On le sait, les exportations d’armement représentent un enjeu stratégique pour la France. Elles permettent, en effet, de maintenir, sur le sol français, un savoir-faire industriel et technologique global, là où les commandes nationales ne suffiraient pas, contrairement aux États-Unis, à la Russie et à la Chine.
En outre, ces exportations permettent d’accroitre la soutenabilité de l’effort de défense français, en générant des recettes fiscales et sociales venant plus qu’atténuer les effets des hausses du budget des armées enregistrées depuis 2018.
De fait, les récents succès enregistrés, ces dernières années, par le chasseur Rafale, le canon porté Caesar, ou encore le sous-marin Scorpène, confortent la pérennité de cette capacité industrielle française, plus que jamais indispensable dans le contexte sécuritaire dégradé en Europe, et dans le monde.
Mais ces succès ont eu, également, un effet presque inattendu. En effet, selon le dernier panel publié par l’organisme suédois SIPRI, la France aurait ravi, sur la période 2019-2023, la seconde place mondiale en matière d’exportation de défense. Il s’agit d’un incontestable succès pour la France, tout autant d’un échec pour la Russie, qui a fait de son industrie de défense, le pilier de sa transformation économique.
Sommaire
Une chute historique des exportations d’armement russes ces 5 dernières années
En dépit de l’effondrement du bloc soviétique, la Russie parvint, à partir de 1995, à conserver le second rang mondial, concernant les exportations d’équipements de défense. Pour Moscou, ces exportations constituaient tant une source notable de devises, qu’une activité industrielle majeure, employant plus d’un million de salariés dans le pays, soit la plus importante activité du pays, en dehors de l’extraction et la transformation d’hydrocarbures.
Symbole des difficultés rencontrées par la Russie ces dernières années sur le marché des exportations d’armement, seule la Chine a acheté le Su-35 russe à ce jour.
Pourtant, ces 5 dernières années, ces exportations russes ont dramatiquement chuté, passant de 21 % du total des exportations d’armes dans le monde sur la période 2014-2018, à seulement 11 % sur 2019-2023, selon l’organisme Sipri.
Plusieurs facteurs sont venus dégrader les exportations russes. D’abord, à partir de février 2022, et l’entame de l’opération spéciale militaire en Ukraine, Moscou a concentré la presque totalité de ses capacités industrielles en soutien de ses armées, réduisant au strict minimum ses exportations.
Par ailleurs, depuis 2019, les exportations russes ont été lourdement handicapées par la menace de la législation CAATSA américaine, menaçant de sanctions sévères les clients de l’industrie de défense russe, concernant certains équipements majeurs. Enfin, l’attractivité des équipements russes a souffert, ces dernières années, de la comparaison, en performances, avec les armements occidentaux, pourtant bien plus chers.
Une seconde place consolidée de la France, face à une industrie de défense russe handicapée sur la scène internationale
Dans le même temps, la France a connu une période faste concernant les exportations de ses armements, tractées par les excellents résultats du chasseur Rafale, du canon Caesar ainsi que du sous-marin Scorpene, sur la scène internationale.
Le sous-marin Scorpene a représenté un des piliers des exportations françaises d’armement de 2019 à 2023, en particulier au Brésil et en Inde.
Surtout, tout indique que la dynamique française, n’est pas encore arrivée à son apogée. En effet, dans les années à venir, les livraisons de ces systèmes, mais également d’autres succès comme dans le domaine de la guerre des mines navales, dans celui des blindés sur roues, des missiles ou encore des hélicoptères, devraient encore croitre, sur la base des commandes signées ces trois dernières années.
De fait, tout porte à penser que la seconde place de la France, en matière d’exportations d’arme, est destinée à perdurer encore plusieurs années, d’autant qu’en dehors de la Russie, qui se place juste dernière elle, avec là aussi 11 % du marché global, la Chine, 4ᵉ, et l’Allemagne, 5ᵉ, n’affichent que 5,8 et 5,6% respectivement, du marché mondial.
En revanche, une fois la guerre en Ukraine terminée, si tant est que la Russie conserve sa trajectoire et son industrie de défense, elle pourrait, rapidement, reprendre des parts de marchés significatives, en lien avec les rapides progrès réalisés par son indsutrie de défense en Ukraine.
Les États-Unis survolent les exportations mondiales d’équipements de défense
Si la France a ravi à la Russie, de peu, il est vrai, la seconde place mondiale d’exportateur d’équipements de défense, la première place demeure, plus que jamais, aux mains des États-Unis.
Le F-35 est le meilleur pourvoyuer de succés de l’indsutrie américaine de défense sur la scène internationale, en particulier en Europe.
Ceux-ci ont, en effet, assuré près de 42 % des exportations mondiales d’équipements de défense, sur la période 2014-2018, une progression de 17 %, en comparaison des 34 % de la période précédente.
Comme pour la France, la position dominante des États-Unis s’inscrit dans une dynamique positive, alors que de nombreux contrats ont été signés, entre 2021 et 2023, en particulier pour ce qui concerne la livraison d’avions de combat, d’hélicoptères, de blindés et de missiles, spécialement vers les Européens.
Ces contrats entreront en livraison dans les années à venir, garantissant aux industriels américains une position super-dominante pendant encore de nombreuses années, et ce, même si Donald Trump venait à s’imposer lors des prochaines élections présidentielles, et à prendre des positions bien plus conservatoires concernant le rôle des États-Unis dans la défense européenne.
À ce titre, le panel SIPRI de cette année, n’a pas encore pris en compte les effets des commandes européennes de ces dernières années, en particulier vers les États-Unis, avec plus de 200 F-35 commandés ces trois dernières années, ou à commander dans les mois à venir, ainsi que celui des blindés, des hélicoptères de combat et des missiles.
Ainsi, si, pour la période 2019-2023, seuls deux pays européens apparaissent dans le TOP 15 des importateurs d’armes, l’Ukraine et la Grande-Bretagne, il ne fait aucun doute que d’ici à deux ou trois ans, le nombre de pays européens présents dans cette liste sera beaucoup plus élevé, avec la Pologne (Abrams, K2, K9, K239, Himars, CAMM, Arrowhead 140, F/A-50, AH-64…), la Roumanie, la Finlande, ou encore l’Allemagne.
La progression rapide de l’Italie, de la Corée du Sud et de la Turquie
En dehors des États-Unis et de la France, plusieurs pays ont connu une très importante hausse de leurs exportations de défense sur la période considérée. C’est en particulier le cas de l’Italie, passée de la 9ᵉ à la 6ᵉ place, et surtout de 2,2 à 4,3 % du total des exportations mondiales, soit une hausse de 86 %.
l’Italien Finantieri a signé plusieurs contrats majeurs ces dernières années, en particulier au Qatar, en indonésie et aux Etats-unis.
Rome s’est, en effet, imposé lors de plusieurs compétitions mondiales ces dernières années, en particulier dans le domaine naval, avec les contrats qataris et américains (frégates, Constellation), ainsi que dans le domaine des hélicoptères militaires. De nombreux nouveaux contrats ont, par ailleurs, été signés, garantissant une dynamique positive à l’industrie de défense italienne.
La Corée du Sud a vu également ses exportations croitre, mais de manière mesurée, passant de 1,7 à 2.0 % des exportations globales. Toutefois, les succès enregistrés en Pologne, en Égypte, en Australie ou encore en Roumanie, concernant ses blindés, laisse supposer que ces exportations croitront encore massivement dans les années à venir.
Le champion de la croissance des équipements de défense, sur la période, est indiscutablement la Turquie, passée de 0,6 % à 1,7 % sur les deux périodes successives, soit une hausse de 106 %.
Comme Paris, Rome et Séoul, Ankara a enregistré d’autres succès récents, en particulier dans le domaine des drones. Toutefois, en matière de progression relative, on peut s’attendre à une croissance moindre de la part de la Turquie, vis-à-vis de l’Italie ou de la Corée du Sud.
Conclusion
Reste que le panel, publié cette semaine par SIPRI, ne donne pas le pouls des évolutions constatées, ces deux dernières années, s’agissant de la production et l’exportation d’équipements de défense. Ne se basant que sur les équipements livrés et facturés, il offre, nécessairement, une vision assez datée, bien qu’utile et probablement assez juste, portant sur une période passée de 5 à 10 ans.
La periode 2019-2023 du rapprot SIPRI 2024, ne reflete pas encore les nombreux succès de l’indsutrie de défense sud-coréenne, en particulier en Europe (Pologne et Roumanie)
Il faudra donc observer, dans les années à venir, les annonces de prises de commande, plutôt que la facturation, pour anticiper la recomposition en cours du marché mondial de l’armement, avec la montée en puissance de certains acteurs (Turquie, Corée du Sud, Israël…), la consolidation d’autres (France, Allemagne, Grande-Bretagne et Italie) et l’évolution incertaine de la Russie et de la Chine.
Quoi qu’il en soit, alors que la France peine à financer l’augmentation de son effort de défense, les recettes générées par son industrie de défense, renforcée de ses succès à l’exportation, devraient donner, aux autorités du pays, matière à faire évoluer leur perception du sujet, et donc l’intérêt économique, technologique et politique, à soutenir les investissements dans ce domaine.
De 2000 à 2023, Dassault Aviation a livré 164 chasseurs Rafale aux forces aériennes françaises, ainsi que 102 appareils à l’exportation, soit une moyenne de 11,2 chasseurs par an, sans jamais passer sous le plancher de 11 appareils produits chaque année, indispensable pour maintenir la chaine de production active.
C’est donc une véritable révolution capacitaire qui se prépare à Mérignac, pour la chaine d’assemblage du Rafale, comme pour l’ensemble de sa chaine de sous-traitance. Le PDG de Dassault Aviation a, en effet, annoncé que la production du fleuron de l’aéronautique militaire française, allait passer, d’ici à la fin de l’année 2024, à trois appareils par mois.
Loin des positions défensives qui visaient à préserver la ligne de production, l’avionneur français passe, par cette décision, à un niveau de production connu des seules super-puissances américaines ou chinoises pour un modèle unique, et anticipe, par là même, de nouvelles commandes à venir, afin d’amortir les investissements nécessaires, pour lui donner corps.
Sommaire
Produire 3 Rafale par mois d’ici à la fin 2024 : un effort monumental pour la Team Rafale
Le défi est de taille pour Dassault Aviation, et surtout pour l’ensemble des 500 entreprises appartenant à la Team Rafale. En effet, à la suite de la crise Covid, ainsi qu’aux conséquences de l’inflation ayant entrainé certains mouvements sociaux dans la chaine de sous-traitance du chasseur français, seuls 13 ont été effectivement livrés en 2023, sur les 15 qui étaient prévus.
La Quatar a été le second client à l’exportation du Rafale. Il a commandé, en 2015, 24 chasseurs, suivis deux ans plus tard, d’une option pour 12 chasseurs supplémentaires.
En d’autres termes, par cette annonce, Eric Trappier veut qu’en une année seulement, la production de Rafale neufs, soit triplée. Alors que beaucoup d’interrogations avaient porté sur la capacité de la chaine d’assemblage de Mérignac, pour augmenter la production au-delà de deux appareils par mois, le PDG du groupe avait indiqué, il y a quelques mois, que celle-ci pouvait croitre jusqu’à quatre, et même cinq chasseurs par mois.
Le point bloquant, concernant l’augmentation des cadences de livraison, n’est donc pas à chercher à Mérignac, mais dans cette chaine de sous-traitance, au rôle clé pour la fabrication du chasseur.
En effet, si Dassault, Thales ou Safran, les trois grands groupes qui participent au programme, n’ont pas de difficulté pour augmenter leurs cadences, et financer leur croissance, ce n’est pas le cas de l’ensemble des ETI et PME/PMI qui constitue le gros de la Supply Chain.
Celles-ci font face à d’importants déboires pour obtenir les financements requis pour se préparer à augmenter les cadences, mais aussi pour recruter le personnel nécessaire, souvent le former, alors que pendant vingt ans, les cadences de livraison du Rafale évoluaient entre 11 et 16 appareils par an.
Une partie des Rafale M de la Marine Nationale devra être retirée du service au debut de la prochaine decennie, après trente années de service éprouvantes sur porte-avions.
De fait, avant de s’engager à augmenter les cadences de construction et de livraison du Rafale, Eric Trappier a dû, préalablement, s’assurer que l’ensemble de sa Supply Chain sera effectivement prête à soutenir de telles cadences, y compris en résolvant leurs difficultés propres, dans un contexte particulièrement difficile.
Dassault Aviation anticipe de nouvelles commandes dans les mois et années à venir
Si l’augmentation des cadences de production, annoncée par le PDG de Dassault Aviation, permettra de répondre aux urgences capacitaires liées aux tensions internationales immédiates, elle représente, aussi, un pari sur l’avenir, pour l’avionneur français et l’ensemble de la Team Rafale.
En effet, avec un carnet de commande d’environ 164 appareils, passer à 36 chasseurs par an, plutôt que 24, amène l’apurement de ce carnet de commande à 2030, contre 2034 initialement. Or, la production du NGF du programme SCAF, ne devrait pas débuter, au mieux, avant 2035, et même probablement après.
Eric Trappier ayant montré qu’il était, avant tout, un dirigeant avisé et prudent dans ses choix, cette augmentation indique que Dassault anticipe, avec une marge de sécurité suffisante, la commande de 100 à 150 nouveaux chasseurs dans les mois et années à venir, permettant de faire la jonction avec l’entame de la production des NGF, mais aussi d’amortir les investissements requis pour augmenter les cadences de production de manière aussi significative.
La Marine indienne negocie l’acquisitiond e 26 Rafale M pour armer le porte-avions INS Vikrant.
La Colombie, l’inde, l’Égypte, la Serbie et l’Arabie Saoudite, sont les prospects les plus régulièrement évoqués concernant ces éventuelles commandes à venir à l’exportation. Il est aussi possible que Dassault anticipe des besoins de recapitalisation des forces aériennes françaises, que ce soit pour en étendre le format (espérons-le), remplacer les chasseurs les plus anciens comme les premiers Rafale M, ou de compenser de nouvelles ventes de chasseurs d’occasion, voire un mélange des trois.
Le Rafale F5 va donner une seconde jeunesse au chasseur français
Il est probable que l’avionneur français anticipe, aussi, les conséquences de l’arrivée du Rafale F5, prévue pour 2030, sur l’attractivité du chasseur. Si cette nouvelle version apportera d’importantes évolutions capacitaires, précipitant de plain-pied le Rafale dans la fameuse cinquième génération des avions de combat, elle marque aussi, pour la première fois, une divergence dans l’évolutivité du chasseur français.
En effet, seuls les chasseurs livrés au standard Rafale F4.2, donc produits à ce standard à partir de 2026, pourront effectivement évoluer vers ce standard F5, ceux livrés avant cette date, devant se contenter d’évolutions itératives moins significatives.
Le premier Rafale F4 français a effectué, il y a quelques jours, une prise d’alerte.
De fait, si le F5 va redonner une nouvelle jeunesse au chasseur français, le standard pourrait amener certains utilisateurs historiques du Rafale, à privilégier la vente de leur flotte de chasseurs sur le marché de l’occasion, pour s’équiper de ce nouveau standard, y compris concernant les forces aériennes françaises.
Dans le contexte de tensions extrêmes sur de nombreux théâtres, il est donc indispensable, pour Dassault, de pouvoir rapidement remplacer ces appareils vendus sur le marché de l’occasion, tout en étendant le parc installé.
Toujours pas de contrat pour la conception du drone de combat français
Concomitamment à l’annonce du standard F5, lors des débats parlementaires autour de la LPM 2024-2030, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait également annoncé la conception et la livraison, au début de la prochaine décennie, d’un drone de combat dérivé du démonstrateur Neuron, pour accompagner l’appareil.
Presque un an après, le contrat pour la conception de ce drone, pourtant indispensable au chasseur français, en particulier pour se confronter aux défenses antiaériennes adverses, n’a toutefois pas été signifié à Dassault Aviation.
Le contrat pour la conception du frone de combat qui accompagnera le Rafale F5 n’a toujours pas été signifié à Dassault Aviation.
Toutefois, si le calendrier de ce programme devait être respecté, on peut aussi supposer que Dassault pourrait avoir entrepris d’apurer plus rapidement son carnet de commande Rafale, de sorte à libérer de la capacité de production au-delà de 2030, pour fabriquer le nouveau drone, qui n’aura, de l’aveu d’Eric Trappier, guère à envier à un chasseur monomoteur classique.
Dassault toujours en pleine confiance
Qu’il s’agisse d’anticiper de nouvelles commandes directes, le remplacement d’une partie de la flotte par le nouveau standard F5, ou de libérer des moyens de production pour le futur drone de combat, il ne fait aucun doute, par l’annonce de l’augmentation massive des cadences de production du Rafale, que Dassault Aviation est en pleine confiance, concernant son marché adressable dans les dix à quinze prochaines années.
Outre les commandes à venir, dont Dassault estime qu’elles sont suffisamment crédibles pour justifier d’un tel changement de cadence, avec les risques que cela constitue pour l’activité de sa ligne de production après 2030, il est aussi probable que cette capacité étendue, permettra à l’avionneur français de proposer, lors de négociations à venir, des calendriers de production attractifs, pour s’imposer face à ses compétiteurs.
On le sait, la Marine chinoise progresse et se développe vite, et même très vite. C’est le cas pour ce qui concerne ses destroyers et frégates, ses sous-marins conventionnels et nucléaires, ou ses navires d’assaut. C’est aussi le cas de sa flotte de porte-avions.
Alors que le premier porte-avions chinois est entré en service il y a moins de 7 ans, la Marine chinoise a reçu un second navire, le premier de conception nationale, deux ans plus tard, en 2017. Le troisième porte-avions, le Fujian, a été lancé en juin 2022, et devrait très bientôt entamer ses essais à la mer, pour une entrée en service probable en 2025.
Et la dynamique ne semble pas destinée à s’atténuer. En effet, à en croire des déclarations d’officiels militaires et civils chinois, la Chine aurait déjà entamé la construction du quatrième porte-avions destiné à la Marine chinoise.
Sommaire
La construction du 4ᵉ porte-avions chinois ne rencontre pas de difficultés technologiques
C’est à l’occasion des rencontres parlementaires chinoises, un événement annuel auquel participent rarement les officiels de l’Armée Populaire de Libération, que des officiers de la Marine chinoise ont confirmé que la construction du 4ᵉ porte-avions chinois aurait déjà débuté.
Le porte-avions chinois CV-18 Fujian devrait très prochainement entamer ses essais à la mer.
À ce sujet, le commissaire politique de l’APL, Yuan Huazhi, a ajouté que la conception de ce nouveau bâtiment s’était faite sans accrocs, et sans obstacles technologiques. Et d’ajouter que la propulsion du navire, conventionnelle ou nucléaire, sera annoncée prochainement de manière officielle.
Toutefois, de nombreux experts estiment que le développement d’un porte-avions à propulsion nucléaire serait trop prématuré pour l’industrie navale chinoise, comme pour l’APL.
En effet, il semble que Pékin ne disposerait pas de chaufferies nucléaires déployant une puissance adaptée à la propulsion d’un porte-avions, un navire qui doit être capable de soutenir des vitesses très élevées, en transit, et surtout lors des manœuvres aviation.
En outre, dans les dix ou quinze années à venir, les besoins de la Marine chinoise se concentrent à l’intérieur du second cercle d’iles entourant la Mer de Chine, pour lesquels un porte-avions à propulsion conventionnelle, par ailleurs plus économique et plus rapide à concevoir et construire qu’un navire à propulsion nucléaire, suffit amplement.
Le besoin de porte-avions à propulsion nucléaire, lui, apparaitra certainement dans les années à venir, quand la Marine chinoise disposera de l’ensemble des moyens, mais également de l’expérience opérationnelle, pour soutenir des missions de projection de puissance à longue distance.
Un sistership évolué du Fujian pour la Marine chinoise ?
De fait, l’hypothèse la plus crédible, concernant ce 4ᵉ porte-avions chinois, serait qu’il s’agirait d’un sistership du Fujian, ou, plus précisément, d’une évolution de celui-ci, comme cela a été le cas du Shandong, dérivé du Liaoning, mais apportant de nombreuses évolutions pour rendre le navire plus performant.
Le porte-avions Shandong est une evolution du Liaoning, entièrement conçue et fabriquée en Chine.
Long de 316 mètres pour un maître-bau de 76 mètres (plus grande largeur), le CV-18 Fujian affiche un tonnage estimé en charge de 80 000 tonnes, ce qui en fait le plus imposant navire de guerre non américain de l’histoire.
Pour rappel, le PAN Charles de Gaulle français a une longueur de 261 m, pour un tonnage, en charge, de seulement 42 500 tonnes, là où les porte-avions britanniques de la classe Queen Elizabeth, atteignent 280 mètres de long, pour 65 000 tonnes de déplacement.
Sa taille n’est pas le seul atout du Fujian. Celui-ci dispose, en effet, de certaines caractéristiques très modernes, comme des catapultes électromagnétiques, semblables à celles qui équipent les nouveaux porte-avions américains de la classe Ford, et le futur PANG français.
Son groupe aérien embarqué sera formé de 45 à 60 appareils, et se composera de chasseurs J-15T adaptés à l’utilisation de catapultes, de chasseurs furtifs J-35, ainsi que d’avions de veille aérienne KJ-600. Des drones et hélicoptères complèteront ce GAE, lui conférant des capacités opérationnelles proches de celles des super porte-avions américains des classes Nimitz et Ford.
Les différences entre le 4ᵉ porte-avions chinois, et le Fujian, sont bien évidemment encore inconnues. Si à plusieurs reprises, les spécialistes de l’analyse photographique aérienne et spéciale, avaient identifié la possible construction du navire, il est apparu qu’il s’agissait, le plus souvent, de coques de grands navires commerciaux.
Le porte-avions Fujian va bientôt entamer ses essais à la mer
Le porte-avions Fujian, lui, a été remis à la mer, il y a quelques jours, après plusieurs semaines en bassin de radoub, après que l’essentiel des travaux a été achevé à bord du bâtiment lancé en juin 2022.
Le Fujian est équipé de 3 catapultes electromagnétiques EMALS, comparables à celles qui équipent les porte-avions américains de la classe Ford, et le futur PANG français.
Tout porte à croire, y compris la peinture du navire et le revêtement posé sur le pont d’envol, que celui-ci va très bientôt entamer sa campagne d’essais à la mer, ouvrant la voie à une probable entrée en service avant la mi-2025. Il avait, en effet, fallu à peine plus d’un an à la Marine chinoise, depuis l’entame des essais, pour prononcer l’entrée en service du Shandong, en décembre 2019.
Il est probable que cette entrée en service se fera conjointement à celle des appareils de son groupe aérien embarqué, en particulier le chasseur furtif J-35 (toujours un nom par défaut, faute de désignation officielle), et le KJ-600 de veille aérienne. Avec le chasseur bombardier lourd J-15, le Fujian disposera d’un GAE comparable à ceux des porte-avions américains, avec le F/A-18 E/F Super Hornet, le F-35C Lightning 2 et le E-2D Hawkeye.
Le porte-avions Liaoning a entamé des essais avec une maquette du chasseur furtif J-35 à son bord
À ce sujet, le porte-avions Liaoning a entrepris une campagne d’essais et de validation à la mer, après une importante période de maintenance qui aura durée plus d’une année. Le navire devrait retourner au service actif d’ici à quelques mois.
Mais il pourrait bien accueillir, à cette occasion, un nouvel appareil dans son groupe aérien embarqué. En effet, après qu’une maquette de J-35 a été observée sur le pont du Liaoning, pendant plusieurs jours, alors qu’il terminait sa phase de maintenance, il est apparu que cette maquette serait restée sur le pont du porte-avions, pour ses essais à la mer.
Le porte-avions Lianong a entamé ses essais, après une periode de maitnenance plaifiée de 1 an, embarquant à son bord une maquette de J-15 et une maquette de J-35. Il est probable que ces deux appareils formeront donc son groupe aérien ambarqué dans les mois à venir.
L’utilisation de cette maquette vise à valider les déplacements de cet aéronef sur le pont, dans les hangars et lors des transitions, à bord du porte-avions. Qu’elle soit embarquée lors des essais à la mer, confirme la grande probabilité que le chasseur furtif intégrera le groupe aérien du Liaoning dans les mois ou années à venir.
Si tel est le cas, le sistership du Liaoning, le Shandong, pourra lui aussi accueillir et mettre en œuvre le J-35, une fois qu’il aura subi une refonte intérieure, pour être en mesure d’entretenir l’appareil.
La capacité à embarquer des J-35 à bord des Liaoning et Shandong permettra d’accroître les capacités opérationnelles de ces deux porte-avions, ainsi que de former et qualifier les pilotes de l’aéronavale chinoise, sans devoir mobiliser les porte-avions Type 003, disposant d’un potentiel opérationnel bien supérieur, pour cette mission.
Reste que, dans la dynamique actuelle, la Marine chinoise aura admis au service quatre porte-avions majeurs, jaugeant tous plus de 60 000 tonnes, en à peine dix ans, le tout en apprenant à concevoir, construire, et mettre en œuvre, ce type de navire.
De fait, la dynamique en cours, laisse penser que la Marine chinoise vise, elle aussi, à se doter d’une flotte d’une douzaine de porte-avions, pour faire jeu égal, pourquoi pas dépasser, dans ce domaine aussi, avec l’US Navy, d’ici à 2045. Ce qui constituerait une première depuis le milieu des années 1930, et la montée en puissance de la flotte de porte-avions japonais.
La confrontation franco-allemande, autour du leadership supposé des initiatives européennes de défense, a-t-elle eu raison des ambitions de Thierry Breton, concernant le Programme Européen pour l’Industrie de Défense.
En effet, là où le commissaire européen espérait 100 Md€ pour relancer et renforcer l’industrie de défense européenne, et pour financer les besoins ukrainiens pour faire face à la Russie, celui-ci n’aura obtenu de l’Union européenne que 1,6 Md€, une goutte d’eau face aux défis qui doivent être traités.
On devine, derrière cette occasion ratée de l’Union européenne, au pire des moments, les miasmes de cette confrontation entre Paris et Berlin, et un veto de l’Allemagne, qui ne rencontre pas les mêmes difficultés que la France, pour financer ses ambitions européennes en matière de défense, et qui n’a aucune volonté de fournir aux français, mais aussi à d’autres, comme l’Italie, les moyens de contester son propre leadership dans ce domaine.
Le fait est, aujourd’hui, cette confrontation à fleuret de moins en moins mouchetés, entre Paris et Berlin, pour le leadership de la défense européenne, vient considérablement handicaper la réponse collective des européens à la menace russe, et leur soutien à l’Ukraine.
Sommaire
L’Europe de la Défense : une ambition franco-allemande idéalisée, mais mal cadrée
Paradoxalement, l’idée même d’Europe de la Défense, dans sa derrière mouture, tout du moins, est issue d’une initiative franco-allemande. En 2017, suite à l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée, et aux tensions entre Angela Merkel et Donald Trump, Paris et Berlin se sont engagés conjointement, dans une série d’initiatives, visant à construire cette Europe de la Défense, autour du couple franco-allemand.
Bien qu’engagés dans un programme commun pour faire émerger l’Europe de la Défense, le président français Emmanuel macron, et la chancelière allemande Angela Merkel, regardaient dans deux directions opposées pour lui donner naissance.
Coups sur coups, ils annoncèrent, conjointement, le lancement de plusieurs programmes de défense structurant pour l’avenir des armées européennes, avec le SCAF d’avion de combat de 6ᵉ génération, MGCS pour le remplacement des chars Leclerc et Leopard 2, CIFS dans le domaine de l’artillerie, MAWS dans celui de la patrouille maritime, et Tigre 3, concernant les hélicoptères de combat.
À ce moment-là, la cohésion franco-allemande était telle, qu’Emmanuel Macron comme Angela Merkel évoquaient même la création d’une Armée européenne, ouvrant la voie à l’émergence de l’Europe dans le concert mondial des super-puissances.
Rapidement, cependant, certaines réalités sont venues éroder, puis sabrer, ces ambitions probablement trop idéalisées. Ainsi, les programmes Tigre 3, MAWS et CIFS, furent successivement abandonnés par Berlin, soit pour se tourner vers des solutions purement nationales, soit pour se tourner vers des matériels américains, alors que les relations entre Berlin et Washington se normalisaient.
Les deux programmes survivants, SCAF et MGCS, ont quant à eux rencontré moultes obstacles, et passèrent, à plusieurs reprises, au bord de l’implosion, sur fond de désaccords autour des questions de partage entre les industries françaises et allemandes.
Il fallut, dans un cas comme dans l’autre, l’intervention ferme des ministres de tutelles des deux pays, pour les préserver, sans, d’ailleurs, que leur avenir soit absolument garanti, bien au contraire.
Des tacles à répétition entre Paris et Berlin ces derniers mois sur les sujets de Défense
Force est de reconnaitre que, dans ce domaine, les attaques sont surtout venues d’Allemagne, jusqu’il y a peu. Ce fut le cas lorsque Olaf Scholz présenta l’initiative European Sky Shield, à Prague en aout 2022, visant à créer un bouclier antiaérien et antimissile homogène en Europe.
Ces dernières semaines, les dirigeants français et allemands multiplient les tacles réciproques, conséquences de deux visions opposées, et de deux ambitions concurrentes en Europe, en matière de défense.
Celui-ci repose, en effet, sur trois systèmes anti-aériens, l’Iris-T SLM allemand, le Patriot américain, et l’Arrow 3 israélien, excluant les autres systèmes anti-aériens européens, comme le SAMP/T Mamba franco-Italien, équivalent au Patriot, ou encore le Mica VL français et le Nasams norvégien, comparables à l’Iris-t SLM allemand.
Plus avant, Berlin imposa l’arrivée de son industriel Rheinmetall dans le programme de char MGCS, venant déstabiliser les équilibres industriels et budgétaires initialement construits autour du français Nexter et de l’allemand Krauss-Maffeï, rassemblés dans le groupe KNDS.
En outre, l’arrivée du Leopard 2A8, en réponse à l’augmentation de la demande face à la menace russe, entraina le glissement, exigé par Berlin et son industrie de défense, du calendrier du programme MGCS, passant de 2035 à 2045, pour ne pas venir faire de l’ombre à son nouveau char sur le marché européen et mondial, alors que la France est dénuée d’alternatives similaires concernant le Leclerc.
Si les divergences industrielles entre Paris et Berlin ont créé de réelles tensions entre les deux pays ces sept dernières années, celles-ci peuvent apparaitre comme quantité négligeable, face la confrontation qui a émergé entre eux, ces derniers mois, autour de la guerre en Ukraine, de la menace russe en croissance rapide, et face au risque posé par Donald Trump outre-atlantique.
L’Allemagne a renoncé au programme Tigre III, et va retirer du service ses hélicoptères de combat, pour les rempalcer par des hélocptères legers H145M armés, moins onéreux, et majoritairement construits en Allemagne.
De fait, depuis deux ans, maintenant, et la prise de conscience, par Olaf Scholz comme par Emmanuel Macron, des évolutions à l’œuvre concernant la sécurité du vieux continent, les deux hommes, et plus généralement, leurs deux administrations, multiplient les tacles réciproques, loin de former le socle sur lequel l’Europe de la Défense pourrait émerger.
Deux visions incompatibles de l’Europe de la Défense en l’Allemagne et la France
Cette confrontation franco-allemande trouve ses racines dans les deux visions divergentes, et même, souvent, incompatibles, non seulement concernant l’Europe de la Défense, mais plus généralement, au sujet de l’avenir même de l’Europe, dans le rapport de force international qui se dessine.
Allemagne : une extension industrielle et économique à l’Union européenne, sous la protection de l’OTAN et des États-Unis
Comme le montre l’exemple du programme European Sky Shield, l’Allemagne vise à imposer son leadership en Europe, concernant les questions de défense, autour des moyens que lui confèrent son économie et son industrie, avec l’objectif, clairement assumé, de devenir le fournisseur des armées européennes en matière d’équipements de défense.
Elle reproduit, ici, ce qui fit le succès, en Europe et au-delà, de son Soft-Power, sans franchir, cependant, certaines limites, en particulier pour ce qui concerne l’utilisation de ses armées.
L’initiative European Sky Shield est avant tout destinée à soutenir al vente de systèmes Iris-t slm allemands en Europe. Elle exclut d’ailleurs tous les autres systèmes sol-air européens, comme le Mamba ou le Nasams.
Fondamentalement, Berlin fait usage de ses points forts, en particulier son économie et ses finances publiques, souvent plus saines que les autres grandes puissances économiques et démographiques en Europe, comme l’Italie, la France, voire la Pologne, tout en masquant, autant que possible, ses points faibles, alors que la Bundeswehr est, aujourd’hui, très loin de disposer de capacités opérationnelles significatives.
Et de fait, pour Berlin, les questions opérationnelles de défense, relèvent toujours de l’OTAN, et par transitivité, des États-Unis, d’autant que le pays souffre d’une faiblesse rédhibitoire, dans ce domaine, à savoir l’absence de dissuasion nucléaire.
France : faire de l’Europe une véritable puissance géopolitique mondiale indépendante
La France, elle, s’appuie précisément sur cette dissuasion, pour soutenir des ambitions très différentes. En effet, là où l’Allemagne se focalise sur les questions industrielles, la France, elle, semble concentrée sur les questions de défense, pour que l’Europe parvienne, dans les années à venir, à s’inviter dans le concert des super-puissances mondiales.
Dans ce domaine, les sorties faites par Donald Trump, mais également l’agitation permanente de la menace nucléaire par Vladimir Poutine, tend à crédibiliser le leadership français en Europe, en matière de défense, alors que ces arguments pourraient bien croitre en audience, dans les mois et années à venir.
la dissuasion est le principal arguement de la France pour soutenir ses ambitions en Europe, en matière de défense. Mais elle manque de moyens convetionnels pour convaincre.
Outre sa dissuasion, Paris peut aussi s’appuyer sur des armées bien entrainées, expérimentées et aguerries, capables d’être rapidement engagées, y compris pour faire face à la Russie. Pourtant, le message français peine à s’imposer en Europe.
En effet, en bien des aspects, la France a davantage d’ambitions, que de moyens. Ainsi, si ses armées sont efficaces, elles manquent, aussi, de masse et de moyens lourds, pour peser efficacement, du point de vue conventionnel, face à la Russie, ceci venant handicaper la crédibilité de sa posture de dissuasion globale.
Pire, les finances publiques françaises sont à ce point dégradées, que le pays n’a presque aucune marge de manœuvre budgétaire, pour corriger ses faiblesses, et donc pour gagner en crédibilité en Europe.
Une scission franco-allemande ferait le jeu de Moscou, et de Washington
Il apparait, de ce qui précède, que la France et l’Allemagne pourraient être, dans les faits, parfaitement complémentaires. La première dispose de la dissuasion, de l’expérience militaire, et de la volonté pour intervenir, l’autre dispose des moyens budgétaires, ainsi qu’industriels, pour structurer la défense européenne.
Le président français semble pret à la confrontation avec la Russie, tout en voulant éviter la guerre. Ce n’est visiblement pas du chancelier allemand, Olaf Scholz.. (AP Photo/Dmitri Lovetsky, Pool)
Pour autant, les récents événements semblent indiquer qu’un tel rapprochement demeure très improbable, tant les attentes et les ambitions des grandes puissances européennes, divergent profondément. Et plutôt que de bâtir sur leurs forces respectives, les deux pays semblent se déchirer, sur leurs faiblesses et leurs divergences.
Ce faisant, le spectacle offert, aujourd’hui, par cette confrontation franco-allemande, et ses conséquences sur la réponse européenne au défi russe, y compris en Ukraine, fait le jeu de Moscou, qui semble, plus que jamais, convaincu de la fragilité de l’unité européenne, pour résister à ses coups de boutoirs répétés.
C’est aussi le cas de Washington qui, en dépit des menaces que font peser les promesses de campagne de Donald Trump, constate que les commandes de matériels militaires américaines, pour les armées européennes, n’ont jamais été aussi élevées, et sont même trois fois plus élevées que les acquisitions de matériels européens par ces mêmes armées européennes.
Paris face à ses convictions et ses responsabilités dans la confrontation franco-allemande
De fait, dans la présente situation, il apparait que le contexte semble plus favorable à l’émergence d’un leadership allemand, concernant la défense de l’Europe, que de la France, comme le montre, notamment, le succès de l’European Sky Shield, abondé par plus de 18 pays européens. En effet, contrairement à la France, Berlin présente une offre relativement homogène, entre ses promesses, et les moyens mis en œuvre.
Dans ce contexte, la France doit donc faire face à ses responsabilités, en accord avec ses propres convictions. Si, comme on le comprend par les dernières déclarations présidentielles et ministérielles, Paris considère que la posture allemande représente, à terme, un danger pour l’avenir de l’Europe, et pour la sécurité du vieux continent, il lui revient de mettre en œuvre les solutions, pour se rendre plus attractif que Berlin.
Les européens achetent 3 fois moins d’equipements de défense européen, que de matereils américains.
Cela passe, en particulier, par l’augmentation sensible des moyens des armées, pour reconstituer une force conventionnelle représentant un véritable acteur opérationnel, y compris face à Moscou, mais aussi, certainement, par la densification de ses moyens de dissuasion, pour accroître la portée de son message.
Cela suppose, également, une augmentation massive des moyens transférés par la France à l’Ukraine, à court termes, donc en puisant dans ses réserves opérationnelles, pour s’assurer que les armées ukrainiennes puissent soutenir la pression russe, jusqu’à ce que la montée en puissance de l’industrie de défense européenne, puisse prendre le relais.
Dans tous les cas, aujourd’hui, il est certain que la France est attendue, en Europe, sur le front des actions, non des déclarations. Si elle est au rendez-vous, on peut penser qu’elle parviendrait à donner corps à cette Europe de la défense, espérée par le président Macron, depuis son accession à la magistrature suprême.
Dans le cas contraire, les messages offensifs délivrés ces derniers jours, risquent, au contraire, de ternir l’image et la crédibilité du pays en Europe, sans qu’aucun bénéfice n’en émerge pour la sécurité du vieux continent.
À l’exception de quelques pays d’Europe de l’Est, la plupart des États européens se sont engagés dans une trajectoire pour atteindre, parfois légèrement dépasser, un effort de défense équivalent à 2 % de leur PIB, alors que la menace, aujourd’hui, est sans commune mesure avec ce qu’elle était il y a dix ans, et qu’une nouvelle menace pèse, désormais, sur la protection américaine de l’Europe, et le soutien de Washington à l’Ukraine.
D’où vient ce seuil, et est-il adapté à la situation sécuritaire aujourd’hui ? Dans le cas contraire, quelle serait la valeur requise de l’effort de défense européen, pour relever la compétition avec la Russie, tout en soutenant l’Ukraine et en assurant la sécurité de ses intérêts sur les théâtres appartenant à sa zone de responsabilité ?
Sommaire
Le seuil de l’effort de défense de 2% PIB et ses limites
Comme évoqué précédemment sur ce site, le seuil d’investissement de défense établi à 2 % du PIB, par l’OTAN, à l’occasion du sommet de Cardiff de 2014, n’est en rien lié à un complexe calcul des moyens nécessaires pour faire face aux enjeux de défense à venir, par ailleurs très différemment envisagés en 2014, qu’ils ne le sont effectivement dix ans plus tard.
Au contraire, ce seuil, comme son échéance à 2025, ont été définis politiquement, comme le plus grand montant pouvant être admis par l’ensemble des membres de l’OTAN présents à ce sommet.
L’effort de défense à 2 % PIB a été défini en marge du sommeet de l’OTAN de Cardiff, en 2014.
Les négociateurs de l’OTAN, qui sont parvenus à arracher cet accord, en particulier auprès de certains pays particulièrement peu enclins à augmenter leurs investissements de défense, comme l’Allemagne, mais aussi l’Italie, l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas et bien d’autres, avaient comme consigne d’obtenir le meilleur résultat possible, notamment pour rééquilibrer l’écart flagrant entre l’effort de défense US, et celui d’une grande majorité des autres membres de l’OTAN, France y compris.
L’échéance à 2025, a d’ailleurs été l’outil le plus efficace pour vaincre ces réticences. Les dirigeants présents au sommet de Cardiff, savaient pertinemment qu’ils ne seraient plus en poste à cette date, pour assumer le fait de ne pas y avoir satisfait.
D’ailleurs, il fallut attendre la fin des années 2010, et parfois le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, pour créer la dynamique afin d’atteindre cet objectif d’ici à 2025, alors que plusieurs pays, dont l’Italie, la Belgique, ou l’Espagne, estiment toujours qu’ils atteindront ce seuil, mais au-delà de cette échéance.
Quoi qu’il en soit, non seulement le seuil des 2 % PIB n’a pas été imaginé pour constituer une puissance militaire suffisante pour garantir la sécurité de l’Alliance, mais au moment où il a été conçu, la perception des risques, largement partagée, y compris aux États-Unis, était loin d’envisager les évolutions qui ont eu lieu en Europe depuis cette date.
Quel est l’équivalent européen du budget de la défense de la Russie ?
Alors, si le seuil des 2 % ne repose sur aucune analyse capacitaire cohérente avec la réalité des menaces, à quel niveau d’investissement, les Européens doivent-ils amener leur effort de défense, pour ce faire, aujourd’hui ?
La Russie consacre plus de 6 % de son PIB à son effort de défense, avec un budget des armées depassant les 110 Md€ en 2024, pour un PIB de 1 800 Md€.
En admettant que les européens doivent être en mesure de contenir, seuls, la menace russe, il conviendrait qu’ils alignent des moyens équivalents à ceux dont disposent et disposeront les armées russes, dans les années à venir.
Comment comparer les budgets de défense européens et russes ?
On pourrait penser que tel est déjà le cas. En effet, le budget des armées russes, autour de 110 Md€ en 2024, est inférieur à celui des européens, autour de 270 Md€, proche du seuil des 2 %, en moyenne, attendu par l’OTAN.
Cette comparaison est cependant erronée. En effet, les armées russes paient leurs équipements de défense, entre 3 et 5 fois moins chers, que les européens, à équipement équivalent. Ainsi, un Leopard 2A7 neuf coute entre 15 et 18 m€, selon les standards et équipements, contre moins de 2 m€ pour un T-90M.
Le chasseur Su-35, lui, coute moins de 30 m€, le Su-57 autour de 37 m€, contre autour de 100 m€ par Rafale et Typhoon, et 120 m€ concernant le F-35A. Dans le domaine naval, les frégates Amiral Gorshkov et les sous-marins Iassen-M, sont acquis pour 300 m€ et 800 m€ respectivement, contre 700 m€ pour une FDI, et autour de 1,8 Md€, pour un SSN Astute.
Cet écart se retrouve aussi dans les couts de personnels. Ainsi, les 1,35 million d’hommes, dont 600 000 conscrits, des armées russes, nécessitent un budget global de 45 Md€. Pour 207.000 hommes, les armées françaises dépensent presque 20 Md€ chaque année, soit un rapport de 1 à 3,5, alors même que la Russie dépense plus massivement qu’à l’accoutumée, en primes et soldes, pour attirer des volontaires pour l’opération spéciale militaire en Ukraine.
Les militaires russes coutent en moyenne 3,5 fois moins cher que les militaiires occidentaux.
De fait, il conviendrait d’appliquer un coefficient de correction, entre les budgets européens et russes, de l’ordre de 3,5, pour être en mesure de comparer efficacement ces investissements, soit un investissement équivalent de 385 Md€, représentant 2,4 % du PIB de l’Union européenne, ou 2,15% du PIB européen étendu, avec le Royaume-Uni et la Norvège.
Les effets de la dispersion des armées et des investissements défense européens
Il convient, par ailleurs, de considérer, dans ce calcul, un coefficient destiné à compenser la dispersion des armées européennes. En effet, celles-ci étant, par essence, nationales, elles tendent à répliquer de nombreux investissements, là où la Russie, comme les États-Unis, peuvent s’appuyer sur une structure fédérale unifiée.
En outre, tous ces États européens, n’engageront qu’une partie de leurs moyens militaires, dans un engagement global face à la Russie. Chaque pays de l’OTAN, y compris les États-Unis, conserveront, en effet, des capacités de défense nationales, ne serait-ce que pour traiter l’hypothèse d’une défaite de l’OTAN.
Ainsi, la France ne prévoit de déployer, simultanément, au sein de l’OTAN, que deux de ses six brigades de combat, et une soixantaine de ses avions de chasse sur 185, avec une capacité de rotation dans la durée.
Ainsi, on peut, dans ce contexte européen, évaluer que, face aux moyens russes mobilisables globalement, un coefficient de correction de 35 % doive s’appliquer, pour compenser cette structure spécifique multinationale de l’alliance.
L’Armée de terre française ne prévoit de déployer que 2 de 6 brigades dans le cadre de l’OTAN.
Il apparait, alors, que pour être en mesure, globalement, de déployer des moyens en miroir aux armées russes, les Européens devraient dépenser, chaque année, autour de 385 /(1-0,35) soit 590 Md€, soit 2,96 % du PIB de l’Union européenne, de la Grande-Bretagne et de la Norvège cumulés.
Remarquons qu’en appliquant le même raisonnement à 2014, alors que le PIB européen étendu était de 17 000 Md€, et le budget defense russe de 50 Md€, on obtient un besoin d’investissement de 296 Md€, soit 1,75 % PIB. On peut penser, alors, que les 2 % visés à ce moment-là, étaient effectivement suffisants, y compris pour dissuader l’attaque de l’Ukraine par la Russie, s’ils avaient été atteints dès cette date, et non en 2025.
Les autres théâtres de responsabilité des armées européennes
Si la menace russe focalise les attentions concernant la conception des efforts de défense en Europe, en particulier suite aux menaces portées par Donald Trump, elle est loin d’être la seule dans le périmètre de responsabilité du vieux continent, aujourd’hui et dans les années à venir.
Ainsi, si les États-Unis venaient à réduire leur présence militaire en Europe, il est très probable que les Européens devront, à leur tour, prendre à leur charge la sécurisation de certains théâtres jouant un rôle stratégique pour le continent, et son économie.
Le soutien militaire à l’Ukraine, un impératif stratégique pour les européens
En premier lieu, il ne fait guère de doute, que le conflit en Ukraine, et le soutien militaire à Kyiv, revient désormais aux Européens. La victoire de Donald Trump lors des primaires républicaines étant de plus en plus probable, et ce dernier étant considéré comme le favori des sondages, pour la présidentielle de novembre 2024, les européens doivent se préparer à ce que ce dernier mette en œuvre l’une de ses promesses de campagne, à savoir l’arrêt ferme et définitif, du soutien militaire américain à l’Ukraine.
Les européens ont, semble-t-il, pris la mesure du défi, pour soutenir pleinement l’Ukraine face à la Russie, face au blocage du Congrès américain.
Pire, jusque-là, on peut douter que le gouvernement fédéral parviendra à débloquer l’opposition républicaine à la Chambre des Représentants, pour libérer le financement de l’aide américaine militaire à l’Ukraine, prévue pour 2024.
Or, l’aide européenne à Kyiv, ne devrait pas se faire au détriment de la modernisation et de la transformation nécessaires des armées européennes, et donc en déduction des efforts de défense eux-mêmes, ou des inventaires des armées.
Pour répondre à l’urgence, il sera cependant probablement indispensable de puiser dans ces inventaires, et donc de régénérer les équipements envoyés en Ukraine, sur des délais courts, et sans ponctionner le budget des armées européennes.
La sécurisation de l’Europe et de son environnement direct : Balkans, Méditerranée, mer Noire, Atlantique nord…
Au-delà de la menace russe directe, en Ukraine et contre les pays d’Europe de l’Est et du Nord, l’environnement proche des européens, va nécessiter une attention particulière, et des capacités spécifiques pour en assurer la sécurisation.
C’est le cas des Balkans, alors que les tensions communautaires dans l’Ex-Yougoslavie restent sensibles, et que la Serbie demeure particulièrement proche de Moscou. C’est aussi le cas des espaces maritimes et aériens entourant l’Europe, allant de la mer du Nord à la mer Noire, en passant par l’Atlantique Nord et la Méditerranée, de sorte à créer un périmètre de sécurité homogène.
Les armées russes disposent d’importants moyens aériens et navals positionnés en Syrie.
En effet, ces espaces accueillent un trafic commercial dense, et indispensable au fonctionnement de l’économie européenne, ainsi que de nombreux câbles sous-marins, oléoducs et gazoducs, tout aussi stratégiques.
Enfin, une grande partie des équipements de défense employés par les armées européennes étant de facture américaine, il est indispensable de sécuriser le cordon ombilical naval et aérien, dans l’Atlantique nord, entre les États-Unis et le vieux continent, que les États-Unis se referment sur eux-mêmes, ou pas.
Le Moyen-Orient, la clé des approvisionnements énergétiques et commerciaux pour l’Europe
De même manière, l’accès aux hydrocarbures moyen-orientaux, revêt une dimension stratégique pour les européens. En outre, le trafic maritime commercial, transitant dans cette zone, à destination des ports européens, via la mer Rouge et le canal de Suez, joue également un rôle crucial dans le fonctionnement de l’économie européenne, raison pour laquelle les européens ont lancé l’opération Aspide, pour le protéger.
Enfin, comme en Méditerranée et autour des côtes atlantiques européennes, un grand nombre de câbles sous-marins sont déployés dans cette zone, en particulier dans le golfe d’Aden, dont la rupture ou la destruction, pourrait gravement menacer l’économie numérique mondiale, donc européenne.
Les Européens ont déployé une flotte de protection en mer Rouge, pour escorter les navires commerciaux transitant dans cette zone, face à la menace des drones et missiles Houthis.
Ce théâtre moyen-oriental est, par ailleurs, particulièrement sensible, et concentre de très importants moyens militaires. Il pourrait se dégrader rapidement, en particulier, si la Russie venait à vendre des équipements modernes, avions de combat, blindés, missiles et sous-marins, à l’Iran, en échange du soutien de Téhéran dans la guerre en Ukraine.
L’Afrique, une pléthore de menaces dans les mains de la Russie et de la Chine
Ces dernières années, face à l’évolution de la menace russe, les européens, y compris la France, ont détourné leur regard de l’Afrique, jusque-là un sujet d’importance majeure, si pas stratégique. De fait, les espaces libérés sur le continent africain, ont été investis, avec vélocité et efficacité, par d’autres nations, dont la Russie, la Chine, mais aussi la Turquie.
Pourtant, les enjeux européens en Afrique, demeurent très importants. Il s’agit, notamment, de l’acquisition de nombreuses ressources et matière première, mais aussi de la sécurisation des espaces entourant le continent.
Le risque migratoire, lui aussi, demeure très élevé, qui plus est s’il est instrumentalisé par la Russie, voire d’autres, pour venir déstabiliser l’Europe. Rappelons que Moscou a déjà fait usage de ce type de menace au Proche-Orient. Sur un continent de 1,3 milliard d’individus, le risque se retrouverait démultiplié.
La présence française a considerablement diminuée en Afrique, alors que, dans le même temps, les enjeux européens en Afrique, ne cessent de croitre.
Enfin, le risque terroriste est loin d’avoir disparu, qu’il s’agisse de l’Afrique ou du Moyen-Orient, voire du Caucase, et peut, lui aussi, être largement instrumentalisé par une nation hostile ayant les mains libres sur tout ou parti du continent africain.
La zone indo-pacifique, le nouveau centre de gravité défense mondial
Enfin, les Européens ne peuvent se tenir à distance du théâtre indo-pacifique, et plus particulièrement de la confrontation qui se dessine entre les États-Unis et leurs alliés, d’une part, et la Chine, épaulée de la Russie et de la Corée du Nord, de l’autre.
Non seulement, certains États européens, en particulier la France, ont-ils des territoires nationaux sur ce théâtre, mais celui-ci tend à devenir le nouveau centre de gravité concernant l’opposition entre le bloc occidental et le bloc qui se dessine autour de la Chine et de la Russie.
Il sera donc indispensable, aux européens, de déployer des moyens militaires dans cette zone, ne serait-ce que pour éviter que les États-Unis ne s’enferment dans une unique alliance Pacifique, et que d’autres puissances régionales, comme l’Inde ou l’Indonésie, ne se retrouvent isolées ou captives d’une vision binaires du rapport de force.
Un effort de défense européen temporaire au-delà de 3 % PIB pour recoller à la course géopolitique mondiale
Reste qu’il convient de remarquer qu’un effort de défense à 3 %, correspondrait à une valeur moyenne, établie dans la durée, pour maintenir un rapport de force positif face à la Russie, et disposer des moyens nécessaires pour intervenir sur les autres théâtres, le cas échéant.
la victoire de Donald Trump lors des primaires Républicaines semble acquise.
Dans ce contexte, il serait très probablement nécessaire, aux européens, d’investir au-delà du seuil des 3% de PIB, pendant un temps du moins, afin de permettre aux armées européennes de se restructurer, ainsi qu’aux industriels de défense à se dimensionner, pour répondre à ce nouveau format global.
Or, un changement de format des armées européennes, supposent la construction (et l’acquisition) d’infrastructures nombreuses, ainsi que la réforme dans la constitution des effectifs des armées, en se tournant massivement vers des forces de réserve, voire vers un retour à la conscription choisie, sur le modèle de plusieurs pays scandinaves.
Pour financer cette transition, et la mener sur des délais relativement courts, cohérent avec le calendrier des menaces, il serait donc nécessaire, sur cinq à dix ans, d’investir davantage de 3 % du PIB, entre 3,5 et 4 % pour être précis, de sorte à répondre aux besoins, sans venir empiéter sur un budget de fonctionnement stabilisé.
Conclusion
On le voit, le seuil des 2 % de PIB, employé aujourd’hui souvent comme l’Alpha et l’Oméga, en Europe, concernant l’effort de défense, est une valeur qui n’est plus adaptée à la réalité de la menace, et à la situation géopolitique sur le vieux continent, et au-delà.
Il faudra, au président Français, mettre en adéquation les ambitions françaises évoquées ces denriers jours, contre la Russie et en soutien à l’Ukraine, et les moyens donnés aux armées françaises, pour que le pays puisse fédérer en Europe.
Pour répondre efficacement à la menace russe, il apparait nécessaire d’établir un nouvel objectif, plus ambitieux, visant un effort de défense européen non pas de 2, mais de 3 % du PIB, et peut-être même davantage sur une période donnée, pour financer la transition en termes de moyens, et surtout de format, des armées européennes.
Enfin, outre la menace russe contre l’Europe, les européens doivent, également, se préparer à devoir prendre leurs responsabilités, bien au-delà de leur environnement direct, ne serait-ce que pour assurer la sécurité et la pérennité de l’Europe et de son économie, en étant en capacité de déployer des moyens sur ces différents théâtres.
Dans tous les cas, il apparait, dorénavant, que les européens devront changer profondément de perspectives stratégiques, pour défendre leurs intérêts, et leurs valeurs, alors qu’un retrait des États-Unis semble presque inévitable.
Mais alors que plusieurs pays européens peinent encore à s’engager pour atteindre un effort de défense à 2 % PIB, en dépit du contexte international et de la menace, sur un calendrier raisonnable, on peut douter de la possibilité qu’ils s’engagent à aller au-delà, en dehors de certains États particulièrement volontaires dans ce domaine, en Europe de l’Est ou du Nord.
Dans ce domaine, l’exemple qu’un pays comme la France, par ailleurs doté d’une dissuasion efficace, pourrait donner en s’engageant dans une telle trajectoire, serait incontestablement un puissant message, pour Moscou comme pour les européens, qu’il serait très difficile d’ignorer.
La dissuasion chinoise, à l’instar de sa puissance militaire conventionnelle, a considérablement évolué des dernières années. Ainsi, le nombre de têtes nucléaires mises en œuvre par la triade nucléaire chinoise, a doublé de 2014 à 2024, passant de 250 à 500, alors que de nouveaux vecteurs, comme les missiles balistiques stratégiques DF-41 et JL-3, et le nouveau bombardier furtif HH-20, sont entrées en service, ou promettent de le faire bientôt.
Cette progression spectaculaire pourrait bien n’être qu’une entrée en matière de ce qui arrive. En effet, selon le Pentagone, la Chine disposera de 1 500 têtes nucléaires actives en 2035, venant faire, ainsi, jeu égal, dans le domaine stratégique, avec les États-Unis et la Russie, dans une progression « à couper le souffle », de l’aveu même du chef de la dissuasion américaine.
Sommaire
La progression de la dissuasion chinoise est à couper le souffle, selon le Pentagone
S’exprimant face au Congrès américain, le général Anthony Cotton, qui dirige le Commandement stratégique américain, a estimé que les progrès réalisés par la Chine, en matière spatiale et de dissuasion, étaient à couper le souffle, tant ils étaient rapides et performants.
Il reprenait, pour l’occasion, les mots du général Stephen Whiting, qui dirige le commandement spatial, qui avait utilisé le même qualificatif, avant lui, face à la même audience, au sujet des progrès chinois dans son domaine de compétence.
Les Etats-Unis ont entrepris la modernisation de leurs forces de dissuasion, avec le bombardier B-21 Raider, le sous-marin SSBN classe Columbia, et les missiles ICBM Sentinel.
Le général Cotton présentait aux parlementaires américains, l’état de la menace nucléaire, alors que le Congrès semble enclin à réduire les budgets de certains programmes, comme le missile ICBM Sentinel, destiné à remplacer les Minutemann américains, et dont le budget prévisionnel, c’est une habitude aux États-Unis, a explosé ces dernières années, avec un surcout estimé à 37%.
À ce titre, les États-Unis prévoient de dépenser, pour la modernisation de leur triade nucléaire, 1 500 Md$ dans les trente années à venir, qu’il s’agisse de la construction des 12 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins classe Columbia, qui doivent remplacer les SSBN Ohio, celle des bombardiers stratégiques B-21 Raider, destinés à remplacer les B-1, puis les B-2, pour les missions stratégiques de l’US Air Force, et enfin, pour le remplacement des quelque 400 missiles ICBM Minutemann, par le Sentinel.
Le nombre de têtes nucléaires chinoises a doublé en dix ans
Si le qualificatif choisi par le général Cotton, avait certainement pour but de valoriser la menace pour préserver les budgets à sa disposition, voire les augmenter, il n’est cependant pas erroné.
En effet, sur les dix dernières années, alors que la situation géopolitique ne s’est dégradée qu’à partir de 2019 entre les États-Unis, et la Chine, Pékin est passé de 250 à 500 têtes nucléaires opérationnelles, selon les estimations du Pentagone.
Le missile ICBM DF-41 à carburant solide, offre des performances bien supèrieures à celles du DF-5 qu’il remplace.
Rappelons que, contrairement à la Russie et aux États-Unis, contraints, jusqu’il y a peu, par des traités de désarmement, incluant des clauses de vérification réciproque, la Chine, pas plus que la France ou l’Inde, étaient concernés par ces traités.
Dès lors, le nombre de têtes nucléaires en service, dans ces pays, est incertain, et ne peut être établi que par les déclarations officielles, soumises évidemment à caution, et aux rapports fournis par certains services de renseignement, tout aussi potentiellement biaisés.
Pour autant, d’autres facteurs tendent à accréditer l’estimation fournie par les services américains concernant Pékin, en particulier l’évolution des vecteurs chinois, et de leurs capacités.
Et il triplera encore dans les dix ans à venir, pour se rapprocher des États-Unis et de la Russie
D’ailleurs, tout indique que la Chine n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. Il est vrai, qu’à côté des 5 889 têtes nucléaires revendiquées par la Russie, dont 1 549 pour armer ses armes stratégiques, et les 5 244 têtes nucléaires américaines, dont 1 419 à bord de ses systèmes d’armes stratégiques, les 500 têtes chinoises, semblent loin de faire jeu égal.
Selon les projections faites par les services de renseignement occidentaux, là encore sur la base de l’évolution du nombre de vecteurs, Pékin viserait à se doter, d’ici à 2035, de 1 500 têtes nucléaires.
Si ce chiffre demeure très inférieur aux stocks russes et américains, il concerne, cependant, essentiellement des armes stratégiques. La Chine ne semble, en effet, pas très encline à se doter massivement d’armes nucléaires tactiques, comme c’est le cas de la Russie, ou d’armes nucléaires de faible intensité, comme les États-Unis. Comme Paris, Pékin estime que le feu nucléaire est, par essence, stratégique, et que son utilisation ne peut, dès lors, s’intégrer que dans ce cadre.
La construction de trois sites de silos de missiles ICBM a été observée par satellite en chine, pour près de 250 silos au total.
En outre, contrairement aux deux autres superpuissances nucléaires, Pékin ne montre aucun signe de vouloir se lancer dans une course sur-capacitaire aux armes nucléaires, limitant donc le nombre de têtes, au nombre de vecteurs disponibles.
En d’autres termes, avec 1 500 têtes en service en 2035, la Chine ferait, dans le domaine stratégique, jeu égal avec la Russie et les États-Unis, rejoignant donc ces deux pays dans le concert des super-puissances nucléaires, 15 ans avant l’échéance de 2049, et le centenaire de la République Populaire de Chine, un temps fixé par Xi Jinping, pour y parvenir.
Le nombre et la qualité des vecteurs de la triade stratégique chinoise évoluent très rapidement
Concomitamment à l’arrivée de ces nouvelles têtes nucléaires, Pékin, comme Washington et Moscou, a entamé un intense effort pour moderniser sa triade stratégique. Dans le domaine aérien, d’abord, avec l’arrivée prochaine du bombardier stratégique furtif HH-20, qui doit remplacer les vénérables H-6 en service aujourd’hui, eux-mêmes dérivés du Tu-16 soviétique.
Ce bombardier, qui semble reprendre la forme de l’aile volante, comme les B-2 et B-21 américain, est attendu, et même annoncé comme imminent, depuis plusieurs années. Il n’a cependant pas été révélé à ce jour, même si son développement ne fait que peu de doute. Il apparait que, dans ce domaine, Pékin privilégie la discrétion, comme les États-Unis du reste, et contrairement à la Russie, plus portée sur les annonces ostentatoires, en matière de capacités de dissuasion.
Longtemps annoncé, le bombardier stratégique HH-20 chinois n’a toujours pas été révélé publiquement.
Dans le domaine des missiles sol-sol ICBM, l’arrivée récente du DF-41, bien plus performant que le DF-5 qu’il remplace, fait rapidement évoluer les capacités chinoises dans ce domaine, alors que la construction de plusieurs champs de silos durcis, conçus pour accueillir ces missiles à carburant solide, pouvant emporter jusqu’à 10 véhicules de rentrée autonome, a été observée ces dernières années.
Dans le domaine de la force sous-marine, la flotte de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Type 09IV, actuellement en service, inspirés des Delta soviétiques, devrait prochainement être complétée, puis remplacée, par le nouveau SSBN Type 09VI, bien plus évolués, discrets, et dotés du nouveau missile SLBM JL-3, eux aussi bien plus performants que les JL-2 armant aujourd’hui les Type 09IV.
Sans que cela soit confirmé, le Pentagone craint, enfin, que Pékin soit en passe de se doter d’un système de bombardement orbital fractionné, une capacité stratégique particulièrement efficace pour mener des frappes préventives depuis l’espace.
En tout état de cause, tout porte, effectivement, à penser que, d’ici à 2035, la Chine se sera dotée d’une dissuasion équivalente à celle des États-Unis et de la Russie, tant en format qu’en capacités.
Quelles conséquences pour la dissuasion européenne ?
La dissuasion américaine, et ses 1 500 têtes nucléaires, 12 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, une centaine de bombardiers stratégiques, et 400 missiles ICBM, est dimensionnée pour neutraliser, simultanément, les menaces russes et chinoises, même si celles-ci seront, numériquement, deux fois plus importantes que les siennes.
En effet, les moyens américains demeureront largement suffisants, pour garantir de la destruction totale de ses deux adversaires, même si ceux-ci venaient à se coaliser face aux États-Unis.
Comme la France, la Grande-Bretagne met en oeuvre une flotte de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Les VVBN de la classe vanguard, seront remplacés, dans les années à venir, par les navires de la classe Dreadnaught.
En revanche, ce ne sera pas le cas de la dissuasion européenne. Comme évoqué dans l’article « Que vaut la dissuasion française face à la menace russe en 2024 ?« , la dissuasion française est dimensionnée pour contenir la menace russe, mais que la menace russe, et ce, en 2024.
Même en tenant compte de la dissuasion britannique et de ses quatre SSBN, en 2035, on peut penser que la dissuasion européenne sera sous-dimensionnée. D’une part, elle devra, très certainement, être en mesure de neutraliser, comme les États-Unis, simultanément la menace russe et chinoise.
D’autre part, il convient de prendre en compte, à cette date, l’évolution des moyens militaires, et notamment la multiplication des drones de surveillance sous-marins. Ces « planeurs sous-marins », légers, peu onéreux, et capables de parcourir de très grandes distances, en toute autonomie, dans les océans, vont très certainement venir accroître, les risques de détection des sous-marins nucléaires portant la dissuasion.
Dès lors, le format actuel, avec un sous-marin à la mer, et un sous-marin en alerte, appliqué par les Marine françaises et britanniques, devra manifestement être révisé, et accru, pour palier ce risque. Ce d’autant que les deux flottes sous-marines stratégiques européennes, constitueront l’essentiel des moyens de dissuasion du vieux continent.
Il sera, alors, probablement nécessaire de revenir à un format à six SNLE, peut-être cinq au minimum, pour la Marine nationale et la Royal Navy, afin de conserver chacune deux navires à la mer en permanence, trois en période de crise, et ce, de façon soutenue.
Elles pourront, ainsi, répondre simultanément à l’évolution de la dissuasion chinoise, et à celle que l’arrivée des drones et des nouveaux systèmes de détection, feront peser sur ces navires stratégiques.
Depuis plusieurs années, le français Nexter produit d’importants efforts pour se positionner sur le remplacement des blindés du segment intermédiaire et des véhicules de combat d’infanterie de l’Armée de terre grecque, un marché évalué à près de 2 000 blindés.
Selon le site grec Defensereview.gr, l’industriel français aurait transmis, il y a quelques jours, une offre particulièrement attractive à Athènes, portant sur la construction locale de 200 véhicules blindés de combat d’infanterie VBCI Philoctete, une version du VBCI Mk2 spécialement conçu pour ce marché, et emportant, entre autres, une tourelle T40.
Outre ces 200 véhicules blindés en configuration combat d’infanterie, l’offre porterait également sur la construction de 50 autres VBCI en différentes configurations de soutien (sanitaire, observation d’artillerie, commandement…).
Surtout, il semble que Nexter ait proposé la vente de 120 VBCI d’occasion, prélevés sur les « réserves » de l’Armée de terre de française, afin de permettre une transformation et montée en puissance rapides des armées grecques, qui mettent en œuvre, aujourd’hui, sur ce segment, des BMP-1A1 d’origine russe et des Marder allemands, des blindés particulièrement datés.
Sommaire
Le VBCI Philoctete de Nexter et sa tourelle T40
Conçu spécifiquement pour séduire les armées grecques, le VBCI Philoctete porte d’ailleurs le patronyme d’un héros de la mythologie antique, compagnon d’Héraclès et archer exceptionnel.
Le VBCI Philoctete met en oeuvre une tourelle T40 armée du canon 40 CTA, de deux missiles Akeron MP antichars et d’une mitrailleuse téléopérée de 7,62 mm ou de 12,7 mm.
Ce véhicule de combat d’infanterie de 32 tonnes au combat, est propulsé par un nouveau moteur turbo diesel Volvo de 600 cv, lui conférant un rapport puissance poids de presque 19 cv par tonne, et une charge par essieux de huit tonnes. De fait, il conserve une excellente mobilité, y compris en tout terrain, à l’instar du VBCI lui-même, tout en conservant les atouts de la roue pour les déplacements longue distance.
Outre les deux membres d’équipage, un chef de char et un pilote, le blindé transporte huit militaires équipés avec une grande qualité de confort, et une protection élevée, « parmi les meilleures de sa catégorie », de l’avis des militaires grecs qui l’ont testé.
Surtout, le Philoctete emporte la tourelle T40, armée du canon 40 CTA comme celle qui équipe déjà le nouvel EBRC Jaguar de l’Armée de terre, ainsi que l’Ajax de la British Army. Employant des munitions télescopées de 40 mm, le blindé peut tirer jusqu’à 200 coups par minute, 80 coups en utilisation standard, en employant différents types d’obus selon les cibles à traiter (obus flèche, explosif, fumigène, anti-aérien..).
Gros plan sur la tourelle T40 de l’EBRC JAGUAR.
La précision de la tourelle et la portée du canon, lui confère une puissance de feu très supérieure à celle des canons de 30 mm souvent employés à bord des véhicules de combat d’infanterie, tout en consommant sensiblement moins de munitions à effet identique.
Pour l’engagement de blindés lourds, comme les chars, elle dispose, par ailleurs, de deux missiles antichars Akeron MP de nouvelle génération, d’une portée de plus de 5 km, capables de tirer sans ligne de visée, et montés dans un pod amovible. Une mitrailleuse en tourelleau téléopéré complète l’armement de ce blindé particulièrement bien doté en la matière.
250 VBCI Philoctete et 120 VBCI d’occasion en négociation avec l’Armée de terre grecque
Rappelons, avant toute chose, que les révélations faites par le site defensereview.gr, ne sont pas confirmées, ni par Athènes, ni par Nexter, et pas davantage par les autorités civiles et militaires françaises. Il convient donc de rester prudent à ce sujet.
L’offre faite par Nexter aux armées grecques ne se limiterait pas à la seule construction locale des 200 Philoctete, ainsi que de 50 VBCI en différentes versions de soutien. Elle intègrerait, en effet, un important volet de transfert de technologies, de sorte à garantir à Athènes et à l’Armée de terre hellénique, une parfaite autonomie dans la mise en œuvre et la maintenance de sa flotte, y compris au second et troisième échelon de maintenance.
Elle comprendrait, également, un volet financier global, portant sur l’ensemble de la prestation technique et industrielle, un facteur clé pour Athènes pour qui l’ingénierie budgétaire constitue un paramètre clé. Surtout, apparemment, Nexter aurait proposé aux Armées grecques la vente de 120 VBCI supplémentaires, prélevés sur la flotte de blindés de l’Armée de Terre.
L’Allemagne a transféré à la Grèce 40 VCi Marder 1A3 aux armées grecques, en compensassions des BMP-1A1 Ost envoyés par Athènes en Ukraine.
Pour Athènes, il s’agirait certainement de permettre une transformation rapide vers le nouveau blindé. Ce d’autant que le pays a entamé l’envoi de ses quelque 140 BMP-1A1 Ost toujours en service au sein de son armée de terre, vers l’Ukraine, compensés par le don de VCI Marder par Berlin.
En effet, si les Marder allemands permettent de remplacer avantageusement les BMP-1 grecs envoyés en Ukraine, ils restent des blindés datant des années 60-70, et devront, eux aussi, être rapidement remplacés, en particulier face à la modernisation très rapide du parc de blindés médians des armées turques.
Une proposition globale et des performances bien accueillies à Athènes
Selon le site defensereview.gr, l’offre française, de plus de 100 pages, aurait été particulièrement bien accueillie par les autorités grecques. Il est vrai que le VBCI avait déjà fait, semble-t-il, forte impression auprès des officiers grecs, lorsqu’il a été évalué, aux côtés des Leopard 2 HEL de la XXVᵉ brigade blindée, sur le champ de tir de chars Petrochorio Xanthi, il y a quelques mois.
Ils auraient particulièrement apprécié le confort pour les personnels transportés, ainsi que la protection STANAG 4 conférée par la coque en aluminium du blindé, capable d’arrêter une munition de 14,5 mm tirée à 200 m, comme des shrapnels d’un obus de 155 mm explosant à 30 mètres.
On ignore, cependant, si les Philoctete grecs emporteront le système de combat coopératif SCORPION, qui apporte une grande plus-value dans les engagements aéroterrestres, pour peu que la flotte soit homogène.
De nouveaux VBCI Mk2 pour l’Armée de terre française ?
Quoi qu’il en soit, l’information selon laquelle la France pourrait vendre 120 de ses propres VBCI à la Grèce, a de quoi surprendre, dans le présent contexte. En effet, le VBCI, avec 628 exemplaires en service, dont 520 en version combat d’infanterie et 108 en version commandement, constitue la pierre angulaire des brigades de l’Armée de terre, aux côtés des 200 chars Leclerc.
L’Armée de terre française aligne 520 VBCI en version combat d’infanterie, et 108 en version de commandement.
Ces unités sont fortement sollicitées ces derniers mois, du fait des tensions croissantes avec la Russie, et prélever 120 blindés peut apparaitre une décision risquée face au contrat opérationnel de l’Armée de terre. Notons que l’hypothèse n’est pas nouvelle, mais elle est plus importante. En effet, jusqu’à présent, le volume de travail dans ce dossier était de 80 VBCI d’occasion.
En revanche, elle lui permettrait de commander, en remplacement, au mois autant, peut-être davantage, de VBCI Mk2, pourquoi pas en version Philoctete Scorpionisés, pour remplacer ses blindés qui manquent, désormais, de punch en matière d’engagement de haute intensité, armés qu’ils sont d’un canon de 25 mm.
Le remplacement de 120 VBCI Mk1, pour peu qu’il soit abondé d’une commande de blindés supplémentaires, permettrait, en outre, d’atteindre un volume suffisant, pour justifier d’un effort industriel significatif sur des délais de production et des prix compétitifs.
Ces nouveaux VBCI apporteraient, qui plus est, une grande plus-value, en particulier concernant les unités d’infanterie mécanisée des brigades lourdes et moyennes françaises, surtout s’ils reçoivent, concomitamment, le système de protection actif-passif Prometeus, un autre patronyme issu de la mythologie grecque, et l’APS Diamant, ce qui en ferait, certainement, l’un des meilleurs véhicules de combat d’infanterie du moment.
Reste que, pour l’heure, aucune déclaration officielle n’est venue confirmer ces indiscrétions, d’autant que d’autres acteurs européens, comme Rheinmetall avec son KF-41 Lynx, sont très proactifs à Athènes. Si elles s’avéraient fondées, il faudra, toutefois, se montrer spécialement attentif concernant le remplacement de ces VBCI prélevés sur le parc de l’Armée de terre, et en particulier, sur les délais qu’une telle procédure nécessiterait.
Depuis la mise en retrait des Kfir Sri-lankais, la Colombie reste le dernier opérateur du chasseur israélien conçu, après le Nesher, comme une réponse de Tel Aviv à l’embargo français sur les armes ayant fait suite à la guerre des six jours. Jusqu’il y a peu, Bogotá envisageait de conserver sa flotte jusqu’à la fin de la décennie, pour les remplacer, à ce moment-là, par un appareil de nouvelle génération.
Toutefois, il y a quelques mois, de vifs échanges entre le président colombien, Gustavo Petro, et l’ambassadeur israélien en Colombie, Gali Dagan, suite à une prise de position réservée du premier concernant l’attaque du Hamas du 7 octobre, sont venus sévèrement détériorer les relations entre les deux pays, et en particulier, pour ce qui concerne les contrats d’armement.
À la suite de cette altercation, Jérusalem a annoncé suspendre tous les contrats d’armement, y compris les contrats de maintenance, au 1ᵉʳ janvier 2025, avec Bogotá. De fait, les forces aériennes colombiennes se retrouvaient alors, dans l’obligation de trouver, très rapidement, une alternative aux Kfir C10/12 formant sa flotte de chasse.
Si cela ne suffisait pas, la disponibilité des chasseurs colombiens, atteint aujourd’hui des niveaux alarmants, alors que le soutien israélien reste acquis, avec seulement un tiers des appareils qui sont capables de prendre l’air.
Sommaire
Un tiers des Kfir des forces aériennes colombiennes est opérationnel aujourd’hui
En effet, selon le site infodefensa.com, sur les 21 Kfir en service au sein des forces aériennes colombiennes, seuls 7 à 8 chasseurs seraient capables de mener des missions opérationnelles.
Les forces aéirennes colombiennes sont les dernières à mettre en oeuvre le chasseur Kfir israélien.
Ainsi, 6 Kfir auraient été définitivement retirés du service, alors que cinq ou six appareils sont en maintenance lourde, et quatre à cinq, en maintenance programmée de régénération.
Cette flotte de chasse est à peine suffisante pour conserver deux appareils pour la permanence opérationnelle, afin de mener les missions de police du ciel, alors que les autres chasseurs doivent assurer la formation et l’entrainement des pilotes, et participer aux exercices nationaux et internationaux auxquels les forces aériennes colombiennes doivent fournir des moyens aériens.
Et cette situation ne va certainement pas aller en s’améliorant. En effet, en deçà d’un certain seuil, la pression opérationnelle par appareil devient telle, que chaque appareil consomme beaucoup plus rapidement son potentiel de vol qu’en usage normal, qu’ils ne peuvent être régénérés, créant un cercle vicieux difficile à contrer, sans renoncer à de nombreuses missions.
Les tensions entre Bogotá et Jérusalem mènent à une indisponibilité croissante des Kfir colombiens
La brouille entre Bogotá et Jérusalem vient évidemment complexifier ce dossier déjà détérioré. Non seulement la Colombie doit-elle trouver une solution de remplacement à très court terme, mais cette situation tend, naturellement, à complexifier les négociations courantes, ne serait-ce que concernant les pièces détachées permettant aux chasseurs d’être maintenus en condition de vol.
Le président Colombien, Gustavo petro (à droite), a refusé de qualifier d’attaque terroriste l’attaque du hamas du 7 octobre 2023 en Israël, provoquant l’ire de l’ambasseud israléien en Colombie, Gali Dagan (à gauche)
Au-delà du 1ᵉʳ janvier 2025, il sera certainement très difficile pour les forces aériennes colombiennes de maintenir en vol, y compris une petite partie de sa flotte, même en tenant compte que certains composants du chasseur israélien, comme le turboréacteur J-79, sont de facture américaine, et donc non soumis à embargo.
Il faudra donc aux autorités colombiennes, trouver une solution alternative, pour remplacer ses Kfir, sur des délais particulièrement courts. Or, là encore, les solutions sont loin d’être évidentes.
Bras de fer féroce entre le Rafale français, le F-16V américain et le Typhoon présenté par Madrid
L’Espagne est parvenue à reintegrer l’Eurofighter Typhoon dans la compétition colombienne pour le remplacement des Kfir.
Il faudra donc ajouter, à la négociation initiale portant sur 16 à 18 chasseurs neufs, une flotte de chasseurs d’occasion susceptibles d’assurer cette mission, ce qui ne sera pas simple à produire, en particulier pour les forces aériennes françaises, déjà handicapées par les Rafale d’occasion cédés à la Grèce et à la Croatie.
Si le Typhoon a, semble-t-il, plus de flexibilité dans ce domaine, alors que tant la RAF que la Luftwaffe envisagent de retirer bientôt les premiers Typhoon Block 1 entrés en service au début des années 2000, le manque d’évolutivité de ce modèle (raison pour laquelle ces deux forces aériennes le retire du service), en fait en candidat qui serait limité aux seules missions de supériorité aérienne.
Ce besoin spécifique pourrait permettre au F-16V américain, pourtant loin d’être le candidat préféré des forces aériennes colombiennes, de revenir dans la partie. En effet, l’US Air Force et Lockheed-Martin, ont accès à une vaste flotte potentielle de F-16 d’occasion, prêts à remplir cette mission intérimaire, désormais cruciale pour la Colombie.
Il faudra donc, dans ce domaine, aux européens, se montrer particulièrement inventifs et proactifs, pour parvenir à s’imposer dans cette compétition, en allant puiser dans des ressources de réserve afin d’assurer l’efficacité opérationnelle des forces aériennes colombiennes, et ce, sans venir dégrader le rapport de force face à la Russie, dans un contexte des plus tendus en Europe.
Drones suicides navals : une nouvelle dimension à la lutte anti-drones 50
Cet article vous est proposé par CERBAIR, le spécialiste européen des solutions anti-drone.
Ce n’est pas la première fois que les drones suicides navals s’invitent au combat.
Déjà lors du naufrage du Moskva ou de l’attaque de petites embarcations par des drones aériens, les drones ont démontré la menace qu’ils représentaient pour les unités navales. Les drones suicides navals sont une des nouveautés de la guerre en Ukraine.
Faute de marine, les Ukrainiens utilisent massivement des drones suicides navals, téléopérés pour aller attaquer les navires de la marine adverse et s’en prendre aux infrastructures critiques comme le pont de Crimée.
Toutefois, les effets de ces armes sont restés relativement modestes. Les meilleurs résultats ont été obtenus contre des navires à quai, mais les attaques à la mer ont eu des bilans plus mitigés. L’artillerie de petit calibre des navires militaires arrivait à détruire la majorité des drones avant que ceux-ci ne les atteignent.
Pourtant, quelques navires ont subi des dommages les obligeant à de longues semaines de réparation. C’est, en soi, déjà une victoire puisque cela prive l’adversaire de certains de ses navires, même si c’est temporaire.
Néanmoins, forts d’une expérience de plusieurs mois dans l’usage de ce type de drones, les Ukrainiens semblent avoir fait évoluer leur tactique en misant sur l’attaque par saturation dans toutes les directions.
C’est ce qu’a subi, le 1ᵉʳ février 2024, la corvette lance-missile Ivanovets3. L’attaque semble avoir mis en jeu une dizaine de drones navals de type Mamay, Magura V5 et/ou SEABABY qui ont assailli le navire de tous les côtés. Cette tactique a été renouvelée le 14 février 2024 contre le navire de débarquement de chars Caesar Kunikov, là aussi avec succès puisque le navire a été également coulé.
Si c’est aujourd’hui la Marine russe qui doit faire face à cette menace, toutes les marines doivent s’y préparer et une observation attentive des événements permet de percevoir quelques pistes de réflexion.
La Tarantul se défend
La corvette Ivanovets appartient à la classe Tarantul III. Elle est armée, en armement principal, de 4 missiles P-270 Moskit (SS-N-22 SUNBURN en code OTAN) qui sont de gros engins anti-navires supersoniques (4,2 tonnes et une vitesse de 2800 km/h) d’une portée maximale de 250 km.
Ces corvettes rapides ont été conçues pour aller frapper les navires militaires de l’OTAN qui se seraient approchés des côtes de l’Union Soviétique selon une technique de harcèlement. Elles n’étaient pas prévues pour avoir une grande autonomie à la mer ni pour devoir s’aventurer loin des côtes ; elles devaient juste sortir rapidement, tirer leurs missiles contre les navires ennemis et rentrer au port immédiatement après.
Canon CIWS AK-630 en action
Ceci explique que ce soient des navires relativement légers, autour de 500 tonnes, disposant en armement d’appoint uniquement d’un canon AK-176 de 76 mm et de deux canons CIWS (Close-In Weapon System) AK-630 de 30 mm. La protection anti-aérienne se limite à l’emport de systèmes sol/air très courte portée (MANPAD).
Niveau détection, sans surprise, le navire est principalement équipé d’un radar permettant de désigner aux missiles anti-navire et de les guider vers leurs cibles (34 K1 Monolit ou Band Stand en code OTAN). Il dispose également d’un radar de veille surface et de conduites de tir pour ses canons.
L’ensemble des équipements est d’ancienne génération et date des années 1970. La corvette Ivanovets semblait s’être réfugiée dans le lac Donuzlav, au nord de Sébastopol.
Les bâtiments de ce type ne sont pas d’une grande utilité dans la guerre en cours et les Russes cherchent donc à les mettre à l’abri autant que possible. La vidéo montre clairement que la corvette a bien détecté les menaces puisqu’elle engage le feu de ses 2 canons AK-630 contre les drones.
On voit bien les canons orientés sur le côté bâbord du navire, tandis que, dans le même temps, un autre assaillant approche sur l’arrière-tribord et vient le toucher, endommageant ainsi sa propulsion en mettant le bâtiment à l’arrêt.
Un nouveau drone vient le toucher encore une fois sur la poupe et on constate alors que les canons ne tirent plus et que les radars ne tournent plus. Les dommages subis sur les machines ont sans doute engendré une panne électrique générale. Ensuite, au moins deux autres drones vont frapper le navire sur bâbord et l’achever pendant que les appareils restants filment les derniers instants de son agonie.
La vidéo diffusée par les autorités ukrainiennes n’est qu’un montage d’une minute trente et ne rend pas compte de la durée complète de l’attaque qui a probablement duré plusieurs minutes.
On ne sait pas si la corvette a réussi à détruire certains de ces drones. C’est probable, les Russes ont déjà diffusé des vidéos montrant des drones navals détruits par ces mêmes canons, mais il est évident que la corvette n’a pu faire face à autant de menaces en même temps.
Si les navires russes sont généralement bien pourvus en artillerie de défense rapprochée, la saturation permet toujours de venir à bout des capacités de défense.
Drone naval ukrainien pris à partie par l’artillerie
L’attaque contre le navire de débarquement est moins illustrée, néanmoins les vidéos diffusées montrent que les canons CIWS AK-630 du navire ont également répliqué contre les drones navals, dont trois auraient été détruits.
Protéger les ports et les infrastructures
Assez rapidement, les Russes ont mis en place, à l’entrée de la rade de Sébastopol, des barrages flottants protégés par une artillerie légère chargée de détruire tout drone naval qui tenterait de s’y introduire.
De plus, des vols de reconnaissance sont assurés, avec des hélicoptères ou des avions de surveillance maritime, afin de détecter et, si possible de détruire, tout drone naval qui s’approcherait du port. Ce fut l’occasion de redonner un rôle aux antiques hydravions Be-12 qui trouvent ici toute leur utilité pour renforcer les moyens de surveillance.
Cela a plutôt bien fonctionné. La rade de Sébastopol a été épargnée par ce type de raids, ce qui a obligé les Ukrainiens à recourir davantage aux missiles de croisière et aux drones aériens pour attaquer ce port. De même, les autorités russes ont annoncé à plusieurs reprises que des patrouilles aériennes avaient détecté et détruit plusieurs drones navals qui approchaient de la Crimée.
Les Ukrainiens ont alors cherché à frapper des unités navales accostées dans un port non protégé et c’est ainsi que le 4 août 2023, un navire de débarquement a été endommagé par un drone naval dans le port de Novorossiysk.
On peut supposer que des protections ont rapidement été mises en place, car ce fut la seule opération réalisée contre ce port militaire, alors même qu’il sert de refuge à beaucoup d’unités jusqu’alors stationnées en Crimée.
Ce même type de protection a été disposé au niveau du pont de Kerch. On assiste un peu à une sorte de retour en arrière quand les ports étaient protégés par des filets anti-sous-marins dont s’inspirent ces barrages flottants.
Protéger les navires à la mer
L’artillerie :
Les navires de la Marine russe ont déjà déjoué plusieurs attaques de drones de surface à la mer grâce à leur artillerie. Toutefois, cela n’a pas toujours été du 100 %, certains navires ont été endommagés et surtout, face à une attaque saturante comme l’ont subie la corvette Ivanovets et le navire de débarquement de chars Caesar Kunikov, l’artillerie de bord n’est pas suffisante.
Fondamentalement, ce mode opératoire doit inquiéter toutes les marines du monde, car actuellement, aucun navire militaire d’aucun pays n’est préparé à ce type de menace. C’est encore pire pour les navires non équipés de systèmes CIWS ou de canons de petits calibres qui n’ont alors aucun moyen de se défendre, même contre un ou deux drones suicides.
C’est un danger particulièrement aigu, aussi bien pour les navires de soutien, par nature peu armés, que pour les navires civils. Si l’impact d’un ou deux drones suicides a peu de chance d’entraîner un naufrage complet, sauf pour les très petites unités, cela engendre des dégâts qui mettent l’unité navale touchée hors service pendant de longues semaines au minimum.
Trou dans la coque de l’USS COLE après avoir été touché par une embarcation suicide
Cette menace est à rapprocher de ce qui était arrivé à l’USS Cole en 2000 dans le port d’Aden. Il avait été percuté par une embarcation chargée d’environ 400 kg d’explosifs, une charge militaire semblable aux drones navals ukrainiens, ce qui a provoqué un trou dans la coque. Le navire a été réparé et a repris du service après 14 mois de travaux qui ont aussi consisté en une remise à niveau des radars et du système de combat du navire.
Les filets de protection :
On pourrait alors voir réapparaître les filets anti-torpilles, largement utilisés autour des navires de combat jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Mais, si cette solution est pertinente dans un port ou au mouillage, elle n’est pas exploitable en mer : le freinage hydrodynamique engendré est rédhibitoire.
Filet anti-torpille sur le cuirassé la Provence en 1917
Les drones navals manœuvrant au ras de l’eau, la protection doit descendre un peu plus bas que la ligne de flottaison afin d’éviter qu’un drone ne passe juste dessous. Ce serait une solution envisageable pour la protection des navires civils au mouillage, mais peut-être plus difficilement applicable aux navires militaires qui disposent de moins de place pour un tel ajout.
La guerre électronique :
Les drones navals étant téléopérés afin de pouvoir trouver leur cible à plusieurs centaines de kilomètres de distance, il serait possible de chercher à couper les liaisons radio entre les drones et les opérateurs.
Les drones navals ukrainiens peuvent être téléopérés via une liaison satellite, Starlink, ou par une liaison radio-fréquence directe avec un drone aérien qui sert de relais radio. Lors des premières attaques, c’est surtout la liaison satellite qui a été utilisée, mais depuis qu’Elon Musk a restreint le service sur certaines zones, les Ukrainiens ont maintenant davantage recours à la liaison radio avec relais aéroporté.
C’est ce que montre l’attaque sur le Caesar Kunikov où une partie des images diffusées par les autorités ukrainiennes sont des images prises d’un drone aérien qui a sans doute également servi de relais radio. Ils ont cherché à limiter leur dépendance à un système étranger dont ils ne sont pas maîtres.
Il est toujours possible d’entraver une liaison satellitaire en brouillant les satellites concernés. Ce n’est pas sélectif et cela revient à dénier le service tout entier sur une zone donnée, cela ne peut pas être sélectif. Néanmoins, il n’est pas possible de détecter l’arrivée d’une menace par ce moyen, la présence de signaux n’étant pas spécifique à l’utilisation de drones navals.
En conséquence, une telle solution n’est applicable qu’en tant que mesure préventive, sans savoir s’il y a une menace ou pas. Cependant, les liaisons radiofréquences peuvent être plus facilement détectées et identifiées. Il serait ainsi plus facile d’effectuer un brouillage réactif à la détection d’un danger.
Les drones ainsi privés de leurs liaisons radio ne pourront plus être guidés vers leur cible. L’autre avantage de la guerre électronique est qu’elle apporte une protection aussi bien contre les drones aériens qui peuvent être utilisés pour la reconnaissance, en tant que relais radio ou en attaque contre les navires ou les infrastructures portuaires que contre ceux de surface.
Les principaux navires de combat disposent bien de systèmes de guerre électronique, mais ceux-ci sont avant tout conçus pour contrer les autodirecteurs de missiles ou les conduites de tirs. Ils ne couvrent pas les mêmes gammes de fréquences et seraient, aujourd’hui, totalement inefficaces contre ces drones. Il manque aux navires une capacité de guerre électronique plus globale afin de prendre en compte la menace représentée par les drones aussi bien aériens que navals.
Mini-missiles «low cost»:
Une autre option, potentiellement complémentaire des autres, serait de doter les navires de roquettes guidées juste aptes à détruire des embarcations légères ou des missiles «Low Cost» comme les Shahed.
Les drones navals coûtant très sensiblement plus cher que les drones aériens, quelques centaines de milliers d’Euros (autour de 250 000 € pour un Magura V5), le recours à ce type d’armement resterait économiquement soutenable.
Des solutions existent comme le système VAMPIRE de L3 HARRIS ou les roquettes FZ275 LGR de 70 mm à guidage laser de THALES intégrées dans le LMP (lanceur Modulaire Polyvalent). Il faudrait ainsi doter les navires de plusieurs dizaines de ces roquettes afin qu’ils puissent faire face à des attaques multiples sur 360°.
Laser de puissance ?
Les premiers lasers de puissance qui devraient commencer à rentrer progressivement en service dans les années à venir seront surtout destinés à la destruction des drones aériens ou des roquettes.
Il faudra sans doute encore quelques années de développement avant de voir des lasers suffisamment puissants pour détruire des drones navals. Mais il est possible que cette technologie puisse venir en complément ou en remplacement de certains armements existants.
Toutefois, ces matériels ne pourront pas forcément avoir la capacité de traiter des attaques de saturation et la présence d’un ou deux lasers de puissance pourrait ne pas être suffisante pour faire face à une telle agression. Cette arme présente quand même l’avantage d’être capable de traiter aussi bien des cibles aériennes que de surface.
Conclusion
Les drones suicides navals sont un nouveau risque qui devrait prendre de l’ampleur. Ils sont une alternative pour les nations ou les organisations non étatiques ne disposant pas de missiles anti-navires. C’est un moyen, pour les marines traditionnelles, d’augmenter leur volume et leur capacité offensive, notamment grâce à la saturation.
Une attaque combinant des drones navals suicides à une salve de missiles anti-navires serait particulièrement complexe à déjouer. Il n’a fallu que 2 missiles anti-navires pour couler le Moskva de 12 000 tonnes, tandis qu’il a fallu une dizaine de drones navals suicides pour couler une corvette de 500 tonnes.
Si, de toute évidence, les drones sont moins efficaces, ils sont bien plus simples à produire et à mettre en œuvre que des missiles. De plus, leur autonomie permet d’aller frapper des navires à plusieurs centaines de kilomètres de distance.
Cette nouvelle menace appelle une réponse des marines militaires que l’on pourrait décliner en trois volets :
• Présence obligatoire de systèmes d’artillerie de petits calibres CIWS pouvant à la fois assurer la défense antimissile courte portée et la défense anti-drone de surface. Ils pourraient, à terme, être complétés ou remplacés par des lasers de puissance.
• Augmentation des moyens de guerre électronique permettant de déjouer, non plus seulement les autodirecteurs de missiles ou les conduites de tir, mais aussi les communications des drones, qu’ils soient de surface ou aériens.
• Embarquer un système comportant plusieurs dizaines de roquettes guidées Laser permettant d’engager les petites embarcations à moindre coût. Cela impose également de penser à la mise en place, en cas de nécessité, de protections à l’entrée de nos ports, car la guerre en Ukraine montre à quel point les bases logistiques peuvent être vulnérables.
CERBAIR
Drones suicides navals : une nouvelle dimension à la lutte anti-drones 51
Cet article est proposé par CERBAIR.
En tant que société spécialisée dans la lutte anti drones, CERBAIR propose cet article pour souligner l’importance croissante des drones sur les zones de conflits armés. CERBAIR apporte une vision la plus objective possible sur ces menaces émergentes et fournit des pistes de réflexion pour les acteurs de la défense.
CERBAIR est la référence française de la lutte anti-drone pour la détection, la caractérisation et la neutralisation des drones non autorisés. En s’appuyant sur son expertise dans le traitement du signal radiofréquence, CERBAIR propose cet article pour souligner l’importance croissante de la menace des drones.
CERBAIR apporte une vision la plus objective possible sur ces menaces émergentes et fournit des pistes de réflexion pour les acteurs de la défense.
Présenté en grandes pompes, à l’occasion de la parade du 9 mai 2015 à Moscou, marquant les 70 ans de la victoire contre le nazisme, le char T-14 Armata, avait surpris les occidentaux.
Non seulement la Russie s’était-elle engagée dans la conception d’un nouveau char de combat, alors que la plupart des armées du monde considérait que celui-ci était obsolète, mais l’Armata apparaissait, alors, comme le char le plus moderne jamais conçu, avec sa tourelle robotisée, son blindage Afghanit et sa cellule de survie.
Le ministère des Armées russe avait, alors, de grandes ambitions pour son nouveau char, avec plusieurs centaines d’exemplaires devant entrer en service avant la fin de la décennie. Il n’en fut rien.
Face à d’importantes difficultés de mise au point, et surtout à un prix bien plus élevé que les autres chars auxquels les armées étaient habituées, il n’a été livré, à ce jour, qu’entre 20 et 30 exemplaires du blindé, essentiellement à des fins d’essai, aux armées russes.
Et si l’on en croit le PdG de Rostec, l’avenir même du T-14 Armata semble désormais compromis, alors que les armées russes privilégient l’achat de T-90M, moins performants, mais beaucoup moins chers, pour participer à l’offensive russe en Ukraine.
Sommaire
Le char T-14 Armata, le premier char russe occidentalisé
En bien des aspects, le T-14 Armata, et avec lui l’ensemble de la gamme de véhicules blindés présentée en 2015, dont le Kurganet-25, le Boomerang et le canon automoteur Koalitsiya-SV, représentaient un profond changement de paradigme pour les industriels et les armées russes.
Présentation officielle du T-14 Armata lors de la parade du 9 Mai 2015 pour le 70eme anniversaire de la victoire contre l’Allemagne nazie
Si, traditionnellement, les chars russes, et soviétiques avant eux, étaient conçus pour être puissamment armés, correctement blindés, et surtout relativement léger et bien plus facile à produire que leurs équivalents occidentaux, l’Armata, lui, reprenait de nombreuses caractéristiques de ces chars occidentaux les plus évolués, comme le Leopard 2A6, ou l’Abrams M1A2.
Il était ainsi doté d’un blindage composite, mais également d’une vetronique et de systèmes de bord beaucoup plus évolués que ceux armant les chars russes plus anciens, y compris le nouveau T-90M. Surtout, le T-14 embarquait de nombreuses avancées technologiques, comme le système de défense actif Afghanit, ainsi qu’une tourelle entièrement robotisée.
De fait, il était considéré, en 2015, comme le char le plus évolué du monde. Mais, cette débauche de technologie avait ses inconvénients, en premier lieu desquels, des délais de mise au point bien plus longs que traditionnellement pour les armements terrestres russes.
Ainsi, presque 9 ans après qu’il fut dévoilé publiquement, le T-14 ne serait toujours pas fiabilisé, et aurait rencontré de nombreuses difficultés lors des essais, en particulier concernant son groupe motopropulseur.
Le T-14 Armata trop cher face au char T-90 pour l’opération spéciale militaire en Ukraine
Le plus important problème, pour les armées russes, concernant le T-14 Armata, ainsi que l’ensemble des blindés de nouvelle génération l’accompagnant, n’est cependant pas technologique, mais industriel, et surtout financier.
Plus économique et rapide à produire, le T-90M a les faveurs de l’état-major russe pour l’opération militaire spéciale en Ukraine
En effet, de l’aveu même de Sergei Chemezov, le président du consortium Rostec, qui produit, entre autres choses, l’Armata et le T-90, le T-14 est trop cher, et il est très improbable qu’il soit commandé par les armées russes, pour participer à l’opération spéciale militaire en Ukraine.
Rappelons que selon certaines sources, le T-14 Armata couterait autour de 6 m$ l’unité, contre moins de 2 m$ pour le T-90M, qui demeure un char très capable, armé du même canon de 125 mm à chargement automatique, et de différents autres systèmes, empruntés à l’Armata.
« Dans sa fonctionnalité, bien sûr, il est bien supérieur aux chars existants, mais il est trop cher, il est donc peu probable que l’armée l’utilise maintenant. Il est plus facile pour eux d’acheter les mêmes T-90 » a déclaré le PdG de Rostec au site Ria Novosti.
De nouveaux développements pour réduire le prix du char de nouvelle génération russe ?
Il se pourrait même que le T-14 n’entre jamais en service au sein des armées russes, au-delà de la vingtaine d’unités déjà livrée. « Maintenant, nous avons besoin d’argent pour créer de nouveaux chars, de nouvelles armes, plus, peut-être moins cher. Par conséquent, s’il est possible d’en acheter des moins chers, pourquoi pas », a ainsi déclaré Sergei Chemenot, lors de cette même interview.
Le Leopard 2A7 coute le prix de plus de 6 T-90M, sans pouvoir justifier d’une plus-value oéprationelle equivalente
On comprend, dans cette déclaration, que la réduction du prix de production, et probablement aussi des délais y attentant, sont aujourd’hui au cœur des préoccupations de l’état-major russe, revenant, de toute évidence, à une approche beaucoup plus traditionnelle de l’utilisation massive du char et des blindés en général.
La Russie n’ayant pas les moyens dont disposent les Européens, les États-Unis, ou même la Chine, pour financer une flotte de chars à 20 m$ l’unité, la réduction du prix de revient s’impose d’elle-même, pour continuer à faire jeu égal, et même à pouvoir estimer avoir l’ascendant, sur une Europe 10 fois plus riche.
Dans ce contexte, il semble que l’état-major russe privilégie aujourd’hui le T-90M, un char qui coute six fois moins cher, parfois davantage, que les modèles employés en Europe, et qui pourtant s’avère très performant, mobile, bien protégé et doté d’une grande puissance de feu.
Car, s’il est possible de considérer le Leopard 2A7/8, le M1A2 SepV3 Abrams, ou le Leclerc modernisé, comme supérieurs au T-90, il est inconcevable de penser qu’un char occidental puisse être supérieur, sur le terrain, à 5 ou 6 T-90.
Trouver l’équilibre optimal entre protection, mobilité, puissance de feu… et prix
Bien évidemment, l’efficacité de l’approche russe, invite à la réflexion concernant le bien-fondé de l’approche occidentale dans ce domaine. Difficile, en effet, de justifier un écart de prix allant de 1 contre 6, concernant des blindés aux performances relativement proches. Même en tenant compte de la correction de parité de Pouvoir d’achat, soit 2,2 pour la Russie face à l’Europe et aux États-Unis, celle-ci demeure particulièrement flagrante.
Un char M1A1 Abrams ukrainien abandonné après avoir touché une mine antichar. Un grand nombre de chars ukrainiens ou russes, ont été mis hors de combat, par des mines, des frappes d’artilelrie, ou des missiles et roquettes d’infanterie. Le temps ou le char etait l’ennemi n°1 du char, semble bien revolu.
De toute évidence, là où les américains et européens, conçoivent leurs chars pour obtenir le meilleur équilibre du triptyque traditionnellement formé par la protection, la mobilité et la puissance de feu, les russes y ajoutent, dès le départ, le paramètre de prix de production, avec des ambitions particulièrement fermes à ce sujet.
Cette différence de paradigme se retrouve, d’ailleurs, dans de nombreux domaines liés à la production d’armements russes. Ainsi, le Su-35 a un prix de revient, pour les forces aériennes russes, de l’ordre de trois fois moins cher qu’un Rafale, un Typhoon, ou un F-15EX. Il en va de même concernant le Su-57, trois fois moins cher que le F-35, alors que l’appareil est beaucoup plus lourd.
L’écart est le même, dans le domaine des sous-marins. Ainsi, un sous-marin nucléaire lance-missiles Iassen-M, est vendu à la Marine russe, autour de 800 m$, soit plus de trois fois moins cher d’un SSN classe Virginia, pour des performances proches.
Discret, imposant et très bien armé, les sous-marins nucléaires lance-missiles IAssen russes, coutent plus de 3 fois moins chers que les SSN Virginia américains.
Il est probable, donc, que pour relever le défi posé par la Russie, mais aussi, par La Chine, qui évolue dans une sphère proche, les occidentaux, en premier lieu desquels les européens, devront, eux aussi, re-évaluer le positionnement de leur curseur technologique, dans la conception des équipements militaires, de sorte à réduire l’écart de couts, sans venir dégrader, outre mesure, les performances opérationnelles des équipements.
Après vingt années de technologisme débridé, nul doute que l’exercice sera particulièrement difficile. Pourtant, c’est probablement là que se trouve la clé de la neutralisation de l’effort de défense russe, et de la menace qui en découle.