samedi, décembre 6, 2025
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La Chine propose à la Thailande 2 sous-marins Type 039 Song comme solution d’attente

En 2016, à la suite d’une compétition internationale, les autorités Thaïlandaises choisirent le sous-marin S-26T chinois, dérivé du Type 039A classe Yuan, pour constituer la force sous-marine du pays, dont la pourtant puissante Marine Royale Thaïlandaise est jusqu’ici dépourvue. Outre des performances satisfaisantes et une propulsion anaérobie fiable, l’offre chinoise s’appuyait sur un atout de taille, un prix unitaire de seulement 460 m$, moitié moindre que celui de ses concurrents mieux disants. Toutefois, dans sa proposition, Pékin avait inclus des équipements européens, en particulier des turbines allemandes construites par MTU, sans avoir pris la précaution de demander préalablement l’autorisation au motoriste allemand à ce sujet.

Alors que la première découpe de tôle fut largement relayée par les médias en 2019, et que Bangkok annonçait concomitamment la commande de 2 navires supplémentaires et d’un navire d’assaut Type 071E auprés de Pékin, la situation avec MTU ne fut pas pour autant réglée, et sans le coup d’arrêt productif consécutif de la crise Covid, il est probable que l’impasse qui aujourd’hui frappe ce contrat serait apparu auparavant. En effet, le motoriste allemand a refusé d’accepter la commande chinoise pour équiper les sous-marins thaïlandais, engendrant des délais supplémentaires d’au moins une année dans la livraison du premier submersible à la Marine Thaïlandaise, qui ne devrait pas intervenir désormais avant 2024, et ce dans le meilleur des cas.

Yuan class sub Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Les sous-marins S-26T thaïlandais sont dérivés des Type 039A Yuan à propulsion AIP de la marine chinoise

Pour répondre à ce problème, et ne pas risquer de voir Bangkok se tourner vers un autre prestataire, Pékin vient de proposer aux autorités thaïlandaises de leur offrir deux sous-marins Type 039 classe Song comme solution d’attente, et ce afin de permettre à la Marine Thaïlandaise de monter en compétences dans l’attente de la livraison des navires commandés. La marine chinoise dispose en effet de 13 de ces sous-marins entrés en service entre 1998 et la fin des années 2000, les Song étant les prédécesseurs des Yuan qui aujourd’hui forment la colonne vertébrale de la flotte sous-marine chinoise. Bien que dépourvus de propulsion anaérobie, les Song demeurent des navires parfaitement capables, et représentent la première génération de sous-marins modernes conçus en Chine, permettant effectivement à la Marine Thaïlandaise de mettre en oeuvre à relativement court terme une première capacité sous-marine sur un théâtre en pleine explosion dans ce domaine.

Il faut dire que la Thailande est aujourd’hui au coeur du bras de fer que se livrent les Etats-Unis et la Chine. Alliée traditionnelle de Washington, les avions de l’US Air Force ayant été pour la plupart engagés à partir de bases thaïlandaises lors de la guerre du Vietnam, le pays s’est progressivement tourné, au cours des années 2000, vers Pékin, qui aujourd’hui est à la fois son premier partenaire commercial et son premier investisseur. Pour autant, Bangkok espère pouvoir prendre une posture intermédiaire entre les deux super puissances, et n’hésite pas à considérer le F-35A Lighting 2 américain comme solution pour remplacer ses propres F-16, F-5 et Gripen C, tout en commandant à Pékin sous-marins, frégates et navire d’assaut. Or, il semble très improbable que Washington autorise la vente de son précieux chasseur de 5ème génération à un pays à ce point partenaire de Pékin, alors même que l’Indonésie, bien plus ferme vis-à-vis de la Chine, et ayant accepté d’annuler sa commande de Su-35 auprés de la Russie, s’est vue refuser cette autorisation, tout comme les Emirats Arabes Unis pour une question d’infrastructures 5G chinoises.

F35A USAF Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Bangkok envisage l’acquisition de F-35A auprés des Etats-Unis pour moderniser ses forces aériennes, et remplacer ses F-5 et F-16C.

De fait, maintenir actif le contrat des sous-marins thaïlandais apparait stratégique pour Pékin, qui par la même, empêcherait un de ses principaux partenaires dans la sphère asiatique, de se tourner à nouveau vers Washington pour acquérir le F-35. Et le don de deux sous-marins Type 039, pourtant loin d’être obsolètes comme peuvent l’être, par exemple, les Type 035, est un geste révélateur du rôle stratégique que revêt la Thailande dans la vision internationale et régionale de Pékin. Pour autant, on peut s’attendre que Washington fasse, de son coté, monter les enchères pour ramener Bangkok dans la sphère occidentale, eu égard à la position cruciale du pays pour le controle de l’Asie du Sud-Est.

Reste qu’en dépit de la proposition chinoise, il est très peu probable que Berlin vienne à accepter de livrer les turbines nécessaires à la completion des S-26T commandés par Bangkok. On notera également que la communication chinoise a tenté de faire apparaitre le refus allemand de vendre les turbines à Pékin comme motivée contre Bangkok, ce qui amena l’ambassade allemande à Bangkok à devoir publier un démenti sur le sujet, spécifiant que c’est la vente de matériel militaire à la Chine qui était proscrite, et non l’exportation de ces équipements vers la Thailande. Pour autant, rien ne garantit que Bangkok acceptera la solution de remplacement que proposera pékin dans ce domaine, sans quoi l’on peut supposer que cela serait déjà fait sans devoir passer par une solution d’attente aussi onéreuse. De toute évidence, le cas thaïlandais est encore loin d’être arbitré.

L’Indonésie autorisée à acquérir 36 Boeing F-15EX américains

En matière d’exportation de materiels militaires, les Etats-Unis privilégient l’emploi du Foreign Military Sales, ou FMS, un organe permettant aux clients de l’industrie de l’armement US de bénéficier des prix et des cadres contractuels des armées américaines, plutôt que de devoir négocier l’ensemble de ces aspects à chaque contrat. Comme dans la plupart des pays, les exportations d’armement sont également conditionnées par une autorisation gouvernementale du Departement d’Etat et du Congrès, le plus souvent passant elle aussi par le FMS. C’est dans ce cadre que l’Indonésie vient de se voir autorisée à acquérir jusqu’à 36 chasseurs lourds Boeing F-15EX ainsi qu’un ensemble exhaustif de pièces, munitions et équipements, le tout pour une enveloppe de 13 Md$. A noter que le FMS prend presque systématiquement des hypothèses hautes concernant les autorisations d’exportation, de sorte à ne pas devoir re-enclencher une nouvelle procédure pour avoir omis d’intégrer certains équipements ou services, ceci expliquant le montant très important de l’enveloppe budgétaire, qui ne doit pas être pris au pied de la lettre.

Cette annonce intervient juste au lendemain de la signature d’un contrat historique selon lequel Jakarta s’équipera de 42 avions de combat Rafale F4, 6 appareils ayant d’ores et déjà commandés. Pour autant, il ne s’agit pas, à priori, d’une tentative américaine de faire dérailler le programme franco-indonésien. En effet, cela fait plus d’un an que Jakarta avait annoncé son intention de moderniser ses forces aériennes en s’équipant simultanément de Rafale français et de F-15EX américains, ce après que les Etats-Unis aient refusé la vente de F-35 au pays. Dans ce contexte, le F-15EX n’est en rien considéré comme un concurrent du Rafale par Jakarta, mais comme un système d’arme complémentaire de l’avion français.

RAFALE F4 Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
L’indonésie a signé un contrat pour commander 42 avions de combat français Rafale F4, en deux lots, l’un de 6 appareils déjà commandé, l’autre de 36 avions qui sera commandé dans un futur relativement proche.

En revanche, la commande de Rafale met probablement aux oubliettes, pour un temps du moins, la tentative de Lockheed-Martin de proposer son F-16V comme alternative. Il est probable, dans ce dossier, que Jakarta ait autant privilégié les performances incontestables du Rafale français, que sa volonté de mettre en oeuvre une stratégie non-alignée, même si la menace américaine de sanctions CAATSA ont finalement amené les autorités indonésiennes à abandonner la commande de 11 chasseurs lourds Su-35 pour remplacer ses propres Su-27 obsolètes.

En revanche, on ne peut ignorer la proximité de ces deux annonces, qui de toute évidence n’a rien de fortuite. Il est probable que, pour les autorités US, il était important de montrer le rapprochement d’avec Jakarta, de sorte à présenter un bloc régional uni et imposer pour contenir la montée en puissance chinoise dans le Pacifique. La démarche est, à ce titre, sensiblement la même qu’avec l’Inde, et l’évidente volonté des Etats-Unis de devenir le principal partenaire de New Delhi dans le domaine des importations d’armement. avec un certain succès puisque le pays a, ces dernières années, attribué de nombreux contrats d’équipements aux industriels US (Avion de patrouille maritime P8 Poseidon, hélicoptère de combat AH-64 Apache, drone de combat MQ-9, obusier M-777), sans pour autant renier son positionnement non aligné, en perpétuant l’acquisition d’équipements Russes (système anti-aérien S-400, frégate Talwar, avion de combat Mig-29) et Européens (Avion Rafale, sous-marin Scorpene).

P8 de la Marine Indienne Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
L’Inde a ouvert aux Etats-Unis les portes de ses contrats d’acquisition de matériel militaire, avec plusieurs importants succès dont la vente de 12 avions de patrouille maritime P-8i Poseidon

Le F-15EX, désigné Eagle 2 par l’US Air Force, est la dernière évolution du chasseur de supériorité aérienne américain qui fit son premier vol en 1972. Destiné à remplacer une partie des F-15C encore en service au sein des forces aériennes US, il est dérivé de la version F-15QA conçue pour le Qatar, et intègre une avionique et des senseurs très évolués lui permettant d’évoluer à la marge des avions de 5ème génération, tout en bénéficiant des atouts remarquables de l’appareil en matière de rayon d’action, de capacités d’emport, de performances et de manœuvrabilité. Avec une masse à vide de 15 tonnes, et une masse maximale au décollage de plus de 36 tonnes, le F-15EX peut emporter une charge exceptionnelle de 21 tonnes, en faisant un parfait « camion à bombe » à long rayon d’action, et répond aux besoins spécifiques des forces aériennes indonésiennes, devant couvrir un territoire de plus de plus de 2 millions de Km2. En revanche, il n’a pas la furtivité ni les capacités de pénétration à très basse altitude du Rafale, faisant des deux appareils d’excellents partenaires dissuasifs.

Reste que l’autorisation d’exportation du FMS ne constitue en rien un engagement de commande pour l’Indonésie. Le prix global annoncé, même en tenant compte de sa sur-évaluation, montre que l’appareil est en effet onéreux à acquérir comme à maintenir, et il est probable que Jakarta ne commence par commander qu’une flotte plus restreinte afin de respecter ses contraintes budgétaires, d’autant que le pays est déjà engagé dans plusieurs contrats dimensionnants, avec 42 Rafale, 6 frégates FREMM et 2 Arrowhead 140. Il est donc nécessaire d’attendre l’arbitrage final de Jakarta dans ce domaine, même s’il est probable que le ministre de La Défense, Prabowo Subianto, par ailleurs candidat probable à la magistrature suprême lors des prochaines élections de 2024, cherchera sans le moindre doute à présenter un bilan remarquable pour sa campagne, malgré un contexte economique compliqué.

FREMM Italy Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
L’indonésie a commandé en 2021 6 frégates FREMM à l’italien Fincantieri, ainsi que 2 frégates Arrowhead 140 en construction locale auprés du britannique Babcock.

En effet, si les budgets de la Défense avaient connu, en 2020 et 2021, un importante croissance pour atteindre et dépasser les 10 Md$, la crise covid et ses conséquences économiques sur les revenus de l’Etat ont mis un coup d’arrêt à cette croissance. Ainsi, en 2022, le budget défense a été ramené à 9,3 Md$, soit 0,7% du PIB, et devrait continuer à baisser jusqu’en 2025 pour atteindre 8,5 Md$, avant de repartir à la hausse et retrouver son niveau de 2021 en 2030, alors que la croissance moyenne annuelle du PIB aura retrouver une certaine dynamique entre 3 et 4%. De fait, il est probable que les ambitions affichées en 2020 et 2021 par le ministère des Armées, soient étalées dans le temps afin de respecter la réalité économique du pays, hormis, bien évidemment, si les tensions géopolitiques venaient à croitre dans la region, ce qui est loin d’être inenvisageable.

La Défense contre les missiles hypersoniques se structure en Occident

Depuis l’entrée en service du missile hypersonique aéroporté 9-S-7760 Kinzhal en 2018, et plus encore avec l’arrivée prochaine du missile anti-navire hypersonique 3M22 Tzirkon, tous deux d’origine russe, la crainte de voir ces munitions neutraliser définitivement la puissance navale occidentale a largement été relayée dans les médias. Il est vrai que de part leur vitesse, leur trajectoire surbaissée, et pour certains, leur capacités à manoeuvrer en phase descendante, ces armes mettent à mal le bouclier antimissile occidental, basé sur des missiles à impacteur cinétique THAAD et SM-3. En outre, les missiles anti-aériens actuellement en service, comme le SM-2, l’Aster 30 ou le Sea Ceptor, n’ont pas été conçus pour intercepter des cibles évoluant à plus de Mach 5. De fait, il apparait de prime abord que les missiles hypersoniques, en particulier les versions anti-navires, pourraient constituer une menace critique pour les unités navales de surface, en particulier pour les grandes unités comme les porte-avions, navires d’assaut et navires logistiques, pourtant au coeur du dispositif défensif naval occidental.

Pour autant, la réponse à cette menace commence à émerger, aux Etats-Unis comme en Europe, et ce alors même que ces missiles hypersoniques ne sont pas encore opérationnels. Ainsi, le Pentagone a annoncé qu’il entendait employer le missile nouveau missile SM-6 pour contrer les menaces hypersoniques, tout du moins dans l’attente d’une solution conçue spécialement à cet effet. Contrairement au SM-2 spécialisé dans l’interception de cibles aériennes tels des aéronefs ou des missiles sub ou supersoniques, ou le SM-3 conçu exclusivement pour intercepter des missiles suivant une trajectoire balistique, le RIM-174 ou Standard Missile SM-6, est un missile capable d’intercepter des aéronefs, des missiles balistiques et même des cibles navales, faisant de ce missile un atout d’une grande polyvalence pour l’US Navy. Long de 6,60 mètres pour une masse de 1,5 tonnes, il a des mensurations équivalentes au SM-3 et bien plus imposantes que celles du SM-2 de 4m60 et 750 kg. Il est également très onéreux, de l’ordre de 4,5 m$ l’unité, soit le tiers du prix d’un SM-3, mais le triple de celui d’un SM-2.

Russia Prepares to Accept Kh 47M Kinzhal Hypersonic Missile into Service 2 Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Le 9-S-7760 Kinzhal est le premier missile hypersonique à être entré en service, pour autant ses capacités sont moindres, se limitant à un missile balistique à trajectoire semi-balistique sur-baissée pour contrer les systèmes THAAD et SM-3, mais à portée des SM-6 et probablement de l’Aster Block 1NT

S’il est plus lourd et onéreux que le SM-2, le SM-6 est également beaucoup plus efficace, grâce à un système de guidage particulièrement évolué associant guidage semi-actif, guidage actif radar et navigation inertielle, et dispose d’une manoeuvrabilité bien supérieure à celle de son prédécesseur, lui permettant effectivement de prendre en charge des cibles hypersoniques manoeuvrantes. En outre, la nouvelle version du SM-6, désignée Block 1B actuellement en developpement, pourra elle aussi atteindre des vitesses hypersoniques, augmentant sensiblement les capacités du missile pour intercepter une cible elle-même hypersonique. Pour autant, n’ayant pas été conçu spécifiquement pour cette mission, et du fait de ses contrôles purement aérodynamiques de la trajectoire, le SM-6 ne pourra représenter qu’une solution de transition dans la réponse américaine face aux armes hypersoniques chinoises et russes.

C’est la raison pour laquelle le Pentagone a signifié, en Novembre 2021, aux trois spécialistes américaines en matière de missiles, Raytheon, Lockheed-Martin et Northrop-Grumman, un contrat préliminaire en vue de concevoir un nouveau système d’interception spécialisé dans cette mission, comprenant l’intercepteur lui-même, mais également l’ensemble de la chaine de détection, de suivie et de guidage, y compris par des moyens spatiaux. De part son expertise liée au missile SM-6, Raytheon a été désigné référant principal pour ce programme, qui prévoit un developpement accéléré du système, et l’entame des premiers tests à partir de 2023, ce qui laisse supposer que le SM-6 sera, pour un premier temps tout du moins, l’effecteur principal du dispositif tant pour la solution navale que terrestre.

endo atmospherirc missile twister Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Le programme TWISTER est incontestablement l’une des plus ambitieuses coopérations européennes dans le cadre du PESCO

Le programme US n’est pas sans rappeler l’architecture présentée pour le programme européen TWISTER, remarquable acronyme pour TIMELY WARNING AND INTERCEPTION WITH SPACE-BASED THEATER SURVEILLANCE. Inscrit dans la coopération structurée permanente européenne en 2019, il rassemble autour de la France, les Pays-Bas, la Finlande, l’Italie, le Portugal et plus récemment, l’Allemagne. A l’instar du programme américain, TWISTER ambitionne de developper un système complet permettant une detection précoce de la menace par des moyens spatiaux, le suivi des cibles et leur interception. Dans ce domaine, les européens disposent d’un missile sol-air particulièrement performant et manoeuvrant, l’Aster 30, évoluant d’ores-et-déjà à la limite du seuil hypersonique, Mach 4,5, contre seulement Mach 3,5 pour le SM-6. De toute évidence, l’Aster 30, et notamment la version anti balistique Aster 30 Block1NT, constitue une excellente plate-forme de travail pour la défense contre les missiles hypersoniques, pour peu que les systèmes de détection et d’engagement soient adaptés pour traiter cette menace.

Conscient de la menace posée par les nouveaux missiles hypersoniques russes et chinois, les programmes américains comme européens ont des ambitions élevées en matière de calendrier, visant tous deux une entrée en service avant la fin de la décennie. Dans ce domaine critique, on peut se demander si la procédure PESCO et les lourdeurs procédurales européennes, ne vont pas constituer un handicap pour le programme européen, en particulier pour répondre au caractère d’urgence dans lequel il s’inscrit. Une chose est certaine, il serait très dommageable pour les capacités militaires européennes et leur caractère dissuasif, que ce programme ne respecte pas son calendrier initial, quelqu’en soit les raisons, et toute entrave pouvant ralentir son développement devra probablement être vertement traitée, quitte à devoir en cours de route débarquer un partenaire trop rétif.

Mamba Aster30 Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Par sa grande manoeuvrabilité et sa vitesse élevée, l’Aster 30 est un excellent candidat pour fournir une capacité antimissile hypersonique primaire.

Quoiqu’il en soit, on comprend que les solutions pour neutraliser, ou tout au moins diminuer les menaces émergentes liées aux armes hypersoniques, apparaitront avant la fin de la décennie en Europe comme aux Etats-Unis, et que des solutions intérimaires, qu’elles soient basées sur le SM-6 ou sur l’Aster 30, émergeront sans le moindre doute d’ici là, pour peu que les systèmes de détection et de guidage soient adaptés pour cela. Ce délai, relativement court, doit être mis en perspective avec les 15 années nécessaires pour concevoir et fabriquer un porte-avions nucléaire, ou les 8 à 10 ans nécessaires pour concevoir un grand navire de surface comme un destroyer ou un navire d’assaut. Et de prendre conscience que les jugements hâtifs dans ces domaines, basés le plus souvent sur une compréhension imparfaite, parfois biaisée, de la réalité technologique et opérationnelle, sont le plus souvent profondément erronés, et toujours contre-productifs.

Avec les 42 Rafale indonésiens, le chasseur de Dassault égale les exportations du Mirage 2000

« Trop complexe, trop cher, invendable », c’est ainsi qu’Hervé Morin alors ministre de La Défense de Nicolas Sarkozy, expliquait la mévente du Rafale sur la scène internationale au début des années 2010. Aujourd’hui, pourtant, avec un nouveau contrat portant sur l’acquisition de 42 appareils livrables à partir de 2025 pour les forces aériennes indonésiennes, le fleuron aéronautique français atteint un total de 284 commandes à l’exportation vers 7 clients internationaux, égalant en volume les exportations de son prédécesseur, le Mirage 2000, exporté à 285 exemplaires vers 8 pays. Ce nouveau contrat estimé à 7 Md€, permet à la Team Rafale de confirmer les résultats exceptionnels enregistrés en 2021 avec 146 appareils commandés par 4 pays, dont 80 Rafale au standard F4 commandés par les seuls Emirats Arabes Unis, et positionne le Rafale au sommet de la hiérarchie des avions de combat bimoteurs modernes en matière d’exportation, loin devant les F15 et F18 américains, le Typhoon européen ou encore le Su-35 russe.

Contrairement aux commandes émirati et égyptiennes, le contrat indonésien intègre des commandes itératives et successives, ceci étant lié au fonctionnement du financement à Jakarta, de sorte à ne pas devoir passer par un complexe et difficile modèle de financement exogène. En d’autres termes, les autorités indonésiennes ont négocié globalement l’acquisition de 42 appareils, qui seront commandés successivement. Pour autant, et même si la première commande ne porte que sur 6 appareils, il ne s’agit pas d’une option, mais bel et bien d’un contrat global avec commandes et paiements échelonnés, permettant de sécuriser aussi bien Jakarta que Paris dans ce domaine.

Rafale AASM 1000 kg HAMMER Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
D’une grande polyvalence et d’une capacité d’emport remarquable, le Rafale répond parfaitement aux besoins spécifiques des forces aériennes indonésiennes

En matière de modernisation de sa force aérienne, Jakarta a annoncé, depuis plusieurs mois, qu’il entendait se tourner vers le Rafale français, mais également vers le F-15EX américain, deux appareils réputés pour leur grande autonomie et leur importante capacité d’emport. En outre, le pays est engagé avec la Corée du Sud dans le co-developpement de deux programmes, le T/F/A-50 Golden Eagle, un avion d’entrainement et d’attaque à hautes performances capable de mener des missions de supériorité aérienne sur un périmètre réduit, et le KF-21 Boromae, le chasseur de nouvelle génération développe par l’industrie sud-coréenne, destiné à remplacer en priorité les F-16. Au final, Jakarta ambitionne de faire passer sa force aérienne aujourd’hui forte de 33 F-16, 11 Su-30 et 5 Su-27 épaulés par 14 T-50 et 23 Hawk 200, vers une puissance homogène de 170 appareils composée de Dassault Rafale, de Boeing F-15EX, et de KF-21 Boromae, afin d’être en mesure de dissuader Pékin de tout aventurisme régional.

Le contrat Rafale n’a pas été le seul accord signé par Florence Parly et son homologue indonésien Prabowo Subianto. Ainsi, Naval Group et les chantiers navals indonésiens PAT ont co-signé un Mémorandum of Understanding, ou accord de coopération, portant sur la possible acquisition et construction locale de deux sous-marins de type Scorpene. Les négociations en matière de transfert de technologie et de financement seront probablement longues et complexes autour de ce programme potentiel, mais le groupe naval français prend une sérieuse option face à ses concurrents pour équiper la Marine Indonésienne de ses sous-marins. En outre, un second MoU a été signé dans le domaine spatial, pour fournir à Jakarta un satellite militaire.

Scorpene Bresil Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Le Scorpene a été choisi par 4 marines mondiales, au Chili, en Malaisie, en Inde et au Brésil.

Le succès du Rafale aujourd’hui sur la scène internationale résulte de plusieurs facteurs concomitants. En premier lieu, l’avion de Dassault Aviation peut s’enorgueillir d’un excellent bilan opérationnel, tant aux mains des pilotes de l’Armée de l’Air que de l’Aéronautique navale, y compris en zone de combat. D’autre part, si le Rafale n’a jamais été engagé en zone de combat de haute intensité, il s’est montré très efficace lors de ses engagements opérationnels, avec certaines missions à longue distance particulièrement remarquables, qu’il s’agisse des engagements au dessus du Mali ou de l’opération Hamilton qui élimina les installations chimiques militaires syriennes en 2018. En outre, ses dernières versions, qu’il s’agisse de la F3, F3R et de la future version F4, lui confère une polyvalence exceptionnelle, et des capacités proches de celles des appareils de 5ème génération. Enfin, les tensions internationales en forte hausse, ainsi qu’une nouvelle forme de course aux armements, ont sensiblement fait évoluer la demande en matière d’avions de chasse à hautes performances dans le Monde.

D’ailleurs, et en dépit du succès incontestable du F-35 notamment en Europe, on peut s’attendre à ce que le Rafale enregistrent de nouvelles commandes dans les mois à venir, en particulier venant d’Inde. En effet, le chasseur de Dassault jouit, dans ce pays, de nombreux atouts, avec un soutien non feint des forces aériennes indiennes pour accroitre en volume sa flotte de 36 appareils, mais également du fait de considération plus technologiques et budgétaires. De fait, pour de nombreux spécialistes de La Défense indienne, le Rafale est considéré comme le favori aussi bien pour la compétition visant à équiper les porte-avions du pays de 57 chasseurs embarqués modernes, que pour la compétition MMRCA 2 pour renforcer l’Armée de l’air par 114 chasseurs bombardiers modernes, et notamment remplacer les Jaguar et Mig-27, pour un volume total de 171 appareils en négociation. Si une telle commande venait à être officialisée, le Rafale aura non seulement surpassé le mirage 2000 en production et à l’exportation, mais également le Mirage F1 en matière d’exportation, en faisant le digne successeur du Mirage III pour Dassault Aviation.

Rafale india ravitaillement en vol Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
L’Inde est aujourd’hui le principal prospect de Dassault Aviation pour de nouvelles commandes de son Rafale, l’appareil jouissant d’une excellente image au sein de l’Indian Air Force

A noter que lors de l’annonce de ce nouveau contrat indonésien, la Ministre des Armées a précisé que celui-ci n’aurait aucune conséquence au sujet des commandes destinées à équiper les forces françaises. Le fait que ce point ait été soulevé indique que des interrogations sur le sujet ont été remontées jusqu’au cabinet de la Ministre, et méritaient éclaircissement. En dépit des assurances de la ministre, et comme nous l’avons déjà abordé, il est plus que probable que le format théorique de l’Armée de l’Air et de l’espace en matière d’aviation de chasse, soit 185 chasseurs visés, sera rapidement révisé à l’issue des élections présidentielles, et l’indispensable redaction d’un nouveau Livre Blanc. Dans ces conditions, il est probable que le succès actuel du Rafale sur la scène internationale handicapera, dans le présent contexte industriel, les possibilités de montée en puissance des forces aériennes françaises, sauf à réviser les paradigmes en cours.

Reste qu’en dépit de ces effets connexes, et de sa complexité apparente, le contrat signé avec l’Indonésie représente un remarquable succès pour l’industrie aéronautique de défense nationale, comme des équipes de négociation et plénipotentiaires françaises, qui ont engagé les premières négociations à ce sujet à Jakarta depuis 2015. Ce succès, parfaitement unique en Europe, devrait amener les autorités françaises mais également allemandes et espagnoles, à réviser certains paradigmes autour de la coopération européenne au sein du programme SCAF. En effet, Dassault Aviation, mais également Safran, Thales, MBDA et toute la technosphère industrielle Rafale, a démontré ces derniers fois son incontestable supériorité sur la scène internationale, y compris face au Typhoon européen. En outre, avec 7 pays utilisateurs internationaux pour 284 appareils, contre seulement 5 pays et 151 pour le Typhoon, la France dispose d’une assise commerciale internationale bien supérieure à celle de Berlin et Madrid dans ce dossier, d’autant qu’une grande partie des clients internationaux du Typhoon sont prioritairement liés à Londres et Rome, et non Berlin et Madrid.

SCAF 2 Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
La répartition industrielle au sein du programme SCAF est aujourd’hui basée uniquement sur les investissements relatifs des états, et non sur les compétences industrielles et le marché international potentiel de chacune des industries

En d’autres termes, que ce soit en terme de capacités technologiques et industrielles, et de capacités commerciales, la France est en mesure de justifier d’un potentiel avéré bien supérieur à l’Allemagne et l’Espagne réunis. De fait, la répartition industrielle actuellement mise en oeuvre, articulée autours des seules investissements consentis par les pays, et les éventuelles promesses d’acquisition d’appareils des Etats, n’est en rien représentative de la réalité industrielle et commerciale mise en évidence autour du Rafale. On comprend, dans ces conditions, les raisons qui amènent les industriels français, Dassault en tète, à avancer à pas de loup dans ce dossier. De toute évidence, il est temps de prendre conscience des réelles atouts de l’industrie et du savoir-faire national dans ce domaine, tant pour assurer le succès d’un programme SCAF que pour garantir la pérennité de ces compétences héritées de 70 années d’investissements nationaux, et non européens.

Florence Parly en Indonésie pour négocier la vente de Rafale et de sous-marins Scorpene ?

Depuis ce matin, la ministre des Armées française est à Jakarta en Indonésie dans un voyage de 2 jours qui revêt une importance stratégique pour la France et son industrie de Défense. Depuis deux ans maintenant, les négociations sont entamées entre Paris et Jakarta au sujet de l’acquisition de chasseurs Rafale pour les forces aériennes indonésiennes, et de sous-marins Scorpene pour la marine du pays, dans un vaste effort de modernisation des forces armées ayant donné lieux, ces derniers mois, à la commande de 6 frégates FREMM auprés de l’Italien fincantieri et de deux frégates Arrowhead 140 en construction locale auprés du britannique Babcock.

La commande de chasseurs Rafale par l’Indonésie a, à plusieurs reprises, été annoncée comme imminente dans la presse Française comme indonésienne, et donna lieu à de nombreux faux départs. Mais cette foi, il semble bien que le deplacement de Florence Parly ne se fasse pas à vide. En effet, selon le journaliste Michel Cabirol, particulièrement bien informé sur les questions d’industrie de défense, Jakarta aurait en effet déjà commandé 6 appareils à Dassault Aviation, utilisant pour cela le budget initialement prévu pour acquérir les 11 Su-35 russes visés par les sanctions américaines. Si l’information n’a pas été confirmée ni par Dassault ni par le Ministère des Armées, elle n’a pas non plus été démentie 24heures après sa publication , ce qui laisse supposer qu’elle est effectivement exacte, mais que l’industriel comme la ministre auraient largement préférés garder cette signature confidentielle jusqu’à nouvel ordre.

Su35 07rouge Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Jakarta a annoncé l’annulation de sa commande de Su-35, en grande partie du fait des menaces de sanction de la part des Etats-Unis en application de la législation CAATSA

En effet, il ne fait aucun doute que l’Indonésie vise un flotte d’appareil bien plus importante que seulement 6 Rafale, même si le pays est coutumier des micro-flottes, en particulier du fait des tensions croissantes avec Pékin en Mer de Chine du Sud. De fait, le deplacement de Florence Parly, qui plus est pour deux jours, a probablement pour objet de négocier un contrat bien plus important, on parle de 30 à 36 appareils, mais également les conditions de financement et de compensation économiques y attenant, avec l’objectif d’annoncer avant son départ une nouvelle commande ferme et significative d’un 7ème client international pour l’avion français. Le sujet est réputé particulièrement difficile du fait des attentes indonésiennes dans ce domaine, ces derniers ayant ainsi forcé la main de la Russie pour accepter une partie du paiement pour le contrat Su-35 (finalement annulé) en Huile de palme.

Pour autant, une nouvelle commande, même modeste, venant d’Indonésie, constituerait incontestablement un succès important pour Dassault Aviation et la Team Rafale, ainsi que pour les négociateurs du ministère des Armées et des affaires étrangères. En effet, l’Indonésie n’est pas, à l’instar de la Croatie, un utilisateur traditionnel des avions de combat français, sachant qu’il existe un véritable atavisme filial dans ce domaine pour les forces aériennes. Qui plus est, le pays, de part sa démographie et sa dynamique economique, promet de jouer un rôle croissant dans l’économie mondiale tout comme la géopolitique regionale, permettant à la France ne nouer es liens privilégiés avec une puissante émergente stratégique sur le théâtre indo-pacifique, lui aussi pour le moins stratégique pour Paris. Enfin, à l’instar de l’Inde, l’Indonésie, depuis Soekarno, est un pilier de la posture des pays non-alignés, et le fait que la pays choisisse, comme New Delhi, le Rafale pour la modernisation de ses forces aériennes, portera incontestable un puissant message politique vers les autres pays ne souhaitant pas entrer dans une vision dichotomique du monde imposée par Washington, Pékin et Moscou.

vbk rafale Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
De part sa polyvalence, son important rayon d’action et sa grande capacité d’emport, le Rafale répond parfaitement aux spécifiés opérationnelles de La Défense de l’archipel indonésienne

Au delà du Rafale, le ministre indonésien de La Défense, Prabowo Subianto, avait signifié lors de sa visite à Paris en janvier 2020, son intérêt pour les sous-marins Scorpene. Contrairement aux négociations autour du Rafale, celles concernant la possible vente de ces sous-marins par la France ont été particulièrement discrètes, au point qu’il est impossible, au delà de l’interprétation de certaines indiscrétions, de savoir si le sujet est toujours actif. Pour autant, la Marine indonésienne ne met en oeuvre aujourd’hui que 4 sous-marins, un type 209 acquis auprés de l’Allemagne, et 3 sous-marins de la classe Nagapasa acquise auprés de la Corée du Sud, elle aussi version export sous licence de ce même Type 209 allemand. En outre, en 2019, Jakarta et Séoul ont signé un accord pour la commande de 3 nouveaux sous-marins de ce type.

Pour autant, le Type 209 est aujourd’hui un sous-marin daté, dont le principal intérêt demeure dans son prix unitaire attractif de moins de 400 m$ pour la version sud-coréenne. En revanche, les navires ne sont plus aujourd’hui en mesure de faire face efficacement aux derniers modèles chinois, comme les sous-marins Type 039A/B/C de la classe Yuan bénéficiant d’une propulsion AIP, d’une acoustique évoluée et d’excellents senseurs. De fait, l’hypothèse de voir Jakarta acquérir, aux cotés de ses 6 sous-marins sud-coréens, 2 ou 3 sous-marins de génération ultérieure, comme le Scorpene, est loin d’être inenvisageable, d’autant que deux de ses voisins, la Malaisie et l’Inde, mettent également en oeuvre ce modèle avec succès.

LINS Kalvari premier Scorpene de la marine indienne Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
L’Inde met en oeuvre 4 sous-marins de la classe Kalvari de type Scorpene construits localement, et deux autres unités sont en cours de livraison.

Dans ce dossier, deux questions restent cependant posées, celle du financement d’une telle commande, qui plus est aux cotés d’une commande de Rafale, et la volonté évidente affichée de diversifier ses partenaires en matière d’armement, pouvant amener le pays à se tourner vers le Type 214 allemand voire le A-26 suédois pour ses besoins. Quoiqu’il en soit, il faudra de toute évidence attendre demain pour une déclaration officielle levant le voile sur ses deux sujets, et plus globalement sur la coopération militaire et industrielle entre Paris et Jakarta dans les années à venir.

Déploiements de forces navales sans précédent en Méditerranée

En dépit des tentatives de médiation françaises et européennes, les tensions entre la Russie, l’Ukraine et l’OTAN ne cessent de s’intensifier ces derniers jours. Outre le déploiement ininterrompu de nouvelles troupes le long de la frontière ukrainienne en Russie, en Crimée et en Biélorussie, les armées russes auraient entrepris de déplacer la puissante 2ème armée combinée interarmes de la Garde, pilier du district militaire central, vers l’Ouest, ceci participant au renforcement massif constaté depuis plusieurs jours du dispositif offensif russe sur ses frontières occidentales. A ces déploiements de forces terrestres et aériennes, s’ajoutent désormais ceux de nombreuses unités navales, créant une tension inédite depuis la guerre froide en Méditerranée.

En effet, aux cotés de plusieurs frégates, corvettes, navires de renseignement et de débarquement, la Marine russe a déployé, ces dernières heures, ses 3 croiseurs lourds de la classe Atlant, désignée Slava par l’OTAN, en Méditerranée orientale, ou ces 3 navires, parmi les plus puissantes unités de surface combattante existantes, font face à une flotte de l’OTAN organisée autour du déploiement simultané de 3 porte-avions, l’USS Harry Truman de l’US Navy, le Cavour de la Marine Italienne, et le Charles de Gaulle de la Marine Nationale, escortés par une dizaine de destroyers et frégates, et par plusieurs sous-marins, créant de fait la plus intense concentration de forces navales depuis la première guerre du golfe, ou les heures les plus sombres de la Guerre Froide.

SLava Marshal Uztinov Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Le croiseur Marshal Ustinov en décembre 2019 après sa modernisation terminée en 2016. Remarquez les silos pour les missiles antinavires P-1000 Vulkan donnant au navire une silhouette caractéristique

En cas de confrontation, les deux forces navales auraient très probablement une mission identique, à savoir de contrôler, potentiellement, l’accès à la Mer Noire, et la possibilité de déplacer des unités navales vers et ou hors de cette mer au coeur de la crise entre la Russie et l’Ukraine. Les croiseurs Slava, long de 186 mètres pour un deplacement de 11.500 tonnes, sont dotés d’une puissance de feu redoutable avec 16 missiles anti-navires supersoniques P-1000 Vulkan d’une portée de 300 nautiques, et conçus spécifiquement pour éliminer les grandes unités navales comme les porte-avions et navires amphibies. En outre, chaque navire dispose d’une importante capacité de déni d’accès aérien, avec le puissant radar 3D Top Pair, et 60 missiles S-300F, version navale du S-300P, d’une portée de 90 km et capables d’atteindre des cibles jusqu’à 25 km d’altitude, complétés par 40 missiles d’auto-défense OSA-M, un canon bi-tubes de 130 mm et 6 systèmes antimissiles CIWS AK-630 de 30mm.

Pour autant, les Atlant sont des navires anciens. Ils n’ont pas été modernisés avec autant d’attention que le croiseur nucléaire Admiral Nakhimov de la classe Kirov. De fait, la majorité des systèmes embarqués sont parfaitement connus de longue date des forces occidentales, qui savent s’en prémunir, en particulier pour les forces aériennes embarquées à bord des 3 porte-avions de l’OTAN déployés dans cette zone. En outre, les forces navales occidentales bénéficient de la proximité de nombreuses bases aériennes alliées dans la région, alors que la Russie ne peut compter que sur la présence de la base de Khmeimim en Syrie pour offrir une couverture aérienne à sa flotte. Dans ces conditions, au delà de la démonstration de force, il est peu probable que la Russie recherche effectivement autre chose que le rapport de force de façade dans ce déploiement, la puissance effective de sa flotte méditerranéenne n’étant pas en capacité de se mesurer à la puissance combinée des forces aériennes et navales de l’OTAN présentes dans la zone.

Carriers Charles de Gaulle R91 Harry S. Truman CVN 75 and Cavour 550 underway in 2013 Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Les porte-avions nucléaires Charles de Gaulle et USS Harry Truman, et le porte-aéronefs Cavour, mènent un vaste exercice naval en Méditerranée simultanément au déploiement des 4 croiseurs Slava russes

Ce déploiement de force, valant d’une certaine manière provocation, offre toutefois de nouvelles perspectives quant à la présente posture des forces russes à la frontière ukrainienne. Il est en effet très peu probable que le Kremlin n’accepte la perte inéluctable de 3 de ses plus importantes unités navales en cas de confrontation, avec par ailleurs très des chances infimes d’infliger des dégâts significatifs à la flotte de l’OTAN, comme il est très improbable que Moscou ignore la réalité de ce rapport de force naval plus que défavorable en Méditerranée aujourd’hui. En outre, en cas d’invasion de l’Ukraine, il est plus que plausible que la Turquie fermera l’accès à la Mer Noire, alors que la flotte de l’OTAN empêchera tout autre mouvement aux croiseurs russes, les obligeants au mieux à rejoindre le port syrien de Tartous et ainsi sortir de l’équation opérationnelle. Dès lors, en dépit de toute la symbolique médiatique portée par l’arrivée de ces 3 navires majeurs en Méditerranée, leur présence laisse supposer que le Kremlin, malgré sa rhétorique du moment, n’envisagerait apparemment pas le recours à la force militaire à court terme en Ukraine, et encore moins la confrontation avec l’OTAN en Méditerranée.

En effet, dans le cas contraire, Moscou aurait elle même enfermée ses 3 croiseurs dans une souricière, sans aucune échappatoire possible, et ce pour un avantage opérationnel presque inexistant. Il ne s’agit donc, dans ce cas précis et selon toute probabilité, que d’accroitre la pression et la narrative de confrontation portée par Vladimir Poutine, parfaitement mise en scène lors de la conférence de presse commune avec le président français. Reste que l’accroissement des démonstrations de force de la part de Moscou menace sans conteste la sécurité sur le vieux continent, bien au delà de l’Ukraine, et tend à enflammer les esprits et les opinions publiques, comme le montre les réactions irrationnelles portées parfois par des experts reconnus en Europe et outre Atlantique quant à l’initiative portée par Emmanuel Macron. De manière sensible, il apparait désormais qu’une partie de cette opinion publique en est arrivée à accepter, et parfois même à souhaiter l’hypothèse d’une confrontation entre la Russie et l’occident. D’une certaine manière, à la lumière des reseaux sociaux, la présente situation ressemble bien davantage à celle qui présidait au printemps 1914 qu’à une quelconque analogie avec la seconde guerre mondiale. Et c’est bien inquiétant…

Un nouveau modèle de sous-marin chinois fait son apparition

A l’instar de la Russie, la Chine développe une flotte sous-marine mixte, composée simultanément de submersibles à propulsion nucléaire, et de navires à propulsion conventionnelle. Aujourd’hui, cette flotte conventionnelle se compose principalement de sous-marins de Type 039, formant les classes Song (Type 039, 13 unités) et la classe Yuan, intégrant cette fois une propulsion anaérobie AIP, et décomposée en 3 sous-classes Type 039A/B/C. Selon la planification officielle de Pékin, les forces navales chinoises disposeront de 42 sous-marins de la classe Yuan en 2025, pour une flotte de sous-marins conventionnels d’une soixantaine d’unités. Pour autant, le suivi de la constitution de cette flotte sous-marine chinoise est particulièrement difficile, les navires étant construits et testés loins des regards, et la censure chinoise étant de plus en plus sévère sur le sujet, y compris sur les réseaux sociaux.

Ce qui est vrai pour la flotte sous-marine conventionnelle chinoise l’est d’ailleurs également concernant la flotte sous-marine nucléaire, et l’est encore davantage concernant la conception de nouveaux modèles de submersibles. C’est ainsi qu’en 2018, des clichés satellites montrèrent pour la première fois un nouveau modèle de sous-marin à propulsion conventionnelle selon tout vraisemblance. Fait interessant, le navire était dépourvu de kiosque, du nom de la superstructure qui permet, entre autres choses, de mettre en oeuvre les mats périscopiques ainsi que de mener les manoeuvres en surface avec une meilleure visibilité. En l’absence de déclinaison opérationnelle observée jusqu’ici, ce prototype ne constituait toutefois pas une nouvelle classe, et sa désignation officielle reste à ce jour inconnue en occident.

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Les premiers clichés du modèle de sous-marin chinois sans kiosque sont apparus à l’automne 2018

Il semble que les ingénieurs navals chinois aient une nouvelle fois réitéré la manoeuvre, puisqu’une courte video publiée sur les reseaux sociaux chinois il y a peu, montre un tout nouveau modèle de sous-marin à la mer. Une nouvelle foi, cette révélation a surpris même les experts les mieux informés sur le sujet, tous considérant jusqu’ici que le Type 039C et son kiosque en losange similaire à celui des A26 Blekinge suédois, était le dernier modèle de sous-marins à propulsion conventionnelle développé par Pékin. Selon les estimations faites par H.I Sutton, le plus reconnu de ces experts occidentaux sur la place publique, le nouveau submersible est toutefois bien plus court que les Yuan, avec une longueur estimée autour de 50 m, contre 77 mètres pour le Type 039A. En outre, les barres de plongée, positionnées sur le kiosque sur l’ensemble des Type 039, ont étaient déplacées en amont de celui-ci, dans une position proche de celle du sous-marin sans kiosque (et pour cause), mais également du mini-sous-marin MS200 de 30 mètres de long et de 200 tonnes de deplacement en plongée, spécialisée dans les missions de forces spéciales et commandos.

Autre fait interessant, le gouvernail semble particulièrement dimensionné sur le nouveau submersible, à l’instar de celui des Type 039A, et bien plus grand que celui des derniers Type 039C. D’ailleurs les barres de plongée semblent elles-aussi imposantes au prorata de la taille du sous-marin, en particulier une fois comparées à celles du Type 039C. Le kiosque, enfin, apparait remarquablement étroit, et reprend la forme d’un aileron de requin, très différente de celles retenues sur tous les modèles Type 039, mais une fois encore, relativement proche de celle du MS200. Selon ce même expert, enfin, le navire serait de type simple coque, l’ensemble de ces éléments pointant davantage vers un navire à vocation de lutte anti-sous-marine côtière, soit destiné à des missions d’infiltration, de renseignement voire de sabotage, comme le MS200, mais susceptible d’emporter davantage de personnels et de capacités offensives.

PLAN Type 039C Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Le Type 039C Yuan arbore un kiosque en losange caractéristique, destiné à accroitre sa furtivité radar en surface selon les spécialistes.

Au delà de ces considérations, et de la possible apparition d’une nouvelle classe de sous-marins potentiellement conçue pour infiltrer les défenses côtières taïwanaises, cette découverte invite à considérer avec prudence ce que l’on pense savoir, au sein de la communauté internationale défense, au sujet des programmes industriels chinois en cours et à venir. De toute évidence, Pékin est capable de mener des programmes de grande envergure de manière totalement opaque vis-à-vis du domaine publique, et ce qui est vrai pour les sous-marins, l’est également, sans le moindre doute, pour d’autres domaines, comme celui des drones, des avions de combat, des blindés ou encore des missiles de tous types. En d’autres termes, le consensus actuel autour des projections d’évolution de la puissance militaire chinoise à court, moyen et long termes, pourrait souffrir de biais sévères, comme ce fut le cas concernant la Russie et l’apparition inattendue de missiles hypersoniques opérationnels en 2019.

missile DF17 70eme anniversaire Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
La présentation du missile hypersonique DF-17 fut une surprise en occident

Rappelons, à ce titre, que la construction de trois sites majeurs destinés à accueillir des missiles nucléaires intercontinentaux dans le nord de la Chine, n’a été révélée l’été dernier que grâce à l’acharnement de quelques spécialistes en analyse de photos satellites. De même, en 2019, lors des célébrations des 70 ans de la création de la République Populaire de Chine, les observateurs internationaux eurent la surprise de constater que Pékin disposait de deux drones de combat opérationnels, l’un furtif et l’autre supersonique, ainsi que d’un missile balistique coiffé d’un planeur hypersonique, le DF-17. Dans le domaine aérien, l’existence du programme J-35, nom temporaire donné au nouveau chasseur furtif embarqué chinois, n’a été confirmée que lorsque des clichés montrant l’appareil lors de son premier vol furent diffusés. De fait, il semble plus que raisonnable et prudent de considérer que les projections actuelles concernant l’évolution de la puissance militaire chinoise, sont en fait des projections par défaut, et qu’il est probable qu’elles soient sensiblement en retrait vis-à-vis des plannings, technologies et ambitions réels de Pékin dans ce domaine pour les années à venir.

Le Japon s’engage dans le developpement d’un canon à micro-onde

Contrairement aux pays européens, le Japon a largement anticipé les évolutions stratégiques qui amenèrent aux bouleversements et tensions que nous connaissons aujourd’hui. Ainsi, Tokyo a relancé les investissements dans sa propre défense depuis 2013, après avoir cédé, comme ses homologues occidentaux, aux sirènes des bénéfices de la paix entre 2000 et 2012, avec un effort défense en diminution passant de 4,83 Tr yen à 4,65 Tr yen durant cette période, pour remonter à 5,5 Tr Yen, soit plus de 47 Md€ en 2022. Les autorités nippones ont même indiqué, à l’occasion de la presentation du budget 2022 de la Défense, qu’elles n’excluaient pas l’hypothèse d’amener l’effort de défense de l’archipel à 2% de son PIB, contre 1,1 % aujourd’hui, afin de répondre à l’intensification des menaces auxquelles elles pourraient devoir faire face.

Ce regain de crédits permit aux forces armées nippones d’engager simultanément plusieurs ambitieux programmes de modernisation de leurs forces et équipements. Ainsi, les forces aériennes ont passé commande de 146 chasseurs de 5ème génération F-35A et F-35B, alors que les forces terrestres modernisaient leur artillerie et une partie de son parc blindé. Les forces navales d’auto-défense nippones connaissent, quant à elles, une modernisation à marche forcée sans équivalent, avec, outre l’entrée en service de 8 destroyers Aegis Lourds des classes Kongo, Atago et Maya, la livraison de 19 sous-marins classe Soryu et Taigei, de 22 frégates de la classe Mogami, ainsi que la transformation des deux destroyers porte-hélicoptères de la classe Izumo en porte-aéronefs capables de mettre en oeuvre le chasseur embarqué F-35B.

mogami Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Les chantiers navals nippons lancent désormais 2 frégates de la classe Mogami chaque année, avec l’objectif de livrer 22 navires d’ici 2030.

Parallèlement, Tokyo s’est engagée dans un effort sans précédent pour developper de nouveaux systèmes d’arme modernes. Au delà du médiatique programme F-X visant à developper un chasseur moyen de 5ème génération, l’industrie nippone a entrepris le developpement de missiles anti-navires et de croisière, mais également celui de systèmes d’arme très innovants, comme les missiles hypersoniques et les canons électriques, ou rail gun. De toute évidence, les ambitions japonaises dans ces domaines de pointe ne cessent de croitre, puisque la presse nippone a révélé que Tokyo avait lancé le developement d’un canon à micro-onde, intégrant une ligne de crédit de 7,2 Md Yen dans le budget 2022 de la Défense à cet effet.

A l’instar des laser à haute-énergie, les canons à micro-onde sont des armes à énergie dirigée, projetant un faisceau d’énergie vers la cible à neutraliser, sous la forme d’un rayonnement micro-onde concentré destiné à détruire les systèmes électroniques embarqués de celle-ci. Cette technologie, par ailleurs activement développée aux Etats-Unis par l’US Army et l’US Air Force, trouve sa principale application dans la destruction des drones, en particulier lorsque ceux-ci évoluent en essaim, le rayonnement micro-onde détruisant efficacement et rapidement les circuits imprimés et microprocesseurs de ses cibles au sein d’un espace aérien beaucoup moins réduit que celui touché, par exemple, par un rayon laser, permettant effectivement de venir à bout d’une attaque massive de drones visant à saturer les défenses adverses.

THOR Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
L’US Air Force est à la pointe dans le developpement de canon à micro-onde avec le programme THOR

De manière plus étonnante, la presse nippone indique que ces travaux viseraient également à renforcer le bouclier anti-missile du pays, notamment face aux missiles balistiques nord-coréens. Cette utilisation du canon à micro-onde semble toutefois plus que sujette à caution, la portée efficace d’un tel dispositif étant relativement limitée du fait de la difficulté physique à concentrer les micro-ondes dans un rayon étroit, à l’instar du laser, ceci engendrant une diminution rapide de l’efficacité du système dès lors que la portée s’accroit. Or, eu égard à la vitesse d’un missile balistique en phase terminale, mais également au blindage qui entoure ses propres systèmes de guidage et de controle, l’utilisation d’un canon micro-onde pour contrer ces menaces semble très hypothétique.

Reste que, au delà de ces déclarations étonnantes, il apparait que le Japon s’engage activement dans une certaine forme de course aux armements afin de developper, en propre, des technologies de défense très avancées. Face aux menaces croissantes représentées par la Chine, la Corée du Nord mais également la Russie, Tokyo a de toute évidence fait le choix de renforcer très sensiblement ses capacités défensives et dissuasives, et ce en dépit de la protection conférée par ses accords de défense avec les Etats-Unis, et d’une constitution pour le moins contraignante. En outre, le pays dispose d’une marge de progression budgétaire confortable pour répondre aux évolutions géopolitiques, et une opinion publique bien moins rétive dans ce domaine que ne peut l’être, par exemple, celle de l’Allemagne. Dans ces conditions, et eu égard aux efforts consentis, il est probable que la posture géostratégique nippone soit appelée, dans les années et décennies à venir, à considérablement évoluer, bien au delà de la seule puissance économique qui est la sienne aujourd’hui.

La corvette Gowind 2500 de Naval Group toujours favorite dans la competition grecque

Après l’italien Fincantieri avec une version allégée des frégates légères de la classe Doha, et Lockheed-Martin avec la sempiternelle MMSC, c’est désormais au tout du britannique Babcock de tenter de s’inviter dans la compétition grecque pour construire localement 5 corvettes à destination de la marine Hellénique. A l’instar de l’américain Lockheed-Martin, Babcock propose à Athènes le même navire que celui proposé dans le cadre de compétition « Frégate » qui vit le succès de la FDI Belharra, en l’occurence une version moins bien armée et équipée de sa frégate ArrowHead 140 de 5.700 tonnes qui a été retenue par la Royal Navy pour la classe Type 31, avec pour argument principal un prix unitaire inférieur à 500 m€ selon les informations recueillies par la presse hellénique. Pour l’heure, cependant, aucune proposition formelle britannique n’a été transmise aux autorités grecques, ces dernières ayant par ailleurs indiquées que dans tous les cas, la décision finale concernant ce contrat sera annoncée d’ici la fin du mois de mars.

Toutefois, à l’instar de la proposition italienne et américaine, cette nouvelle offre britannique n’a que peu de chances d’être retenue par Athènes, alors que la compétition semble plus que jamais s’orienter vers un affrontement entre la Sigma 10514 du néerlandais Damen, et la corvette Gowind 2500 du français Naval Group, toutes deux affichant un prix de 2 Md€ pour 5 unités construites dans les chantiers navals grecs, et des capacités opérationnelles sensiblement proches, là ou américains, britanniques et italiens, avec des navires plus imposants, ne peuvent proposer que 4 navires pour ce tarif, sans avantage opérationnel net à faire valoir.

Arrowhead140 Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires

Selon la presse grecque, c’est bien la Gowind 2500 qui aujourd’hui semble avoir les faveurs d’Athènes. En effet, la corvette française bénéficie d’un atout de taille pour s’imposer, sa « compatibilité » avec les 3 frégates FDI Belharra déjà commandées. Outre le fait que les navires pourront collaborer plus efficacement du fait de leur ADN commun, de nombreux systèmes équiperont simultanément les deux classes, permettant d’en simplifier la maintenance mais également la formation des équipages et personnels techniques. En outre, et c’est loin d’être négligeable, les navires grecques pourront plus aisément collaborer avec ceux de la Marine Nationale, alors que Paris et Athènes se sont engagés dans une coopération militaire et stratégique avancée.

FDI HN Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires

Qui plus est, toujours selon cette même source, la Marine grecque semble déterminée à libérer l’option posée concernant une quatrième frégate FDI, de sorte à disposer d’une flotte homogène plus efficace. Pour cela, il semble même qu’elle soit prête à renoncer à la modernisation de ses 3 frégates Meko 200HN de la classe Hydra, pourtant longtemps posée comme partie prenante des négociations avec les industriels européens et américains dans ce dossier. Il est vrai que, pour Athènes, le principal sujet de préoccupation provient de son turbulent voisin turc, qui est engagé dans un important effort de modernisation de sa propre flotte, avec la construction de 6 sous-marins AIP Type 214 de la classe Reis, ainsi que celle des frégates et destroyers issus du programme MILGEM, obligeant Athènes à faire preuve de beaucoup de clairvoyance dans ses propres programmes navals.

Quoiqu’il en soit, les arbitrages seront désormais menés rapidement par Athènes concernant ces deux sujets, et ce d’autant qu’une fois la modernisation de sa flotte militaire sur les rails, les autorités grecques devront s’atteler à un autre dossier complexe et ambitieux, la modernisation du parc blindé de sa force terrestre, aujourd’hui pour l’essentiel frappé d’obsolescence. Dans ce domaine également, la France pourrait représenter un partenaire de choix, en particulier dans le segment médian avec les nouveaux blindés du programme SCORPION qui entrent en service au sein de l’Armée de Terre comme les VBMR Griffon et Serval et le char léger EBRC Jaguar, mais également avec le canon automoteur CAESAR, tous particulièrement bien adaptés au théâtre d’opération grecque, que ce soit pour la défense insulaire comme pour celle des plaines de Thrace orientale. Et comme ce fut le cas concernant les efforts de Paris au sujet des Rafale grecs le choix des Belharra, il est probable que là aussi, les efforts potentiel consentis par la France pour répondre aux besoins et contraintes d’Athènes dans le domaine des corvettes, pourront jouer un rôle significatif concernant ces futurs appels d’offres.

Le chancelier allemand Olaf Scholz discutera du F-35 à Washington la semaine prochaine

Si aucune annonce officielle n’a encore été faite à ce sujet par la nouvelle équipe dirigeante à Berlin, il semble bel et bien, à la vue des nombreuses indiscrétions convergentes obtenues par diverses sources de presse dans le pays, que l’Allemagne se dirige chaque jour davantage vers l’acquisition d’une flotte restreinte de F-35A américains afin de remplacer ses Tornado frappés d’obsolescence pour mener la mission de partage nucléaire de l’OTAN. Et à en croire une dépêche de l’agence Reuters, le sujet sera même abordé pas plus tard que la semaine prochaine par Olaf Scholz avec son homologue américain à l’occasion de la visite du chancelier allemand aux Etats-Unis.

L’hypothèse qui semble se dessiner aujourd’hui consisterait à remplacer la quinzaine de Tornado spécialisés dans la mission de bombardement nucléaire de la Luftwaffe par des F-35A aptes à porter la nouvelle version de la bombe nucléaire B-61-Mod12, et d’en mutualiser la mise en oeuvre et la maintenance avec les Pays-Bas, eux-mêmes ayant commandé 46 de ces appareils pour remplacer leurs F-16 C/D. Cela permettrait de en oeuvre une micro-flotte dans des conditions acceptables tant du point de vue budgétaire qu’opérationnel, d’autant qu’Amsterdam comme Berlin participent à la mission de partage nucléaire de l’OTAN. Les Tornado ECR de la Luftwaffe, quant à eux, seraient remplacés non pas par des EA-18G Growler comme initialement prévu, mais par une nouvelle version spécialisée dans la guerre électronique et la suppression des défenses anti-aériennes du Typhoon. Enfin, dans cette hypothèse, il est probable que la commande de nouveaux Typhoon sera portée à 60 appareils, contre 45 initialement prévu, pour remplacer le second escadron de Super Hornet que devait commander Berlin selon le plan de l’ancienne ministre de la Défense, Annegret Kramp-karrenbauer, à moins que Berlin ne décide d’acquérir 2 escadrons de F-35A, soit 30 appareils, plutôt qu’un, de sorte à disposer d’une flotte plus aisée à maintenir.

tornado nuke Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Le remplacement des Tornado dédiés à la mission de partage nucléaire de l’OTAN est aujourd’hui une priorité pour la Luftwaffe

Il est d’ailleurs très probable que le nouveau gouvernement allemand ne tarde pas à arbitrer dans ce dossier. En effet, l’image de l’Allemagne sur la scène internationale, et son poids relatif au sein de l’OTAN, ont été largement écornés ces dernières semaines par les atermoiements de Berlin au sujet de la crise russo-ukrainienne. Entre le refus de livrer des armes, ou simplement d’autoriser à ses clients de livrer des armes d’origine allemande, à Kyiv, et l’intense lobbying mené par l’ancien chancelier Gerhard Shröder, aujourd’hui vice-prédisent du géant gazier russe Rosneft, contre de possibles sanctions à l’encontre du gazoduc Nord Stream 2, de nombreux alliés de l’OTAN, y compris les plus germanophiles, ont émis des réserves sur la fiabilité de Berlin en tant qu’allié. Il est donc probable qu’Olaf Scholz cherche, par ce moyen, à redorer le blason de l’Allemagne au sein de l’Alliance Atlantique, en rejoignant le très clivant club F-35.

La bascule de Berlin en faveur du F-35 ne représenterait alors qu’une des nouvelles commandes prochaines de l’avion américain par des forces aériennes européennes. En effet, la République tchèque, mais aussi la Roumanie et la Grèce, ont annoncé leur intention de se doter de l’appareil de Lockheed-martin. Quand à l’Espagne, si elle a officiellement démenti s’intéresser au F-35 pour remplacer ses F-18, il est probable que le changement de posture de Berlin à ce sujet entrainera une révision des positions de Madrid, d’autant que le F-35B à décollage et atterrissage vertical ou court représente la seule alternative pour remplacer ses AV-8B Matador à bord de son porte-aéronefs. En outre, il semble que certains des handicaps qui touchaient l’appareil, comme certaines malfunctions critiques, aient trouvé désormais solutions, de sorte qu’il parvienne à presenter une meilleure disponibilité.

F35B de lUS Marines Corps au decollage dun LHD Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
Le F-35B est la seule alternative pour l’Espagne afin de maintenir une capacité de chasse embarquée

Le changement de cap de Berlin aura également, sans le moindre doute, des conséquences sur la coopération franco-allemande en matière de défense, en particulier au sujet du programme SCAF. En effet, pour Emmanuel Macron comme pour Angela Merkel, à l’origine de ce programme, le F-35 était perçu avant tout comme le fossoyeur de l’industrie aéronautique de défense européenne. Et le fait est, aujourd’hui, il s’impose non seulement pour remplacer les F-16 et F-18 acquis far certaines forces aériennes européennes auprés des Etats-Unis, mais également une partie des Gripen et Typhoon actuellement en service. De fait, l’achat probable, et d’une certaine manière parfaitement légitime du point de vue de Berlin, du F-35A pour maintenir la place centrale de l’Allemagne dans le partage nucléaire de l’OTAN, sera un nouveau facteur de friction pour le programme SCAF, déjà largement handicapé par des postures antagonistes tant industrielles qu’opérationnelles entre Paris et Berlin.

Ce basculement pourrait également marquer la fin de la production du F/A -18 Super Hornet de Boeing, pour qui la commande allemande représentait une bouffée d’oxygène afin de maintenir en activité la ligne d’assemblage de Saint-Louis, et ce d’autant que l’US Navy, de son coté, n’a plus l’intention de commander de nouveaux appareils, pas davantage que de nouveaux Growler. Aprés les échecs en Suisse, Finlande, Espagne et Canada, le changement de position de Berlin marquera donc incontestablement le glas de cet appareil. Notons au passage que, de manière détournée, cet arbitrage renforcera considérablement la proposition française en Inde pour équiper les porte-avions indiens de Rafale, l’avion de Dassault Aviation ayant, quant à lui, un avenir radieux devant lui avec un carnet de commande bien rempli garantissant une production pour une dizaine d’années. Ce critère offre en effet simultanément souplesse et securité à l’acquéreur, facteurs dont le Super Hornet se voit priver par l’abandon probable de la commande allemande.

Rafale Francais et F35A Americain au point dattente Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
En dépit de ses indiscutables qualités notamment en terme de polyvalence et de capacités d’emport, le Rafale n’est pas perçu, par de nombreuses forces aériennes européennes, comme une alternative au F-35.

Reste que le succès actuel et à venir du F-35 en Europe, en dehors du cas spécifique allemand lié à une stratégie américaine parfaitement assumée faisant du Lighting II le seul appareil capable d’emporter la nouvelle bombe nucléaire B-61-Mod12, devrait inviter les avionneurs européens, en particulier Dassault Aviation, à s’interroger sur la pertinence et l’exhaustivité de leur offre, notamment vis-à-vis de nombre de pays qui rechignent à s’équiper de chasseurs bimoteurs. Avec un F-35A offrant, objectivement, des performances supérieures au Gripen E, pour un prix d’acquisition sensiblement équivalent, et en dépit d’un cout de maintenance prohibitif qui, de toute évidence, ne dissuade personne, Lockheed s’impose sur tous les marchés européens, ne laissant que des miettes aux avionneurs européens, le Rafale étant dans ce domaine l’avion qui s’en sort le mieux, mais uniquement grâce à la vente d’appareils d’occasion.

Dans ce contexte, un programme SCAF ne visant que la conception d’un chasseur moyen-lourd par nature onéreux à l’achat comme à la mise en oeuvre, constitue aujourd’hui une entrave prévisible à l’autonomie stratégique européenne tant vantée en particulier en France, puisque l’immense majorité des forces aériennes européennes seront dans l’incapacité budgétaire de se tourner vers cet appareil. En outre, le calendrier du programme, visant une entrée en service à la fin de la prochaine décennie, risque fort de constituer une faiblesse critique pour son avenir, alors que les tensions ne cessent de croitre aujourd’hui même en Europe, et que tous se tournent désormais vers des solutions à court ou moyen terme pour répondre à la pression opérationnelle. De fait, et à l’instar d’un autre programme pourtant emblématique de Dassault Aviation, le Super mirage 4000, le SCAF pourrait bien arriver trop tard, sur un marché déjà en parti saturé des solutions américaines à base de F-35 et de NGAD, et pour un prix le réservant à une élite restreinte de nations.

SCAF 2 Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Constructions Navales militaires
De part son cahier des charges, le NGF du programme SCAF sera un appareil lourd et onéreux, le mettant hors de portée d’une majeure partie des forces aériennes européennes.

Dès lors, comme nous l’avons déjà abordé, l’intégration d’un volet « chasseur monomoteur 5G » au programme SCAF, sur un délai raccourci visant une entrée en service en 2030, et visant un tarif d’acquisition et d’utilisation accessible pour des pays aux moyens limités, constituerait aujourd’hui, incontestablement, la meilleure réponse que pourrait apporter la France, mais également certains partenaires européens potentiellement susceptibles de trouver leur intérêt dans un tel programme pour developper ou pérenniser leur propre industrie aéronautique, comme la Grèce, la Roumanie, la République Tchèque, trois pays qui aujourd’hui veulent se tourner vers le F-35, mais aussi le Portugal et la Suède, tout en permettant à l’industrie aéronautique française de réinvestir son domaine de prédilection, les chasseurs monomoteurs à hautes performances qui firent son succès international. De toute évidence, il est bien plus constructif et efficace de s’interroger sur les réponses à apporter au succès du F-35 en Europe, plutôt que de maugréer sans fin sur les raisons, bonnes ou mauvaises, qui font ce succès.