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Le porte-avions américain USS Theodore Roosevelt à quai à Guam en raison du Covid-19

L’un des deux porte-avions américains présents dans la zone indo-pacifique, l’USS Theodore Roosevelt, vient d’arriver à la base navale américaine de l’ile de Guam pour être maintenu à quai, après que 23 membres d’équipage aient été testés positifs au coronavirus Covid19. A Guam, le super porte-avions de 117.000 tonnes verra ses 5000 membres d’équipage testés, de sorte à, si possible, contenir l’épidémie à bord, et éviter un scénario comparable au Diamond Princess, ce navire de croisière qui, au debut de l’épidémie mondiale, vit 712 de ses passagers et membres d’équipage infectés, 10 d’entre eux devant décéder de l’infection.

Le mardi 24 mars, 3 marins du bords furent testés positifs au Covid-19 à bord du porte-avions américain, ce chiffre passant à 8 dès le lendemain. L’US Navy dépêcha en urgence des kits de test supplémentaires à bord, mais l’augmentation du nombre de cas laissant penser une diffusion rapide de l’épidémie, le navire fut dirigé vers l’ile de Guam, ou l’ensemble des membres d’equipages pourront être testés, et les personnes contaminées mises en quarantaine ou soignées si elles venaient à développer des symptômes.

Guam naval base Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Avec Okinawa, la base navale de Guam est l’un des principaux points d’appui de l’US Navy dans le Pacifique occidental

Le retrait du Theodore Roosevelt (CVN 71), même temporaire, du théâtre indo-pacifique intervient alors que les tensions sino-américaines au sujet de Taiwan se sont à nouveau détériorées suite à plusieurs manoeuvres chinoises autours de l’ile indépendante, auxquels l’US Navy a répondu en dépêchant le destroyer McCampbell dans le détroit de Taiwan séparant l’ile du continent. Pékin a officiellement et vigoureusement protesté contre cette intervention américaine perçue par les autorités chinoises comme une provocation. De fait, l’USS Ronald Reagan, actuellement au port au Japon, reste le seul porte-avions actif sur ce théâtre d’opération, alors même que la Chine semble avoir réussie à préserver une grande partie de ses moyens militaires de l’épidémie de Wuhan. Toutefois, selon l’Etat-Major de l’US Navy, le Theodore Roosevelt resterait opérationnel, malgré l’épidémie, et pourrait reprendre la mer dans des délais très courts si le besoin venait à l’exigèrent.

Cet incident intervient probablement au pire moment concernant la flotte de porte-avions de l’US Navy. En effet, de nombreuses voix s’élèvent au Pentagone comme au Capitole, pour interroger sur l’intérêt que représentent aujourd’hui les porte-avions comme ceux de la classe Nimitz ou de la nouvelle classe Ford, face aux nouvelles menaces que représentent les missiles hypersoniques et les missiles balistiques anti-navires, capables de parcourir plusieurs centaines à plusieurs milliers de kilometres, et impossibles à intercepter en l’état de la technologie. Pour d’autres, c’est avant tout le coût de ces navires, plus de 12 Md$ l’unité pour les porte-avions de la classe Ford, qui devrait amener à des arbitrages fermes alors que l’ensemble des branches du Pentagone font face à des contraintes budgétaires sévères pour financer les nombreux programmes requis.

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A plus de 12 Md$, les porte-avions nucléaires de la classe Gerald Ford sont les navires de surface militaires les plus couteux navigant sur les océans de la planète

La mise en indisponibilité, même temporaire, de l’USS Theodore Roosevelt, suite à une contamination virale, et ses effets sur le rapport de force naval dans le Pacifique, ne vont certainement pas échapper aux détracteurs des porte-avions américains. Elle intervient alors qu’il y a quelques mois, le président Trump s’était agacé de constater que les 11 porte-avions de l’US Navy étaient à quai, pour des raisons diverses. Et en effet, un des points faibles du porte-avions est qu’il n’est pas divisible. En d’autres termes, les 20 Md$ d’investissements (avec les 70 aéronefs à bord) et les 5000 membres d’equipage sont soit opérationnels et efficaces, soient absents. Pour un investissement materiel et humain équivalent, l’US Navy pourrait par exemple mettre en oeuvre 5 destroyers de la classe Arleigh Burke Flight III et 10 frégates FFG/X, offrant naturellement des capacités opérationnelles beaucoup plus résiliantes.

Toutefois, si la question du porte-avions lourd peut effectivement faire débat, elle ne devrait pas l’être au travers d’un biais visant à remplacer les porte-avions par des équipements totalement différents, comme par exemple des missiles balistiques. En effet, le porte-avions offre des capacités opérationnelles bien plus étendues que n’importe quel autre type d’équipements militaires, que ce soit dans la surveillance, l’interdiction, l’assaut ou le soutien aérien. C’est également le seul à pouvoir apporter une capacité opérationnelle adaptable dans le durée, permettant de répondre de manière proportionnée et graduée à une vaste étendue de missions et de situations. En revanche, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence d’une flotte composée uniquement de porte-avions lourds concentrant des moyens considérables, alors qu’il pourrait être pertinent de diviser cette flotte entre des porte-avions lourds d’une part, et des porte-avions légers, moins onéreux, mais plus nombreux, d’autre part.

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Selon Naval Group, la construction du futur porte-avions français de nouvelle génération coutera 5 Md€, soit moins de la moitié que la construction d’un navire de la classe Ford

Ainsi, selon les évaluation réalisées par la Direction Générale de l’Armement et Naval Group en France, la construction du futur porte-avions français coutera 5 Md€ (5,5 Md$), pour un navire de 75.000 tonnes à propulsion nucléaire capable de mettre en oeuvre prés de 45 à 50 appareils. En répartissant les couts de l’étude sur 6 unités, le prix unitaire de chacun de ces navires pourrait dès lors atteindre les 3,7 Md€. Dans ce cas, et pour peu que l’équipage soit de 1700 hommes, il serait possible de construire 6 porte-avions légers à périmètre en ne supprimant que 2 porte-avions lourds, ou 9 pour le prix de 3, amenant ainsi la flotte us à 8 porte-avions lourds et 9 porte-avions légers, contre 11 porte-avions lourds aujourd’hui. En outre, cette approche permettrait d’adapter la réponse américaine à la situation ou au besoin, en réservant par exemple un porte-avions léger à la formation des pilotes, plutôt qu’un navire de presque 120.000 tonnes, ainsi qu’en retrouvant des positionnement stratégique comme en Méditerranée ou dans l’Atlantique Sud.

Quoiqu’il en soit, dans le domaine de la planification navale également, il semblerait que l’épidémie de Covid19 engendrera des prises de conscience concernant les faiblesses occidentales. Une fois la crise passée, on ne peut qu’espérer que les alliés occidentaux sauront faire table rase de certaines certitudes héritées d’une période révolue, pour analyser méthodiquement et objectivement les menaces afin de définir les moyens requis pour y faire face.

L’Allemagne serait prête à commander 90 Typhoon et 45 Super Hornet pour remplacer ses Tornado

Selon le site d’information Handelsblatt.com, se basant sur un plan interne du ministère de La Défense allemand, la ministre Annegret Kramp-Karrenbauer aurait approuvé l’acquisition de 90 Eurofighter Typhoon auprés du constructeur européen Airbus DS, ainsi que de 45 avions Super Hornet auprés de l’américain Boeing, afin de remplacer les 85 Panavia Tornado encore en service dans la Luftwaffe. Cette décision, qui n’a pas encore été annoncée publiquement, permettrait aux forces aériennes allemandes d’aligner, à terme, prés de 280 avions de combat, 45 de plus que ne le prévoyait le plan précédent. A moins que les 90 Typhoon annoncés n’intègrent les aéronefs devant remplacer les Eurofighter de de la tranche I ne pouvant évoluer, et dont le remplacement par des Typhoon de la tranche IV a déjà été annoncé par Berlin.

Concrètement, Berlin semble avoir cédé à Washington, qui avait déclaré ne pas prévoir de porter la bombe nucléaire gravitationnelle B61 déployée dans 5 pays de l’OTAN (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Belgique et Turquie), sur l’appareil européen Typhoon, comme ce fut le cas dans les années 80 pour les Tornado. Pour maintenir une certaine forme de dissuasion, et conserver sa position dans l’OTAN, Berlin a donc accepté de choisir le F/A 18 E/F Super Hornet, un avion américain, même si ce dernier n’est pour l’heure pas non plus apte à emporter cette munition. En outre, Berlin prévoit de confier les missions de guerre électronique et de suppression des défenses aériennes à 15 EA-18G Growler, la version guerre électronique du Super Hornet employée par l’US Navy et l’Australie.

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Le EA18 Growler est aujourd’hui l’appareil de guerre électronique occidental le plus performant

Cette décision est loin de satisfaire le constructeur aéronautique Airbus DS, qui souhaitait obtenir l’intégralité de la commande, et notamment celle concernant la version guerre électronique du Typhoon présentée il y a quelques mois. Or, la Luftwaffe ne met en oeuvre qu’un escadron, le Taktisches Luftwaffengeschwader 33, dédié à à la mission nucléaire. D’autre part, Il lui est impossible de mettre en oeuvre une flotte de seulement 15 Super Hornet sans créer d’immenses difficultés et des surcouts considérables en matière de maintenance et d’entrainement des personnels. Dès lors, et eut égard aux performances reconnues du Growler pour les missions de guerre électronique et de suppression, la décision de transformer sur cet appareil et sur le Super Hornet les deux escadrons spécialisés dans la guerre électronique et la suppression des défenses anti-aérienne prévus par la Luftwaffe, dont le Taktisches Luftwaffengeschwader 51 « Immelmann », s’imposait d’elle-même.

Reste que cette décision va sévèrement entraver les ambitions d’Airbus DS dans le programme SCAF de chasseur de 6ème génération réalisé en collaboration avec la France et l’Espagne. En effet, l’avionneur européen souhaitait s’imposer pour piloter la composante guerre électronique de ce programme, alors même que l‘Espagne, et son entreprise locale Indra, avait fait savoir qu’elle souhaitait également piloter ce domaine stratégique. En outre, Airbus aurait pu, le cas échéant, se rapprocher du suédois Saab qui propose de conteneur de guerre électronique performants, de sorte à rapprocher la Suède du programme SCAF, et peut être la détacher du programme Tempest britannique. Enfin, cette commande de Super Hornet fait craindre aux instances dirigeantes d’Airbus DS qu’elle envoie un très mauvais signal aux pays auxquels l’avion a été proposé, à savoir la Suisse, la Finlande et l’Espagne, dans les 3 cas pour justement remplacer des F18 Hornet.

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Airbus DS espérait convaincre Berlin avec son Typhoon ECR de guerre électronique

Surtout, dès lors que Berlin a ouvert la porte à l’acquisition d’appareils américains pour assumer la mission nucléaire, il est plus que probable que l’OTAN, comme les Etats-Unis, fassent à nouveau pression auprés des autorités allemandes pour les amener à choisir le F35A au détriment du Super Hornet, et ce malgré l’élimination de l’appareil américain de l’appel d’offres allemand il y a un an. Or, même si Boeing fera probablement tout son possible pour tenter de valider la mise en oeuvre de B61 à partir de son Super Hornet, cette procédure, par ailleurs couteuse, n’est pas prévue outre-atlantique, le Pentagone estimant que le F35 est le mieux à même pour remplir cette mission, malgré les réserves que l’on peut porter au sujet de l’appareil. Dès lors, il faut s’attendre , dans les mois à venir, et si cette ventilation de commande était confirmée, à voir les Etats-Unis comme l’OTAN faire usage de cet argument pour ramener Berlin à de plus justes positions vis-à-vis du champion américains des exportations de défense.

De fait, la décision de Annegret Kramp-Karrenbauer risque fort, plutôt que de satisfaire toutes les parties, de créer un regain de tensions politiques et industrielles en Allemagne, qui fera une nouvelle foi l’objet d’un intense lobbying dans les mois à venir.

La France déploie ses porte-hélicoptères amphibie pour faire face au coronavirus dans ses territoires d’outre-mer

A l’occasion d’une conférence de presse donnée en conclusion de la visite du nouvel hôpital militaire de campagne déployé prés de Mulhouse pour soulager les structures hospitalières de la région Grand Est durement touchée par l’épidémie du Coronavirus Covid-19, le président de la République Emmanuel Macron a annoncé, entre autres choses, le lancement de l’opération militaire « Résilience » destinée à organiser et optimiser les moyens des armées pour soutenir l’effort de l’Etat et des infrastructures publiques, en premier lieu desquelles les hôpitaux, face au virus. Parmi les mesures phares de cette opération, le président français a annoncé le déploiement du porte-hélicoptères amphibie Mistral dans l’ocean Indien en soutien de l’ile française de la Reunion, et du porte-hélicoptères amphibies Dixmude dans les Caraïbes pour soutenir les iles des Antilles françaises en premier lieux desquelles les iles de Guadeloupe et de la Martinique. Ce sujet avait par ailleurs été traité dans un article publié le 23 mars.

En début de semaine, c’était le troisième porte-hélicoptères amphibie, le Tonnerre, qui s’était rendu en Corse pour évacuer des malades vers le continent, et ainsi soulager les infrastructures hospitalières. Dans le même temps, les nouveaux A330 MRTT Phoenix de l’Armée de l’Air, les avions ravitailleurs polyvalents destinés à remplacer les KC-135 datant des années 70, qui ont effectué plusieurs missions « Morphées » en déplaçant des malades du Grand Est vers les hôpitaux de province moins saturés face à la progression du virus. A noter que l‘Allemagne, mais également la Suisse et le Luxembourg, ont également accueillis des malades français de la région Grand Est, dont beaucoup d’habitants travaillent dans un de ces 3 pays.

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Le président Emmanuel Macron a annoncé mercredi 25 mars le déclenchement de l’opération « Résilience »

A l’instar des A330 MRTT, les porte-hélicoptères amphibie de la classe Mistral, auparavant désignés par l’acronyme BPC pour Bâtiment de Projection et de Commandement, sont des navires d’une polyvalence très étendues. Leur mission principale est de mener des assauts amphibies ou aéroportés sur un territoire adverse et de mettre à terre 450 soldats de l’infanterie de Marine avec leur équipement roulant, grâce à un radier de 885 m2 permettant de recevoir 2 catamarans de débarquement EDAR capables de transporter chacun 80 tonnes de materiels et d’hommes par rotation à une vitesse de 20 noeuds à pleine charge, 30 noeuds à vide. Le navire dispose également d’un pont d’envol plat de 6400 m2 accueillant 6 spots de posé pour les hélicoptères, dont un pour les hélicoptères lourds comme le V22 Osprey ou le CH47 Chinook. Le hangar aéronautique permet d’accueillir jusqu’à une vingtaine d’hélicoptères de tous types, et d’en assurer la maintenance. Les mouvements aéronautiques reposent sur deux ascenseurs faisant le lien entre le pont d’envol et le hangar.

Au delà des capacités d’assaut, les PHA Mistrals disposent également d’un poste de commandement inter-armés complet pouvant accueillir jusqu’à 200 militaires, et disposant d’une vaste panoplie de solutions de communication satellitaires ou HF, ainsi que d’un réseau intérieur haute performance. Ces capacités ont notamment été mises à l’épreuve en 2011 lors de l’opération Harmattan, lorsque les hélicoptères Gazelle anti-chars escortés de Tigre HAP du PHA Tonnerre menèrent des assauts de nuits contre les forces libyennes du Colonel Kadhafi encerclant les villes de Brega et Misrata détruisirent prés de 600 cibles dont 400 véhicules aux cours d’une vingtaine de raids nocturnes, sans enregistrer la moindre perte.

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Le Hangar aviation des PHA peuvent accueillir prés d’une vingtaine d’hélicoptères de divers modèles

Enfin, les PHA disposent disposent en leur sein d’un hôpital de classe 3, équivalent aux hôpitaux publics des villes de 20 à 30.000 habitants. Avec 2 salles d’opération, un service de radiologie disposant d’un scanner, un laboratoire d’analyse médical et une suite complete de télé-médecine par liaison satellite, les hôpitaux des PHA peuvent accueillir 69 patients alités, dont 50 en soins intensifs et 7 en reanimation. 50 lits supplémentaires peuvent être si besoin ajoutés sur une partie du hangar aéronautique par le déploiement de modules médicaux spéciaux du service de santé des armées.

C’est précisément cette capacité particulière qui est mise à l’œuvre par les armées dans le cadre de l’opération Résilience. Avec 7 hôpitaux dont un Centre Hospitalier Universitaire pour 860.000 habitants, l’ile de la Réunion risque en effet de rapidement voir ses infrastructures médicales saturer. En outre, le Mistral pourra si besoin porter assistance à l’ile de Mayotte, distante de « seulement » 1500 km de la Réunion, qui ne dispose que d’un centre hospitalier moderne pour une population de 270.000 habitants. La situation est moins critique pour les Antilles françaises, avec 10 hôpitaux dont un CHU en Martinique pour 370.000 habitants, et de 7 hôpitaux dont un CHU pour 400.000 habitants en Guadeloupe. Mais en Guyane, à 1500 km de là, les 300.000 habitants n’ont accès qu’à 4 hôpitaux, tous situés sur la côte.

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Chaque PHA dispose d’un hôpital équivalent à celui d’une ville de 25.000 habitants, avec 2 salles d’opération, 1 service radiologie avec scanner, un laboratoire d’analyse et 69 lits médicalisés, dont 7 de réanimation

De fait, les PHA apporteront sont seulement des renforts médicaux significatifs pour ces deux théâtres outre-mer français, ils permettront également d’apporter rapidement cette réponse au plus prêt des besoins, avec une une grande réactivité. Beaucoup critiqués à l’occasion de l’annulation de la vente des deux BPC à la Russie en 2014 suite à l’annexion de la Crimée, notamment par certains parlementaires français, les trois Porte-hélicoptères d’Assaut de la classe Mistral sont en réalité de vrais couteaux suisses au service des armées et de l’action publique, capables de remplir un grand nombre de mission. En ce sens, ils constituent des outils de souveraineté d’une grande valeur pour la république, et par transitivité, pour l’Europe, même si d’autres marines européennes disposent également de bâtiments comparables, comme le Karel Dorman néerlandais, les San Giorgio italiens, les Albions britanniques ou encore les Galicia espagnols.

Toutefois, nombreux sont ceux, au sein de la Marine Nationale, à estimer que la France devrait maintenir en permanence un navire ayant des performances de même type mais plus réduites sur chacun des 3 grands théâtres outre-mer français, les Antilles, l’océan indien et le Pacifique (Polynésie, Nouvelle-Calédonie), de sorte à disposer d’une capacité de réponse et d’une réactivité suffisante en cas de crise. Ce type de navire avait également été décrit dans un article d’aout 2019 sur le format nécessaire de la Marine nationale, et notamment sur les besoins des forces en outre-mer. Peut-être qu’à l’issu de la crise actuelle, les autorités françaises accepteront de regarder d’un oeil nouveaux ces requêtes justifiées de la part de ses militaires, comme elles ont promis de la faire pour le secteur hospitalier. Dans tous les cas, il s’agit de protéger les territoires et les concitoyens français, comme ceux de ses alliés.

L’US Army sélectionne le Sikorsky Raider-X et le Bell 360 Invictus pour le programme FARA

L’US Army a annoncé hier 25 mars par un communiqué le nom des deux finalistes pour le programme Futur Attack and Reconnaissance Aircraft, ou FARA, destiné à remplacer les hélicoptères de reconnaissance OH-58 Kiowa Warrior et une partie des hélicoptères d’attaque AH-64 Apache. Comme pour le programme FLRAA (Futur Long Range Assault Aircraft) destiné à remplacer les hélicoptères de transport tactique UH-60 Black Hawk, ce sont les sociétés Bell avec son Bell 360 Invictus et Sikorsky, filiale de Lockheed Martin, avec le Raider-X, qui ont été sélectionnées. Les propositions de Boeing, Kareem Aircraft et AVX Aircraft / L3 n’ont pas été retenues.

Par cette décision, l’US Army choisit les deux appareils les plus aux antipodes de l’appel d’offre. En effet, le Bell 360 Invictus était le modèle le plus « conservateur », puisque reposant sur une architecture classique d’hélicoptère dont les performances auraient été optimisées. C’est également l’appareil le plus économique, Bell ayant visiblement tout misé sur cet aspect, sachant que l’US Army, comme les autres armées américaines, fait face à des contraintes budgétaires élevées alors que ses besoins en matière de modernisation de ses équipements sont très importants. De l’autre coté du spectre, le Raider X de Sikorsky est l’appareil le plus innovant, avec son rotor contra-rotatif et son hélice propulsive, et celui qui potentiellement offrira les performances les plus élevées. C’est également l’appareil le plus cher à developper, et probablement à maintenir, eu égard à la complexité de son architecture.

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Basé sur le modèle civile Bell 525, le Bell 360 Invictus est l’appareil le plus classique dans sa conception du programme FARA. C’est également le programme le plus économique et le moins risqué

On peut dès lors se demander pourquoi choisir ces deux appareils ? En effet, si l’US Army voulait privilégier les performances, une compétition entre Sikorsky et Boeing aurait eu plus de sens. Et si la question était économique, la encore, une compétition entre Bell et Boeing aurait permis de tirer les prix vers le bas. De fait, la sélection de ces deux appareils peut paraitre manquer de sens. Mais ce serait sans tenir compte de deux paramètres cruciaux.

En premier lieux, les deux sociétés, Bell et Sikorsky, s’affrontent déjà au sein du programme FLRAA, avec le Bell V-280 Valor à rotor basculant, et le SB-1 Defiant de Sikorsky en alliance avec Boeing. Les deux prototypes ont entamé leur tests, et obtenu récemment l’aval des autorités militaires pour poursuivre le programme d’essais. De fait, en sélectionnant les deux même finalistes entre FLRAA et FARA, l’US Army ouvre des options de négociation en terme de délais et de prix plus élevées. En outre, on peut imaginer que pour éviter la situation hégémonique de Lockheed sur le marché des chasseurs, après avoir gagné les programmes F22 et F35, au détriment des autres constructeurs américains Northon-Grumman et Boeing, l’US Army souhaite attribuer un marché à l’un, et l’autre marché au second.

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Le Bell V280 Valor a pris une avance sensible dans le programme de tests et d’essais en vol du programme FLRAA face au Sb-1 Defiant de Sikorsky-Boeing

Cette hypothèse est d’autant plus crédible qu’il semble que le V-280 Valor de Bell affiche des performances et une maturité technologique sensiblement plus élevée que celle du SB-1 Defiant de Sikorsky. Or, sans commande de l’un ou l’autre des programmes, la technologie développée par le groupe Sikorsky risque fort d’être abandonnée, après plus de 20 années d’investissement et de programmes successifs. Pour valoriser les deux axes technologiques d’excellence de l’industrie aéronautique américaine en matière de voilures tournantes, les rotors basculants et le couple rotor contra-rotatif et hélice propulsive, il apparait donc nécessaire de ventiler la commande publique aux deux groupes, et donc d’attribuer un contrat à chacun. En l’occurence, le programme FLRAA irait à Bell et son V280, alors que le programme FARA serait attribué à Sikorsky et son Raider X.

Mais une autre hypothèse doit également être prise en consideration, pour completer la première. En effet, dans le cas précédent, il eut été préférable d’attribuer à Boeing la seconde place de la competition FARA, de sorte à aiguillonner Sikorsky en matière de prix, de technologies et de délais. Dans ces conditions, le choix du Bell 360 Invictus pourrait bien signifier que l’US Army envisagerait de commander non pas un, mais deux appareils complémentaires pour le programme FARA, à savoir le Raider-X pour le remplacement des AH-64 Apache, et l’Invictus pour les missions de reconnaissance armée. Cette solution permettrait de disposer à la fois d’un appareil très performant, et d’un appareil économique, permettant de respecter les attentes globales de l’US Army tout en diminuant l’enveloppe globale du programme. Elle offre également la gamme la plus étendue sur le marché de l’exportation pour l’industrie aéronautique américaine, qui ne neglige pas les alliés n’ayant pas les moyens de s’équiper d’appareils de combat haut de gamme, comme le Raider-X.

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La proposition FARA de Boeing reposant sur une architecture hybride n’a pas été retenue par l’US Army malgré ses atouts indéniables

Si AVX Aircraft et Kareem sont évidemment déçus, le grand perdant de cette décision est incontestablement Boeing, dont la stratégie ne semble pas avoir convaincu l’US Army. Le modèle FARA proposé par Boeing avait pourtant de quoi séduire, puisqu’il associait l’architecture d’un hélicoptère classique avec un rotor 6 pales et un rotor anti-couple, avec une hélice propulsive, offrant un équilibre interessant entre le prix de l’appareil et de sa maintenance d’un coté, et les performances de l’autre. Mais l’US Army semble lui avoir préféré des appareils évoluant dans leurs catégories respectives, plutôt que la solution hybride proposée par Boeing. Pour l’avionneur de Seattle, déjà exposé en raison de la baisse des commandes de F15 et de F18, et la crise dans le domaine civile liée au Boeing 737 Max, il s’agit d’une très mauvaise nouvelle. Etonnement, l’annonce ne semble pas avoir refroidi les investisseurs, le cours de bourse de Boeing progressant de 8,5 % à l’ouverture de Wall street ce jeudi.

Les deux industriels sélectionnés doivent désormais construire un prototype d’ici la fin de l’année 2022, les essais devant s’effectuer au cours de l’année 2023. La production débutera en 2024, et les appareils sont attendus dans les unités à partir de 2027. Toutefois, si l’hypothèse à deux appareils s’avéraient exacte, il est probable que le Bell 360 Invictus suive un programme propre, plus resserré, permettant notamment à l’US Army de palier rapidement le retrait des OH-58 Kiowa intervenue en 2014, alors que le besoin de ce type d’appareils se fait sentir chaque jour davantage, notamment lors des exercices simulant des engagements de haute intensité.

Crise du coronavirus : pourquoi la Russie aide-t-elle l’Italie ?

Avec près de 70.000 cas de Covid-19 confirmés, l’Italie est actuellement le second pays le plus touché par la pandémie de coronavirus, derrière la Chine. Malheureusement, l’épidémie semble avoir fait encore plus de victime qu’en Chine, avec près de 7000 morts du coronavirus sur le territoire italien. Dans un tel contexte, et alors que ses voisins européens sont eux-aussi en prise avec l’épidémie, Rome a finalement fait appel à l’aide internationale, notamment en direction de la Chine, de Cuba et de la Russie.

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Officiellement, pour Cuba, l’envoie de ses excellents médecins à l’international est une manière d’ « exporter la Révolution ». Dans les faits, il s’agit d’un outil diplomatique fort permettant de sortir Cuba de son isolement international

Depuis quelques semaines, alors que l’épidémie semble se tasser dans la région de Wuhan, la République Populaire de Chine ne manque pas d’adresser son aide humaine et matérielle aux pays en faisant la demande, notamment la France et l’Italie qui avaient expédié à Wuhan dès janvier de larges quantités de matériel médical qui font aujourd’hui cruellement défaut en Europe. Concernant l’aide cubaine, il faut bien voir que, malgré des décennies d’embargo, le système de santé est particulièrement solide à Cuba, et des experts médicaux sont régulièrement déployés pour contrer des épidémies partout dans le monde, notamment en Afrique dans la lutte contre Ebola. Une manière pour Cuba de faire vivre sa diplomatie et d’obtenir quelques devises étrangères. C’est cependant la première fois que La Havane dépêche ses spécialistes en Europe occidentale. D’une certaine manière, l’attitude de Pékin et de La Havane vis-à-vis de Rome s’inscrivent dans des logiques de coopération et d’aide humanitaire relativement classiques, si tant est que le contexte actuel puisse avoir quoi que ce soit de conventionnel.

L’envoi d’une quinzaine d’avions cargos militaires russes à destination de l’Italie, par contre, peut apparaître plus surprenante. Le 22 mars dernier, en effet, le premier d’une série de neuf Il-76 a décollé de l’aérodrome de Chkalovsky à destination de la base militaire de Pratica de Mare, au Sud de Rome. A bord des Iliouchine, les armées russes ont expédié un laboratoire militaire, 20 systèmes de désinfection basés sur des camions Kamaz ainsi qu’une soixantaine de spécialistes de renom et plusieurs dizaines de personnel médical et militaire.

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Une première série de 9 avions Il-76 a décollé en direction de l’Italie le 22 mars. D’autres appareils ont suivi permettant l’envoie de plus d’une centaine de spécialistes et leur matériel associé

Si la générosité de Moscou peut surprendre, c’est avant tout parce que ces ressources humaines et matérielles devraient prochainement être très demandées en Russie même, où l’épidémie ne fait que commencer. Contrairement à la Chine, qui dispose désormais d’un excédent d’équipements et de personnel formé, la Russie a fait le choix d’envoyer de l’aide humanitaire en Italie alors même que la situation à domicile reste inquiétante. En réalité, l’action russe en Italie répond certes à une demande humanitaire réelle mais aussi à une certaine logique qui ne doit rien au hasard :

  • D’une part, en envoyant dans l’épicentre actuel de l’épidémie certains de ses meilleurs médecins, virologues et épidémiologistes, Moscou espère obtenir de l’expérience et des données précises qui lui permettront de lutter contre le coronavirus sur son propre sol,
  • D’autre part, à travers le symbole fort de ses avions militaires déployés pour aider l’Italie, la Russie se démarque très positivement sur le plan diplomatique alors même que les voisins européens de l’Italie ont plutôt fait preuve de critique, de défiance ou encore de mesquinerie vis-à-vis de Rome, en tous cas sur la scène médiatique.
  • Enfin, il est plus que probable que Moscou cherche à renforcer très en amont ses liens avec Rome, en prévision de l’inévitable crise économique et politique qui traversera l’Union Européenne –et l’Italie en particulier– une fois l’épidémie maîtrisée.

Sur ce dernier point, les agissements de Moscou n’ont rien de véritablement surprenant. A l’instar des campagnes de désinformation –et donc de déstabilisation– menées régulièrement par la Russie sur les réseaux sociaux, y compris dans le cadre de la crise du coronavirus, l’envoie de médecins militaires russes en Italie participe à une logique de maîtrise de la communication et de présence diplomatique. Dans le contexte de la crise en cours, cibler l’Italie n’a donc rien d’un hasard.

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Une vingtaine de camions KamAZ équipés de systèmes de désinfection/décontamination auraient été déployés en Italie. Pour la Russie, qui en possède plus de 2000, il s’agit d’un petit sacrifice. A l’échelle Européenne, qui manque cruellement d’équipements de ce genre, cela représente toutefois une capacité non négligeable.

En effet, pour une grande partie de la population italienne, la gestion calamiteuse de la crise sanitaire actuelle par les autorités est la suite logique du désagrègement du service public –y compris hospitalier– qui s’est accentué depuis la crise financière de 2008. Or, après l’actuelle crise sanitaire, l’Italie va devoir gérer la crise économique que le confinement du pays est en train de provoqué, et il est plus que probable que l’ensemble de l’Europe sera confrontée par la suite à une nouvelle crise de la dette, quasiment inévitable sur le plan structurel. Dès lors, la Ligue du Nord, le parti d’extrême droite de de Matteo Salvini, pourrait bien sortir son épingle du jeu politique et, à terme, prendre le pouvoir en Italie.

Une telle situation, surtout dans un contexte de nouvelle crise de l’Euro, pourrait alors être exploitée par Moscou, mais aussi par Pékin. En Italie comme ailleurs en Europe occidentale, la figure de Vladimir Poutine semble fasciner l’électorat d’extrême droite, et Moscou pourrait tout à fait surfer sur une vague de défiance vis-à-vis de Bruxelles pour s’imposer comme un nouvel interlocuteur privilégier en Italie. De manière générale, la Chine et la Russie auraient tout avantage à capitaliser sur les tensions internes au sein de l’Union Européenne pour s’imposer comme de nouveaux partenaires commerciaux et diplomatiques de premier rang.

spe russe Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Pour le personnel médical déployé en Italie, il ne fait nul doute que l’opération est avant tout humanitaire et scientifique, et leur confèrera une connaissance intime du virus qu’ils devront probablement combattre prochainement en Russie même. Néanmoins, pour le Kremlin, la manoeuvre reste éminemment politique

Bien entendu, il est peu probable que de tels évènements viennent détruire purement et simplement la construction européenne, même si certains analystes russes vont jusqu’à faire de telles prédictions. Et il n’est pas non plus utile de voir dans les agissements de Moscou et de Pékin de sombres machinations destinées à faire tomber le géant économique qu’est aujourd’hui l’Union Européenne, naturellement. Néanmoins, il serait illusoire, naïf et sans doute dangereux de penser qu’aucune nation étrangère ne viendra (ou ne vient déjà) exploiter les faiblesses des Européens, notamment en matière d’entre-aide humanitaire et financière en cas de catastrophe d’ampleur globale.

Dans les mois et années qui viennent, l’Union Européenne devra reconstruire son système de santé et son économie au sens large. Mais il faudra sans doute qu’elle élabore également de nouvelles solutions résilientes, à l’échelle européenne, pour affronter de futures crises sanitaires. Au risque d’ouvrir la porte à des superpuissances économiques et diplomatiques qui ne cherchent qu’à étendre leur zone d’influence à l’échelle mondiale.

La modernisation de la Marine Pakistanaise avance à grande vitesse

Le rapprochement entre Pékin et Islamabad n’est plus à démontrer, notamment pour ce qui concerne la coopération militaire et les équipements de Défense. Suite aux tensions entre les autorités pakistanaises et américaines sous couvert d’une complaisance constatée vis-à-vis des rebelles Talibans et islamistes afghans, et notamment d’Oussama Ben Laden dont la retraite avait été identifiée par les services secrets pakistanais depuis 2009, ont déclenché une suite ininterrompue de nouvelles sanctions depuis 2011. Déjà proche de Pékin sur les questions de défense notamment vis-à-vis de l’ennemi héréditaire indien, Islmabad a dès lors accéléré son changement d’allégeance, et bascula la majorité de ses programmes militaires importés vers l’industrie chinoise.

L’Armée de Terre pakistanaise a reçu à partir des années 2000, ses premiers chars Al Khalid dérivé du modèle MBT2000 du chinois Narinco, et a commandé en 2019 240 chars lourds VT4 , version export du très moderne Type 99A. EN 2019, elle commanda 236 canons automoteurs sur roues SH-15 de 155mm, toujours auprés du même fabriquant chinois.

Les forces aériennes ont, pour leur part, développé le chasseur léger JF-17 Thunder, en coopération avec le chinois Chengdu, destiné à remplacer progressivement les chasseurs légers dépassés toujours en service, comme les mirage III, mais également les chasseurs chinois Chengdu Q-5 et F7 acquis, comme le mirage III, dans les années 70 et 80. Plus léger que le F16, le JF17 a d’ailleurs des dimensions, une masse à vide (6 tonnes) et au décollage (11 tonnes) comparables au chasseur français. Dans sa dernière version block III, il met en oeuvre un radar AESA, un IRST et des commandes de vol électriques, et est apte à mettre en oeuvre les missiles et munitions chinoises et occidentales les plus modernes, comme le missile AMRAAM et Sidewinder américain tout comme le très performant missile à longue portée PL15 chinois.

JF17 Pakistan Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Le chasseur léger KF-17 Thunder offre d’excellentes performances et dispose d’une avionique évoluée, le mettant au niveau des chasseurs modernes comme le F16V

La Marine Pakistanaise employait encore il y a peu une majorité d’équipements acquis auprés des occidentaux, comme des sous-marins Agosta AIP français, ou des frégates Type 21 de la classe Tariq acquises d’occasion, auprés du Royaume-Unis en 1994. En 1996, après le retour frégates Brooke et des 3 frégates de la classe Garcia prêtées par l’US Navy, Islamabad s’est rapprochée de Pékin pour étudier l’acquisition de nouvelles unités, en l’occurence des frégates Type 053 de 3100 tonnes en charge, et Type 054 de 3900 tonnes. Le premier contrat portant sur 4 frégates Z-22P de la classe Zulfiqar, ou Type 053H2 en Chine, fut signé en 2006, et les travaux débutèrent dès 2008 dans les chantiers navals chinois qui devaient construire les 3 premières unités de cette classe spécialisé dans la lutte anti-sous-marine côtière. Deux autres unités ont été commandées par la suite. Les 4 premiers exemplaires sont entrés en service entre 2009 et 2013.

Type 053H2 Zulfiqar class pakistan fregate Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Les frégates Type 053H2 de la classe Zulfiqar sont spécialisées dans la lutte anti-sous-marine côtière

La commande concernant 4 frégates Type 054AP prit plus de temps, et les travaux ne débutèrent qu’en 2018, avec toutefois un rythme de production très élevé, puisque les 4 frégates sont attendues pour 2021 au sein de la marine Pakistanaise. Longue de 134 metres pour un tonnage en charge de 4100 tonnes, ces navires seront les unités de surface les plus puissamment armées de la Marine Pakistanaise, notamment grace aux 32 silos verticaux mettant en oeuvre des missiles anti-sous-marins Yu-8 et surtout des missiles anti-aériens HQ-16, version chinoise du SA-17 Grizzly de la famille Buk russe avec qui le missile fut co-développé, et offrant une portée de 40 km. Surtout, la frégate dispose de capacités de lutte anti-sous-marine avancées, avec un sonar de coque MGK-335 et le sonar remorqué à profondeur variable H/SJG-206 lui offrant des capacités ASM en haute mer. La pose de la quille de la seconde unité a été réalisée le 23 mars aux chantiers navals Hudong Zhonghua en présence des autorités navales des deux pays.

Jiangkai II Type 054A Class Frigate Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Les frégates type 054A sont des navires très bien armés et équipés, capables de remplir une vaste panoplie de mission en zone côtière comme océanique

A noter qu’outre les frégates Type 053 et 054, la marine pakistanaise a également commandé en 2015 8 sous-marins AIP du Type 039B, les unités non nucléaires les plus performantes de l’arsenal chinois, pour un montant total de 5 Md$. Les submerssibles doivent entrer en service entre 2023 et 2028, et sont construits simultanément en Chine et au Pakistan. Enfin, en 2018, les autorités pakistanaises annoncèrent la commande de 4 corvettes de la classe Ada auprés de la Turquie, autre allié proche du Pakistan, ces navires de 2500 tonnes devant tous être livrés en 5 ans. Ces corvettes polyvalentes disposent de capacités de lutte anti-navires avec 8 missiles à longue portée Atmaca, anti-sous-marines côtières avec un sonar de coque et 2 lance-torpilles triples armés de torpilles légères Mk46, et d’une capacité d’autodéfense aérienne renforcée avec la présence d’un système RAM.

turkey ada class corvette Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Les corvettes polyvalentes Ada compléteront d’ici 2025 l’arsenal de la Marine Pakistanaise

A l’issue de cette phase de modernisation à marche forcée, la Marine Pakistanaise aura des capacités opérationnelles largement renouvelées et étendues, et ce dans tous les domaines d’action. Elle reste toutefois sensiblement inférieure à la Marine Indienne, même si cette dernière doit diviser ses forces pour faire face simultanément à la pression venant de Pékin et d’Islamabad. Toutefois, avec sa nouvelle flotte, l’Amirauté Pakistanaise disposera de moyens défensifs performants, probablement suffisants pour interdire à la marine indienne les eaux bordant ses 1046 km de côtes, et peut-être même l’accès à la mer d’Oman.

Ces 10 technologies qui révolutionnent ou révolutionneront l’action militaire (1ère partie)

La période de l’après Guerre Froide, entamée avec la disparition de l’Union Soviétique et caractérisée par une suprématie américaine incontestée, a pris fin depuis quelques années, même si la perception de ce changement d’époque commence à peine à être admis par les autorités politiques mondiales. Une nouvelle ère, que nous ne pouvons encore nommer, est arrivée progressivement, et est caractérisée par l’augmentation importante des ambitions technologiques des grandes puissances mondiales, et notamment par l’accélération des programmes technologiques liés à La Défense.

Qu’il s’agisse ou non d’une nouvelle course aux armements, le fait est qu’en quelques années seulement, plusieurs technologies se sont imposées au coeur des ambitions technologiques militaires de ces pays, relayant au second plan certaines autres présentées comme révolutionnaires il y a quelques mois seulement, comme la furtivité. Quelles sont ces nouvelles technologies qui révolutionnent, ou révolutionneront dans les prochaines années, l’action militaire, ainsi que la hiérarchie technologique des Nations, à l’échelle mondiale ?

1- Les Applications de la Mécanique Quantique

Niels Bohr, le père de la physique moderne, avait coutume de dire que si la physique quantique ne vous a pas profondément choqué, c’est que vous ne l’avez pas comprise. Inutile donc, en un paragraphe, d’essayer d’expliquer les fondements et les principes qui la définissent. En revanche, il est utile de s’attarder sur les applications très concrètes des avancées dans ce domaine, pour concevoir des technologies de défense. Plusieurs programmes sont directement liés à cette physique « étrange » et très prometteuse.

supercal Sunway Taihulight quantique Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
La Chine a déjà un premier super calculateur quantique en service

Ainsi, plusieurs pays ont entrepris de developper des ordinateurs quantiques, qui en utilisant l’état quantique de la matière, permet de transformer un bit, pouvant prendre 2 formes (0 ou 1), en un quBit, pouvant prendre jusqu’à 4 formes, ouvrant une nouvelle étape dans le developpement des outils numériques, d’une puissance démultipliée à consommation énergétique constante vis-à-vis des processeurs actuels. Ce regain de puissance de calculs en environnement contraint énergiquement parlant, trouve évidement sa place dans les armements modernes, de plus en plus numérisés, et incorporant, petit à petit, de plus en plus d’intelligence embarquée et de capacités de traitement.

Dans un domaine très différent, la mécanique quantique est également au coeur du developpement d’un nouveau type de radar, nommé radar quantique, utilisant l’intrication quantique des photons pour détecter un objet à grande distance, avec une précision si importante que le radar peut en déterminer la forme, et donc faciliter son identification. En outre, ce type de radar est insensible que technologies de furtivité passive, et offre un grande résistance au brouillage. Enfin, nous avons présenté les travaux de l’US Army concernant les antennes Rydberg, elles aussi basées sur la mécanique quantique, et capables de détecter une gamme de fréquences allant du Kilo au Terra hertz, chose impossible pour les antennes électromagnétiques traditionnelles.

La precision du radar quantique permet didentifier precisemment une cible meme furtive Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
L’image rendue par un radar quantique permet d’identifier la forme de la cible, et donc, potentiellement, de l’identifier.

La mécanique quantique intervient également dans bien d’autres domaines de developpement, allant de la propulsion spatiale à la transmission longue distance instantanée, ouvrant une nouvelle ère dans la conception des équipements de défense. Dans ce domaine, les Etats-Unis et la Chine se disputent la tête du podium en matière de publications, de brevets et de programmes d’application. L’Europe tente de rester au contact, avec par exemple le programme OpenQVD, rassemblants les grandes industries de défense européennes pour construire des infrastructures de test de communication quantique dans plusieurs pays européens, sur terre comme dans l’espace, ou le programme européen de developpement de la technologie quantique Quantum Flagship qui a été doté de 1 Md€ en 2018.

2- L’Electro-magnétisme

Si la physique quantique représente une evolution comparable à celle de l’arrivée de l’énergie nucléaire pour les armées, l’électromagnétisme constitue, pour sa part, une révolution comparable à l’arrivée de la poudre noire en occident. Qu’ils s’agissent des canons électriques, des plasmas de protection, les moteurs EMDrive, des accélérateurs magnétohydrodynamiques ou des armes à impulsion magnétique capables de détruire tous les circuits électroniques dans une zone d’effet, les applications militaires des avancées de l’électromagnétisme sont nombreuses et déterminantes, car ouvrant la voie à de profonds changements en matière d’environnement de l’action militaire.

Prototype de test du Rail gun au Etats Unis Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Le prototype de rail gun de l’US Navy a renouer avec les tests en 2019

Ainsi, si un canon d’artillerie classique pourra atteindre, d’ici quelques années, une portée de l’ordre de 120 km avec des obus dotés d’une propulsion additionnelle, le canon électrique pourra lui atteindre les 400 km avec des obus traditionnels, beaucoup plus économiques. Quand à l’EM drive, ce moteur électromagnétique permettant de produire une poussée sans éjection de matière, permettrait de mettre la lune à 2 heures de l’orbite terrestre, et mars à quelques jours seulement, mettant soudainement le système à portée des voyages spatiaux habités.

EmDrive propellant free Thruster to be tested 1 2 Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
La propulsion EMDrive permet de générer une poussée sans aucune projection de matière, donc sans carburant.

Dans ce domaine également, ce sont les chinois qui semblent avoir pris une longueur d’avance, après avoir annoncé de nombreuses avancées dans ce domaine ces dernières années, comme la conception d’un EMDrive opérationnel et d’une communication quantique longue distance, et dont on a pu en observer d’autres, comme le Rail Gun de test équipant un navire de débarquement, d’autres applications electromanétiques du même type, ainsi que la catapulte pour aéronefs qui équipera le porte-avions Type 003 observée sur un site de test. Les américains restent toutefois proches de la Chine dans tous les domaines. La Russie et l’Inde semblent également avoir quelques ambitions, sans pour autant y consacrer d’importants moyens. L’Europe en est absente, si ce n’est en matière de publications de physiques théoriques. Des travaux préparatoires loins de représenter une approche opérationnelle ont été entamés en France concernant le Rail Gun, et le pays avait également étudié en détail les principes des accélérateurs MHD, avant que les arbitrages budgétaires aient mis ces travaux aux oubliettes ….

3- L’Intelligence Artificielle

Pilotage des drones, analyse des données, surveillance optique et électromagnétique, assistance à la décision… l’Intelligence artificielle est aujourd’hui au coeur de la majorité des programmes de Défense en cours et en devenir, et représente de fait un enjeu considérable pour les grandes nations qui veulent jouer un rôle sur la scène internationale et sur le marché de l’armement dans les années qui viennent. Avec l’augmentation du volume de données à traiter et la diminution des délais de réaction, l’analyse humaine est aujourd’hui, en bien des domaines, incapable de faire face. Les évolutions sociales tendent quand à privilégier l’emploi de systèmes autonomes, nécessitant l’intervention de l’Intelligence Artificielle. Toutefois, L’IA reste encore, quoiqu’on en dise, balbutiante, et la majorité des algorithmes encore employés a été conçue dans les années 70 et 80, et bénéficient avant tout de l’augmentation des capacités de traitement des systèmes informatiques et non de percées réelles dans le domaine.

En outre, l’IA n’est pas dénuée de défauts, et son application aux domaines militaires fait bien souvent craindre des problèmes aux conséquences importantes. Selon une étude publiée par le Think tank Rand et montrant le comportement des IA si celles-ci devaient gérer une crise sino-américaine, ces risques sont mis en exergue : incapables de désobéir, les IA dirigent systématiquement les deux pays vers la confrontation globale. C’est d’ailleurs la principale réserve des spécialistes de la question en matière d’application de l’IA aux questions de défense. Reste qu’aujourd’hui, la majorité des programmes majeurs en cours de developpement intègrent une bonne dose d’intelligence artificielle.

Boeing Australia Loyal Wingman Concept Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
En partenariat avec Boeing, l’Australie développé un programme Loyal Wingman de drone aérien de combat furtif destiné à accompagner et étendre les performances des avions de combat

Les Etats-Unis, par l’intermédiaire des GAFAM, sont les leaders incontestés dans ce domaine, d’autant que le pays a également un net avantage en matière de microprocesseurs. Mais la Chine déploie des moyens considérables pour tenter de rattraper son adversaire, et pourrait bien y parvenir dans un avenir pas si éloigné. L’Europe, la Russie, l’Inde et le Japon jouent les outsiders, même si La Commission Européenne nouvellement nommée et dirigée par l’allemande Ursula von der Leyen a fait de l’IA un enjeu stratégique en publiant un Livre Blanc sur l’Intelligence Artificielle en février 2020 qui détaille les ambitions, les objectifs et la stratégie qui seront appliqués dans ce domaine dans les 5 années à venir.

4- Les nano-technologies

A l’instar de l’Intelligence Artificielle, les nano-technologies sont employées dans de nombreux programmes de défense, même si leur rôle est souvent ignoré. Rappelons que les nano-technologies concernent l’étude et les procédés employés pour modifier l’aspect physique d’une matière à l’échelle du nanometre, c’est à dire à une échelle atomique. Concrètement, ces technologies trouvent leur application dans l’énergie, et notamment dans les membranes utilisées pour produire l’hydrogène utilisée par les piles à combustible, par exemple à bord des sous-marins AIP, ou dans le médicale, pour administrer des médicaments au niveau cellulaire, et préserver les tissus sains, par exemple.

Carbon nanotude textile Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
L’application des nano-technologies aux textiles permet de créer des protections balistiques très efficaces et beaucoup plus légères

Mais c’est probablement dans le domaine de l’ingénierie moléculaire que les nano-technologies trouvent le plus grand nombre d’applications de Défense. Ainsi, les nanotubes de carbone offrent des propriétés physiques et électromagnétiques permettant d’en faire une armure balistique à la fois très resistance et beaucoup plus légère que les matériaux communément employés à cet effet. Ils peuvent également, de part leur faculté à être modelés, constituer des protections balistiques supplémentaires ou des pièces critiques pour les véhicules blindés ou les aéronefs. Toutefois, la médaille à un revers, car la majorité des nano-matériaux se révèlent être particulièrement toxiques pour les cellules vivantes, y compris celles des humains. Leur utilisation doit donc être raisonnée, et appliquée aux seuls besoins pour lesquelles ils apportent une grande plus-value sans menacer la vie des personnels. A noter que de nombreux travaux sont en cours pour tenter de neutraliser ce risque, de sorte à pouvoir en étendre l’utilisation.

5- Les armes à énergie dirigée

Depuis l’apparition de la première lance et de la première fronde, les hommes cherchèrent à developper des armes capables de frapper à distance une proie ou un ennemi, de sorte à se préserver d’une quelconque riposte. Pour cela, les sociétés humaines développèrent au travers de l’histoire toute une série de projectiles, de la flèche antique à l’obus-flèche qui équipe les canons des chars modernes. Mais désormais, ces armes produit de 5000 années d’évolution, sont en passe d’être remplacées, de façon très progressive il est vrais, par une nouvelle technologie : les armes à énergie dirigée.

Contrairement aux armes à projectile, les armes à énergie dirigée ne propulsent aucune matière, mais de l’énergie, que ce doit sous forme de lumière lorsqu’il s’agit d’un Laser, ou d’ondes électromagnétiques lorsqu’il s’agit d’un canon à micro-ondes. Mais la finalité reste la même, la cible est frappée par une énergie qui la blesse ou l’endommage, de nature cinétique pour les projectiles, et thermique ou électromagnétique pour les armes à énergie dirigée. Mais là ou les armes à projectile ont, comme leur nom l’indique, besoin d’un projectile pour fonctionner, les armes à énergie dirigée n’en ont que faire. Et c’est là leur force ! Car un projectile nécessite une logistique, un stock, une mécanique de rechargement. Pire, ils subissent la gravité, et la friction de l’air, limitant leur portée, et alternant leur trajectoire. Un rayon laser ou une décharge de micro-ondes n’ont aucune de ces contraintes (ils en ont d’autres cependant, comme la nébulosité pour les laser)

Laser HEL MD Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Le système de laser à haute énergie HEL MD de l’US Army ambitionne d’atteindre les 250 à 300 Kw

Est-ce à dire que les armes à énergie dirigée ont toutes les qualités, et qu’elles vont supplanter les armes à projectile sous peu ? Ce serait aller vite en besogne, car elles souffrent d’une contrainte majeure, le besoin d’une alimentation électrique de forte puissance. Or, en l’état de la technologie, la production d’une puissance électrique suffisante pour alimenter un laser capable de détruire, par exemple, un véhicule blindé, nécessiterait des générateurs d’une dimension et d’une masse très supérieures à ce que peu transporter un autre véhicule blindé, ou un aéronef. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, même si de nombreuses armées voient en cette technologie la prochaine révolution des systèmes d’armes, leur application se limitent pour l’essentiel à l’élimination des drones légers, voir des roquettes, limitée qu’elle est par la puissance électrique disponible.

Les Etats-Unis sont, de très loin, les plus ambitieux dans ce domaine, et les 3 armées américaines ont lancé des programmes de systèmes de défense anti-missiles laser de haute puissance, devant atteindre les 300 Kw d’ici 2023 à 2025, une puissance suffisante pour éliminer un missile de croisière. Dans le même temps, l’US Air Force comme l’US Army développent des systèmes de défense micro-ondes, afin de se prémunir contre les drones, et plus spécifiquement contre les essaims de drones. La Russie a été le premier pays à déclarer opérationnel un système laser à haute-énergie sur véhicule blindé, le Perevest. Mais il semblerait que sa puissance réelle le limite à l’élimination de drones légers et l’aveuglement des capteurs optiques des satellites et drones de haute altitude, raison pour laquelle ils sont déployés aux cotés des systèmes de lancement de missiles balistiques intercontinentaux.

CILAS HELMA P Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
La société française CILAS développe un laser de protection rapprochée destiné à être mis en oeuvre à partir d’un blindé média comme le Griffon.

Quand à la Chine, elle garde le secret sur la plupart de ses programmes, mais indique qu’à partir de 2025, les nouveaux destroyers lourds Type 055 recevront , outre un rail gun (canon électrique), un système de protection rapproché laser. En Europe, les grandes nations avancent en ordre dispersé, la Grande-Bretagne et l’Allemagne développant des systèmes à vocation navale, la France un système de lutte anti-drones monté sur véhicule terrestre. Toutefois, ils ont entrepris un rapprochement au sein du programme TALOS, destiné à developper un laser de protection rapprochée d’ici 2023 et, si l’experience était concluante, un laser de haute puissance pour 2027.

(Fin de la première partie)

En raison du Covid-19, Boeing suspend la production des avions P-8 Poseidon et KC-46 Pegasus

Depuis avant-hier, les usines de Boeing dans l’État de Washington (au Nord-Ouest des États-Unis) ont commencé à ralentir drastiquement leur activité après que l’état d’urgence a été déclaré dans cet État. En effet, la région de Seattle est aujourd’hui l’une des plus touchées par l’épidémie de coronavirus aux USA. En conséquence, dès aujourd’hui 25 mars, la production de Boeing devrait être complètement stoppée pour une durée de deux semaines.

Pour le secteur de la défense, cela concerne principalement les avions de mission basés sur des cellules d’avions civils, en l’occurrence l’avion de patrouille maritime P-8A Poseidon et l’avion de ravitaillement en vol KC-46A Pegasus, respectivement dérivés des Boeing 737 et 767. Pour l’heure, les usines d’avions de combat F/A-18E Super Hornet et F-15 Eagle situées à St Louis dans le Missouri ne semblent pas concernées.

Boeing KC 46 Pegasus Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
La production du KC-46 semble stoppée net pour les prochaines semaines, mais la correction des problèmes relatifs à son système de ravitaillement se poursuit

D’après les porte-paroles de Boeing, cette période sera mise à profit pour nettoyer et désinfecter les chaînes de production. De nouvelles méthodes de travail pourraient également être appliquées à l’avenir pour éviter les risques de contamination au travail. De même, des critères rigoureux seront appliqués pour éviter que des personnes contaminées ne reprennent le travail. Enfin, les bureaux d’étude continueront leur activité en télétravail. Cela concernerait notamment la mise au point du système de vision à distance (RVS – Remote Vision System) du KC-46, dont la mise au point est encore problématique.

De plus, Boeing a annoncé que les employés seraient payés pour les dix premiers jours ouvrés de confinement, ce qui correspond au quatorze jours calendaires de fermeture imposée. Contractuellement, la politique de Boeing ne l’oblige à verser que cinq jours de salaires, mais l’avionneur semble vouloir tout faire pour permettre une réouverture dans deux semaines dans les meilleures conditions pour ses employés. Il n’empêche que, comme dans d’autres pays, le confinement pourrait bien être finalement imposé pour des durées plus longues.

Si la production d’équipements militaires peut sans doute être considéré comme une activité essentielle, la production de KC-46 et de P-8 s’effectue cependant sur les chaînes d’assemblages des avions de ligne. Il n’est donc pas certain que la reprise forcée de la seule production d’avions militaires dans la région de Seattle soit vraiment rentable pour Boeing, le cas échéant.

P8 RAF Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Si le KC-46 peine à s’imposer à l’exportation face au A330 MRTT d’Airbus, le P-8 Poseidon est déjà un best seller. L’avion a été choisi par l’US Navy, l’Indian Navy, la Royal Air Force, la Royal Australian Air Force, la Royal New Zealand Air Force, la Royal Norwegian Air Force et la Republic of Korea Navy

Pour l’heure, l’avionneur américain se veut rassurant. Que ce soit pour le KC-46 ou le P-8, la production actuelle s’établit entre un et deux appareils par mois, bien en-deçà de la capacité de production maximale du site. A la fin de la période de confinement, Boeing devrait ainsi être en mesure de rattraper son retard et respecter les volumes de livraison prévus en 2020 pour l’US Air Force et l’US Navy. En attendant, les sous-traitants qui fournissent les équipements électroniques des P-8 et KC-46 se trouvent pour la plupart en dehors de l’État de Washington, et devraient continuer pour un temps leur production. Un ralentissement –voire un arrêt– de l’ensemble de la chaîne logistique sera cependant inévitable si le confinement dans la région de Seattle se prolonge dans la durée.

Pour Boeing, l’épidémie qui touche la région de Washington pourrait alors devenir un nouveau coup dur. Depuis quelques années, l’avionneur essuie en effet de nombreuses critiques en raison de la mauvaise gestion du programme de ravitailleur KC-46. Initialement, l’avion était présenté comme une « simple » adaptation du KC-767 aux besoins de l’USAF. Pour les forces aériennes japonaises et italiennes, l’ancienne usine de Boeing à Whichita avait converti en effet huit Boeing 767-200ER et l’USAF souhaita en acquérir un certain nombre au tout début des années 2000. Suite à des allégations de corruption, le programme avait été annulé en 2006 et remplacé par la compétition KC-X qui fut emportée par le A330 MRTT de Airbus et Northrop Grumman en 2008.

T 7A Red Hawk Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Sur le plan purement militaire, Boeing a décroché de très beaux contrats ces dernières années, avec notamment l’avion d’entrainement T-7A ou encore le ravitailleur en vol de l’US Navy MQ-25 Stingray. Pour le moment, ces programmes ne semblent pas impactés par l’épidémie de Covid-19

A nouveau, l’achat est annulé et une nouvelle compétition est lancée et remportée en 2011 par Boeing. Pour cela, Boeing a présenté un KC-767 NewGen Tanker reprenant des éléments du 767-200ER, du -300F et du -400ER, ainsi que du Boeing 787. Enfin, le système de ravitaillement en vol devait être intégralement digital, l’opérateur dirigeant la perche de ravitaillement à partir d’un système de vision 3D particulièrement novateur.

Toute cette débauche de technologies a augmenté considérablement la complexité du KC-46A Pegasus, mais aussi ses coûts de développement et ses délais de livraison. A l’heure actuelle, le KC-46 n’est toujours pas pleinement opérationnel et reste interdit de déploiement en opérations extérieures. Un comble pour le nouveau ravitailleur de l’US Air Force destiné à être le pilier des forces expéditionnaires américaines.

A l’inverse, le P-8A Poseidon s’avère aujourd’hui un succès technique et commercial alors même qu’il s’annonçait techniquement plus complexe en théorie. En plus de ses nombreux capteurs et antennes, le P-8A dispose de points d’emport sous voilure pour embarquer ses armements lourds ainsi que d’une vaste soute à bombes et torpilles à l’arrière du fuselage. Pourtant, comme le KC-46, le P-8 est également basé sur un mélange de plusieurs variantes d’avions civils, en l’occurrence un fuselage de 737-800 avec une voilure de 737-900.

Boeing 737 MAX gares parking usines constructeur 27 2019 Seattle attendant recertification avion 1 1399 611 Actualités Défense | Constructions Navales militaires | Etats-Unis
Près de 400 Boeing 737 Max civils stationnent sur des parking en attendant que l’appareil soit à nouveau certifié en vol

Pour Boeing, cependant, le vrai drame de ces dernières années n’est pas à trouver dans les versions militaires du 737 mais dans la dernière mouture civile de son best-seller : le 737Max. En mars 2019, suite à un deuxième crash de 737Max ne laissant aucun survivant, la flotte mondiale de ce type d’appareil est peu à peu clouée au sol. Les livraisons s’espacent puis cessent complètement. Depuis le mois de janvier 2020, la production de 737Max chez Boeing est complètement arrêtée, et des centaines d’avions restent stationnés, sans clients, sur les parkings de l’entreprise. L’avionneur espérait une reprise de la production à la fin du printemps 2020, mais l’épidémie actuelle pourrait bien compliquer cette affaire. Pour Boeing, il s’agit d’une véritable catastrophe industrielle, à laquelle s’ajoutaient les déboires sur le programme KC-46 ainsi qu’un semi échec du premier vol de sa capsule spatiale CST-100 Starliner en décembre dernier.

Alors que le cours de l’action de Boeing est au plus bas depuis près de 5 ans, une épidémie de coronavirus de longue durée pourrait avoir des conséquences particulièrement dramatique. Pour l’instant, les autorités politiques et le Président Trump semblent prêts à soutenir Boeing, ce qui pourrait notamment passer par de nouvelles commandes pluriannuelles d’équipements militaires. A voir, cependant, si les promesses actuelles seront tenues lorsque l’ampleur réelle de la crise sanitaire sera connue d’ici quelques mois. En pleine année électorale, néanmoins, on voit mal quel candidat –Républicain ou Démocrate– pourrait refuser d’afficher son soutien au fleuron de l’aéronautique civile et militaire américain.

Projets militaires franco-allemands : entre avancées et blocages

Depuis plus de dix ans, la France se cherche un partenaire européen pérenne pour ses projets de collaboration militaire, tant opérationnelle qu’industrielle. Cela a débuté en 2010 avec les Accords de Lancaster House puis, suite à l’échec d’un premier programme SCAF franco-britannique, à un rapprochement politique et industriel entre Paris et Berlin.

Répartitions industrielles et blocages politiques

En matière de besoins militaires, le rapprochement entre la France et l’Allemagne est devenu très vite évident. Trois sujets majeurs ont ainsi émergé :

  • SCAF : le système de combat aérien futur pour remplacer les chasseurs Rafale et Eurofighter
  • MGCS (Main Ground Combat System) : remplacement des chars Leclerc (France) et Leopard 2 (Allemagne)
  • MAWS (Maritime Airborne Warfare System) : nouvel avion de patrouille maritime pour le remplacement des Atlantique 2 (France) et P-3 Orion (Allemagne), avec une éventuelle ouverture sur d’autres partenaires en Europe ou dans l’OTAN
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En tant qu’avion de patrouille maritime, le MAWS sera intégré au système de système du SCAF

Pour chaque programme, il a été nécessaire de soigner les questions de gouvernance afin d’équilibrer les retours industriels entre les deux partenaires tout en valorisant les domaines d’expertise de chacun. Ainsi, pour le SCAF, la France devrait piloter la conception du nouveau chasseur (Dassault Aviation) et de son moteur (Safran) tandis que l’Allemagne (Airbus) aura le leadership sur le système de système, la simulation et les Remote Carriers (Airbus + MBDA), l’équivalent européens du concept de Loyal Wingman américain.

Mais dans le cadre des projets européens, les accords de principe ont tendance à ne pas survivre longtemps dans l’arène politique. Or, sur ce terrain, c’est l’Allemagne qui mène la danse en raison d’une gestion beaucoup plus parlementaire des investissements de défense, qui créé une forte instabilité sur les programme. En effet, le Bundestag allemand dispose d’un droit de regard et de contrôle sur tout investissement fédéral dépassant les 25 millions d’euros, ce qui lui permet de ralentir ou bloquer un programme de coopération européen, généralement pour tenter d’imposer une orientation plus favorable pour les industriels allemands. C’est notamment ce qui s’est produit à l’automne dernier quand le Bundestag a voulu obtenir un leadership partagé sur la question de la motorisation du SCAF, là où la gouvernance négociée à l’origine prévoyait une maîtrise d’œuvre de Safran, avec l’Allemand MTU comme partenaire privilégié.

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Avec le Britannique Rolls Royce, Safran Aircraft Engines est le seul avionneur européen disposant de la capacité à concevoir et produire un réacteur militaire. L’Allemand MTU Aero Engines devrait cependant être responsable des parties froides du futur moteur du SCAF ainsi que des services associés à son exploitation.

Comme nous l’avons déjà évoqué le mois dernier, les blocages semblent pour l’instant levés sur le SCAF qui peut entamer ses études de développement. Tous les regards se tournent désormais sur les programmes MGCS et MAWS. En France, on souligne régulièrement que le soutien du Bundestag à la consolidation de l’industrie nationale plutôt qu’Européenne pourrait être un frein, sur le long terme, à l’ensemble des programmes de coopération actuels. Pour autant, si le MGCS semble enfin pouvoir commencer à avancer malgré de sérieuses turbulences, il semble que les blocages sur le MAWS soient causés par un imbroglio franco-français.

Le MGCS avance

Pour l’heure, il convient de marquer le fait que le Bundestag ait donné son feu vert aux études d’architecture du futur char franco-allemand et ses systèmes associés. Si le futur avion de combat franco-allemand est aujourd’hui piloté par Dassault Aviation, c’est le BAAINBw (équivalent allemand de la Direction Générale de l’Armement) qui a aujourd’hui la direction du MGCS. Les études d’architecture ont été réparties en neuf lots répartis entre Nexter en France ainsi que Rheinmetall et KMW côté allemand. Ils serviront à définir ce que sera le futur MGCS qui, en plus d’un char lourd, pourra comprendre des systèmes de drones, de communication, d’artillerie, etc.

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Vue d’artiste du MGCS. Si l’attention du public se focalise sur le futur char lourd remplaçant les Leopard et Leclerc, le MGCS incorporera également des véhicules plus légers et robotisés, terrestres et aériens

La présence de deux géants de l’armement terrestre côté allemand pose d’ailleurs de sérieux problèmes de gouvernance. En théorie, c’est l’Allemagne qui doit avoir la maîtrise d’ouvrage sur ce programme, mais la répartition industrielle doit se faire in fine à 50-50 entre la France et l’Allemagne. Nexter, qui ne serait alors que partenaire principale, pourrait ainsi se retrouver avec 50% de la charge industrielle quand le maître d’œuvre allemand pourrait n’en avoir que 25% ou 30%. Côté allemand, la prise de contrôle de KMW par Rheinmetall aurait pu simplifier l’équation, mais cela aurait aussi donné à Rheinmetall un contrôle sur Nexter, à travers KNDS (co-entreprise entre Nexter et KMW).

Pour le moment, les phases d’études semblent répartir les tâches équitablement entre les trois partenaires, ce qui profite de fait aux industriels allemands qui récupèrent les deux tiers des crédits. A terme, toutefois, la phase d’industrialisation pourrait renforcer la position de Nexter ou, a minima, celle de KNDS. Cette joint-venture pourrait également profiter des longs délais de développement du futur MGCS, voire des futurs ralentissements et blocages politiques du programme, pour proposer une solution intérimaire sur le marché de l’exportation.

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L’EMBT présenté il y a deux ans par KNDS reprend un châssis de Leopard 2A7 et la tourelle à chargement automatique de 120mm du Leclerc français. Cela permet de faire gagner 6t au véhicule qui retrouve ainsi d’un énorme potentiel d’évolution.

Lors du salon Eurosatory 2018, KNDS avait en effet présenté l’EMBT (European Main Battle Tank), un concept de char lourd reprenant le châssis d’un Leopard 2A7 et la tourelle d’un char Leclerc. Cet assemblage pourrait ainsi servir de base à un nouveau char présenté sur le marché dès 2025 avec certaines briques technologiques du MGCS. Le futur MGCS, lui, n’est pas attendu avant 2035, et pourrait bien n’arriver qu’après 2040 si le couple franco-allemand cherche à intégrer dans le programme de nouveaux partenaires, comme la Pologne par exemple.

Le bras de fer entre Thales et Dassault Aviation bloque l’avancée du MAWS

Malgré les batailles politiques et industrielles qu’ils rencontrent, les programmes SCAF et MGCS ont au moins l’avantage d’avancer sur leurs phases d’architecture. Sur ce plan, le MAWS est au point mort, alors même que le projet aurait pu avancer rapidement dès lors que le futur MAWS sera basé sur un avion existant. Cette fois-ci, le problème de gouvernance semble s’établir uniquement côté français

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L’A320 Neo MPA pourrait être une plateforme idéale pour le développement d’un futur PATMAR. Fort de son expérience sur l’Atlantique 2, Dassault Aviation pourrait sans doute collaborer avec Airbus pour l’intégration du MAWS sur cette plateforme, ce qui impliquerait que l’avionneur français obtienne un statut d’intégrateur système.

Pour le moment, la répartition industrielle entre les différents acteurs allemands et français n’est pas encore faite, et dépendra des résultats des premières études d’architecture. Or, côté français, la DGA a décidé de confié cette première étude sur l’architecture système à Thales plutôt qu’à Dassault Aviation, qui possède pourtant une partie de Thales. Si Thales dispose d’une grande expérience en matière de systèmes de détection anti-sous-marins (sonars, bouées, radars, etc.), Dassault Aviation reste le seul concepteur européen d’avions PATMAR, avec l’Atlantique 2 dont il gère actuellement le programme de modernisation.

D’après nos confrère du journal Le Télégramme, face à la colère de Dassault Aviation la DGA envisagerait de confier à l’avionneur la part française de la prochaine phase de développement qui portera sur la conception et la production de l’avion en lui-même. Dassault Aviation, cependant, demanderait à obtenir le statut d’architecte de l’ensemble du système. Ce positionnement peut d’ailleurs se comprendre dès lors que la conception et production de l’avion lui-même a de fortes chances de revenir à Airbus qui propose son A320 MPA et son C-295.

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Déjà sélectionné comme futur avion d’écoute électronique, le Falcon 8X pourrait être une option de repli au cas où un A320 MPA s’avère trop coûteux. Dassault Aviation pourrait y être favorable, mais la Marine nationale reste attacher à une plateforme plus volumineuse

Pour l’heure, le programme semble au point mort, et la crise sanitaire actuelle et les blocages économiques qui vont s’en suivre en Europe risquent sans doute de faire perdurer cet état de fait. Au-delà, malgré tous les problèmes orbitant autour du MGCS et du SCAF, on constate que l’établissement au préalable de règles de gouvernance décisionnelle et industrielle permet de ne pas trop ralentir les phases d’études des programmes. Le MAWS pouvant être ouvert à d’autres pays européens, couplé à une incertitude sur l’avionneur fournissant la plateforme, entraine une incertitude décisionnelle qui exacerbe les tensions entre industriels et partenaires.

Les objets connectés sont-ils des chevaux de Troie aux mains du FSB ?

La question peut paraitre racoleuse, pour autant, elle est légitime, si l’on en croit les publications faites par le collectif de hackers russes Digital Revolution sur son compte Twitter. Et pour appuyer ses dires, il publie dans un dossier partagé plusieurs documents words et un ensemble de captures d’écrans réalisés, selon eux, sur des serveurs appartenant au FSB, les services de renseignement et de sécurité russes. Les documents présentés montrent l’existence d’une suite d’outils de piratage informatique basée sur le BotNet Fronton, et spécialisés dans la prise de contrôle des objets connectés pour les transformer en plate-formes d’attaque en déni d’accès, ou DDOS, de serveurs accessibles sur internet.

Concrètement, la famille Fronton qui contient également les BotNet Fronton-3D et Fronton-18, permet de s’insinuer dans les objets connectés, de plus en plus nombreux dans les foyers comme dans les entreprises, et dont les protocoles et outils de sécurité sont moindres que sur les ordinateurs, serveurs et même les smartphones. En outre, le piratage reste, en très grande majorité, dormant et donc indétectable par l’utilisateur, qui peut dès lors participer à une attaque en déni d’accès contre les infrastructures informatiques critiques de son propre pays sans en avoir conscience.

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« Pourquoi notre propre gouvernement nous espionne au travers de l’IoT? En réalité, ils espionnent le monde entier. Comment font ils cela ?

Le collectif Digital Revolution n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine. En décembre 2018, il avait publié une série de documents montrant l’activité de la société russe Quantum Research Institute dans le domaine de la surveillance des réseaux sociaux au profit du FSB. Deux mois plus tard, d’autres publications montraient comment cette même société parvenait à des-anonymiser le réseau TOR, très employé par les hackers pour masquer leurs accès. En revanche, concernant les documents publiés cette semaine, il semble impossible en l’état d’en garantir l’authenticité, au delà du capital confiance acquis par Digital Revolution dans le monde des hackers.

Ceci dit, une telle affirmation n’a, en fait, rien de surprenant pour les spécialistes de la sécurité informatique. L’implication de groupes de hackers russes, que l’on suppose rattachés au FSB ou au GRU (renseignement militaire), avait à plusieurs reprises fait l’objet de publications et de mise en cause publique. Comme en 2007, lorsque l’Estonie avait été victime d’une attaque massive en déni de service après avoir annoncé vouloir déplacer un mémorial aux soldats soviétiques, ce qui avait grandement déplu à Moscou.

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Ce monument de Tallin, la capitale estonienne, à la mémoire des soldats soviétiques, fut à l’origine d’une des plus grandes attaques en déni d’accès enregistrée à ce jour contre un état souverain

Or, si l’occident apparait aujourd’hui mal préparée pour faire face au virus Covid-19, elle le serait encore moins face à une attaque massive en déni d’accès de l’ensemble de ses services sensibles. Une telle attaque entrainerait en effet le blocage immédiat de toutes les transactions électroniques, rendant inutilisables les paiements électroniques ou par carte bancaire, les transferts de fonds, l’accés aux bases de données, et même la communication de crise, puisque les chaines de télévision et les réseaux de communication seraient, eux aussi, saturés. En d’autres termes, là ou la population a eu plusieurs jours, voir plusieurs semaines pour anticiper le confinement lié au Coronavirus, elle n’aurait aucun préavis concernant les blocages de services conséquences d’une attaque cyber massive.

Cette publication interroge également sur la vulnérabilité de l’internet des objets, ou IoT (Internet of Things) qui, s’il semble être porteur de nombreuses avancées dans des domaines comme la médecine ou la sécurité, fait également l’objet de nombreuses failles de sécurité, notamment concernant les équipements les moins nécessaires, et les plus diffusés. Or, rien n’a été fait pour différencier les réseaux critiques ou tout simplement sensibles des réseaux de grande consommation dispensables en cas de crise. Ceci explique pourquoi de imprimantes ou des assistants vocaux peuvent mener des attaques sur les serveurs de télé-paiement des banques, les services de l’énergie fédéraux ou sur les serveurs du ministère des affaires étrangères. En limitant, par exemple, ces objets connectés à certaines plages d’adresses, pouvant être fermées par les fournisseurs d’accès si besoin, la vulnérabilité serait limitée, tout au moins concernant les attaques en déni d’accès. Dans ce domaine, comme dans de nombreux autres liés à la résilience sociale, l’initiative est aujourd’hui dans les mains des législateurs, et notamment des législateurs européens, seuls à avoir le pouvoir d’imposer de telles restrictions sur le marché stratégique que représente l’Union européenne.

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En 2018, le livret « Om Krisen eller kriget Kommer » (si la crise ou la guerre vient) a été envoyé aux 6,2 millions de foyers suédois, expliquant la conduite à tenir en cas de crise majeure ou de guerre

Lorsqu’en 2018, les autorités suédoises avaient envoyé à l’ensemble de leurs concitoyens un livret sur la conduite à tenir en cas d’attaque militaire, nombreux furent ceux à juger la mesure excessive, voir ridicule. Pourtant, elle participe à un changement de mentalité de la population, avec une perception accrue des risques, et donc une meilleure résilience face à des crises, de quelques natures fussent elles. Dans ce livret, il était demandé aux suédois d’avoir en permanence des vivres, des médicaments pour les personnes sous traitement, ainsi que de l’argent liquide, de sorte à être en mesure de soutenir un choc ou un confinement de deux semaines. Alors que les alertes sur la cybersécurité se cumulent au confinement lié au virus, il faudra, une fois la crise passée, en tirer toutes les conséquences pour l’anticipation des crises à venir, et préparer les opinions publiques à y faire face, dans le calme et la discipline, de sorte à faciliter la réponse des Etats et de leurs services pour en en limiter la portée dans le temps et l’espace.