Si les États-Unis ont mis fin à leur programme de canon électrique, ou railgun, en 2021, d’autres programmes, dans le monde, ont persévéré dans cette voix, et semblent atteindre, désormais, une certaine maturité technologique.
C’est notamment le cas du programme chinois, qui semble de plus en plus proche d’essais opérationnels, si l’on en croit les récentes déclarations des ingénieurs chinois en charge de ce projet. Mais la Chine n’est pas la seule à se rapprocher d’une solution opérationnelle, le Japon, ainsi que la France, s’y dirigent aussi rapidement.
Ces programmes partagent, outre un calendrier proche, une approche technologique commune. En effet, loin de chercher à reproduire le système américain de gros calibre, pour remplacer l’artillerie traditionnelle, ils se sont tous tournés vers des munitions de beaucoup plus petit calibre, pour en faire des systèmes antiaériens, antimissiles et antidrones, aux caractéristiques uniques et remarquables.
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Comment fonctionne un canon électrique, ou Railgun ?
Depuis l’apparition de la poudre à canon, en Chine, au XIᵉ siècle, les canons, obusiers et autres bouches à feu, ont tous fonctionné de la même manière. En se consumant, la poudre dégage une grande suppression de gaz chauds, propulsant le projectile dans le tube du canon, et lui donner sa trajectoire.
Une des photos en gros plan du Railgun chinois installé pour essais sur le LST de la marine chinoise
De nombreux progrès ont, bien évidemment, été réalisés en dix siècles, que ce soit dans la qualité des poudres, la résistance et la longueur des tubes, la qualité des projectiles etc… Ainsi, les systèmes d’artillerie modernes, ont des performances très supérieures à celle des canons de la Seconde Guerre mondiale, avec une portée souvent plus que triplée à calibre donné, et une précision sans commune mesure.
Le canon électrique, lui, utilise un champ électromagnétique pour conférer au projectile, posé sur un rail (d’où le nom de railgun), sa vitesse initiale. D’un point de vue théorique, cette solution offre de nombreux avantages, pour peu qu’une puissante source électrique soit disponible.
En particulier, il permet de s’absoudre d’un stock de poudre, à la fois encombrant, particulièrement délicat à transporter, et qui engendre d’importants risques au combat. En outre, il permet de donner au projectile une vitesse initiale au projectile, beaucoup plus élevée, à longueur de tube égal, qu’une propulsion à poudre, y compris au-delà du seuil hypersonique.
De fait, il permet, potentiellement, d’atteindre des portées ou des altitudes inaccessibles aux systèmes d’artillerie conventionnels. Ainsi, lors de ses essais, l’US Navy estimait que son programme de Rail Gun, pouvait atteindre une portée de 200 km avec une vitesse de sortie de bouche de Mach 7, et même au-delà de 350 km, si cette vitesse était amenée à Mach 10.
L’impasse du programme américain de Railgun de gros calibre
Pour autant, le Railgun n’est pas sans contraintes. Comme dit précédemment, il doit disposer d’une puissance électrique importante disponible, à l’instar des armées à haute énergie, laser ou canon à micro-ondes.
Le programme de l’US Navy a été abandonné en juillet 2021
Surtout, il génère, lors du tir, de très importantes contraintes thermiques et mécaniques sur le tube. Ce sont ces contraintes qui amenèrent l’US Navy à jeter l’éponge, en juillet 2021, concernant son programme de Railgun, non sans avoir dépensé 500 m$ dans celui-ci.
Lancé en 2005, et confié à BAe, ce programme devait permettre d’armer les destroyers de la classe Zumwalt d’un railgun pour les missions de lutte anti-surface, et de frappe vers la terre.
Il s’agissait, pour l’US Navy, de remplacer ainsi, lorsque cela était possible, l’emploi des missiles antinavires et missiles de croisière, particulièrement couteux, et de plus en plus vulnérables aux défenses antiaériennes modernes.
Par sa fonction, le canon électrique de l’US Navy, était d’un gros calibre. Il employait, à ce titre, la munition HPV hypersonique, qui devait aussi armer les canons du système AGS de 155 mm des Zumwalt, abandonnés depuis.
Toutefois, en dépit des efforts produits, les ingénieurs américains ne sont jamais parvenus à concevoir un railgun de ce calibre, qui puisse résister aux contraintes générées. En effet, après quelques tirs seulement, le tube employé devenait inutilisable, sans qu’aucune solution pour y remédier ait pu être trouvée.
Les degagements de chaleurs et les contraintes mecaniques sont très importantes lors d’un tir de railgun.
De fait, après 16 ans de travaux, le programme a été abandonné, jugé par l’Amirauté américaine comme une impasse technologique.
Le canon électrique chinois aurait un calibre de 25 mm
Si les États-Unis ont jeté l’éponge concernant leur programme de Railgun, cela n’a pas été le cas d’autres pays. C’est notamment le cas de la Chine, dont les dernières publications laissent penser qu’il pourrait être proche d’une entrée en service.
Pour y parvenir, les chinois n’ont pas conçu d’alliage innovant ou de technologies particulièrement innovantes. Ils ont, en revanche, réduit le calibre de l’arme. Celui-ci ne serait, en effet, que de 25 mm, soit le calibre d’un canon léger, comme celui qui arme les systèmes SHORAD de défense antiaérienne à très courte portée, ou les blindés moyens, comme le VBCI.
LSt chinois lors des essais du programme de Rail gun.
Bien que de calibre réduit, les ingénieurs du PLA Naval Engineering University, revendiquent une vitesse de sortie de bouche de Mach 6, et une portée annoncée en 100 et 200 km, ce qui se rapproche de celle visée par le programme américain abandonné en 2021.
Avec un tel calibre, il est probable que le Railgun chinois vise avant tout à concevoir un système de défense antiaérienne à moyenne et longue portée, et non une alternative à l’artillerie traditionnelle.
Les programmes français et japonais ont aussi un calibre réduit
La Chine n’est pas la seule à s’être engagée dans le développement d’un Railgun de plus petit calibre, conçu plus spécifiquement pour la défense antiaérienne, antidrone et antimissile.
C’est en particulier le cas du programme de Railgun japonais. Annoncé publiquement en 2022, il est en développement depuis 2016, par l’agence des acquisitions technologiques et logistiques, ou ATLA.
Le Rail gun japonais a été le premier a documenter un tir naval en octobre 2023
Ce canon électrique doit atteindre une vitesse de sortie de bouche de 2 300 m/s, soit Mach 7, et doit permettre de compléter la defense antiaérienne et surtout antimissile de l’archipel nippon.
Le premier essai du railgun japonais a eu lieu en octobre 2023, et le programme devrait recevoir, en 2024, un budget de recherche et développement de presque 24 milliards de yens, soit 160 m$, un budget presque quatre fois plus important que les 4,8 milliards de yens qui lui ont été consacrés en 2022.
La France est également en pointe dans ce domaine. Selon la DGA, les travaux réalisés par l’Institue Saint-Louis, ou ISL, auraient permis de developper deux prototypes testés en laboratoire.
Le premier est le NGL-60, pour Next-Generation Launcher 60, un railgun capable de propulser des projectiles de 60 mm d’une masse d’un kilogramme, à une vitesse de sortie de bouche de 2000 à 3000 km/h, soit entre Mach 5 et Mach 8.
La DGA est engagées dans deux programmes de canon electromagnétiques.
Le second est le Rafira, pour Rapid Fire Railgun, un canon de 25 mm à visée antiaérienne, disposant des mêmes performances, mais conçu pour le tir en rafales soutenues. Un démonstrateur naval doit être présenté en 2028, la DGA estimant que les plateformes navales sont les plus adaptées pour fournir les besoins électriques des railguns.
La défense antiaérienne, antidrone et antimissile, plutôt que l’artillerie traditionnelle
Les programmes chinois, japonais et français, visent avant tout à concevoir un railgun spécialisé dans le domaine de la défense antiaérienne, antimissile et antidrone, et de mettre, au second plan, son utilisation comme alternative à l’artillerie de gros calibre.
Loin de représenter un choix « par défaut », en lien avec les contraintes technologiques du moment, l’utilisation de cette solution dans ce domaine, offre, en effet, de nombreuses plus-values, que ce soit face à l’artillerie antiaérienne classique, ou des missiles antiaériens.
Par la grande vitesse de sortie de bouche, les railgun permettent, en effet, d’obtenir non seulement une plus grande portée, et une altitude maximale supérieure, mais aussi d’obtenir une trajectoire plus tendue sur une grande distance, et une vitesse de transit bien plus élevée, augmentant ainsi la précision du système, même à longue portée.
L'avenir du canon électrique est-il dans les petits calibres et la défense antiaérienne ? 8
Dans le même temps, le cout de chaque tir, est considérablement plus réduit que celui d’un missile antiaérien, ce qui en fait une arme de prédilection contre les attaques de drones.
Enfin, ses cadences de tir soutenues, son plafond élevé, et la vitesse initiale des projectiles, lui confèrent des capacités antimissiles et antibalistiques, permettant de compléter les autres systèmes existants, en particulier face à des attaques visant à saturer les défenses.
Conclusion
Loin d’être abandonné, après l’échec du railgun américain, il apparait que les différents programmes de canon électrique, dans le monde, s’en sont inspirés pour ne pas en reproduire les mêmes erreurs.
En particulier, les programmes les plus avancés dans ce domaine, en Chine, au Japon et en France, ont tous fait le choix de se tourner vers des projectiles d’un calibre beaucoup plus réduit que celui-ci employé par l’US Navy.
Si cette approche permet, semble-t-il, de contourner les impasses technologiques auxquelles se sont heurtés les américains, elle permet, aussi, de concevoir des systèmes spécialisés dans la défense antiaérienne, antimissile et antidrone, pour lesquelles le Railgun apporte de grandes plus-values.
Les programmes en cours devraient entamer des phases d’essais, techniques ou opérationnelles, dans les quelques années à venir. Il se pourrait bien, alors, que le railgun trouve pleinement sa place dans les arsenaux mondiaux, en particulier dans le domaine naval, particulièrement adapté à cet usage.
Les autorités néerlandaises, par la voix du secrétaire d’État à la défense Christophe van der Maat, a confirmé que Naval Group avait été retenu pour le remplacement des quatre sous-marins de la classe Walrus de la Marine Néerlandaise.
Pour cette compétition, Naval Group a proposé un nouveau modèle dans la gamme Barracuda. Désigné Blacksword Barracuda, le navire est plus compact, et certainement plus économique, que son grand frère, le Shortfin, tout en conservant les qualités océaniques et capacitaires.
Si l’industriel français et les autorités néerlandaises vont désormais entamer une négociation exclusive pour définir un contrat d’un montant estimé entre 4 et 6 Md€, le route sera difficile et dangereuse pour Naval Group, qui devra se confronter à un Parlement néerlandais tenu par le parti nationaliste PPV, et au constructeur naval néerlandais Damen, qui a d’ores et déjà annoncé la couleur et son opposition à la décision du gouvernement.
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Une « offre équilibrée, polyvalente et réaliste », selon le ministère de la Défense néerlandais
L’annonce de la victoire de Naval Group et de son Barracuda, pour remplacer les quatre sous-marins Walrus néerlandais, était attendue depuis deux semaines, maintenant, après que Bloomberg s’est fait l’écho de cette victoire, selon des sources concordantes.
la marine royale néerlandaise prévoit d’entamer le retrait de ses sous-amrins Walrus d’ici à une dizaine d’années.
« Naval Group a réussi à faire une offre équilibrée, polyvalente et réaliste. Le chantier est devenu un digne successeur de la classe Walrus. L’industrie néerlandaise a un rôle important à jouer » a précisé le secrétaire d’État, Christophe van der Maat, dans le communiqué publié par le ministère de la Défense néerlandais.
Celui-ci précise, en outre, que les quatre navires seront baptisés Orka (orque), Zwaardvis (Espadon), Barracuda et Tijgerhaai (Requin-tigre). Les deux premiers navires devront être livrés dix ans après la signature du contrat définitif. En outre, l’industrie navale néerlandaise sera massivement impliquée, tant dans la construction que dans la maintenance du navire.
« Cette décision est donc bonne non seulement pour la marine et nos intérêts en matière de sécurité, mais certainement aussi pour les entreprises néerlandaises et la construction de notre savoir-faire » précise le secrétaire d’État, dans son communiqué.
Un Blacksword Barracuda de 3.300 tonnes qui fait la jonction avec la gamme Scorpene
Contrairement à ce qui était précédemment avancé, Naval Group a parié sur un nouveau modèle de sa gamme Barracuda. Baptisé Blacksword Barracuda, celui-ci sera long de 82 mètres, pour 8,2 mètres de diamètres, et un déplacement en plongée de 3 300 tonnes.
Sans que ce soit explicitement indiqué, le communiqué de presse du ministère confirme que le navire sera équipé de batteries lithium-ion, et non d’un système AIP moins performant. Celles-ci offrent de nombreux avantages, en particulier la possibilité d’être rechargée à la mer très rapidement, d’avoir une grande capacité énergétique, et de pouvoir, au besoin, produire d’importantes quantités d’énergie, si le navire a besoin de faire des pointes de vitesse.
Illustration diffusée par le Ministère de la Défense néerlandais au sujet du Blacksword Barracuda.
Il aura un équipage limité à 35 membres, mais pourra accueillir jusqu’à 59 personnes à son bord, en particulier des unités de forces spéciales. Le navire sera équipé de torpille lourde, de missiles antinavires à changement de milieu, et de missiles de croisière, également à changement de milieu, lancés horizontalement. La Haye a déjà sélectionné le missile Tomahawk américain pour cette mission.
Le contrat serait beaucoup plus important qu’annoncé par certains médias, le montant de 6 Md€ étant avancé à ce sujet. Un tel montant est cohérent avec l’étude et la construction d’une nouvelle classe de quatre navires, alors que ceux-ci seront sensiblement différents du Shortfin Barracuda de la classe Attack sélectionnés initialement par l’Australie, bien plus imposant (97 m de long, 8,8 m de diamètres et un déplacement de 4 500 tonnes).
En ce sens, le Blacksword Barracuda vient combler la gamme de Naval Group, faisant le lien entre la gamme Scorpene allant de 1700 à 2 200 tonnes en plongée, et la gamme Barracuda, avec le Shortfin de 4 500 tonnes, et le Barracuda à propulsion nucléaire de 99,5 mètres et 5 300 tonnes en plongée.
Les Pays-Bas font une nouvelle fois confiance à l’industrie de défense française
Cette annonce confirme le rapprochement entre La Haye et l’industrie de défense française. Longtemps considérés comme des clients exclusifs de l’industrie de défense américaine, les Pays-Bas ont montré, ces dernières années, qu’ils savaient être beaucoup plus ouverts aux équipements de défense européens et français.
Rappelons ainsi que la Marine néerlandaise est déjà un important client de Naval Group, en ayant commandé six grands navires de guerre des mines, à l’instar de leur voisin belges, auprès d’un consortium rassemblant le français et le groupe Belge ECA. À l’inverse, la Belgique a commandé deux frégates similaires à celles commandées par la Marine des Pays-Bas, auprès du néerlandais Damen.
Vue d’artiste du grand navire de guerre des mines commandés par les Marine néerlandaises et belges, puis par la Marine nationale, auprès du consortium formé par Naval Group et ECA.
À ces 6 navires, commandes en 2019 pour un montant de 1 Md€ (côté néerlandais), se sont ajoutés 14 hélicoptères de manœuvre H225M Caracal auprès d’Airbus Helicopters et assemblés à Marignane, en France, pour ses forces spéciales, en octobre 2023. Pour l’occasion, le Caracal avait été préféré, par La Haye, à l’UH-60 Black Hawk américain.
Damen et Saab enragent et feront barrage au Parlement néerlandais
Pour autant, cette désignation ne marque pas la fin des négociations avec Naval Group. En effet, non seulement l’industriel et les autorités néerlandaises doivent-ils négocier, désormais, le contrat lui-même, un sujet éminemment complexe, mais il faut s’attendre à ce que Damen, le constructeur naval national néerlandais, associé dans cette compétition au suédois Saab, a d’ores et déjà donné le ton de ce que seront les semaines et mois à venir.
Celui-ci a, en effet, immédiatement réagi sur Twitter, à l’annonce de la sélection du groupe naval français. « Nous avons reçu la décision provisoire d’attribution. Nous restons convaincus que notre offre est la meilleure et la plus néerlandaise des solutions. Notre offre s’appuie sur les connaissances et l’expertise néerlandaises existantes. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons contribuer à la sécurité et à l’autonomie des Pays-Bas. » est-il au-dessus d’un sous-marin A26 de Saab, peint pour l’occasion en Orange.
Or, pour confirmer la commande, Naval Group devra obtenir l’aval du Parlement néerlandais, ce qui ne sera pas une mince affaire, d’autant que le gouvernement actuel du premier ministre, Mark Rutte, est en sursis après que le parti d’extrême-droite PVV de Geert Wilders, s’est imposé lors des élections législatives de novembre 2023.
On peut craindre, dans ce contexte, que Damen joue précisément de la corde nationaliste auprès d’un Parlement sensible à cette mélodie, pour faire dérailler les négociations avec Naval group, même si le modèle Blacksword Barracuda apporte de réelles plus-values opérationnelles vis-à-vis du modèle suédois, en particulier dans le domaine de la vitesse de croisière silencieuse, et de la navigation océanique.
Depuis l’abandon du M247 Sergent York à la fin des années 70, l’US Army n’avait jamais montré d’intérêt pour l’artillerie anti-aérienne, se concentrant d’abord sur une défense tout missile, et depuis une dizaine d’années, sur le développement d’armes à énergie dirigée.
Le programme MDACS, intégré au projet de loi de finance des Armées 2025, constitue donc une profonde évolution, pour celle-ci. En effet, celui-ci porte sur la conception d’un système d’artillerie antiaérienne multidomaine, destiné à renforcer la protection offerte par les autres systèmes, missiles, laser à haute énergie et canon à micro-onde.
Quel est donc ce programme surprise de l’US Army ? Quels sont ses objectifs, ses spécifications, et son calendrier, alors que le besoin pour ce type de système est croissant, sur tous les théâtres d’opération, d’Ukraine au Pacifique, en passant par la mer Rouge et le Moyen-Orient ?
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Le désamour de l’US Army pour l’artillerie antiaérienne depuis les années 60
Si, en de nombreux aspects, les évolutions capacitaires américaines et soviétiques se sont calquées l’une l’autre durant la guerre froide, cela n’a pas été le cas concernant l’artillerie anti-aérienne.
En effet, l’US Army s’est rapidement désintéressée de cette capacité, dès que les missiles sol-air comme le Hawk ou le Chaparral, avaient montré leur efficacité. Il est vrai que, d’un point de vue doctrinal, l’interdiction aérienne reposait bien davantage sur la puissance aérienne au sein des armées américaines, que des armées soviétiques.
Le M247 Sergeant York a représenté la dernière tentative de l’US Army de developper un système d’artillerie anti-aérienne. Il n’a été construit à seulement 50 exemplaires avant d’être abandonné.
Le dernier programme lancé outre-atlantique, dans ce domaine, a été le M247 Sergent York, un char M-48 Patton monté d’une tourelle armée d’un bitube de 40 mm Bofors et d’un radar. Lancé en 1978, il devait constituer une réponse au ZSU-23-4 soviétique, ainsi qu’au Gepard allemand, et remplacer les M163 VADS et les MIM-46 Chaparral peu performants.
La construction fut cependant arrêtée après 50 exemplaires, l’US Army décidant de se tourner vers le Roland franco-allemand, et sur le nouveau missile à très courte portée d’infanterie Stinger, pour les missions de défense anti-aérienne rapprochée. La défense aérienne à moyenne et longue portée, quant à elle, a été confiée au MIM-104 Patriot.
Il fallut attendre la seconde partie des années 2010, pour qu’elle lance le programme Maneuver-Short Range Air Defense ou M-SHORAD, un blindé 8×8 Stryker monté d’une tourelle Leonardo armée d’un canon de 20 mm, de quatre Stinger et de deux missiles Hellfire.
L’US Army a commandé en Urgence 144 M-SHORAD, armé du’n canon de 20 mm, de 4 Stinger et de 2 Hellfire, pour renforcer la protection antiaérienne à courte portée des unités américaines.
Destiné à remplacer les Avenger (un Humwee mettant en œuvre 8 Stinger), le M-SHORAD a été commandé en urgence à 144 exemplaires pour assurer la protection rapprochée des unités engagées, en particulier contre les drones, les hélicoptères et les missiles de croisière.
Depuis, l’US Army, comme l’ensemble des armées américaines, semblaient exclusivement parier sur les armes à énergie dirigée, laser à haute énergie, canon à micro-ondes, brouilleurs, pour compléter la protection assurée par les missiles, contre les avions, hélicoptères, missiles, roquettes et drones.
Le mystérieux programme MDACS d’artillerie antiaérienne apparu dans la demande budgétaire 2025
Dès lors, l’apparition du programme MDACS, dans la roquette budgétaire transmise par l’US Army, dans le cadre de la préparation du budget 2025, est une véritable surprise. En effet, MDACS est l’acronyme de Multi-Domain Artillery Cannon System, un programme initialement développé par l’US Air Force Research Lab.
Selon le site BreakingDefense.com, ce programme prévoit la conception d’un prototype de canon d’artillerie multidomaine, d’un radar multifonction, d’un gestionnaire de bataille multidomaine, ainsi que des projectiles hypersoniques employés et de leur véhicule de manutention des munitions.
Jusqu’à présent, l’US Army semblait parier exclusivement sur les armes à énergie dirigée, comme avec le DE M-SHORAD Gardian armé d’un laser de 50 Kw, et les missiles, pour assurer la défense antiaérienne à courte portée.
La fonction du MDACS sera de compléter la panoplie de systèmes anti-aériens de l’US Army, en particulier pour répondre à la menace que représentent les missiles de croisière et les drones, pour protéger les sites fixes et semi-fixes.
L’objectif, en particulier, dans ce développement, est d’accroitre la résilience de la protection antiaérienne, y compris contre les attaques de saturation visant à vider les stocks de missiles, tout en s’appuyant sur des munitions peu onéreuses et rapide à produire.
Pour ce faire, l’US Army réclame, pour ce programme, une capacité d’investissement de 67 m$ en 2025, avant de croitre à 279 m$ en 2026, puis 301 m$ en 2027. Les essais opérationnels devraient avoir lieu en 2028. La décision d’acquérir, ou pas, le système, sera prise à l’issue de ces essais.
L’extraordinaire démonstration de l’US Air force en 2020 : un drone aérien abattu par canon automoteur de 155 mm
Pour l’heure, on n’en sait guère davantage, au sujet de ce programme. On ignore, notamment, le calibre de l’arme, sa portée, et même sa nature. Il s’appuie sur les avancées réalisées par l’Air Force Research Lab, afin de démontrer l’efficacité de l’engagement multidomaine.
Le programme MDACS repose sur les acquis technilogiques de l’US Air Force Research Lab, mais aussi de l’US Navy, pour concevoir son système antiaérien d’artillerie mutlidomaine.
Pour l’occasion, le canon de 155 mm avait été connecté à un système multidomaine pour en assurer le ciblage et le pointage, et avait employé un nouvel obus hypersonique HVP (hypervelocity projectile), développé initialement par BAe pour le programme de canon électrique de l’US Navy.
Ainsi paré, le XM1299 est parvenu à intercepter un drone cible BQM-167 Skeeter évoluant à une vitesse subsonique élevée. Le Tzar des acquisitions de l’US Air Force, Will Roper, déborda d’enthousiasme à ce sujet, lorsqu’il rendit publique l’expérience. « Pour information, un char est parvenu à abattre un missile de croisière », avait-il alors déclaré, « C’est un jeu vidéo, de la science-fiction », avait-il ajouté.
Les atouts de l’artillerie antiaérienne moderne
C’est certainement dans ce contexte particulier, que l’US Army envisage, à nouveau, de s’intéresser à l’artillerie antiaérienne. En effet, jusqu’à présent, celle-ci se caractérisait par une portée particulièrement courte, une efficacité relativement réduite, obligeant les armées, pour être efficaces, à multiplier les batteries.
Pendant presque quanrante ans, le MIM-104 Patriot a représenté l’Alpha et l’oméga de la défense antiaérienne pour l’US Army.
Ceci fait, naturellement, peser un important poids, logistique, budgétaires, mais surtout en matière de ressources humaines, sur les armées. Et c’est précisément pour cela que l’US Army, et avec elle une grande majorité des armées mondiales, se sont tournées vers les solutions à base de missiles. Celles-ci permettent, en effet, de couvrir, avec une unique batterie, un périmètre beaucoup plus étendu.
En outre, même si les missiles sont beaucoup plus onéreux que les obus d’artillerie, ils sont à ce point efficace, que le taux d’échange économique, par aéronef abattu, restait largement positif.
Depuis, la physionomie de la défense aérienne, a considérablement évoluée. En effet, là où, il n’y a de cela que vingt ans, les avions de combat devaient encore survoler la cible pour l’attaquer, ceux-ci emploient désormais des munitions à longue portée, pour rester hors du périmètre de défense de l’adversaire.
De fait, là où les cibles étaient très majoritairement des avions et des hélicoptères en 1990, celles-ci sont dorénavant remplacées par des missiles de croisières, des munitions planantes intelligentes, des drones ou des roquettes, présentant un cout bien moins élevés, permettant à l’adversaire d’user les réserves de missiles pour en venir à bout.
Le canon Oto-Melara de 76 mm a montré toute son efficacité contre les drones Houthis en mer Rouge.
Dans le même temps, les performances de l’artillerie, ainsi que des systèmes de détection et de communication, ont transformé l’efficacité de l’artillerie antiaérienne, capable à présent d’intercepter ses cibles avec une très grande efficacité, à des distances plus élevées, et de manière souvent automatisée.
Les récents exemples de l’utilisation des canons navals de 76 et 127 mm par les marines américaines, allemandes, italiennes et françaises, contre des drones Houthis, s’inscrivent précisément dans cette confiance retrouvée des armées dans l’efficacité de l’artillerie antiaérienne.
Le retour de l’artillerie antiaérienne dans le mix opérationnel occidental
Comme évoqué précédemment, l’artillerie antiaérienne dispose d’arguments de poids pour séduire à nouveau les stratèges militaires. Le premier d’entre eux, et non des moindres, n’est autre que le très faible cout de ses munitions, en comparaison des missiles antiaériens à plusieurs millions de dollars.
Non seulement les obus antiaériens sont-ils beaucoup moins onéreux, mais ils sont aussi bien plus faciles et rapides à produire en grande quantité, sujet qui a pris toute sa dimension depuis le début de la guerre en Ukraine, alors que les industriels occidentaux peinent à réapprovisionner suffisamment vite les batteries de missiles antiaériens envoyées dans le pays.
En outre, ces batteries sont désormais fortement automatisées, ne nécessitant que peu de personnels pour fonctionner et pour être réapprovisionnées. Leur efficacité et leur portée accrue, en réduit le nombre nécessaire pour protéger une zone. Enfin, elles se montrent, potentiellement, plus aptes à résister à des attaques de saturation.
Avec la tourelle Skyranger 30, l’allemand Rhienmetall a pris une longuer d’avance dans le domaine de l’artillerie antiaérienne à courte portée moderne.
Il n’est donc en rien surprenant de constater que l’artillerie antiaérienne retrouve les faveurs des armées, y compris au sein de l’OTAN, et même de l’US Army, avec le programme MDACS.
L’allemand Rheinmetall a parfaitement senti cette évolution en cours, concernant les armements terrestres, avec la tourelle Skyranger 30. Celle-ci équipera les systèmes Shorad qui remplaceront les Gepard au sein de la Bundeswehr. Elle a, part ailleurs, déjà été commandée par l’Autriche, le Danemark et la Hongrie, sur différentes configurations, alors que la Lituanie est proche de raccrocher le wagon.
Dans le domaine naval, c’est incontestablement l’italien Oto-Melara, fusionnée en 2016 au sein du groupe Leonardo, qui a pris une avance notable sur le sujet, en particulier avec son canon de 76 mm, qui arme une vingtaine de classes de frégates et autant de corvettes occidentales, alors que son canon 127/54 équipe une quinzaine de classes de destroyers.
De nombreux programmes sont engagés dans ce domaine, en particulier pour ce qui concerne les canons électriques de moyens calibres, développés au Japon, en Turquie et en Europe.
Conclusion
On le voit, la défense antiaérienne devrait, dans les années à venir, voir un retour marqué des canons et des systèmes anti-aériens, aux côtés des missiles et des systèmes à énergie dirigée, déjà planifiés.
Le Rapid Fire de Thales constitue une plateforme prometteuse pour developper des systèmes d’artillerie antiaérienne modernes en Europe.
Les nouvelles performances de ces systèmes modernes, mais aussi le faible cout d’utilisation, et leur rusticité, ont su convaincre non seulement certaines armées européennes, mais aussi la très rétive, jusqu’à présent en tout cas, US Army, qui avait abandonné cette capacité depuis presque 50 ans avant cela.
Il faudra donc se montrer attentif aux évolutions et progrès réalisés par le programme MDACS américain, tout en développant, simultanément, des capacités comparables, tant le besoin, face aux drones, missiles de croisière et munitions stand-off, s’impose aussi bien sans le domaine aéroterrestre qu’aéronaval.
Dans ce domaine, le Rapid Fire de Thales, basé sur le canon 40 CTA de Nexter, destiné initialement à protéger les unités secondaires de la Marine nationale, comme les Bâtiments Ravitailleurs de la Flotte, les Patrouilleurs océaniques, ou les Grands Bâtiments de Guerre des Mines, représente, très certainement, un excellent point de départ, pour l’industrie de défense française.
Le 9 décembre 2023, la frégate française Languedoc (D643), en mission au large du Yémen, employait pour la première fois ses armes pour intercepter des drones aériens lancés par les rebelles Houthis. Il s’agissait de la première utilisation opérationnelle du missile antiaérien Aster, qui s’est conclue par un succès remarquable.
Rapidement, toutefois, une polémique enfla sur les réseaux sociaux. En effet, le missile Aster 15 coute sensiblement plus cher que les drones employés par les Houthis. En outre, avec seulement 16 missiles en position de tir, la Languedoc pouvait rapidement se trouver sans munition, en cas d’attaque de saturation lancée contre elle, ou les navires escortés.
La Marine nationale avait, alors, justifié l’emploi du missile, expliquant qu’il fallait comparer non pas le prix du missile, mais celui de la cible protégée, avec le prix du drone. Pour autant, les constats faits à ce moment-là, restaient valides, d’autant qu’il est impossible de placer de nouveaux missiles en silo lorsque le navire est à la mer.
La Marine française n’est pas restée inactive, à ce sujet. En effet, la frégate Alsace, une FREMM, elle aussi, mais spécialisée dans la défense aérienne, qui a relevé la Languedoc en mer Rouge il y a quelques jours, est arrivée sur zone avec un nouvel équipement taillé pour faire face à cette menace émergente, le système de détection électrooptique Paseo XLR du français Safran.
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La frégate de défense aérienne Alsace a détruit les drones Houthis à l’aide de son canon de 76 mm
Le rôle, comme l’efficacité du Paseo XLR, n’ont pas tardé à être mis en avant. En effet, au matin du 9 mars, la frégate française Alsace est intervenue face à trois drones d’attaque Houthis. Elle n’a pas fait usage, pour cela, de ses couteux missiles Aster, mais de son canon de 76 mm, éminemment moins onéreux, pour abattre les drones, préservant ainsi ses 32 missiles Aster 15 et 30, pour faire face à des menaces plus difficiles, ou plus distantes.
Les drones Houthis ont été abattu par la frégate française Alsace à l’aide de son canon de 76 mm OTO-Melara
Ces succès concomitants ont été rendus possibles grâce aux informations de détection et de ciblages fournies par le Paseo XLR, positionné de part et d’autre des sabords du navire, couvrant la presque totalité du périmètre, et transmises, via le système de combat, au canon et à sa conduite de tir STIR.
Ils montrent aussi, au-delà de l’efficacité du système, la confiance de la Marine nationale dans ce système. En effet, là où un Aster 15 peut intercepter une cible jusqu’à 50 km, garantissant une distance de sécurité importante pour réagir en cas d’échec de l’interception, le canon de 76 mm ne porte, lui, qu’à 8 km.
Pour intercepter les drones Houthis, le commandant de la frégate française, a donc dû attendre que les cibles soient à portée, réduisant d’autant ses options en cas d’échec, même si les drones sont réputés peu véloces. Il avait donc toute confiance dans son système de détection, d’engagement et d’interception, pour procéder ainsi, afin de préserver ses précieux missiles surface-air, et ce, par trois fois semble-t-il.
Le Paseo XLR, un système de détection électro-optique conçu initialement pour le combat terrestre
Ce succès a été rendu possible grâce au nouveau système électro-optique Paseo XLR pour Extra Long Range. Il s’agit d’un système de détection conçu pour surveiller, détecter, identifier, suivre et engager plusieurs cibles aériennes et navales simultanément, grâce à des canaux infrarouges et vidéos d’une grande précision.
Le jaguar EBRC est équipé du système electrooptique Paseo, notamment pour le ciblage de son canon de 40 mm CTA.
Le Paseo a été initialement conçu par la société Optrolead, une coentreprise entre Safran et Thales, pour équiper les véhicules de combat terrestre. Il constitue, ainsi, l’un des principaux senseurs et systèmes de visée du nouvel Engin Blindé de Reconnaissance et de Combat EBRC Jaguar, qui remplace le char léger AMX-10RC dans les unités de cavalerie française.
À bord d’unités navales, il apporte plusieurs capacités complémentaires aux senseurs classiques, comme les radar et sonar. D’une part, il permet de détecter des cibles à faible détectabilité, comme les drones aériens et navals, souvent trop lents ou trop petits, pour être traités efficacement par les systèmes classiques. Ceci explique que, parfois, les interceptions de drones Houthis s’effectuent à très courte portée.
D’autre part, il s’agit un système entièrement passif, pour qu’il ne révèle pas la présence ni la position d’un navire sur le spectre électromagnétique, comme c’est le cas, par exemple, des radars ou des systèmes de communication. Enfin, son ADN destiné à la guerre aéroterrestre, en font un système à la fois très réactif et très discriminant, le rendant encore davantage performant contre les menaces drones, qu’ils soient aériens ou navals.
Porte-avions, BRF, FDI : le Paseo XLR sélectionné de longue date par la Marine française
Si l’ajout du Paseo XLR à la frégate Alsace, constitue un Quickwin indéniable pour le navire français évoluant en mer Rouge, en répondant rapidement à une évolution notable des conditions d’engagement, il ne représente, en rien, une nouveauté pour la Marine nationale.
Le PAN Charles de Gaulle met en oeuvre, ddans sa mature (à droite sur la passerelle radar), un système PASEO XLR.
En effet, le système équipe déjà le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle depuis plusieurs années, précisément pour compléter la gamme de senseurs du navire amiral français. Il équipe également le nouveau Bâtiment Ravitailleur de la Flotte Jacque Chevallier, entré en service en 2023, pour assurer la surveillance et la protection du navire, et en particulier, pour alimenter le système de protection rapproché CIWS Rapid Fire.
Enfin, le Paseo XLR est intégré nativement aux cinq nouvelles frégates FDI de la classe Amiral Ronarc’h, qui entreront en service au sein de la Marine nationale de 2024 à 2030. Bien que cela n’ait pas encore été officiellement évoqué, tout porte à croire que le Paseo XLR armera par ailleurs les nouveaux Grands navires de Guerre des Mines, construits conjointement avec la Belgique et les Pays-Bas, pour remplacer les chasseurs de mines Tripartite des trois pays.
Les frégates FREMM et FDA françaises équipées en urgence du Paseo XLR, pour un cout minime
L’installation du Paseo XLR sur la frégate Alsace, en amont de son déploiement en mer Rouge, n’est pas une expérimentation. En effet, selon le site Naval news, tout indique que le système est désormais installé également sur la seconde FREMM DA français, la Lorraine.
En outre, les deux frégates de défense aériennes FDA Forbin et Chevalier Paul, de la classe Horizon, et les six frégates FREMM de la classe Aquitaine, seront, elles aussi, équipées de ces systèmes, sur un calendrier particulièrement réduit, six mois étant évoqués pour l’ensemble des installations, et pour des couts tout aussi réduits.
Repéré par navalsnews.com, le Paseo XLR a été monté sur le sistership de la frégate Alsace, la frégate de défense aérienne Lorraine.
L’intégration des Paseo XLR sur le PAN Charles de Gaulle, et sur les FDI, ont notamment permis de parfaitement intégrer la communication entre le système électro-optique et le système de combat SETIS, qui équipe aussi les autres frégates françaises, rendant leur déploiement, sur ces navires, particulièrement aisé.
Ce tour de force va, incontestablement, venir considérablement renforcer les moyens dont disposeront les navires de surface de la Marine nationale, pour s’engager dans une zone exposée à la menace drones, qu’ils soient aériens ou de surface. Rapide, peu onéreux et répondant très efficacement à une menace identifiée, il s’agit, sans le moindre doute, d’un Quickwin remarquable.
Cela fait maintenant plusieurs années que l’entrée en service du bombardier stratégique H-20, développé par l’avionneur chinois Xi’an pour les forces aériennes de l’Armée populaire de Libération, est attendue.
En décembre 2021, une vidéo de recrutement de ces mêmes forces ariennes chinoises, avait laissé supposer que l’appareil serait bientôt dévoilé, pour une entrée en service rapide. Il n’en fut rien, et plus de deux ans plus tard, le calendrier, de même que l’apparence et les performances du H-20, demeurent encore très mystérieux.
Pourtant, à en croire Wang Wei, le commandant adjoint des forces aériennes chinoises, la présentation du bombardier furtif devrait prochainement intervenir, en précisant que le nouvel appareil qui arrive justifie pleinement cette attente.
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Le bombardier stratégique H-20, le successeur attendu du bombardier H-6K
Les forces aériennes stratégiques chinoises mettent en oeuvre 230 bombardiers stratégiques Xi’an H-6K, dont les performances sont cependant très inférieures à celles des modèles russes et américains.
Celle-ci repose sur 230 bombardiers stratégiques H-6K, un appareil conçu dans les années 60 par l’avionneur Xi’an, sur la base du bombardier soviétique Tu-16 dont quelques exemplaires ont été acquis par Pékin auprès de Moscou en 1959.
Si le H-6K a sensiblement le même âge que le Tu-95MS toujours en service au sein des forces aériennes stratégiques russes, et que le B-52H portant une partie de la dissuasion des États-Unis, le bombardier chinois est loin d’en avoir les performances.
Ainsi, le Tu-95MS et 70 % plus lourd que l’appareil chinois, avec une masse maximale au décollage de 170 tonnes, contre 95 tonnes pour le H-6K. Le B-52H, lui, atteint 220 tonnes au décollage. En outre, les bombardiers russes et américains ont rayon d’action de 15 000 km, contre 4 000 km pour le chinois, et ils emportent respectivement 15 tonnes et 32 tonnes d’armement, contre 12 tonnes pour le H-6K.
Surtout, ces forces aériennes mettent concomitamment en œuvre des bombardiers stratégiques bien plus modernes et performants, le Tu-160 des forces aériennes russes , et les B-1 et B-2 pour l’US Air Force, alors que le B-21 entrera en service d’ici à 2027.
Les forces aériennes stratégiques russes prevoient de disposer de plus de 50 Tu-160M d’ici à la fin de la decennie.
De fait, l’arrivée du H-20 est plus qu’attendue par l’Armée Populaire de Libération, qui s’est engagée dans un bras de fer, conventionnel comme stratégique, avec les États-Unis dans le Pacifique, pour lequel le nouveau bombardier chinois, susceptible d’atteindre Hawaï et l’Alaska sans ravitaillement en vol, s’avère indispensable.
Un bombardier furtif aux performances annoncées proches de celle du B-21 Raider américain
Les performances et capacités opérationnelles du H-20 sont, comme on peut s’y attendre, très peu connues, d’autant que Pékin communique très peu sur les avancées et performances de ses programmes militaires, depuis que l’état-major chinois a mis sous cloche ces informations en 2019.
À en croire les informations distillées au compte-gouttes sur le sujet par l’APL, celui-ci aurait la forme d’une aile volante, pour en garantir la furtivité, et un rayon d’action de 8 500 km, qui reste insuffisante pour atteindre le territoire des États-Unis, en dehors d’Hawaï et de l’Alaska, sans ravitaillement en vol.
Le B-21 Raider a effectué son premier vol le 1à novembre 2023.
Comme les autres bombardiers ayant opté pour le modèle de l’aile volante furtive, le H-20 aura un profil de vol subsonique élevé, à moyenne et haute altitude. La communication chinoise fait état d’une capacité d’emport d’armement de 10 tonnes ou plus, ce qui semble particulièrement faible face aux 32 tonnes du B-2 Spirit, mais qui semble alignée avec les capacités annoncées concernant le B-21 Raider, de 9,2 tonnes.
Une démonstration des nouvelles compétences de la technologie militaire chinoise
Le développement du H-20 a été rendu public par les autorités chinoises en 2016, mais il est probable que celui-ci ait été lancé au début des années 2010, à l’instar de celui du B-21, entamé en 2011.
Même si l’on peut supposer que l’appareil américain sera certainement plus performant, plus furtif, et disposera d’une avionique plus avancée, le développement du H-20 sur un calendrier aussi restreint, démontrerait les immenses progrès réalisés par l’industrie aéronautique chinoise, pour qui, rappelons-le, le développement d’un tel appareil est une première.
Cette capagne de teasing de 2021 laissait supposer que le H-20 serait prochainement révélé. Il n’en fut rien.
Ce développement laisserait aussi apparaitre que Pékin commence à creuser l’écart avec la Russie dans ce domaine, après que le développement du chasseur embarqué J-35 en quelques années seulement, avait déjà bouleversé la hiérarchie héritée de la guerre froide en matière de compétence aéronautique militaire.
En effet, si Moscou est parvenu à relancer la construction de bombardiers stratégiques supersoniques Tu-160M, le programme de bombardier furtif PAK-DA, lui, ne montre aucun signe d’avancées significatives ces cinq dernières années, laissant penser que la Russie pourrait bien renoncer à son développement, ou tout au moins, à le faire sur un calendrier comparable à la Chine et aux États-Unis.
Un enjeu majeur pour l’Armée Populaire de Libération pour le contrôle du Pacifique occidental
Reste que si l’arrivée du H-20 pour remplacer les bombardiers stratégiques H-6K, permettra à la Chine de faire jeu égal avec les États-Unis en matière de dissuasion, s’il devait également remplacer les H-6J de bombardement naval, il pourrait sensiblement modifier le rapport de force dans le Pacifique occidental.
En effet, avec un rayon d’action de plus de 8 000 km, et un profil de vol furtif, l’appareil serait en mesure de faire peser une menace particulièrement redoutable contre les porte-avions et grands navires amphibies américains, évoluant jusqu’autour de Pearl Harbor.
Si le H-20 venait à remplacer également les bombardiers navals H-6J, il pourrait profondement boulverser le rapprot de force dans le Pacifique, en faisant peser une menace importante sur les porte-avions et amphibies américains, jusqu’à Pearl Harbor.
Dans ce domaine, la forme d’aile volante furtive, dépourvue d’empennage vertical et de plans horizontaux, permet en particulier de neutraliser les effets de résonance qui donnent aux radars UHF du E-2D Hawkeye, une capacité de détection accrue contre les appareils furtifs. Ceci permettra au bombardier chinois de s’approcher suffisamment des porte-avions américains pour lancer des attaques de saturation à l’aide de missiles antinavires transportés en soute.
Reste qu’il faudra encore de nombreuses années pour que cette capacité voie le jour, d’autant qu’il ne fait aucun doute que les forces aériennes stratégiques de l’Armée Populaire de Libération auront la priorité pour recevoir les H-20 fabriqués.
Reste que l’arrivée du H-20, si elle intervient bien dans les mois à venir, comme l’a laissé entendre Wang Wei, va constituer un jalon majeur dans la course technologique que se livrent désormais Washington et Pékin aujourd’hui, en réduisant encore davantage l’avantage technologique sur lequel les armées américaines conçoivent le rapport de force face à la Chine.
Lancé en 2019, le programme Extended-Range Cannon Artillery, ou ERCA, et le super-canon M1299, devaient permettre à l’US Army de reprendre l’avantage en termes d’artillerie, alors que le M109 Paladin et son tube de 39 calibre, offrait des performances très inférieures à celles des Archer, Pzh2000 et Caesar européens, et leurs tubes de 52 calibres.
Ainsi, là où la portée du Paladin, avec des obus classiques, plafonne à 24 km, les systèmes européens dépassent les 40 km. Pire encore, la Chine et la Russie ont, elles aussi, entrepris de doter leurs armées de ces canons longs de 8 mètres, avec le PCL-181 chinois et le nouveau 2S35 Koalitsiya-sv russe.
Le programme ERCA, un des piliers du super programme BIG 6, devait relever ce défi, en équipant le M109 d’un nouveau tube de 58 calibre pour donner naissance au M1299, lui permettant de propulser des obus conventionnels à 70 km. Si les premiers essais étaient encourageants, les difficultés techniques rencontrées ces derniers mois sont, semble-t-il, eu raison du programme.
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Une usure trop rapide du canon de 58 calibre XM907 L/58
Il y a à peine plus d’un an, en janvier 2023, l’US Army avait annoncé que les essais de son canon automoteur M1299, un M109 équipé du tube de 58 calibre XM907, montrait des signes d’usure rapide. Une investigation avait alors été diligentée, pour comprendre les raisons de cette fatigue excessive, et surtout la façon dont le problème pouvait être contourné.
Le Pzh2000 fait parti de ces systèmes d’artillerie européens entrés en service il y a maintenant 15 à 20 ans, équipés d’un tube de 52 calibre (52 fois le calibre de l’arme, soit 8,06 m), dont la portée et la precision sont très supérieures à celles des tubes de 39 calibres, comme pour le M109 américain.
En effet, plus un tube d’artillerie est long, plus les contraintes mécaniques et thermiques, lors du tir, sont importantes. Si, pour un système d’artillerie navale, il est aisément possible d’accroitre l’épaisseur du tube, pour en accroitre la résistance, cette solution évidente ne peut aisément être transposée sur un canon automoteur, pour qui la prise de poids qu’un tube plus épais engendrerait, viendrait considérablement altérer la mobilité et la stabilité du véhicule.
Les ingénieurs américains ont donc, pendant une année, cherché la solution pour maintenir la longueur du canon XM907, sans en accroitre significativement la masse, pour en accroitre la résistance aux contraintes.
Ces difficultés n’ont rien de surprenant. En effet, déjà, les tubes de 52 calibre des Caesar, Pzh2000, Archer et K9, ont une usure sensiblement plus rapide que les tubes de 39 calibres employés précédemment, ceci imposant, notamment en Ukraine, un besoin accru de régénération des systèmes européens mis en œuvre par les armées de Kyiv.
L’US Army annonce l’abandon de son super-canon M1299 du programme ERCA dans le budget 2025.
De toute évidence, les efforts de trouver une solution applicable pour le M1299, ont été vains. L’US Army a, en effet, annoncé, dans le cadre de la présentation de ces demandes concernant le budget 2025 (qui débute au 1ᵉʳ octobre 2024), l’abandon de ce programme et des investissements attachés.
Le M1299 est un chassis de M109 équipé d’un tube de 58 calibre (9 m), pour atteindre une portée de 70 km avec un obus classique. Toutefois, les ingénieurs américains ne sont pas parvenus à regler les problemes d’usure prématurée du tube, entrainant l’abandon du programme.
À l’occasion de la présentation du budget prévisionnel 2025 de l’US Army ce 8 mars, Doug R. Bush, l’Assistant Secrétaire à l’US Army en charge des acquisitions, a confirmé qu’en dépit de la conclusion de la phase de prototypage, ayant permis de livrer les 20 XM1299 attendus, les difficultés rencontrées ne permettaient pas de passer en phase de production.
Une procédure pour faire évoluer l’artillerie américaine lancée en urgence
L’abandon du XM1299 génère, comme on peut s’y attendre, un besoin urgent pour l’US Army, afin de moderniser son artillerie autoportée, afin de répondre aux systèmes qui entrent en service en Russie et en Chine.
L’US Army avait lancé, en octobre dernier, une étude qui se veut exhaustive, portant sur le feu tactique, visant à donner une vision objective sur les besoins, mais aussi sur les technologies et capacités industrielles existantes, de sorte à évaluer la maturité des différentes options.
Avec son tube de 39 calibre, le M109 atteint une portée de seulement 24 km avec des obus classiques.
Il s’agit, désormais, pour l’US Army, de choisir rapidement les axes technologiques qui formeront le socle de ses capacités d’artillerie dans les années et décennies à venir, en se concentrant sur les options valides et dérisquées, à l’inverse du programme ERCA, qui aura, au final, fait perdre cinq précieuses années au Pentagone dans ce domaine que l’on sait clé.
Plusieurs possibilités s’offrent à l’US Army, comme se tourner vers un tube de 52 calibre européen. Dans ce domaine, le L/52 de Rheinmetall, qui arme déjà le Pzh2000 et le RCH 155 allemands, le CN98 sud-coréen qui équipe le K9, et le FH-77 BW L/52 suédois de l’Archer, seront certainement évalués, les industriels étant déjà très présents aux États-Unis, contrairement, par exemple, au Caesar français.
Dans le cadre du budget 2025, Doug Bush a ainsi indiqué qu’une enveloppe de 55 m$ sera consacrée à la poursuite du programme ERCA (mais par à celui du XM1299), en particulier pour, précisément, définir le cadre technologique qui définira l’évolution de l’artillerie US dans les années à venir.
L’US Army a également annoncé un important effort, toujours dans le cadre du programme ERCA, dans le domaine de la conception de nouvelles munitions, comme le XM1113, le XM1115-SC ou l’obus à statoréacteur développé par Boeing et le norvégien Nammo. À tube donné, ces munitions permettent d’accroitre la portée de 20 à 50 %, tout en conservant une excellente précision grâce à un guidage GPS et/ou inertiel.
Les obus à propulsion additionnée, comme le XM1113 ou le XM1115-SC, offrent une portée étendue à tube égal, mais coutent beaucoup plus chers et sont beaucoup plus longs à produire que les obus d’artillerie convetionnels.
Toutefois, ces obus sont loin de représenter une solution miracle. En effet, là où un obus de 155 mm classique coute, au pire, quelques milliers de dollars, un obus Excalibur à propulsion additionnée et guidage GPS coute, quant à lui, couterait autour de 70 000 à 80 000 $, et nécessite des délais de production très supérieurs.
De fait, si ces nouvelles munitions représenteront une plus-value significative dans l’arsenal de l’US Army, comme des autres armées occidentales, ils ne pourront, en aucun cas, se substituer aux obus classiques, bien plus économies et rapides à produire, qui continueront de constituer l’essentiel de la puissance de feu sur le champ de bataille.
On le sait, les exportations d’armement représentent un enjeu stratégique pour la France. Elles permettent, en effet, de maintenir, sur le sol français, un savoir-faire industriel et technologique global, là où les commandes nationales ne suffiraient pas, contrairement aux États-Unis, à la Russie et à la Chine.
En outre, ces exportations permettent d’accroitre la soutenabilité de l’effort de défense français, en générant des recettes fiscales et sociales venant plus qu’atténuer les effets des hausses du budget des armées enregistrées depuis 2018.
De fait, les récents succès enregistrés, ces dernières années, par le chasseur Rafale, le canon porté Caesar, ou encore le sous-marin Scorpène, confortent la pérennité de cette capacité industrielle française, plus que jamais indispensable dans le contexte sécuritaire dégradé en Europe, et dans le monde.
Mais ces succès ont eu, également, un effet presque inattendu. En effet, selon le dernier panel publié par l’organisme suédois SIPRI, la France aurait ravi, sur la période 2019-2023, la seconde place mondiale en matière d’exportation de défense. Il s’agit d’un incontestable succès pour la France, tout autant d’un échec pour la Russie, qui a fait de son industrie de défense, le pilier de sa transformation économique.
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Une chute historique des exportations d’armement russes ces 5 dernières années
En dépit de l’effondrement du bloc soviétique, la Russie parvint, à partir de 1995, à conserver le second rang mondial, concernant les exportations d’équipements de défense. Pour Moscou, ces exportations constituaient tant une source notable de devises, qu’une activité industrielle majeure, employant plus d’un million de salariés dans le pays, soit la plus importante activité du pays, en dehors de l’extraction et la transformation d’hydrocarbures.
Symbole des difficultés rencontrées par la Russie ces dernières années sur le marché des exportations d’armement, seule la Chine a acheté le Su-35 russe à ce jour.
Pourtant, ces 5 dernières années, ces exportations russes ont dramatiquement chuté, passant de 21 % du total des exportations d’armes dans le monde sur la période 2014-2018, à seulement 11 % sur 2019-2023, selon l’organisme Sipri.
Plusieurs facteurs sont venus dégrader les exportations russes. D’abord, à partir de février 2022, et l’entame de l’opération spéciale militaire en Ukraine, Moscou a concentré la presque totalité de ses capacités industrielles en soutien de ses armées, réduisant au strict minimum ses exportations.
Par ailleurs, depuis 2019, les exportations russes ont été lourdement handicapées par la menace de la législation CAATSA américaine, menaçant de sanctions sévères les clients de l’industrie de défense russe, concernant certains équipements majeurs. Enfin, l’attractivité des équipements russes a souffert, ces dernières années, de la comparaison, en performances, avec les armements occidentaux, pourtant bien plus chers.
Une seconde place consolidée de la France, face à une industrie de défense russe handicapée sur la scène internationale
Dans le même temps, la France a connu une période faste concernant les exportations de ses armements, tractées par les excellents résultats du chasseur Rafale, du canon Caesar ainsi que du sous-marin Scorpene, sur la scène internationale.
Le sous-marin Scorpene a représenté un des piliers des exportations françaises d’armement de 2019 à 2023, en particulier au Brésil et en Inde.
Surtout, tout indique que la dynamique française, n’est pas encore arrivée à son apogée. En effet, dans les années à venir, les livraisons de ces systèmes, mais également d’autres succès comme dans le domaine de la guerre des mines navales, dans celui des blindés sur roues, des missiles ou encore des hélicoptères, devraient encore croitre, sur la base des commandes signées ces trois dernières années.
De fait, tout porte à penser que la seconde place de la France, en matière d’exportations d’arme, est destinée à perdurer encore plusieurs années, d’autant qu’en dehors de la Russie, qui se place juste dernière elle, avec là aussi 11 % du marché global, la Chine, 4ᵉ, et l’Allemagne, 5ᵉ, n’affichent que 5,8 et 5,6% respectivement, du marché mondial.
En revanche, une fois la guerre en Ukraine terminée, si tant est que la Russie conserve sa trajectoire et son industrie de défense, elle pourrait, rapidement, reprendre des parts de marchés significatives, en lien avec les rapides progrès réalisés par son indsutrie de défense en Ukraine.
Les États-Unis survolent les exportations mondiales d’équipements de défense
Si la France a ravi à la Russie, de peu, il est vrai, la seconde place mondiale d’exportateur d’équipements de défense, la première place demeure, plus que jamais, aux mains des États-Unis.
Le F-35 est le meilleur pourvoyuer de succés de l’indsutrie américaine de défense sur la scène internationale, en particulier en Europe.
Ceux-ci ont, en effet, assuré près de 42 % des exportations mondiales d’équipements de défense, sur la période 2014-2018, une progression de 17 %, en comparaison des 34 % de la période précédente.
Comme pour la France, la position dominante des États-Unis s’inscrit dans une dynamique positive, alors que de nombreux contrats ont été signés, entre 2021 et 2023, en particulier pour ce qui concerne la livraison d’avions de combat, d’hélicoptères, de blindés et de missiles, spécialement vers les Européens.
Ces contrats entreront en livraison dans les années à venir, garantissant aux industriels américains une position super-dominante pendant encore de nombreuses années, et ce, même si Donald Trump venait à s’imposer lors des prochaines élections présidentielles, et à prendre des positions bien plus conservatoires concernant le rôle des États-Unis dans la défense européenne.
À ce titre, le panel SIPRI de cette année, n’a pas encore pris en compte les effets des commandes européennes de ces dernières années, en particulier vers les États-Unis, avec plus de 200 F-35 commandés ces trois dernières années, ou à commander dans les mois à venir, ainsi que celui des blindés, des hélicoptères de combat et des missiles.
Ainsi, si, pour la période 2019-2023, seuls deux pays européens apparaissent dans le TOP 15 des importateurs d’armes, l’Ukraine et la Grande-Bretagne, il ne fait aucun doute que d’ici à deux ou trois ans, le nombre de pays européens présents dans cette liste sera beaucoup plus élevé, avec la Pologne (Abrams, K2, K9, K239, Himars, CAMM, Arrowhead 140, F/A-50, AH-64…), la Roumanie, la Finlande, ou encore l’Allemagne.
La progression rapide de l’Italie, de la Corée du Sud et de la Turquie
En dehors des États-Unis et de la France, plusieurs pays ont connu une très importante hausse de leurs exportations de défense sur la période considérée. C’est en particulier le cas de l’Italie, passée de la 9ᵉ à la 6ᵉ place, et surtout de 2,2 à 4,3 % du total des exportations mondiales, soit une hausse de 86 %.
l’Italien Finantieri a signé plusieurs contrats majeurs ces dernières années, en particulier au Qatar, en indonésie et aux Etats-unis.
Rome s’est, en effet, imposé lors de plusieurs compétitions mondiales ces dernières années, en particulier dans le domaine naval, avec les contrats qataris et américains (frégates, Constellation), ainsi que dans le domaine des hélicoptères militaires. De nombreux nouveaux contrats ont, par ailleurs, été signés, garantissant une dynamique positive à l’industrie de défense italienne.
La Corée du Sud a vu également ses exportations croitre, mais de manière mesurée, passant de 1,7 à 2.0 % des exportations globales. Toutefois, les succès enregistrés en Pologne, en Égypte, en Australie ou encore en Roumanie, concernant ses blindés, laisse supposer que ces exportations croitront encore massivement dans les années à venir.
Le champion de la croissance des équipements de défense, sur la période, est indiscutablement la Turquie, passée de 0,6 % à 1,7 % sur les deux périodes successives, soit une hausse de 106 %.
Comme Paris, Rome et Séoul, Ankara a enregistré d’autres succès récents, en particulier dans le domaine des drones. Toutefois, en matière de progression relative, on peut s’attendre à une croissance moindre de la part de la Turquie, vis-à-vis de l’Italie ou de la Corée du Sud.
Conclusion
Reste que le panel, publié cette semaine par SIPRI, ne donne pas le pouls des évolutions constatées, ces deux dernières années, s’agissant de la production et l’exportation d’équipements de défense. Ne se basant que sur les équipements livrés et facturés, il offre, nécessairement, une vision assez datée, bien qu’utile et probablement assez juste, portant sur une période passée de 5 à 10 ans.
La periode 2019-2023 du rapprot SIPRI 2024, ne reflete pas encore les nombreux succès de l’indsutrie de défense sud-coréenne, en particulier en Europe (Pologne et Roumanie)
Il faudra donc observer, dans les années à venir, les annonces de prises de commande, plutôt que la facturation, pour anticiper la recomposition en cours du marché mondial de l’armement, avec la montée en puissance de certains acteurs (Turquie, Corée du Sud, Israël…), la consolidation d’autres (France, Allemagne, Grande-Bretagne et Italie) et l’évolution incertaine de la Russie et de la Chine.
Quoi qu’il en soit, alors que la France peine à financer l’augmentation de son effort de défense, les recettes générées par son industrie de défense, renforcée de ses succès à l’exportation, devraient donner, aux autorités du pays, matière à faire évoluer leur perception du sujet, et donc l’intérêt économique, technologique et politique, à soutenir les investissements dans ce domaine.
De 2000 à 2023, Dassault Aviation a livré 164 chasseurs Rafale aux forces aériennes françaises, ainsi que 102 appareils à l’exportation, soit une moyenne de 11,2 chasseurs par an, sans jamais passer sous le plancher de 11 appareils produits chaque année, indispensable pour maintenir la chaine de production active.
C’est donc une véritable révolution capacitaire qui se prépare à Mérignac, pour la chaine d’assemblage du Rafale, comme pour l’ensemble de sa chaine de sous-traitance. Le PDG de Dassault Aviation a, en effet, annoncé que la production du fleuron de l’aéronautique militaire française, allait passer, d’ici à la fin de l’année 2024, à trois appareils par mois.
Loin des positions défensives qui visaient à préserver la ligne de production, l’avionneur français passe, par cette décision, à un niveau de production connu des seules super-puissances américaines ou chinoises pour un modèle unique, et anticipe, par là même, de nouvelles commandes à venir, afin d’amortir les investissements nécessaires, pour lui donner corps.
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Produire 3 Rafale par mois d’ici à la fin 2024 : un effort monumental pour la Team Rafale
Le défi est de taille pour Dassault Aviation, et surtout pour l’ensemble des 500 entreprises appartenant à la Team Rafale. En effet, à la suite de la crise Covid, ainsi qu’aux conséquences de l’inflation ayant entrainé certains mouvements sociaux dans la chaine de sous-traitance du chasseur français, seuls 13 ont été effectivement livrés en 2023, sur les 15 qui étaient prévus.
La Quatar a été le second client à l’exportation du Rafale. Il a commandé, en 2015, 24 chasseurs, suivis deux ans plus tard, d’une option pour 12 chasseurs supplémentaires.
En d’autres termes, par cette annonce, Eric Trappier veut qu’en une année seulement, la production de Rafale neufs, soit triplée. Alors que beaucoup d’interrogations avaient porté sur la capacité de la chaine d’assemblage de Mérignac, pour augmenter la production au-delà de deux appareils par mois, le PDG du groupe avait indiqué, il y a quelques mois, que celle-ci pouvait croitre jusqu’à quatre, et même cinq chasseurs par mois.
Le point bloquant, concernant l’augmentation des cadences de livraison, n’est donc pas à chercher à Mérignac, mais dans cette chaine de sous-traitance, au rôle clé pour la fabrication du chasseur.
En effet, si Dassault, Thales ou Safran, les trois grands groupes qui participent au programme, n’ont pas de difficulté pour augmenter leurs cadences, et financer leur croissance, ce n’est pas le cas de l’ensemble des ETI et PME/PMI qui constitue le gros de la Supply Chain.
Celles-ci font face à d’importants déboires pour obtenir les financements requis pour se préparer à augmenter les cadences, mais aussi pour recruter le personnel nécessaire, souvent le former, alors que pendant vingt ans, les cadences de livraison du Rafale évoluaient entre 11 et 16 appareils par an.
Une partie des Rafale M de la Marine Nationale devra être retirée du service au debut de la prochaine decennie, après trente années de service éprouvantes sur porte-avions.
De fait, avant de s’engager à augmenter les cadences de construction et de livraison du Rafale, Eric Trappier a dû, préalablement, s’assurer que l’ensemble de sa Supply Chain sera effectivement prête à soutenir de telles cadences, y compris en résolvant leurs difficultés propres, dans un contexte particulièrement difficile.
Dassault Aviation anticipe de nouvelles commandes dans les mois et années à venir
Si l’augmentation des cadences de production, annoncée par le PDG de Dassault Aviation, permettra de répondre aux urgences capacitaires liées aux tensions internationales immédiates, elle représente, aussi, un pari sur l’avenir, pour l’avionneur français et l’ensemble de la Team Rafale.
En effet, avec un carnet de commande d’environ 164 appareils, passer à 36 chasseurs par an, plutôt que 24, amène l’apurement de ce carnet de commande à 2030, contre 2034 initialement. Or, la production du NGF du programme SCAF, ne devrait pas débuter, au mieux, avant 2035, et même probablement après.
Eric Trappier ayant montré qu’il était, avant tout, un dirigeant avisé et prudent dans ses choix, cette augmentation indique que Dassault anticipe, avec une marge de sécurité suffisante, la commande de 100 à 150 nouveaux chasseurs dans les mois et années à venir, permettant de faire la jonction avec l’entame de la production des NGF, mais aussi d’amortir les investissements requis pour augmenter les cadences de production de manière aussi significative.
La Marine indienne negocie l’acquisitiond e 26 Rafale M pour armer le porte-avions INS Vikrant.
La Colombie, l’inde, l’Égypte, la Serbie et l’Arabie Saoudite, sont les prospects les plus régulièrement évoqués concernant ces éventuelles commandes à venir à l’exportation. Il est aussi possible que Dassault anticipe des besoins de recapitalisation des forces aériennes françaises, que ce soit pour en étendre le format (espérons-le), remplacer les chasseurs les plus anciens comme les premiers Rafale M, ou de compenser de nouvelles ventes de chasseurs d’occasion, voire un mélange des trois.
Le Rafale F5 va donner une seconde jeunesse au chasseur français
Il est probable que l’avionneur français anticipe, aussi, les conséquences de l’arrivée du Rafale F5, prévue pour 2030, sur l’attractivité du chasseur. Si cette nouvelle version apportera d’importantes évolutions capacitaires, précipitant de plain-pied le Rafale dans la fameuse cinquième génération des avions de combat, elle marque aussi, pour la première fois, une divergence dans l’évolutivité du chasseur français.
En effet, seuls les chasseurs livrés au standard Rafale F4.2, donc produits à ce standard à partir de 2026, pourront effectivement évoluer vers ce standard F5, ceux livrés avant cette date, devant se contenter d’évolutions itératives moins significatives.
Le premier Rafale F4 français a effectué, il y a quelques jours, une prise d’alerte.
De fait, si le F5 va redonner une nouvelle jeunesse au chasseur français, le standard pourrait amener certains utilisateurs historiques du Rafale, à privilégier la vente de leur flotte de chasseurs sur le marché de l’occasion, pour s’équiper de ce nouveau standard, y compris concernant les forces aériennes françaises.
Dans le contexte de tensions extrêmes sur de nombreux théâtres, il est donc indispensable, pour Dassault, de pouvoir rapidement remplacer ces appareils vendus sur le marché de l’occasion, tout en étendant le parc installé.
Toujours pas de contrat pour la conception du drone de combat français
Concomitamment à l’annonce du standard F5, lors des débats parlementaires autour de la LPM 2024-2030, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, avait également annoncé la conception et la livraison, au début de la prochaine décennie, d’un drone de combat dérivé du démonstrateur Neuron, pour accompagner l’appareil.
Presque un an après, le contrat pour la conception de ce drone, pourtant indispensable au chasseur français, en particulier pour se confronter aux défenses antiaériennes adverses, n’a toutefois pas été signifié à Dassault Aviation.
Le contrat pour la conception du frone de combat qui accompagnera le Rafale F5 n’a toujours pas été signifié à Dassault Aviation.
Toutefois, si le calendrier de ce programme devait être respecté, on peut aussi supposer que Dassault pourrait avoir entrepris d’apurer plus rapidement son carnet de commande Rafale, de sorte à libérer de la capacité de production au-delà de 2030, pour fabriquer le nouveau drone, qui n’aura, de l’aveu d’Eric Trappier, guère à envier à un chasseur monomoteur classique.
Dassault toujours en pleine confiance
Qu’il s’agisse d’anticiper de nouvelles commandes directes, le remplacement d’une partie de la flotte par le nouveau standard F5, ou de libérer des moyens de production pour le futur drone de combat, il ne fait aucun doute, par l’annonce de l’augmentation massive des cadences de production du Rafale, que Dassault Aviation est en pleine confiance, concernant son marché adressable dans les dix à quinze prochaines années.
Outre les commandes à venir, dont Dassault estime qu’elles sont suffisamment crédibles pour justifier d’un tel changement de cadence, avec les risques que cela constitue pour l’activité de sa ligne de production après 2030, il est aussi probable que cette capacité étendue, permettra à l’avionneur français de proposer, lors de négociations à venir, des calendriers de production attractifs, pour s’imposer face à ses compétiteurs.