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La fulgurance du déploiement de force Russe frappe d’obsolescence les paradigmes sécuritaires européens

En avril dernier, les forces armées russes avaient déployé en deux mois de temps plus de 100.000 hommes le long des frontières ukrainiennes, créant d’importantes tensions régionales. Mais en l’absence de certaines observations, comme l’assemblage massif de Battalion Tactique Inter-armes, le format de combat des unités russes comparable aux Groupement tactique Inter-armes français, de stocks suffisants de munitions et de carburant, du pré-positionement de forces de soutien comme les hôpitaux de campagne, cette démonstration de force ne permit pas au Kremlin de convaincre les occidentaux de la réalité de la menace. Pour autant, ce déploiement de forces n’engendra pas de modifications sensibles des postures défensives en Europe et au sein de l’OTAN, ces derniers estimants encore que si la Russie pouvait s’engager dans ce type de manoeuvre, elle ne pouvait pas assembler et mettre en oeuvre une force de combat significative dans la durée pour, par exemple, s’emparer de territoires importants.

Il ne fallut que 6 mois aux Armées russes pour démontrer aux planificateurs européens toute l’étendue de leur erreur. Alors que de novembre à décembre 2021, les armées russes déployèrent une force armée sensiblement similaire à celle déployée au Printemps, elles entreprirent, à partir de début janvier, de considérablement renforcer leur propre dispositif, qualitativement comme quantitativement. Aujourd’hui, selon les renseignements US transmis à l’OSCE, ce sont entre 170.000 et 190.000 militaires russes qui sont déployés le long des frontières ukrainiennes, formant 115 à 120 Bataillions Tactique Interarmes alignant au moins 1.200 chars de combat, appuyés de quelques 500 avions de combat, 50 bombardiers et 40 navires de guerre naviguant en Mer Noire, et protégés par pas moins de 35 des 50 brigades anti-aériennes de l’arsenal russe. En outre, l’ensemble des forces de soutien et d’exploitation sont en place, comme les unités de franchissement, les unités de forces spéciales, et les unités médicales avancées.

Su34 VKS Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Les forces aériennes russes ont déployé 500 chasseurs et chasseurs bombardiers à proximité immédiate de l’Ukraine, soit deux fois le nombre théorique d’avions de chasse disponible pour les Armées françaises.

De fait, si en début de crise en novembre 2021, une majorité des experts les plus reconnus sur la scène publique restaient prudents et circonspects quant aux objectifs réels du Kremlin, ils se sont très majoritairement rangés derrière l’hypothèse d’une offensive militaire contre l’Ukraine dépassant largement les seules frontières du Donbass, avec des similitudes de plus en plus marquées avec le déroulé des événements ayant précédés la guerre russo-georgienne de 2008. Pour autant, quelle que soit la conclusion de cette crise, le déploiement de force russe réalisé par le Kremlin aura très profondément changé l’ensemble des paradigmes sécuritaires en Europe mais également dans le Monde, appelant européens comme américains à réviser radicalement leurs doctrines militaires et leur propre planification défense.

La doctrine militaire française prévoit en effet d’être en mesure de déployer, sous 6 mois de délais, un Corps d’Armée de 60.000 militaires, mais dont seulement 20.000 hommes, une division, serait effectivement fournie par les armées françaises. Si cette doctrine permettait de répondre à l’émergence de crises typiques de la période post guerre-froide, elle présente d’importantes déficiences pour répondre au défi russe, notamment en terme de délais, puisqu’il ne fallut que 3 mois à la Russie pour déployer une puissance militaire homogène de 190.000 hommes, et de volume, les armées françaises n’étant capables de mettre en ligne que 10% des effectifs russes, alors que la population française n’est que de moitié inférieure à celle de la Russie, qui plus est avec une démographie bien plus favorable, et que la France est 30% plus riche que son voisin slave. En matière de chars de combat, Moscou a déployé le long des frontières ukrainiennes 1.200 chars de combat, soit 6 fois le nombre théorique de chars en service au sein de l’Armée de terre.

Armee de terre radio 1 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Bien qu’aguerries et expérimentées, les Armées françaises sont loin d’avoir un format répondant au défit posé aujourd’hui par la Russie en terme de sécurité, même en tenant compte de la coopération internationale au sein de l’OTAN et de l’UE.

La situation n’est guère meilleure dans le domaine du soutien, les armées russes ayant déployé le long des frontières ukrainiennes une force aérienne de chasse deux fois plus importante que l’ensemble de la flotte de chasse théorique française, et plus de navires de combat armés que n’en dispose la Marine nationale, pour la seule crise actuelle. Quand à la puissance anti-aérienne déployée par Moscou autour de l’Ukraine, elle est à elle seule 7 fois plus importante et dense que l’ensemble des systèmes anti-aériens en service dans les armées de l’UE et de l’OTAN déployés en Europe aujourd’hui. En d’autres termes, non seulement les armées françaises, à données macro-économiques comparables entre pays, sont incroyablement sous-dimensionnées face aux capacités de mobilisation de l’Armée russe, mais elles répondent à des objectifs et des délais n’étant plus en adéquation avec la réalité du théâtre européen. Sachant que les Armées françaises représentent aujourd’hui incontestablement la puissance militaire occidentale la plus opérationnelle du vieux continent, on comprend l’ampleur du défi posé par la fulgurance du déploiement russe.

Au delà du seul cas de la France, ce déploiement de force signale également à l’OTAN que ses propres paradigmes sont loi d’être suffisants pour contenir la seule menace conventionnelle russe aujourd’hui, et ce d’autant que, comme développé dans un article publié la semaine dernière, celles-ci auront une puissance militaire surmultipliée d’ici 2030, soit un battement de cil à l’échelle de la programmation militaire. Ainsi, si effectivement à l’échelle tactique, le rapport de force offensif se doit d’être 3 fois supérieur à celui du défenseur pour surpasser l’avantage défensif, l’équilibre des forces est largement préférable pour garantir une réelle posture défensive à l’échelon stratégique. En d’autres termes, pour répondre aux capacités de mobilisation actuelles des armées Russes, l’OTAN devrait être en mesure de mobiliser et déployer une force armée de 200.000 hommes et plus de 1.200 chars de combat en 3 mois de temps, 5 fois ses objectifs actuels.

Leclerc11 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Avec 200 chars Leclerc, l’Armée de terre ne disposera que de 10% des forces déployables par les armées russes d’ici 2030.

La situation est d’autant plus critique que le déploiement de force en Europe et l’assemblage de forces opérationnelles multinationales nécessitent des délais bien plus importants pour l’OTAN que pour la Russie, cette dernière s’appuyant sur un réseau ferré nationale bien maitrisé et des forces habituées à collaborer ensemble, en particulier depuis la reprise en main de Sergei Choïghou et A. Gerazimov en 2012 et les très nombreux exercices et inspections menés par les deux hommes depuis cette date. En outre, il semble de plus en plus hypothétique de s’appuyer dans la planification de l’OTAN sur d’éventuels renforts massifs venus des Etats-Unis et du Canada, en particulier sur des délais courts, alors que la montée en puissance chinoise concentrera l’essentiel des moyens américains dans les années à venir.

Il semble donc désormais indispensable, en France comme partout en Europe, et de manière collective au sein de l’Union européenne comme de l’OTAN, de procéder à une ré-évaluation radicale des objectifs, doctrines et de la planification défense, afin d’être en mesure de répondre à l’équilibre, et non à minima, à la réalité de la menace que font désormais peser les armées russes en Europe, et qui ne cessera pas d’augmenter dans les années à venir. En France, cela doit passer par la rédaction, dans les plus brefs délais une fois l’élection présidentielle passée, d’un nouveau Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale révisant en profondeur les objectifs confiés aux Armées, ainsi que les nouveaux formats et moyens dont elles devront disposer pour y parvenir. De part sa dissuasion nucléaire, et la campagne de tirs de missiles ICBM, SLBM, tactiques balistiques, croisière et hypersoniques menée par la Russie ce samedi montre qu’elle continue de jouer un rôle déterminant, son siège de Membre Permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unis, et son histoire récente, la France est en effet légitime pour ouvrir la voie aux européens dans ce domaine, et d’une certaine manière, montrer l’exemple par des actes et non des discours.

Le Japon va moderniser 68 de ses F-15J pour 5,6 Md$

Les négociations ont été longues et difficiles, mais elles ont fini par aboutir, puisque Tokyo vient d’annoncer la signature d’un contrat de 646,5 Tr de Yen, soit 5,6 Md€, pour moderniser 68 des quelques 200 F-15J encore en service au sein des forces aériennes d’autodéfense nippones. Le sort des 36 F-15DJ biplaces potentiellement modernisables restant n’a pas encore été statué, alors qu’une centaine de F-15 les plus anciens, seront quant à eux retirés du service avec l’arrivée des F-35A commandés par Tokyo il y deux ans de cela. A horizon 2035, le Japon disposera donc d’une force aérienne forte de 300 à 350 appareils modernes, avec un centaine de F-15J et DJ modernisés, 146 F-35A et B, et une centaine de Mitsubishi F-2, qui seront progressivement remplacés par le chasseur de nouvelle génération issu du programme F-X.

La modernisation des F-15J nippon intègre de nombreux équipements présents à bord du nouveau F-15EX de l’US air Force, comme le radar Raytheon AN/APG-82(v1) disposant d’une antenne active AESA, du système d’auto-protection et de guerre électronique BAe ALQ-239 Digital Electronic Warfare System (DEWS), de nouveaux ordinateurs de bord et systèmes embarqués. En terme d’armement, le F-15J mettra en oeuvre le missile anti-navire Lockheed Martin AGM-158 Joint Air-to-Surface Standoff Missile, ou JASSM, d’une portée de 370 km, conférant à l’appareil un important potentiel de frappe anti-navire. Il est également probable qu’il sera en mesure de mettre en oeuvre le nouveau missile AIM-260 Joint Air Tactical Missile, ou JATM, successeur désigné de l’AIM-120 AMRAAM, et annoncé pour atteindre une portée de plus de 150 km.

JASSM F16 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Les F-15J modernisés pourront mettre en oeuvre le missile antinavire JASSM d’une portée de 370 km

Longtemps pillé central de La Défense aérienne nippone, le F-15J modernisé va, de toute évidence, évoluer vers un profil de mission comparable à celui du F-15EX au sein de l’US Air Force, à savoir un plate-forme de combat air-air et air-surface complémentaire du F-35, profitant avant tout de sa très grande capacité d’emport et de sa grande autonomie, tout en opérant à plus grande distance de la zone d’engagement de sorte à ne pas s’exposer inutilement du fait de sa faible furtivité. On peut supposer, à terme, qu’il évoluera aux cotés de systèmes aériens autonomes, comme des drones de combat et autre loyal wingmen, la version biplace DJ étant particulièrement adaptée pour ce type de mission.

Longtemps relativement épargnée des tensions internationales, Tokyo est aujourd’hui en première ligne pour faire face à la montée en puissance des forces armées chinoises, en particulier dans le domaine naval et aérien. Dans le même temps, les forces d’autodéfense nippones doivent également prendre en considération la modernisation des forces armées russes en zone Pacifique, ainsi que celle des forces armées nord-coréennes, en particulier dans le domaine des missiles balistiques potentiellement hypersoniques et des missiles de croisière. Non seulement le Japon doit-il disposer de forces suffisantes pour dissuader ces trois pays d’agir contre ses intérêts, mais également d’être en mesure de répondre à une menace simultanée venant d’une alliance bilatérale ou tripartite de ces menaces, ce d’autant que Pékin a déjà fait savoir qu’en cas de conflit avec les Etats-Unis autour de la crise taïwanaise, la Chine considérerait tous les alliés des Etats-Unis comme des adversaires sur ce théâtre, citant spécifiquement le Japon, la Corée du Sud et l’Inde dans ses menaces.

North Korea Hypersonic glider Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
La Corée du Nord a fait la demonstration ces derniers mois de sa maitrise des missiles à trajectoire semi-balistique, et ses allégations concernant les essais d’un missile balistique hypersonique sont prises très au sérieux par les experts occidentaux.

Si le Japon dispose d’une économie vigoureuse, avec le 3ème PIB de la planète à 5.000 Md$, et si son effort de défense est encore limité à seulement 1% de ce PIB, disposant de fait d’une marge de croissance importante, le pays n’en reste pas moins dans une situation complexe en matière de défense. D’une part, Tokyo est fortement contrainte par sa constitution rédigée à la hâte par les services d’occupation américains après la défaite de 1945, particulièrement restrictive quant aux possibilités d’action des forces d’autodéfense et de l’industrie de défense nippones. En outre, le pays est à portée de nombreux systèmes balistiques, de missiles de croisière et de drones mis en oeuvre par les forces armées de ses adversaires potentiels, y compris pour ses grands centres économiques, politiques et industriels, rendant la défense de l’archipel difficile, d’autant que le pays dépend en grande partie des importations de matières premières et de denrées agricoles pour soutenir sa population et son économie. Enfin, en dépit de ses réserves budgétaires, le Japon a une démographie particulièrement exposée, avec une population de 125 millions d’habitants dont le vieillissement est le plus important de tous les membres de l’OCDE, un taux de fécondité de seulement 1,36 enfants par femme, et une décroissance annoncée de la population qui devrait être ramenée à 95 millions d’habitants en 2050, dont plus de 40% auront 65 ans ou plus.

En d’autres termes, le potentiel de croissance des effectifs des forces d’autodéfense nippones est non seulement faible, mais il est très probable que d’ici peu, celui-ci sera dans les faits négatif, alors même que les tensions internationales iront très probablement croissantes sur ce théâtre dans les années à venir. On comprend, dans ces conditions, les importants efforts réalisés par Tokyo pour developper ou acquérir des équipements de très haute technologie, comme des missiles hypersoniques, un rail gun ou un canon à micro-onde, offrant une plus value opérationnelle au prorata du nombre de personnels engagés très élevée, seul moyen pour les autorités afin de conserver une posture défensive suffisamment dissuasive vis-à-vis de ses adversaires potentiels. On comprend également que, dans ces conditions, l’hypothèse pour une partie de la classe politique nippone de se donner de capacités stratégiques soit à nouveau évoquée, tant le rapport de force évoluera négativement en dépit des efforts budgétaires consentis.

rail gun japan Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Pour répondre à la difficile équation posée par sa démographie et son exposition multiple, le Japon s’est engagé dans le developpement de plusieurs programmes de défense de très haute technologie, comme le canon électrique Rail Gun.

Dans ce contexte, il apparait pertinent pour Tokyo de moderniser sa flotte de F-15J, de sorte à donner à ces appareils des capacités accrues sur le reste de leur durée de vie, et ce d’autant que de nouveaux modèles d’avions de combat, comme le J-20 et le J-35 chinois, et le Su-57 russe, entreront en service massivement dans les années à venir, offrant à ces forces aériennes des capacités offensives largement accrues, renforceés en cela de drones de combat furtifs comme le JG-11 chinois ou le S-70 Okhotnik B russe. En outre, il convient de garder à l’esprit que Moscou, et surtout Pékin, peuvent parfaitement developper de nouveaux modèles de systèmes aériens de nouvelle génération de manière très discrète, de sorte à prendre l’occident par surprise, comme ce fut le cas avec les missiles hypersoniques Kinzhal ou DF-17. De fait, le contexte sécuritaire nippon est probablement appelé à devenir de plus en plus difficile dans les années à venir, y compris en tenant compte du soutien américain.

L’allemand Rheinmetall présente le char moyen Lynx 120, un nouveau char moyen à hautes performances

En aout 2021, nous publiions sur Meta-Défense une analyse mettant en avant la pertinence, pour les armées comme l’industrie de défense française, de developper une plate-forme blindée chenillée moyenne et un char de combat moyen à hautes performances, permettant, entre autres choses, de combler un important déficit capacitaire de l’Armée de Terre en matière de combat de haute intensité d’ici à l’arrivée des blindés lourds du programme franco-allemand MGCS à la fin de la prochaine décennie.

En effet, avec seulement 200 chars Leclerc modernisés à l’économie, et 650 véhicules de combat d’Infanterie VBCI plus adapté désormais pour la faible et la moyenne intensité, que pour l’engagement face à un adversaire lourdement armé de moyens modernes et bien entrainé, l’Armée de terre risque fort de manquer de puissance de feu et de résilience en cas de conflit, ou de crédibilité pour soutenir une posture dissuasive.

De toute évidence, le géant allemand de l’armement terrestre, Rheinmetall, est arrivé à la même conclusion pour ce qui concerne son marché national, ainsi que les besoins pour ce type de blindé dans les années à venir sur la scène internationale. C’est ainsi qu’il vient de présenter son Lynx 120, un char moyen basé sur la plate-forme KF-41 Lynx (en illustration principale), et répondant presque intégralement aux besoins exprimés dans l’article du mois d’aout.

En effet, le Lynx 120 est un char moyen lourdement armé, disposant d’un canon de 120 mm à âme lisse dérivé de celui qui équipe le Leopard 2 aujourd’hui, ainsi que d’un système de chargement automatique, et d’un ensemble de visé et de vision du terrain d’engagement de dernière génération.

A cette vetronique s’ajoute, comme pour les KF-41 Lynx hongrois, un système de protection actif ADS développé par ce même Rheinmetall pour protéger le blindé des roquettes et missiles antichars, ainsi qu’un blindage composite modulaire permettant d’adapté le protection du blindé aux besoins opérationnels.

Le KF-41 Lynx est un véhicule de combat d'infanterie de nouvelle génération très évolué, mais également très onéreux
Le KF-41 Lynx est un véhicule de combat d’infanterie de nouvelle génération très évolué, mais également très onéreux

Il faut dire que la plate-forme KF-41, déjà sélectionnée par la Hongrie, et en compétition en Australie et aux Etats-Unis pour remplacer les véhicules de combat d’Infanterie des deux armées, offre de nombreux atouts pour évoluer vers un tel char moyen, en particulier un puissant moteur turbo-diesel Liebherr pouvant atteindre 850 KW, soit 1.140 cv, offrant un excellent rapport puissance-poids de presque 30 cv par tonne si le nouveau blindé venait à atteindre 40 tonnes.

De fait, le plus grand atout du Lynx-120 serait incontestablement sa mobilité, et d’importantes capacités d’évitement des tirs une fois cette mobilité couplée à la Vetronique évoluée du char.

Enfin, il bénéficiera de la modularité et de l’évolutivité de la plate-forme Lynx, permettant de simplement ajouter des équipements supplémentaires selon les besoins, ce d’autant qu’il dispose d’une importante réserve de puissance moteur et électrique. Selon toute probabilité, le Lynx 120 sera très certainement l’une des stars du prochain salon Eurosatory 2022 qui se tiendra à Paris du 13 au 17 juin.

Souvent critiquée et parfois raillée en France, les armées et l’industrie de défense allemandes font pourtant preuve, ces dernières années, d’un pragmatisme bien plus important que son voisin d’outre-Rhin. Ainsi, contrairement à la France, Berlin s’est prononcée en faveur du remplacement de ses avions de guerre électronique Tornado ECR, initialement par l’EA-18G Growler américain, et désormais, très probablement par une version dédiée à cette mission de l’Eurofighter Typhoon, la Luftwaffe envisageant désormais d’ acquérir entre 35 et 40 F-35A en lieu et place des F/A-18 E/F Super Hornet choisis par le précédent gouvernement.

Selon Berlin, même à disposer de Typhoon protégés par le très efficace système SPARTAN et armés de missiles de croisière à longue portée TAURUS, dont les performances sont proches de celles du SPECTRA et du SCALP du Rafale, et d’avions de combat furtifs de 5ème génération F-35A, il reste indispensable de mettre en oeuvre un escadron de guerre électronique et de suppression des défenses anti-aériennes pour se confronter à des défenses anti-aériennes multi-couches intégrées comme celles mises en oeuvre par la Russie.

Skyranger 30 HEL 1021 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
la tourelle SHORAD Skyrranger 30 HEL de Rheinmetall associe un canon de 30 mm, des missiles guidés anti-aériens et un laser à haute énergie pour traiter toutes les cibles aériennes évoluant à basse altitude.

De même, les industriels allemands se sont engagés dans le developpement de systèmes anti-aériens et anti-drones à courte portée mobiles, de sorte à redonner à ses unités terrestres la protection minimum indispensable requise pour évoluer dans un engagement de haute intensité.

Dans ce domaine, c’est encore Rheinmetall qui a pris l’initiative avec sa tourelle Skyranger 30 HEL alliant un canon de 30 mm à haute cadence de tir et optimisé pour le tir sol-air, des missiles anti-aériens à courte portée et un laser à haute énergie de 20 à 50 KW pour répondre aux missions SHORAD (Short Range Air Defense ou défense anti-aérien à courte portée, anti-drones mais également C-RAM (Cruise missile – Roquette Artillery Mortar) pour protéger les unités proches des frappes de missiles et d’artillerie. A ce jour, le tourelle Skyranger de Rheinmetall est la solution globale la plus performante en occident, et peut-être sur la planète.

Même dans sa coopération internationale, Berlin est d’un grand pragmatisme. Ainsi, ses objectifs concernant le programme d’avion de combat de nouvelle génération SCAF sont tout autant de developper un remplaçant à ses Typhoon en coopération avec des partenaires appartenant à l’Union européenne, respectant en cela des axes politiques très appréciés par l’opinion publique germanique, mais également de considérablement developper les compétences de sa propre industrie aéronautique de défense, en acquérant des compétences avancées comme dans le domaine des commandes de vol, de conduite de mission, de l’engagement coopératif, des senseurs et surtout des drones.

De toute évidence, à la sortie du programme SCAF, Berlin entend que son industrie soit en capacité de developper en autonomie des programmes aériens de nouvelle génération, en particulier dans le domaine des drones et systèmes autonomes.

FCAS remote carriers mock up at Paris Air Show 2019 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
A la sortie du programme SCAF, l’industrie allemande disposera d’une compétence très avancée en matière de drones de combat et d’effecteurs aériens autonomes.

Il est particulièrement interessant de constater qu’en dépit de la rigidité politique qui encadre les programmes de défense en Allemagne, ceux-ci passant par un controle strict du Bundestag et donc d’importantes tractations politiques quasi-systèmatique, Berlin a su créer un modèle industriel particulièrement dynamique et doté d’une grande flexibilité, profitant en permanence de la puissance économique et de l’image d’excellence de l’Allemagne et de son industrie dans son ensemble.

Ainsi, ni le Lynx 120, ni le Skyranger 30 HEL ne sont des programmes d’Etat, mais ont été développés par Rheinmetall de manière autonome avec le soutien du gouvernement fédéral. De telles initiatives existent en France, comme le SCARABEE d’Arquus ou le Drone sous-marin à longue autonomie de Naval Group, mais constituent le plus souvent l’exception et non la règle pour l’industrie française, et sont rarement accueillies avec enthousiasme par le Ministère des Armées, et les Armées elles-mêmes.

Reste à voir, désormais, quel sera l’avenir de ces programmes, tant du point de vu industriel qu’opérationnel. Il ne fait guère de doute que le Lynx 120 apporterait une plus-value opérationnelle significative à la Bundeswehr qui, comme l’Armée de terre, souffre de déficits capacitaires importants dans le domaine de l’engagement de haute intensité, comme dans celui de la protection SHORAD auquel répond le Skyranger 30 HEL.

Quoiqu’il en soit, avec ces deux modèles, Rheinmetall se positionne fermement sur ces deux marchés, permettant à Berlin d’arbitrer si nécessaire, et en des délais courts, sur des modèles sur étagère permettant une montée en puissance rapide de ses forces.

On peut même se demander si, pour l’Armée de Terre française, une telle solution n’aura pas les faveurs de Paris, comme ce fut le cas avec le choix du fusil d’assaut HK-416, tant l’adéquation entre la solution proposée, le besoin opérationnel et le calendrier apparait favorable, et ce même si l’industrie française aurait parfaitement les compétences pour développer de tels systèmes.

La crise s’emballe entre l’Ukraine, la Russie et l’Occident

Les tensions sont désormais au plus haut entre l’Ukraine, ses partenaires occidentaux et la Russie, et l’enchainement des événements semble s’être emballé ces dernières heures. Après le prévisible faux départ du 16 février, date avancée publiquement par Washington comme probable pour une attaque russe contre l’Ukraine, et après l’annonce non corroborée dans les faits d’un retrait partiel des forces russes déployées le long de la frontière ukrainienne, ces dernières heures ont été le théâtre de déclarations en cascade venues de Moscou, de Washington et d’Europe, montrant une trajectoire bien funeste pour l’Ukraine et, plus généralement, pour la paix en Europe.

1- Redéploiement discret des forces russes à la frontière ukrainienne

Si Moscou avait annoncé le retrait partiel de certaines troupes déployées en Crimée après la fin d’exercices, les observations satellites mais également par le truchement des nombreux spotters russes qui publient sur les reseaux sociaux les déplacements constatés des forces russes, il est rapidement apparu que les rares unités retirées de Crimée avaient été déplacées à proximité des zones d’engagement. En outre, le renforcement miltaires des unités russes déployées à proximité des frontières ukrainiennes n’a, selon ces observations, pas été interrompu, avec l’arrivée annoncé de nombreuses troupes supplémentaires, y compris de forces de réserves issues de la garde nationale. Certains spécialistes du sujet estiment que l’arrivée de ces unités de reserve pourrait permettre de mettre en place une force d’occupation après le passage des forces combattantes.

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Le retrait annoncé d’une partie des forces russes proches de la frontière ukrainienne n’a pas été corroboré par les observations occidentales et ukrainiennes

Mais le point le plus critique ces dernières heures n’est pas dans l’identification des nouvelles unités arrivées à proximité du théâtre d’opération, mais dans la « disparition » de nombreuses unités, redéployées depuis quelques heures vers des sites difficiles à localiser, à proximité directe de la frontière ukrainienne. En effet, s’il eut été impossible et vain de tenter de cacher le déploiement de plus de 70% des forces armées russes autour de l’Ukraine, leur reploiement tactique et discret vers d’autres sites à proximité directe de la frontière laisse supposer d’une préparation active pour une opération à court terme, de sorte à profiter d’une certaine forme de surprise, si pas stratégique, tout au moins sur le plan tactique.

2- La réponse écrite de Moscou aux propositions américaines

Après avoir ouvertement regretté l’absence de réponse écrite américaine aux exigences russes il y a quelques semaines, les autorités russes n’avaient, cependant, pas réagi officiellement à la réponse américaine envoyée le 26 janvier. C’est désormais chose faite, puisque le Kremlin a publié sur son site internet une réponse extrêmement ferme aux propositions américaines, balayant vertement ces dernières pour réitérer les exigences russes, comme l’arrêt de l’extension de l’OTAN, le retrait des forces de l’OTAN du sol de tous les pays ayant rejoint l’alliance au delà de 1997, le démantèlement des infrastructures potentiellement nucléaires dans tous les pays européens n’ayant pas de capacités militaires propres (ceci marquant potentiellement la fin de la dissuasion partagée de l’OTAN), et l’arrêt de la livraison d’armes à l’Ukraine.

Une nouvelle foi, le Kremlin conclut cette réponse en menaçant d’une réponse « militaire et technique » contre l’Ukraine si celles-ci venaient à ne pas être satisfaites, laissant supposer qu’un nécessaire rejet de ces exigences par Washington entrainera une réponse militaire russe contre l’Ukraine. Cette réponse, par sa fermeté, annihile tout les espoirs européens de voir Moscou et Kyiv reprendre les négociations autour des accords Minsk 2, et l’absence d’alternative ou d’axe de négociation laisse supposer que la Russie n’envisage plus désormais de solution diplomatique à cette crise. En outre, le président Poutine a annoncé il y a deux heures qu’il préparait un message pour ‘lAssemblée fédérale.

3- L’annonce d’une alliance tripartite entre l’Ukraine, la Pologne et la Grande-Bretagne

Il y a, là encore, quelques heures, Londres, Varsovie et Kyiv ont annoncé la signature d’un accord de coopération tripartite concernant les sujets de défense, ainsi que d’autres domaines, comme la coopération economique. Or, cette annonce se positionne en opposition frontale et directe avec les exigences formulées par Moscou, notamment concernant l’accroissement des capacités militaires et défensives de l’Ukraine face à la Russie. Si cette alliance n’est pas encore clairement formalisée, son annonce peut constituer pour Moscou le Casus Belli de façade attendu pour déclencher une opération militaire.

Javelin ukrain Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Les systèmes d’arme livrés par l’occident ces derniers mois à l’Ukraine, comme les missiles d’infanterie javelin et Stinger, ne sont pas en mesure de changer profondément le rapport de force face à la Russie

On peut s’interroger sur la pertinence de cette annonce dans le présent contexte, au delà de vouloir flatter le nationalisme des différentes opinions publiques, et d’une certaine manière de tenter de masquer certaines crises intérieures. En effet, il ne fait aucun doute que ni Londres, ni Varsovie n’enverront en Ukraine de troupe ou de moyen militaire significatif pour défendre le pays. On n’imagine pas, non plus, ces deux pays fournir des materiels militaires critiques à Kyiv, comme des capacités de défense anti-missiles et anti-aériennes à longue portée, d’artillerie à longue portée, ou de moyens aériens, susceptibles d’effectivement modifier le rapport de force face à la Russie, et ainsi amener Moscou à réviser ses positions. Non seulement ni Londres ni Varsovie ne disposent de réserves dans ces domaines, mais la formation des personnels pour mettre en oeuvre ces systèmes nécessite plusieurs semaines à plusieurs mois, ce qui de toute évidence, Kyiv n’a pas.

4- La multiplication des provocations dans le Donbass

Si la ligne de contact entre forces armées ukrainiennes et forces sécessionnistes russes dans l’est de l’Ukraine n’a jamais été apaisée ou démilitarisée ces deux dernières années, de nombreux rapports indiquent une forte intensification des bombardements menés par les forces pro-russes du Donbass. Ainsi, pour la seule matinée du 17 février, ce sont pas moins de 500 explosions qui ont été décomptées le long de cette ligne d’engagement coté ukrainien. Pour autant, à en croire la communication ukrainienne, ordre a été donné aux unités déployées le long de cette d’engagement, de ne pas riposter aux « provocations russes », de sorte à ne pas donner de prétexte exploitable à la Russie pour engager une opération militaire.

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Les militaires ukrainiens déployés face au Donbass auraient reçu ordre de ne pas riposter aux provocations russes, y compris aux bombardements d’artillerie.

De toute évidence, Kyiv a largement appris de ce qui fut à l’origine du conflit de 2008 en Georgie, et qui suivit un scénario parfaitement similaire, avec des déploiements militaires importants aux frontières géorgiennes créant une tension intense, des bombardements sporadiques pour déclencher une riposte, et une offensive massive une fois la riposte constatée. La situation est d’autant plus tendue que, ces derniers jours, les autorités et la presse russe ont accentué les déclarations de justification, comme par exemple en parlant de « génocide ds populations russes » dans le Donbass.

5- Cyber-attaques massives le 16 Février en Ukraine

Alors même que Moscou annonçait le retrait de certaines de ses troupes et son retour à la table des négociations du processus de Minsk le 15 février, une très importante cyber-attaque a frappé les principales banques en Ukraine (y compris le Credit Agricole très présent dans le pays), ainsi que les sites web du ministère de La Défense et de l’intérieur. Cette attaque, qui s’étala sur plus de 24 heures, fut cependant limitée dans son volume et son agressivité, laissant supposer qu’il ne s’agissait là que d’une démonstration de force, et d’une tentative de créer la panique dans le pays. A noter que cette panique a surtout touché les oligarques et une partie des députés membres du parti pro-russe à la Rada, le parlement ukrainien, qui avaient quitté le pays dés le 14 février par crainte d’une attaque russe.

Conclusion

S’agit-il des dernières prestations avant une attaque massive contre l’Ukraine, une manœuvre visant à briser la volonté ukrainienne pour permettre aux armées russes de s’emparer du Donbass sans combattre, ou une nouvelle manipulation des dirigeants et médias occidentaux en vue de leur faire perdre toute crédibilité sur le sujet ? Il est aujourd’hui clairement impossible de se prononcer avec certitude sur les volontés et les plans du Kremlin dans cette crise. Il semble toutefois que Vladimir Poutine a désormais mis les enchères bien trop hautes pour simplement se contenter d’une démonstration de force, sans en tirer un bénéfice important et incontestable.

En effet, quel que soit la conclusion de cette crise, il est plus que probable que les relations entre la Russie et l’Occident, et en particulier avec l’Europe, en seront lourdement et durablement altérées, bien au delà de ce que furet les conséquences des crises géorgiennes, la prise de la Crimée ou l’intervention en Syrie. Dans ces conditions, et en admettant que, d’une manière ou d’une autre, Moscou aura perdu la confiance, mais également une grande partie des investissements des européens dans son économie, peut-être même une partie de ses débouchés en matière d’exportation de gaz et de pétrole, on imagine mal Vladimir Poutine ne pas presenter une grande victoire dimensionnante à son opinion publique, comme ce fut le cas en 2015 avec la prise de la Crimée, pour accepter ces conséquences. Le Donbass sera-t-il suffisant pour cela ? On peut en douter, même si, dans le contexte actuel, il se pourrait que ce soit le scénario le moins désastreux concernant cette crise …

Les frégates TKMS Meko-300 et Babcock Arrowhead 140 en finale en Pologne

La Marine polonaise est traditionnellement le parent pauvre de l’effort de Défense de Varsovie. A ce jour, elle ne dispose que de 13.000 militaires, et d’un nombre restreint de navires, dont seulement 2 frégates classe O.H Perry acquises d’occasion auprés de l’US Navy au début des années 2000, et un unique sous-marin classe Kilo hors de service opérationnel hérité de l’époque soviétique. Pour autant, le pays dispose de prés de 650 km de cotes sur la Mer baltique, un emplacement stratégique pour le controle des accès à cette mer semi-ouverte qui accueille de nombreuses infrastructures critiques pour le pays comme pour l’Europe. Le pays a donc lancé, il y a quelques années, un ambitieux plan visant à moderniser cette marine, précisément pour protéger la cote et les accès stratégiques en Mer Baltique.

L’un des volets de ce programme concerne l’acquisition de nouveaux sous-marins, pour lequel le français Naval Group, l’allemand TKMS et le Suédois Kockums se font face. Le statut de cette compétition est incertain, d’autant que Varsovie semble s’être rapprochée de Stockholm pour acquérir les 2 sous-marins de la classe Södermanland de la Marine suédoise qui doivent prochainement être remplacés par les nouveaux A-26 Blekinge. Dans le domaine des unités de surface, Varsovie s’est tournée initialement vers l’allemand TKMS, le britannique Babcock et l’espagnol Navantia pour son programme Miecznik (Espadon), visant à construire 3 frégates de défense côtière. Visiblement, la Frégate F-125 de Navantia n’a pas convaincu les autorités polonaises, qui viennent d’annoncer que la compétition se limitait désormais aux Meko-300 de TKMS, et l’Arrowhead 140 de Babcock.

meko a 300 armament Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
A l’instar des Sa’ar 6 israéliennes, les Meko-300 flirtent avec la notion d’arsenal ship, avec une puissance de feu (potentielle) qui n’aurait rien à envier à des destroyers 2 fois plus imposants.

Héritière du modèle a succès Meko-200 commandé à prés de 30 exemplaires par 7 marines dans le monde, la Meko-300 est une frégate plus imposante que son ainée, avec une longueur de 125 à 130 m, et un deplacement de 5.500 tonnes. Elle fut initialement proposée à la Grèce lors de la compétition qui aura finalement vu le succès de la FDI de Naval Group. En dépit de cet échec, la Meko-300 est un navire de combat impressionnant, particulièrement adapté aux attentes polonaises. En effet, à l’instar des Sa’ar 6 israéliennes, le frégate allemande est excessivement bien armée et équipée, avec 32 silos verticaux Mk41 à l’avant, et 36 silos pour missiles anti-aériens à longue portée au centre, épaulés par 8 à 16 missiles anti-navires ou de croisière et deux systèmes d’auto protection CIWS SeaRam. Au delà de la missilerie, le navire emporte un canon de 127 mm Vulcano, deux canons de 35 ou 40mm, deux tourelles télé-opérées armées de mitrailleuse lourde de 12,7mm, ainsi que 2 tubes lance-torpilles triples de 324 mm pour la lutte anti-sous-marine, et un système anti-torpille hard-kill SeaSpider.

En outre, la Meko-300 est dimensionnée pour accueillir des systèmes d’arme à énergie dirigée, comme un laser à haute-énergie et un canon à micro-ondes, en faisant un des navires européens les mieux armés de sa catégorie. La frégate n’est pas en reste en matière de senseurs, avec un radar SMART-L 3D à antennes électroniques actives, permettant au navire de mettre en oeuvre des missiles comme le SM-2 et l’ESSM. Enfin, la frégate allemande peut accueillir jusqu’à 4 modules de mission, des conteneurs offrant des capacités de mission supplémentaires comme la mise en oeuvre de drones aériens ou sous-marins, ou des tubes lance-torpilles lourds de 533mm supplémentaires, prenant place sous le pont d’envol et le hangar de l’hélicoptère embarqué.

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Le hangar de mission de la Meko-300 permet d’accueillir jusqu’à 4 modules de missions spécialisés embarqués sous la forme de conteneurs

Ainsi parée, la Meko 300 constitue une plate-forme de déni d’accès parfaitement capable, et taillée pour résister à des attaques de saturation de moyenne ampleur. En revanche, le navire ne disposera que de capacités essentiellement côtières, la surabondance d’armement se faisant naturellement au détriment de l’autonomie à la mer et des capacités en haute mer du bâtiment. Ainsi, elle ne disposera que d’un sonar de coque, sans sonar à profondeur variable, indispensable pour la lutte anti-sous-marine océanique, mais superfétatoire en Mer baltique dont la profondeur moyenne égale 55m. Pour autant, la Meko-300 semble répondre précisément aux besoins spécifiques de la Marine Polonaise, ainsi qu’aux spécificités de la Mer Baltique qui constituera le théâtre principal de déploiement de ces navires.

Si le modèle Arrow Head 140 de Babcock est bien connu, la Royal Navy l’ayant sélectionné pour sa future classe Type 31, la configuration exacte proposée à Varsovie est encore pour l’heure confidentielle. De dimensions et de tonnage comparables à la Meko-300, l’AH140 est toutefois un navire très différent du modèle allemand, conçu notamment pour être en mesure d’opérer effectivement comme escorteur de haute mer. En revanche, même si la frégate britannique est de conception modulaire, et si elle emporte elle aussi un canon de 127 mm et des canons d’auto-protection, sa capacité d’emport de missiles et de silos verticaux est moindre que pour le Meko-300. Ainsi, la Type 31 de la Royal Navy ne disposera que de 24 cellules verticales pour missile surface-air à moyenne portée CAMM-ER, et ne disposera d’aucune capacité de déni d’accès.

Type 31 Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Le modèle Arrowhead 140 de Babcock est moins puissamment armé que la Meko-300 allemande, mais offre une grande autonomie à la mer, et un tarif particulièrement compétitif

Si l’ArrowHead 140 peut paraitre, sur le papier, désavantagée face à la Meko-300, elle dispose toutefois d’un argument du poids, son prix unitaire de l’ordre de 400 m$, sans le moindre doute très inférieur à celui du modèle allemand, même si la structure modulaire de la Meko-300 lui permet également de proposer des prix attractifs en éliminant certaines capacités onéreuses, comme la surabondance de missiles. Il est d’ailleurs peu probable que Varsovie ne se prononce en faveur de l’ensemble des capacités et équipements proposé par TKMS, ne disposant que d’un budget de 2 Md€ pour financer la construction et l’armement de ses 3 frégates. En outre, Londres entretient aujourd’hui de bien meilleures relations avec Varsovie que Berlin, handicapée par le bras de fer féroce entre le gouvernement polonais et les autorités européennes. De fait, même si les deux navires offrent des approches opérationnelles radicalement différentes, la compétition polonaise est aujourd’hui loin d’être jouée, et chacun des deux finalistes dispose d’atouts propres qu’il peut faire valoir.

Dans tous les cas, Varsovie se déclarera bientôt en faveur de l’un ou l’autre des modèles. En effet, la Marine polonaise entend entamer les travaux de construction de ses 3 nouvelles frégates dès 2023, et recevoir son premier navire en 2028, la livraison des deux autres bâtiments s’échelonnant jusqu’en 2034. A cette date, pour peu que Varsovie se soit également dotée d’une nouvelle capacité sous-marine, la Pologne jouera incontestablement un rôle clé dans le controle de la Mer Baltique, aux cotés des marines allemandes, danoises, suédoises et finlandaises, elles aussi engagées dans une démarche de modernisation et de montée en puissance.

La coopération franco-allemande autour du SCAF inquiète-t-elle les pays du Moyen-Orient ?

Les pays du Golfe Persique, et leurs alliés du Moyen-Orient, ont été, depuis plusieurs décennies, des clients fidèles de l’industrie de défense française, et en particulier pour ce qui concerne les avions de combat de Dassault Aviation. Ainsi, le Qatar, les Emirats Arabes Unis et son allié, l’Egypte, ont commandé à eux trois 170 avions Rafale, soit prés de 60% des exportations enregistrées à ce jour pour cet appareil, ce après avoir commandé 100 mirage 2000, soit 35% des exportations pour ce modèle. Plus amont, l’Irak avait été le plus important client de Dassault pour son Mirage F1 après l’Armée de l’Air, et l’Egypte le plus important utilisateur de Mirage 5. Pour ces pays, comme pour l’Inde et, plus récemment, l’Indonésie, les modèles d’avions de combat français présentent de nombreux avantages, au delà de leurs capacités opérationnelles, leur permettant de formater leurs forces aériennes autour de chasseurs américains ou russes, ceci impliquant d’importantes contraintes politiques, ainsi que d’avions français, Paris étant beaucoup plus neutre dans ce domaine.

C’est précisément ce point qui semble, aujourd’hui, inquiéter les clients traditionnels de l’industrie aéronautique de défense français, au sujet de la coopération franco-allemande autour du programme SCAF. Dans un article publié sur le site ForeignPolicy.com, l’éminent spécialiste britannique des questions aéronautiques, Richard Aboulafia, se fait précisément l’écho de ces inquiétudes. Selon lui, alors que les Etats-Unis ont une forte tendance à geopolitiser leurs contrats d’armement, en particulier vis-à-vis des pays du Moyen-Orient, la France a toujours su suivre une voie pragmatique permettant à ces pays de créer des forces aériennes homogènes et résiliantes. De son coté, l’Allemagne a montré, ces dernières décennies, une forte propension à intégrer des arbitrages moraux dans ses exportations de défense sous la pression de son opinion publique, ceci ayant largement mis à mal la commande d’une nouvelle tranche de Typhoon pour l’Arabie saoudite en 2019. Et rien n’indique que Berlin altérera sa grille d’analyse au sujet du programme SCAF.

2000 9 EAU mirage Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
Avant la commande de 80 Rafale, les EAU avaient également commandé 68 Mirage 2000-9 à Dassault Aviation

En d’autres termes, selon l’expert aéronautique, la coopération franco-allemande autour du programme SCAF pourrait amener Paris à se couper du plus important débouché traditionnel de son industrie aéronautique de Défense, les pays du Moyens-orient, alors que ces derniers devront, quant à eux, se tourner vers d’autres solutions, ouvrant potentiellement la voie à un rapprochement avec Moscou ou Pékin, dans ces domaines tout du moins. On note à ce titre qu’Abu Dabi avait jusqu’il y a peu, maintenu actives ses négociations avec Moscou autour d’un programme de chasseur léger de nouvelle génération, raison pour laquelle Sukhoi ne désespère par de vendre aux EAU son Su-75 checkmate, sur fonds de tensions avec les Etats-Unis autours de l’acquisition de F-35.

En outre, dans ce même article, Richard Aboulafia s’interroge sur les fondements de cette coopération européenne pour la France, considérant que l’Industrie aéronautique française dispose parfaitement des capacités pour developer seule un tel programme, et qu’elle dispose d’un marché international suffisant pour en amortir les couts de developpement, pour peu qu’elle puisse, en effet, rester libre de sa politique d’exportation. Il s’agit, également, d’une question d’importance quant à l’influence politique de la France dans cette région plus critique que jamais, la vente d’équipements de défense étant un puissant levier en matière de relations internationales et de géopolitique.

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Le hawker Hunter britannique fut un immense succès commercial, avec plus de 1900 exemplaires produits

Dans les faits, le programme SCAF et ses ambitions ne sont pas critiquables en soit, pour peu qu’il parvienne à son stade final, ce qui est, aujourd’hui, loin d’être acquis. En revanche, il semble qu’en misant toute son industrie aéronautique de défense sur ce seul programme en coopération avec l’Espagne, mais surtout avec l’Allemagne qui a un agenda et une vision propre des questions d’industrie de défense, Paris fasse aujourd’hui le même parie plus que risqué que celui que fit Londres dans les années 70 avec le Tornado, puis avec le Typhoon, engendrant une perte de savoir faire, de compétences et de marché considérable pour sa propre industrie aéronautique pourtant aussi performante que l’industrie française dans les années 50 et 60, avec de grandes réussites comme le Hawker Hunter, vendu à prés de 2000 exemplaires entre 1954 et le milieux des années 60. Les autorités britanniques ont, à ce titre, procédé à un changement radical de stratégie avec le programme Tempest, qui sera, cette fois, essentiellement conçu et produit en Grande-Bretagne, même si la coopération internationale reste ouverte.

En outre, traditionnellement, la clientèle aéronautique de défense française est à la recherche d’avions de combat performants mais économiques, la majorité des modèles à succès de Dassault étant des monomoteurs à haute performance, comme le Mirage III, V, F1 et 2000. Quant au Rafale, s’il s’agit d’un appareil moyen bi-moteurs, il offre un rapport performances-couts permettant de compenser les surcouts d’acquisition et de mise en oeuvre. Avec le retour des tensions internationales, et celui des forces aériennes dimensionnées pour soutenir une certaine attrition, on peut estimer que les besoins en matière de chasseurs économiques et performants comme pouvaient l’être les Mirage, referont surface.

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le Su-75 Checkmate russe vise le marché des chasseurs monomoteur à haute performance, comme le F16, Gripen et Mirage 2000.

C’est, à ce titre, le constat fait par Sukhoi, le Su-75 Checkmate étant précisément conçu pour répondre à ces demandes, avec un appareil offrant des performances avancées, largement supérieures à celles des avions d’entrainement et d’attaque, mais offrant un ticket budgétaire accessible à de nombreuses forces aériennes. Or, le NGF, l’avoine combat du programme SCAF, tend à devenir un appareil relativement lourd, plus lourd et plus imposant que le Rafale, mais également plus onéreux, ce qui, là encore, éloignera probablement certaines clients traditionnelles de l’industrie aéronautique de défense française. On peut, dès lors, se demander s’il ne serait pas de l’intérêt de la France, mais également de son industrie aéronautique de Défense, composante clé de sa puissance géopolitique dans le Monde, de développer en marge du programme SCAF, un second programme reposant sur les mêmes paradigmes que ceux ayant donné naissance au Mirage 2000, de génération ultérieure, en autonomie ou au sein d’un programme architecturé comme le Tempest britannique, laissant à Paris le controle de ses choix d’exportation.

Quoi qu’il en soit, les questions et inquiétudes exprimées par Richard Aboulafia restent parfaitement légitimes, et interroge quant aux conséquences des arbitrages menés par la France ces dernières années dans ce domaine. Les récents succès à répétition du Rafale sur la scène internationale, devrait inviter les autorités du pays à répondre effectivement à ces inquiétudes, par ailleurs souvent partagée, à mots plus ou moins couverts, par les industriels français eux-mêmes.

La commission européenne veut supprimer la TVA pour les programmes européens de défense

Depuis plusieurs années, les instances européennes fournissent d’importants efforts pour stimuler la coopération européenne en matière de programme de défense. Le constat initial était qu’en 2000, les armées européennes mettaient en oeuvre plus d’une dizaine de modèle d’avions de combat différents et prés d’une centaine de modèle de blindés, pour beaucoup produits et maintenus en dehors des frontières de l’Union. Il s’agissait donc de trouver des approches afin de rationaliser l’équipement des armées européennes, d’en sécuriser les chaines de fabrication et de maintenance, et de stimuler l’autonomie stratégique européenne dans ce domaine. Parmi les solutions mises en oeuvre, on trouve la Coopération Permanente Structurée, ou Pesco, qui aujourd’hui rassemble prés d’une centaine de programmes en coopération, dont certains ont de réelles portées stratégiques, ainsi que le Fonds Européen de Défense, conçu pour stimuler la R&D et la conception de prototypes, et disposant d’une enveloppe de 8 Md€ sur la période en cours.

Pour autant, il est apparu que les dirigeants européens continuaient à privilégier les acquisitions de materiels hors Union européenne, en particulier vis à vis des Etats-Unis. Ainsi, alors que seuls 3 pays européens mettront en oeuvre le chasseur Rafale français, et 4 le Typhoon européen, ce sont aujourd’hui pas moins de 6 pays de l’UE à s’être déjà tournés vers le F-35 américain, alors que 5 autres (Allemagne, Espagne, Grèce, Republique Tchèque et Roumanie) sont pressentis pour faire de-même dans les mois ou années à venir. Le constat est similaire en matière de blindés, d’hélicoptères, de systèmes anti-aériens ou d’artillerie longue portée, alors même que dans la plupart de ces domaines, des offres européennes parfaitement performantes et compétitives existent. Même dans le domaine naval, nombre de pays européens privilégient les solutions US en terme de missilerie et de silos verticaux, au dépend des solutions franco-italiennes pourtant très efficaces.

F35 netherlands Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
6 pays européens ont déjà choisi le F-35 américain, et 5 autres s’apprêtent à faire de même

La commission européenne, et son commissaire Thierry Breton en charge des questions industrielles, s’est donc emparée une nouvelle fois du problème, et a proposer plusieurs mesures pour tenter de privilégier le « made in Europe » en matière de contrat d’équipements de défense au sein de l’Union. Ainsi, celle-ci propose de supprimer la TVA concernant les programmes européens, de sorte à mettre au même niveau les propositions européennes et celles venant du FMS américain, lui aussi systématiquement exonéré de TVA. En outre, Bruxelles propose de flécher différemment les fonds disponibles du Fonds Européens de Défense, de sorte à mieux soutenir les exportations intra-européennes de ces programmes en coopération. Enfin, elle entend mieux soutenir les programmes compatibles avec la nouvelle « boussole stratégique européenne », ce document faisant la synthèse des menaces et enjeux auxquels l’UE sera appelée à se confronter dans les décennies à venir, comme les armements de nouvelles génération. Reste que, toute attractives qu’elles soient médiatiquement parlant, ces mesures posent plus de questions qu’elles ne font émerger de solutions.

Ainsi, l’exonération de TVA permet certes de mettre sur un pieds d’égalité les offres intra-européennes et les offres américaines, mais elle ne change en rien la réalité budgétaire concernant l’acquisition des équipements. En effet, aujourd’hui, lorsqu’un pays européen achète un équipement de défense à un autre pays européen, il doit certes pays la TVA, mais à lui-même, ce qui se résume à un jeu d’écriture et n’influence pas les compétitions elles-mêmes. Pour protéger la production européenne, il eut été bien plus efficace de mettre en place certaines barrières douanières vis-à-vis des importations d’équipement de défense, de sorte à vraiment privilégier les équipements européens.

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Le SAMP/T Mamba franco-italien n’a rien à envier au Patriot américain, au contraire. Pourtant, aucun pays européen ne l’a choisi, alors que 7 pays membres de l’UE ont choisi le système américain.

De plus, comme souvent dans ce genre de mesure, le diable se cache dans les détails. Ainsi, la commission parle de ne soutenir que les programmes de coopération européenne, ce qui signifie, par exemple, que le Rafale français, pourtant 100% produit en Union européenne, ne pourrait en bénéficier car produit uniquement en France, alors que le Typhoon, dont 50% de la valeur est produite hors UE, serait éligible car rassemblant 3 pays de l’UE. Il est donc indispensable, pour évaluer la réelle plus-value d’une telle mesure, d’en connaitre les détails et les critères précis d’éligibilité, sachant qu’il pourrait fort bien s’agir d’une mesure visant à décourager les programmes européens mais purement nationaux, au plus grand détriment de la France, seul pays aujourd’hui en UE disposant d’une industrie de défense globale.

Dans ce domaine, l’exonération de TVA pour les acquisitions de défense peut être une réelle plus-value en matière d’équipement pour un pays comme la France, puisqu’à budget constant, elle permettrait au ministère des Armées d’acquérir en moyenne 20% d’équipement en plus chaque année. Toutefois, pour être parfaitement efficace du point de vue industriel et opérationnel, une telle mesure ne peut se limiter aux programmes en coopération, et définir des critères particulièrement strictes d’éligibilité au sujet de la part de valeur des équipements produite en Union européenne. Dans le cas contraire, il ne s’agira que d’une nouvelle mesure visant à artificiellement stimulée la coopération, au delà du raisonnable, et sans réelle bénéfice pour la sécurité et l’economie des états européens. Comment concevoir en effet que le F-35, en parti assemblé en Italie avec la participation de l’industrie néerlandaise et belge, puisse être éligible à cette exonération de TVA, alors que les SNLE français, piliers de la sécurité collective européenne, n’y soient pas intégrés, car non conçus en coopération ?

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Si la coopération européenne en matière de programme de défense doit être encouragée, elle ne doit en aucune mesure se faire au détriment des programmes nationaux développés au sein de l’UE.

Il faudra donc attendre d’avoir beaucoup plus de détails de la part de la Commission Européenne avant de se prononcer au sujet de ces annonces, bien trop générales pour pouvoir être correctement appréciées. De même, il est désormais nécessaire de garder à l’esprit, dans le nouveau contexte géopolitique, que les capacités industrielles d’excellence nationales ne peuvent plus servir de variable d’ajustement à des visées de politique européenne, mais doivent au contraire forger le socle sur lequel la sécurité européenne doit être bâtie pour faire face aux nouvelles menaces. Il n’est, dans ce domaine, plus le temps des expérimentations et des objectifs idéalisés, alors que la réalité sécuritaire impose une vision pragmatique et volontaire.

Les programmes Tempest britanniques et F-X japonais se rapprochent encore

Le gouvernement britannique de Boris Johnson est particulièrement actif sur les questions de défense, et dans le domaine de la coopération industrielle internationale. Qu’il s’agisse de l’alliance AUKUS avec de possibles coopérations avec l’Australie en matière de sous-marins nucléaires, l’ouverture du programme Tempest à certains partenaires européens, ou le rapprochement d’avec le programme américain Futur Vertical Lift, la Grande-Bretagne multiplie les annonces ces derniers mois, avec certain succès il faut le reconnaitre. Et l’un des plus grands succès aujourd’hui repose sur le rapprochement en Londres et Tokyo autour du programme F-X de chasseur de nouvelle génération nippon, avec la signature d’un protocole de coopération, fin décembre, au sujet des moteurs de l’appareil.

Il semble que les turboréacteurs de Rolls-Royce et les sièges éjectables de Martin-Baker ne seront pas les seuls emprunts nippons à la technologie britannique. En effet, les deux pays viennent d’annoncer la signature d’un nouveau protocole de coopération autour du programme JAGUAR qui équipera aussi bien le Tempest que le F-X, et fournira une ensemble de senseurs de nouvelle génération permettant aux deux appareils de disposer d’une vision avancée et exhaustive de l’environnement dans lequel ils évolueront. Ce programme sera développé dans les 5 années à venir, et permettra de créer 75 emplois en Grande-Bretagne, dont 40 postes d’ingénieur au sein du groupe Leonardo en charge de ce domaine au sein du programme Tempest, avec une enveloppe globale de 2 Md£ pour y parvenir.

Tempest model Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
le Tempest et le F-X partageront probablement la même technologie en matière de propulsion

La stratégie mise en oeuvre par Londres autour du programme Tempest est interessante à plus d’un titre, et peut, d’une certaine manière, être positionnée comme à l’opposée du celle mise en oeuvre par Paris, Berlin et Madrid autour du programme SCAF. En effet, la Grande-Bretagne porte l’essentiel des investissements, mais également des développements technologiques concernant ce programme, tout en gardant des portes ouvertes pour la coopération internationale. C’est ainsi que Rome a pu rejoindre Tempest, mais avec une enveloppe limitée de seulement 2 Md€ et des objectifs d’équipements limités au remplacement de ses Typhoon, le tout permettant de compenser les investissements confiés à Leonardo sur son territoire. De même, cette flexibilité a permis à Stockholm de rejoindre le programme FCAS, sans entrer dans le developpement du Tempest, afin de co-developper certaines briques technologiques indispensables à la conception du successeur au Gripen.

La coopération avec Tokyo s’inscrit dans la même logique. Londres continue de porter l’essentiel des investissements, mais la coopération avec l’industrie japonaise permettra d’accroitre le volume reparti de certains sous-éléments du programme Tempest, sans pour autant nécessiter l’acquisition de Tempest. En procédant ainsi, Londres s’ouvre des opportunités d’exportation de certaines technologies clés et difficilement remplaçables, vers des partenaires qui, de toute façon, ne représenteraient pas des prospects crédibles pour le Tempest, ni des concurrents directs sur la scène internationale pour ce programme. En d’autres termes, Londres applique précisément la stratégie employée depuis plusieurs décennies par Washington, qui fit notamment le succès des turboréacteurs F404 (T-50, Tejas, Gripen) et F-414 (Tejas Mk2, Gripen E/F, KF-21 Boromae, HAL AMCA..) de General Electric.

KF21 assemblage Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
la stratégie industrielle mise en oeuvre par Londres est semblable à celle de Washington concernant notamment les moteurs F404/414 qui équipent de nombreux programmes indigènes comme le KF-21 Boromae sud-coréen.

Reste que les nombreuses et ambitieuses annonces faites par Londres ces derniers mois soulèvent des questions, dans la mesure ou le budget des Armées, s’il évolue positivement, ne semble pas en adéquation avec cet empilement d’ambitions et de programmes. Et de s’interroger légitimement quant à savoir si celles-ci ne sont pas, avant tout, des promesses sans consistances faites pour flatter une partie de la base électorale du parti conservateur et du premier ministre Boris Johnson empêtrés dans des scandales à répétition sur la cène intérieure, alors que la reconstruction des Armées britanniques après l’érosion afghane et irakienne, n’en est qu’à ses débuts. C’est donc sur la durée et les réalisations effectives, et non sur les annonces immédiates, qu’il faudra juger la pertinence de l’ambitieuse stratégie britannique en matière de défense.

Les 4 arbitrages clés pour la présidentielle française en matière de Défense

Alors que Moscou vient d’annoncer simultanément le retrait partiel de certaines unités déployées le long des frontières ukrainiennes, et que la Douma vient d’entériner l’intégration des Oblast de Donetsk et Lugansk dans le Donbass à la Fédération de Russie, la décision finale restant dans les mains de Vladimir Poutine, l’actualité récente a montré que les questions de Défense ne peuvent désormais plus être ignorées des candidats à l’élection Présidentielle française. Pour autant, les programmes présentés à ce jour se contente le plus souvent de lister certaines mesures et promesses, sans offrir une visibilité suffisante aux électeurs quant à la stratégie réelle des candidats s’ils atteignent la magistrature suprême.

Dans cet article, nous présenterons les 4 arbitrages clés auxquels dur lesquels chaque candidat devrait s’exprimer, de sorte à presenter une vision claire de sa propre vision pour l’évolution de La Défense française, et permettre ainsi aux électeurs, en particulier à ceux qui portent un intérêt à ce sujet régalien s’il en est, de comprendre les raisonnements et les objectifs sous-jacents des propositions faites. Pour cela, il serait nécessaire de présenter les 4 arbitrages clés de la politique de défense française : la Mission, le Format, le Calendrier et le Financement des mesures.

1- Quelles seront les missions de la Défense ?

Les armées françaises sont aujourd’hui conçues autour des conclusions du Livre Blanc sur la Sécurité et La Défense nationale de 2013, amendé par la Revue Stratégique de 2017 et sa révision de 2021. Dans ces documents, La Défense française est décomposée en 2 aspects, le domaine stratégique couvert par la dissuasion forte de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engin, et par deux escadrons de chasse équipés de Rafale et de missiles nucléaires ASMPA, et le domaine tactique et de politique internationale, couvert par un corps expéditionnaire et des moyens de projection permettant aux armées de projeter une puissance militaire équivalente à une brigade sur des délais courts, même à grande distance. Cette vision est à la base de la structuration des armées françaises aujourd’hui, et que l’on estime ou pas qu’elle soit pertinente, est cohérente avec la mission telle que définie.

Triomphant SNLE Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
La Marine Nationale met en oeuvre 4 SNLE pour assurer la mission de dissuasion

Toutefois, la situation géopolitique a considérablement évolué ces dernières années, et ce qui pouvait paraitre nécessaire mais suffisant en 2013, peut largement paraitre insuffisant voire inadapté face aux nouvelles menaces. Des lors, les programmes défense des candidats devraient, en premier lieu, présenter de manière claire les missions qui seront celles des armées et de La Défense dans son ensemble sous leur mandat. Il convient notamment d’arbitrer la réalité des menaces perçues, que ce soit vis-à-vis de la Russie, de la Chine, de la Turquie ou du terrorisme islamiste, mais également la position qui sera celle de la France sur la scène internationale, vis-à-vis de ses alliés en Europe et au delà, de ses ambitions en Europe, dans le bassin Méditerranéen, et de ses alliances. Ces clarifications permettront non seulement de comprendre et d’évaluer les objectifs proposés pour la France sur la scène internationale, mais elles conditionneront l’adéquation de la réponse proposée avec les objectifs et ambitions présentés.

2- Quel Format pour les Armées ?

Bien souvent, les programmes défense des candidats se résument à un empilement de promesses de moyens et de programmes, sans pour autant établir leur lien avec les missions que les armées devront effectuer, et en ignorant, là encore le plus souvent, les conséquences de ces arbitrages sur le format des Armées. D’un point de vue rationnel, il convient de déduire le format des armées des missions préalablement définies, de sorte à permettre aux électeurs de comprendre le contexte et les raisons de ces arbitrages, mais également leur rationalité. En effet, les Armées tiennent leur efficacité de la cohérence de leur format et de leurs moyens, bien davantage que dans leur surabondance désordonnée.

Armee de terre Alliances militaires | Analyses Défense | Aviation de chasse
L’Armée de terre dispose de moyens pour l’engagement de haute intensité, mais ceux-ci sont ils désormais suffisant pour répondre aux enjeux sécuritaires mis en évidence par la crise russe ?

Le format des armées recouvre non seulement les questions d’effectifs, mais également l’organigramme des forces, et les équipements et moyens dont celles-ci auront besoin pour répondre aux missions préalablement définies. De fait, répondre à la question du format des armées permet de définir un cap parfaitement clair pour le candidat, et renforce la cohérence de son programme concernant la mission défense. Ces arbitrages déterminent également les besoins, qu’il s’agisse de recrutement et de ressources humaines, ou de capacités industrielles et d’innovation, et conditionnent de fait les moyens qui seront nécessaires pour mettre en oeuvre une telle politique.

3- Quel Calendrier pour la mise en oeuvre du programme ?

La transformation des armées, que ce soit à petite ou à grande échelle, est soumise à d’importantes contraintes : recrutement, respect des pyramides des âges et des grades, recherche technologique, moyens industriels etc… L’exercice est d’autant plus difficile qu’il s’inscrit dans un contexte internationale très évolutif, faisant des évolutions des armées un problème en mode relatif particulièrement complexe pour aboutir à une efficacité réelle. De fait, la notion de calendrier des mesures et évolutions est, dans le domaine de La Défense, un paramètre tout aussi critique que les moyens et les objectifs préalablement définis. Or, ce critère est le plus souvent absent des propositions des candidats, ne permettant pas, de fait, d’évaluer la pertinence des arbitrages proposés, pour répondre aux enjeux sécuritaires et technologiques.

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La réalité industrielle impose des contraintes importantes sur les calendriers des programmes de défense

Dès lors, le calendrier des évolutions proposées par un candidat permet non seulement d’évaluer l’applicabilité des mesures proposées, mais également leur adéquation avec les évolutions prévisibles de la situation sécuritaire internationale, et donc de crédibiliser le programme en lui-même, ou au contraire d’en faire apparaitre les failles, et donc d’orienter les électeurs dans l’appréciation de celui-ci.

4- Quel modèle de Financement pour le programme ?

Dernier arbitrage critique d’un programme défense, les questions de financement sont, le plus souvent, ignorées des programmes comme des candidats, qui se contentent de promettre des montants d’investissement sans en établir l’origine du financement, et donc la soutenabilité budgétaire. Ces approximations et impasses programmatiques eurent des conséquences catastrophiques lors de précédentes mandatures, avec de dramatiques variations d’objectifs et de budgets d’une année sur l’autre lors du quinquennat Sarkozy, ou des financements non sincères comme les recettes exceptionnelles liées à la vente d’actifs ou de licences de fréquence Telecom lors du quinquennat Hollande, obligeant les armées à des circonvolutions très dommageables pour leur efficacité et le morale des militaires, et au final pour les finances publiques, avec des dépenses supérieures pour des programmes réduits.

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En effet, les Armées, pour se construire, ont besoin de temps et de visibilité quant aux moyens qui leurs sont alloués et aux missions qu’on leur confie. De fait, la question du financement des évolutions est cruciales pour en évaluer la réalité, et donc pour crédibiliser l’ensemble du programme Défense lui-même.

Conclusion

Depuis la fin des années 70, les questions de défense ont joué un rôle de plus en plus marginal dans les grandes élections françaises. Avec le fin du Service nationale au début des années 90, les électeurs ont encore davantage perdu le contact avec cette réalité, ce d’autant que la menace internationale s’était considérablement atténuée avec la disparition du bloc soviétique et la fin de la Guerre Froide. Aujourd’hui, cependant, les questions de défense, si elles ne sont pas encore un centre d’intérêt majeur des français comme cela peut-être le cas dans d’autres pays, comme en Grèce, dans les Pays Baltes ou en Pologne, s’invitent de manière plus pressante dans la campagne électorale, et auront très probablement une exposition bien supérieure à ce qu’elles eurent par les années passées.

Il est donc nécessaire aujourd’hui, pour les candidats comme pour les médias, de faire preuve de rigueur et de pédagogie pour permettre aux français de comprendre la réalité des enjeux de défense modernes, alors même que l’Europe fait face à sa plus grave crise depuis celle des Euromissile en 1983. Il n’est plus possible désormais de proposer, en matière de programme de Défense, de vagues promesses budgétaires non sécurisées, ou un simple empilement de programmes. Il est donc indispensable de faire preuve de méthode pour répondre à cet enjeu politique, tout comme d’ambitions pour répondre aux enjeux sécuritaires. Reste à savoir si les candidats et leurs conseils sauront s’intégrer dans un tel cadre, certes plus contraignant, pour se montrer à la hauteur des enjeux et de la fonction à laquelle ils aspirent.

Face aux européens, l’Armée russe en 2030 sera bien plus puissante qu’aujourd’hui

La présente crise russo-ukrainienne, quelle que soit sa conclusion, aura permis à Moscou de faire une extraordinaire démonstration de force en Europe, au point qu’aucun pays européen, même les plus proches de Kiev, n’envisage de s’engager militairement aux cotés des armées ukrainiennes en cas de conflit. Et force est de constater que ces armées russes sont parvenues à mobiliser, déplacer et assembler une centaine de bataillon tactique interarmes, l’équivalent russe des Groupement tactique inter-armes français, soit 65 % de sa force opérationnelle terrestre, et ce entre le milieux du mois de novembre et le début du mois de février. A titre de comparaison, l’Armée de Terre française estime aujourd’hui être capable de mobiliser une division de combat, soit 3 brigades et une douzaine de GTIA, dans un délais de 6 mois, et ce sans prendre en compte le deplacement des unités vers leurs zones d’engagement, alors même qu’elles sont, dans ce domaine, sans conteste les forces les plus opérationnelles des armées européennes.

De fait, Moscou vient de créer, de manière incontestable, un rapport de force extrêmement favorable en Europe, et ce sans même devoir faire intervenir sa puissance nucléaire, mettant les européens sous une très importante pression. Malheureusement pour eux, cette état de fait n’évoluera pas favorablement dans les années à venir, Moscou ayant plusieurs axes de progression planifiés pour accroitre très sensiblement la puissance de ses forces armées d’ici 2030, et ainsi creuser encore davantage le rapport de force en sa faveur en Europe. Plus précisément, ces axes de progressions sont au nombre de 4 : l’évolution technologique des armées, les effets de la professionnalisation, la Garde nationale et, enfin, les effets de la redistribution géopolitique mondiale.

Les évolutions technologiques à venir au sein des armées russes

Les célébrations du 70ème anniversaire de la fin de la Grande Guerre Patriotique, le 9 Mai 2015, fut l’occasion pour le monde de découvrir de nombreux nouveaux materiels appelés à transformer les armées russes dans les années à venir, comme le char de combat de nouvelle génération T-14 Armata, le véhicule de combat d’infanterie lourd T-15, le VCI/APC chenillé moyen Kourganet 25, le VCI/APC 8×8 Boomerang, ou encore le canon automoteur Koalitziya SV. Dans le domaine aérien, l’industrie aéronautique russe développait le Su-57 Felon mais aussi le drone de combat lourd S-70 Okhotnik-B, et s’était engagée dans le developpement d’un bombardier stratégique furtif et d’un intercepteur de nouvelle génération. Une nouvelle génération de navires de surface, comme les frégates Admiral Gorshkov et les corvettes projet 20380/20385, et de sous-marins avec les SSK Lada, les SSN Iassen et les SNLE Boreï étaient également en cours de construction, alors que les destroyers Super Gorshkov, les croiseurs nucléaires Leader et les SSN de nouvelle génération Laïka marquaient le renouveau de la Marine Russe. 7 années plus tard, force est de constater que nombres de ces équipements ne sont toujours pas en service, et que certains d’entre eux ne sont pas attendus, de manière significative, avant 2025 voire 2030.

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Le véhicule de combat d’Infanterie Kurganet 25 est équipé de la tourelle Epokha doit remplacer les VCI de type BMP actuellement en service

Pour autant, les armées russes ont connu une phase de modernisation intense depuis l’entame des réformes de 2008, suite à la Guerre de Géorgie, en privilégiant l’acquisition d’évolution des materiels existants plutôt que d’accélérer le developement des équipements de nouvelle génération. C’est ainsi qu’elles reçurent en un peu plus de dix ans, plus de 2500 chars lourds modernisés T-72B3(M), T-80BVM et T-90M, ainsi que 400 avions de combat Su-35, Su-34 et Su-30SM, tous présentant un rapport qualité-prix bien plus interessant pour la modernisation des armées russes à ce moment. Ainsi, un T-14 Armata couterait, selon les déclarations de l’industrie russe, prés de 5 m$ l’unité, soit l’équivalent de 2 T-90M, et davantage que 3 T-72B3M. Un Su-57, de son coté, couterait 2,5 fois plus cher qu’un Su-30SM, pourtant un appareil déjà parfaitement capable. De fait, entre 2008 et aujourd’hui, les armées russes ont privilégié l’acquisition de materiels modernisés en quantité à celui de materiels de nouvelle génération en quantité réduite, de sorte à atteindre l’objectif de 70% d’équipements modernes en 2021 visé par la loi de programmation russe, et ce en seulement 10 années d’investissement.

Désormais, la situation est toute autre, et la fin de la GPV en cours, marquera une transition nette vers l’entrée en service d’équipements de nouvelle génération, certes bien plus onéreux, mais avec une planification bien plus longue pour s’en doter maintenant que la modernisation initiale a été atteinte. De fait, d’ici 2030, les armées russes auront effectivement entamé la modernisation de leurs unités vers ces équipements de nouvelle génération, comme les blindés des familles Armata, Kurganet et Boomerang, les avions de combat Su-57, le drone S-70 et peut-être le chasseur léger Su-75 checkmate, les destroyers Super Gorshkov ainsi que les systèmes anti-aériens et anti-missiles S-350, S-500 et S-550 aux cotés des S-400, Buk-M et Tor. Au delà de ces programmes majeurs, de nombreux équipements complémentaires entreront eux-aussi en service, comme le drone de combat aéroporté Grom ou le missile hypersonique antinavire Tzirkon, permettant aux armées russes non seulement de rattraper, mais parfois de surpasser téchnologiquement leurs homologues occidentales et européennes, tout en conservant une masse opérationnelle significative du fait des programmes précédents.

Les effets de la professionalisation des armées

Si aujourd’hui, les deux tiers des effectifs des armées russes sont constitués de militaires sous contrat, et seul un tiers par des conscrits effectuant leur service militaire de 12 à 24 mois, cette transformation radicale des armées est encore relativement récente, n’ayant été entamée qu’à partir de 2004. En outre, l’augmentation des effectifs professionnels s’est faite très progressivement, concomitamment à la suppression de prés de 90% des unités héritées de l’armée de conscription pour les forces terrestres, et de 50% des unités pour les forces aériennes et navales. Cette transformation radicale de l’organigramme des armées s’est également accompagnée de la suppression de prés de 45% des effectifs d’officiers entre 2008 et 2012, selon la reforme ayant suivi la guerre de Georgie. Suite à quoi, il fut possible au nouveau ministre des Armées, Sergeï Choigou, et à son chef d’Etat-Major, le général Gerasimov, de reconstruire méthodiquement les armées russes, passant de 15 brigades opérationnelles en 2012 à plus de plus de 70 aujourd’hui, et 165 bataillons de combat inter-armes prés au déploiement.

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La professionnalisation des armées russes ne portera ses pleins bénéfices que d’ici quelques années

Toutefois, cette transformation de structure et d’organigramme est encore très récente aujourd’hui, de sorte que les militaires russes ne peuvent se prévaloir de l’efficacité et de l’aguerrissement des meilleures armées occidentales, comme les armées US, britanniques et françaises, afin de bénéficier d’une pyramide des grades, des compétences et des âges parfaitement homogènes et formées dans un même processus. En revanche, en 2030, 8 années seront passées, et les jeunes lieutenants recrutés à partir de 2004 pour former la nouvelle génération d’officiers occuperont les postes de commandement les plus importants, alors que l’ensemble des effectifs aura suivi un cursus de formation et d’entrainement normalisé, amenant à une montée en compétence globale des armées comparable à celle que connurent les armées européennes à la fin de la guerre froide, en grande partie sur le modèle américain et britannique.

Dès lors, l’efficacité opérationnelle des armées russes est appelée à sensiblement augmenter dans les quelques années à venir, grâce en partie aux engagements de ces forces sur des théâtres extérieurs comme en Syrie, ou en Afrique, et à un effort particulièrement important quant à l’entrainement des forces. Il est ainsi plus que probable que les forces aujourd’hui déployées autour de l’Ukraine auront une efficacité largement accrue non seulement vis-à-vis des forces engagées contre la Georgie en 2008, mais également vis-à-vis de celles engagées dans le Donbass en 2014/2015, et celle engagées au début de l’intervention syrienne en 2015/2016. En 2030, ce seront toutes les unités et l’ensemble des personnels des armées russes qui auront atteint et dépassé ce seuil d’efficacité, les mettant au même niveau que les unités et personnels des meilleures armées occidentales.

La montée en puissance de la Garde Nationale russe

Comme les armées occidentales avant elles, les armées russes durent renoncer à une grande partie de leur effectifs en se tournant vers la professionnalisation, même partielle. Et comme les armées occidentales, elles se retrouvent désormais confrontées à un problème d’épaisseur dans l’hypothèse d’un conflit majeur, ne pouvant pas étendre significativement leurs effectifs professionnels au delà des seuils actuels. C’est la raison pour laquelle, en 2018, le ministère de La Défense russe entama une vaste reforme concernant l’organisation de la réserve, pour donner naissance, à partir de 2019, aux BARS, des unités opérationnelles de réservistes volontaires rassemblées au sein de la Garde Nationale russe.

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La Garde Nationale russe représente pour les Armées russes un important potentiel pour gagner en épaisseur

Contrairement au fonctionnement établi en 1998 de la réserve, qui dériva rapidement vers la création « d’unités de papier » sans effectifs entrainés et sans materiels opérationnels, les BARS s’appuient sur des volontaires consacrant au moins 3 jours par mois à l’entrainement militaire, et répondant à des critères de sélection bien plus strictes que précédemment. Les unités de la Garde Nationale sont, par ailleurs , encadrées par des militaires sous contrat, et disposent de materiels comparables à ceux des unités professionnelles, de sorte à pouvoir être engagées concomitamment ou supplétivement à celles-ci. De cette manière, le Ministère de La Défense russe entend compenser, à relativement court terme, la perte d’épaisseur de ses forces engendrée par la professionnalisation partielle de ses forces, reprenant en bien des aspects le modèle de la Garde Nationale US, sans toutefois s’organiser autours d’un découpage géographique politique, mais autour d’un découpage par district militaire.

La montée en puissance de la Garde Nationale russe ne sera pas encore pleinement effective en 2030, mais aura déjà permis de significativement accroitre les capacités de réponse en volume des armées russes, en particulier des forces terrestres, celles-là même qui souffrirent le plus des récentes réformes. En outre, l’arrivée de materiels de nouvelle génération dans les unités professionnelles permettra d’équiper ces unités de réserve de materiels modernisés, comme les chars T-72B3 ou T-80BVM, les VCI BMP-2M ou les canons d’artillerie Akatsiya et Msta-S, leur conférant des capacités opérationnelles et une puissance de feu des plus respectables, et donc d’accroitre significativement les forces opérationnelles mobilisables par Moscou en cas de crise ou de conflit.

Le poids de la redistribution géopolitique mondiale sur le rapport de force en Europe

En 2030, les Armées russes seront donc mieux armées, mieux entrainées et disposeront de réserves plus importantes. Pour autant, ces aspects joueront probablement un rôle secondaire concernant le rapport de forces en Europe, puisqu’en 2030, la Russie sera également bien moins isolée qu’elle ne l’était il n’y de ça encore que quelques années, transformant en profondeur la réalité géopolitique du vieux continent. Ce sujet est relatif à la constitution d’un réseau d’alliances autour de Moscou en Europe, dans le Caucase, au Moyen-orient et d’une certaine manière, en Afrique, conçu autour d’une stratégie simple mais redoutablement efficace, consistant à protéger un régime en échange de son allégeance géopolitique. C’est évidement le cas de la Biélorussie, ou le dictateur Loukachenko n’est parvenu à se maintenir à la tête du pays qu’avec un très important appui de Moscou, ceci ayant entrainé un alignement sans faille de Minsk sur Moscou depuis un an. Mais il en ira probablement de même du Kazakhstan après que Moscou ait réprimé les manifestations contre le régime en début d’année, ainsi que d’autres pays membres du traité de sécurité collective, comme l’Arménie ou l’Albanie.

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La montée en puissance des armées chinoises influence directement le rapport de force en Europe en mobilisant toujours plus de forces américaines.

C’est également l’axe choisi par Moscou pour s’adjuger le soutien indéfectible de certains pays en Afrique et au Moyen-Orient, en appliquant la même stratégie, comme en Syrie en protégeant le régime de Bachar Al Assad, ou au Mali en protégeant le régime de la Junte au pouvoir face aux interférences pro-démocratiques européennes et de l’Union africaine. En outre, Moscou met également un oeuvre un stratégie de relations internationales basée sur les ventes d’armes, comme dans le cas de l’Algérie, voire de l’instrumentaliser comme dans le cas de l’Iran. De fait, non seulement Moscou est largement moins isolée sur la scène internationale, mais il dispose, de fait, d’alliés de plus en plus dévoués susceptibles d’intervenir à ses cotés, ou de créer des crises secondaires obligeants les occidentaux à diviser leurs forces et leurs capacités.

Mais l’allié le plus important, et le plus dangereux, de Moscou reste incontestablement Pékin. En effet, la Chine dispose aujourd’hui de la première force armée terrestre sur la planète, de la deuxième force navale et de la troisième force aérienne, et fourni un effort à la fois très important et parfaitement maitrisé pour devenir, de manière incontestable, la première puissance militaire mondiale d’ici 2049 officiellement, bien avant selon de nombreux experts. De fait, les Etats-Unis, mais également les alliés occidentaux du théâtre Pacifique, sont aujourd’hui contraints de concentrer une part de plus en plus importante de leurs moyens militaires pour neutraliser cette menace, diminuant de fait la force de l’alliance occidentale en Europe, alors même que les Européens restent figés dans la certitude d’une protection américaine qui ne pourra qu’être déclinante à court terme.

Conclusion

On le voit, la présente démonstration de forces russes autour de l’Ukraine ne représente, selon toute probabilité, qu’un avant gout de la puissance militaire dont disposera Moscou à l’entame de la prochaine décennie. Reste que cette évolution est encore incertaine, et peu considérablement varier en fonction de nombreux paramètres, comme les effets d’éventuelles nouvelles sanctions occidentales sur l’économie russe, les évolutions des prix des hydrocarbures, les évolutions géopolitiques ou l’éventuelle radicalisation du régime de Moscou. Pour autant, dans le présent contexte, il semble raisonnable de prendre en considération ces hypothèses avérées dans la planification défense des pays européens, de sorte à disposer, en 2030, et non en 2040, d’une réponse cohérente à l’évolution de cette menace sur le vieux continent comme ailleurs.