C’est une petite révolution qui se prépare au Pentagone. En effet, le commandant du corps des Marines des Etats-Unis, le général David Berger, a entrepris de profondément modifier cette force d’élite américaine pour lui permettre de répondre aux enjeux qui seront les siens en 2030, et être en mesure de faire face, en priorité, à la Chine. Pour y parvenir, l’US Marines Corps va devoir revenir aux fondamentaux et redevenir la force d’assaut amphibie légère et très mobile qu’elle était jusqu’il y a une vingtaine d’années, lorsque les interventions en Afghanistan et en Irak l’ont peu à peu transformé en force d’infanterie mécanisée traditionnelle.
Pour répondre dans le délais imparti aux enjeux opérationnels sur le théâtre Pacifique, principale préoccupation du général David Berger, le Corps va devoir passer par de multiples reformes et reorganisations, qui lui donneront probablement l’impression de passer dans une essoreuse pour les 10 années venir. Ainsi, les bataillons de chars lourds Abrams seront tout simplement supprimés, alors que les 21 batteries d’artillerie mobile verront leur nombre passer à 5, et que les compagnies de véhicules blindés amphibies vont, elles, passer de 6 à seulement 4. Dans le même temps, les effectifs vont décroitre de 12.000 combattants, et les bataillons d’infanterie de marine vont passer de 24 à 21. L’aviation n’est pas épargnée, avec 6 escadrons d’hélicoptères supprimés dont un escadron de V22 Osprey, un escadron de CH53 et 2 escadrons d’hélicoptères d’attaque légers. Si le nombre d’escadrons de F35B est F35C reste inchangé, le nombre d’appareils par escadron est lui ramené de 16 à 10, ce qui entrainera probablement une réduction du volume d’appareils commandés.

L’objectif recherché par le Général David Berger est de mettre en adéquation la réponse en matière d’unités d’assaut et la réalité des besoins et des capacités de projection de force de l’US Navy. Ce retour aux sources s’accompagne d‘une augmentation des capacités anti-navires annoncée il y a peu, pointant encore davantage la reorientation amphibie opérée par le Corps.
La restructuration et les changements de doctrines annoncés par le général David Berger sont la conséquence du renforcement rapide et ambitieux des forces d’assaut amphibies chinoises annoncées l’année dernière par Pékin. En effet, l’APL a présenté un plan visant à tripler ses effectifs de troupes de marine spécialisée dans l’assaut amphibie, passant ainsi de 2 à 6 brigades de 15.000 hommes en 2020. Dans le même temps, la Marine Chinoise voit elle aussi ses capacités d’assaut se renforcer rapidement, avec la livraison prochaine des 2 derniers LPD Type 072, et l’arrivée prochaine des premiers porte-hélicoptères d’assaut de 40.000 type 075, comparables en de nombreux points aux nouveaux LHD de la classe América de l’US Navy.
Le Pentagone craint visiblement qu’un scénario similaire à celui de la guerre dans le Pacifique contre le Japon durant la seconde guerre mondiale, avec des affrontements distribués sur de nombreuses iles nécessitant une force d’assaut agile et très mobile. Mais la Chine moderne ne souffre pas des mêmes faiblesses que le Japon des années 40, en particulier en matière de démographie. Quand à sa dépendance aux importations de carburant, elle est largement compensée par les liens étroits avec Moscou. En outre, la flotte chinoise reçoit chaque année 4 fois plus de nouveaux navires que l’US Navy, expliquant sa rapide montée en puissance.
Quoiqu’il en soit, il s’agit d’une nouvelle annonce du Pentagone en réaction à des initiatives chinoises, et non en anticipation de celles-ci. Il semble que désormais, l’initiative stratégique soit détenue par l’axe Pékin-Moscou, dans le Pacifique comme sur le théâtre européen. Et les difficultés rencontrées par le Pentagone pour mettre en adéquation ses besoins en matière de modernisation d’équipements et de renforcement des forces avec les moyens dont il dispose, pourtant déjà considérables, ne tendent pas vers un changement de statut à court terme. Si tous les regards se portent aujourd’hui sur la crise du Coronavirus Covid-19, d’autres crises, toutes aussi préoccupantes et potentiellement dangereuses, se dessinent dans un avenir proche.



