurs lourds à même de se mesurer aux J-15 embarqués sur les porte-avions chinois.

Encore une fois, le contrat aurait dû initialement être signé fin 2017, pour permettre des livraisons au standard Mark 1A dès 2020. Mais entre les faibles performances industrielles de HAL et les longues négociations, un tel calendrier aurait de toute manière été impossible, même avec une signature anticipée. Au fil du temps, on constate également que l’Indian Air Force se désolidarise de plus en plus du programme LCA Tejas, rappelant qu’un Tejas Mark 1A coûtera quasiment aussi cher qu’un chasseur lourd Su-30MKI de conception russe fabriqué sous licence par HAL. Alors même que les performances du Tejas sont incomparablement plus faibles que celles du Su-30. De manière générale, l’IAF semble encourager la production sous licence de matériel existant et éprouvé, comme le Rafale ou le Su-30MKI, plutôt que la conception d’un chasseur léger déjà dépassé par tout ce que peut opposer la Chine ou le Pakistan.

On se souviendra également que l’Indian Navy a déjà affiché son désintérêt total pour le Tejas NLCA, mais aussi pour le Tejas Mark 2 pourtant conçu sur mesure par HAL pour corriger les défauts rendant l’appareil inadapté à une utilisation sur porte-avions. Opérationnellement, que ce soit face aux F-16 et JF-17 pakistanais ou aux J-10 et J-15 chinois, le LCA Tejas, toutes versions confondues, ne fait pas le poids face à un quelconque adversaire moderne. L’avion est, tout simplement, arrivé trop tard, avec trop de problèmes. Pour les autorités indiennes, cependant, il s’agit d’un programme stratégique permettant de conserver une expertise qui devrait permettre à HAL de développer un chasseur furtif, le MCA. Etant donné la désastreuse gestion du programme LCA, on peut cependant comprendre que l’IAF insiste plutôt pour une augmentation des commandes de Rafale et de Su-30 assemblés sous licence plutôt que pour le développement d’un coûteux et hypothétique Medium Combat Aircraft.

Avec la classe Laïka, la Russie veut un sous-marin de dissuasion non-nucléaire

Dans une interview publiée par le journal des forces armées russes Krasnaya Zvezda (étoile rouge), l’amiral Nikolai Yevmenov fait un point sur les développements de la nouvelle classe de sous-marins d’attaque de 5ème génération qui entrera en service lors de la prochaine décennie dans la Marine Russe. Désignée classe Laïka, du nom de la première chienne à avoir été envoyée dans l’espace, ce programme, précédemment identifié par le nom « Husky », est appelé à devenir le modèle central de la gamme de sous-marins nucléaire russes pour plusieurs décennies.

Le programme n’en est qu’à la phase de conception générale, et il est évidemment bien trop tôt pour se faire une idée de ce que seront ces sous-marins. Toutefois, plusieurs grandes lignes se dessinent, comme un design modulaire afin de pouvoir concevoir des bâtiments à vocation de guerre sous-marine destinés à remplacer les SNA du projet 971 Shchuba-B (ou Akula dans la désignation OTAN), ainsi que les submersibles spécialisés dans la lutte anti-navire et les frappes vers la terre, en remplacement des navires de la classe Antey du projet 949A.

Sous marin russe de la classe Iassen Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Les sous-marins de la classe Yasen vont progressivement remplacer les 945A Kondor datant des années 80, au cours de la décennie à venir

De fait, outre les traditionnels tubes lance-torpilles, les Laïka pourront être dotés de lanceurs verticaux, capables de mettre en oeuvre, comme les Antey, des missiles anti-navires P-800 Onyx, des missiles de croisière 3M54 Kalibr, et le futur missile anti-navires hypersonique 3M22 Tzirkon. Surtout, ils pourront être dotés de missiles balistiques dotés de planeurs hypersoniques de rentrée atmosphériques, les mettant potentiellement au même rang que les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins comme les Ohio américains, les Boreï russes ou encore les Triomphant français.

Sauf que, selon l’amiral Yevmenov, l’objectif recherché ne serait pas de doter ces missiles balistiques de charges nucléaires, mais de charges conventionnelles, à l’instar, par exemple, des missiles 9K723 Iskander ou du missile balistique aéroporté hypersonique Kh47M2 Kinzhal, qui tous deux peuvent être équipés de charges explosives conventionnels, comme de têtes nucléaires. Et d’ajouter que la Marine russe souhaitait ainsi se doter de sous-marins capables de renforcer les capacités de dissuasion non-nucléaire du pays.

kinjal Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Le missile Kh47M2 Kinzhal peut frapper une cible à 2000 km de distance à une vitesse de Mach 10, le rendant virtuellement impossible à intercepter avec les technologies anti-missiles actuelles

En occident, la notion de dissuasion est majoritairement associée aux armes de destruction massive, nucléaire en tête, mais recouvrant également les frappes chimiques, bactériologiques et radiologiques. En revanche, la notion de dissuasion cEn aonventionnelle est le plus souvent intégrée à la conception de la réponse militaires que peuvent apporter les forces conventionnelles face à un agresseur éventuel. Mais l’approche retenue par Moscou, qui rappelons le dispose également de la plus grande force de frappe nucléaire au monde avec Washington, repose sur des armes, et non des forces, dont l’existence suffirait à convaincre un adversaire potentiel de renoncer à un quelconque acte d’agression, ou plus généralement, à renoncer à engager le combat contre la Russie.

Pour cela, les militaires russes parient vraisemblablement sur des missiles balistiques hypersoniques comparables au Kinzhal, c’est à dire capable d’une très grande précision de frappe dans des délais trop courts pour pouvoir engager une quelconque action de préservation. Qui plus est, si ces missiles étaient mis en oeuvre par des sous-marins pouvant s’approcher à quelques centaines de kilomètres des côtes adversaires, avec des trajectoires surbaissées et des délais de réaction inférieurs à deux ou trois minutes, toutes les institutions politiques, économiques et sociales d’un pays pourraient être neutralisées sans franchir le seuil nucléaire. On comprend, dès lors, en quoi l’utilisation potentielle de ces seules armes associées à un sous-marin de nouvelle génération aura un fort potentiel de dissuasion pour les décideurs adverses.

Missile Tzirkon Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
En associant un sous-marin de dernière génération et un missile balistique hypersonique, la Russie espère étendre ses capacités de dissuasion dans un registre non-stratégique

A noter que Moscou dispose déjà d’un embryon de capacités comparables, avec le missiles Kh47M2 Kinzhal, capable de frapper une cible à 2000 km à une vitesse de Mach 10, avec une précision de quelques mètres, une charge militaire de 500 kg suffisante pour faire voler en éclat la plupart des édifices construits par l’homme, surtout cumulée à l’énergie cinétique dégagée par l’impact d’un missile de plus d’une tonne lancée à Mach 10. Mais un Mig31 passe beaucoup moins inaperçu qu’un sous-marin, et surtout il ne peut atteindre des cibles outre Atlantique, ce qui en limite le caractère dissuasif vis-à-vis de l’adversaire principal de la Russie, à savoir les Etats-Unis.

Reste qu’une fois encore, la Russie semble être déterminée à s’équiper d’armes et de doctrines susceptibles de lui conférer un net avantage sur l’ensemble de ses adversaires, OTAN y compris. On y trouve d’ailleurs a même ingéniosité qui caractérisent les développements russes dans les domaines de défense ces dernières années. En effet, alors que les occidentaux semblent s’accorder pour limiter l’usage des armes nucléaires à des situations de ripostes à d’autres attaques nucléaires, la doctrine russe pourrait bien en profiter pour s’assurer de rester sous les seuils nucléaires, même en cas de conflit majeur, tout en disposant de capacités de frappes uniques agissant, lui conférant un moyen de pression très important sur ses adversaires, même dotés d’armes nucléaires. Encore faut-il que, dans de tels cas, la notion de seuil nucléaire et les engagements internationaux aient encore cours, ce qui est loin d’être certain.

Le système de défense laser Helios équipera le premier destroyer de l’US Navy dès 2021

L’ensemble des armées américaines considèrent que les systèmes d’arme à énergie dirigée assureront en grande partie la protection anti-aérienne rapprochée des forces, et ce avant la fin de la décennie en cours. Précurseur en la matière, avec le système AN/SEQ-3 Laser Weapon System installé à bord de l’USS Ponce en 2014, l’US Navy le sera également lorsqu’en 2021, son premier destroyer de classe classe Arleigh Burke sera équipé du système laser HELIOS, afin d’assurer la protection du navire contre les drones, les embarcations légères et, le cas échéant, les missiles légers.

A l’occasion du Directed Energy Summit 2019, le contre-amiral Ron Boxall a en effet confirmé que le second prototype du système laser de 60 Kw Helios, conçu par Lockheed Martin, sera installé sur un destroyer américain dès 2021, sans que l’on sache s’il s’agira d’un nouveau navire (probable) ou d’un navire plus ancien. Il s’agira alors, selon toute probabilité, du système laser le plus puissant en service dans les forces armées dans le monde, même si ce record n’est certainement pas destiné à perdurer plus de quelques mois, quelques années tout au plus.

LaWS laser USS Ponce Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
L’US Navy a été précurseur en matière de laser embarqué, avec le système AN-SAQ-3 LaWS en service depuis 2014 sur le navire d’assaut USS Ponce

Avec une puissance de 60 Kw, le système Helios pourra être employé contre les drones de petite et de moyenne taille évoluant autour du navire, dans un rayon pouvant atteindre les 20 km selon les conditions météorologiques. Il pourra également prendre à parti les petites embarcations comme les vedettes lance-torpilles ou lance-missiles en service dans de nombreuses forces navales de second rang, comme l’Iran ou la Corée du Nord, ains que les drones navals de surface, à l’instar du Jari en developpement pour la marine de l’Armée Populaire de Libération. Si l’Helios sera en mesure, si besoin, de détruire un missile léger lancé contre le navire, cette puissance est cependant insuffisante pour détruire ou abimer un missile anti-navire de dimension standard, et évidement pas les missiles anti-navires supersoniques ou hypersoniques comme les P-800 Onyx ou 3M22 Tzirkon russes. Pour cela, l’US Navy estime que les laser de protection devront atteindre une puissance minimale de 300 à 500 Kw, et de 1 Mw pour être en mesure de répondre à une attaque saturante.

Les destroyers Arleigh Burke disposent déjà de systèmes de protection rapprochée, en l’occurence des canons de 20mm M242 Bushmaster contre les menaces asymétriques, le système de protection rapproché CIWS Phalanx ou encore le système de missiles anti-aériens et anti-missiles à courte portée RIM-162 ESSM Sea Sparrow. Toutefois, ces systèmes ne sont pas optimisés pour lutter contre les drones, et sont limités en matière de portée et de capacité de feu. En outre, le laser peut être employer pour illuminer et donc neutraliser les capteurs des drones sans les détruire, voir de viser un navire de manière non létale, afin de signifier un ultime avertissement. En effet, contrairement aux missiles ou systèmes d’artillerie, le laser peut moduler sa puissance, selon le contexte. De fait, l’arrivée de l’HELIOS, capable potentiellement de tirer de façon illimité pour un cout modique, d’atteindre des cibles à plus grande distance que les systèmes d’artillerie, et de neutraliser des systèmes sans les détruire, apporte effectivement plusieurs options opérationnelles significatives au navire.

china drone jari 0085 Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Dans l’avenir, les drones navals comme le JARI, pourraient représenter une menace sérieuse pour les grands navires de combat, et les laser de haute puissance constituer la parade la plus efficace contre elle.

Elle permettra également à l’US Navy de parfaire sa compréhension des capacités des systèmes laser, et donc de developper une doctrine et des procédures adaptées et portables pour les autres navires, dans l’attente de l’entrée en service de systèmes plus puissants et généralisés sur les coques de ses bâtiments. Comme en matière de developpement des missiles hypersoniques, les armées américaines coopèrent téchnologiquement afin d’accélérer l’entrée en service de systèmes à énergie dirigée, qu’il s’agissent de laser ou de projecteurs micro-ondes. Contrairement à l’US Air Force et son programme Shield, ou l’US Army et son programme HEL, l’US Navy n’est pas contrainte par la production de puissance électrique, pour peu que le navire ait été conçu pour produire cette énergie. En revanche, l’utilisation des laser sur les mers, avec des conditions météo souvent détériorées et une humidité atmosphérique naturellement très élevée, créée d’autres difficultés à révéler.

Laser Rheinmetall Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
L’Allemand Rheinmetall et l’européen MBDA développent pour la marine allemande un système de défense laser d’une puissance de 30 Kw

Quoiqu’il en soit, la prochaine entrée en service du premier destroyer équipé d’un laser de haute puissance Helios pour renforcer ses capacités d’auto-défense constitue une étape clé dans la transformation et la modernisation de l’US Navy. En ces temps d’incertitudes, et face aux contraintes contradictoires auxquelles elle fait face en matière de programmation industrielle, cette avancée est incontestablement un motif de satisfaction pour l’amirauté américaine. En Europe, les britanniques, l’Allemagne, l’Italie ainsi que la France développent des solutions propres et coopèrent au sein du consortium TALOS pour developper des systèmes laser de haute puissance.

Un ancien PC de la Bundeswehr vendu d’occasion contenait encore des informations classifiées

L’information fait grand bruit outre-Rhin. Les spécialistes de sécurité informatique de la société G-Data, située dans la ville de Bochum entre Essen et Dortmund, on pu acquérir sur eBay un ordinateur portable durci issu de la Bundeswehr, l’armée allemande. Or, cet ordinateur contenait encore des informations classifiées, en l’occurence la documentation utilisateur du système LeFlaSys Ozelot, l’unique blindé de protection anti-aérienne rapprochée en Allemagne, entré en service en 2001 et toujours en service aujourd’hui ainsi que dans les forces grecques.

La documentation accessible n’a certes pas un haut degré de confidentialité, puisque le manuel utilisateur ne donne aucune information sensible sur le système. Il s’agit de l’équivalent d’un document classifié « Diffusion restreinte » par les armées françaises. Toutefois, le fait que le disque dur de l’ordinateur revendu sur eBay par le broker sous contrat avec la Bundeswehr n’ai pas été totalement effacé et re-formarté laisse craindre que d’autres systèmes, contenant cette fois des informations bien plus sensibles, aient déjà été vendus, et pourraient, dès lors, être entre les mains de personnes, ou d’états, beaucoup moins bien intentionnés que les experts sécurité de G-Data.

leflasys17 Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
entré en service au début des années 2000, le système de protection aérienne rapprochée LeFlaSys Ozelot permet de protéger des infrastructures sensibles dans un rayon de 6 km contre des aéronefs, hélicoptères et drones.

Cela pose naturellement question sur les procédures devant être appliquées par les brokers, sous contrat avec La Défense allemande, voir avec l’ensemble des services d’état manipulant des données confidentielles, comme les affaires étrangères, les finances, la santé ou la justice. En sous-traitant la fin de vie de ses systèmes informatiques à des brokers, c’est à dire des sociétés spécialisées dans la commercialisation et la valorisation de systèmes d’occasion, les armées font l’économie du respect des contraintes nationales et européennes de construction et de recyclage des systèmes électroniques, tout en en retirant une contre-partie financière, certes faible, mais non négligeable lorsqu’il s’agit de plusieurs dizaines de milliers de systèmes chaque année.

Or, le modèle économique des brokers est particulièrement tendu aujourd’hui, en raison justement de la réglementation en matière de recyclage, ainsi que sur l’extension des gammes de produits informatiques. Plutôt que de déconstruire les systèmes, ils préfèrent les proposer sur des marchés secondaires, que ce soit dans des pays en voie de developpement, ou sur des plateformes de vente de matériel d’occasion, comme eBay. Cela permet, pour eux également, de ne pas avoir à traiter le recyclage des systèmes. Or, contractuellement, les brokers doivent la plupart du temps s’assurer de l’effacement « profond », c’est à dire sans possibilité de reconstruction, des informations contenues sur les disques durs de systèmes informatiques destinés à la revente. Mais cette procédure est grande consommatrice de temps, la rendant difficilement compatible avec les prix de vente auxquels ils sont proposés. Raison pour laquelle il arrive que certains materiels soient proposés tels quels, ou avec un formatage simple des disques, permettant de reconstruire les données sensées avoir été effacées à l’aide d’un simple logiciel, voir d’une ligne de commande.

ordinateur dans blinde Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Les ordinateurs portables sont présents à tous les échelons de l’action militaire, jusque sur le terrain à proximité des zones d’engagement

On ignore quelle fut la procédure employée concernant l’ordinateur portable de la Bundeswehr, et donc l’implication nécessaire des spécialistes de G-Data pour avoir accès aux données. De même, on ignore s’il s’agit d’un cas parmi une multitude de cas testé, ou d’un test unique ayant immédiatement montré les limites des procédures employées. Mais ces derniers confirment que l’ordinateur n’était pas même protégé par mot de passe, et que le disque dur n’était pas crypté, un comble pour un équipement dit « durci », sensé être employé sur le terrain par les forces allemandes, et donc susceptibles de tomber entre les mains de l’adversaire. Ce petit scandale, masqué par la crise autour du coronavirus Covid19, montre, à priori, de grandes failles en matière de respect des procédures de sécurité élémentaires appliquées par la Bundeswehr. Car aujourd’hui, même dans une entreprise à sensibilité moyenne, le service de sécurité informatique assure le suivi de ces critères pour l’ensemble du parc, à savoir le cryptage des disques, l’accès par mot de passe complexe et renouvelé en général tous les 3 mois, et la possibilité d’effacer en profondeur et à distance les disques des ordinateurs si ceux-ci venaient à être perdus ou volés.

Mais ici, l’âge du système, acquis au début des années 2000, explique probablement l’absence de ces procédures. A l’époque, le risque cyber était beaucoup moins perceptible, et la majorité des ordinateurs n’assuraient leur sécurité qu’avec l’aide d’un simple anti-virus. Souvent, ce sont ces systèmes anciens et « hérités » qui posent les plus importants problèmes aux services de sécurité des systèmes d’information qui, parfois, ignorent jusqu’à leur existence. En l’occurence, si l’ordinateur n’était pas protégé par mot de passe, cela laisse supposer qu’il n’était pas destiné à se connecter au système d’information des armées allemandes, ceci expliquant probablement l’absence de sécurité, sans pour autant expliquer pourquoi il n’a pas été re-formaté avant la mise sur le marché. Quoiqu’il en soit, il est probable que suite à ces révélations, la Bundeswehr fera l’objet, dans les jours qui viennent, d’un audit de sécurité informatique global qui déterminera les failles technologiques et procédurales.

En raison de l’épidémie de coronavirus, l’exercice de l’OTAN « Defender 2020 » sera réduit à son strict minimum

Ce devait être la réponse de l’OTAN aux gigantesques exercices en conditions réelles menés récemment par la Russie et ses alliés, notamment lors de Vostok 2018, mais aussi le plus large exercice militaire mené en Europe occidentale en un quart de siècle. Defender 2020, également appelé Defender, devait consister à déployer en Europe de l’Ouest près de 20.000 soldats américains, via un transport par navires et avions échelonné entre la fin de l’hiver et le printemps 2020 vers les ports et bases militaires européennes. Ils y auraient rejoint environ 17000 soldats européens, permettant de conduire une série de manœuvres et d’exercices dans une dizaine de pays, du Benelux au Pays Baltes en passant par l’Allemagne et la Scandinavie. Plusieurs dizaines de milliers de véhicules auraient également fait le voyage depuis les USA, sans compter l’utilisation du matériel pré-positionné en Europe. Un retour aux sources pour l’OTAN qui, durant la Guerre froide, pratiquait annuellement des exercices Reforger de déploiements de troupes en Allemagne de l’Ouest.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’exercice Defender 2020 est toujours officiellement maintenu, mais son périmètre d’action et son ampleur ont déjà été considérablement revus à la baisse. Ainsi, dans les faits, l’exercice Defender 2020 tel qu’il était prévu au départ, avec un objectif politique et stratégique clair, n’existe déjà plus en raison de l’épidémie de Covid-19. S’il n’est pas déjà purement et simplement annulé, c’est en grande partie parce qu’il a de facto déjà débuté, près de 6000 soldats américains –dont une brigade blindée– ayant été déployés dès la fin janvier, puis à partir du 21 février. Cependant, tout porte à croire que les choses n’iront pas beaucoup plus loin pour les forces de l’OTAN.

defender 2020 Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Comme le montre cette infographie, les principaux exercices de Defender 2020 devaient se dérouler entre les Pays Baltes et la Belgique, avec des exercices annexes en Norvège ou encore en Italie, sans compter le déploiement de troupes venues de toute l’Europe, y compris la France

Depuis vendredi dernier, en effet, tous les mouvements de personnels et de matériel en direction de l’Europe ont été interrompus. De manière générale, à la même date, tous les déplacements de militaires américains, de leurs familles ou du personnel civil travaillant pour le Pentagone ont été sévèrement restreints, y compris sur le sol américain. Les mutations, transferts et détachements temporaires ont été suspendus au moins jusqu’au 11 mai. Quelques jours plus tôt, le 9 mars, c’est le général Cavoli commandant les forces terrestres américaines en Allemagne et une partie de son état-major qui ont été placés en confinement après une suspicion de contamination.

Au même moment, toujours le 13 mars 2020, l’Allemagne annonçait pourtant vouloir maintenir Defender 2020, même si l’exercice n’aurait plus été que l’ombre de lui-même. Entre temps, cependant, de nombreux pays sensés accueillir les manœuvres de Defender 2020 ont fait le choix d’annuler les exercices. En Norvège, où l’épidémie se propage particulièrement rapidement malgré la faible population, l’exercice Cold Response qui devait s’y dérouler à la fin de Defender a été annulé très tôt. Pour les états-majors norvégiens et finlandais, impliqués dans l’exercice, il était alors question de limiter toute contamination et mise en quarantaine des bases militaires afin de préserver le potentiel des armées qui pourraient être appelées en renfort au plus fort de l’épidémie. Par la suite, Joint Warfighting Assessment 2020, qui devait des dérouler du 13 avril au 23 mai, a également été annulé, tout comme Dynamic Front, Saber Strike et Swift Response, qui devaient parfois mettre en œuvre plus de 20000 soldats simultanément.

Saber Junction 2018 NATO OTAN Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Exercice Saber Junction, en 2018. La véritable nouveauté de Defender 2020 consistait en l’ampleur des troupes et du matériel déployés depuis les Etats-Unis. Les exercices prévus en Europe, s’ils étaient particulièrement concentrés, n’étaient pas individuellement différents de ceux conduits chaque année en Europe.

De fait, depuis le début de semaine, une partie des troupes américaines déjà arrivées en Europe sont renvoyées dans leurs bases aux États-Unis, puisqu’elles ne peuvent percevoir leur matériel et qu’elles se voient bien souvent privées de leurs exercices planifiés. Qui plus est, Defender 2020 devait permettre le déploiement d’un nombre important de troupes issues de la Réserve et de la Garde Nationale américaine. Or, cette dernière conserve comme mission première le soutien aux autorités locales en cas de catastrophe nationale, y compris dans le cas d’une épidémie.

Pour l’heure, il est difficile de savoir quelles parts de Defender 2020 seront maintenues. D’après les déclarations du Pentagone et de l’US Army Europe, la réduction de l’ampleur et du périmètre d’action de Defender 2020 permettra de « préserver l’état de préparation des forces de l’OTAN tout en maximisant les efforts pour approfondir les alliances et partenariats » des forces armées américaines en Europe, tout en réduisant les risques sanitaires pour les militaires et leurs familles. A priori, la brigade blindée déjà déployée en janvier devrait ainsi conduire un exercice Allied Spirit modifié, et il se pourrait que ce soit concrètement tout ce qu’il restera de Defender 2020 et de la dizaine d’exercices initialement associés. A condition, bien évidemment, que la situation n’évolue pas encore dans les jours à venir. Or, avec un virus qui se propage de manière exponentielle, rien ne permet d’affirmer qu’un Allied Spririt, même drastiquement revu à la baisse, puisse réellement se produire.

lt general cavoli us army Analyses Défense | Aviation de Transport | Avions Ravitailleurs
Durant quelques jours, le Lt General Cavoli de l’US Army a été contraint à télétravailler suite à une suspicion de contamination au coronavirus dans l’entourage de son état-major

Doit-on en conclure, pour autant, que les forces armées de l’OTAN sont vulnérables face à une pandémie de coronavirus ou équivalent ? Doit-on voir dans l’annulation de Defender 2020, un signe de faiblesse de l’Alliance ? Certainement pas. De manière générale, l’état de santé des militaires occidentaux fait que ces derniers ne constituent pas une population à risque. En cas de conflit ou de déploiement impératif, les opérations pourraient sans doute se dérouler relativement normalement, même si certaines unités verraient nécessairement leur efficacité diminuée tant qu’une partie de leurs troupes seront malades. Ces derniers jours, de nombreuses anecdotes similaires circulent ainsi dans la presse, le Monde ayant ainsi évoqué la contamination par la grippe de près de 900 hommes à bord du porte-avions Foch, il y a plus de 20 ans, sans que les opérations du navire ne soient interrompues.

De fait, la réduction ou la suspension de Defender 2020 ne viserait pas tant à protéger la santé des soldats, même si c’est un effet de bord bienvenu, mais plutôt à préserver leur potentiel opérationnel et, surtout, à limiter la propagation de la maladie auprès des populations civiles en contact avec ces soldats amenés à voyager au sein de plusieurs pays européens avant un retour aux États-Unis.