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L’US Army percevra ses premiers DE-SHORAD laser Guardian cette année

La protection contre les drones légers et moyens, y compris contre les munitions vagabondes, représente désormais un enjeu critique pour une force armée moderne. Selon les pays, des solutions différentes ont été avancées, employant des systèmes d’artillerie mobile, des missiles légers et même des drones anti-drones. Mais la solution la plus prometteuse dans ce domaine reste celle qui repose sur des armes à énergie dirigée, et c’est ce type de systèmes que l’US Army développe en urgence depuis 3 ans. L’un de ces systèmes est le Guardian, issu du programme DE-SHORAD, un blindé Stryker monté d’un laser d’une puissance de 50 Kw, capable de prendre à partie les drones de catégorie 1, 2 et même 3, ainsi que, dans une certaine mesure, les obus de mortier et les roquettes d’artillerie (les plus légères).

Le developpement du Guardian s’est fait tambour battant, les prestataires ne parvenant pas à suivre le rythme imposé par l’US Army étant tout simplement remerciés. Le prototype du système, équipé d’un laser conçu par la société Raytheon, a pu effectuer ses premiers essais riches d’enseignements en condition réelle en fin d’année dernière, et entamera une nouvelle phase d’essais en ce début d’année, afin de permettre la livraison des premiers systèmes à une unité opérationnelle de Fort Sill, dans l’Oklahoma, en septembre de cette année. Dans le même temps, l’US Army entend re-organiser la compétition jugée comme critique en matière capacitaire. En effet, si Raytheon et Korb ont été sélectionnés pour réaliser les prototypes et les équipements de pré-série, c’est avant tout lié au fait que les autres sociétés, comme Northrop qui elle aussi développait une solution pour le laser lui-même, n’avaient pas pu suivre le rythme effréné imposé.

Raytheon Guardian Stryker USArmy Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Illustration de Raytheon concernant l’utilisation du Guardian au combat contre une nuée de munitions vagabondes

Le sujet est d’importance pour le Pentagone comme pour les grandes entreprises américaines, puisque les 3 armées US ont entrepris de developper des solutions anti-drones et anti-missiles basées sur des laser à haute énergie ; l’US Army avec le Guardian de 50 Kw mais également l’IFPHEL Valkyrie visant un système de 300 Kw capable de neutraliser des cibles plus imposantes, y compris les missiles de croisière ; l’US Navy avec le système Helios de 60 Kw en cours d’installation sur l’USS Preble, et des plans pour des CIWS laser de 150 Kw et 600 Kw sur ses futurs destroyers DDG(x); et l’US Air Force avec le programme SHIELD pour protéger les avions de combat et de soutien des missiles air-air et sol-air. A noter que dans le même, ces 3 armées developpent également toutes 3 un système anti-drones basé sur un canon à micro-onde, et destiné avant tout à éliminer les essaims de drones.

Si les Européens ne sont pas aussi avancés que les américains dans ce domaine, ils ne sont pas non plus absent de cette compétition. Ainsi, la Marine Allemande à confier à la branche nationale de MBDA ainsi qu’à Rheinmetall la conception d’un laser destiné à équiper initialement les corvettes K130. La France pour sa part s’appuie sur l’expertise de la société CILAS, récemment achetée par MBDA et Safran, pour developper des systèmes anti-drones potentiellement mis en oeuvre à partir des blindés de nouvelle génération comme le VBMR Griffon. Mais le pays le plus ambitieux dans ce domaine reste incontestablement le Royaume-Uni, qui a alloué en 2019 un budget de 130 millions de £ pour les études visant à developper 3 systèmes, l’un lourd embarqué à bord des frégates de la Royal Navy, l’un moyen mis en oeuvre à partir de véhicules terrestres, et un dernier, plus léger, pour protéger les aéronefs, sorte du pendant britannique du programme Shield de l’US Air Force.

LaWS laser USS Ponce Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
le système Helios a été testé pendant 2014 sur l’USS Ponce, et va désormais être installé sur un premier destroyer Aegis, l’USS Preble

Reste que de nombreuses inconnues subsistent quant à l’efficacité opérationnelle de ces systèmes. En effet, pour détruire ou endommager sa cible, un laser doit être en mesure de l’illuminer précisément d’autant plus longtemps que la cible est résistante, et que les conditions météorologiques sont mauvaises, ceci entrainant une dissipation partielle de l’énergie transportée par le laser dans l’atmosphère. De fait, pour prendre à partie des cibles imposantes et rapides, et ce quelque soit les conditions, il est indispensable de disposer d’un laser particulièrement puissant, l’US Navy estimant qu’un laser de plus de 500 Kw est nécessaire pour détruire un missile anti-navire supersonique sur sa durée d’exposition potentielle.

En outre, l’énergie électrique nécessaire pour le fonctionnement des laser nécessite des APU très puissantes, en particulier lorsqu’il est question de blindés ou d’aéronefs, et dégageant de fait un important rayonnement infra-rouge, faisant dire à certains que ces unités seront des cibles de choix pour les missiles adverses cherchant à éliminer en priorité ces capacités. Enfin, à mesure que les laser à haute énergie entreront en service, il est probable que les cibles potentielles seront modifiées pour mieux résister à ces systèmes, avec des enveloppes résistant davantage à la chaleur produite par le rayon, mais également des peintures spéciales capables de dissiper une partie de cette énergie lumineuse avant qu’elle ne se transforme en énergie thermique. En revanche, les modifications apportées aux drones pour résister aux laser en augmenteront probablement le poids et le prix, et en feront des cibles valables pour les systèmes plus conventionnels comme l’artillerie anti-aérienne ou les missiles sol-air à courte portée.

military laser truck Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
l’US Army ambitionne d’atteindre une puissance de 300 KW pour son Indirect Fire Protection Capability-High Energy laser ou IFPC-HEL Valkyrie

On le comprend, les systèmes laser sont prometteurs, mais ne peuvent en aucune manière se substituer intégralement aux systèmes existants. Il reste en outre de nombreux obstacles technologiques à surmonter pour faire d’un laser plus ou moins experimental capable de fonctionner dans le désert d’Oklahoma, un système capable d’être efficace par une nuit d’hiver en Lettonie ou une pluie de mousson dans la Pacifique. Pour autant, la determination dont font preuve aujourd’hui le Pentagone et ses Armées pour avancer rapidement dans ce domaine montre les enjeux d’une telle technologie, ainsi que l’absolue nécessité de disposer désormais de systèmes anti-aériens à courte portée et de systèmes anti-drones capables de répondre à un vaste panel de menaces, pour espérer se montrer efficace dans le cadre d’un engagement de Haute Intensité.

Le futur destroyer DDG(x) de l’US Navy sera-t-il un destroyer de « transition » ?

Alors que le Congrès a avalisé pour 2022 la construction d’un destroyer de la classe Arleigh Burke Flight III supplémentaire, et que l’US Navy a annoncé un vaste plan de modernisation de ses destroyers Arleigh Burke Flight IIA pour y installer le nouveau radar SPY-6 à antenne électronique active comme pour le Flight III et les frégates de la classe Constellation, la marine américaine avance également sur le remplaçant du destroyer Arleigh Burke mais également des croiseurs de la classe Ticonderoga, alors que 32 unités de ces deux classes doivent être retirées du service dans les années à venir. La communication autour du nouveau navire, désigné pour l’heure sous le code DDG(x), pour destroyer lance missile non désigné, était jusqu’ici plus que limité. Mais à l’occasion d’une presentation officielle dédiée au futur de l’US Navy, plus d’informations ont été présentées sur les capacités et les performances attendues de ce nouveau navire de combat appelé à constituer le poing armé de la flotte de surface combattante américaine au cours de la prochaine décennie.

De toute évidence, l’US Navy a (enfin) appris des échecs de destroyers de la classe Zumwalt et des corvettes LCS, des navires se voulant apporter des capacités en rupture totale avec les navires précédents, et qui furent, l’un comme l’autre, de cuisants échecs technologiques et des gouffres budgétaires. Plus question donc de vouloir créer un navire révolutionnaire, le DDG(X) reprendra, dans sa forme initiale, un grand nombre de caractéristiques héritées des DDG Arleigh Burke Flight III, comme le radar SPY-6 intégré au système AEGIS de defense aérienne et anti-missiles, ou encore une puissance de feu s’appuyant sur 96 silos verticaux Mk41 permettant d’accueillir des missiles anti-aériens SM-2, des missiles anti-balistiques SM-3, des missiles anti-aériens à moyenne portée ESSM, des missiles anti-sous-marins ASROC ainsi que des missiles de croisière Tomahawk. Pour sa défense rapprochée, le navire mettra également en oeuvre deux systèmes CIWS SeaRAm à 21 missiles chacun, et un canon de 127 mm.

ESSM Mk41 Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Le système VLS Mk41 restera au coeur de l’armement du futur DDG(X) avec 96 silos dans la version initiale, et des espaces réservés pour étendre cette puissance de feu

Ces caractéristiques sont presque identiques à celles des Arleigh Burke modernes, et les différences entre les deux navires doivent être recherchées dans un design 50% plus furtif sur le plan électro-magnétique, infra-rouge comme sonore, des hangars aviations plus étendus, une survivabilité et une endurance à la mer accrue, ainsi qu’une suite sonar complète intégrant sonar de coque, sonar tracté et profondeur variable. Les systèmes internes du navire, et notamment ses systèmes de combat et sa production énergétique, seront quant à eux entièrement nouveau, car au coeur de la caractéristique principale du DDG(X), à savoir une grande évolutivité pour intégrer les nouveaux systèmes d’armes et senseurs lorsque ceux-ci seront disponibles.

En effet, le nouveau destroyer sera conçu pour permettre de recevoir, sans évolution structurelle majeure, les nouveaux missiles hypersoniques américains, en remplaçant les 32 silos Mk41 de la plage avant, par 12 silos « de grande taille » permettant d’accueillir ces nouveaux missiles. A ce titre, une thèse publiée en septembre 2021 par le Calhoun Institutionnal Archive of Naval Postgraduate School, montrait que 12 missiles hypersoniques de type Conventionnal Strike Prompt avait une capacité de frappe supérieure ou égale à celle de 32 missiles de croisière Tomahawk et une empreinte à bord des navires porteurs identiques, en grande partie du fait des progrès réalisés en matière de défense anti-aérienne chez beaucoup des adversaires potentiels des Etats-Unis. De fait, les DDG(X) sont conçus pour pouvoir recevoir ces 12 missiles hypersoniques en remplacement des 32 silos verticaux de la plage avant, et ce dès que ces missiles seront disponibles.

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les destroyers Arleigh Burke Flight III vont continuer à être produits pendant de nombreuses années, avec au moins 14 unités commandées par l’US Navy à ce jour

L’intégration future d’armes hypersoniques n’est pas la seule évolution prévue de ces navires. Ainsi, les systèmes CIWS SeaRam seront remplacés par 2 laser à haute énergie d’une puissance de 600 Kw afin d’assurer la défense anti-missile du navire, alors qu’un laser de 150 Kw prendra place sur la plage avant pour les missions anti-drones et pour couvrir l’angle mort avant laissé par les deux plus puissants laser. L’arrivée des laser à haute énergie sera concomitante avec le remplacement du système de propulsion intégré par un système de propulsion électrique intégré, de sorte à fournir la puissance électrique indispensable au bon fonctionnement des navires. Outre le remplacement des deux CIWS, celle-ci permettra également de se passer de missiles à moyenne portée ESSM, pour n’emporter dans les 64 silos MK41 restant que des missiles à longue portée, comme le SM2, le SM3 et très probablement une part croissante de SM-6, qui tend à devenir le missile polyvalent standard de l’US Navy, y compris pour les interceptions d’armes hypersoniques.

Enfin, la conception des DDG(X) mettra l’accent sur une maintenance simplifiée du navire, tant pour accroitre son endurance à la mer que pour réduire les couts de possession du bâtiment. Là encore, il s’agit d’un pré-requis ferme pour l’US navy, qui entend que le navire ait une autonomie étendue de 50%, une endurance à la mer supérieure de 120% à celle des Burke, et une efficacité globale accrue de 25%, tout en disposant de capacités d’extension de 10% en masse et des espaces réservés permettant d’augmenter, si besoin, le nombre de Silos verticaux, et d’un surplus de puissance de 20% vis-à-vis de la configuration initiale du navire.

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l’illustration fournie par l’US Navy au sujet du DDG(X) ne constitue en rien une vision de ce à quoi le navire ressemblera au final.

De fait, en bien des aspects, le DDG(X) sera un navire de transition pour l’US Navy. La première rupture, la plus évidente, repose dans les paradigmes mêmes de sa conception, abandonnant les ambitions excessives des Zumwalt, Indépendance et Freedom, pour viser une architecture robuste, économique et éprouvée, bien plus proche de ce qui est actuellement mis en oeuvre pour la future classe de frégate FFG Constellation basée sur la FREMM Italienne. En outre, le navire est conçu non pas pour espérer prendre un avatange décisif sur les navires adverses, on pense en particulier aux puissants Type 055 chinois, mais pour évoluer souplement et efficacement dans le temps, de sorte à maintenir un avantage opérationnel et technologique constant à moindre cout.

Surtout, le DDG(X) verra l’arrivée de deux des systèmes d’arme jugés les plus prometteurs et les plus différenciants par l’US Navy, les missiles hypersoniques pour la frappe vers la terre (et contre d’autres navires ?), et les laser à haute énergie pour assurer La Défense rapprochée du navire contre les missiles et drones adverses. On notera à ce titre qu’un premier destroyer de la classe Arleigh Burke, l’uSS Preble, recevra d’un laser à haute énergie Helios de 60 Kw au cours de cette année, avec pour mission de tester les capacités de ce système (en dépit de sa faible puissance qui le limite à une utilisation contre les drones), et son intégration au système AEGIS.

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Le système laser HELIOS de 60 Kw équipera cette un premier destroyer Arleigh Burke, l’USS Preble (DDG-88 type Flight IIA)

Reste à voir, désormais, si ces ambitions réalistes et mesurées, permettront à l’US Navy et l’industrie navale US de recoller au challenge posé par la production rapide de croiseurs, destroyers et frégates de l’Armée Populaire de Libération, alors que les chantiers navals chinois livrent chaque année entre 3 et 4 fois plus de ces navires à la Marine de Pékin que n’en revoit l’US Navy. Car c’est bien dans ce délicat rapport de force industriel que ce jouera, dans les années à venir, la compétition sino-américaine dans le Pacifique, ainsi qu’une grande partie de la sécurité du camps occidental.

Boeing sort le grand jeu pour tenter de sauver le contrat des Super Hornet allemands

On le sait, après les échecs en Suisse, en Finlande et au Canada, trois pays qui utilisent aujourd’hui le F/A-18 Hornet, le contrat allemand portant sur 30 F/A 18 E/F Super Hornet et 15 avions de guerre aérienne E/A-18G Growler pour remplacer les Tornado dédiés à la mission nucléaire de l’OTAN et les Tornado ECR de guerre électronique, a pris une dimension plus que stratégique pour Boeing, pour qui se joue la pérennité de la chaine d’assemblage de l’appareil pour 3 ans. Pour autant, ce contrat est aujourd’hui menacé par plusieurs facteurs, en particulier la fermeté du Pentagone de ne pas qualifier la nouvelle bombe nucléaire B-61-Mod12 employée par l’OTAN pour d’autres appareils que ceux initialement prévus, dont le Super Hornet ne faisait pas parti. De fait, le nouveau gouvernement allemand a annoncé qu’il allait re-evaluer l’opportunité de commander les 45 chasseurs bombardiers de Boeing, laissant entendre qu’il pourrait se tourner vers le F-35A pour la mission nucléaire, ainsi qu’une version de guerre électronique du Typhoon.

Pour l’heure, les autorités allemandes sont restées très évasives sur ces arbitrages, d’autant que la participation de la Luftwaffe à la mission nucléaire partagée de l’OTAN est loin d’être un sujet populaire dans le pays, qui plus est dans une coalition où les Verts représentent la seconde force politique. La menace a toutefois été jugée suffisamment importante à Seattle, siège de Boeing, qui vient de presenter un plan de compensations industrielles ambitieux si Berlin respectait son arbitrage initial. Ainsi, l’avionneur américain propose aux autorités allemandes une production partagée représentant 3,5 Md€ de commandes pour l’industrie aéronautique allemande, pour une commande totale qui devrait atteindre les 10 à 12 Md€ selon nos estimations. Pour l’heure, cependant, la liste des partenaires potentiels pour ces compensations industrielles n’a pas été définie.

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Le F-35 est aujourd’hui le seul appareil moderne proposé à l’exportation qualifié pour mettre en oeuvre la bombe nucléaire B-61Mod12 de l’OTAN

Il s’agit évidement d’un atout significatif pour l’offre de Boeing, et ce d’autant que les chances que l’industrie allemande puisse obtenir des compensations de grande ampleur au sein du programme F-35 sont limitées, alors que chaque client a exigé jusqu’ici une part du gâteau, et que celui-ci n’est pas extensible à l’infini. En outre, l’avion de Lockheed-Martin est loin d’avoir bonne presse dans une partie de l’opinion publique allemande, raison pour laquelle l’arbitrage en faveur du Super Hornet et du Growler, même s’il ne faisait que repousser le problème, avait été plutôt bien accueilli dans le pays. Pour autant, le principal point faible du Super Hornet, a savoir le fait qu’il ne soit pas qualifié pour emporter la bombe nucléaire B-61-Mod12, demeure. Et s’il venait à perdurer, Berlin n’aurait aucun internet à privilégier l’achat de F/A-18 au détriment de Typhoon pour pour remplacer ses Tornando afin de mener des missions de frappe conventionnelle, ces derniers ayant une cote-part industrielle allemande bien supérieure à ce que peut proposer Boeing.

En d’autres termes, bien qu’alléchante, l’offre du constructeur du Super Hornet ne modifie en rien le noeud du problème qui focalise l’attention des dirigeants allemands aujourd’hui, et il est probable que plutôt que de compensions industrielles significatives proposées en amont des négociations qui, justement, ont pour objet de déterminer ces aspects, Berlin aurait largement préféré un lobbying de Boeing en faveur de la qualification de son appareil pour mettre en oeuvre le B-61. Par ailleurs, celle-ci risque même de faciliter la tache à Lockheed-Martin, en positionnant le curseur au sujet de ses propres compensations industrielles afin de sortir définitivement le Super Hornet de l’équation allemande.

New Generation Fighter NGF Concept Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Le problème de propriété intellectuelle autour du programme SCAF semble n’avoir toujours pas été résolu entre Paris et Berlin

Le retour de l’hypothèse du F-35A outre-Rhin alimente également les conjectures quant à l’avenir du programme SCAF visant à developper, en coopération avec la France et l’Espagne, un chasseur de 6ème génération à horizon 2040. En effet, depuis quelques jours, réapparaissent articles et commentaires pointant les difficultés rencontrées dans les négociations autour de ce programme, en particulier concernant la coopération avec Dassault Aviation autour du pilier NGF, celui qui doit concevoir le futur chasseur du programme. Ainsi, il semblerait que les difficultés rencontrées il y a quelques mois concernant la propriété intellectuelle des équipements et systèmes intégrés au NGF, et résultant de R&D antérieures au programme lui-même, continuent de créer des tensions entre Paris et Berlin, ainsi qu’entre Aibrus DS et Dassault Aviation. Pour ce dernier, il n’est en effet pas question de transférer la propriété intellectuelle de certains composants à l’Allemagne dans le cadre de ce programme, même si l’industrie allemande disposera de tous les éléments permettant la maintenance des équipements. En revanche, à Berlin, on estime avec une certaine exagération, que Dassault veut livrer des « boites noires » au sein du SCAF, de sorte à conserver la main mise sur le programme.

Ce point particulier avait déjà créé de grandes tensions il y a un an, amenant le programme au bord de l’implosion. Avec d’importantes pressions politiques, Paris et Berlin sont parvenus à imposer un compromis acceptable afin de permettre le financement de la seconde partie du programme, celle intégrant notamment la conception du démonstrateur, sans pour autant résoudre définitivement ce point, chacun campant fermement sur ses positions. En outre, avec les succès enregistrés par Dassault en 2021, le Rafale ayant connu une année record avec 142 commandes à l’exportation, l’avionneur français est aujourd’hui en position de force tant vis-à-vis de l’Elysée et de l’Hotel de Brienne en France, que vis-à-vis d’Airbus DS outre-Rhin, pour ne pas devoir faire marche arrière.

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Les arbitrages allemands pour la modernisation de la Luftwaffe semblent plus que jamais liés à l’avenir du programme SCAF

Ces succès à l’exportation du Rafale ont également réouvert certains dossiers, notamment concernant l’exportation des équipements, sachant qu’il eut probablement été impossible à un avion franco-allemand d’être exporté aux EAU en 2021 pour des questions éthiques sur l’engagement émirati au Yemen. Dès lors, pour de nombreux observateurs allemands, l’achat de F-35A par Berlin pourrait apparaitre comme une sortie de secours en cas d’échec du programme SCAF, et ce d’autant que la Luftwaffe se trouverait alors dans une configuration opérationnelle proche de celle de la Grande-Bretagne et de l’Italie, avec une flotte composée de Typhoon et de F-35, ces deux pays étant au coeur du programme concurrent du SCAF en Europe, le Tempest, ouvrant des opportunités à Berlin pour rejoindre ce programme auprés de ses partenaires traditionnels du programme Tornado et Typhoon.

On le comprend, le retour de l’hypothèse du F-35A pour remplacer les Tornado allemands n’est pas anodin, et porte avec lui de nombreuses ramifications allant bien au delà de la seule mission de dissuasion nucléaire partagée. La communication faite par Boeing dans ce contexte peut paraitre offensive de prime abord, mais elle révèle en réalité une certaine fébrilité de l’avionneur de Seattle, conscient de la fragilité du contrat en devenir avec l’Allemagne, face à des considérations stratégiques, opérationnelles, budgétaires et industrielles entremêlées allant bien au delà de ces seules négociations. En outre, les récents sondages en France au sujet de la campagne Présidentielle montrent que la compétition sera rude pour Emmanuel Macron, principal architecte de ce modèle, afin de rester à l’Elysée, comme elle fut rude et funeste pour la CDU d’Angela Merkel en Allemagne en 2021. Il est probable désormais que ce sujet, comme celui du SCAF, restera en roue libre dans les mois à venir jusqu’au terme des élections présidentielles et législatives françaises, et les orientations retenues par le futur president français dans ce domaine. Il reste donc quelques semaines à Boeing pour tenter de convaincre Washington et le Pentagone de qualifier son Super Hornet pour la B-61-Mod12, probablement la seule alternative pour sauver ce contrat stratégique pour l’avionneur US.

Vers un échec des négociations Russie-OTAN ?

Les négociations qui se tiennent cette semaine à Genève entre les représentants de la Fédération de Russie et ceux du camps occidental incluant les Etats-Unis et l’OTAN, connaissent depuis hiers soir un durcissement sévère après le rejet, somme toute prévisible, des occidentaux des demandes sous formes d’ultimatum mises sur la table par le Kremlin. Depuis, la situation ne cesse de se détériorer; et les déclarations, en grande partie venant du coté russe, laissent craindre un durcissement très sévère des relations entre les deux camps, pouvant même aboutir à un conflit armé, en Ukraine voire au delà.

Rappelons que la Russie exige de l’OTAN plusieurs concessions majeures pour espérer une normalisation des relations bilatérales, parmi lesquelles l’arrêt de l’extension de l’OTAN à l’est, y compris pour ce qui concerne des pays membres de l’UE comme la Suède et la Finlande, l’engagement occidental de ne pas soutenir Kiev militairement, le retrait des troupes américaines des pays appartenant à l’ex Union Soviétique et les anciens membres du Pacte de Varsovie, et l’arrêt des exercices conjoints dans ces pays. En d’autres termes, Moscou exige de l’occident que le principe de protection commune de l’OTAN soit vidé de sa substance concernant les pays qui appartenaient auparavant à sa sphère d’influence. A ce titre, les mots choisis par la délégation russe sont révélateurs de la pensée russe aujourd’hui, puisque selon eux, ces pays ex-alliés de la Russie, se sont retrouvés « orphelins » à la suite de l’effondrement de l’Union Soviétique, et ont été captés par l’Occident pour renforcer ses positions. A aucun moment Moscou n’envisage sa propre responsabilité dans la volonté des polonais, baltes et hongrois de rejoindre l’UE et surtout l’OTAN pour se préserver de la puissance militaire russe, et ne semble concevoir la géopolitique internationale que comme une confrontation de sphères d’influence.

Mirage 2000 5 de lArmee de lAir deploye pour loperation Baltic Air Policing de lOTAN Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Deux Mirage 2000-5F effectuent un vol suite à un tango scramble le 21 août 2018 sur la base aérienne d’Ämari en Estonie.

Bien évidemment, il semble impensable pour le camps occidental d’accepter de telles conditions. De toute évidence, les négociateurs américains et européens espéraient qu’à l’occasion de ces rencontres, les revendications russes pourraient être remplacées par d’autres propositions, comme par exemple la garantie de ne pas déployer d’armes nucléaires américaines sur le sol de ces pays, ou la réduction des exercices majeurs à proximité des frontières russes ou biélorusses, puisqu’aujourd’hui il semble que Moscou et Minsk fassent cause commune en tout point. L’objectif était visiblement d’amadouer les négociateurs russes en proposant des portes de sortie, tout en laissant transparaître le spectre de sanctions très sévères contre la Russie et contre les dirigeants russes, Vladimir Poutine compris, si Moscou venait à persister.

De manière relativement prévisible, les négociations ont semble-t-il rapidement tourné au dialogue de sourds, notamment une fois que le cadre de celles avait dépassé celui des discussions bilatérales entre Etats-Unis et Russie. Et depuis ce matin, les annonces inquiétantes se multiplient venant de Russie, avec la menace explicite d’utiliser « des moyens militaires et techniques » pour assurer la sécurité de la Russie et de ses intérêts, manière déguisée de menacer d’intervenir militairement en Ukraine, alors qu’un vaste exercice vient d’être annoncé pour les troupes russes situées au plus prés du territoire ukrainien. Fait inquiétant, les renseignements américains ont observé depuis hiers soir que les forces aéromobiles russes (les hélicoptères) déployées jusqu’ici en arrière du déploiement massif le long de la frontière russe, ont entamé un redéploiement au plus prés de cette même frontière. En outre, les moyens navals russes présents en Mer Noire ont pour la plupart pris la mer, y compris les navires d’assaut de type transport de chars.

LE T80BVM est la derniere version du T80 dans les forces russes Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Selon le renseignement occidental, environs 1000 chars de combat et 100.000 militaires russes seraient deployés depuis plus d’un mois le long des frontières avec l’Ukraine

La situation est donc particulièrement instable et préoccupante aujourd’hui, d’autant que le Kremlin semble avoir écarté publiquement toutes les options de sortie acceptables proposées par l’occident, laissant désormais peu de place à la négociation et la diplomatie. A ce titre, l’agence Tass a annoncé ce matin qu’une réunion d’urgence avait été organisée entre Vladimir Poutine et le ministre de La Défense, Viktor Choïgou, la encore un signe qui ne peut que faire monter la pression de part et d’autre. Ainsi, les forces suédoises ont annoncé que les unités déployées sur l’ile de Götland avaient été en état d’alerte, et il est probable que de nombreuses unités de l’OTAN déployées à proximité de la frontière russe ou biélorusse ont vu également leur préparation opérationnelle renforcée.

Reste que, pour l’heure, toutes les options demeurent sur la table. On ne peut en effet exclure que ce regain de tension soit une manoeuvre de Moscou destinée à tenter de faire fléchir les occidentaux pour que ceux-ci accordent davantage de garanties quant aux exigences russes. Certains pays, comme l’Allemagne par exemple, semblent aujourd’hui bien plus préoccupé de l’avenir du gazoduc Nord Stream 2 si les tensions devaient s’accroitre avec la Russie et que celle-ci venait à lancer une offensive militaire contre l’Ukraine, plutôt que de la menace militaire russe sur l’Europe, en dépit du fait que celle-ci soit en grande partie financée par les subsides du gaz russe vendu aux européens. En faisant monter la tension, et donc les risques de positions tranchées des Etats-Unis dans ce dossier énergétique, Moscou espère peut-être que certains de ces pays européens les moins déterminés puissent amener Washington et l’OTAN à plus de compromis.

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L’avenir du gazoduc Nord Stream 2 est directement menacé par une éventuelle action militaire russe en Ukraine

Mais la présente situation n’est pas non plus sans rappeler celle qui précéda à l’intervention militaire russe en Georgie en 2008. En effet, les armées russes avaient également, entre 2007 et 2008, rassemblées à plusieurs reprises de fortes concentrations de troupes à proximité de la frontière géorgienne, alors que comme pour le Donbass, Moscou avait distribué des passeports russes aux habitants d’Ossète du Sud et d’Abkhazie, tout en menant des opérations de sape contre les forces géorgiennes qui, elles aussi, perdaient chaque semaines plusieurs de leurs soldats à la frontière russo-georgiennent. La différence est que le président ukrainien Zelhenksy sait aujourd’hui que les occidentaux ne viendront pas militairement défendre l’Ukraine, et s’abstient donc de toute provocation ouverte contre les forces russes. Le président géorgien de l’époque, Mikheil Saakachvili, pensait le contraire, raison pour laquelle il ordonna une riposte militaire contre les indépendantes ossétes retranchés dans la ville de Tskhinvali, ceci donnant le prétexte à Moscou pour mener l’offensive qui détruisit la petite armée géorgienne en 5 jours de temps.

De fait, une nouvelle fois, la situation en Europe de l’Est est particulièrement tendue, et les risques de conflit biens réels. Contrairement à l’intervention armée en Crimée qui prit tout le monde par surprise, et qui permit de réaliser cette annexion avec des dégats minimes, si un conflit venait à se déclarer entre la Russie et l’Ukraine aujourd’hui, ses conséquences, tant du point de vue géopolitique qu’économique, pourraient être largement perceptibles, y compris en Europe de l’Ouest, avec un retour brusque à une situation comparable à celle de la Guerre Froide. Une chose est certaine, aujourd’hui, c’est Moscou et le Kremlin qui tiennent en leurs mains l’avenir de la sécurité sur le Vieux Continent.

Le nouveau bombardier stratégique russe Tu-160M2 a effectué son premier vol

La Russie est l’un des 3 seuls pays au monde à disposer d’une triade stratégique, à savoir une dissuasion nucléaire basée simultanément sur des vecteurs terrestres, navals et aériens. Pour l’heure, cette troisième composante est la moins bien lotie, avec seulement 16 bombardiers strategiques supersoniques Tu-160M, le gros de la force étant encore constituée d’une cinquante de Tu-95MS à turbopropulseurs. C’est précisément pour remplacer ces appareils que les autorités russes ont lancé, en 2015, un programme visant à rétablir la ligne d’assemblage du Tu-160 dans un nouveau standard modernisé désigné Tu-160M2, et à produire 35 nouveaux appareils, alors que dans le même temps, l’industrie aéronautique russe développe le programme de bombardier stratégique furtif PAK-DA, ce dernier devant entrer en service à la fin de la présente décennie.

Le premier Tu-160M2 modernisé a effectué son premier vol en février 2020, mais l’appareil concerné était une cellule de Tu-160M non achevée et préservée après l’effondrement de l’Union Soviétique. Aujourd’hui, en revanche, le Tu-160M2 qui a effectué un premier vol de 30 minutes à une altitude de 600 mètres selon le communiqué russe, est une cellule entièrement nouvelle, et démontre que l’effort de reconstruction entrepris par la Russie de la chaine d’assemblage mais également de l’ensemble du réseau de sous-traitance pour cet appareil est désormais opérationnel. Et l’on peut s’attendre, désormais, à ce que les forces stratégiques russes puissent entreprendre l’effort de modernisation annoncé en 2015, prévoyant la livraison de 35 nouveaux Tu-160M2 et la modernisation des 15 Tu-160M vers ce standard dans les 10 années à venir.

PAK DA Artist Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Le programme de bombardier furtif PAK DA russe doit entrer en service d’ici la fin de la décennie pour remplacer les derniers Tu-95 encore en service

Long de 54 mètres et équipé d’ailes à géométrie variable allant d’une flèche à 20° pour les vols à basse vitesse, à une flèche à 65° pour les hautes vitesses, le Tu-160M2 est le plus imposant et le plus rapide des bombardiers stratégiques en service, avec une masse maximale au décollage de 275 tonnes (contre 216 t pour le B-1B Lancer américain) et une vitesse de pointe de Mach 2.05 (contre Mach 1.25 pour le B-1B). Il peut emporter 45 tonnes de munitions dans 2 immenses soutes d’armement permettant de recevoir, par exemple, 12 missiles de croisière à longue portée Kh-55 ou 24 missiles nucléaire Kh-15, à une distance de plus de 7000 km en vol subsonique, ou de plus de 2000 km en vol supersonique. La modernisation Tu-160M2 intègre notamment des moteurs modernisés et plus économiques, une avionique entièrement modernisée et un Glass-cockpit, un revêtement anti-radar permettant une diminution de 30% de la détection de l’appareil, ainsi que d’un système anti-missile d’auto-protection pour l’heure encore mystérieux.

Le programme Tu-160M2 est caractéristique de l’immense effort de modernisation des forces armées entrepris depuis une dizaine d’année et le retour de Vladimir Poutine au Kremlin. En effet, dans les 10 années à venir, celles-ci doivent recevoir, en application de la planification officielle annoncée, pas moins de 13 sous-marins nucléaires dont 7 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, 12 sous-marins conventionnels, 12 frégates et destroyers et autant de corvettes, 300 avions et drones de combat, 50 bombardiers stratégiques supersoniques ou furtifs, 250 hélicoptères et 3500 à 4000 nouveaux véhicules blindés. En d’autres termes, et en seulement 10 ans, les armées russes recevront l’équivalent de 1,5 fois les armées françaises au format actuel, y compris dans le domaine stratégique, en matériels neufs. Ce constat impose de s’interroger au sujet de la réalité de l’effort de défense russe, annoncé publiquement à 65 Md $ par an, y compris en tenant compte de la parité de pouvoir d’achat, sachant que l’effort consenti par le pays est 4 à 5 fois plus important que celui de la France.

Le SNLE de la classe Borei de la Marine Russe met en oeuvre 16 missiles Boulava Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Les chantiers navals russes construisent actuellement pas moins de 5 sous-marins nucléaires lanceurs d’engin de la classe Boreï-A simultanément

Surtout, il convient de prendre désormais en considération la réalité de la puissance militaire russe en devenir au cours des 10 à 15 années à venir, sachant qu’aujourd’hui déjà, comme le montre sans équivoque les négociations autour du conflit ukrainien, l’Europe ainsi que ses membres, ne sont plus plus considérés comme des puissances d’importance aux yeux de la Russie, y compris pour ce qui concerne la sécurité du continent européen. Et si les armées russes encore convalescentes sont déjà capables de surclasser en capacité de mobilisation et puissance de feu les armées européennes, il est sans conteste que ce rapport de force des plus défavorables ira en se creusant au fil des années à venir, avec des risques bien réels sur la sécurité et l’indépendance des pays européens eux mêmes, sachant que les Etats-Unis ne seront pas en mesure d’assurer simultanément la protection de l’Europe face à la Russie, et du Pacifique face à la Chine.

Quoiqu’il en soit, à défaut d’une prise de conscience massive et rapide des dirigeants européens, et d’une réorientation notable de la stratégie de Défense en vu de rétablir un rapport de force cohérent avec une politique effective de dissuasion basée sur autre chose que la confiance dans la diplomatie et la négociation, il est probable que d’ici quelques années, les Européens vivront sous tutelle de la menace russe et de la protection américaine, sans plus jamais avoir voix au chapitre quant à leur avenir, leur sécurité et la protection de leurs intérêts. Une perspective qui relativise grandement les polémiques stériles qui font, aujourd’hui, l’essentiel de l’actualité …

Le Su-75 Checkmate revient à la charge aux EAU pour tenter de sortir définitivement le F-35

Les Emirats Arabes Unis ont été identifiés comme un prospect stratégique par Rostec, et ce dès l’entame de la communication autour de ce programme. Moscou et Abu Dhabi sont en effet en discussion autour d’un programme de chasseur léger commun depuis plusieurs années, alors que l’état arabe a déjà acheté plusieurs équipements majeurs auprés des industriels russes, y compris le système anti-aérien Pantsir S-1. Avec l’annonce de l’intention émirati d’acquérir 50 F-35A auprés des Etats-Unis, les chances pour le conglomérat industriel de défense russe de s’imposer dans le pays reculèrent drastiquement. Avec la mise en attente de ce programme par Joe Biden suite à son accession à la Maison Blanche, les espoirs russes furent ravivés, et le Su-75 fut au centre de l’attention lors du salon Dubaï Air Show en novembre 2021.

Mais c’est incontestablement la commande de 80 avions Rafale auprés de la France annoncée en décembre 2021, puis l’annonce de la suspension des négociations entre Abu Dhabi et Washington au sujet des F-35 en raison du manque de progrès depuis une année, qui redonnèrent des couleurs aux ambitions russes pour son appareil vers ce client. Depuis celles-ci, les services russes multiplient les ouvertures pour tenter d’attirer les autorités émiriennes à considérer une coopération dans le cadre du developpement du Checkmate. Et d’arguments, les russes ne manquent pas, puisque selon le site DefenseNews, ceux-ci n’hésiteraient pas à proposer une co-production sur une base 60%/40% au sujet du Su-75, avec de très importants transferts de technologies à la clé pour l’industrie aéronautique et de défense émirienne, sujet d’une ambition stratégique de la part du pays.

F35A Israelien Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Aujourd’hui, seul Israël a été autorisé à acquérir le F-35 au Moyen-Orient, un avantage que l’Etat hébreux fait tout pour préserver

De fait, l’offre russe semble très alléchante pour Abu Dhabi, et pourrait être interprétée comme un rapprochement entre les EAU et la Russie. Il faut toutefois se montrer prudent au sujet d’une telle interprétation. En effet, l’hypothèse la plus probable est qu’Abu Dhabi reproduirait ici la stratégie mise en oeuvre par Riyad en 2017, lorsque l‘Arabie saoudite annonça la commande de batteries S-400 auprés de la Russie après que Washington ait bloqué des autorisations d’exportation de certains materiels militaires critiques en réponse à l’intervention saoudienne au Yemen. Toutefois, quelques mois plus tard, l’Arabie saoudite a été autorisée à commander de nouvelles batteries Patriot PAC-3 et surtout l’acquisition de batteries anti-missiles THAAD, et devint le premier pays à pouvoir acquérir ce système particulièrement sensible.

On peut penser qu’Abu Dhabi cherche aujourd’hui une stratégie similaire, en raison des liens très approfondis entre les EAU et le camps occidental, et en particulier avec les Etats-Unis qui disposent sur place de 50.000 ressortissants et de 5.000 militaires déployés sur la base aérienne d’Al Dhafr sur laquelle sont régulièrement déployés des escadrons de F-15, F-16 mais également de F-22 et F-35A, des avions de veille aérienne E3 Sentry, des avions de ravitaillement en vol KC-135 et même des avions de renseignement U-2. Par cette manoeuvre, Abu Dhabi cherche probablement à amener Washington à autoriser le pays à acquérir les 50 F-35A promis, et à se montrer moins intraitable sur différents sujets, comme l’intervention militaire au Yemen ou les des choix de partenaires industriels du pays, principal point d’achoppement entre les EAU et les Etats-Unis dans ce dossier après que les autorités émiriennes aient attribué le déploiement des infrastructures 5G dans le pays au chinois Huawei.

F 35 Al Dhafra Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
L’US Air Force déploie de nombreux types d’appareils sur la base émirienne d’Al Dhafra, y compris des F-35A

Pour autant, Abu Dhabi jouera sans le moindre doute la carte russe jusqu’au bout, et Moscou cherchera, de son coté, à convaincre le pays de son intérêt à suivre une politique moins alignée, comme c’est le cas, par exemple, de l’Inde, en particulier si les EAU souhaitent effectivement developper leur propre industrie de défense et leur autonomie stratégique. A ce titre, l’exemple turc, qui après avoir activement développé sa propre industrie de défense, voit celle-ci en partie étranglée par sa dépendance à certaines technologies critiques occidentales suite aux sanctions américaines et européennes après l’acquisition de S-400 russe et l’intervention dans le nord de la Syrie, pourrait influencer les décideurs émiratis. En outre, la commande de 80 Rafale français annoncée par Abu Dhabi en décembre 2021 apparait également comme une volonté pour les EAU d’équilibrer leurs approvisionnements militaires, et offre au pays une alternative opérationnelle au refus de Washington d’exporter ses F35A, tout en lui ouvrant des opportunités de négociations avec la Russie.

Pour autant, les chances de voir le Su-75 Checkmate co-produit par les EAU restent faibles, y compris aujourd’hui, en particulier alors que les tensions entre le bloc occidental et le bloc sino-russe ne cessent de croitre, et tendent à redonner naissance à une nouvelle guerre froide obligeant les autres pays à plus de précaution dans leurs alignements. Dans ce dossier, la normalisation des relations entre plusieurs des royaumes arabes du Golfe et Israël, en particulier face à l’adversaire commun désigné iranien, ainsi que les négociations ouvertes entre Téhéran et Moscou pour équiper les armées iraniennes de materiels militaires russes modernes, y compris d’avions de combat Su-30 et Su-35 et de systèmes anti-aériens à longue portée, influenceront très probablement les négociations au sujet du Checkmate.

vbk rafale Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
L’acquisition de 80 Rafale par les EAU auprés de la France offre au pays une certaine souplesse pour négocier l’acquisition de F-35A auprés des Etats-Unis.

Reste que pour maintenir fermement les royaumes arabes aux cotés du camps occidental, et prévenir ceux-ci de répondre aux influences russes et chinoises, il est probable que Washington devra, dans un relais relativement court, assouplir ses positions en matière d’exportation d’armement, y compris au sujet du F-35, au sujet duquel plusieurs pays de l’alliance sunnite, dont le Qatar et l’Arabie saoudite, ont annoncé leur intérêt. Au delà du seul dossier Emirati, c’est donc bien tout un pan de l’influence américaine dans la recomposition mondiale des sphères d’influence qui se joue aujourd’hui, et l’accès aux systèmes d’arme de haute technologie sans contre-parties excessives en matière de politique étrangère et industrielle, apparait désormais un sujet central dans ces négociations.

L’US Navy va équiper ses destroyers Arleigh Burke Flight IIA du nouveau radar EASA SPY-6

A l’instar des croiseurs Ticonderoga et de nombre de destroyers et frégates anti-aériens en service au sein des marines alliées des Etats-Unis, les destroyers américains de la classe Arleigh Burke, qui forment aujourd’hui la colonne vertébrale de la flotte de surface US avec 69 navires en service, sont équipés du fameux radar SPY-1, celui-là même qui est au coeur du système anti-aérien et anti-missiles AEGIS. Mais ce radar entré en service dans les années 70, commence à marquer le poids des années malgré de nombreuses évolutions, raison pour laquelle les futurs destroyers de l’US Navy actuellement en cours de construction, les Arleigh Burke Flight III, seront eux équipés du radar SPY-6, s’appuyant sur de nouvelles technologies bien plus performantes, et notamment des antennes électroniques AESA, et non PESA comme le SPY-1.

Or, les performances du nouveau SPY-6 sont à ce point meilleures que celles du SPY-1 que l’US Navy s’est tournée vers son concepteur, Raytheon, pour préparer son installation à bord des destroyers Burke Flight IIA, les plus nombreux actuellement en service avec prés d’une cinquantaine d’unités actives, de sorte à conférer à la flotte de surface US des performances homogènes d’engagement mais également de coopération. Les destroyers les plus anciens du standard Flight I, quant à eux, doivent être retirés du service dans les années à venir, et leur modernisation n’aurait donc aucun intérêt. Le SPY-6 permet notamment de suivre et d’engager simultanément des cibles balistiques et aérodynamiques, et offre des performances de détection, de suivie de cible et de résistance au brouillage sensiblement supérieures à celles du SPY-1. En outre, ce radar équipera tout à la fois les destroyers classe Arleigh Burke et les frégates classe Constellation, donc l’essentiel de la flotte de surface combattante américaine, permettant de simplifier la formation des opérateurs et la maintenance des systèmes.

Spy 6 Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Contrairement aux radars PESA, les centaines de module juxtaposé qui composent l’antenne AESA agissent comme émetteur et récepteur, offrant un grande souplesse dans le balayage de l’espace surveillé et des performances accrues

L’entame des travaux de modernisation du radar des Arleigh Burke Flight IIA débutera au cours de cette année, et se fera au rythme des arrêts techniques des navires pour leur maintenance programmée, de sorte à ne pas ajouter une indisponibilité supplémentaire a cette flotte déjà sous tension. Raytheon anticipe déjà la mise en place de ses équipes alors même que le contrat n’a pas encore signifié, ceci indiquant une réelle intention d’aller vite dans ce dossier pour l’US Navy, qui doit faire face à la montée en puissance très rapide de la flotte chinoise, et notamment de sa flotte de surface, alors qu’en 2021, pas moins de 3 croiseurs Type 055 et 5 destroyers anti-aériens Type 052DL ont été admis au service au sein des forces navales de l’Armée Populaire de Libération.

En outre, tant les Type 055 que les Type 052DL sont équipés de radars puissants Type 346B Dragon Eye mettant en oeuvre eux-aussi les fameuses antennes électroniques actives AESA similaires au SPY-6 américain ou au SeaFire500 de Thales (modèle qui équipera les frégates FDI), alors que les Type 052DL, spécialisés dans la lutte anti-aérienne, emportent également un radar basse fréquence Type 518 en bande L (UHF), destiné lui à détecter les avions et les missiles furtifs. Dès lors, la compétition pour la suprématie navale entre l’US Navy et l’APL a désormais largement dépassé le seul aspect numérique, et porte également sur des aspects qualitatifs, même s’il est difficile, aujourd’hui, d’estimer l’efficacité réelle des radars chinois qui équipent ces navires face au savoir-faire et à l’experience américaine et occidentale dans ce domaine.

Type 055 Nanchang 2 Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Les croiseurs chinois Type 055 mettent en oeuvre le radar Type 346B Dragon Eye a antennes plaques AESA

En tout état de cause, une démarche similaire à celle mise en oeuvre par l’US Navy pour accroitre l’efficacité de ses destroyers, pourraient être envisagée par la Marine Nationale pour celle de ses frégates, à l’occasion des prochaines Indisponibilité Périodique pour Maintenance, ou IPER, des frégates Horizon et FREMM, en remplaçant les radar EMPAR et Herakles, par le nouveau radar SeaFire500 et ses antennes AESA, avec des objectifs similaires. L’hypothèse est régulièrement abordée par la Marine, mais pour l’heure, aucune décision ferme n’a été annoncée en ce sens, en dépit de son intérêt évident, en particulier pour les FREMM DA de la classe Alsace, les deux dernières FREMM de la classe Aquitaine et les deux frégates de defense aérienne classe Forbin, de sorte à profiter au mieux des performances des missiles anti-aériens à longue portée Aster 30 dont elles disposent.

L’Australie va acquérir 75 chars lourds M1A2 SEPv3 Abrams auprés des Etats-Unis

Si certains aspects des arbitrages australiens sont contestables, il est indubitable que le pays a engagé d’importants moyens en vue de moderniser son outil de defense. Alors que la compétition LAND400 opposant le Lynx de Rheinmetall au AS21 Redback du sud-coréen Hanwha dans le domaine des véhicules de combat d’infanterie se poursuit, et que les autorités australiennes ont annoncé en décembre l’acquisition de 30 canons automoteurs AS9 Huntsman, désignation australienne du K9 sud-coréen, et de 15 véhicules blindés porte-munitions AS10 pour un montant de 730m$, c’est au tour cette fois de la composante blindée lourde d’être modernisée, avec l’annonce d’une commande de 75 chars lourds américains M1A2 SEPv3, la version la plus la plus évoluée du fameux Abrams, aux cotés de 29 véhicules blindés du génie M1150 pour le déminage et la création de tranchée, de 17 ponts mobiles M1074 et de 6 M88A2 de récupération de chars, le tout pour un montant global de quelques 2,5 Md$.

Les 75 nouveaux Abrams vont remplacer les quelques 59 MA1A actuellement en service acquis au milieu des années 2000 pour remplacer le parc vieillissant de Leopard 1. Le nouveau chars est à la fois mieux protégé, avec un nouveau blindage NGAP (Next Generation Armor Package) remplaçant l’ancien blindage de 3ème génération à uranium appauvrie, et sensé rendre le blindé impénétrable à toutes les munitions modernes en secteur frontal, ainsi que le système de protection actif Trophy de l’israélien Raphael pour couvrir les flancs et l’arrière du blindé contre les missiles et roquettes. L’électronique embarquée, ainsi que les systèmes de communication et de visée ont également été modernisés, et une tourelle télé-opérée CROWS a été ajoutée pour la protection rapprochée. Le char dispose également d’une unité auxiliaire de puissance plus performante permettant au blindé déployer ses systèmes à l’arrêt, moteur éteint, y compris la climatisation, fonction très utile pour un char dont la principale faiblesse est sa consommation de carburant.

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Le M1150 permet d’ouvrir des voies dans les champs de mines et de creuser des positions défensives et des tranchées

Le M1150 est un véhicule blindé destiné à éliminer mines et à crever des tranchées monté sur un chassis Abrams, permettant d’ouvrir des voies dans les champs de mines adverses, ou à préparer des positions défensives. Tout comme le M1074, un pont mobile de franchissement monté sur chassis Abrams et qui remplace les M104 Wolverine au sein de l’US Army. La commande australienne est donc, indiscutablement, rationnelle et équilibrée dans son ensemble, permettant aux 3 régiments blindés du pays de disposer d’une puissance opérationnelle efficace et aboutie, et ce d’autant que les 6 M88A2 viendront renforcer les 18 blindés de ce type déjà en service. Epaulés par le futur véhicule de combat d’infanterie, les 30 canons automoteurs AS30, et les quelques 500 blindés Boxer en version reconnaissance blindée et transport de troupe blindée, les nouveaux blindés lourds commandés par Melbourne fourniront à l’Australian Army d’excellentes capacités opérationnelles pour son format.

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Le M1074 remplace le M104 Wolverine au sein de l’US Army

L’arbitrage en faveur du M1A2 par Melbourne n’a rien de surprenant. En effet, il n’existe aujourd’hui que 3 modèles de chars lourds en production en occident, le M1A2 américain, le Leopard 2A7 allemand et le K2 Black Panther Sud-coréen. Ce dernier est incontestablement méritant, mais il souffre encore de problèmes de fiabilité, notamment concernant son train roulant. Le leopard 2A7 allemand, quant à lui, est sensiblement équivalent en terme de performances, de capacités (et de contraintes) au M1A2, et est proposé à un tarif proche. Pour l’Australie, en revanche, les chances de devoir opérer avec l’US Army et ses Abrams, plutôt qu’aux cotés d’un hypothétiques utilisateur de Leopard 2, sont suffisantes pour justifier de cette décision. En outre, force est de constater qu’aujourd’hui, Melbourne privilégie systématiquement les materiels américains lorsque cela est possible, ne se tournant vers d’autres fournisseurs que lorsque l’industrie US n’est pas en mesure de proposer de solution satisfaisante, comme c’est le cas pour le Boxer, les VCI et de l’artillerie mobile, les nouveaux materiels américains dans ce domaine n’étant pas encore disponibles.

K9 artillery Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Le canon automoteur sud-coréen K0 rencontre un important succès sur la scène internationale, avec pas moins de 7 utilisateurs internationaux

A l’instar du Japon et de la Corée du Sud, l’Australie a entrepris dès l’entame de la décennie précédente de moderniser entièrement ses forces armées, au travers de nombreux programmes ambitieux ayant permis au pays de s’équiper d’une force aérienne efficace et dimensionnée mettant en oeuvre Super Hornet, Lighting II et Growler épaulés de 6 E-7A Awacs et de 6 ravitailleurs A330 MRTT, d’une flotte de surface forte de 3 destroyers Aegis classe Hobart et de 10 frégates classe Anzac qui seront remplacées par au moins autant de frégates Type 26 classe Hunter et de 2 porte-hélicoptères d’assaut classe Canberra (nous éviterons le sujet des sous-marins…), et une force terrestre alignant un milliers de blindés moyens et lourds modernes. Le pays consacre 44,6 Md$ australiens (28 Md€) à sa defense en 2022, dont 35% pour les seules acquisitions de materiels, soit 2,1% de son PIB, alors même que le pays reste à quelques 7.500 km des cotés chinoises, identifiée comme la principale menace par la doctrine australienne. De quoi relativiser l’effort de defense moyen en Europe, ou même celui de la France (également 2% PIB), d’autant que l’Australie, elle, n’a pas à financer de couteuse dissuasion nucléaire, et ne dispose pas, comme la France, d’une industrie de défense globale capable de valoriser socialement et budgétairement les investissements dans ce domaine…

Le programme de sous-marins nucléaires australiens va-t-il péricliter ?

Personne n’a oublié l’annonce fracassante faite par le premier ministre australien, Scott Morrison, en compagnie de son homologue britannique Boris Johnson et du président américain Joe Biden en septembre 2021, qui mit fin au programme franco-australien de sous-marins Shortfin Barracuda au profit d’une flotte de sous-marins à propulsion nucléaire réalisées dans le cadre d’une nouvelle alliance rassemblant les 3 pays, et désignée par l’acronyme AUKUS. Il est vrai que le programme de sous-marins océaniques à propulsion conventionnelle Shortfin Barracuda australien avait été sous le feu des critiques depuis plusieurs années, notamment en raison d’une enveloppe budgétaire globale de 90 Md$ australiens présentée comme gargantuesque auprés de l’opinion publique australienne, les autorités du pays ayant simplement omis de préciser que le budget initial de 50 Md$ présenté publiquement au début du programme ne s’appliquait qu’à 8 sous-marins, contre 12 effectivement commandés, et ne tenait pas compte de l’inflation sur un programme de prés de 20 ans.

Il semble désormais que les mêmes travers soient à l’oeuvre concernant le nouveau programme destiné à remplacer les sous-marins français par 8 sous-marins à propulsion nucléaire de conception américaine ou britannique. En effet, alors que le temps passe et que les études indépendantes se font jours, il apparait que cette voie choisie par le premier ministre conservateur Scott Morrison recèle de nombreux écueils, parfois même identiques à ceux ayant sonné le glas du programme franco-australien. Et alors que les questions et les inquiétudes s’accumulent, les premiers débuts de réponses qui apparaissent semblent dresser un tableau bien inquiétant pour l’Australie, son économie et sa flotte.

barracuda shortfin attack class Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
les conséquences de l’annulation du programme Shortfin Barracuda pour l’Australie pourraient bien être bien plus dommageables pour la sécurité et les finances publiques du pays que prévu.

Le premier des écueils sur lequel l’ambition australienne pourrait se fracasser n’est autre que le prix exorbitant du programme lui même. Selon l’Australian Strategic Coverage Institue, le cout global du programme pour 8 sous-marins serait, en effet, dans le meilleur des cas, de 70 Md$. Mais ce total ne prend pas en compte l’inflation, et est même jugé très improbable par les auteurs du rapport eux-même, qui estiment que celui-ci pourrait attendre, au final, 171 Md$, inflation comprise, soit le double du programme franco-australien tant décrié sur la scène publique australienne. Cet investissement représenterait alors l’équivalent de 8,5% du PIB du pays, ainsi que 4 années pleines du budget consacré à La Défense australienne. Rapporté à la population, cela représente un effort de presque 7000$ australien par habitant sur toute la durée du programme.

En outre, les compensations industrielles appliquées à ce programme apparaissent de plus en plus hypothétiques, alors que les difficultés relatives à la mise en place d’une industrie capable d’assembler de tels sous-marins se font jours dans un pays qui ne dispose d’aucune experience dans ce domaine, ainsi que d’aucune industrie nucléaire civile. Car au delà des couts et des difficultés à implanter une telle industrie, se pose également le problème des délais nécessaires pour y parvenir, sachant qu’une telle ambition nécessiterait de profondes évolutions en matière de formation professionnelle, et même de formation académique. Il s’agirait en effet pour Melbourne de déployer l’équivalent d’un programme nucléaire civil, qui plus est apte à travailler avec du combustible enrichi de qualité militaire, alors même que le pays exclut de s’équiper de centrale nucléaire civile, créant un paradoxe aussi bien economique que sociétal à ce sujet.

Rool Out Virginia Shipyard Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Selon toute vraisemblance, les SNA australiens devront être produits par l’Industrie US, seule solution pour tenter de réduire les délais déjà très importants de ce programme

En outre, en l’absence de compensation industrielle, et d’assemblage locale, la presque totalité du très important effort consenti par les australiens n’aura aucune retombée economique ou sociale dans le pays, que ce soit en terme de création d’emplois, de developpement de savoir-faire et de retour budgétaire. Rappelons que dans ce domaine, le programme franco-australien prévoyait, pour sa part, une investissement local supérieur ou égal à 60% de l’ensemble des montants investis par l’Etat australien, de quoi financer une bulle socioéconomique de plus de 40.000 emplois sur une durée de 20 ans, mais également d’acquérir les savoir-faire nécessaires et suffisants pour permettre à Melbourne de developper, par la suite, ses propres modèles de sous-marins, voire de les exporter le cas échéant. En prenant en compte ces paramètres, et sur la base d’un retour budgétaire moyen de 50% en Australie (hypothèse basse), le programme de 8 sous-marins nucléaires ne coutera pas, comme on pourrait le penser, le double du programme précédent aux finances publiques du pays, et donc aux australiens eux-mêmes, mais le triple.

Si encore l’Australie pouvait se targuer d’assurer par cet arbitrage, une défense bien plus efficace de ses citoyens et de ses intérêts, en particulier face à al montée en puissance chinoise … Mais tel ne sera pas le cas, en tout cas, pas dans les 15 à 20 années à venir. En effet, selon le docteur Marcus Hellyer, co-auteur du rapport précité, il est désormais inexorable que la Marine Royale Australienne passe par une période de rupture capacitaire plus ou moins longue dans les années à venir, entre l’obsolescence et le retrait des 6 sous-marins Collins encore en service, et l’arrivée des premiers SNA qui seront, selon toute probabilité, produits aux Etats-Unis. Il semble en effet exclu que l’US Navy ne consente à céder sa priorité d’équipement concernant la production de SNA Virginia au profit de l’Australie, alors même qu’elle risque elle aussi une diminution capacitaire sensible dans les années à venir, la production des chantiers navals US n’étant pas suffisante pour remplacer le retrait prévu des Los Angeles, et atteindre l’objectif de 70 SNA fixé par le Pentagone contre 48 aujourd’hui. Quant à la Grande-Bretagne, ses capacités de production sont encore moindres, et seront en grande partie mobilisées par la construction des 4 nouveaux SNLE de la dissuasion britannique.

Los Angeles SNA Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Pour l’heure, les SNA classe Los Angeles de l’US Navy susceptibles d’être prolongés sont conservés par celle-ci afin d’empêcher la diminution de sa flotte en volume

Dès lors, il semble illusoire d’espérer qu’un SNA issu de ce programme n’entre en service avant 2040 dans la Marine Australienne et que le dernier navire de la classe ne soit livré avant 2050. Or, selon les projections de risques, le pic de tension entre la Chine et les Etats-Unis adossés à l’alliance occidentale, débutera à la fin de cette décennie, et culminera dans la seconde moitié de la prochaine, laissant la Royal Australian Navy avec seulement 6 sous-marins à propulsion conventionnelle vieux de plus de 45 ans pour faire face aux nouveaux submersibles et navires de la Marine Chinoise et de son allié russe. Au delà des aspects budgétaires et économiques, le plus grand risque pour l’Australie lié à ce changement de posture réside précisément dans ce problème de tempo, à contre-courant de la réalité géopolitique d’aujourd’hui.

On comprend dès lors les efforts déployés à Melbourne pour tenter de trouver des solutions intérimaires, et en particulier pour convaincre l’US Navy de céder quelques Los Angeles en fin de vie à la Marine Australienne pour assurer la transition, éviter la rupture capacitaire et anticiper un minimum l’arrivée des nouveaux navires. Pour autant, à ce jour, les Los Angels susceptibles d’être prolongés au service actif sont destinés à l’US Navy, qui veut à tout prix empêcher que sa flotte de SNA ne baisse sous le seuil actuel historiquement bas de 48 navires. Il est donc très peu probable que celle-ci ne satisfasse aux attentes de l’Australie, tout comme il était illusoire pour la Grèce d’espérer la vente de destroyers Arleigh Burke d’occasion pendant de nombreuses années.

Collins sous marins australie Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Les 6 Collins Australiens ne pourront jouer les prolongations indéfiniment, en particulier face aux nouveaux submersibles chinois et russes aux performances élevées.

De fait, il est parfaitement possible, voire même probable, que les dispositions prises aujourd’hui par l’administration de Scott Morrison, soient ré-évaluées lors de la prochaine magistrature. En effet, les sondages portant sur les prochaines élections législatives de cette année, montrent un avantage de plus en plus marqué aux travaillistes australiens face à l’alliance conservatrice au pouvoir, avec 55% de personnes soutenant le partie travailliste contre 45% pour la coalition libérale nationale, l’exact opposé de la situation au début de 2019. Lors des derniers sondages, le partie travailliste seul est même passé devant la coalition au pouvoir en première intention, une première depuis de nombreuses années. On peut donc s’attendre, cette année, à de profond bouleversements politiques dans le pays, bouleversements qui entraineront, très probablement, une ré-évaluation complète et rapide de ce programme bien problématique.

L’US Army va investir 2,7 Md$ dans les systèmes de visée de ses fusils d’assaut de nouvelle génération

Dans la plupart des films de science-fiction, les armes du futur s’accompagnent de systèmes de visée extrêmement avancés, capables de détecter les cibles dans la pénombre ou derrière un couvert, de calculer la trajectoire balistique et de communiquer avec les autres armes. Une nouvelle fois, la réalité va bientôt rejoindre la fiction, puisque l’US Army vient d’attribuer un contrat de pas moins de 2,7 Md$ à la société Vortex Optics, afin de livrer quelques 250.000 systèmes de controle de tir XM157 NGSW-FC (Fire Control) dans le cadre du programme Next Generation Squad Weapons. Le système équipera aussi bien les fusils d’assaut NGSW-R que les armes de soutien du programme NGSW-AR, qui s’appuient toutes deux, entre autres choses, sur un nouveau calibre de 6,8mm offrant une puissance de feu accrue face au traditionnel 5,56mm OTAN actuellement en service.

Et de capacités innovantes, le XM157 ne manquera pas, avec un système d’intensification de lumière, un télémètre laser, un calculateur balistique couplé à un laser de visée visible ou infra-rouge, une station atmosphérique, un système d’enregistrement et un système de communication, le tout intégré dans une interface numérique. L’objectif recherché par l’US Army est à la fois d’augmenter la précision et la létalité du tir, et donc la puissance de feu de ses unités, mais également d’accroitre l’interopérabilité des forces, en application de la doctrine Joint All-Domain Command and Control. Il sera, selon toute vraisemblance, connecté au futur système de relié augmenté IVAS actuellement en developpement, en particulier pour les aspects de communication. Ces nouveaux systèmes permettront notamment d’accroitre la portée d’engagement en profitant de la puissance accrue des projectiles liée au nouveau calibre, de sorte à surclasser les unités adverses dans ce domaine, et donc de les engager avant qu’elles ne puissent, elles-même, riposter.

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Si le système Electro-optique du programme NGSW a été attribué à Vortex Optics (au détriment de L3 Harris son concurrent dans cette compétition), le choix du fabricant des deux armes d’infanterie destinées à remplacer les fusils d’assaut M4 ainsi que les M249 SAW et les mitrailleuses M240, n’a pas encore été arbitré. Sur les 5 concurrents en lice initialement, trois ont d’ores et déjà été éliminés, Textron System, FN-America et PCP-Tactical. Les deux concurrents encore en evaluation sont SIG Sauer avec le SIG MCX dans le domaine des fusils d’assaut et le SIG MG 6.8 pour les armes de soutien, ainsi que True Velocity avec le fusil d’assaut RM-277R qui reprend la configuration Bullpup, et la mitrailleuse RM-277AR. Le contrat final doit permettre de livrer quelques 250.000 exemplaires des NGSW-R (Rifle ou Fusil d’assaut) et -AR (Automatic Rifle ou arme de soutien/ mitrailleuse) répartis entre l’US Army et le Corps des Marines, a destination en priorité des unités d’infanterie et d’infanterie mécanisée, les unités de soutien restant, pour leur part, équipées de M4 et de PM.

RM 277R Actualités Défense | Armes Laser et énergie dirigée | Contrats et Appels d'offre Défense
Le RM-277 de True Velicty, l’un des deux finalistes pour le programme NGSW, s’appuie sur une structure Bullpup