vendredi, décembre 5, 2025
Accueil Blog Page 278

Retour aux fondamentaux pour le corps des Marines des Etats-Unis

C’est une petite révolution qui se prépare au Pentagone. En effet, le commandant du corps des Marines des Etats-Unis, le général David Berger, a entrepris de profondément modifier cette force d’élite américaine pour lui permettre de répondre aux enjeux qui seront les siens en 2030, et être en mesure de faire face, en priorité, à la Chine. Pour y parvenir, l’US Marines Corps va devoir revenir aux fondamentaux et redevenir la force d’assaut amphibie légère et très mobile qu’elle était jusqu’il y a une vingtaine d’années, lorsque les interventions en Afghanistan et en Irak l’ont peu à peu transformé en force d’infanterie mécanisée traditionnelle.

Pour répondre dans le délais imparti aux enjeux opérationnels sur le théâtre Pacifique, principale préoccupation du général David Berger, le Corps va devoir passer par de multiples reformes et reorganisations, qui lui donneront probablement l’impression de passer dans une essoreuse pour les 10 années venir. Ainsi, les bataillons de chars lourds Abrams seront tout simplement supprimés, alors que les 21 batteries d’artillerie mobile verront leur nombre passer à 5, et que les compagnies de véhicules blindés amphibies vont, elles, passer de 6 à seulement 4. Dans le même temps, les effectifs vont décroitre de 12.000 combattants, et les bataillons d’infanterie de marine vont passer de 24 à 21. L’aviation n’est pas épargnée, avec 6 escadrons d’hélicoptères supprimés dont un escadron de V22 Osprey, un escadron de CH53 et 2 escadrons d’hélicoptères d’attaque légers. Si le nombre d’escadrons de F35B est F35C reste inchangé, le nombre d’appareils par escadron est lui ramené de 16 à 10, ce qui entrainera probablement une réduction du volume d’appareils commandés.

F35B sur USS America Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Même le très symbolique F35B pourrait être touché par la profonde réorganisation entamée par le Corps

L’objectif recherché par le Général David Berger est de mettre en adéquation la réponse en matière d’unités d’assaut et la réalité des besoins et des capacités de projection de force de l’US Navy. Ce retour aux sources s’accompagne d‘une augmentation des capacités anti-navires annoncée il y a peu, pointant encore davantage la reorientation amphibie opérée par le Corps.

La restructuration et les changements de doctrines annoncés par le général David Berger sont la conséquence du renforcement rapide et ambitieux des forces d’assaut amphibies chinoises annoncées l’année dernière par Pékin. En effet, l’APL a présenté un plan visant à tripler ses effectifs de troupes de marine spécialisée dans l’assaut amphibie, passant ainsi de 2 à 6 brigades de 15.000 hommes en 2020. Dans le même temps, la Marine Chinoise voit elle aussi ses capacités d’assaut se renforcer rapidement, avec la livraison prochaine des 2 derniers LPD Type 072, et l’arrivée prochaine des premiers porte-hélicoptères d’assaut de 40.000 type 075, comparables en de nombreux points aux nouveaux LHD de la classe América de l’US Navy.

us marine corps usmc amphibious assault vehicles aav leave the iwo jima beach 226f97 1600 Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Le Commandant du Corps des Marines, le général Berger, veut faire à nouveau du corps une force légère et mobile spécialisée dans l’assaut amphibie

Le Pentagone craint visiblement qu’un scénario similaire à celui de la guerre dans le Pacifique contre le Japon durant la seconde guerre mondiale, avec des affrontements distribués sur de nombreuses iles nécessitant une force d’assaut agile et très mobile. Mais la Chine moderne ne souffre pas des mêmes faiblesses que le Japon des années 40, en particulier en matière de démographie. Quand à sa dépendance aux importations de carburant, elle est largement compensée par les liens étroits avec Moscou. En outre, la flotte chinoise reçoit chaque année 4 fois plus de nouveaux navires que l’US Navy, expliquant sa rapide montée en puissance.

Quoiqu’il en soit, il s’agit d’une nouvelle annonce du Pentagone en réaction à des initiatives chinoises, et non en anticipation de celles-ci. Il semble que désormais, l’initiative stratégique soit détenue par l’axe Pékin-Moscou, dans le Pacifique comme sur le théâtre européen. Et les difficultés rencontrées par le Pentagone pour mettre en adéquation ses besoins en matière de modernisation d’équipements et de renforcement des forces avec les moyens dont il dispose, pourtant déjà considérables, ne tendent pas vers un changement de statut à court terme. Si tous les regards se portent aujourd’hui sur la crise du Coronavirus Covid-19, d’autres crises, toutes aussi préoccupantes et potentiellement dangereuses, se dessinent dans un avenir proche.

Forces navales et coronavirus : quelle utilisation pour les crises sanitaires actuelles et futures ?

Un peu plus tôt dans la journée, nous sommes revenus en détails sur le déploiement du porte-hélicoptères amphibie (PHA) Tonnerre en Corse, afin d’évacuer des malades du coronavirus. Avec le déploiement d’un hôpital de campagne à Mulhouse et l’utilisation des kits Morphée par l’Armée de l’Air pour le transport de certains patients, l’aller-retour effectué ce weekend par le Tonnerre entre la côte Sud de la France et la Corse montre l’engagement des forces armées dans la lutte contre le coronavirus.

Néanmoins, dans notre article publié vendredi soir au sujet des rumeurs et fake news entourant l’utilisation des armées dans cette crise, nous avons conclu par l’hypothèse que certains moyens militaires seraient inévitablement déployés en dehors de la métropole afin de participer à la lutte contre le Covid-19. Ainsi, l’utilisation du Tonnerre en Corse pourrait bien n’être qu’une première étape, et d’autres déploiements pourraient intervenir dans les jours et semaines qui viennent à destination des territoires d’Outre-Mer, aussi bien dans l’Océan Indien que dans l’Atlantique ou le Pacifique.

Tonnerre Corse Coronavirus Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Le Tonnerre a effectué ce week-end un aller-retour entre le Sud de la France et la Corse pour transférer des malades du Covid-19. La classe Mistral est particulièrement bien équipée pour faire face aux situations humanitaires tendues

Le coronavirus dans les territoires d’outre-mer : une bombe à retardement

Pour l’heure, un unique PHA a donc été déployé à courte distance, la Corse ne se trouvant qu’à une nuit de traversée des hôpitaux du Sud de la France. A moyen terme, toutefois, il est tout à fait possible que d’autres moyens du Service de Santé des Armées, de l’Armée de l’Air ou de la Marine Nationale soient déployés bien plus loin, notamment dans l’Océan Indien. En effet, à Mayotte comme à La Réunion, la situation pourrait rapidement devenir critique voire catastrophique.

Pour l’heure, plus de 70 cas ont déjà été confirmés à La Réunion, où le virus est apparu pour la première fois le 11 mars. Avec près de 900.000 habitants, La Réunion dispose d’infrastructures hospitalières en assez bonnes conditions, mais ne compte qu’environ 80 places en réanimation. De quoi sérieusement inquiéter les autorités locales.

chm mayotte Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Le CHM (Centre Hospitalier de Mayotte) peine déjà, au quotidien, à couvrir tous les besoins médicaux de la population de l’île. En l’état actuel, il n’est pas du tout en mesure de gérer une situation sanitaire aussi grave qu’une épidémie de coronavirus

La situation pourrait rapidement devenir bien pire encore sur l’île de Mayotte, située à 1400km au Nord-Ouest de La Réunion. Plus pauvre département de France, Mayotte est aujourd’hui un véritable désert médical en matière d’infrastructures hospitalières. On y est ainsi passé d’une douzaine de cas confirmés samedi 21 mars à plus du double aujourd’hui lundi 23 mars. Avec 250.000 habitants officiellement, et probablement 400.000 en comptant les personnes en situation irrégulière, Mayotte présente l’une des plus fortes densités démographiques insulaires au monde, ce qui présente un risque particulièrement accru en cas d’épidémie virale. De plus, son réseau sanitaire est complètement sous-dimensionné et l’île dispose d’à peine une quinzaine de lits de réanimation pour une population probablement équivalente ou supérieure à celle de la Corse. Pour les élus locaux, le risque présenté par le coronavirus serait ni plus ni moins qu’une « hécatombe ».

Des situations similaires, quoique sans doute moins critiques, pourraient aussi se reproduire dans les territoires d’Outre-Mer des Caraïbes ou en Guyane. En Nouvelle-Calédonie, un petit nombre de cas a ainsi été rapporté et un confinement devrait être instauré ce soir, peut-être à temps pour éviter de surcharger les hôpitaux locaux.

Quels moyens militaires pour l’Outre-Mer ?

Les forces armées sont régulièrement appelées en renfort pour la gestion de crises humanitaires ou de catastrophes naturelles dans les territoires français d’Outre-Mer. En 2017, le PHA Tonnerre avait ainsi été dépêché dans les Caraïbes après l’ouragan Irma qui avait frappé Saint Martin et Saint Barthélémy. La situation actuelle, cependant, pourrait bien dépasser toutes les crises sanitaires précédentes. En effet, en 2017, les moyens déployés par la Marine Nationale et l’Armée de l’Air pouvaient s’appuyer sur des infrastructures et des équipements positionnés dans la zone, notamment en Guadeloupe et en Martinique. Régulièrement, en cas de crise à Mayotte ou à La Réunion, les moyens disponibles sur une des deux îles peuvent être envoyés en renfort sur la seconde.

Hangar PHA Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Conçu pour embarquer plusieurs centaines de soldats et de véhicules terrestres, ainsi qu’une quinzaine d’hélicoptères, les PHA disposent d’un gigantesque volume interne pour le transport de matériel médical, de vivres, d’eau et d’équipements de première nécessité. Des capacités hospitalières supplémentaires (de type hôpital de campagne) peuvent aussi être installées dans les hangars

Dans un contexte de pandémie, rien de tout cela ne sera donc possible. De même, là où la distance entre la Corse et le continent permet des évacuations de patients en réanimation, il serait impensable d’utiliser les PHA pour de telles opérations à des distances aussi lointaines que La Réunion ou les Antilles. Néanmoins, les avions A330M MRTT équipés de Morphée disposeraient de l’autonomie nécessaire pour cela, pour peu que le pic d’activité actuel en France soit passé d’ici là. Enfin, s’ils ne peuvent servir pour l’évacuation de malades, les PHA et d’autres navires de la Marine Nationale pourraient très bien être utilisés pour acheminer de l’aide d’urgence pendant et juste après l’épidémie, tout en prêtant main forte sur le plan médical, le cas échéant.

Plaidoyer pour un navire-hôpital européen

Quelle que soit l’évolution de la pandémie actuelle, la France et ses Armées devront faire avec les moyens dont elles disposent aujourd’hui. Pour autant, l’épidémie de coronavirus pourrait bien ne pas être un évènement unique et rarissime dans l’histoire humaine, mais plutôt le premier d’une série de grandes crises qui pourraient toucher nos sociétés mondialisées dans les décennies à venir. La réduction des espaces sauvages, le réchauffement climatique, l’augmentation des densités de population et les contacts intercontinentaux rapides permettent désormais de multiplier la contamination par l’homme de maladies animales, puis leur dissémination à large échelle.

Dans un tel contexte, et en suivant les retours d’expérience du coronavirus, pourquoi ne pas imaginer le développement d’une initiative européenne visant à financer et armer un bâtiment hôpital adapté à la gestion de crises humanitaires et sanitaires graves ? La France pourrait parfaitement être moteur sur un tel projet, et embarquer à ses côtés d’autres nations ayant des intérêts outre-mer ou insulaires, que ce soit les Pays-Bas, l’Espagne ou le Danemark, mais aussi Malte ou Chypre.

USNS Comfort classe Mercy Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Convertis à partir de pétrolier, les deux navires de la classe Mercy américaine (ici, le Comfort) sont de gigantesques navires-hôpitaux, régulièrement employés pour les secours et comme outils diplomatiques lors de diverses crises humanitaires. Un navire-hôpital européen basé sur une plateforme civile d’occasion pourrait être relativement peu coûteux à l’achat et à l’entretien

Interrogé à ce sujet, François Narolles[1], imagine ainsi un navire semblable à la classe Mercy américaine qui servirait de porte-étendard diplomatique autant que de navire humanitaire. Dans le cadre d’une Europe de la Défense qui peine à se construire, une telle capacité serait sans doute plus simple à financer qu’un chimérique porte-avions européen, et pourrait bénéficier d’appuis politiques et publics bien plus forts.

La forme que pourrait prendre un tel projet et les conditions d’utilisation du navire resteraient sans doute à définir. Pour François Narolles, un tel projet européen serait un formidable centre universitaire, une sorte d’Erasmus flottant pour les professions de santé, financé par l’ensemble des États-membres et dont la France, par exemple, pourrait fournir l’ossature. Le navire arborerait à la fois le pavillon français en poupe, pour des raisons juridiques, et le pavillon européen comme pavillon de courtoisie, de manière symbolique.

Les zones de déploiement du navire, qui sera essentiellement dédié au secours de populations civiles tout en bénéficiant d’une réactivité militaire en cas de crise, pourront être déterminées conjointement par le Haut Représentant de l’Union et l’État du pavillon.

Dans tous les cas de figure, un tel projet ne viendrait pas remplacer les capacités de soutien médical des troupes au combat, qui resteront appuyées par les kits Morphée de l’Armée de l’Air et les hôpitaux à bord des trois PHA. Mais il pourrait constituer un moyen diplomatique de premier rang pour l’Union Européenne, tout en offrant un outil de résilience supplémentaire face à de futures crises sanitaires et humanitaires.


[1] François Narolles est officier de marine et intervient sur les sujets navals sur les réseaux sociaux et la presse spécialisée. Il exprime ici des opinions personnelles n’engageant pas la Marine nationale ni le Ministère des Armées

La Corée du Nord tire 2 nouveaux missiles balistiques en Mer du Japon

Samedi 21 mars, les systèmes de surveillance sud-coréens et japonais ont tous deux détecté deux tirs consécutifs de missiles balistiques provenant de Corée du Nord. Les armes ont effectué un vol de plus de 450 km et atteint un apogée à 50 km avant de s’abimer en mer du Japon. C’est le troisième essai de ce type depuis le début du mois de mars, alors même que la Corée du Sud tente de sortir, avec succès semble-t-il, de l’épidémie de coronavirus qui l’avait fortement touché à partir de mi-février.

Si ces tirs ont déclenché les protestations officielles des capitales régionales, ainsi que de Washington, il semble qu’ils aient davantage des visées de politiques intérieures que de politique extérieure, Pyongyang n’ayant accompagné ces essais d’aucune revendication claire, comme à son habitude.

En outre, ce samedi, il semble que le dirigeant nord-coréen, Kim Jung Un, ait participé à un grand exercice militaire d’artillerie, expliquant probablement ces tirs. La Corée du Nord ne publiant pas d’information intérieure sur la scène internationale, on ignore si l’épidémie de Coronavirus a frappé le pays ou non, mais les liens entre Pyongyang et Pékin tendent à penser que cela serait possible. Dès lors, il est probable que le régime affirme avant tout son autorité sur sa propre population par ces essais, de sorte à dissuader toute velléité de protestation.

Kim missile balsitique Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
L’arme nucléaire représente aujourd’hui pour le régime nord coréen et son leader, Kim Jong Un, la seule arme efficace pour se protéger tant des menaces intérieures qu’exterieures. Ceci explique les échecs répétés des négociations visant un désarmement nucléaire total de Pyongyang

Selon les données radars japonaises et sud-coréennes, il semble que les missiles employés soient, à l’instar de ceux tirés en novembre 2019, d’un nouveau modèle comparable au missile russe 9K723 Iskander, conçu pour franchir le bouclier antimissile américain et national qui protège le Japon et la Corée du Nord.

En effet, la trajectoire enregistrée semble être semi-balistique plutôt que balistique, permettant au missile d’évoluer à l’altitude la plus contraignante pour les armes anti-missiles de fabrication américaine, puisque le Patriot PAC-3 atteint péniblement les 60 km d’altitude au détriment de sa portée en matière de rayon d’interception, et que le THAAD ne peut engager ses cibles qu’au-dessus de 65 km d’altitude.

En outre, ce modèle de missile semble conserver des capacités de manœuvre durant son vol balistique, bien au-delà de la simple correction de trajectoire pour frapper une cible avec précision. Or les systèmes anti-balistiques américains reposent essentiellement sur la prédictivité des trajectoires balistiques, pour détruire la cible par un impact direct.

Dès lors que cette cible altère sensiblement sa trajectoire pour effectuer des manœuvres évasives, la solution de tir est perdue. Radars et calculateurs doivent à nouveau tenter de déterminer une trajectoire d’impact, ce qui prend du temps qu’ils n’ont justement pas.

kim jong un et trump Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie

Reste que ces tests, comme les 11 qui les ont précédés depuis le mois de novembre suite au refus américain de lever les sanctions économiques américaines contre Pyongyang en contre partie d’une limitation de l’arsenal défensif nucléaire nord-coréen, marque l’échec de la diplomatie américaine dans ce dossier, malgré une entrée en matière prometteuse.

Il faut dire que le revirement opéré par l’administration George W Bush en 2000, faisant de la Corée du Nord un des pays de « L’axe du Mal », et ce malgré les avancées obtenues à partir de 1994 par l’administration Clinton grâce à l’intervention opportune de l’ancien président J.Carter, a créé un climat de défiance entre les deux capitales et leurs chefs d’État respectifs.

Et la capture et la mise à mort du dictateur libyen Mouammar Kadhafi par des forces rebelles en 2011 avec le soutien des occidentaux, et notamment de la France, quelques années à peine après que ce dernier a accepté de renoncer à son programme nucléaire contre la levée de sanctions, renforcent le leader nord-coréen dans la certitude que l’arme nucléaire représente sa seule protection efficace pour son régime comme pour lui-même, contre les menaces extérieures comme intérieures.

Le porte-hélicoptères Tonnerre a été envoyé en Corse pour évacuer des malades du Covid-19

Vendredi dernier, dans un article dédié aux rumeurs qui circulent autour des Armées dans le contexte de l’épidémie de coronavirus, nous avions conclu par le fait que le déploiement de moyens militaires supplémentaires afin de gérer la situation hors-métropole était probablement imminent. Au-delà des avions-ravitailleurs utilisés avec des kits Morphée pour le transport de malades, nous avons surtout évoqué l’utilisation des porte-hélicoptères amphibies (PHA), dont les installations hospitalières sont particulièrement bien équipées.

Dès le lendemain, nous apprenions ainsi par le Ministère des Armées qu’un premier PHA, le Tonnerre, devait partir dans la soirée de Toulon afin de participer à l’évacuation de malades atteints du Covid-19 en Corse. Un saut de puce pour le Tonnerre, mais qui permet de transporter simultanément bien plus de malades qu’un avion Morphée, tout en évitant de faire appel à des ferries civils pas du tout équipés pour ce type d’évacuations sanitaires. Surtout, le transport de malades vers les hôpitaux de Marseille va permettre de désengorger pour un temps l’hôpital d’Ajaccio dont les capacités sont proches de la saturation.

Tonnerre Corse Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Après être intervenu pour secourir les victimes de l’Ouragan Irma et du Cyclone Idai, le Tonnerre est un habitué des opérations humanitaires

Les capacités hospitalières des Porte-hélicoptères Amphibies

La France dispose de trois PHA de classe Mistral, dénommés à l’origine BPC (Bâtiments de Commandement et de Projection). Considérés comme des LHD (Landing Helicopter Dock) selon l’appellation OTAN, ces trois bâtiments disposent d’un large pont d’envol et d’un hangar pour une quinzaine d’hélicoptères de manœuvre et d’attaque ainsi que d’un hangar de 2650m2 pour véhicules terrestres. De base, une soixantaine de blindés –dont un escadron de chars Leclerc– peuvent être embarqués et déployés par le biais de deux catamarans EDAR (Engin de Débarquement Amphibie Rapide) ou quatre chalands de débarquement embarqués dans le radier situé à l’arrière du navire. Durant l’opération Serval au Mali, les BPC ont démontré leur capacité à embarquer près de 150 véhicules lourds et légers ainsi que 500 troupes de l’Armée de Terre.

Leur équipage de base, cependant, se compose d’un peu moins de 200 marins. Les larges volumes disponibles dans les PHA et leur capacité d’accueil généreuse en font des outils très polyvalents. Depuis le retrait de service du porte-hélicoptère Jeanne d’Arc, principal navire école de la Marine Nationale, la « mission Jeanne d’Arc » est ainsi effectuée par un PHA qui accueille chaque année les officiers de Marine issus de l’Ecole Navale terminant leur formation. Mais ces navires sont surtout régulièrement utilisés comme des moyens d’assistance en cas de crise humanitaire ou de catastrophe naturelle, par exemple, y compris lors des déploiements « Jeanne d’Arc ». Outre leurs interventions militaires en Libye ou au Mali, les BPC/PHA ont ainsi été déployés en réponse à l’ouragan Irma à St Martin en 2017 ou encore au cyclone Idai de 2019, au Mozambique. Le Mistral a également été un atout majeur dans l’évacuation des ressortissants français pendant le conflit israélo-libanais de 2006.

Marins Pompiers PHA Tonnerre Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Lors de l’arrivée du Tonnerre à Marseille, ce sont les Marins Pompiers qui ont pris en charge les malades transportés à bord du porte-hélicoptères

Conçu dès le départ pour pouvoir couvrir tout le spectre des opérations humanitaires, les PHA disposent de capacités hospitalières largement dimensionnées, comparables à celles d’une ville de plus de 20.000 habitants. Outre une salle d’imagerie médicale équipée d’un scanner, dont l’utilité n’est plus à démontrer dans le cadre de la crise actuelle, les PHA peuvent accueillir près de 70 malades, dont une cinquantaine en soins intensifs. Surtout, ils disposent d’une demi-douzaine de lits de réanimation, dont la France risque de manquer cruellement dans les semaines à venir. Pas de quoi endiguer une épidémie à eux seuls, donc, mais les PHA restent des outils de prise en charge bien adaptés et bien équipés pour le transport de malades depuis des zones difficiles d’accès, isolées ou insuffisamment équipées. L’hôpital embarqué est isolé physiquement du reste du navire et de l’équipage pour éviter toute contamination.

Pour l’OTAN, les installations des PHA en font des hôpitaux de Rôle 3, soit une capacité située entre celle du Charles de Gaulle ou des anciens TCD Foudre que les BPC remplaces (Rôle 2) et celle des Hôpitaux d’Instruction des Armées (HIA) terrestres, tels que l’hôpital Bégin à Saint-Mandé, l’hôpital Desgenettes à Lyon, Percy à Clamart, Laveran à Marseille ou encore l’ancien Val-de-Grâce de Paris, fermé depuis 2016.

sante armees tonnerre corse Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Les premiers patients arrivent à bord du Tonnerre. A l’heure actuelle, les PHA de la classe Mistral sont ce qui se rapproche le plus de navires-hôpitaux pour la Marine Nationale

La mission du Tonnerre en Corse

Parti samedi soir de Toulon, le PHA Tonnerre est arrivé dans le golfe d’Ajaccio dimanche 22 mars tôt dans la matinée. Au total, ce sont 12 patients qui ont été embarqués à bord du Tonnerre et envoyés vers les hôpitaux de Marseille, où ils sont arrivés aujourd’hui lundi dans la matinée. Six malades étaient été pris en charge sur les lits de réanimation du bord, et les six autres placés uniquement sous oxygène. Proportionnellement à sa population (340.000 habitants, dont plus d’un quart sont âgés de plus de 60 ans), la Corse est la région de France la plus touchée par l’épidémie de Covid-19, avec déjà 183 cas avérés et 7 décès à ce jour, en raison du retour sur l’île de six pèlerins du rassemblement évangéliste de Mulhouse, fin février, par qui l’épidémie s’est rapidement dispersée dans toute la France.

Pour les autorités sanitaires d’Ajaccio et de Bastia, la prise en charge de 12 patients par le Tonnerre a été une bouffée d’oxygène. En effet, sur les 15 lits de réanimation d’Ajaccio, 13 sont occupés par des cas graves de Covid-19, et le centre hospitalier avait besoin de temps pour porter cette capacité à une quarantaine de lits. Même son de cloche à Bastia, pour l’instant moins concernée par l’épidémie, qui entend faire évoluer sa capacité d’accueil en réanimation de 11 à 20 lits dans les jours qui viennent. L’évacuation sur le continent d’une douzaine de malades d’un coup vient ainsi considérablement soulager l’hôpital d’Ajaccio, et lui permettre de se préparer pour la suite de l’épidémie qui s’annonce encore bien plus dur.

Morphee A330 MRTT Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Intégrés à bord des A330 MRTT Phénix (sur la photo) et des ravitailleurs KC-135, les kits Morphée permettent de transporter rapidement des patients sur de longues distances. Cependant, ils restent pour le moment réservés aux zones inaccessibles par les moyens de la Marine Nationale, offrant une complémentarité entre les PHA et les kits Morphée

Bien évidemment, comme nous l’avons évoqué dans notre précédent article sur le sujet, ce genre de manœuvres ne peut empêcher de soulever critiques et rumeurs de la part de citoyens généralement mal informés. Sans y répondre en détail, revenons cependant sur les deux plus répandues :

  • D’une part, il convient de rappeler que ce genre de déploiements opérationnels ne « coûte pas » à la société. Certes, en théorie, la logistique nécessaire au déploiement d’un porte-hélicoptère lourd est plus onéreuse que le déploiement de matériel supplémentaire en Corse. Ceci étant dit, un PHA coûte à peu de chose près le même prix qu’il vogue pour une mission d’entrainement ou pour une opération humanitaire réelle. A la fin de l’année, le nombre de jours à la mer sera sensiblement le même, la solde versée aux marins et personnels du Service de Santé des Armées également, etc. Dans de telles conditions, autant utiliser les ressources dont dispose le pays pour gérer la crise sanitaire actuelle.
  • D’autre part, il faut également répondre sur la durée de la traversée. Effectivement, une traversée Ajaccio-Marseille par un PHA est plus longue qu’un avion-ravitailleur équipé d’un kit Morphée. Ceci étant dit, c’est vrai uniquement pour les premiers passagers pouvant être transportés par un avion Morphée. Pour évacuer 12 patients, plusieurs aller-retours auraient été nécessaires, prolongeant d’autant l’opération. Enfin, les avions équipés de Morphée sont très sollicités en région Grand Est où, bien naturellement, un PHA ne pourrait aucunement être mobilisé.
hopital mulhouse SSA Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
L’hôpital de campagne en cours de déploiement à Mulhouse. Il devrait permettre d’accueillir 30 patients gravement atteints

On le voit, l’action du Ministère des Armées au profit de la lutte contre le coronavirus s’accentue de jour en jour. A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’hôpital de campagne déployé à proximité de l’hôpital Emile-Muller de Mulhouse devrait entamer ses premiers essais avant l’accueil des premiers patients. De nombreux patients continuent également d’être évacués du Grand Est vers d’autres hôpitaux français via les appareils de l’Armée de l’Air. Dans les jours et semaines à venir, néanmoins, d’autres moyens pourraient bien être déployés, notamment de la part de la Marine. Un article dédié à cette question sera d’ailleurs publié dans les heures à venir sur notre plateforme.

Les bataillons inter-armes combinés deviennent le fer de lance de l’Armée chinoise

Si l’important dynamisme de l’industrie de défense chinoise, en premier lieu au profit de ses propres forces, fait l’essentiel de l’actualité défense concernant le pays, elle n’est pas la seule évolution majeure concernant les capacités opérationnelles de l’Armée Populaire de Libération. Ainsi, cette dernière a entrepris une transformation organique et structurelle en profondeur, en créant des bataillons inter-armes combinés, des unités à l’échelle d’un bataillon (1000 à 1500 hommes) regroupant toutes les forces nécessaires à une action militaire autonome : blindés d’assaut comme les chars et les véhicules de combat d’infanterie, artillerie, génie, aviation légère, reconnaissance, transmission et maintenance pour ne citer que les principaux des 12 armes intégrées dans ces unités.

Cette architecture doit permettre aux unités militaires de mener des actions opérationnelles combinées optimisées, disposant de l’ensemble des moyens nécessaires pour y parvenir. Non seulement permet elle de rassembler ces capacités sur le champs de bataille, mais d’en faire une structure organique propre, s’entrainant et évoluant de concert. Jusqu’à présent, et de manière assez classique, les bataillons chinois étaient spécialisés dans une arme, comme les bataillons de chars lourds, les bataillons d’artillerie, d’infanterie mécanisée, du génie ….Alors que le tempo de l’action militaire s’accélère de plus en plus, cette architecture permet de répondre de manière unifiée, à l’instar, par exemple, du fonctionnement des différentes spécialités à bord d’un navire de combat.

APL soldats Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Une majorité des effectifs de l’APL est encore composée de conscrits, limitant les capacités d’interopérabilité dynamique des forces

Cette approche est proche des Groupement Tactique Inter-Armes mis en oeuvre par l’Armée de Terre française, notamment lors de l’opération Serval au Mali en 2013. Les GTIA, ou leurs sous-composants les SGTIA, intègrent eux aussi les spécialités nécessaires à la mission dans une unité autonome. Mais à la différence des bataillons inter-armes combinés chinois, les SGTIA sont composés dynamiquement en fonction de la mission. Ce que cette formule fait perdre en matière d’homogénéité des forces, elle le gagne en souplesse et en réactivité. Ainsi, lors de l’opération Serval, les SGTIA ont été composés autours des compagnies des unités disponibles autour du Mali, ceci expliquant l’extreme réactivité de la réponse militaire française, puisque les premiers SGTIA se sont déployés pour stopper l’avancée des rebelles islamistes en moins de 4 jours après l’annonce de la decision présidentielle d’intervention le 11 janvier 2013, préservant ainsi la capitale Bamako.

Il faut, ceci-dit, reconnaitre que les données structurelles de l’APL chinoise et de l’Armée de terre française sont très différentes. Prés de 10 fois plus importants, les effectifs de l’APL sont encore majoritairement composés de conscrits, même si la professionnalisation des effectifs croit régulièrement. De fait, il n’est pas possible d’attendre le même niveau d’interopérabilité des différentes armes au sein de l’APL, que dans une armée entièrement professionnelle qui a fait de ce mode de fonctionnement la base de sa doctrine opérationnelle.

ob 35b4f4 mai 2013 serval op ceuze sgtia jaune 4 cie Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
L’Armée de Terre française a déployé plusieurs SGTIA lors de l’opération Serval au Mali en 2013

Quoiqu’il en soit, l’augmentation du nombre de bataillons inter-armes combinés au sein de l’APL est un nouveau signe des ambitions opérationnelles de Pékin, qui optimise son outil militaire dans tous les domaines. A ce rythme, l’objectif annoncé par le président Xi Jinping de devenir la première puissance militaire mondiale en 2049 pour le centenaire de la création de la République Populaire de Chine, est on ne peut plus à portée de Pekin, peut être même bien avant cette échéance…

Face au coronavirus, l’entreprise française Shark Robotics propose aux autorités un robot de décontamination

Créée en 2016, l’entreprise rochelaise Shark Robotics n’est pourtant pas une inconnue des forces armées, ni du grand public. Alors que l’usage de robots (ou drones) terrestres est de plus en plus étudié par l’Armée de Terre, les forces de l’ordre ou encore les services des douanes, les productions de Shark Robotics ont pu être évaluées ces dernières années par les principaux acteurs du secteur. Ainsi, en plus d’un drone-mule BARAKUDA destiné à transporter le matériel des fantassins, Shark Robotics propose également le robot de déminage ATRAX. Mais c’est véritablement l’intervention du robot COLOSSUS auprès des pompiers de Paris lors de l’incendie de Notre-Dame de Paris que les productions de Shark Robotics se sont faites connaître au plus grand nombre.

Aujourd’hui, alors que le pays traverse une crise sanitaire sans précédent, la PME de la Rochelle a entrepris de développer très rapidement une solution de décontamination téléopérée polyvalente, spécifiquement conçue pour aider à contenir la crise du coronavirus. Pour cela, Shark Robotics a transformé son petit robot de sécurité incendie RHYNO PROTECT et l’a adapté aux spécificités de cette nouvelle mission.

Rhino Protect Incendie Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
A l’origine, le Rhyno Protect est un robot de lutte anti-incendie tout-terrain. Conçu aussi bien pour intervenir à l’intérieur qu’à l’extérieur, il se prête bien à la décontamination de larges surfaces

Si le nouveau RHYNO PROTECT conserve le châssis de la version anti-incendies, sa charge utile a été complètement modifiée. En lieu et place d’une petite lance à incendie, le RHYNO PROTECT embarque désormais un petit conteneur, de la taille d’une grosse valise, chargé de désinfectant et doté de quatre pulvérisateurs. D’après Shark Robotics, l’engin serait ainsi capable de désinfecter 20.000m2 en moins de 3 heures. Pour des raisons de sécurité, cette version du RHYNO PROTECT ne semble pas être utilisée de manière autonome, mais plutôt par téléguidage. En gardant l’homme dans la boucle, il est ainsi possible de maximiser les effets sanitaires obtenus en ne négligeant aucune partie de la zone d’intervention.

Doté de chenilles souples, il s’agit d’un engin tout-terrain capable de franchir des escaliers. Compact, il est en mesure de franchir des paliers de porte et d’accéder à des zones confinées. Ces caractéristiques lui permettent ainsi d’opérer à distance dans n’importe quel lieu nécessitant une décontamination : hôpital, aéroport, maisons de retraites, gares, stations de métro, etc. En plus de son système de micro-pulvérisation, le RHYNO PROTECT peut être équipé d’un assainisseur d’air et d’une lampe à UV, capable de tuer une grande partie des pathogènes.

coronavirus sharks robotics Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Différentes charges utiles peuvent être utilisées pour des missions de décontamination, du pulvérisateur à la lampe UVC en passant par les purificateurs d’air. La charge utile de 200kg du drone pourrait lui permettre d’emporter des charges mixtes polyvalentes

Enfin, la grande modularité de sa conception permet de changer rapidement sa charge utile. Le robot peut ainsi intervenir comme simple mule afin de transporter des médicaments, du matériel médical, des vivres mais aussi des personnes positionnées sur un brancard adapté. De manière générale, le robot peut emporter jusqu’à 200kg de charge. Pour peu que le poids le permette, la charge modulaire peut être remplacée par une seule personne, sans outils, en moins de 30 secondes.

Vis-à-vis de l’épidémie de Covid-19 en elle-même, le robot pourrait surtout avoir une utilité sur le long terme. Certes, dès à présent, de tels systèmes télé-opérés pourraient permettre de déplacer des personnes malades ou intervenir systématiquement pour désinfecter les chambres d’hôpital. Face à la virulence de l’épidémie et à l’urgence des besoins, il est cependant peu probable que les établissements de santé se dotent rapidement de la logistique permettant la mise en place de tels équipements. Lorsque le pic de contamination sera passé, néanmoins, et que les mesures de confinement seront peu à peu levées, des robots de décontamination pourraient intervenir pour éviter l’apparition d’une deuxième vague de contamination.

Pour l’heure, les études sur la capacité de survie du SARS-Cov2 sur des surfaces inertes sont encore loin d’être exhaustives. Les estimations varient ainsi de moins d’une heure à plusieurs jours en fonction de l’environnement. Dans tous les cas, des mesures de désinfection à large échelle pourraient permettre de réduire les risques d’apparition d’une seconde vague de coronavirus mais aussi diminuer l’ensemble des épidémies saisonnières (grippes, gastroentérites, etc.). De quoi offrir un répit mérité aux personnels de santé déjà surchargés à l’heure actuelle.

rhyno protect escaliers Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
La capacité à grimper des escaliers est essentielles pour pouvoir intervenir à distance dans des environnements complexes. Les chenilles caoutchoutées permettent alors de protéger les revêtements au sol, ce qui est essentiel pour des établissements accueillant du public

D’après Shark Robotics, près de 120 robots RHYNO PROTECT adaptés à la lutte contre le coronavirus pourraient être produits dans les trois prochains mois, pour peu que l’Etat donne son feu vert à une telle commande. Des propositions d’achat seraient déjà arrivées en provenance d’Europe de l’Est, d’Italie ou des Etats-Unis, mais la PME de La Rochelle souhaiterait privilégier en priorité les besoins français, quitte à vendre le robot à prix coûtant.

L’affaire reste à suivre, néanmoins. Si la proposition est résolument intéressante, un tel investissement ne devra pas être pris à la légère tant les besoins seront immenses dans les mois à venir. Avant toute commande massive, il conviendrait ainsi de vérifier que les tâches accomplies par RHYNO PROTECT ne pourraient pas l’être par d’autres moyens, y compris des humains équipés de protections adéquates mais moins coûteuses. Ceci étant dit, au-delà d’une utilisation dans les établissements sanitaires, l’engin devrait rester particulièrement pertinent pour la décontamination des grandes infrastructures de transport ou des lieux de grande dimension accueillants du public. Si le domaine d’application idéal de cette solution reste à déterminer, il ne fait aucun doute qu’un usage lui sera trouvé. Face à la crise actuelle et à ses répercussions, qui seront inévitablement longues, toutes les bonnes idées et tous les efforts sont bons à prendre.

130 membres du Congrès américain demandent une hausse de 24% des commandes de F-35

Comme chaque année, le Pentagone publie son budget prévisionnel pour l’année fiscale suivante, à valider par le Congrès américain. Ce sujet a déjà été abondamment abordé dans nos lignes, et montrait un net recul de certaines dotations en équipements afin de permettre le financement d’autres programmes. Entre autre programme impacté par les décisions du Pentagone : le chasseur furtif F-35 de Lockheed Martin destiné à la fois à l’US Air Force, à l’US Navy et à l’US Marines Corps.

Si le F-35 continue d’être largement soutenu par les forces armées américaines, le Pentagone a jugé bon, face aux retards du programme, de ne réclamer que 79 appareils pour l’année fiscale 2021. De fait, il s’agit effectivement de 19 appareils en moins que ce que le Congrès avait approuvé pour l’année fiscale 2020. Un choix qui s’explique avant tout par le nouveau délai de plus d’un an imposé par les autorités de contrôle du Pentagone avant de pouvoir autoriser la production à pleine cadence du F-35. De plus, la réduction des commandes de F-35 a permis de commander des Super Hornet supplémentaires pour l’US Navy ainsi que les premiers lots du nouveau F-15EX Advanced Eagle pour l’USAF.

KC 46 F 35 USAF Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Un F-35 de Lockheed Martin ravitaillant auprès d’un KC-46 de Boeing. Ces deux programmes enchaînent les déboires et problèmes techniques depuis leur lancement. De part l’implantation industrielle de leur chaîne de production, ils disposent cependant d’un soutien politique considérable

Ces deux chasseurs sont fabriqués par Boeing et permettent d’offrir une solution de repli en cas de nouveaux déboires ou retards du F-35. Mais, surtout, les avions de Boeing disposent d’un fort soutien politique de la part des membres du Congrès originaires des États qui hébergent les chaînes de production et d’assemblage du Super Hornet et de l’Advanced Eagle. Or, bien évidemment, le jeu des soutiens politiques fonctionne dans les deux sens, expliquant en grande partie pourquoi près de 130 membres de la Chambre des Représentants du Congrès ont fait la demande d’augmenter de près d’un quart les commandes de F-35 en 2021. En portant les commandes 2021 de 79 à 98 exemplaires, il serait alors possible de maintenir au niveau de 2020 les commandes américaines tout en augmentant légèrement la cadence de production grâce aux commandes export.

Avec de nouvelles élections en approche à la fin de l’année, il semble évident que le maintien et l’accroissement des emplois auprès de Lockheed Martin et de Boeing sera au cœur de nombreux arguments de campagnes locales. Plusieurs éléments viennent cependant compliquer l’analyse d’une telle situation.

  • D’une part, même si la branche militaire de Boeing ne semble pour l’instant pas affectée directement par l’arrêt de production du 737 Max, la situation financière de l’entreprise n’est guère réjouissante. Le soutien politique affiché au champion national de l’aviation commerciale provient donc aujourd’hui de tous les bords politiques, en tous cas parmi les membres du Congrès soucieux de préserver une telle capacité stratégique.
  • D’autre part, les calculs politiques locaux peuvent parfois transgresser les positionnements partisans. Ainsi, à Saint Louis dans le Missouri, où Boeing assemble ses Super Hornet et F-15, les postes de Sénateurs sont occupés par des Républicains qui resteront en place respectivement jusqu’en 2022 et 2024, tandis que le député de la Chambre des Représentants est un élu Démocrate dont le mandat s’achève cette année. A Fort Worth au Texas, où le F-35 est assemblé, les deux Sénateurs et la Représentante sont tous Républicains, mais l’un des deux Sénateurs et la Représentante voient leur mandat s’achever à la fin de l’année, amplifiant l’enjeu électoral d’un renforcement de la production du F-35. Enfin, si la situation peut sembler confuse pour les élus des principales chaînes d’assemblage, il convient de voir que les chaînes d’approvisionnement des différentes pièces de F-35, F/A-18 et F-15 sont réparties sur l’ensemble du territoire américain.
Factory F35 Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Au-delà de la chaîne d’assemblage finale au Texas, la production du F-35 implique des fournisseurs répartis sur 48 États ainsi qu’à Puerto Rico, participant au maintien de près de 250.000 emplois directs et indirects

Il peut donc sembler particulièrement hasardeux d’anticiper la réponse qu’apportera le Congrès à la demande d’augmentation de 23% des commandes de F-35, tout comme il est particulièrement difficile de deviner quelles parties du budget prévisionnel de l’USAF seront effectivement respectées par les législateurs. Toutefois, au-delà des questions électorales, les membres du Congrès ayant sollicité une réévaluation à la hausse de la production du F-35 s’appuient également sur un argumentaire qui se veut opérationnel et stratégique.

Dans leur lettre ouverte publiée sur la page officielle du Représentant du Connecticut John Larson (Démocrate), il est surtout mis en avant la volonté d’accroître les dotations en « avions de cinquième génération » dont le F-35 est le seul représentant en production aux USA. Face à l’émergence de nouvelles menaces aériennes (chasseurs furtifs) et anti-aériennes (systèmes A2/AD), le F-35 est alors vu comme un élément essentiel devant permettre aux forces américaines de préserver la supériorité aérienne sur l’adversaire. Un maintien de la production est également vu comme une manière de conserver les coûts de production au plus bas.

John B Larson Dem F 35 Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Si le F-35 est assemblé au Texas, son réacteur F135 de Pratt&Whitney est produit en grande partie dans le Connecticut, expliquant le soutien du Représentant John B. Larson au programme F-35 dans son ensemble

Au final, les 130 signataires de la requête propose de fournir 12 F-35A supplémentaires à l’USAF, 2 F-35B de plus à l’USMC et enfin 26 F-35C supplémentaires à l’US Navy, qui n’a pourtant pas encore valider la configuration opérationnelle de l’appareil. Si l’USAF avait bien signifié qu’elle aurait aimé demander 12 F-35A supplémentaires dans son budget 2021 si elle en avait eu les moyens, l’US Navy n’avait évoquée qu’un manque de cinq appareils tandis que les Marines estimaient ne pas avoir besoin de F-35B supplémentaires.

De fait, les forces aériennes américaines, si elles peuvent toujours avoir l’utilité de chasseurs furtifs supplémentaires, semblent bel et bien vouloir se concentrer sur d’autres priorités, que ce soit des capacités de frappe à longue distance pour l’USAF (bombardier B-21, chasseur F-15EX), un système d’interdiction navale pour les Marines (missiles NSM et Tomahawk) ou une nouvelle classe de sous-marins lance-missiles pour l’US Navy.

Le vote final sur le budget 2021 devrait avoir lieu en décembre prochain, après les prochaines élections mais avant la prise de poste des nouveaux élus du Congrès. D’ici là, nul doute que les débats au sujet de l’attribution des moyens financiers aux forces armées vont nous révéler de nouvelles surprises. En effet, si les forces armées américaines semblent avoir désormais intégré le fait qu’elles devraient résolument se transformer pour s’adapter aux futurs défis et théâtres d’opérations, tout porte à croire que l’agenda politique ne va pas évoluer avec la même célérité.

L’OTAN redoute les conséquences budgétaires de la crise du Covid-19

En quelques semaines seulement, la crise sanitaire du coronavirus Covid19 en Chine s’est transformée en une crise sanitaire, économique et sociale dans le monde, avec en son épicentre l’Europe. Les pays européens, Italie en tête, mais également l’Espagne, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique, ne cessent de voir croître le nombre des cas d’infection et le nombre de décès, au point de saturer les capacités sanitaires, et du fait des mesures de confinement totales ou partielles, voient également leur économie à l’arrêt, alors que tous doivent faire face à des dépenses exceptionnelles très importantes pour minimiser la crise sociale sous-tendues.

C’est dans ce contexte que Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance Atlantique, a présenté son rapport annuel concernant l’OTAN, par vision-conférence, coronavirus oblige. Si l’année 2019 a montré une progression presque intégrale des dépenses de défense dans les pays de l’alliance, et que désormais 9 pays ont atteint le seuil des 2% de PIB comme requis depuis le sommet de Cardiff en 2014, ce sont surtout les conséquences du coronavirus, non pas sur les capacités militaires, mais sur les budgets des armées, qui ont concentré les inquiétudes du dirigeant politique de l’Alliance.

Cardiff 2014 otan Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Lors du sommet de Cardiff en 2014, les membres de l’OTAN s’accordèrent pour amener leurs dépenses de défense à hauteur de 2% de leur PIB d’ici 2025

L’ancien premier ministre norvégien n’a pas manqué de souligner le rôle de plus en plus prépondérant que jouent les armées aujourd’hui dans le contrôle de la pandémie, et dans la réponse sanitaire apportée par l’État aux malades. Avec des hôpitaux saturés et des réserves d’équipements médicaux épuisées, ce sont les services de santé des armées, et leurs stocks stratégiques, qui sont mis à contribution pour tenter de sauver le plus de vie, et de préserver et relayer les personnels médicaux au bord de l’épuisement total.

C’est ainsi qu’en France, outre le déploiement d’un hôpital de campagne à Mulhouse, les armées participent activement à la ventilation des malades dans les infrastructures pouvant les accueillir sur tout le territoire, notamment grâce aux nouveaux A330 MRTT Phoenix de l’Armée de l’Air qui montre pour l’occasion sa formidable polyvalence (l’appareil est avant tout un avion de ravitaillement en vol, rappelons le), la Marine Nationale est également mise à contribution en envoyant un des ses Porte-Hélicoptères d’Assaut, le Tonnerre, pour étendre les capacités médicales d’accueil et de traitement en Corse, et transférer les malades vers les hôpitaux continentaux, grâce à l’hôpital de 750 m2 et de 69+40 lits, dont 7 en soins intensifs, qu’il emporte en son sein.

BPC Tonnerre L 9014 Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Le PHA (ex-BPC) Tonnerre de la Marine Nationale est envoyé aujourd’hui en Corse pour prendre en charge des malades et les ramener sur le continent

Mais il est vrais qu’en dépit de la mobilisation des militaires européens, les états vont sortir de cette crise avec des finances publiques des plus détériorées, ayant perdu, dans le meilleur des cas, 5 à 10% de leurs recettes fiscales dû au confinement et ayant augmenté leurs dépenses de 20 à 30% pour soutenir les entreprises et la population avec des mesures de chômage partiel et d’aides sociales. Dès lors, les craintes exprimées par Jens Stoltenberg sont des plus fondées, car les états devront en toute logique réduire leurs dépenses de manière sensible pour faire face aux déficits enregistrés, afin de ne pas ajouter, à la crise du coronavirus, une crise de la dette publique que beaucoup redoutent.

Mais la solution pourrait bien, cette fois, venir de Bruxelles et de l’Union Européenne, et plus particulièrement d’un revirement aussi radical que spectaculaire des positions allemandes et de leur soutien. En effet, Berlin semble prendre conscience du danger existentiel que représente l’explosion de la dette publique dans la zone euro du fait de la crise actuelle. En 2011, l’Allemagne avait imposé des mesures d’austérités sévères pour préserver l’intégrité de la zone euro, notamment à la Grèce, l’Espagne et le Portugal, non sans raisons il faut le reconnaitre. Il semble aujourd’hui que les autorités allemandes aient largement assouplie leurs positions en permettant une intervention massive de la Banque Centrale Européenne pour éviter le manque de liquidité, entrainant au passage une baisse spectaculaire, et bienvenue, de l’Euro face au dollar, passé de 1,15$ à 1,07$ sur les 12 derniers jours. Cette mesure favorise également en grande partie la reprise boursière actuelle (+5%) après les 3 effondrements consécutifs enregistrés les 9, 11 et 13 mars.

thierry breton Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Lors de la campagne présidentielle de 2017, Thierry Breton, alors président d’Atos, et aujourd’hui commissaire européen chargé de la politique industrielle, avait proposé un plan de mutualisation de la dette par voie d’Eurobond au profit de l’investissement dans l’industrie de défense des armées.

Mais les raisons d’espérer vont plus loin, puisqu’il semblerait que Berlin, mais aussi Amsterdam et Stockholm, commenceraient à envisager la possibilité de mutualiser la dette des états membres de la zone euro, de sorte à empêcher l’explosion d’une bulle spéculative contre les dettes des états européens, ce qui entrainerait immanquablement son effondrement. En mutualisant la dette, sous forme d’Eurobonds, le volume global serait à la fois trop important, et trop reparti, pour pouvoir faire l’objet d’une spéculation agressive. En d’autres termes, s’il est possibles aujourd’hui d’attaquer la dette italienne, grecque, belge ou française, cela n’aurait aucun sens de vouloir attaquer la dette européenne, car intégrant des pays comme l’Allemagne, les pays-bas ou la Suède, aux finances publiques saines voir excédentaires. Dans ce cas, la stratégie de spéculation baissière échouerait car il y aurait toujours des investisseurs intéressés pour acheter dette globale. Autre intérêt de la démarche, elle permettrait de faire profiter tous les états d’un taux d’emprunt unique, mutualisé sur l’Europe, ce qui représentera une réelle plus-value pour des pays comme la Grèce et l’Espagne. En revanche cela ne changerait rien, ou très peu, pour la France et l’Allemagne, qui ont déjà des conditions de crédits très favorables.

Enfin, cette approche mutualisée pourrait permettre de rationaliser la politique monétaire européenne, du fait de l’uniformisation les conditions d’accès au crédit, et donc en créant un référentiel unique pour le contrôle de l’inflation et des taux de change. Jusqu’ici, l’euro évoluait entre une stratégie méditerranéenne qui était appliquée à la Lire italienne, au pesetas espagnol ou encore au franc français, une monnaie plus faible destinée à soutenir les exportations et décourager les importations, et une stratégie nordique radicalement opposée, comme l’était celle du Mark allemand ou du franc suisse, avec l’objectif de valoriser au mieux les exportations. En mutualisant la dette, les européens se dirigeraient alors vers une politique monétaire plus homogène, et donc l’émergence d’une position médiane satisfaisante, si pas optimum, pour tous, et une notion atténuée de rapport de force concernant la gouvernance monétaire.

service santé armées Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Ce ne sont pas les armées, mais l’ensemble des services de sureté et de sécurité de l’état, y compris les services de santé, qui pourraient être redefinis à la suite de la crise du Covid19 en Europe

Quoiqu’il en soit, les inquiétudes émises par Jens Stoltenberg dépassent largement le seul cadre des investissements de défense. L’après crise du Coronavirus en Europe peut potentiellement redéfinir en profondeur le cadre européen, que ce soit pour accélérer la coopération économique, mais également en matière de sécurité, car on voit bien aujourd’hui que les seuls pays sur lesquels les européens peuvent compter en situation de crise (sanitaire certes) sont les autres pays européens. Reste à voir si les calculs politiques locaux et court-termistes ne reprendront pas le dessus aussitôt la crise terminée … ce serait probablement une occasion unique et très chère payée, qui seraient ainsi gâchée.

Au Niger, des frappes anti-terroristes démontrent la complémentarité entre Mirage 2000D et drone armé MQ-9 Reaper

Dans son dernier rapport hebdomadaire, l’Etat-Major des Armées a donné des détails sur une opération menée le 12 mars dernier dans la zone dite « des trois frontières », entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Alors qu’un poste de garde nigérien était pris à parti par un groupe terroriste conséquent dans le secteur d’Ayourou, les forces françaises de l’opération Barkhane ont déployé sur zone d’importants moyens aériens.

En soutien aux forces armées nigériennes, l’Armée de l’Air a envoyé un drone MQ-9 Reaper armé ainsi qu’une patrouille de chasseurs Mirage 2000D. Deux frappes auraient été réalisées, permettant de neutraliser une vingtaine de terroristes et de nombreuses motos utilisées par ces derniers pour mener leur raid. Le rapport de l’EMA ne précise pas si les frappes ont été réalisées uniquement par les Mirage 2000D ou également par le biais du Reaper déployé sur zone. De fait, l’interaction entre les chasseurs pilotés et les drones armés semble aujourd’hui suffisamment avancée dans l’Armée de l’Air pour que ce genre de détails n’aient plus vraiment d’importance. Désormais, Mirage 2000D et MQ-9 Reaper semblent capables d’agir en parfaite coordination comme une seule arme bien rôdée.

barkhane mirage 2000 MQ 9 Reaper e1584711713727 Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Depuis le retrait du Mirage 2000C de l’opération Barkhane en novembre dernier, le MQ-9 Reaper est le nouveau partenaire attitré du Mirage 2000D sur les théâtres opérationnels africains

Pour rappel, dans un premier temps, la France avait choisi de ne pas armer ses drones Reaper. C’était d’ailleurs le cas de la plupart des clients export du drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) produit par l’Américain General Dynamics. Pour beaucoup d’états-majors, le but premier d’un drone MALE est de fournir du renseignement et d’être capable d’effectuer des missions de surveillance sur le long court, grâce à la très longue autonomie en vol de ces appareils. La capacité de frappe était vue alors comme secondaire et, surtout, politiquement très sensible. En effet, dans l’opinion publique, les drones MALE ont été rapidement associés aux opérations d’assassinats ciblés menés par l’USAF et, surtout, la CIA. Se priver d’une capacité d’armement, opérationnellement bien pratique, était alors une volonté politique d’esquiver toute accusation mensongère d’utiliser ce type d’engin pour des assassinats ciblés.

En service dans l’Armée de l’Air depuis 2014, et déployés en continu au Sahel depuis 2016, les quatre systèmes de trois drones achetés par la France ne sont capables de délivrer des armes que depuis le mois de décembre dernier, comme nous l’avions abordé sur Meta Défense à l’époque. Cette décision, prise en 2017, permet de soulager un peu la pression opérationnelle qui pèse sur l’Armée de l’Air, dont la flotte de chasseurs diminue d’année en année. En effet, dans certains cas de figure, un Reaper déployé pour une mission ISR (renseignement, surveillance et reconnaissance) peut suffire pour neutraliser une menace ponctuelle. Dans d’autres situations, comme ça a été le cas le 12 mars dernier, il reste nécessaire de faire intervenir des avions de combat.

Armée de lAir Reaper MQ9 Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Depuis fin 2019, les drones Reaper de l’escadron 1/33 Belfort déployés à Niamey, au Niger, sont en mesure de déployer des armements guidés laser.

En l’occurrence, depuis le retrait du service des derniers Mirage F1CR/CT, le Mirage 2000D est devenu la principale plateforme de combat des opérations françaises en Afrique. Contrairement au Rafale, le Mirage 2000 ne dispose que d’un réacteur et sa capacité en armement air-sol est deux à trois fois inférieure à celle du nouveau chasseur français. Il reste cependant particulièrement bien taillé pour les opérations de faible intensité, comme c’est le cas de Barkhane dans la bande sahélo-saharienne.

Sur le papier, une patrouille de deux Mirage 2000D emporte à l’heure actuelle le même armement qu’un unique Reaper : 2 bombes GBU-12 de 250kg par chasseur, contre 4 bombes pour un Reaper. Cependant, dans les faits, les MQ-9 Reaper sont rarement aussi chargés, puisqu’un tel emport réduit drastiquement leur autonomie. De plus, la vitesse du Mirage lui permet de frapper plus vite sur des zones plus grandes, de délivrer ses bombes dans de meilleures conditions mais aussi de réaliser des shows of force. Ce terme désigne un passage bas menaçant à très grande vitesse au-dessus de l’ennemi, le forçant à se mettre à couvert pour redonner l’avantage tactique aux troupes alliées.

Mirage 2000D Mirage 2000C Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
Jusqu’à présent, le Mirage 2000D (premier plan) ne pouvait embarquer qu’une paie de bombes à guidage laser sur son point central de fuselage. Après sa rénovation, il pourra embarquer simultanément des bombes lisses sur les points latéraux de fuselage (comme on peut voir sous le Mirage 2000C, au second plan) mais aussi un pod canon 30mm.

A l’avenir, comme nous l’avons déjà détaillé, les Mirage 2000D verront leurs capacités s’accroître encore un peu plus. La Rénovation à Mi-Vie (RMV) actuellement en cours leur permettra d’emporter un canon mais aussi deux bombes non-guidées en plus de leurs deux bombes à guidage laser actuelles. Entre le Mirage 2000D RMV et les Reaper armés, les capacités au combat de l’Armée de l’Air sur les théâtres de faible intensité vont donc s’améliorer considérablement au fil des prochaines années.

Pour l’heure, les frappes menées le 12 mars au Niger montrent, s’il en était encore besoin, l’excellente interopérabilité entre les équipages de Mirage 2000D et ceux des drones Reaper. En France, les MQ-9 Reaper sont opérés à distance par un équipage de quatre personnes, contre deux dans l’US Air Force. Cela permet « d’embarquer à bord » des officiers dédiés à la collecte et à l’analyse du renseignement, mais aussi de conférer au drone des capacités tactiques similaires à celle d’un avion de combat. Ainsi, comme le rapportait l’EMA le 12 mars, les équipages de MQ-9 Reaper sont « capables de planifier et de conduire des opérations aériennes en autonomie ou en coordination avec d’autres unités. Dans ce cas précis, les équipages du drone peuvent assumer la fonction d’Air Mission Commander ».

Concrètement, un drone ISR déployé en soutien à une opération, qu’il soit armé ou non, peut prendre le commandement des opérations aériennes et coordonner les différentes attaques, en intégrant dans son dispositif les éventuels vecteurs aériens amis qui arriveraient en renfort (Mirage 2000D, Rafale, Atlantique 2, etc.). Equipés de capteurs et de profils de vol différents, les chasseurs et les moyens ISR (Reaper, Atlantique 2…) n’opèrent initialement pas dans les mêmes zones d’action. Mais quand le contexte tactique l’exige, ils peuvent ainsi agir conjointement pour conjuguer leurs effets en frappant à la fois vite, fort et dans la durée.

L’US Army développe une nouvelle antenne multi spectrale quantique révolutionnaire

Les applications de la mécanique quantique commencent à peine à apparaitre que déjà, dans l’univers de La Défense, elles ouvrent des voies susceptibles de profondément modifier la technologie militaire dans les décennies à venir. Nous avons déjà fait été des capacités de traitement de l’information offertes par les ordinateurs quantiques, ainsi que des capacités de détection avancées des radars quantiques. Mais la technologie actuellement en developpement au sein du Army Research Laboratory dépendant du U.S. Army Combat Capabilities Development Command, pourrait avoir des applications très concrètes à court terme en matière de renseignement et de guerre électronique, mais également de communication, dans les forces.

En effet, les équipes du professeur David Meyer ont développé une antenne quantique, capable de détecter des émissions électromagnétiques sur une gamme de fréquence proprement stupéfiante, à savoir du KiloHertz au TeraHertz, un milliard de fois plus rapide. Pour ce faire, l’US Army Research Laboratory exploite les particularités atomiques des atomes de Rydberg, des atomes dont le rayon atomique est beaucoup plus élevé (de l’ordre de 100 à 10.000 fois) que les atomes traditionnels, leur conférant des capacités quantiques très intéressantes, notamment pour mesurer les champs électromagnétiques.

armyscientis rydberg atom 1 Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie
L’utilisation du laser permet de transformer un atome normal en un atome Rydberg, de sorte à en accroitre la sensibilité au champ électromagnétique.

Concrètement, l’antenne, certes expérimentale, développée par les équipes de chercheurs américain est de très petite dimension, et offrirait, selon les mesures réalisées, des capacités de détection des fréquences électromagnétiques « comparables à celles des antennes traditionnelles » actuellement en service. Or, aujourd’hui, la détection d’une bande fréquence donnée nécessite en général une antenne propre conçue à cet effet, de sorte à optimiser les phénomènes de résonance, et donc d’amplifier le signal reçu. Dès lors, les équipements de détection et d’écoute des signaux électromagnétiques sont spécialisés selon les fréquences, obligeant les forces à multiplier ces équipements pour couvrir toutes les fréquences potentiellement employées par l’adversaire. Le problème ne se pose évidement pour pour les communications inter-alliées, puisqu’à priori, elles sont standardisées et partagent la même bande de fréquence.

Les applications d’une telle technologie sont nombreuses. De manière triviale, elle permettra d’optimiser, voir de multiplier, les capacités d’écoute électronique dans les forces. On peut même aller jusqu’à imaginer que chaque soldat combattant, chaque véhicule ou chaque drone, en soient dotés, de sorte à étendre les capacités de détection, même vis-à-vis de signaux de faible puissance. Elle peut également permettre d’étendre les capacités de communication descendante entre le commandement et les forces, avec un basculement rapide de fréquences de sorte à contrer les brouillages existants.

Armee de terre radio 1 Actualités Défense | Artillerie | Assaut amphibie

Toutefois, les antennes Rydberg ont également des limites. La première d’entre elle, et la plus évidente, est qu’elles ne peuvent servir qu’à détecter un signal électromagnétique, et non à en émettre un. Si cette capacité est suffisante en matière de renseignement électronique, elle impose de sévères contraintes en matière de communication, puisqu’elle ne permet de garantir qu’une communication descendante, et non bidirectionnelle. En outre, dans un environnement électromagnétique très dense, comme celui supposé des engagements de haute intensité (là justement ou le besoin d’écoute électronique est le plus important), la masse de données remontées par l’antenne risque de très largement excéder les capacités de traitement des équipements porteurs. En d’autres termes, l’antenne détectera bien potentiellement toutes les fréquences, mais il sera impossible d’en extraire une information pertinente, sauf à disposer d’une puissante Intelligence artificielle probablement appuyée sur des ordinateurs quantiques.

En d’autres termes, la technologie actuellement développée par l’Army Research Lab ne représente aujourd’hui qu’une partie de son application opérationnelle potentielle, même si les antennes Rydberg ont incontestablement un avenir plus que prometteur dans les forces armées dans un futur proche. A noter que si l’US Army revendique la percée technologique dans ce domaine pour les armées, l’Université du Michigan, et la société Rydberg Technologie font de même pour les applications civiles, bien que les deux programmes soient distincts.