samedi, décembre 6, 2025
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Le déploiement militaire russe autour de l’Ukraine atteint un seuil critique

Cela fait maintenant plusieurs mois, depuis novembre 2021, que les armées russes déploient et stationnent un grand nombre de troupes autour de l’Ukraine, que ce soit le long de la frontière avec le Donbass, en Crimée, et le long de la frontière nord du pays. A la Fun du mois décembre, les observations physiques et satellites permettaient d’estimer à 100.000 le nombre de militaires déployés à proximité immédiate des frontières de l’Ukraine, et à une soixantaine le nombre de bataillon interarmes, l’équivalent russe des Groupement tactique Inter-Armes, ou GTIA, français, constitués. Mais ces derniers jours, Moscou a procédé à un renforcement sensible des forces déployées, avec un renfort de 30.000 militaires envoyés en Biélorussie, dont une majorité de forces aéroportées, et l’accélération du nombre de bataillon inter-armes assemblés, pour atteindre la centaine, soit 60% des forces opérationnelles théoriques du pays, aujourd’hui entre 165 et 175 bataillons interarmes potentiels et 70 brigades.

Dans le même temps, Moscou a entamé un vaste redéploiement de ses moyens navals, avec des exercices en Atlantique, en Méditerranée et en Mer Noire, rassemblant au total 140 navires, et dans le but supposé de déplacer certaines de ces unités déployées jusqu’ici en Atlantique Nord, en Mer Baltique et en Méditerranée vers la Mer Noire. De fait, dans moins d’une semaine, les forces armées russes auront assemblé un dispositif opérationnel suffisant pour mener une opération offensive multi-fronts, y compris naval et aéroporté, contre l’Ukraine, ceci expliquant l’intensification des préparatifs défensifs à Kyiv, ainsi que du ballet diplomatique pour tenter de désamorcer cette crise aux conséquences potentielles critiques pour l’Europe.

VDV Belarussie Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
sous couverts d’exercices binationaux, la Russie a déployer ces derniers jours un grand nombre de troupes en Biélorussie, en particulier des forces aéroportées.

Pour autant, une offensive généralisée sur l’Ukraine serait une entreprise des plus périlleuse pour Moscou, en débit de l’immense force militaire rassemblée. D’une part, même si elles sont armées de materiels moins évolués, et en quantité moindre, les forces armées ukrainiennes sont loin d’être négligeables, alignant une force terrestre forte de plus de 200.000 hommes repartis au sein d’une vingtaine de brigades blindées, mécanisées ou motorisées, et disposant de plus de 1500 chars de combat, pour plus de la moitié des T-64 modernisés, le reste étant composée de T72 et 780 eux aussi modernisés, de 2500 véhicules de combat d’infanterie BMP 1-2-3, et d’un bon millier de systèmes d’artillerie automoteurs, dont une soixantaine de 2S19 Msta-S.

A ces unités de ligne s’ajoutent trois unités d’élite, la 10eme brigade de Montagne, la 85ème brigade d’assaut aérien, et la 36ème brigade d’infanterie de Marine, capables de mener des opération de très haute intensité et de faire jeu égal avec les meilleures unités russes. En revanche, ces forces manquent de capacités dans le domaine aérien, avec moins de 80 chasseurs Mig-29 et Su-27 en parc théorique, épaulés par une trentaine de bombardiers Su-24 et Su-25, et si défenses anti-ariennes sont nombreuses, avec prés de 500 systèmes S-300PT/S, Kub (SA-6), Buk et TOR, il s’agit pour essentiels de materiels obsolètes, qui plus est d’origine soviétique, et donc parfaitement connus des forces aériennes russes. Ses forces navales, enfin, se résument à une frégate hors d’usage, ainsi que quelques patrouilleurs légers, incapables de poser une quelconque opposition à la flotte russe de Mer noire.

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la 10ème brigade de montagne est l’une des unités d’élite de l’armée ukrainienne

Mais la plus grande force défensive ukrainienne, aujourd’hui, repose sur la vingtaine de brigades territoriales assemblées dans le pays, représentant aujourd’hui plus de 100.000 volontaires prêts à s’opposer à une incursion russe, alors que d’autres formations se constituent chaque semaine dans le pays face à l’afflux de volontaires. Ces unités, conçues en parti pour mener une guerre d’usure de type partisans ou guérilla, ont récemment reçu de nombreux équipements avancés en provenance des Etats-unis, mais également des pays baltes, de Grande-Bretagne et de Pologne, de sorte qu’elles disposent, pour certaines d’entres elles tout au moins, d’une capacité de nuisance très élevée pour harceler les unités logistiques et de soutien de l’Armée russe, une fois l’offensive passée. En effet, si le Kremlin est parvenu, plus ou moins, à convaincre son opinion publique de la possible nécessité d’une attaque préventive contre l’Ukraine, celle-ci supportera mal des pertes importantes, tout comme elle tolérera difficilement contre l’Ukraine une stratégie de terre brulée comme employée contre le Tchétchénie, dont 20% de la population civile périt lors des guerres de 1995 et 2000.

Il est donc indispensable désormais pour Moscou de prendre rapidement une décision, soit afin de mener l’assaut dans le but probable de sidérer les autorités ukrainiennes par la destruction d’une part importante de ses forces armées, de sorte à pouvoir s’emparer d’une partie des territoires (Donbass, lien terrestre vers la Crimée, sud du Dniepr) avant de retirer ses forces des autres territoires conquis, comme ce fut le cas en Géorgie en 2008, soit d’entreprendre, d’une manière ou d’une autre, une désescalade, possiblement temporaire, afin de préserver le régime. La pire des solutions pour Moscou, aujourd’hui, est incontestablement d’attendre encore quelques semaines, ceci permettant à l’Ukraine de renforcer ses défenses et notamment sa stratégie de défense territoriale, alors même que les armées russes ont probablement atteint leur seuil maximal de déploiement sur ce théâtre. De fait, d’une manière ou d’une autre, la conclusion de cette crise, ou sa transformation vers une guerre ouverte, devrait intervenir dans les quelques jours ou semaines à venir.

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le canon automoteur 2S19 Msta-S este plus moderne des systèmes d’artillerie mobile en service au sein des armées russes comme ukrainiennes

Dans ce domaine, les initiatives menées par la France afin de tenter de trouver des portes de sortie de sorte à permettre une désescalade du conflit, constituent très probablement la plus grande chance d’éviter une guerre potentiellement meurtrière et aux conséquences dévastatrices en Europe comme en Russie. Cette initiative est d’autant plus efficace que d’autres pays, comme la Grande-bretagne, ont pris dans ce dossier une posture bien plus offensive, permettant à la diplomatie occidentale de presenter au Kremlin des trajectoires parfaitement définies et non ambiguës. Qu’elle soit effectivement coordonnée, ou pas, cette stratégie de négociation est très probablement, aujourd’hui, la plus prometteuse, et ce d’autant que la France comme la Russie partagent le constat qu’il est nécessaire de refonder le pacte sécuritaire européen. En outre, dans ce dossier, face à une opinion publique très hostile à toute implication du pays (71% contre la livraison d’armes à l’Ukraine), et au lobbying féroce d’une partie de sa classe politique très proche de Moscou, l’Allemagne est condamnée à jouer les seconds rôles diplomatiques, d’autant que le Chancelier Olaf Scholtz ne peut s’appuyer sur les relations privilégiées qu’entretenaient Angela Merkel et Vladimir Poutine pour mettre Berlin au centre de la crise, et potentiellement de la solution.

Reste qu’aujourd’hui, toutes les options, militaires comme diplomatiques, sont équipotentiellement valables, et ce d’autant que l’axe stratégique liant Moscou à Pékin a été considérablement renforcé par la déclaration commune des deux pays après la rencontre, ce matin, de Vladimir Poutine et de Xi Jinping en marge des jeux olympiques d’hivers. Dans cette déclaration posant clairement les bases politiques d’une alliance sino-russes axée pour contrer la puissance occidentale en Eurasie et dans le Monde, si les deux pays se promettent assistance mutuelle en cas d’agression, et si les notions de sphères d’influence historique sont clairement mentionnées, il n’est pas fait explicitement référence à l’Ukraine comme extension naturelle de la Russie, contrairement à Taïwan qui est reconnue comme appartenant de manière indivisible à la République Populaire de Chine. Ce distinguo subtil laisse penser qu’aujourd’hui encore, Vladimir Poutine reste ouvert à une solution diplomatique, alors que de toute évidence, pour Pékin, l’annexion de Taïwan, personne ne doute que cela puisse se faire autrement que par la force armée, n’est qu’une question de calendrier.

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Le president français Emmanuel Macron s’est entretenu déjà 3 fois en moins de 10 jours avec son homologue russe, mais également avec le président ukrainien, pour trouver une porte de sortie à cette crise (Photo by Michel Euler / POOL / AFP)

Dans toutes les cas, il est interessant de constater, dans cette crise européenne, qu’après avoir disqualifié les européens pour ne parler qu’à Washington, Moscou pourrait voir le salut venir de ces mêmes européens, de sorte à obtenir certaines garanties permettant une sortie de crise, et ainsi éviter le bain de sang. A contrario, si le Kremlin venait effectivement à attaquer l’Ukraine, il ne fait désormais plus de doute que les européens prendront une part décisive des mesures de rétorsion économiques contre Moscou. Alors que certains ont voulu voir cette crise comme le révélateur de la disqualification et la désunions des européens, il semble au contraire qu’elle montre, certes de manière un peu chaotique, une réelle force à l’action collective et itérative européenne. Et si celle-ci parvient à dissuader Moscou de mener une action militaire contre l’Ukraine, ce sera, incontestablement, une réussite majeure pour ce vieux continent.

Le Brésil envisage une nouvelle commande de 30 Gripen E/F

L’année 2021 aura été une année de grande déception pour le constructeur suédois Saab. Comme les 5 années précédentes, celui-ci n’aura pas réussi à imposer son chasseur Gripen, qu’il s’agisse de la version classique JAS-39 C/D en Croatie qui lui préféra 12 Rafale d’occasion acquis auprés de la France, que de son Gripen NG ou JAS-39 E/F avec son voisin finlandais, qui lui préféra le F-35A en dépit d’une offre très attractive et ambitieuse de Stockholm. A ce jour, et en dehors des commandes de Gripen NG pour la Flygvaptnet, l’Armée de l’Air Suédoise, et les 36 Gripen NG commandés par le Brésil en 2014, le carnet de commande de Saab reste désespérément vide. Quant aux compétitions en cours, en dehors des Philippines, dans lesquels le Gripen est engagé, comme au Canada ou en Inde, ce dernier apparait comme un outsider, et parfois même comme un faire valoir.

De fait, la compétition qui va bientôt s’ouvrir au Brésil pour acquérir 30 chasseurs modernes aux cotés des 36 appareils déjà commandés à Saab, et ainsi atteindre le format de 66 appareils visé par la planification du pays, revêt une dimension non pas stratégique, mais vitale pour le constructeur suédois, s’agissant probablement de la seule compétition dans les années à venir pour laquelle son appareil jouera le rôle de favori. D’ailleurs, selon les déclarations d’un quotidien brésilien, il est possible qu’il n’y pas de compétition internationale, puisque Sao Paulo envisagerait de négocier directement avec Stockholm une nouvelle tranche de 30 appareils, sans passer par une procédure d’appel d’offres.

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Le Gripen E est un appareil offrant des performances élevées, mais qui est aujourd’hui handicapé par un prix unitaire élevé face à al concurrence, pour une capacité d’emport relativement réduite

Il faut dire qu’aucun constructeur ne serait en mesure de se positionner aussi agressivement que Saab sur ce marché. Déjà, en 2014, Saab avait accordé au Brésil l’assemblage local de la majeure partie des 36 appareils commandés par l’avionneur local Embraer. Et il est très peu probable qu’un autre avionneur puisse proposer une telle solution pour une commande de seulement 30 nouveaux appareils, sans voir ses couts unitaires exploser. En outre, et comme dans le cas des Rafale en Inde, la pre-existance d’une flotte de Gripen NG au sein des forces aériennes brésiliennes engendre d’importantes économies pour ce qui concerne un nouveau lot, notamment en matière de formation et de logistique. De fait, et de manière parfaitement objective, Sao Paulo aurait effectivement tout intérêt à se tourner vers Saab pour renforcer sa force aérienne, tant du point de vue économique qu’opérationnel.

Reste que si cette nouvelle commande, dont on ne connait pas, par ailleurs, le calendrier, constituerait incontestablement une bonne nouvelle pour Saab, sa composante d’assemblage locale ne permettrait pas au constructeur suédois d’étendre la pérennité de sa ligne d’assemblage, et ce d’autant que le gouvernement suédois n’a commandé que 60 de ces nouveaux appareils, et 10 en option. Il risque donc d’y avoir une période de vache maigre sur la seconde moitié de la décennie pour Saab, et ce d’autant que la conception du successeur du Gripen, en partenariat avec le programme Tempest britannique, débute à peine, et ne prévoit pas de produire un nouvel appareil avant 2035, au mieux. En outres, plusieurs clients de la version initiale du Gripen, comme la Republique tchèque, mais également la Thaïlande, semblent désormais se tourner vers des solutions américaines pour leur remplacement. Et même si le gouvernement suédois procédera probablement à une nouvelle commande pour renforcer sa force aérienne d’ici quelques années, il est peu probable que son volume soit suffisant pour maintenir en activité la chaine d’assemblage suédoise jusqu’à l’arrivée du successeur du Gripen.

Gripen JAS39 Tchecoslovaquie Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
la république tchèque semble vouloir se tourner vers le F35 pour remplacer ses Gripen

Cette situation mortifère pour la filière aéronautique militaire suédoise, pourrait en revanche servir de socle à une coopération européenne basée sur le couple franco-suédois, afin de developper, dans le cadre du programme SCAF, un chasseur monomoteur de la classe 18 tonnes, comme le Mirage 2000 et le F16, mais plus lourd que le Gripen (14 tonnes), rassemblant les critères de la 5ème génération. Du point de vue français, un tel programme permettrait effectivement de réinvestir le marché des chasseurs monomoteurs, quitté depuis la fermeture de la ligne d’assemblage du mirage 2000, tout en permettant à sa force aérienne de se doter d’un appareil répondant en plein aux critères de la 5ème génération, complémentaire du chasseur moyen Rafale et de son successeur, le NGF. En outre, cela permettrait aux industriels français, en partie lésés par la répartition industrielle au sein du programme SCAF, de préserver des compétences critiques.

Coté suédois, cela permettrait, outre la possibilité de compléter sa force aérienne d’un appareil effectivement de 5ème génération, de mettre en commun le porte-feuille clients de la France et de la Suède, afin de prospecter de nouvelles opportunités internationales, avec un appareil capable effectivement de se confronter au F-35A de Lockheed Martin. En outre, pour peu que les deux pays parviennent à mettre en commun les avancées technologiques réalisées dans les programmes Rafale, Gripen et Neuron, il serait possible de proposer un appareil de 5ème génération effectivement économique à l’achat comme à la mise en oeuvre et dans des délais relativement courts, ce qui serait une nouveauté sur le marché mondial. Enfin, rien n’empêcherait le couple franco-suédois d’intégrer d’autres partenaires européens potentiellement intéressés par ce programme, et disposant d’une industrie aéronautique, comme la Grèce, la Republique tchèque et le Portugal, de sorte à avancer dans un véritable programme européen efficace, pour peu qu’il soit piloter comme le fut le programme Neuron.

Mirage2000 escadron grece Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
Il existe dans le monde un important marché pour le remplacement de chasseurs monomoteurs comme le Mirage 2000 ou le F-16. C’est le marché précisément visé par la version export du J-10C chinois et le futur Su-75 checkmate russe.

Une chose est certaine, le présent contexte, par ailleurs renforcé par l’augmentation des pressions internationales y compris en Europe, et l’accélération du tempo technologique militaire mondial, constitue incontestablement une opportunité unique pour faire avancé de tels programmes en Europe. En outre, c’est également probablement le meilleur moment pour Paris, actuellement en position de force dans ce domaine après les succès enregistrés en 2021, pour ouvrir des discussions constructives et efficaces pour faire avancer l’industrie européenne dans ce dossier. Quant à arracher les suédois au programme Tempest pour les intégrer à un sous programme de SCAF, ce serait, n’en doutant pas, la cerise sur le gâteaux.

L’US Navy temporise ses ambitions en matière de flotte autonome

Dans un article publié fin décembre sur le site War on the Rock, les auteurs dont un offre d’active de l’US Navy, pointaient le risque de transférer la charge de maintenance à bord des navires dépourvus d’équipage, vers une maintenance accrue à quai, engendrant potentiellement des surcouts importants, une disponibilité médiocre, et la possible saturation des infrastructures navales de maintenance en raison d’un engorgement des bâtiments à quai. Le fait est, nombre d’officiers de Marine ayant servi à bord de navires, doutent que la technologie actuelle puisse effectivement permettre de doter les navires autonomes d’une fiabilité à la mer compatible avec les exigences opérationnelles. Et si les drones navals, qu’ils soient de surface, sous-marins et aériens, font aujourd’hui l’unanimité, la notion de navire de combat autonome fait encore largement débat.

Pour autant, l’US Navy affichait de très grandes ambitions dans ce domaine, et les résultats obtenus par ses deux prototypes Sea Hunter et SeaHawk, tant lors du transit autonome de la côte Atlantique à la côte Pacifique (sauf pour le passage du canal de Panama), et les importantes avancées enregistrées lors de l’exercice UxS IBP en avril dernier, avaient donné des ailes aux planificateurs américains, qui prévoyaient de lancer une production de pré-série d’une dizaine de navire autonome de ce type, en parti aiguillonés par l’augmentation rapide du format de la flotte chinoise ces dernières années. Fut-ce en raison des questions posées par l’article de War on the Rock, ou d’une profonde impression de déjà vu avec un emballement qui n’est pas sans rappeler celui des LCS, Zumwalt et autres Sea Wolf, mais le Congrès a décidé de sévèrement temporiser les ambitions de l’US Navy dans ce domaine.

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Lors de l’exercice UxS IBP, les navires autonomes Sea Hunter et Seahawk de l’US Navy ont montré leur capacité à s’intégrer dans un dispositif naval opérationnel, mais il reste à faire la démonstration de l’endurance et de la fiabilité à la mer de ces technologies

Pour les législateurs américains, il n’est en effet pas question de prélever des crédits fléchés vers la construction navale traditionnelle, comme l’espérait l’US Navy, pour financer de nouveaux navires autonomes, alors même que de nombreuses interrogations restent en suspend quant à la fiabilité, l’efficacité et la viabilité de cette approche. Ces derniers ont donc exigé de l’US Navy qu’elle lève, dans un délais de 5 ans, toutes les incertitudes technologiques et doctrinales à ce sujet, avant d’envisager de financer la construction d’une flotte de ce type. Et l’US navy d’annoncer qu’effectivement, il était désormais nécessaire de démontrer la pertinence et la fiabilité de ces blocs technologiques, avant de s’engager dans leur intégration opérationnelle.

Contrairement aux drones aériens et aux robots de combat terrestres, les navires dépourvus d’équipage sont en effet appelé à évoluer non pas quelques heures ou quelques jours de manière autonome, mais plusieurs semaines dans un environnement éminemment hostile. Aujourd’hui encore, en dépit des importants progrès liés à l’automatisation, la numérisation et la robotisation des navires militaires modernes, 20 à 25% des équipages des frégates et sous-marins modernes sont exclusivement dédiés à garantir le bon fonctionnement du navire, et à intervenir en cas d’avarie. Or, il n’existe pas, à ce jour, de solution autre que la redondance multiple des systèmes, qui influence considérablement les couts de production et de maintenance, pour se passer de cette capacité exclusivement humaine, limitant de fait les ambitions réelles des navires autonomes de combat à des interventions limitées à proximité d’une zone de maintenance.

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La Turquie s’est engagée dans le developement de vedettes côtières légères armées autonomes pour reproduire le modèle qui fit le succès de son drone MALE TB2

En revanche, si l’hypothèse de voir apparaitre, à plus ou moins court terme, des navires et sous-marins autonomes susceptibles de suppléer des navires armés d’équipage pour des missions de haute mer et/ou de longue durée reste à valider, il ne faut certainement pas se priver de la plus value apportée par certaines approches de ce type. Ainsi, les solutions basées sur des drones navals de guerre des mines, évoluant sous le controle d’une unité navale classique ou en télé-opération mais à proximité d’une zone de maintenance et de récupération, ont été retenues par plusieurs marines dans le monde, y compris la Marine Nationale dans le cadre du programme SLAM-F. D’autres pays, comme la Turquie, ont entrepris de concevoir des vedettes de défense côtière armées entièrement autonomes, de sorte à reproduire les paradigmes, notamment économiques, qui ont faits les succès des drones de combat aériens armés comme le TB2 Bayraktar.

Mais le domaine le plus prometteur à court terme dans le domaine des navires de combat autonomes reste incontestablement celui des drones sous-marins, et en particulier des drones sous-marins de grande taille. Contrairement aux drones anti-mines ou de défense côtière, ces Unmanned Submarine Vehicle, ou USV, offrent en effet de nouvelles capacités aux marines mondiales, avec un rapport performances-prix inégalable par des solutions pilotées. En effet, ces bâtiments sont à la fois endurants à la mer, en grande partie du fait de l’absence d’équipage, et très économiques, puisqu’il n’est pas nécessaire d’implémenter l’ensemble des dispositifs de survie et de confort d’un équipage à bord, permettant de concevoir des navires de dimension et de prix réduits pour mener des missions qui auraient nécessité un onéreux et imposant sous-marin.

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le démonstrateur de drone sous-marin autonome à longue endurance développé en fonds propres par Naval Group offre des perspectives opérationnelles et commerciales des plus interessantes

Certes, un USV ne peut en aucun cas se substituer pleinement à un sous-marin, qu’il soit à propulsion conventionnelle ou nucléaire, mais cette technologie peut en revanche, et à moindre cout, alléger sensiblement la pression opérationnelle des sous-marins classiques en prenant en charge des missions adaptées à ce format, comme la défense côtière sous-marine voire certaines missions de renseignement. Ainsi, sur la base des éléments communiqués par Naval Group au sujet de son prototype de drone sous-marin à longue endurance, il serait possible de substituer une flotte d’une vingtaine de ces navires autonomes à un unique sous-marin conventionnel du point de vue budgétaire, offrant de fait des capacités de surveillance sous-marine et de défense côtière bien plus importantes et permanentes que ne peut le proposer un unique submersible d’attaque.

Dans tous les cas, qu’il s’agisse de drones de surface ou sous-marins, il semble en effet raisonnable et impératif que l’ensemble des inconnues technologiques en terme de fiabilité et de couts trouvent réponses avant d’envisager une production en série et un déploiement opérationnel. A ce titre, ce qui est vrai pour l’US Navy, l’est également pour la Marine Nationale et Naval Group, et il semble aujourd’hui plus q’opportun de dégager les financements nécessaires pour developper à un rythme soutenu compatible avec le tempo technologique actuel, le programme de submersible autonome actuellement conçus en fonds propres par le constructeur naval français. Car comme dans le domaine des drones MALE aériens, il y aura, sur la scène internationale, une « prime aux premiers » industriels capables de proposer des solutions fiables, efficaces et économiquement attractives dans ce domaine. Il serait absurde, pour la France, de ce priver de ce marché potentiel à venir, d’autant que l’industriel de référence a déjà fait, en grande parti, les efforts nécessaires dans ce domaine.

Ces 7 technologies qui vont révolutionner le champs de bataille d’ici 2040

Si les dernières années de la guerre froide fut l’occasion de nombreuses et importantes avancées technologiques dans le domaine des armements, avec l’arrivée des missiles de croisière, des avions et navires furtifs et de systèmes de commandement et de géolocalisation avancés, cette dynamique fut stoppée nette avec l’effondrement du bloc soviétique. En l’absence d’un adversaire majeur et téchnologiquement avancé, et en raison des nombreuses campagnes disymétriques auxquelles participèrent les forces armées, bien peu d’avancées significatives furent enregistrées du point de vue technologique entre 1990 et 2020, à l’exception notable de la généralisation des drones aériens de tous types. Mais avec l’émergence, depuis le début des années 2010, d’une Chine déterminée à rattraper son retard et à surpasser téchnologiquement l’ensemble des acteurs mondiaux d’une part, et la reconstruction de l’outil militaire et de la recherche russe, le tempo technologique de défense s’est à nouveau considérablement accru ces dernières années, au point de faire émerger de nouvelles technologies susceptibles de radicalement changer la conduite des opérations militaires et le rapport de force dans les 20 années à venir.

Dans cet article, nous présenterons les 7 technologies en cours de developpement, et qui sont à des stades différents de maturation technologique, mais qui toutes ont le potentiel de transformer en profondeur le champs de bataille d’ici 2040, au point de créer de nouvelles formes de guerre ou de confrontations jusqu’ici inconnues, voire de rendre obsolètes certaines technologies qui aujourd’hui représentent un pivot stratégique de l’organisation de La Défense : les armes à énergie dirigée, les ordinateurs quantiques, les armes hypersoniques, l’intelligence artificielle, les rail gun, la robotique et les controversés détecteurs à neutrino.

1- Les armes à énergie dirigée

2022 sera une année clé dans l’émergence des technologies d’armes à énergie dirigée, à savoir les armes laser et les canons à micro-ondes. En effet, c’est cette année que le Guardian de l’US Army, également appelé DE-SHORAD pour Direct Energy – Short Range Air Defense, entrera au service. Le Guardian sera en effet le premier système de défense anti-aérienne et anti-drone mobile de forte puissance à rejoindre des unités de combat, avec une puissance de 50 Kw suffisante pour prendre à partie les drones de catégorie 1 à 3, c’est à dire de moins de 25 kg, mais également pour intercepter et détruire les obus d’artillerie et de mortier, ainsi que les missiles air-sol les plus légers. Cette même année, le destroyer USS Preble de la classe Arleigh Burke Flight IIA se verra doter lui aussi d’un système laser d’auto-défense, le système Helios, d’une puissance de 60 Kw. En Israël, le premier ministre Naftali Bennet a confirmé, le 1er Février, que les armées disposeront, « dans moins d’une année », d’un système d’arme laser désigné « Laser Wall » employant un laser de 100 Kw pour renforcer et en parti remplacer le système Iron Dome pour défense le pays des attaques à la roquette et au mortier menées par le Hamas.

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le DE-SHORAD Guardian de l’US Army entrera en service cette année – remarquez les importants dissipateurs thermiques qui recouvrent la coque du véhicule

Cet engouement pour les armes à énergie dirigée répond à un besoin urgent, afin de contrer les attaques potentielles de drones légers, de munitions vagabondes, de roquettes et d’artillerie, avec une technologie économiquement plus performante que les missiles actuellement en service, et téchnologiquement plus efficace que les systèmes d’artillerie CIWS classiques. En effet, la majorité de ces menaces ont un cout unitaire ridiculement bas, permettant à l’adversaire de mettre en oeuvre des campagnes de saturation à moindre frais, alors que dans le même temps, les missiles employés pour les contrer ont un cout unitaire 10 à 50 fois plus important. En outre, un laser de 100 Kw peut détruire une cible jusqu’à 20 km, là ou un système CIWS d’artillerie ne peut être efficace qu’à moins de 4 km, souvent moins, obligeant à déployer 25 fois plus de systèmes CIWS pour couvrir un périmètre identique. Pour autant, le developpement des armes à énergie dirigée n’en est, aujourd’hui, qu’à ses balbutiements, et de nombreux obstacles technologiques restent à franchir pour utiliser le plein potentiel de ces nouveaux systèmes.

Le premier d’entre eux est la puissance même de ces armements, car si un laser de 50 ou 100 Kw peut éliminer effectivement des drones légers ou des roquettes artisanales, il est nécessaire de fournir une puissance bien supérieure, au delà de 300 Kw, pour être efficace contre des missiles de croisière, des aéronefs ou des drones plus lourds. Or, l’augmentation de la puissance des laser de combat est tout sauf un sujet trivial, puisqu’il est non seulement nécessaire de disposer de la technologie pour créer un laser de cette puissance, mais qu’il faut, en outre, être en mesure d’alimenter ces systèmes en énergie électrique. Par ailleurs, qu’il s’agisse de la production de puissance comme du laser lui même, tous produisent une très importante quantité de chaleur qu’il est nécessaire de dissiper pour soutenir un engagement soutenu et répété, ceci posant d’importants enjeux en matière de matériaux, mais également de rayonnement infra-rouge, alors que la furtivité multispectrale est devenue une priorité pour toutes les forces combattantes. Reste que des efforts très importants sont déployés, en particulier aux Etats-Unis, pour répondre à ces difficultés, avec l’objectif annoncé de disposer d’une panoplie complète de systèmes de protection à haute énergie aussi bien pour les forces terrestres que navales et aériennes, avant la fin de la décennie.

2- les ordinateurs quantiques

S’il est un domaine de la physique qui connut d’importantes avancées ces 30 dernières années, c’est bien la physique quantique, et ses nombreuses applications. Il faut dire que l’essentiel des progrès enregistrés dans ce domaine résultent, une foi n’est pas coutume, de la recherche civile, et même de la coopération internationale, en grande partie du fait de sa dimension théorique. Mais les armées ont rapidement pris la mesure de ce que cette physique étrange pouvait apporter en matière de défense, et ces dernières années, de nombreux programmes estampillés « quantiques » ont vu le jour de part le monde : radar quantique, antennes quantiques etc… Si l’effectivité de ces technologies reste encore à démontrer, il est un domaine dans lequel la révolution quantique est belle et bien en marche, avec des conséquences considérables en matière de défense, les célèbres ordinateurs quantiques.

La precision du radar quantique permet didentifier precisemment une cible meme furtive Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
la technologie des radar quantique est prometteuse mais suscite encore de nombreuses interrogations quant à son effectivité

Cette technologie n’est, en soit, pas nouvelle, puisque le premier processeur quantique a été conçu en 2009 par les chercheurs de l’université de Yale. Pour autant, l’arrivée de véritables ordinateurs quantiques opérationnels et non expérimentaux, n’a pas encore eu lieu, en grande partie du fait que pour manipuler des Qubits, il est encore nécessaire d’utiliser des « atomes froids », c’est à dire à -273° c. Pour autant, des investissements colossaux sont réalisés aux Etats-unis, mais également en Chine, en Russie, ainsi qu’en Europe, pour rendre cette technologie opérationnelle et embarquable, en particulier dans les systèmes d’arme. En effet, un ordinateur quantique peut réaliser des opérations bien plus complexes que les ordinateurs actuels en une seule opération, faisant dire de cette technologie qu’elle constitue un mur dont le franchissement ouvrirait des perspectives opérationnelles extraordinaires.

Et l’une des applications les plus radicales de cette technologie, une fois maitrisée, sera de décoder presque en temps réel l’ensemble des codes de cryptage utilisés par l’adversaire, quel que soit leur niveau de complexité. On comprend dès lors la pression qui pousse américains, russes et chinois à avancer le plus vite possible dans ce domaine, en particulier aujourd’hui alors que l’engagement coopératif et les reseaux de communication représentent le noeud gordien des doctrines militaires à venir, et reposant sur l’inviolabilité des systèmes de cryptage employés. Ainsi, le premier à franchir le mur opérationnel des ordinateurs quantiques, et même s’il est probable que cette avancée technologique se généralisera très rapidement dans le monde, obligera l’ensemble des armées du monde à barrer d’obsolescence un grand nombre de systèmes de communication et de commandement au coeur des stratégies actuelles, tout en créant une fenêtre d’opportunité exceptionnelle pour profiter de l’avantage limité dans le temps que procurera cette avancée à qui aura su s’en doter le premier.

3- les armes hypersoniques

Depuis quelques années, et plus spécifiquement depuis l’annonce par Vladimir Poutine en 2019 de l’entrée en service du missile aéroporté hypersonique 9-S-7760 Kinzhal, le domaine des armes hypersoniques est passé de sujet d’intérêt à priorité majeure pour de nombreux pays, en particulier pour les Etats-Unis, qui jusque là estimaient avoir une avance technologique importante dans ce domaine. Depuis, la technoshpère défense mondiale s’est emballée à ce sujet, poussée en cela par l’entrée en service d’un second missile, le missile antinavire hypersonique 3M22 Tzirkon, par la presentation officielle du missile chinois DF-17 emportant un planeur hypersonique, et même par des tests présentés comme tels par la Corée du Nord. Ainsi, depuis 2019, l’US Army, l’US Air Force et l’US Navy ont entrepris pas moins de 5 programmes d’armes hypersoniques, selon qu’elles sont aéroportées, lancées à terre ou un partir d’un navire, et selon qu’elles utilisent une cinétique balistique classique avec moteur fusée, ou un moteur aérobie de type super-statoreacteur également appelé Scramjet.

Russia Prepares to Accept Kh 47M Kinzhal Hypersonic Missile into Service 2 Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
le missile 9-S-7760 Kinzhal a été le premier missile hypersonique à entrer en service

Il faut dire que les armes hypersoniques, et en particulier les armes hypersoniques tactiques, changeront considérablement la donne sur le champs de bataille. En premier lieu, il n’existe à ce jour aucun système de défense antimissile capable de s’opposer efficacement à ce type d’armes. Même les très vantés THAAD, SM3 et Patriot PAC-3 américains ne sont pas en mesure, aujourd’hui, d’intercepter un missile ayant le profil de vol d’un Kinzhal, et encore moins de missiles emportant un planeur hypersonique capable de manoeuvre comme le DF-17. En d’autres termes, les nouvelles armes hypersoniques russes et chinoises sont théoriquement capables de neutraliser le bouclier anti-missile occidental positionné en Europe, mais également au Japon et en Corée du Sud. Outre cet aspect déjà plus que problématique, les missiles hypersoniques réduisent considérablement le temps de réaction des défenseurs, du fait de leur grande vitesse et d’une trajectoire surbaissée profitant du masquage de la rotondité de la terre pour se rapprocher de la cible au plus près avant de frapper. Enfin, dernière conséquence de cette vitesse supérieure à Mach 5, les armes hypersoniques sont dotées d’une extraordinaire énergie cinétique, susceptible de détruire un grand navire de guerre ou un bunker fortifié du simple fait de cette seule énergie.

Pour autant, la mise en oeuvre des armes hypersoniques est encore loin d’être vraiment opérationnelle. Ainsi, le blindage nécessaire pour supporter les chaleurs très élevées consécutives du frottement de l’air sur les parties saillantes du missile, constitue une entrave sévère pour y installer un système autodirecteur, et de nombreuses questions perdurent en occident quant à l’effectivité des annonces russes au sujet du missile anti-navire 3M22 Tzirkon, présenté comme hypersonique et opérationnel, mais dont la capacité à frapper à vitesse hypersonique une cible navale en mouvement n’est toujours pas établie. En outre, les armées du monde ont entamé la conception de systèmes destinées précisément à contrer ces menaces hypersoniques, comme c’est le cas en Europe avec le programme TWISTER. Enfin, la technologie des scramjet, le graal dans le domaine hypersonique, est encore loin d’être parfaitement maitrisée, comme le montre les échecs enregistrés par les programmes américains. Reste que la mise en oeuvre des armes hypersoniques représentera incontestablement une étape majeure de l’évolution des capacités militaires offensives et défensives pour de nombreuses armées dans les années à venir, et pourrait creuser un fossé entre les armées disposant de cette capacité, ainsi que des capacités de s’en prémunir, et les autres.

4- L’intelligence artificielle

Réceptacle de moult fantasmes, l’arrivée de l’Intelligence Artificielle au sein des armées est pourtant en cours depuis prés d’une décennie. Pour l’essentiel, il s’agit avant tout de profiter des capacités de calculs accrues des systèmes, de l’augmentation des sources d’information, et des capacités de l’IA traditionnelle à traiter beaucoup de données très rapidement, afin de disposer d’une analyse la plus exhaustive possible sans être impossible à assimiler par son amplitude pour un cerveau humain, et permettre ainsi une prise de décision performante. L’IA est également employée dans d’autres domaines, comme la maintenance prédictive, la météorologie, la cryptographie et bien d’autres, et ce depuis de nombreuses années. Pour autant, en bien des aspects, l’utilisation de l’Intelligence Artificielle dans les armées n’en est, aujourd’hui, qu’à un stade initial, et de nombreuses avancées sont à attendre dans les années à venir.

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Le programme Skyborg est l’un des premiers programmes destiné à concevoir une véritable IA combattante adaptative capable de seconder un appareil piloté et les instructions de son pilote

L’un des programmes les plus avancés et les plus ambitieux dans ce domaine est le programme Skyborg de l’US Air Force. Celui-ci développe en effet une IA qui serait capable de piloter de manière autonome plusieurs types de drones, mais également d’interagir avec son environnement, et en particulier avec les appareils pilotés dont elle serait l’extension. La complexité de ce programme est évidente, puisque là ou la majorité des utilisations actuelles de l’IA est monotache, il s’agit ici non seulement de répondre à la mission prioritaire de pilotage, mais également de s’intégrer de manière efficace dans un environnement dynamique, le champs de bataille aérien, et de s’adapter aux instructions et besoins d’autres appareils, en particulier d’appareils pilotés, avec toute la complexité que peut représenter une interface homme machine dans ce contexte. Il en va de même des programmes de navires autonomes de l’US Navy, ou des programmes de drones terrestres développés par l’US Army, alors que Russie et Chine developpement de leur coté des programmes similaires.

L’enjeu à venir des IA de combat, dépasse donc de loin le traitement analytique optimisé, pour devenir une extension de la force combattante humaine, une sorte de sur-multiplicateur des performances d’un combattant, quel qu’il soit. Toutefois, le developpement de tels systèmes représente une étape importante et un palier significatif à franchir vis-à-vis de l’existant dans ce domaine. Ainsi, il n’existe toujours pas à ce jour d’IA capable de se déplacer efficacement en tout terrain, ce fait constituant une entrave importante dans le developpement de drone de combat terrestres. En outre, tous les militaires, qu’ils soient occidentaux, russes ou chinois, exigent d’être en mesure de contrôler et de prédire le comportement des IA qui seront utilisées, de sorte à empêcher toute dérive, ce qui entrave, d’une certaine manière, l’implémentation de certaines approches algorithmiques innovantes. De fait, il reste encore d’importantes étapes à franchir avant de voir apparaitre de vrais drones de combat autonomes mais controlés et fiables.

5- les canons électriques ou Rail Gun

Certains pourront se montrer sceptiques quant à la présence de la technologie du canon électrique dans cette liste des technologies de rupture à horizon 2040. Après tout, l’US Navy elle-même a jeté l’éponge concernant son programme de Rail Gun, jugé trop peu prometteur pour être poursuivi, et ce après plus de 10 années d’investissements importants. Mais il est important de se rappeler que le jugement des militaires américains n’est pas infaillible, et qu’à plusieurs reprises, ils avaient abandonné le developpement de technologies qui pourtant se sont révélées efficaces par la suite, comme dans le cas du statoréacteur. Et le fait est, plusieurs pays continuent, pour leur part, à investir et developper la technologie du canon électrique, ou Rail Gun, dont la France au sein d‘un programme européen baptisé Pilum.

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l’ISL de saint-louis, à coté de Mulhouse, est au coeur du developpement du programme de rail gun européen Pilum

Il faut dire que la promesse théorique du Rail Gun a de quoi séduire, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que de remettre l’artillerie au coeur du dispositif offensif et défensif des armées, en lieu et place des onéreux et vulnérables missiles actuellement en service. Schématiquement, un rail gun est canon qui utilise un puissant champs électromagnétique pour propulser un obus à très grande vitesse, au delà de Mach 4 en sortie de bouche, de sorte à atteindre des portées et des altitudes aujourd’hui inaccessibles à l’artillerie classique. En outre, en faisant fi de la réaction thermochimique qui propulse traditionnellement les obus d’artillerie, le Rail gun simplifierait la logistique, et limiterait le risque d’explosions secondaires en cas d’attaque. En tant que tel, le Rail Gun représenterait une alternative economique et très efficace aux missiles anti-aériens, anti-missiles, ainsi qu’aux missiles et roquettes d’artillerie à longue portée.

Pour autant, la technologie du Rail Gun est encore loin d’être opérationnelle, si tant est qu’elle le soit dans un avenir plus ou moins proche. En effet, les contraintes mécaniques et thermiques qui entourent l’accélération extraordinaire que subit l’obus dans le tube créées aujourd’hui une fatigue très rapide des éléments constitutifs du rail gun, et entrave l’utilisation de systèmes de guidage dans les projectiles. En outre, et comme pour les armes à énergie dirigée, le Rail Gun nécessite une alimentation électrique conséquente pour fonctionner. De fait, les prototypes existants de canons électriques buttent tous, aujourd’hui, sur ces problèmes, avec une fatigue trés rapide des éléments constitutifs du canon obligeant à les remplacer après seulement quelques tirs, l’impossibilité d’embarquer des systèmes de guidage dans les projectiles susceptibles de frapper à plus de 200 km, et la nécessité de disposer d’une petite usine électrique à proximité du canon pour alimenter celui-ci. Est-ce suffisant pour abandonner les recherches ? Les américains pensent que oui, d’autant qu’ils se concentrent aujourd’hui sur deux autres domaines clés, les armes à énergie dirigée et les armes hypersoniques. Européens, japonais, turcs et chinois, en revanche, pensent que ces problèmes ne sont pas insurmontables, et qu’il est effectivement possible, dans des délais relativement courts, moins de 10 ans pour le programme Pilum, de developer un système Rail Gun opérationnel et efficace.

6- La robotique

De toutes les technologies de ruptures présentées ici, la robotique est indiscutablement celle qui va le plus profondément tous les champs de bataille dans les années et décennies à venir. Qu’il s’agisse de developper des drones de combat aériens, des navires et sous-marins autonomes ou des robots de combat terrestres, qu’ils soient utilisés pour la reconnaissance, la logistique ou le combat, qu’ils soient pilotés par l’homme, autonomes ou directement implanté sur l’humain dans le cas des exo-suits, la robotique entre chaque jours davantage dans le quotidien de tous les militaires, et ce à tous les échelons, pour toutes les missions et tous les champs de bataille, y compris dans l’espace. Et si les années 2000 et 2010 ont été celles de la numérisation du champs de bataille, les années 2020 et 2030 seront incontestablement celles de sa robotisation.

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le drone MQ-1 Predator fut incontestablement le déclencheur de la généralisation des drones de combat et de surveillance à longue endurance dans les armées mondiales

Pour autant, la trajectoire qu’a suivi cette transformation est interessante et originale à plus d’un titre. En effet, si l’impulsion initiale concernant l’utilisation de drones au combat fut donnée par les Etats-Unis au Vietnam, puis par Israel dans les années 80, et enfin par l’arrivé du MQ-1 Predator américain, nombre de première operationelle dans ce domaine sont issues d’origine beaucoup plus modestes. Ainsi, l’utilisation de drones légers pour des attaques de saturation fut initiée par l’Armée Syrienne Libre, qui avait transformé des drones commerciaux pour transporter de petites charges explosives et frapper les adversaires, d’abord de manière isolée, puis de manière groupée et coordonnée de sorte à saturer les capacités défensives de l’adversaire. De même, ce furent les rebelles Houthis qui les premiers utilisèrent un navire autonome pour attaquer une frégate saoudienne. Enfin, ce furent les israéliens, et leurs clients azerbaïdjanais, qui les premiers utilisèrent les drones de type munition vagabonde à l’échelle d’un champs de bataille pour venir à bout des défenses anti-aériennes et des bunker adverses.

De fait, alors que dans le domaine des innovations de rupture en manière de défense, le schéma traditionnel est de type Top-Down, avec une poignée de grandes nations technologiques développant les technologies clés, puis les distribuants à leurs alliés et clients, la trajectoire suivie par une partie de la robotisation du champs de bataille en cours est de type Bottom-Up, avec des applications, et mêmes des développements technologiques critiques, en provenance de groupuscules isolés, ou de pays n’étant pas réputés pour leurs avancées technologiques. C’est notamment aujourd’hui le cas dans le Golfe Persique avec l’Iran qui a développé un grand nombre de drones aériens et navals de tailles et de fonctions différentes, et qui les emploie contre les monarchies du Golfe par l’intermédiaire des rebelles yéménites Houthis, sans qu’ils puissent s’en prémunir.

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Economiques, efficaces et accessibles technologiquement, les drones, et plus globalement, la robotique, représentent aujourd’hui une manne pour certains pays comme l’Iran, afin de contrer les hautes technologies de défense

Si la révolution robotique a eu du mal à s’implanter dans les esprits de nombreux états-majors, en particulier en Europe, elle est désormais parfaitement intégrée, et il faut s’attendre, dans les quelques années à venir, à ce que la réalité robotique devienne aussi commune à tous les échelons d’une armée, que les systèmes numériques aujourd’hui, ou les systèmes d’arme traditionnels. Pour autant, et comme l’on montré les rebelles syriens, yéménites et les militaires azerbaïdjanais, le champs d’application de cette révolution en cours est encore perçu de manière très superficielle, et tout reste aujourd’hui à inventer dans ce domaine, aussi bien pour les forces terrestres que navales et aériennes. Et il est probable que le champs d’application de la robotique militaire dans une quinzaine d’années différera très sensiblement de la vision étriquée que l’on en a aujourd’hui.

7- les détecteurs à neutrino

Remise au devant de la scène en France par un candidat à l’élection présidentielle, les détecteurs à neutrino ont la réputation d’être un serpent de mer technologique. Non sans raison il est vrai, puisque les premières références à ce système qui serait théoriquement capable de détecter le rayonnement émis par un réacteur nucléaire en fonction, y compris sous l’eau, et donc de localiser les sous-marins et les porte-avions à propulsion nucléaire, furent publiées au début des années 90, et que les premiers travaux de recherches ont, quant à eux, débutés au début des années 2000. A plusieurs reprises, en outre, des avancées limitées dans ce domaine donnèrent lieu à des spéculations excessives sur la fin de la composante sous-marine de la dissuasion nucléaire, pourtant le pilier indéfectible de la stratégie de seconde frappe au coeur des doctrines de dissuasion des 5 membres permanents du conseil de sécurité.

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jusqu’à présent, les chambres de détection de neutrino ressemblent à cela, et ne son pas vraiment « embarquables »

Pour autant, et comme souvent dans ce domaine, il arrive un moment ou les promesses technologiques avancées commencent à prendre corps, et c’est précisément ce qui s’est passé lors de la publication d’un article de l’institut Oakridge, pionnier dans ce domaine, en début d’année 2022. Concrètement, cet institut déclare être parvenu à miniaturiser un détecteur à neutrino opérationnel de sorte qu’il soit « embarquable », et laisse supposer que cette technologie critique en bien des aspects, pourrait effectivement atteindre une maturité suffisante pour un emploi opérationnel dans les 10 à 20 années à venir. Ces déclarations méritent évidement éclaircissements et confirmations, mais elles font peser un doute sur la pérennité des technologies utilisées aujourd’hui pour propulser les sous-marins participants à al dissuasion nucléaire, ainsi que les sous-marins d’attaque et porte-avions nucléaires, qui seraient dès lors localisables de part le rayonnement de neutrino par ailleurs unique et valant signature de leurs réacteurs.

Le problème est d’autant plus de taille que la conception de ces navires est à la fois très couteuse, entre 6 et 12 milliards d’euro pour les SNLE et les Porte-avions nucléaires, et entre 1,5 et 3 md€ pour les SNA, et très longue, la France ayant justement annoncé l’entame du projet SNLE 3G visant à moderniser sa composante de dissuasion sous-marine, ainsi que le programme PANG pour remplacer le porte-avions Charles de Gaulle, les deux devant entrer en service à la fin de prochaine décennie, précisément lorsque, selon Oakridge, la technologie de détecteurs à Neutrino deviendra opérationnelle. La France n’est d’ailleurs pas la seule dans ce cas, les britanniques ayant eux aussi entamé la construction de leurs nouveaux SNLE de la classe Dreadnought, les Etats-Unis des SNLE classe Columbia et des porte-avions nucléaires de la classe Ford, la Russie des SNLE Boreï M et la Chine du futur SNLE Type 096 alors qu’elle développe parallèlement une nouvelle classe de porte-avions Type 004 à propulsion nucléaire, tous visant une entrée en service dans les 20 années à venir, et une durée de vie opérationnelle de 30 à 40 ans.

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Il subsiste toutefois de très nombreuses inconnues dans ce dossier, qu’il s’agisse de la fiabilité de la détection elle-même vis-à-vis du niveau d’utilisation du réacteur nucléaire, de la précision effective de cette détection, et bien évidemment du contexte d’utilisation opérationnelle de cette technologie pour être efficace. Reste que même si celle-ci devait être peu efficace, peu précise, et très contraignante d’emploi, elle pourrait faire peser une menace significative sur l’efficacité de la composante sous-marine de la dissuasion, obligeant potentiellement les nations nucléaires à multiplier le nombre de sous-marins à la mer pour accroitre la resilience opérationnelle, soit à renforcer les autres composantes de sorte à prendre, potentiellement, le relais du ou des sous-marins compromis. En revanche, il est plus que probable que dans avenir relativement proche, cette technologie bouleversera la conception de la dissuasion nucléaire héritée des années 60 et qui, aujourd’hui encore, fait loi.

Conclusion

De toute évidence, l’accroissement récent des tensions internationales, et la compétition militaire relancée entre grandes puissances, a largement stimulé la recherche technologique ces dernières années. Et comme il était presque impossible à un soldat en 1955 d’imaginer l’arrivée des F-15, F-16 et autres M1A1 en 1975, il est aujourd’hui présomptueux de penser être en mesure d’anticiper avec certitude le panel technologique qui sera la base du rapport de force militaire en 2040. Ce constat invite à reconsidérer le calendrier de certains programmes majeurs, comme dans le cas de SCAF et MGCS, certes très ambitieux, mais qui se projette avec une vision immédiate dans un avenir beaucoup plus incertain, et avec des contraintes opérationnelles que l’on est en peine d’imaginer aujourd’hui. A l’instar du tempo technologique qui servait de référence dans les années 50 et 60, autre période d’innovations et de transformation rapides de l’environnement technologique de défense, il pourrait être efficace, et utile, de viser des objectifs technologiques moins ambitieux mais moins hypothétiques, et d’accélérer la succession et l’enchainement des programmes, comme le font, soit dit en passant, russes et chinois aujourd’hui.

L’Egypte va acquérir 200 canons automoteurs blindés sud-coréens K9 pour 1,7 Md$

L’Egypte dispose aujourd’hui, sans le moindre conteste, de la plus puissante force armée d’Afrique et du Moyen-orient, avec une force aérienne forte de 360 avions de combat, une flotte de 8 sous-marins, 20 frégates et corvettes et 2 porte-hélicoptères, et une force terrestre alignant plus de 2000 chars lourds et 3500 véhicules de combat d’infanterie et transports de troupe blindés. Inspirée à la fois par les doctrines soviétiques et américaines, cette dernière aligne également une artillerie puissante et moderne, avec plus de 600 lance-roquettes multiples automoteurs, et un millier de systèmes d’artillerie automoteurs blindés, dont plus de la moitié sont des M109 américains. Depuis plusieurs années, le pays est également investi dans un vaste effort de modernisation de ses armées, avec l’acquisition de nouveaux avions et navires de combat à la France, l’Allemagne et l’Italie, ainsi que de 500 chars lourds T-90M auprés de la Russie.

Depuis 2009, Le Caire était en négociation avec Seoul pour acquérir le système d’artillerie automoteur blindé de 155mm K-9. Les négociations furent un temps stoppées par les événements du Printemps Arabe de 2011. Mais selon la DAPA, l’agence de l’armement sud-coréenne, Le Caire et Seoul aurait signé ce 1er Février un accord portant sur la fabrication locale de 200 canons automoteurs K-9 ainsi qu’un nombre indéterminé de véhicules blindés de soutien dont le porte-munitions blindés K-10, le tout pour un montant de 1,7 Md$, constituant le plus grand succès à l’exportation à ce jour pour Hanwha Defense, le concepteur du K-9.

K 10 Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
Le système de rechargement automatique du K-10 permet de transférer 12 obus par minutes dans le magasin du K-9

Le K-9 Thunder est un blindé chenillé de 46 tonnes d’une longueur de 12 mètres (avec canon) pour une hauteur de 2,73m. Il est armé d’un canon BN98 de 155mm de 52 calibre alimenté par un système de chargement semi-automatique de 48 coups permettant de soutenir une cadence de tir de 6 à 8 coups par minute, et portant jusqu’à 40 km. Le blindé est propulsé par un bloc moteur STX-MTU MT881Ka-500 germano-coréen de 1000 cv, une transmission Allison et une suspension hydropneumatique lui conférant une vitesse maximale de 67 km/h et une excellente mobilité tout terrain. En revanche, et comme souvent pour ce type de véhicule, son blindage est limité, avec une épaisseur de 19mm offrant une protection uniquement contre les shrapnels et les armes de petit calibre.

Le véhicule de transport de munition K-10 est le complément indispensable du K-9. Basé sur le même chassie et offrant des performances sensiblement similaires, il dispose d’un système de transfert de munitions automatique permettant de recharger les magasins du K-9 très rapidement, et avec un minimum s’exposition des personnels. Un K-10 transporte 104 munitions d’artillerie et peut soutenir une batterie de 3 K-9 au feu, et ce de manière dynamique, à une vitesse de 12 obus par minute. Il ne faut donc que 4 minutes pour totalement recharger le magasin d’un K-9 par ce procédé.

K 9 Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
Le K-9 a une cadence de tor de 6 à 8 obus par minute, avec la capacité de tirer 3 obus lors des 15 premières secondes du feu

Le K-9 a rencontré un important succès sur la scène internationale, avec pas moins de 8 forces armées ayant commandé l’engin, dont la Turquie, l’Australie, l’Inde et la Norvège. La Pologne a quant a elle commandé une version hybride du K-9, l’AHS Krab, basé sur le chassie du blindé sud-coréen, mais monté d’une tourelle AS-90M Braveheart britannique. Au total, à ce jour, plus de 1.700 K-9 ont été construits ou commandés, en faisant le canon automoteur le plus exporté de sa génération, ce succès étant en parti expliqué par son excellent rapport performances-prix, avec un cout d’acquisition unitaire 4 Md de won, soit 3,3 m$, à comparer aux 4,5 m$ du M109-A7 Paladin américain, ou aux 9 m$ du Pzh-2000 allemand.

Reste qu’en dépit de son PIB de seulement 365 Md$ en 2020, les autorités égyptiennes se sont engagées ces derniers dans un très vaste plan d’investissement en matière d’équipement de défense, avec l’acquisition de nouveaux avions Rafale auprés de la France, de sous-marins Type-209 et de corvettes Meko-200 auprés de l’Allemagne, et de chars T-90M auprés de la Russie. Le pays peut certes compter sur les recettes à venir issues des nouveaux gisements de gaz découverts dans ses eaux méditerranéennes, mais l’on peut s’interroger sur les raisons qui mènent les autorités du Caire à cette boulimie d’armement, même en tenant compte du soutien apporté dans ce domaine par l’Arabie saoudite et par les Emirats Arabes Unis.

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l’Egypte a commandé 54 Rafale et autant de Mig-29K ces dernières années, afin de moderniser sa force aérienne

Dans le seul domaine de l’artillerie automobile, les forces armées égyptiennes disposeront une fois les 200 K-9 livrés de prés d’un millier de systèmes modernes de ce type, pour une force terrestre de seulement 300.000 hommes, soit un ratio d’un canon de 155 ou 122mm pour 300 hommes. A titre de comparaison, les armées françaises alignent 120 canons pour 120.000 hommes, soit un canon pour 1000 hommes, moins du tiers du ratio égyptien, qui dispose par ailleurs d’un grand nombre de systèmes lance-roquettes multiples et mortiers automoteurs. La question est donc de savoir, aujourd’hui, à quoi sont destinés ces nouveaux équipements, et quels sont ces adversaires contre lesquels Le Caire se prépare activement ?

Inde, Indonésie : Doit-on changer les paradigmes du programme Rafale pour anticiper les succès futurs ?

2021 aura été sans nul doute l’année de la consécration pour Dassault Aviation, Safran, Thales, MBDA et les quelques 400 entreprises françaises formant la Team Rafale, avec 146 commandes fermes à l’exportation ou en compensation d’appareils d’occasion. Et 2022 pourrait bien être une année faste elle aussi, avec deux grands contrats en ligne de mire, l’Inde pour sa Marine d’une part, et pour renforcer ses forces aériennes d’autre part face à la montée en puissance chinoise et pakistanaise, et l’Indonésie qui désormais intégré systématiquement le Rafale dans ses présentations concernant l’évolution de sa force aérienne. Dans le même temps, la France elle-même a commandé des appareils pour prendre le relais de ses mirage 2000 C, et ce sont aujourd’hui plus de 100 de nouveaux Rafale qui devront être livrés d’ici 2035 à l’Armée de l’Air et de l’Espace.

Pour autant, ce succès n’est pas sans poser de réels enjeux industriels comme opérationnels pour la France. En effet, la ligne de production Rafale de Merignac peut produire, selon Dassault Aviation, jusqu’à 3 appareils neufs par mois, soit 36 appareils par an. Les commandes prises en 2021, la planification des livraisons pour l’Armée de l’Air, et les prospects plus que sérieux en cours de négociation, suffisent d’ores et déjà à saturer cette capacité industrielle sur les 10 années années à venir. Si cette situation est incontestablement enviée par nombre d’avionneurs dans le Monde, elle n’est pas sans créer de réels handicapes, puisqu’il n’existe plus de marge de manoeuvre industrielle pour répondre à de nouvelles commandes, qu’il s’agisse de commandes nationales, d’exportation ou encore de compensation de vente d’appareils d’occasion, pourtant un marché extrêmement prometteur pour le Rafale. Peut-on, dans ce contexte, imaginer de nouveaux paradigmes pour le Programme Rafale, de sorte à mettre à profit à court, moyen et long terme la dynamique actuelle, tout en répondant aux besoins évidents d’augmentation de masse des forces aériennes françaises ?

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Il aura fallu tout juste une année entre la signature du contrat grec et l’arrivée des 6 premiers Rafale en Grèce, un facteur déterminant dans le succès de ce contrat

Avant de s’engager sur la présentation d’une solution alternative optimisée, il convient de poser quelques postulats expliquant la situation présente. Aujourd’hui, en effet, le programme Rafale est, pour ainsi dire, piloté à vue par les autorités françaises, et ce depuis prés d’une quinzaine d’années. Là ou la France devait initialement commander 320 appareils livrés en une douzaine d’années de sorte à former le pilier industriel sur lequel Dassault Aviation pouvait envisager de construire sa stratégie export, celle-ci a piloté le programme  » a minima », c’est à dire en passant des commandes à court termes indispensables pour maintenir la chaine de production en activité, soit 11 appareils par an, le tout en baissant le volume visé d’appareils à 225, et en étalant ces livraisons sur une vingtaine d’années. Ceci entraina au passage une hausse significative des couts de production de l’appareil, ce qui constitua un handicap lors des compétitions internationales.

Les commandes de 2015 (Egypte et Qatar) et de 2016 (Inde), permirent à la France de suspendre ses propres acquisitions, de sorte à préserver ses maigres crédits de défense pour certains autres programmes prioritaires, l’engagement d’acquisition de 11 Rafale par an respecté par la France ayant lourdement entamé les ambitions d’autres programmes, comme FREMM par exemple. Depuis, le paradigme faisant loi autour de ce programme, est de prioriser les commandes exports aux commandes nationales, tant pour répondre aux attentes des clients concernant des livraisons rapides, que pour permettre le financement d’autres programmes tout aussi urgent dans les armées. Et les commandes de 2021 ne font pas exception, puisque les livraisons attendues par les EAU, l’Egypte, la Croatie et la Grèce s’étalent toutes dans les 7 années à venir, ne laissant que très peu de marge industrielle pour intégrer d’autres commandes « urgentes » de la part de clients exports comme de celle des armées nationales.

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Le format des forces aériennes françaises defini par le Livre Blanc de 2013 ne prévoit que 225 avions de combat Rafale à horizon 2030, un nombre jugé désormais trop restreint face au durcissement des relations internationales

En outre, cette saturation des capacités industrielles interdit désormais à la France de proposer à d’autres clients potentiels d’acquérir des Rafale d’occasion, pourtant un modèle hautement performant comme l’ont montré les exemples grecs et croates en 2021. En effet, l’Armée de l’Air ne dispose aujourd’hui plus que de 77 Rafale après les contrats croates et grecs, et les prochaines livraisons n’interviendront qu’en 2024. Par ailleurs, outre le fait que les avions d’occasion sont moins onéreux à l’achat, ils peuvent également être proposés sur des délais raccourcis, un critère de poids dans le contexte géopolitique dégradé en évolution rapide du moment. C’est d’autre part un modèle economique très pertinent, puisque chaque Rafale exporté, qu’il soit neuf ou d’occasion, rapporte à l’industrie française entre 3 et 4 m€ par an pour sa maintenance et son évolution, soit autant que le prix d’un appareil neuf sur 20 ans. Cette offre permet également de séduire potentiellement de nouveaux clients qui jusqu’ici n’étaient pas des clients traditionnels de la France, alors que l’on constate que la fidélité à un constructeur est un critère déterminant dans le choix d’équipement des forces aériennes mondiales, 5 des 6 clients exports du Rafale étant auparavant des clients du Mirage 2000.

Même pour des clients potentiels visant des appareils neufs, comme l’Inde et l’Indonésie, les délais de livraison sont aujourd’hui un critère de poids pouvant jouer un rôle déterminant dans les arbitrages qui seront menés. Enfin, il fait peu de doute que la prochaine Loi de Programmation Militaire française visera à augmenter en volume les forces aériennes du pays face à la dégradation de la situation internationale et la résurgence des menaces, y compris de haute intensité. Dans ces conditions, on comprend que la situation résultante des succès à l’export de 2021, invite à réviser les paradigmes industriels appliqués jusqu’ici en matière en pilotage du programme, tant pour en optimiser la performance sur la scène internationale, que pour permettre effectivement aux Armées françaises de croitre en volume dans des délais raisonnables aux vues de la menace grandissante.

Rafale Mirage2000 qatar Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
5 des 6 clients internationaux du Rafale emploient des Mirage 2000, comme ici le Qatar

La solution évidente pour répondre à ces difficultés repose naturellement sur l’ouverture d’une nouvelle ligne d’assemblage du Rafale, permettant de doubler la capacité de production annuel d’appareils jusqu’à 72 Rafale par an. Mais cette solution n’a d’évidente que l’aspect, car dans le contexte présent, Dassault Aviation et ses partenaires n’ont aucun intérêt à investir les sommes importantes nécessaires à la mise en place d’une nouvelle ligne d’assemblage, le recrutement et la formation des personnels, le tout avec une vision de production limitée à moyen terme. Ce yoyo industriel ne permettrait pas, en outre, d’espérer des économies d’échelle sur la production de Rafale, les projections dans la durée étant trop limitées pour amener les industriels à restructurer leurs propres modèles pour y répondre. Il est donc nécessaire d’aller bien au delà de cette réponse pour ainsi dire naïve pour qu’elle soit efficace, de sorte à conférer aux industriels une visibilité productive dans le temps suffisante pour amener à ces changements.

Pour cela, il n’est d’autre choix que d’amorcer un changement des paradigmes politiques de pilotage du programme, en passant de commandes itératives cumulées, à une commande globale et ferme, sur une durée suffisamment longue et avec un volume suffisamment important pour amener à cette évolution industrielle. Toutefois, même en admettant que le format des forces de chasse française doive être amené à 360 appareils d’ici 2035, cela ne représenterait que 240 nouveaux appareils à livrer sur 12 à 15 ans, soit un seuil trop bas pour justifier d’une nouvelle ligne d’assemblage et absorber les investissements nécessaires. Il serait nécessaire pour cela, objectivement, que la France commande 360 nouveaux Rafale à livrer de 2024 à 2035, soit 30 appareils par an sur 12 ans. Dans la mesure ou les forces aériennes françaises n’ont pas vocation à aligner plus de 360 appareils de combat pour des raisons aussi bien RH que budgétaire, il conviendra alors de proposer progressivement, au fil des livraisons, les 120 appareils déjà en service sur la marché de l’occasion, à l’instar de ce qui fut fait avec la Grèce et la Croatie, précisément pour accroitre le nombre de pays utilisateurs et les revenus recourants générés, tout en faisant profiter les clients de conditions commerciales très avantageuses, y compris en matière de délais de livraison, de sorte à s’imposer sur de nombreux marchés.

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Avec seulement 41 appareils en parc, il manque 19 appareils et une 4ème flottille à l’aéronautique navale française pour être en mesure d’armer à plein de Charles de Gaulle en permanence

En procédant ainsi, la France se doterait d’un outil industriel extrêmement performant, avec une ligne de production à visée export à Merignac déjà alimentée par les commandes émiratis et égyptienne, et capable de prendre à court terme les commandes indiennes et indonésiennes, pour une production moyenne de 24 appareils par an sur 12 ans, et une extension de volume de 144 appareils sur cette durée; et une ligne secondaire dédiée aux forces aériennes françaises, livrant 30 appareils par an sur 12 ans, et capable d’absorber un rebond de 72 appareils si besoins. A cela s’ajouterait naturellement la centaine de Rafale actuelle en service visant le marché de l’occasion.

Cette approche résoudrait de nombreux handicaps, mais son cout apparait, intuitivement, rédhibitoire. En effet, pour cela, l’Etat devrait s’engager à acheter 30 Rafale neufs par an, soit une enveloppe de plus de 2,5 Md€ par an, alors même que l’enveloppe dédiée aux programmes à effets majeurs pour les armées françaises plafonne encore à 7 Md€ aujourd’hui. En d’autres termes, un tel effort se ferait, de prime abord, au détriment des autres besoins des armées, dont nombreux sont tout aussi urgents. Mais ce poids budgétaire n’est, en fait, qu’apparent. D’une part, formatée de cette manière, il est largement possible de faire baisser les couts de production unitaire de chaque appareil neuf de 10% à 15%. Ainsi, lors de la démarche inverse en 2005, de la réduction des volumes et l’étalement des livraisons du programme, les couts unitaires de l’appareil ont été augmentés de 20%. Par ailleurs, avec une telle visibilité industrielle et commerciale, et les opportunités ainsi ouvertes pour engranger de nouveaux contrats, il ne sera guère compliqué de convaincre la Team Rafale de baisser ses couts unitaires de cette manière.

Shri Rajnath Singh defense minister india Rafale Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
De nombreuses voix s’inquiètent en Inde de la commande de 80 Rafale passée par les EAU, risquant de retarder les livraisons d’éventuelles futures commandes de New Delhi

De plus, sans revenir sur la démonstration faite au sujet du retour budgétaire dans l’industrie de défense, une telle initiative créerait 55.000 nouveaux emplois autour de la nouvelle de production et de son réseau de sous-traitance, eux-mêmes générant 1,25 Md€ de nouvelles recettes sociales et fiscales, ramenant le cout effectif, hors compensation sociale, à seulement 1 Md€ par an pour l’Etat. Dans le même temps, la ligne de Merignac, elle, va produire et livrer 24 appareils par an pour l’export, soit 50.000 emplois directs, indirects et induits, pour des recettes fiscales et sociales atteignant 1,1 Md€. Les nouveaux appareils exportés vont, quant à eux, rapporter entre 800 m€ et 1 Md€ par an de manière progressive, sécurisant 25.000 emplois supplémentaires ou transférés. Enfin, et il ne faut pas négliger, la centaine de Rafale d’occasion proposés par la France pourrait rapporter entre 350 et 500 m€ par an, ce qui dépeint, au final, un tout autre tableau en matière de soutenabiltié budgétaire.

On le comprend, un changement de paradigmes autour du programme Rafale pourrait être largement bénéfique à l’industrie de défense, aux armées et à l’économie du pays, et ce sans heurter le budget de l’Etat, même s’il en est le principal instigateur. Il ne s’agit, dans les faits, que d’une transformation du point de vu et de l’ambition que l’on porte à ce programme, et plus généralement à l’industrie aéronautique de défense française et son avenir. En procédant ainsi, il serait possible non seulement de solidement pérenniser cette industrie, avec des parts de marché étendues et fidèles dans la durée, mais également de positionner le pays à un échelon supérieur de l’échiquier international, en s’imposant à nouveau comme une alternative aux choix imposés par les super-puissances, tout en limitant l’émergence de concurrents en les privants de débouchés commerciaux, et en offrant des solutions d’équipements à certains de nos alliés incapables de se tourner vers des appareils neufs performants. Cela mériterait, de toute évidence, d’être envisagé sérieusement par les instances décisionnelles françaises.

Washington durcit le ton face à Moscou dans la crise Ukrainienne

Alors que de nombreuses observations ont confirmé l’augmentation du nombre de militaires russes déployés le long des frontières ukrainiennes, à l’Est face au Donbass, en Crimée mais également en Biélorussie ou pas moins de 30.000 militaires russes seraient en cours de déploiement, et que la flotte russe a entamé de vastes manoeuvres navales en Atlantique, Méditerranée et Mer Noire rassemblant 140 navires militaires, Washington a décidé de durcir considérablement le ton ces dernières heures, dans une action conjointe menée à la Maison Blanche, mais également au Pentagone, au Congrès et aux Nations Unis, dans une atmosphère qui n’est pas sans rappeler les heures les plus tendues de la Guerre Froide.

Ce durcissement fait suite à la réponse écrite donnée la semaine dernière par Washington afin de répondre officiellement aux exigences posées par Moscou pour désamorcer la présente crise. Du fait du caractère très excessif des exigences formulées par le Kremlin, comme l’engagement de ne jamais intégrer l’Ukraine, mais également la Georgie, la Suède et la Finlande à l’OTAN, et le retrait des forces de l’OTAN des pays de l’est ayant rejoint l’alliance après 1997, il ne fait guère de doutes que celles-ci seraient rejetées par Washington comme par l’ensemble des alliés occidentaux. En outre, il semble que le calcul mené par la diplomatie russe sur un morcellement de l’alliance Atlantique face aux menaces militaires russes, ait échoué, les pays européens prenant tour après tout des postures de plus en plus fermes contre Moscou et en soutien de l’Ukraine. Même l’Allemagne, un temps pressentie comme hésitante et qui s’oppose toujours à l’envois de matériel militaire à Kyiv, montre aujourd’hui un visage beaucoup plus déterminé, ayant même annoncé la possible remise en cause du gazoduc NordStream 2 en cas d’attaque russe sur son voisin ukrainien.

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Berlin semble avoir fait marche arrière concernant sa volonté de protéger à tout prix le gazoduc Nord Stream 2

C’est dans ce contexte d’alliance renforcée et de menaces croissantes que Washington a lancé, aujourd’hui, une grande offensive diplomatique et de communication pour tenter de faire plier Moscou, et ce après que l’appel fait la semaine à Pékin pour « raisonner Moscou » ait fini de signifier l’alliance de fait qui existe désormais entre la Russie et la Chine. Celle-ci est menée simultanément sur 3 axes, un volet diplomatique avec la convocation du Conseil de Sécurité des Nations Unis, un volet législatif avec la prochaine présentation de la « Mère de toutes les Sanctions » par un vote bipartisan au Congrès, et un volet opérationnel, avec l’appel direct du Chef d’Etat-major américain à Moscou de « Faire demi-tour », alors que 8.500 hommes de l’US Army ont été mis en état d’alerte renforcée pour être déployés, le cas échéant, en moins de 5 jours en Europe.

Il s’agit donc d’un changement radical de posture entamé à Washington ces dernières heures, puisque les Etats-Unis sont passés d’une approche privilégiant le dialogue et la négociation, à des menaces directes et très significatives contre le Russie, si celle-ci venait à déclencher une opération militaire contre l’Ukraine. Il est vrai que ces dernières 72 heures ont montré une certaine fébrilité coté américain, qui anticipent désormais une offensive russe sur le pays à tout moment, en particulier depuis que des renseignements auraient montré l’installation d’hôpitaux de campagne proches des lignes d’engagement. Les autorités américaines ont également appelé l’ensemble de leurs ressortissants présents en Ukraine à quitter le pays, suivies en cela par d’autres pays alliés comme le Canada, au grand damn des autorités ukrainiennes qui, elles, estiment que le risque d’offensive russe reste sensiblement le même depuis le printemps 2021.

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les Armées russes ont l’avantage dans plusieurs domaines sur les forces ukrainiennes, mais restent en infériorité numérique importante en cas de conflit

Qu’il s’agisse de mesures globales cohérentes visant à faire monter la pression du Moscou, ou de réelles inquiétudes quant à une offensive à court terme contre l’Ukraine, le discours à Washington a radicalement changé, et est devenu autrement plus menaçant et directif ces dernières heures. Ainsi, le sénateur Démocrate du New Jersey Robert Menendez, par ailleurs président du comité sénatorial des affaires étrangères, a annoncé ce dimanche que le train de sanctions très sévères contre la Russie, certaines étant prêtes à être déployées immédiatement, d’autres conditionnées par une éventuelle offensive russe, était proche d’une adoption bipartisane, c’est à dire tant par les élus démocrates que républicains. Pour le sénateur américain, il n’est « pas question de vivre un nouveau Munich », et promet que les sanctions contenues dan ce ce texte sont de nature à « écraser l’economie russe » en s’attaquant à sa monnaie et sa dette souveraine.

Dans le même temps, les Etats-Unis ont entrepris de négocier, notamment avec le Qatar, un approvisionnement accru de l’Europe en Gaz naturel si Moscou venait à stopper l’envoi de gaz naturel, ou si les sanctions américaines venaient à sanctionner le gaz russe. Il est d’ailleurs plus que probable, quelle que soit la conclusion de cette crise, que les Européens soient amenés à relativement court terme à devoir diversifier leur source d’approvisionnement en gaz naturel et en pétrole, de sorte à sortir de la tenaille énergétique aux mains de Moscou, comme il semble désormais compromis que les relations commerciales et économiques entre l’Europe et la Russie puissent évoluer favorablement dans les mois et années à venir.

Conseil de securite nations unis Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
un bras de fer est entamé au Conseil de Sécurité des Nations Unis entre les Etats-Unis et la Russie

Le dernier volet de cette offensive américaine contre Moscou se déroule en ce moment même au Conseil de Sécurité des Nations Unis, dans une réunion convoquée par Washington. L’objectif annoncé par la diplomatie américaine est de confronter les représentants russes à leurs propres arguments, dans une opposition qui pourrait bien marquer le premier pas vers une nouvelle guerre froide. Il est naturellement impossible que le Conseil de Sécurité puisse prendre de quelconques mesures coercitives contre la Russie, celle-ci disposant d’un droit de veto en tant que Membre Permanent, et étant désormais épaulée sans hésitation par la Chine qui dispose du même droit de veto. Il est donc probable que l’exercice auquel vont se livrer les diplomates dans cette arène vise à acter la partition du monde, avec d’un coté le camps occidental rassemblé autours des Etats-Unis, de l’autre le camps sino-russe, et les prises de position de chacun dans cette crise pourront servir de marqueur quant à la réorganisation géopolitique en cours.

Reste qu’au delà de ce bras de fer géostratégique que se livrent les grandes puissances aujourd’hui, une offensive russe en Ukraine, au delà des frontières du Donbass, serait très probablement un pari plus que risqué pour Moscou. En effet, si les armées russes ont l’avantage technologique et technique dans plusieurs domaines, comme en matière de puissance aérienne, de frappes à longue distance, ou de guerre électronique et cyber, le rapport de force brut n’est pas en faveur de la Russie, avec 200.000 militaires ukrainiens contre 130.000 russes aujourd’hui en position. En outre, Kyiv a organisé une defense territoriale particulièrement dense, permettant si besoin de mener une guerre de partisan terriblement meurtrière pour les deux camps. En outre, la retenue occidentale en matière de livraison de systèmes d’armes vers l’Ukraine serait largement effacée en cas d’offensive russe, tant de la part des Etats-Unis que des européens de plus en plus rangés derrière Kyiv. De fait, la capture de portions de territoire ukrainien, au delà du Donbass déjà sous controle de fait russe, serait extrêmement couteuse en hommes et materiels, et pourrait rapidement nuire à la pérennité des autorités du Kremlin.

force ukraine donbass Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
Kyiv a formé et armé prés d’une dizaine de brigade d’infanterie de type « défense territoriale » capable de mener, si besoin, une guerre de harcèlement sur les forces russes.

A l’inverse, ces mêmes autorités russes n’ont plus guère de portes de sortie valables à disposition désormais, et ce d’autant que les Européens font désormais front unis, et que d’une manière ou d’une autre, cette crise laissera nécessairement d’importantes traces dans le futur des relations entre Moscou et l’Occident, y compris dans le domaine énergétique pourtant indispensable au fonctionnement du modèle économique du pays, comme au financement de son effort de défense. On peut se demander, dès lors, si le changement de ton de Washington observé aujourd’hui ne résulte pas d’un subtil changement dans le rapport de force dans ce dossier, et si, d’une manière ou d’une autre, Moscou n’a pas déjà perdu cette confrontation. Malheureusement, dans cette hypothèse, il est possible que les décisions russes viennent à se radicaliser encore davantage, augmentant de fait les risques de guerre et d’extension du conflit.

Pourquoi la France doit-elle viser un effort de défense à 3% du PIB ? et comment y parvenir ?

Bien que traitées de manière relativement superficielle jusqu’à aujourd’hui, les questions de défense commencent à s’immiscer dans la campagne présidentielle française, et plusieurs candidats ont d’ores et déjà déclaré leur intention d’augmenter le budget des Armées vers un seuil équivalent à 3% du PIB. D’autres candidats, déclarés ou non, s’ils estiment eux-aussi que l’effort de défense doit croitre dans les années à venir, s’interrogent sur la soutenabilité de cet effort, ainsi qu’au sujet de son intérêt géopolitique. Pourtant, comme nous le verrons dans cette analyse, et même si cela n’est que très rarement abordé, l’objectif d’un effort de défense à 3% du PIB à horizon 2030/2032 répond à une analyse factuelle, et sa soutenabilité budgétaire peut-être établie pour peu que l’on respecte certaines règles économiques.

Pourquoi viser un effort de défense de 3% du PIB ?

La crise qui se déroule actuellement en Europe de l’Est, mais également dans le Pacifique, montre sans ambiguïté que les règles géopolitiques qui ont régi le monde ces 30 dernières années sont caduques, et qu’il est désormais indispensable de rétablir un rapport de force militaire suffisant avec certaines grandes puissances, pour éviter tout débordement pouvant déboucher sur une conflagration générale. En outre, même si de nombreux dirigeants européens refusent de l’admettre, l’arrivée de la puissance militaire chinoise modifie considérablement les équilibres géopolitiques, et oblige les Etats-Unis à concentrer leurs capacités militaires sur le théâtre Pacifique, laissant progressivement les Européens livrés à eux-mêmes dans ce domaine.

Armee de terre radio 1 Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
Un effort de défense français à 3% PIB permettrait d’amener la FOT à un format de 150.000 hommes équivalent à 1/3 des forces russes

Or, en amenant l’effort de défense à 3% du PIB, soit autour de 75 Md€ en 2030/2032, la France pourrait considérablement changer les paradigmes géopolitiques en Europe, mais également à l’échelle de la planète. En effet, avec un tel budget, les Armées françaises pourraient atteindre un dimensionnement égal à 1/3 des forces terrestres (amphibies et aéromobiles) russes, soit 150.000 hommes ou équivalents hommes dans le cadre d’une Garde Nationale, pour la Force Opérationnelle Terrestre, le bras armé de l’Armée de Terre, ainsi que des forces équivalentes à la moitié des forces aériennes et navales russes. Une telle puissance militaire n’est certes pas suffisante pour représenter une menace pour la Russie elle-même, mais elle permet de créer un socle de défense européen suffisant pour que chaque ralliement d’une force armée européenne aux cotés des forces françaises suffise à créer un rapport de force offensif défavorable pour la Russie, en passant sous le seuil de 3 contre 1. En d’autres termes, avec un tel format, les armées françaises deviennent suffisamment attractives pour les autres pays européens afin de mettre en oeuvre un rapport de force suffisant pour neutraliser la menace conventionnelle russe sur le vieux continent, et ce sans qu’il soit nécessaire de s’en remettre aux Etats-Unis, par ailleurs déjà bien occupés dans le Pacifique.

Un effet d’entraînement des grandes nations européennes

A l’image de la création d’un corps céleste, des armées françaises financées à hauteur de 3% du PIB pourraient alors créer un champs gravitationnel stratégique suffisant pour effectivement amener les autres pays européens à rejoindre cette construction de facto de l’Europe de La Défense. Mais les effets d’un tel effort de la part de Paris iraient bien au delà de cet aspect. En effet, depuis la remilitarisation de l’Allemagne Fédérale dans les années 50, Bonn, puis Berlin, ont toujours et systématiquement aligné leur effort de défense en valeur absolue sur celui de la France. Même les récents efforts allemands pour accroitre leur investissement dans le défense se sont désolidarisés de l’engagement pris en 2014 lors du sommet de l’OTAN de Cardiff visant alors les 2% du PIB en 2025, pour s’aligner sur un effort de 1,5% à cette date, soit l’équivalent du budget français qui aurait atteint ce seuil des 2%. De fait, si Berlin se satisfait très bien de la protection US face à la montée de la menace russe, l’augmentation de l’effort de défense français à 3% du PIB en 2030, amènerait sans le moindre doute les autorités allemandes à viser un effort de defense à 2% à cette date, soit le même niveau d’investissement que Paris en valeur absolue, 75 Md€ / an.

Leopard 2A7 Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
L’Allemagne alignera très probablement ses investissements de défense en valeur absolue sur ceux de la France, comme elle le fit ces 60 dernières années

Ce qui est vrai pour Berlin, l’est également pour Londres. En effet, jamais depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale, la Grande-Bretagne n’a investi moins que la France dans sa défense. Là encore, il est plus que probable que les mécanismes psychologiques qui ont amené Boris Johnson a annoncé en 2019 un vaste plan de financement et la reconstruction des armées britanniques largement entamées par les interventions en Afghanistan et en Irak, furent en parti conditionnés par le respect des engagements français en matière d’augmentation des dépenses de défense, et de la Loi de Programmation Militaire. D’ailleurs, lorsqu’on y regarde de prés, on s’aperçoit que le plan de Boris Johnson dans ce domaine calque remarquablement cette même loi de programmation française du point de vu budgétaire. D’autres pays, comme l’Italie ou la Pologne, seraient eux-aussi amenés à accroitre leurs investissements dans ce domaine, du simple fait du respect des ambitions stratégiques annoncées ces dernières années, et construites pour la plupart en mode relatif vis-à-vis de leurs voisins européens, et non vis-à-vis de l’évolution de la menace.

La neutralisation des menaces en Europe et au delà

En d’autres termes, si la France venait à viser effectivement un effort de défense de 3% de son PIB, Londres, Berlin, et dans une moindre mesure, Rome, augmenteraient très probablement leurs propres investissement, mais également le format de leurs forces, d’un montant proportionnellement équivalent. De fait, si l’effort français vise effectivement à atteindre une puissance militaire équivalente à 1/3 des forces armées russes, l’action combinée de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Italie permettrait d’atteindre au niveau européen, un rapport de force effectif de 1 contre 1 vis-à-vis de la Russie et de ses alliés éventuels, neutralisant définitivement cette menace sur le continent européen, et pouvant même amener la Russie à accroitre son propre effort au delà de son propre seuil de soutenabilité économique.

LE T80BVM est la derniere version du T80 dans les forces russes Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
Pour mener une offensive terrestre, il est généralement admis qu’un rapport de force de 3 contre 1 est nécessaire

Au delà du continent européen et alentour, la neutralisation de cette menace par les seules forces européennes, permettrait aux Etats-Unis et aux alliés occidentaux présents sur le théâtre Pacifique, de concentrer leurs moyens pour neutraliser la menace créée par la montée en puissance de l’Armée Populaire de Libération, avec un rapport de force là aussi bien plus favorable dans une optique défensive, créant en quelque sorte un Pat géopolitique suffisant pour anéantir les ambitions politiques et historiques de ces pays et surtout de leurs dirigeants, et donc de recréer un Status quo géostratégique suffisant pour reconstruire des relations équilibrées entre super-puissances, dans lesquelles les européens joueraient un rôle déterminant.

Un tel effort est-il soutenable pour l’economie française et le budget de l’Etat ?

On le voit, atteindre un effort de défense de 3% constitue de manière parfaitement objective et raisonnée, un objectif stratégique pour la France. Encore faut-il pouvoir fournir un tel effort budgétaire, ce qui aux yeux de nombreux responsables politiques, parait difficile si par totalement hors de propos. Pourtant, la soutenabilité d’une telle trajectoire est loin d’être inaccessible, en particulier pour la France. En effet, celle-ci dispose d’un atout remarquable pour atténuer la hausse des investissements de défense sur le budget de l’Etat, à savoir une industrie de défense globale et exportatrice, susceptible de jouer le rôle de tampon budgétaire pour les finances publiques. Concrètement, lorsque l’Etat français investi 1 m€ dans cette industrie, il va financer 25 emplois sur le sol français : 10 dans l’industrie de défense elle-même, 8 emplois de sous-traitance de cette industrie, et 7 emplois induits, résultants de la consommation des 18 emplois industriels et de service préalablement financés. Ces évaluations ont été établies de plusieurs études réalisés sur les bassins d’emploi défense de Bourges, Lorient/Brest et Toulon. A noter que dans le cadre du programme Britannique Tempest, le cabinet de conseil PWc est parvenu à un résultat similaire de 31 emplois créés par M£ investis.

Nexter usine Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
L’industrie française est capable de produire la presque totalité des équipements nécessaires à ses forces armées, avec une dépendance réduite aux importations, ceci expliquant son extraordinaire efficacité en matière de création d’emplois

Chaque emploi en France génère en moyenne 22.500 € par de retour budgétaire pour l’Etat, sous la forme d’impôts et de taxes, ainsi que de prélèvements sociaux. Le système social étant chroniquement déficitaire de plus de 15 Md€ (40 Md€ en 2021 en raison de la crise Covid), l’Etat compense chaque année ces déficits par une injection d’argent publique. Des lors, les recettes sociales générées par ces emplois s’imputent indirectement au budget de l’Etat par ce mécanisme, du moins tant que les déficits sociaux perdurent. De fait, les 25 emplois ainsi fiancés génèreront 562.500 € de retour budgétaire dans les caisses de l’Etat au cours de l’année, soit un solde budgétaire ramené à -437.500 € pour 1 m€ investis. Pour autant, ce montant ne va pas créer d’effort supplémentaire pour les caisses de l’Etat.

La prise en compte du solde social

En effet, les 25 emplois financés ou créés lorsqu’il s’agit d’une augmentation des dépenses, vont diminuer directement ou par transitivité le nombre de demandeurs d’emplois d’autant. Or, un demandeur d’emploi coute, en moyenne, 18.500 € aux finances publiques chaque année, qu’il s’agisse de l’indemnisation des chômeurs, des allocations supplémentaires, et des efforts de formation et d’accompagnement. Ces 25 emplois ainsi créés permettront donc aux finances publiques d’économiser 462.500 € d’argent publique chaque année, soit davantage que les 437.500 € de solde négatif de l’investissement industriel de défense par million d’euro. En d’autres termes, du point de vu du budget de l’Etat, les couts résiduels consécutifs de l’investissement dans l’industrie de défense ramenés au nombre d’emplois créés, sont inférieurs à l’indemnisation moyenne de ces mêmes personnes en recherche d’emploi. Notons au passage que ces personnes auront, quant à elles, vu leurs revenus annuels doublés en passant à un emploi salarié, faisant de l’investissement dans l’industrie de défense un levier socio-économique sans équivalent pour l’Etat.

Atelier Rafale Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
La France est aujourd’hui l’un des 4 seuls pays capable de concevoir et fabriquer de manière autonome un avion de combat

Cette efficacité est par ailleurs accrue par un dernier facteur, les exportations de l’industrie de défense. Depuis plus de 20 ans, l’industrie de défense française réalise un tiers de son chiffre d’affaire à l’exportation, en faisant un des piliers du commerce extérieur français. En augmentant l’investissement national, on augmente également l’efficacité et l’attractivité des offres françaises dans ce domaine, avec une gamme de produits plus étendue, et des disponibilités industrielles accrues. Par ailleurs, les contextes géopolitiques qui amènent la France à accroitre ses propres investissements dans ce domaine, conditionnent de la même manière la demande sur le marché internationale. De fait, le ratio historique des exportations françaises serait très probablement maintenu dans le cas d’une augmentation des investissements industriels de défense nationaux. Ainsi, le nombre d’emplois créés par m€ investis par la France croitrait de 50%, pour s’établir à 37,5, avec pour conséquence un retour budgétaire de 843.750 €, et un solde équivalent social de 693.750 €, pour un solde budgétaire positif de +537.500 €.

Le financement de l’effort de défense

Ceci dit, l’investissement industriel ne constitue qu’une partie de la ventilation des dépenses supplémentaires, puisqu’il est est également nécessaire d’augmenter les effectifs des armées. Or, dans ce domaine, le nombre d’emplois créés par million d’euro investis est bien moindre, équivalent à celui de la création d’emplois dans la fonction publique, soit 15 emplois directs et induits. De fait, le retour budgétaire de cet investissement est également diminué, à 277.500 €, alors que le solde social s’établit lui au même niveau, pour un retour budgétaire final de 555.000 € par million d’euro investis.

Corvette El Fateh Gowind 2500 en 2017 a Lorient Analyses Défense | Artillerie | Chars de combat MBT
les exportations jouent un rôle déterminant dans la soutenabilité de l’effort de défense français

Ces deux valeurs permettent de créer un modèle efficace pour rendre l’augmentation de l’effort de défense soutenable pour les finances publiques, puisqu’en ventilant 50% des investissements vers l’industrie de défense, et 50% vers des effectifs supplémentaires , ou équivalents effectifs, on obtient une moyenne de 26,25 emplois créés par million d’euro investis, générants un retour budgétaire stricte de 660.625 € chaque année, alors que dans le même temps, ces 26,25 personnes auraient couté aux finances publiques 485.625 € en allocations diverses et prestations sociales. Notons au passage qu’outre le fait que ces personnes gagneront bien mieux leurs vie et verront leur valeur socio-économique brute s’accroitre considérablement par ce retour à l’emploi, même par transitivité, cette approche permet également de réduire les déficits sociaux, même si pour les finances publiques dans leur ensemble, la charge reste la même, permettant de presenter des indicateurs macro-économiques performants susceptibles d’accroitre l’attractivité economique et industrielle de la France aux investisseurs.

En revanche, ce modèle n’est performant que tant qu’il existe des déficits sociaux compensés par l’Etat, d’une part, et un chômage de masse supérieur à 5% de sorte à ne pas créer de tensions supplémentaires dans les recrutements d’entreprises. En d’autres termes, et considérant les indicateurs sociaux-économiques français aujourd’hui, il ne peut s’appliquer que jusqu’à une hausse de l’effort de défense à 3%, entrainant la création de 650.000 emplois et une diminution des déficits sociaux de 15 Md€/an. Cela dit, comme nous l’avons établi en première partie de cet article, il n’est pas nécessaire d’aller au delà d’un effort de défense de 3% pour atteindre les objectifs stratégiques visés.

Conclusion

Il existe aujourd’hui une convergence exceptionnelle entre les besoins d’accroitre l’investissement de défense en France, le contexte social, économique et budgétaire dans le pays, et les opportunités industrielles comme stratégiques que représenterait un tel effort. Qui plus est, le seuil d’un effort de défense amené à 3% répond à la fois aux besoins opérationnels et stratégiques, et aux limites de soutenabilité de cet effort par l’économie française. Il est donc simultanément nécessaire, souhaitable et réaliste de viser une augmentation de l’effort de défense à 3% pour la France. Quand à la date fixée en début d’article pour atteindre cet objectif, soit entre 2030 et 2032, elle répond simultanément aux besoins opérationnels correspondants à l’analyse de la planification militaire des adversaires potentiels du pays, ainsi qu’à la nécessaire progressivité des investissements tant au niveau industriels qu’en matière d’effectifs des armées, sachant qu’il serait peu efficace d’augmenter le budget de La Défense de plus de 3,5 Md€ par an.

C’est donc un objectif à la fois rationnel et soutenable pour la France, en cohérence avec la vision européenne portée par Paris, qui par ailleurs peut se faire sans impacter les autres domaines de l’investissement public, et sans devoir accroitre la pression fiscal sur les français.

La coopération franco-allemande autour du programme SCAF à nouveau dans la tourmente

Il y a à peine une année, le Système de Combat Aérien du Futur, ou SCAF, qui rassemble depuis 4 ans la France et l’Allemagne, plus tard rejoint par l’Espagne, et visant à developper le remplaçant des Rafale français et Eurofighter Typhoon allemands et espagnols, faisait face à plusieurs problèmes critiques menaçant jusqu’à la poursuite même du programme. Qu’il s’agissait de la répartition de la charge industrielle entre les industries de chaque pays ou de problèmes concernant la propriété intellectuelle de certaines technologies développées préalablement par Dassault Aviation, les discussions étaient à l’arrêt, jusqu’à une impulsion politique de l’Elysée et de la Chancellerie Allemande, qui offrit une porte de sortie minimale afin de permettre au Bundestag de valider le financement de la phase de conception des démonstrateurs et prototypes, et ce avant la trêve estivale et les élections législatives allemandes de septembre.

Toutefois, et comme nous l’avions écrit alors, cet accord ne résolvait en rien les problèmes sous-jacents qui bloquaient la poursuite du programme et de la coopération franco-allemande, laissant penser que ceux-ci réapparaîtraient tôt ou tard. Depuis, de nombreux événements sont venus complexifier la situation déjà tendue entre Paris et Berlin, avec une nouvelle coalition à la tête de l’Allemagne sans la CDU d’Angela Merkel, et des arbitrages allemands décevants du point de vu français, comme le retour de l’hypothèse de l’acquisition du F-35 par Berlin pour remplacer les Tornado de la Luftwaffe dédiés aux missions de partage nucléaire de l’OTAN ou l’acquisition par Berlin d’avions de patrouille Maritime P-8A Poseidon de Boeing condamnant presque certainement le programme MAWS qui devait produire un appareil européen pour cette mission. Dans le même temps, Dassault Aviation a vu sa crédibilité industrielle et technique monter en flèche avec une année exceptionnelle dans le domaine des exportations pour le Rafale qui enregistra 146 nouvelles commandes en 2021, en faisant l’appareil de sa génération le plus exporté de la planète.

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Le remplacement des Tornado allemands dédiés à la mission de partage Nucléaire de l’OTAN continue de peser sur l’avenir du programme SCAF, avec le retour de l’hypothèse du F-35 pour la Luftwaffe

De fait, il n’est en rien surprenant que le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, revienne à la charge sur la scène médiatique au sujet des difficultés actuelles rencontrées par les négociations avec Airbus Defense & Space concernant le partage industriel autour de ce programme. En effet, l’avionneur français est plus légitime que jamais pour réclamer le pilotage de la réalisation du Next Generation Fighter, le chasseur moyen premier pilier du programme SCAF, et ce d’autant que l’industrie française a déjà fait de nombreuses concessions aux industries allemandes et espagnoles dans les 6 autres piliers du programme, en contradiction avec le paradigme de « best athlète » sur lequel le programme devait initialement être basé. Dans le même temps, l’arrivée désormais probable du F-35 au sein de la Luftwaffe diminue mécaniquement l’urgence du besoin d’un remplaçant au Typhoon à horizon 2040, mettant l’Allemagne en position de force face à la France qui, elle, n’a pas de solution intermédiaire sur laquelle s’appuyer.

En outre, et c’est loin d’être négligeable, si Berlin venait effectivement à acquérir des escadrons de F-35A, la structure de sa force aérienne serait à l’identique de celle de la Grande-Bretagne et de l’Italie, les deux principaux acteurs du programme Tempest concurrent du SCAF, faisant naitre une convergence forte des besoins de ces 3 forces aériennes, 4 en comptant l’Espagne qui suivrait probablement le mouvement, pour concevoir un chasseur de 6ème génération destiné à prendre la suite du Typhoon en particulier pour les missions de supériorité aérienne, plutôt que de developper un chasseur polyvalent comme le désir la France. En d’autres termes, le programme SCAF est aujourd’hui dans une posture des plus délicates, alors même que l’attention des pouvoirs politiques de part et d’autre du Rhin est captée par les tensions internationales ainsi que par la campagne présidentielle en France.

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Berlin et Madrid pourraient être tentés de se rapprocher de Londres et Rome dans le cadre du programme Tempest si les deux pays venaient à s’équiper de F-35

Malheureusement, il n’existe pas de solution évidente pour sortir de l’ornière dans laquelle se trouve le programme SCAF aujourd’hui. Il semble évident, en particulier en période préélectorale, que l’exécutif français ne pourra pas faire pression sur un symbole fort de l’autonomie stratégique française comme Dassault Aviation, pour tenter d’obtenir de nouveaux compromis au sujet du partage industriel et de la propriété intellectuelle réclamés par Berlin,. Comme il est très improbable que Dassault Aviation vienne à faire marche arrière sur ces sujets, auréolé des succès présents et à venir de son Rafale sur la scène internationale. Pour l’avionneur français, se joue ici rien d’autre que la pérennité même de sa capacité à pouvoir developper, si besoin en autonomie, un avion de combat, et donc de garantir l’autonomie stratégique du pays, sujet au combien sensible dans le contexte politique français aujourd’hui. Il n’est donc surprenant de voir Eric Trappier à nouveau faire référence à un éventuel « Plan B » dans l’interview donnée à Bloomberg aujourd’hui.

Une chose est certaine, il semble désormais peu probable que le programme SCAF puisse effectivement aller à son terme sur la base des paradigmes que sont les siens à ce jour. L’une des solutions pour faire baisser la pression autour des enjeux industriels et technologiques pourrait-être, pour la France, de developper en parallèle et sur un calendrier raccourci, un second programme destiné cette fois à remplacer non pas les Rafale et Typhoon, mais les Mirage 2000 en service en France et dans le Monde, par un chasseur monomoteur de 5ème génération, tout en développant une version drone de type loyal wingman potentiellement embarqué de cet appareil. Une telle approche permettrait de diminuer les tensions à la fois sur le maintien des compétences pour l’industrie aéronautique de défense française, tout en offrant aux forces aériennes une alternative à un possible rallongement des délais ou d’un échec du programme SCAF, à l’instar du F-35 en Allemagne.

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La conception d’un remplaçant au Mirage 2000 par Dassault Aviation pourrait faire baisser la pression sur le programme SCAF, et donc en assurer la pérennité

Elle permettrait en outre de répondre dans un délais raccourci aux défis posés par la modernisation rapide des forces aériennes russes mais aussi chinoises et l’entrée en service de nouveaux appareils de nouvelle génération comme le Su-57, le J-20, le J-35 ou encore le Su-75, tout en offrant une alternative européenne économique aux forces aériennes n’ayant pas les ressources pour s’équiper d’un chasseur lourd comme le sera le NGF du programme SCAF. A ce titre, rien n’empêcherait la France de proposer à d’autres partenaires européens, plus modestes que l’Allemagne mais disposant de capacités industrielles aéronautiques et d’un besoin de modernisation comme la Grèce, la République Tchèque, le Portugal ou la Suède, de participer à ce nouveau programme de sorte à en réduire les couts tout en en étendant la surface commerciale. Comme déjà évoqué, un tel programme permettrait de lever de nombreux obstacles aussi bien du point de vu industriel dans le cadre du programme SCAF, qu’opérationnel pour les forces aériennes françaises et européennes.

Quoi qu’il en soit, il apparait aujourd’hui difficile d’espérer la poursuite de ce programme stratégique dans le présent Status quo, et ce d’autant que son calendrier est déjà en décalage avec le tempo technologique imposé par les efforts russes, chinois et américains dans ce domaine. Un arbitrage ferme et définitif, dans un sens ou dans l’autre, s’impose à court terme pour soit faire évoluer le cadre même du programme SCAF de sorte à lever les présentes obstructions, et non simplement les mettre de coté en espérant qu’elles se résolvent d’elles-même, soit en actant l’échec du programme pour entamer au plus tôt le developpement d’une solution alternative. Dans ce contexte, les atermoiements politico-industriels doivent céder la place à des décisions répondant aux enjeux sécuritaires et technologiques imposés par les autres grandes nations, faute de quoi le résultat final pour la France et l’Europe sera potentiellement désastreux. Un sujet que l’on aimerait voir au coeur des préoccupations des candidats à la présidentielle française, tant ses conséquences potentielles sont critiques pour l’avenir de la sécurité nationale et de l’autonomie stratégique du pays.

Les sous-marins nucléaires d’attaque modernes

Avec l’épisode de l’annulation du contrat de sous-marins à propulsion conventionnelle Shortfin Barracuda par l’Australie au profit de sous-marins à propulsion nucléaire américano-britanniques, les sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire ont connu, ces derniers mois, une sur-exposition médiatique relativement antinomique avec la mission par nature discrète de ces Léviathans océaniques qui constituent, aujourd’hui encore, parmi les constructions humaines les plus complexes jamais réalisées.

Aussi rapides que furtifs, les sous-marins nucléaires d’attaque oui SNA, dont les missions passent de la collecte de renseignement à la lutte anti-surface, mais également à la chasse des autres sous-marins, sont aujourd’hui l’apanage des marines des cinq grandes puissances nucléaires mondiales membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unis, qui se livrent une compétition féroce pour prendre l’avantage sur les autres dans ce domaine.

Dans cette synthèse, nous étudierons les cinq classes de sous-marins nucléaires d’attaque actuellement en production dans le Monde, pour en comprendre les atouts et les spécificités propres, et ainsi percevoir la lutte que se livrent, sous les océans, les grandes puissances mondiales dans ce domaine de très haute technologie.

Chine : sous-marins nucléaires d’attaque Type 09-IIIG classe Shang

Si la construction navale et sous-marine chinoise a fait des progrès fulgurants ces 30 dernières années, avec l’arrivée de navires très performants comme les croiseurs Type 055 ou les LHD Type 075, Pékin a longtemps eu la réputation de ne produire que des sous-marins de qualité médiocre au regard des standards occidentaux ou russes.

Cette mauvaise réputation a en partie été balayée par l’arrivée des sous-marins à propulsion anaérobie Type 039 des classes Song et Yuan, des navires ayant fait la démonstration de leur discrétion acoustique et de l’efficacité de leur système propulsif.

Toutefois, dans le domaine des sous-marins à propulsion nucléaire, la production chinoise reste aujourd’hui encore en retrait vis-à-vis des navires de même type américains, russes ou français, même si les SNA de la classe Shang ont montré de réelles avancées dans le domaine.

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Les SNA de la classe Shang sont les premiers sous-marins nucléaires chinoise à atteindre un niveau de qualité proche de celui des autres grandes marines mondiales

Héritiers des premiers Type 09-I de la classe Han, entrés en service au milieu des années 70 et réputés peu performants et particulièrement bruyants, les 3 premiers sous-marins de la classe Shang type 09-III sont entrés en service au début des années 2000, alors que les 3 unités suivantes de la classe Type 09-IIIG améliorée ont, quant à eux, été livrés à la Marine chinoise au cours des années 2010.

Longs de 110 mètres pour un déplacement en submersion de 7.000 tonnes, les Shang et les Shang-G améliorés, ont corrigé une partie des défauts rédhibitoires des Han de première génération, avec notamment deux réacteurs à eau pressurisée de nouvelle génération et une hélice optimisée pour réduire la signature acoustique du navire.

Selon certains spécialistes, les Shang ont désormais une signature acoustique comparable à celle des SNA de la classe Los Angeles ou Akula entrés en service dans les années 80 aux États-Unis et en Union Soviétique, avec un rayonnement sonore inférieur à 110 dB. En outre, le Shang disposerait d’une suite sonar performante en faisant un adversaire parfaitement capable aussi bien dans les missions de lutte anti-sous-marine que dans la lutte anti-surface.

Lancée à partir de 2012, la version modernisée Type 09-IIIG dispose de silos verticaux accueillant 12 missiles de croisière CJ-10 d’une portée estimée à plus de 1.500 km, permettant au navire d’évoluer simultanément dans la classe des sous-marins nucléaires d’attaque et des sous-marins nucléaires lance-missiles de croisière, ou SSGN, à laquelle appartiennent également les Iassen russes et les Virginia de l’US Navy.

La production de Shang est aujourd’hui arrêtée, alors que les chantiers navals chinois semblent se concentrer sur la construction de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins Type 09-IV, ainsi que sur la nouvelle classe de SNA désignée Type 09-V, un navire plus imposant, plus discret et mieux armé qui a pour ambition d’être à niveau des productions actuelles en occident et en Russie, avec une signature acoustique largement réduite vis-à-vis des navires de génération précédente.

Toutefois, pour l’heure, aucune information fiable n’a été communiquée concernant cette future classe de SNA chinois, ni sur le calendrier et les performances réelles de ce programme.

États-Unis : SNA classe Virginia

Au début des années 1990, l’US Navy entreprit de développer le remplaçant de l’excellent SNA classe Los Angeles qui joua un rôle déterminant durant la fin de la Guerre froide pour prendre l’ascendant sur les meilleurs submersibles soviétiques comme les Viktor III, les Alpha et les Akula. Initialement, celle-ci développa la classe Sea Wolf, un SNA à hautes performances conçu pour les missions de lutte anti-sous-marine, ou Hunter-Killer.

Mais le prix unitaire de ces navires, 2,8 Md$ au début des années 90, et la disparition de la menace soviétique, amenèrent rapidement les officiels américains à mettre au fin au programme Sea Wolf au bout de seulement 3 unités, pour se tourner vers un sous-marins plus économique et plus polyvalent, la classe Virginia.

Long de 115 mètres pour un déplacement en plongée de 7.900 tonnes, le Virginia est depuis le remplaçant désigné des Los Angeles de l’US Navy, avec 19 navires en service sur les 66 initialement prévus, pour une production finale aujourd’hui visant les 35 exemplaires.

Moins rapide que le Seawolf avec une vitesse de pointe de seulement 25 noeuds contre 35 pour son ainé, le Virginia est cependant bien plus versatile, notamment avec ses 12 silos verticaux embarquant autant de missiles de croisière Tomahawks.

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L’US Navy vise à disposer de 66 SNA à horizon 2035 dont 35 navires de la classe Virginia

À l’instar des destroyers Arleigh Burke, les Virginia sont produits par block de version, ou Flight, chacun recevant des améliorations itératives vis-à-vis des précédents, tant en matière d’équipements et de performances que de méthode de construction. Ainsi, les couts de production par navire ont été abaissés de 400 m$ entre les 4 premières unités du block I et les six suivantes du block II.

Les 10 navires du Flight III dont la construction débuta en 2009 reçurent pour leur part une suite sonar améliorée, alors que les besoins de maintenance des navires du block IV furent réduits de 25% vis-à-vis des blocks précédents. La construction des deux premiers navires du block V, le plus moderne, débuta en 2019.

Ces nouvelles unités recevront notamment un nouveau système modulaire d’armement permettant de porter le nombre de missiles BGM-109 à 28 exemplaires, contre 12 pour les versions précédentes, entrainant un accroissement de la longueur des navires à 140 mètres, et du déplacement en plongée à 10.200 tonnes.

Bien que réputés très discrets et efficaces, les Virginia restent des sous-marins polyvalents ne répondant pas aux besoins émergents de l’US Navy pour traiter la menace des nouveaux submersibles chinois et surtout russes, comme les nouveaux 885M Iassen.

De fait, un nouveau programme a été lancé, désigné pour l’heure SSN(x), pour but de concevoir un sous-marin reprenant la spécialisation Hunter-Killer des SeaWolf, et devant prendre le relais de la production de Virginia à partir de 2033, date de la livraison du dernier de ces sous-marins.

En particulier, le SSN(X) disposera de performances accrues en termes de vitesse de déplacement et de profondeur de plongée, et de capacités renforcées en matière de lutte anti-sous-marine face aux nouveaux submersibles que les compétiteurs des États-Unis mettront en service à cette date.

France : SNA classe Suffren

À l’instar des SNA de la classe Rubis des années 80, les nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque français de la classe Suffren sont les navires les plus compacts de ce type et de cette génération à entrer en service à ce jour.

Même si, avec une longueur de 99,5 mètres et un déplacement en plongée de 5,300 tonnes, ils sont presque deux fois plus imposants que leurs prédécesseurs, ils restent très en deçà des dimensions des navires russes, chinois, américains ou britanniques.

Pour autant, les Suffren sont des SNA très évolués et performants, capables de rivaliser dans tous les domaines avec les autres sous-marins du moment, que ce soit en discrétion grâce notamment à une hélice carénée de type Pump-Jet permettant au navire d’évoluer à vitesse élevée tout en restant discret, à une suite sonar UMS-3000 de Thales très performante, et à sa capacité de mettre en œuvre de nombreux armements y compris le missile de croisière MdCN, bien que le navire soit dépourvu de systèmes de lancement verticaux.

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L’arrivée du Suffren au sein de la Marine Nationale marque une profonde évolution capacitaire

Le Suffren, première unité de la classe éponyme, a été livré à la Marine Nationale en novembre 2020, et devrait rejoindre le service actif au début de l’année 2022. La seconde unité, le Duguay-trouin, entrera en service en 2023, alors que les 4 dernières unités de la classe seront livrées progressivement d’ici à 2030 à la Marine Nationale pour remplacer ses derniers sous-marins de la classe Rubis.

Au-delà des performances et de la discrétion de ces submersibles, la construction de la classe Suffren aura également été particulièrement économique, avec un budget de conception de seulement 5 Md€, et une enveloppe globale de 7,9 Md€ pour la construction des 6 submersibles, moitié moins onéreuse que pour les modèles américains ou britanniques.

Contrairement aux sous-marins américains, britanniques ou russes, les SNA français de la classe Suffren sont propulsés par un réacteur à eau pressurisé K15 employant du combustible nucléaire faiblement enrichi à seulement 6,5%, soit très en deçà du seuil de 20% d’enrichissement employé par la législation internationale pour définir du combustible nucléaire de qualité militaire.

À titre de comparaison, les Virginia américains comme les Astute britanniques emploient, pour leur part, du combustible enrichi à 97%, soit le même que celui utilisé par les bombes nucléaires de très forte puissance. De fait, les Suffren sont aujourd’hui des navires pouvant plus aisément être exportés que leurs homologues américains et britanniques dans le respect de la législation internationale, raison pour laquelle plusieurs pays s’intéressent à cette possibilité.

Il est cependant nécessaire, du fait de cette technologie, de recharger tous les dix ans le combustible nucléaire à bord de ces sous-marins, contrairement aux navires britanniques et US qui eux sont conçus pour durer 30 à 35 ans avec une seule charge de carburant.

En revanche, le rechargement des réacteurs des SNA français est une procédure beaucoup plus aisée que celle d’un SNA américain, raison pour laquelle l‘extension de vie des Los Angeles de l’US Navy est un sujet des plus difficiles aujourd’hui.

Royaume-Unis : SNA classe Astute

Jusqu’à l’entrée en service du Suffren, les sous-marins nucléaires d’attaque britanniques de la classe Astute étaient universellement reconnus comme les plus discrets des SNA de la planète, et en bien des aspects, les plus performants.

Longs de 97,5 mètres pour un tonnage en plongée de 7.800 tonnes, les Astute ont été conçus avant tout pour la même mission que les Seawolf, à savoir la chasse aux sous-marins adverses, et disposent de performances adaptées pour cette mission, notamment une vitesse maximale en plongée de plus de 30 nœuds.

À l’instar des Suffren français, l’Astute ne dispose pas de VLS pour lancer des missiles de croisière, mais il peut mettre en œuvre le missile BGM-109 Tomahawks par ses tubes lance-torpille. Il dispose en outre d’une vaste soute d’armement permettant d’accueillir 38 torpilles lourdes Spearfish et missiles de croisière Tomahawk, soit 13 de plus que ne peut accueillir son homologue français. Enfin, il dispose d’une suite sonar très évoluée, et d’un pump-jet pour les déplacements rapides et discrets.

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Jusqu’à l’entrée en service du Suffren, les SNA de la classe Astute étaient incontestablement considérés comme les navires de ce type les plus performants du moment

Si les Astute sont incontestablement des navires de hautes performances, et des Hunter-killer très capables, leur mise au point connut de nombreuses difficultés et délais nécessitant même l’intervention de l’industrie américaine pour résoudre certains points techniques bloquant outre-manche. Ces délais ont par ailleurs engendré d’importants surcouts dans le programme, les trois premiers navires ayant vu l’enveloppe budgétaire initialement prévue croitre de plus de 50%.

Au final, chaque Astute aura couté 35% de plus aux contribuables britanniques que les Suffren aux contribuables français. Le programme se sera lui étalé sur plus de 26 ans entre la découpe de la première tôle en 2001 et l’entrée en service du dernier des 7 navires prévue pour 2026. Il n’en demeure pas moins que les Astute ont montré de grandes capacités opérationnelles lors des exercices auxquels ils ont participé depuis leur entrée en service en 2014, prenant même l’ascendant sur le Virginia américain.

Russie : SNA projet 885/M Iassen

En de nombreux aspects, les sous-marins de la classe Iassen et leur évolution Iassen-M sont des navires de tous les records. Ce sont notamment les plus imposants des submersibles de ce panel, avec une longueur de 130 mètres et un déplacement de 13.800 tonnes en plongée, ainsi que ceux qui emportent la plus grande puissance de feu, avec 32 missiles antinavires supersoniques P800 onyx ou de missiles de croisière Kalibr mis en œuvre par autant de silos verticaux, en plus des torpilles lourdes mises en œuvre par les 4 tubes lance-torpilles du navire.

C’est enfin le navire dont la construction initiale aura pris le plus de temps, puisqu’il fallut pas moins de 20 ans de décembre 1993 à décembre 2013 pour livrer la première unité de la classe, le Severodvinsk.

Il est vrai que les chantiers navals russes avaient fortement soufferts de l’effondrement du bloc soviétique, et que l’immense majorité des programmes navals du pays connurent des allongements de délais très importants jusqu’à ce que les investissements d’état ne reprennent à partir de 2008, puis ne s’accélèrent en 2012.

Et s’il fallut 20 ans pour terminer le Severodvinsk, il n’aura fallu que 8 ans de 2014 à 2022 pour livrer le Krasnodar, 4ᵉ unité de la classe et 3ᵉ navire de la version modernisée 885-M apparue avec le Kazan livré en 2021.

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alliant une grande puissance de feu, des performances élevées et une importante discrétion, les Iassen-M russes posent une réelle menace aux flottes occidentales.

Au delà des délais pharaoniques et des difficultés rencontrées par les chantiers navals Sevmash pour construire les navires, l’arrivée du premier Iassen, et surtout des premières versions modernisées à partir du Kazan, permettent à la flotte russe de sensiblement faire croitre sa puissance opérationnelle.

En effet, non seulement les Iassen-M sont-ils dotés d’une grande puissance de feu, mais ils sont également très discrets, à niveau des meilleurs sous-marins occidentaux comme le Virginia selon l’US Navy, ce qui n’est pas sans poser de sérieux problèmes aux marines occidentales et européennes qui devront potentiellement y faire face.

En outre, au-delà des missiles de croisière Kalibr et des missiles antinavires supersoniques P800 Onyx déjà susceptibles de poser d’importantes difficultés aux escorteurs de l’OTAN, les Iassen pourront, selon les dires des ingénieurs russes, mettre en œuvre le nouveau missile hypersonique 3M22 Tzirkon, renforçant la menace que chacun de ces navires peut faire peser sur la flotte occidentale, et ce, d’autant qu’ils peuvent soutenir une vitesse élevée tout en restant discret.

À mi-chemin entre la classification de SNA (sous-marin nucléaire d’attaque) et de SSGN (sous-marin nucléaire lance-missiles de croisière), le Severodvinsk et les 9 Iassen-M qui le suivent et qui seront entrés en service avant la fin de la décennie, modifient profondément le rapport de force existant dans l’Atlantique Nord ainsi que dans le Pacifique, et offrent un puissant outil de contrôle naval à Moscou, alors que les tensions avec l’Europe et les États-Unis ne cessent de croitre.

Une nouvelle classe de sous-marins, la classe Laïka, serait en conception dans les bureaux d’étude Sevmash de Saint-Petersbourg, mais pour l’heure, bien peu d’informations fiables ont pu filtrer quant au devenir de cette classe destinée à remplacer la dizaine de SNA classe Akula encore en service.

Conclusion

Par leur discrétion, leur capacité à se déplacer à grande vitesse sur de très longue distance, et leur puissance de feu, les SNA modernes sont aujourd’hui incontestablement parmi les pièces maitresses que l’échiquier naval des grandes puissances mondiales, au même titre que les porte-avions. Il n’y a donc rien d’étonnant à constater que les cinq grandes puissances nucléaires mondiales ont toutes investi dans ce type de navire, et se livrent à une âpre compétition dans ce domaine en matière de capacités et de performances.

Pour certains d’entre elles, comme les États-Unis, le développement de cette composante est même jugé prioritaire à celui de la flotte de surface, tant elle offre des capacités propres à très forte valeur ajoutée. Rien d’étonnant non plus que plusieurs puissances navales en devenir, comme le Brésil, la Corée du Sud, l’Australie ou l’Inde, s’intéressent de près à cette technologie, et ce, en dépit des contraintes internationales et budgétaires qui entourent de tels programmes.

Pour autant, la suprématie du SNA dans le combat naval est aujourd’hui de plus en plus menacée par plusieurs programmes de recherche visant précisément à supprimer la cape de furtivité conférée à ces navires par l’océan. Ainsi, des équipes américaines comme chinoises développent aujourd’hui activement des détecteurs à Neutrino de plus en plus miniaturisés, susceptibles de capter les particules émises sous l’océan par un réacteur de sous-marin nucléaire fortement sollicité, comme c’est le cas d’un SNA à haute vitesse.

Les avancées enregistrées ces dernières années dans ce domaine, ainsi que dans d’autres technologies visant la détection de submersible, laissent envisager que dans un espace de temps inférieur à 20 ans, de tels dispositifs de détection pourraient effectivement embarquer à bord des navires de combat, et donc neutraliser le principal avantage du SNA, et même réduire l’invulnérabilité supposée des SNLE en charge de la dissuasion nucléaire.

On ne peut exclure, dans ces conditions, que les navires suprêmes que sont les sous-marins nucléaires d’attaque ne deviennent, d’ici à une à deux décennies, si pas obsolètes, en tout cas beaucoup moins performants qu’ils ne sont aujourd’hui.