mercredi, décembre 3, 2025
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La Suède veut taxer les banques pour financer son effort de Défense

Décidement, les personnalités politiques de tous les pays européens n’ont guère d’imagination. Alors que la Suède, au première loges du renforcement militaire russe, a entamé la modernisation de ses forces armées et le renforcement de son effort de Défense, avec un budget qui va passer de 5 à presque 8 Md€ d’ici 2025, le ministre de La Défense suédois, Peter Hultqvist, et son homologue des finances, Magdalena Andersson, n’ont rien trouvé d’autre que d’imaginer une nouvelle taxe, qui s’appliquera au secteur bancaire. Selon eux, il est normal de faire participer les banques qui dégagent d’immenses profits, les quatre plus importantes banques suédoises ayant enregistré un bénéfice record de 112 Md de couronnes en 2018, à l’effort de Défense.

On retrouve dans la démarche du gouvernement suédois les mêmes postulats que ceux qui firent le malheurs des forces armées françaises pendant plus de 10 ans. En effet, l’objectif est de créer, en procédant ainsi, un effort sous recettes variables, en liant artificiellement une recette budgétaire de l’Etat, à une dépense régalienne. Ce qui reviendrait, pousser à l’extreme, à payer les salaires des douaniers sur les recettes de TVA du secteur du luxe, par exemple, ou le salaire des professeurs sur les taxes pétrolières … C’est ainsi que, pendant longtemps, les budgets du ministère de La Défense français était « bouclé » en y intégrant des recettes variables liées, comme celles provenant de la vente du patrimoine immobilier, ou de l’attribution des licences hertziennes aux opérateurs mobiles, et qui engendra de sévères manque à gagner dans le budget des armées, entrainant des arbitrages très défavorables concernant les programmes d’équipements.

Service militaire suede Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
La Suède a rétabli un service militaire obligatoire limité pour faire face à ses besoins en matière de personnel militaire

En outre, il est évident que si une taxe venait à apparaitre sur le secteur bancaire, les stratèges financiers parviendraient, en très peu de temps, à optimiser leur haut de bilan pour minimiser l’impact de cette taxe, et pour la faire compenser par des recettes supplémentaires, qui viseront évidemment les particuliers eux mêmes. De fait, l’objectif de ne pas augmenter la pression fiscale directe, puisque c’est évidemment l’objectif des ministres suédois, ne sera que de façade, puisque les contribuables suédois paieront, au final, les couts liés à cette nouvelle taxe…

En refusant d’intégrer le cout intégral de La Défense dans le budget de l’Etat, en tant que poste crucial des responsabilités et prérogatives régaliennes de celui-ci, cette approche proposée par Stockholm n’affronte pas la réalité à venir d’un accroissement sensible des tensions internationales et des risques de conflits, et de l’effort de défense impératif auquel doivent consentir les états, et par voie de conséquence, les citoyens, ultimes bénéficiaires de la sécurité garantie par les armées.

Toutefois, à l’échelle d’un pays comme la France, ou d’une union comme l’Europe, il serait possible de largement minimiser l’impact budgétaire de l’effort budgétaire, fut-il porté à des niveaux qui paraissent aujourd’hui inimaginables. Ainsi, en mettant en place, à l’échelle de l’Union européenne, des mécanismes d’équilibrage des recettes budgétaires générées par les commandes d’équipements de Défense, entre les états producteurs, et les états acheteurs, il serait possible de grandement réduire l’impact sur le budget de l’Etat des programmes d’acquisition d’équipements de Défense, comme ceux de maintenance.

gotland submarine Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
La Suède dispose d’une importante BITD, allant de la construction de blindés à celles des avions de combat, en passant par les sous-marins. Ici un sous-marin AIP de la classe Gotland

De même, dès lors que ces mécanismes d’équilibrages auront été mis en oeuvre, ils permettront une meilleure répartition des investissements, mais également des infrastructures industrielles, dans les différents pays de l’union, augmentant de fait les recettes fiscales et sociales de pays ne disposant d’une BITD importante, sans augmenter artificiellement les BITD recourantes, qui nécessitent toutes des marchés d’exportation pour subsister. Cette approche, bien plus efficace, tant du point de vu opérationnel qu’économique et social, réduirait en outre rapidement la dépendance technologique des pays européens envers certains de leurs alliés, tout en renforçant tout aussi rapidement l’autonomie stratégique de l’union comme de ses membres.

Les décennies à venir qui se dessinent aujourd’hui sont porteuses de tensions nouvelles, et les pays européens ne parviendront pas à préserver leurs prérogatives, ni leur indépendance, et probablement pas leur sécurité, sans faire preuve de la même volonté d’innover dans la conception même du modèle politico-économique de l’effort de Défense, qu’ils n’en font preuve pour ce qui est de soutenir les innovations technologiques.

Airbus se retire de la compétition pour le remplacement des CF-18 canadiens

C’est par un communiqué qu’Airbus DS, membre du consortium Eurofighter en charge de la commercialisation du Typhoon, et les autorités britanniques qui portaient l’offre auprés des autorités canadiennes, ont annoncé le retrait du chasseur polyvalent européen de la compétition visant à remplacer la flotte de chasseurs CF-18 qui équipent actuellement les forces aériennes royales canadiennes. 2 arguments ont été mis en avant, de manière très diplomatique, pour expliquer ce retrait.

En premier lieu, le constructeur européen estime que les contraintes technologiques liées à la défense aérienne commune entre les Etats-Unis et le Canada, identifiée par le terme « 2 Eyes », et pilotée par le NORAD, sont de nature à créer des surcouts significatifs incompatibles avec la volonté de soumettre une offre compétitive sur le plan financier exprimé par Airbus. D’autre part, il semble que les autorités canadiennes aient modifié leur appréciation des différents critères des offres rendus, et ont réduit sensiblement le poids relatif des compensations industrielles présentées par les industriels, ce qui représentait un des principaux arguments de l’offre accompagnant le Typhoon.

Avec le retrait du Rafale en novembre 2018, il ne reste plus en lice dans cette compétition que les avions avions américains, le F35A de Lockheed-Martin et le F/A 18 E/F Super Hornet de Boeing, ainsi que l’appareil suédois JAS 39 E/F Gripen du constructeur Saab, dont les chances semblent, aux vues des arguments avancés par Airbus pour le retrait du Typhoon, on ne peut plus restreintes. Beaucoup d’observateurs estiment à ce titre que Saab devrait également ne pas tarder à se retirer de la compétition, tant les chances de l’appareil suédois sont faibles aujourd’hui. De fait, les autorités d’Ottawa semblent désormais devoir choisir entre l’appareil de Lockheed pourtant largement critiqué par Benjamin Trudeau lors de sa prise de fonction, ou le Super Hornet du constructeur Boeing, celui-la même qui porta en 2017 une offensive juridique furieuse contre le constructeur canadien Bombardier pour l’empêcher de vendre ses appareils courts et moyens courriers aux Etats-Unis.

Rafale Typhoon Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
Typhoon et Rafale se sont tous deux retirés de la compétition canadienne

On aurait pu croire le Typhoon en partie construit par Airbus DS comme en excellente position pour remporter ce marché. En effet, la configuration bimoteur et la vitesse de l’appareil européen optimisé pour La Défense aérienne, représente un atout de poids pour assurer la défense des immensités canadiennes. Surtout, c’est Airbus qui est venu au secours de Bombardier en 2018, allant jusqu’à intégrer les appareils canadiens dans la gamme des appareils Airbus, au détriment ses propres aéronefs courts courriers comme l’A319. En outre, les relations entre le premier ministre canadien, Justin Trudeau, et son turbulent voisin Donald Trump, ont été pour le moins tumultueuses depuis la prise de fonction du président américain.

Dans les faits, les arguments avancés par Airbus pour le retrait du Typhoon ne sont pas sans rappeler ceux ayant expliqué le retrait de la FREMM franco-italienne de la compétition concernant le programme de frégates canadiennes. En effet, les autorités canadiennes exigeaient des industriels des informations technologiques très avancées, dépassant de loin les informations transmises lors des compétitions internationales. Naval Group et l’italien Fincantieri estimèrent que, eu égard à la proximité des chantiers navals canadiens, qui exigeaient ces informations, avec les groupes industriels de défense américains et britanniques, les risques de fuites d’informations technologiques concurrentielles étaient très élevées. La tentative de présenter une offre hors de la compétition, comme le fit Dassault en Belgique, reçut un accueil très hostile de la part des autorités canadiennes. Furent-elles plus vexés par le refus des groupes européens de se soumettre aux exigences de l’appel d’offre, ou par les soupçons de compétition tronquée que ce refus engendra, nous ne le sauront probablement jamais.

F18 des forces aeriennes canadiennes Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
Le CF18 Canadien est en service depuis la fin des années 80 dans les forces aériennes royales canadiennes

Surtout, ces arguments rappellent la façon dont l’OTAN fit pression sur la Belgique de façon à ne pouvoir considérer d’autres alternatives que celle du F35A pour remplacer ses F16. En effet, bien que ce ne fut pas la mission des forces aériennes belges depuis la création de l’OTAN, cette dernière informa, alors que la compétition était déjà lancée, que les appareils belges seraient amenés à effectuer une majorité de missions SAED visant à éliminer les défenses anti-aériennes adverses, et qu’elles devaient, dès lors, s’équiper d’un appareil de 5ème génération furtif, sachant que le seul appareil répondant à ce cahier des charges était le F35A.

Quoiqu’il en soit, les alternatives restantes pour les forces aériennes canadiennes sont désormais loin d’être satisfaisantes du point de vu opérationnel pour les forces aériennes canadiennes. Deux appareils, le JAS 39 et le F35A sont des monomoteurs, augmentant sensiblement les risques d’accident, surtout au dessus de vastes territoires avec une faible densité de terrains de dégagement. Ils ont en outre une allonge réduite, et dans le cas du F35A, une vitesse limitée en l’absence de super-croisière. Le Super Hornet apparait dès lors l’alternative la plus cohérente, en dépit de l’agression en règle mener par Boeing contre l’industrie aéronautique canadienne. Même au delà de ce critère politique, l’appareil ne dispose que d’une évolutivité limitée dans le temps, de part sa conception datée, et du remplacement des Super Hornet de l’US Navy par un chasseur de 6eme génération à partir de 2035, selon les plans du Pentagone.

F35A Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
Pour beaucoup, la victoire du F35A lors de la compétition canadienne est écrite depuis longtemps

Il est interessant de remarquer que malgré son PIB sensiblement égal à celui de la Russie, le Canada se sent aujourd’hui obligé de soumettre son destin et la protection de son espace aérien aux arbitrages et pressions de Washington. D’autre part, là où le pays prévoit l’acquisition d’un peu plus de 80 appareils d’un modèle unique devant durer plusieurs décennies pour assurer toutes les missions, les forces aériennes russes, auxquelles elles font face dans le grand nord, perçoivent entre 35 et 40 appareils neufs chaque années, de différents types (pour 2019: Mig35, Su30, Su34, Su35 et Su57). On peut se demander, dès lors, si ce n’est pas la rigidité du modèle politique de la Défense canadienne, et par transitivité de l’ensemble des pays occidentaux, qui entrave aujourd’hui l’efficacité de cet effort de Défense, et qui créé une dépendance excessive vis-à-vis des Etats-Unis ?

La vente du motoriste ukrainien Motor Sich à des entreprises chinoises préoccupe les États-Unis

Les médias ukrainiens ont annoncé le 24 août que les entreprises chinoises Skyrizon et Xinwey Group avaient acquis plus de 50% des actions du producteur de moteur d’avion ukrainien Motor Sich et ont demandé au comité anti-monopole de confirmer la transaction. De plus, les compagnies chinoises ont promis au comité de fournir un financement de 100 millions de dollars au secteur aéronautique ukrainien. La détermination des Chinois est visible puisqu’ils se sont engagés à laisser à l’État ukrainien 25% de ses actions tout en payant plus afin de prévenir les critiques à l’égard du gouvernement. 

Cependant, comme le rapporte The Wall Street Journal les autorités américaines ne sont pas satisfaites par un tel développement de la situation. Le Conseiller à la sécurité nationale John Bolton, fermement opposé à cet accord, a même décidé de se rendre personnellement à Kiev le 28 août afin d’aborder ce problème[efn_note]B. Forrest, « U.S. Aims to Block Chinese Acquisition of Ukrainian Aerospace Company »,Wall Street Journal, 23 août 2019[/efn_note]. La source du site Strana.ua affirme que le responsable américain a non seulement exigé l’annulation de la transaction, mais aussi la nationalisation de Motor Sich. L’informateur précise que le round actuel de la rivalité technologique entre Pékin et Washington se joue en ce moment en Ukraine[efn_note]ЛюдмилаКсенз, « 500 млндолларовкитайцамотЗе. КакСШАдобиваютсясрочнойотменысделкипо“МоторСичи” ичтотеперьбудетспредприятием », Strana.ua, 27 août 2019[/efn_note].

En effet, Motor Sich est un des plus importants producteurs mondiaux de moteur d’avions, et de turbines à gaz industrielles. En 2018 l’entreprise a réalisé un bénéfice net de 1,9 milliard de grivnas ($71 millions), mais a enregistré une perte nette de 420 millions de grivnas ($16 millions) au premier semestre 2019. Cette tendance négative était pourtant prévisible. Comme nous l’avons expliqué dans l’article sur la substitution des importations au sein du secteur de la défense russe, les sanctions ukrainiennes ont mis un terme à des échanges lucratifs entre le constructeur ukrainien et les producteurs d’hélicoptères militaires russes. Pire, les anciens clients ont été contraints de développer leurs propres solutions afin de continuer à fabriquer les hélicoptères des constructeurs Mil et Kamov, et seraient en phase de devenir totalement indépendant dans ce domaine.

MI28MN Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
Le Mil Mi-28, comme de nombreux hélicoptères russes, a subit les effets de l’embargo sur les moteurs ukrainiens

Les sanctions imposées par Kiev contre la Russie n’auraient pas été absolument désintéressées puisque pour certains commentateurs de la vie politique ukrainienne Petro Poroshenko avait essayé de s’emparer de Motor Sich à plusieurs reprises, tout d’abord en 2005 et puis pendant sa présidence entre 2014 et 2019. Ce dernier aurait fait pression sur le directeur Bogouslaev en annulant des commandes étatiques et en incitant le SBU à poursuivre juridiquement contre l’entreprise. Le CEO déclare quant à lui que tout aurait été fait par le gouvernement afin de « tuer » cette compagnie stratégique. 

L’intérêt des Chinois pour le constructeur ukrainien est justifié selon les experts par la quête de l’Empire du Milieu pour les technologies détenues par l’entreprise, la Chine s’étant fixé pour objectif de devenir la première puissance technologique. Il ne s’agit pas seulement pour Pékin d’obtenir un savoir-faire en matière de construction de moteurs aéronautiques, mais également dans le domaine des missiles de croisière, c’est-à-dire de technologies militaires. L’expert ukrainien Viacheslav Konovalov explique que Motor Sich fournit des moteurs pour l’intercepteur d’entraînement Iak-130, le moteur AI-222 pour les hélicoptères de la famille Mi-8, le moteur TV-317 fonctionnant à des altitudes records et enfin dispose des technologies nécessaires à, la production du plus grand hélicoptère au monde, le Mi-26. Les Chinois ayant précédemment essayé sans succès de copier ces matériels ont décidé de procéder à l’achat pur et simple des technologies et des spécialistes capables de les mettre en œuvre. 

La volonté américaine de prévenir la vente se heurte néanmoins à une dure réalité économique, en cas d’annulation de la transaction une réparation allant de 500 millions à 2 milliards de dollars devra être payée aux entreprises chinoises. Les nouvelles autorités ukrainiennes sont ainsi dans une position délicate, les slogans de la campagne électorale du président Zelensky annonçant clairement une ligne non interventionniste et libérale dans le domaine économique. De plus, la cession de biens étatiques est une ressource notable pour le budget ukrainien, qui n’est encore jamais parvenu à atteindre ses objectifs en matière de privatisation. Une annulation de la vente impliquerait ainsi, au lieun d’une recette, des dépenses supplémentaires substantielles et une crise diplomatique avec un partenaire commercial et un investisseur important. 

Quelle que soit l’issue de cette péripétie, il est clair pour les experts ukrainiens que les États-Unis souhaitent « euthanasier » Motor Sich en douceur. Le plan consisterait à garantir au constructeur des commandes minimales pendant une période de 10 à 15 ans. Celles-ci suffiront pour maintenir l’entreprise à flot et préviendront les prédations chinoises, tout en obtenant le temps indispensable afin de rendre les technologies de Motor Sich obsolètes[efn_note]Андрей ГАЦЕНКО, « Могут ли США помешать продать “Мотор Сич” Китаю », КП в Украине, 29 août 2019[/efn_note].


Oleg Lypko – Analyste Russie et CEI

Les 5 équipements majeurs qui manqueront aux armées françaises en 2025-2030

Au fil des années, les informations transmises, ou filtrées, concernant le renforcement des forces des grandes puissances militaires, et les nouveaux équipements qu’elles mettront en service dans les années à venir, deviennent de plus en plus précises, et de plus en plus préoccupantes. Cette préoccupation se transforme en inquiétude lorsque ces nouveaux équipements sont de nature à bouleverser l’équilibre des forces globales dans le monde, ou à l’échelle de grands théâtres d’opérations, comme l’Europe, ou le théâtre indo-pacifique.

En France, la recapitalisation des forces armées ne date que de 2 ans, encadrée par la nouvelle Loi de Programmation Militaire 2019-2025, présentée il y a un an comme la réponse aux attentes des armées, pour faire face aux enjeux technologiques et sécuritaires des années à venir. Malheureusement, cette dernière a été conçue sur la base d’une lecture que l’on pourrait qualifier d’optimiste de l’évolution des rapports de force géopolitiques dans le Monde, reportant ou faisant l’impasse sur des développements technologiques majeurs qui feront rapidement défauts aux forces françaises, si celles-ci venaient à devoir être engagées dans un conflit contre un adversaire majeur.

Cet article établit une liste de 5 de ces équipements majeurs dont les armées françaises ne disposeront pas en 2025, ni même en 2030, alors qu’ils sont indispensables à l’efficacité des forces dans un environnement de combat moderne.

1- Le missile Hypersonique

A partir de 2022, la Russie disposera de 3 systèmes hypersoniques, le planeur Avangard, le missile balistique aéroporté Kinzhal déjà en service, et le missile anti-navire à longue portée Tsirkon. Ces missiles ne peuvent être interceptés par les systèmes anti-missiles actuels, comme le SAMP/T Mamba, ni par le futur Aster 30 Block 1NT. Ils constituent dès lors une menace pour l’ensemble des infrastructures militaires et civils du pays, et des forces éventuellement déployées, qu’elles soient terrestres, navales ou aériennes. En l’absence de système équivalent, il ne restera à la France que l’emploi des armes de dissuasion pour tenter de faire face à ce type d’équipement, engendrant un risque d’escalade très excessif. Les Etats-Unis comme la Chine développent également plusieurs programmes hypersoniques, pour des missiles stratégiques ou tactiques, créant un probable déclassement de fait de la position de la France sur la Scène internationale, comparable à celui des années 50, avant qu’elle ne se dote de l’arme nucléaire.

Mig31 des forces aeriennes russes equipe du missile hypersonique Kinjhal 1 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
Avec le missile hypersonique aéroporté Kinzhal, la Russie peut frapper n’importe quelle cible à l’est de Paris d’une frappe conventionnelle lourde

Des travaux de recherche ont été lancés en France dans ce domaine, sous l’égide notamment de l’ONERA et de la DGA, mais ceux-ci sont destinés au missile ASN3G appelé à remplacer le missile ASMPA qui équipe les 2 escadrons de la composante aérienne de la dissuasion, avec une entrée en service postérieure à 2030. Le Futur Missile Anti-Navire / Futur Missile de Croisière est également donné pour pouvoir potentiellement évoluer en régime hypersonique bas, mais les informations à ce sujet sont contradictoires, et le programme reste menacé par la conclusion du Brexit en cours.

En tout état de cause, l’absence de missiles hypersoniques, qu’ils soient à charge conventionnelle ou nucléaire, privera la France, donc l’Europe, de capacités de riposte, donc de dissuasion, face à la Russie, et renforcera la dépendance des européens vis-à-vis des Etats-Unis qui, eux, disposeront de tels systèmes d’arme.

2- Le drone de combat furtif

Alors que la France, avec le soutien de plusieurs pays européens, avait développé un des démonstrateurs de drone de combat furtif les plus avancés en 2012 avec le Neuron, c’est aujourd’hui la Russie avec l’Okhotnik-B, la Chine avec le Sharp Sword, et les Etats-Unis avec le Valkyrie et le X47, qui font la course en tête dans ce domaine. Avec l’abandon du programme de drone de combat FCAS franco-britannique, et le lancement du programme franco-allemand SCAF, les ambitions françaises de disposer d’un drone de combat furtif à horizon 2030 se sont évanouies. Pourtant, l’appareil était jugé indispensable par l’Armée de l’Air il y a encore peu afin d’être en mesure de faire face aux exigences et aux enjeux du combat aérien moderne, notamment dans l’élimination les systèmes de défense anti-aériens et de déni d’accès les plus modernes, de sorte à libérer les espaces indispensables pour que puissent évoluer les Rafale, et les Mirage 2000.

LUCAV Su70 Okhotnik lors des essais au sol Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
L’Okhotnik-B entrera en service en 2025

En outre, les armées russes, chinoises et américaines vont acquérir, pendant plus de 15 années précédant l’entrée en service du SCAF et des Remote Carrier, un savoir faire qui fera défaut aux forces aériennes et aéronavales françaises dans le domaine de la coopération avec les drones de combat, handicapant pour longtemps l’efficacité même de l’arme aérienne tricolore.

3- Le Véhicule blindé chenillé

L’Armée de terre française est à l’aube d’une phase de modernisation majeure, avec l’entrée en service des véhicules du programme SCORPION, à savoir le char léger EBRC Jaguar qui remplacera les AMX-10RC et le ERC-90, le VBMR Griffon remplaçant les VAB, le VBMR léger Serval remplaçant VAB et une partie des VBL, le CAESAR remplaçant les canons automoteurs AuF1, et la modernisation des chars Leclerc, pour étendre leur vie opérationnelle jusqu’en 2040, date d’entrée en service du programme franco-allemand MGCS. Mais de tous les blindés qui seront en service dans l’armée française en 2030, seuls les 200 Leclerc modernisés seront équipés de chenilles, le reste des véhicules étant montés sur roues. Si les blindés sur roues disposent d’une mobilité accrue en zone urbaine ou sur sol dur, ils sont rapidement handicapés sur terrain meuble, et notamment sur les sols souvent détrempés d’Europe centrale, théâtre probable d’un affrontement potentiel contre la Russie.

VBCI dans la boue Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
Ce VBCI français fait l’experience de la boue Lithuanienne

Non seulement manque-t-il une composante blindée chenillée aux forces terrestres françaises, mais les blindés français manquent, tout de moins aujourd’hui, de puissance de feu et de protection pour un engagement de haute intensité. Même si l’Armée de terre française privilégie traditionnellement la mobilité au blindage et à la puissance de feu, les nouveaux blindés qui entrent en service en Russie, ou en Chine, disposent de capacités d’engagement à longue distance à la fois précises et puissantes, et les nouveaux missiles anti-chars sont désormais capables d’engager des cibles très mobiles, même en cas de masquage terrain. Les blindés français, sans blindage réactif et sans systeme de protection actif, risquent fort d’être très vulnérables face à des forces lourdement armées, et mieux protégées.

4- La Corvette polyvalente

Si toutes les armées françaises font face à un problème de format trop restreint, la flotte de surface combattante de la Marine Nationale est probablement celle qui a vu ses forces vives les plus sévèrement entamées ces 30 dernières années, passant d’un flotte de 37 bâtiments de surface combattant en 1990 à 15 en 2019. La principale raison de cette atrophie capacitaire repose sur le retrait des avisos escorteurs, 17 unités en 1990, sans commande d’une nouvelle flotte de corvettes, destinées à reprendre les multiples missions qu’effectuaient ces escorteurs légers, allant de la lutte anti-sous-marine à la lutte de surface, en passant par les missions d’escorte, d’appuie feu, de souveraineté, de lutte anti-piraterie. En conséquence, ce sont aujourd’hui des frégates, des bâtiments lourds, couteux, et destinés à être employés pour des missions plus intenses, qui doivent effectuer ces taches.

Illustration de la corvette Gowind 2500 de Naval Group acquise par lEgypte et les EAU 1 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
Une flotte de corvettes polyvalentes renforcerait considérablement la puissance effective de la flotte de surface de la Marine Nationale à moindre prix

Non seulement une flottille de corvettes polyvalentes libérerait les frégates de ces missions secondaires, mais elle permettrait de sensiblement renforcer les capacités défensives des espaces maritimes français, en métropole comme outre-mer, et ce dans l’ensemble des domaines, alors que les « Frégates de Surveillance » de la classe Floréal n’ont aucune capacité anti-sous-marine comme anti-aérienne, et ne disposent que de capacités anti-navires limitées.

5- L’Hélicoptère lourd

Contrairement aux forces américaines, russes, ou chinoises, mais également allemandes, britanniques, espagnoles ou néerlandaises, les forces françaises ne disposent pas d’hélicoptères lourds pour renforcer leur aéromobilité. Ce déficit est à ce point critique que même sur des théâtres de moindre intensité, comme au Mali, les armées françaises doivent faire appels à leurs alliés pour fournir les hélicoptères lourds, en l’occurence des CH-47 Chinook, et soutenir les opérations de l’opération Chammal.

CH47 neerlandais Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
La France est la seule armée majeure qui ne dispose d’aucun hélicoptère lourd dans ses forces

Non seulement les hélicoptères lourds permettent-ils de déplacer des forces plus importantes, mais ils peuvent également transporter des charges très importantes, comme des pièces d’artillerie, des blindés, du ravitaillement, bien au delà de ce que peuvent faire des hélicoptères de manoeuvre comme le Puma ou le NH90.

Conclusion

Ce type d’article comporte toujours une part d’arbitraire, et n’est, naturellement, pas exempt de critiques. Il est ainsi facile de pointer du doigt des déficits sans tenir comptes des domaines d’excellence des forces françaises, trop nombreux pour être cités. Il n’empêche qu’aujourd’hui, la France entame une phase de son histoire qui sera caractérisée par un déclassement progressif de ses forces armées et de ses technologies de Défense, du fait de l’absence de quelques équipements technologiques clés, qui tendront à sensiblement affaiblir les capacités d’engagement et de dissuasion du pays.

Cet article n’a pas vocation à jeter l’opprobre sur des arbitrages passés, mais d’entamer une réflexion sur la position que veut avoir la France sur l’échiquier mondial de demain, et sur sa capacité, à moyen terme, à assurer la protection effective de ses concitoyens et de son territoire, face à des pays qui, eux, n’hésitent pas à developper des technologies de rupture apportant des avantages militaires importants dans des délais relativement courts. De fait, la planification militaire actuelle, et les paradigmes ayant sous-tendu sa conception, ne sont-ils pas déconnectés des réalités militaires qui se dessinent à partir de 2025 ?

Lorsque l’on sait que l’investissement dans l’industrie de Défense nationale est potentiellement un investissement économiquement et socialement viable et auto-porteur pour le budget de l’Etat, comment peut-on justifier l’absence de réaction aux annonces qui se multiplient chez nos adversaires potentiels comme chez nos certains de nos alliés, concernant des programmes d’équipements de Défense susceptibles d’entamer un profond déclassement de la France sur la scène internationale, comme d’engager la sécurité du pays, de ses citoyens, et de ses alliés proches ?

La Chine développe un drone-cible furtif pour s’entrainer à combattre le F35

Parmi les raisons qui expliquent la montée en puissance aussi soudaine que massive, des forces militaires chinoises et russes, l’une des principales repose sur l’identification claire de l’adversaire à combattre, à savoir les forces aéronavales américaines et alliés dans le pacifique pour la Chine, et l’OTAN pour la Russie. Contrairement aux doctrines occidentales souvent très vagues tergiversant avec la désignation des adversaires potentiels, les deux pays ont, depuis plus d’une dizaine d’années, fait évoluer leur outil militaire, et orienter leurs investissements, dans cet unique objectif, partant du principe que celui qui peut défier l’Amérique et ses alliés, peut prendre l’avantage sur n’importe quel adversaire autre.

Et parmi les équipements représentatifs de la puissance militaire et aéronavale US dans les années et décennies à venir, le F35 apparait comme le plus emblématique, avec le système Patriot et les super-porte-avions de la classe Nimitz et Ford. En outre, l’appareil a été acquis par le Japon, l’Australie et la Corée du Sud, et représentera donc une part significative des forces aériennes mobilisables par l’alliance occidentale dans le Pacifique.

Il apparait donc indispensable pour Pekin d’être en mesure de détecter ces aéronefs, et de disposer des moyens pour les neutraliser, privant ainsi les forces adverses d’une part significative de leur puissance de feu. Plusieurs programmes sont développés en ce sens, reposant sur des radars passifs et des radars basse fréquence, ainsi que sur des capacités d’engagement multi statiques, tant pour les bâtiments de la Marine chinoise spécialisés dans La Défense anti-aérienne comme les destroyers Type 052D et Type 055, que les systèmes de détection et de défense aérienne terrestre et les forces aériennes, avec notamment l’utilisation d’avions d’alerte aérienne avancée employant des radars en bande UHF/VHF.

kj 600 image06 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
L’AEW KJ-600 qui équipera les porte-avions chinois emploie un radar basse fréquence efficace contre les avions furtifs

C’est également pour cela que les autorités militaires chinoises ont commandé le developpement d’un drone cible dont les performances et l’empreinte radar sont comparables (selon eux), à celles du F35. L’objectif est évidemment d’entrainer les personnels, d’évaluer l’efficacité des outils, et d’améliorer les doctrines pour faire face à ces appareils. Ce drone, qui devrait entrer en service prochainement au sein de l’APL, a été présenté lors du salon MAKS2019 se tenant cette semaine prés de Moscou. Le LJ-1, puisque c’est son nom, est un drone subsonique de 4,7 m de long pour 2,5 m d’envergure, et peut être déployer en formation, pour simuler des conditions opérationnelles proche de la réalité. Il emporte, en outre, des systèmes de détection de tir, de brouillage et des leurres comme un avion de combat.

Contrairement à l’utilisation d’avions de combat furtifs comme le J-20, l’emploi d’un drone permet de mener des entrainements plus réalistes, allant jusqu’à la destruction de la cible avec un tir réel, ce qui permettra non seulement d’évaluer les procédures, mais l’efficacité réelles des materiels, et notamment des missiles, face à ce type d’appareil.

« Celui qui transpire plus en temps paix, saignera moins en temps de guerre » disait Sun Tzu. Une chose est certaine, les chinois sont prés à beaucoup transpirer …

Le Drone de combat furtif S70 Okhotnik-B entrera en service à partir de 2025

A l’occasion du salon MAKS-2019, le vice-premier ministre russe, Yuri Borisov, a déclaré à l’agence TASS que le premiers exemplaires de série du drone de combat furtif lourd S70 Okhontik-B entreront en service à partir de 2025 dans les forces russes. D’autre part, une phase de test en vol soutenue aura lieu de 2023 à 2024, avec notamment les modifications destinées à l’emport et l’utilisation des différents équipements et armements que le drone devrait mettre en oeuvre.

Parallèlement, on apprend que le futur drone de combat lourd russe pourra être utilisé selon 3 modes :

  • un mode entièrement controlé par un pilote utilisant la liaison satellite à l’instar de nombreux UCAV actuels
  • un mode entièrement automatisé, le drone effectuant un vol pré-déterminé suivant un plan de vol défini, mais employant une IA embarquée pour faire les adaptations opérationnelles nécessaires. Il est précisé cependant que la décision d’engagement ne sera pas déléguée à l’Intelligence artificielle, et qu’elle restera soumise à la décision humaine.
  • Un mode mixte, dans lequel le drone pourrait être controlé en partie par un appareil de combat, comme le Su-57.

Il est interessant de constater que, selon les déclarations faites à ce jour, les ingénieurs russes ne semblent pas évoluer vers la notion de Loyal Wingman, comme le programme éponyme de l’US Air Force, mais que cette approche restera possible via le mode mixte. De même, l’Okhotnik semble destiné à un spectre de missions bien plus important que les « Remote Carriers » du programme SCAF.

Bien que destiné à être déployé dans les zones à risque élevé en lieu et place des appareils pilotés, l’Okhotnik n’entre pas dans la catégorie des drones à attrition acceptable, direction vers laquelle semble se diriger le programme franco-allemand, ainsi que le programme Valkyrie outre Atlantique.

La drone de combat Neuron lors dun vol dessais avec un Rafale 1 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
La France dispose d’un savoir-faire important mais non exploité concernant les UCAV furtifs grâce au programme NEURON qui aura couté presque 500 m€

Au contraire, par sa taille, sa masse de 20 tonnes, ses capacités d’emport étendues et son prix probablement élevé selon les standards russes, l’Okhotnik-B entre dans une catégorie de drones de combat comparable à celle du X47 américain ou du Neuron de Dassault. C’est également l’axe retenu par plusieurs programmes de drones de combat chinois.

On peut se demander, sachant que la France et ses partenaires ont acquis un savoir-faire très important autour du programme Neuron et des presque 500 m€ investis, pourquoi le pays ne développe pas son propre drone de combat, capable de renforcer la flotte de Rafale et Mirage 2000 dans le haut du spectre opérationnel, notamment pour l’élimination des sites anti-aériens et des batteries de missiles tactiques, dans l’attente de l’entrée en service du SCAF ?

Airbus Hélicoptères soutient son Tigre en Australie

Airbus Helicopter n’est pas résolu à jeter l’éponge concernant la flotte d’hélicoptères Tigre en service dans les forces armées australiennes. Pour rappel, ces dernières ont émis une demande de cotation pour un hélicoptère de reconnaissance et d’attaque en remplacement de ses Tigre acquis en 2001, et dont la mise en oeuvre a été, au dire de Melbourne, très problématique.

Et le constructeur européen ne se contente pas de répondre à la requête australienne, et ce malgré la mauvaise image de l’appareil sur place. Il présente une offre extrêmement offensive, avec à la clé une économie de 3 Md$ australiens, soit 1,8 Md€, pour le budget des armées. En cause, l’abaissement de 30% du prix de l’heure de vol de l’hélicoptère européen, qui bénéficie des programmes de modernisation des flottes françaises, allemandes et espagnoles.

Comme beaucoup de projet à cheval sur la fin de l’Union Soviétique, le programme Tigre a subit de plein fouet les réductions budgétaires liés à la doctrine des bénéficies de la paix. En conséquence, le nombre d’appareil à produire pour les 3 partenaires du programme à été divisé par 3, avec un parc de moins de 160 appareils construits pour les 3 armées européennes, contre plus de 500 initialement prévu. La France ramena ainsi son parc de 215 à 67 appareils commandés. Et naturellement, cette baisse entraina l’explosion des couts de fabrication, le prix de l’appareil passant de 20 à 30 M€ pour la version HAP française par exemple. Les couts de maintenance suivirent la même trajectoire, et des tensions importantes apparurent sur l’approvisionnement en pièces détachées en Europe comme en Australie, seul client export de l’appareil, qui met en oeuvre une flotte de 22 Tigre au standard ARH.

Tigre HAD face MinDef Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
L’ALAT procède à la transformation de ses tigres au standard Appuis Destruction, notamment capable de mettre en oeuvre des missiles antichars Hellfire

Le retour des tensions internationales et l’augmentation des risques de conflits de moyenne à haute intensité entraina des prises de conscience en Europe, et les pays membres du programme entamèrent des réflexions pour améliorer la disponibilité et pour moderniser la flotte de Tigre, appareil qui par ailleurs se montra extrêmement efficace lors des opérations exterieures françaises et allemandes, au point d’être désormais considéré comme un atout indispensable par l’Etat-Major de l’Armée de terre, qui verrait d’un bon oeil sa flotte être étendue de quelques dizaines d’unités, pour faire face à la pression opérationnelle à laquelle elle est exposée.

En 2018, la Ministre des Armées Florence Parly annonça le début des travaux en vu de passer les hélicoptères tigres au standard Mk III, disposant d’une nouvelle avionique, de moteurs aux performances renforcées, et de la capacité de mettre en oeuvre un nouveau missile anti-char à longue portée, dont le modèle n’a cependant pas encore été pour l’heure déterminé. Il disposera également de capacités d’engagement coopératif renforcées, notamment avec les drones et les unités terrestres. Ainsi paré, le tigre pourra rester en service jusqu’en 2040.

Reste qu’il faudra des trésors de persuasion aux équipes commerciales d’Airbus Hélicoptères pour convaincre l’Armée royale australienne de conserver sa flotte, tant l’image de l’appareil est détériorée dans ce pays, et que cela ne pourra probablement passer que par des engagements fermes en matière de disponibilité, ainsi que par l’implication des états partenaires.

Les pays occidentaux doivent-ils se préparer au « jour d’après » d’une attaque cyber massive ?

Dans un article publié sur le site Defenseone.com, le docteur Samantha F. Ravish, titulaire de la Chaire Cyber et Innovation technologique de la Fondation Défense et Démocratie, appelle à la création urgente d’un plan de reprise de l’activité économique et sociale des Etats-Unis, dans le cas d’une attaque cyber massive, se référant au plan « The Day After » que le Pentagone développa durant le guerre froide dans le cas d’une attaque nucléaire sur l’ensemble du territoire américain.

En effet, de nombreux faisceaux pointent aujourd’hui les capacités grandissantes et, désormais suffisantes, de pays comme la Chine ou la Russie, pour mener des opérations cyber globales contre les Etats-Unis, susceptibles d’anéantir, pour un temps, une grande partie des réseaux de communication, des réseaux bancaires, ainsi que des grilles d’alimentation électrique. Selon la chercheuse, il faut désormais admettre que ces pays, et peut-être d’autres, sont aujourd’hui capables de mener de telles opérations contre les Etats-Unis et leurs alliés, et qu’au delà des mesures de protection indispensables, il faut créer un plan de reprise d’activité, pour minimiser les effets négatifs d’une telle attaque le cas échéant.

Scene demeutes 1 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
Il ne faudra que quelques jours pour qu’apparaisse des scènes d’émeute et de pillage suite à une attaque cyber massive

En effet, la résilience de la population civile est, en règle générale, la grande absente des documents encadrant les politiques de Défense occidentales. Selon les estimations, et selon les pays, l’absence de réseaux de communication et d’alimentation électrique entrainera les premiers mouvements de foules entre quelques heures et quelques jours, avant de rapidement se transformer en émeutes urbaines, exodes massifs, pillages … Les grandes villes sont les plus vulnérables, leur alimentation en nourriture étant gérée en flux tendu, et les réserves de nourritures personnelles non périssables n’étant plus, aujourd’hui, une priorité des foyers. Les hôpitaux seront également très menacés, mêmes s’ils disposent désormais d’une alimentation électrique indépendante permettant de maintenir les soins pendant quelques jours. En revanche, les médicaments, comme la présence des personnels soignants, deviendront rapidement un problème. La dématérialisation des paiements, et la diminution des réserves d’argent liquide poseront également rapidement d’importantes tensions, comme la pénurie de carburants. Force est de constater, la résilience des citoyens, des foyers et des villes sont aujourd’hui très problématiques, que ce soit face à une attaque militaire ou cyber.

Cette vulnérabilité n’a pas échappée, en revanche, à d’autres pays. En 2017, Vladimir Poutine lança un plan visant à renforcer la résilience globale de la population et de l’économie russe, face à différents types d’attaques, qu’elles soient cyber, conventionnelles ou nucléaires. Les services publiques, les Oblasts et les villes, ont été appelées à préparer des procédures en cas de catastrophes, et à sensibiliser la population, mise au coeur de cette stratégie. Les russes ont ainsi été appelés à toujours disposer, chez eux, de réserves de nourriture pour une semaine, de bougies, de piles, d’eau, et des différents équipements indispensables à leur survie sur cette durée. Les entreprises ont été appelées à être capable de travailler en « économie de guerre », avec des circuits courts et des approvisionnements locaux.

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En France, c’est l’Agence nationale de la Sécurité des systèmes d’information qui est en charge de la protection des infrastructures critiques face aux attaques cyber

Quand à l’Etat Russe, il a prit des mesures pour être en capacité de déconnecter le réseau internet intérieur russe du réseau mondial. Les ordinateurs des services publics et de sécurité sont, par ailleurs migrés vers des équipements nationaux, disposant sur un système d’exploitation propre moins exposé aux virus que ne peuvent l’être des OS commerciaux. Enfin, la résilience citoyenne est largement abordée et mise en avant, que ce soit dans les écoles, comme dans de nombreux programmes télévisés. Les autorités chinoises ont également mis en place des procédures et des plans similaires, s’appuyant eux aussi sur une population plus sensible à ces risques que nombre d’occidentaux.

Car, et au delà de l’appel lancé par Samantha F. Ravish pour la mise en oeuvre de solutions technologiques à une éventuelle attaque cyber, c’est bien, et avant tout, la très faible résilience des populations occidentales qui constitue aujourd’hui la plus grande menace, et la plus grande faiblesse, de nos pays. La dissuasion nucléaire n’aura que bien peu d’importance si, au bout de quelques jours suivant une attaque cyber, la moitié de la population est affamée, et l’autre moitié a pris les armes…

Il est donc nécessaire, et urgent aux vues des menaces avérées, d’engager une réflexion sur les mesures à mettre en oeuvre pour sensibiliser la population française comme européenne face à ces menaces, et de provoquer une prise de conscience massive de celle-ci vis-à-vis des évolutions en cours en matière de sécurité internationale, et de ses conséquences. Prise de conscience qui, à ce titre, ne pourra que bénéficier à l’effort de Défense du pays, et donc à la résilience globale du pays face aux enjeux sécuritaires à venir.

Washington multiplierait les pressions pour prévenir l’acquisition de systèmes de Défense russe

Le Monde serait-il sur le point de se diviser à nouveau en deux blocs hostiles et antagonistes, comme durant la guerre froide ? Ce scénario, que l’on pensait relégué sur les étagères des livres d’histoire il n’y a de cela que quelques années, revient aujourd’hui au premier plan, et l’un des principaux architectes de cette bipolarité ne semble être autre que les Etats-Unis.

En effet, depuis l’adoption de la loi CAATSA, destiné à permettre la mise en oeuvre de sanctions économiques contre les dirigeants et les pays qui se porteraient acquéreurs de systèmes de défense fabriqués par des ‘adversaires’ des Etats-Unis, Washington a à plusieurs reprises menacé, plus ou moins directement, des pays qui envisageaient d’acquérir des équipements en Russie, parfois sans grande logique. Parmi ces pays, nous pouvons citer la Turquie et l’Inde pour l’acquisition de S400, ainsi que l’Egypte et l’Indonésie pour l’acquisition de Su35. Et selon le Ministère des affaires étrangères russe, plusieurs pays africains auraient eux aussi fait l’objet de pressions et de menaces de la part de Washington, alors qu’ils envisageaient d’acquérir des équipements militaires en Russie. Il ne faut certes pas prendre pour argent comptant les déclarations de ce type, mais les exemples entourant ce dossier renforcent évidemment leurs crédibilités.

Batterie du systeme S400 mise en oeuvre par les forces russes composee de 2 lanceurs et dun radar Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
Le Système anti-aérien S400 est une des cibles prioritaires de la législation CAATSA

Cette politique du « avec nous ou contre nous », semble porter des résultats bien peu convaincants, puisque aucun des pays effectivement « menacés » n’a fait de reculade franche jusqu’à présent, hormis l’Indonésie qui a mis en suspend un moment son projet d’acquisition de Su35 afin d’évaluer les conséquences possibles des menaces américaines. Au contraire, dans le cas de l’Inde, comme de la Turquie et de l’Egypte, il semble qu’elles aient eu des effets inverses, en renforçants les échanges de Défense avec Moscou.

Talwar fregate Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
L’Inde a commandé 4 frégate Grigorovich à la Russie malgré les menaces US

Ainsi, alors que les relations entre New Delhi et Moscou étaient loin d’être au plus haut en 2017, elles sont désormais fleurissantes, le pays s’étant porter acquéreur de 4 frégates russes, de plusieurs lots de missiles de différents types, et souhaiter commander des appareils Mig29 et Su30MKI supplémentaires. Même la coopération au sujet du futur chasseur lourd indien dérivé du Su57 semble redevenir d’actualité, et ce malgré la fin tonitruante du programme il y a deux ans seulement. Le Caire, de son coté, a annoncé des contrats concernant les hélicoptères de combat Ka-52, des chars T90 et s’intéresserait au Su35. Le cas de la Turquie est encore plus signifiant, et a été largement abordé dans nos articles. On remarque également qu’en dépit de l’entrée en service du CAATSA, le volumes des exportations des équipements de Défense de la Russie reste stable, autour de 15 Md$ par an. A ce titre, Moscou se prépare à mettre en oeuvre une politique qui permettra de limiter les effets potentiel du CAATSA pour ses clients potentiels.

De fait, on peut s’interroger sur les intérêts de mener une politique aussi clivante pour Washington, au risque d’accélérer la formation de deux blocs antagonistes, loin du multi-lateralisme qui présida à la politique internationale mondiale depuis la fin de la guerre froide. Loin de prévenir l’émergence d’un bloc autour du couple sino-russe, l’intransigeance US ne serait-elle pas, en fait, en train de l’accélérer, et d’en renforcer la puissance et l’attractivité internationale ?

Le Président Turc attendra l’arbitrage final de Washington pour entamer les discussions autour du Su-57

Interrogé sur sa visite à Moscou lors du salon MAKS2019, et sur l’intérêt de la Turquie pour le Su57e et le Su35, le président turc R.T Erdogan a précisé qu’il attendait l’arbitrage définitif de Washington quand à la participation ou l’exclusion définitive d’Ankara du programme F35, et l’annulation des livraisons des quelques 100 appareils commandés, pour ouvrir des négociations officielles avec Moscou au sujet du Su57 et du Su35. Comme nous l’indiquions hier, le président Erdogan tente, semble-t-il, de faire pression sur les autorités américaines pour revenir sur leur décision, en agitant une alternative bien peu satisfaisante pour l’OTAN et la géopolitique du bassin méditerranéen.

Le message a d’ailleurs parfaitement été perçu outre atlantique puisque le Secrétaire à La Défense, Mark Esper a tenu à préciser les conditions qui, selon Washington, permettraient la réintégration de la Turquie au sein du programme F35, à savoir le retrait des S-400 du sol national turc. Et de préciser que la mise sous cocon, et toute autre réponse non définitive de ce type, ne seraient pas recevables par les autorités américaines, qui font de la règle F35 ou S400, une règle ferme.

Il est toutefois très improbable qu’Ankara réponde favorablement aux exigences de Washington. En effet, accepter ces conditions apparaitrait comme une reculade majeure du président Turc face aux menaces américaines, ce qui reviendrait à un suicide politique pour le président turc, qui a fait du retour de son pays au premier plan de la scène internationale, un des points clés de sa politique extérieure.

Antonov 124 livraison S400 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Politique de Défense
La livraison de la seconde batterie de S400 à la Turquie par la Russie a été entamée cette semaine

En mettant la décision de l’administration Trump au coeur de la décision présidentielle turque, le président Erdogan se décharge également d’une partie des responsabilités concernant les conséquences probables de l’acquisition de Su57 et Su35 par la Turquie, à savoir la très probable sortie de l’OTAN du pays. Il met également en lumière l’unilatéralisme des relations américano-turques ces dernières décennies, et la façon dont les Etats-Unis estiment pouvoir dicter des décisions souveraines d’un pays. Dans le même temps, il indique à Moscou qu’Ankara ne doit pas être considéré comme un pays aligné ou satellite, et qu’il entend conserver son indépendance de décision, quelque soit les relations ultérieures entre les deux pays, et notamment dans le cas d’un rapprochement de leurs industries de Défense.

Loin de subir, le président Turc semble donc maitriser son environnement, en partie tout du moins. En effet, si les conséquences d’une sortie de l’OTAN sur le plan diplomatique semble d’ores-et-déjà anticipées, les conséquences économiques, notamment si le pays fait l’objet de mesures agressives de la part des Etats-Unis, seraient beaucoup plus délicates à traiter, d’autant que dans ce domaine, la Russie ne pourrait guère être d’un quelconque soutien. Les informations qui atteignent le domaine publique ne représentent évidemment qu’une part infime de la réalité des négociations en cours. Gardons nous bien, dans ces conditions, de trop de certitudes de ce que sera l’avenir de ce dossier, comme du futur alignement de la Turquie sur la scène internationale.