La protection contre les drones légers et moyens, y compris contre les munitions vagabondes, représente désormais un enjeu critique pour une force armée moderne. Selon les pays, des solutions différentes ont été avancées, employant des systèmes d’artillerie mobile, des missiles légers et même des drones anti-drones. Mais la solution la plus prometteuse dans ce domaine reste celle qui repose sur des armes à énergie dirigée, et c’est ce type de systèmes que l’US Army développe en urgence depuis 3 ans. L’un de ces systèmes est le Guardian, issu du programme DE-SHORAD, un blindé Stryker monté d’un laser d’une puissance de 50 Kw, capable de prendre à partie les drones de catégorie 1, 2 et même 3, ainsi que, dans une certaine mesure, les obus de mortier et les roquettes d’artillerie (les plus légères).
Le developpement du Guardian s’est fait tambour battant, les prestataires ne parvenant pas à suivre le rythme imposé par l’US Army étant tout simplement remerciés. Le prototype du système, équipé d’un laser conçu par la société Raytheon, a pu effectuer ses premiers essais riches d’enseignements en condition réelle en fin d’année dernière, et entamera une nouvelle phase d’essais en ce début d’année, afin de permettre la livraison des premiers systèmes à une unité opérationnelle de Fort Sill, dans l’Oklahoma, en septembre de cette année. Dans le même temps, l’US Army entend re-organiser la compétition jugée comme critique en matière capacitaire. En effet, si Raytheon et Korb ont été sélectionnés pour réaliser les prototypes et les équipements de pré-série, c’est avant tout lié au fait que les autres sociétés, comme Northrop qui elle aussi développait une solution pour le laser lui-même, n’avaient pas pu suivre le rythme effréné imposé.

Le sujet est d’importance pour le Pentagone comme pour les grandes entreprises américaines, puisque les 3 armées US ont entrepris de developper des solutions anti-drones et anti-missiles basées sur des laser à haute énergie ; l’US Army avec le Guardian de 50 Kw mais également l’IFPHEL Valkyrie visant un système de 300 Kw capable de neutraliser des cibles plus imposantes, y compris les missiles de croisière ; l’US Navy avec le système Helios de 60 Kw en cours d’installation sur l’USS Preble, et des plans pour des CIWS laser de 150 Kw et 600 Kw sur ses futurs destroyers DDG(x); et l’US Air Force avec le programme SHIELD pour protéger les avions de combat et de soutien des missiles air-air et sol-air. A noter que dans le même, ces 3 armées developpent également toutes 3 un système anti-drones basé sur un canon à micro-onde, et destiné avant tout à éliminer les essaims de drones.
Si les Européens ne sont pas aussi avancés que les américains dans ce domaine, ils ne sont pas non plus absent de cette compétition. Ainsi, la Marine Allemande à confier à la branche nationale de MBDA ainsi qu’à Rheinmetall la conception d’un laser destiné à équiper initialement les corvettes K130. La France pour sa part s’appuie sur l’expertise de la société CILAS, récemment achetée par MBDA et Safran, pour developper des systèmes anti-drones potentiellement mis en oeuvre à partir des blindés de nouvelle génération comme le VBMR Griffon. Mais le pays le plus ambitieux dans ce domaine reste incontestablement le Royaume-Uni, qui a alloué en 2019 un budget de 130 millions de £ pour les études visant à developper 3 systèmes, l’un lourd embarqué à bord des frégates de la Royal Navy, l’un moyen mis en oeuvre à partir de véhicules terrestres, et un dernier, plus léger, pour protéger les aéronefs, sorte du pendant britannique du programme Shield de l’US Air Force.
Reste que de nombreuses inconnues subsistent quant à l’efficacité opérationnelle de ces systèmes. En effet, pour détruire ou endommager sa cible, un laser doit être en mesure de l’illuminer précisément d’autant plus longtemps que la cible est résistante, et que les conditions météorologiques sont mauvaises, ceci entrainant une dissipation partielle de l’énergie transportée par le laser dans l’atmosphère. De fait, pour prendre à partie des cibles imposantes et rapides, et ce quelque soit les conditions, il est indispensable de disposer d’un laser particulièrement puissant, l’US Navy estimant qu’un laser de plus de 500 Kw est nécessaire pour détruire un missile anti-navire supersonique sur sa durée d’exposition potentielle.
En outre, l’énergie électrique nécessaire pour le fonctionnement des laser nécessite des APU très puissantes, en particulier lorsqu’il est question de blindés ou d’aéronefs, et dégageant de fait un important rayonnement infra-rouge, faisant dire à certains que ces unités seront des cibles de choix pour les missiles adverses cherchant à éliminer en priorité ces capacités. Enfin, à mesure que les laser à haute énergie entreront en service, il est probable que les cibles potentielles seront modifiées pour mieux résister à ces systèmes, avec des enveloppes résistant davantage à la chaleur produite par le rayon, mais également des peintures spéciales capables de dissiper une partie de cette énergie lumineuse avant qu’elle ne se transforme en énergie thermique. En revanche, les modifications apportées aux drones pour résister aux laser en augmenteront probablement le poids et le prix, et en feront des cibles valables pour les systèmes plus conventionnels comme l’artillerie anti-aérienne ou les missiles sol-air à courte portée.
On le comprend, les systèmes laser sont prometteurs, mais ne peuvent en aucune manière se substituer intégralement aux systèmes existants. Il reste en outre de nombreux obstacles technologiques à surmonter pour faire d’un laser plus ou moins experimental capable de fonctionner dans le désert d’Oklahoma, un système capable d’être efficace par une nuit d’hiver en Lettonie ou une pluie de mousson dans la Pacifique. Pour autant, la determination dont font preuve aujourd’hui le Pentagone et ses Armées pour avancer rapidement dans ce domaine montre les enjeux d’une telle technologie, ainsi que l’absolue nécessité de disposer désormais de systèmes anti-aériens à courte portée et de systèmes anti-drones capables de répondre à un vaste panel de menaces, pour espérer se montrer efficace dans le cadre d’un engagement de Haute Intensité.















