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Les 5 atouts du Rafale face au Super Hornet pour l’aéronavale Indienne

Le Rafale M1, premier appareil du programme a destination de l’aéronautique navale française, est aujourd’hui au coeur des attentions pour Dassault Aviation et l’ensemble de la Team Rafale. En effet, c’est cet aéronef qui a été envoyé le 6 janvier sur la base aéronavale indienne de Goa pour faire la demonstration de sa capacité à être mis en oeuvre à partir d’une plate-forme de type Ski-Jump, et non d’un porte-avions doté de catapultes. Ces essais, dont le premier a eu lieu ce matin et s’est déroulé de manière nominale, s’étaleront jusqu’au début du mois de février et permettront de valider non seulement la capacité de l’appareil à prendre l’air à partir de ce tremplin, mais également de valider les performances de celui-ci dans cette configuration, notamment en terme de capacité d’emport en matière de carburant et d’armement, les deux influençant simultanément la masse au décollage et les trainés que le Rafale et ses deux turboréacteurs M88 devront compenser pour décoller.

Le concurrent du Rafale dans cette compétition qui porte sur 36 à 57 aéronefs destinés à opérer à partir des deux porte-avions dotés de tremplin de la Marine Indienne, l’INS Vikramaditya actuellement en service et l’INS Vikrant qui termine ses essais opérationnels, n’est autre que le F/A-18 E/F Super Hornet de l’américain Boeing, qui devra, quant à lui, passer par la même phase de test que le Rafale à Goa au cours du mois de mars. Dans cette compétition déterminante pour les deux constructeurs, le Rafale français dispose de plusieurs atouts très importants, 5 au total, susceptibles de convaincre New Delhi et la Marine Indienne face aux nombreux arguments et aux pressions exercées par Washington pour privilégier son propre appareil.

1- Des dimensions réduites aux conséquences importantes

Le premier atout du Rafale dans cette compétition ne sont autres que ses dimensions réduites, en particulier face au Super Hornet. Avec une longueur de 15,27 m pour une envergure de 10,86 mètres, le Rafale est en effet 3 mètres moins long et 3 mètres plus étroit que le Super Hornet, ses 18,62 mètres de long et son envergure de 13,62 m. Surtout, il est de dimensions inférieures à celle du Mig-29K, long de 17,3 mètres et d’une envergure de 12 mètres, l’appareil qui équipe aujourd’hui les flottilles de combat de l’aéronavale indienne, et autours desquels les porte-avions indiens ont été conçus. Les conséquences de ces dimensions réduites de l’avion français sont en effet très importantes pour la Marine Indienne, puisque celui-ci ne nécessitera aucune adaptation des infrastructures existantes pour être déployé à bord des porte-avions existants, en particulier concernant les deux ascenseurs permettant de transférer les appareils du pont d’envol vers les hangars. Or, il semble que de part sa longueur, le Super Hornet imposerait, pour sa part, des modifications sensibles de ces infrastructures, entrainant surcouts, immobilisation des navires et délais supplémentaires.

IAC1 INS Vikrant Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Le nouveau porte-avions indien INS Vikrant sera déclaré opérationnel cette année. Il ne lui manque plus que des avions de combat modernes pour devenir un puissant navire de combat

D’autre part, ces dimensions réduites permettront aux Porte-avions indiens d’embarquer plus de Rafale que de Super Hornet. Ainsi, l’INS Vikramaditya ne pourra accueillir et mettre en oeuvre que 10 ou 11 Super Hornet dans le meilleur des cas, contre 14 Rafale. Or, la puissance opérationnelle d’un porte-avions, sa capacité à se défendre et à frapper, dépend directement du nombre d’aéronefs qu’il est capable de mettre en oeuvre, et une différence de 30 à 40% de format pour la chasse embarquée à bord constitue naturellement un enjeu de taille, surtout face aux bâtiments chinois qui, eux, embarquent une vingtaine de J-15. A noter que selon la presse indienne, le Rafale serait également compatible avec les miroirs d’appontage et les brins d’arrêt des porte-avions indiens, contrairement au Super Hornet.

2- Des performances potentiellement plus élevées

Si le Super-Hornet est plus imposant que le Rafale, il est également plus lourd, avec une masse à vide de 14,5 tonnes contre 10,2 tonnes pour l’avion français. La surface alaire des deux appareils est relativement proche, avec 45,7 m2 pour le Rafale contre 46,5 m2 pour le Super-Hornet. Pour se propulser, le F/A 18 E/F emporte deux réacteurs F414 de General Electrique développant chacun 63,2 KN à sec, et 97,9 KN avec Post Combustion, là ou les deux M88 du Rafale ne développent que 50 KN à sec et 75 KN avec post-combustion. Pour autant, la capacité d’emport de carburant et d’armement du Super-Hornet, 15 tonnes pour une masse maximale au décollage de 29,5 tonnes, est strictement identique à celle du Rafale avec une masse max au décollage de 25 tonnes.

Super Hornet tanker USS Gearld Ford EMALS Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
avec une masse à vide supérieure de plus de 4 tonnes au Rafale M, et une surface alaire équivalente, le Super Hornet consomme beaucoup plus d’énergie pour transporter la même charge utile que le Rafale.

On comprend de ces données que si le Super Hornet dispose de moteurs plus puissants, la poussée supplémentaire fournie par ceux-ci sert avant tout à compenser les 4,3 tonnes de masse à vide supplémentaire de l’appareil face au Rafale. En outre, ce regain de pousse est surtout sensible avec Post-combustion, puisqu’il n’est que de 2 tonnes sans celle-ci. De fait, à charge embarquée égale, le Super Hornet consomme beaucoup plus d’énergie pour tenir l’air que le Rafale, 20% d’énergie en plus, ce qui en réduit sensiblement l’autonomie de vol, à carburant embarqué identique. De plus, il est plus que probable que la charge transportable maximale du Super Hornet en configuration Ski-Jump sera inférieure à celle du Rafale, qui dispose de deux atouts dans ce domaine, une charge alaire inférieure de prés de 25% à vide, et des plans canards capables d’optimiser l’écoulement des filets d’air à basse vitesse pour une portance optimisée. Bien évidemment, tous ces éléments devront être validés lors des essais réalisés en Inde.

Mais il est plus que probable que, dans ces conditions, les performances du Rafale face au Super Hornet seront entre 15 et 25% supérieures à celles de son concurrent américain, sur la base d’une mise en oeuvre à partir d’un Ski-Jump. Ainsi, selon les quelques bribes d’information qui ont filtré dans la presse indienne, le Rafale serait en mesure de prendre l’air avec le plein de carburant interne et 4,5 tonnes de chargement externes, à partir d’un tremplin, avec une masse maximale au décollage de l’ordre de 19,5 à 20 tonnes, soit une masse suffisante pour la configuration air-air supersonique avec 2 bidons de 1200 litres, 2 Meteor, 2 Mica EM et 2 Mica IR, mais aussi en configuration frappe avec 2 missiles Scalp, 1 bidon central de 2000 litres, 2 Mica EM et 2 Mica IR, et même en configuration nounou avec 1 bidon de 2000 litres et 2 bidons de 1200 litres. En d’autres termes, le Rafale offrirait des capacités opérationnelles sur Tremplin proches de celles offertes sur catapultes.

3- Le parc Rafale de l’Indian Air Force

Les forces aériennes indiennes ont passé commande de 36 avions Rafale en 2016, et ces appareils sont presque tous livrés désormais. Or, cette commande a une influence considérable sur de nombreux aspects concernant la compétition en cours pour l’aéronautique navale. En premier lieu, les Rafale livrés à l’IAF ont déjà été adaptés aux besoins spécifiques des forces aériennes indiennes, que ce soit en terme de capacités opérationnelles, notamment pour coopérer avec les autres appareils mis en service dans cette force, et en particulier les Su-30MKI et Mig-29 de facture russe. Or, il est plus que probable que les besoins de l’aéronavale indienne soient, dans ce domaine, très proches si pas identiques à ceux de l’IAF. Dès lors, la longue et couteuse procédure d’adaptation de l’aéronef aux besoins indiens sera largement réduite pour le Rafale.

Rafale x guard Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Les Rafale de l’IAF ont été adaptés aux besoins spécifiques indiens, une procédure qu’il ne sera pas nécessaire de dupliquer pour les Rafale M de l’aéronavale indienne

En outre, l’IAF dispose d’une infrastructure de maintenance dimensionnée pour entretenir jusqu’à 150 Rafale. S’il est probable que celle-ci commandera de nouveaux appareils pour compléter son parc, soit dans le cadre de commandes entre états, soit dans celui de la compétition MMRCA 2, ces infrastructures pourront permettre à la Marine Indienne et l’IAF de mutualiser nombre des besoins de maintenance, comme c’est aujourd’hui le cas en France entre la Marine Nationale et l’Armée de l’Air et de l’Espace. Par ailleurs, ce parc existant permettrait de mutualiser les couts d’évolution vers du futurs standards des deux flottes, voire d’atteindre un volume suffisant pour que celles-ci soient réalisées en Inde par l’industrie nationale. Enfin, les couts de qualification de nouveaux armements et équipements pourront, eux aussi, être partagés entre les deux forces. Les bénéfices dans ce domaine pourraient également s’étendre aux besoins de formation des équipages et des équipes techniques, là encore de manière similaire à ce qui est appliqué en France, dans le domaine des stocks de pièces détachées, et dans la coopération opérationnelle entre les deux forces, en particulier à partir du standard F4 qui intègre des capacités de communication et de coopération avancées entre les appareils.

4- Des délais potentiellement courts

Ces différents atouts influences de manière sensible les délais potentiels de mise en oeuvre de la capacité Rafale pour la Marine Indienne. En effet, si celle-ci n’a pas besoin d’adapter l’appareil à ses besoins, de modifier ses navires pour les recevoir, si elle dispose d’infrastructures de maintenance déjà opérationnelles et de capacités de formation nationales pour ses équipages et personnels de maintenance, les délais de mise en oeuvre du Rafale pour la Marine Indienne seront potentiellement très réduits, et conditionnés par la seule disponibilité dans les lignes de production de Dassault Aviation. On comprend également, dans ces conditions, pourquoi et comment l’hypothèse d’une possible location de 6 appareils auprés de la France, de sorte à armer immédiatement l’INS Vikrant de cette capacité dès son entrée en service, a été évoquée dans la presse indienne, alors qu’une telle option est impossible avec le Super Hornet.

Atelier Rafale 1 Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Les contraintes connexes entourant la livraison de Rafale à la Marine Indienne sont bien moindres de celles du Super Hornet, permettant d’offrir des délais beaucoup plus réduit pour atteindre une première capacité opérationnelle.

Ces délais courts représentent un enjeu de taille pour New Delhi, qui fait face simultanément à la montée en puissance des tensions et des moyens militaires déployés de ses deux adversaires potentiels, la Chine à l’est avec des tensions importantes sur les hauts-plateaux du Ladakh et dans le Golfe du Bengale, et le Pakistan avec un renforcement des moyens aériens, navals et terrestres sans équivalents depuis deux décennies pour Islamabad, et notamment l’acquisition de nouvelles frégates (Type 054AP), de nouvelles Corvettes (Ada) et de nouveaux sous-marins (Type 039B) en moins de 5 ans. De toute évidence, il est urgent pour la Marine Indienne de disposer de ses deux porte-avions à plein potentiel au plus tôt, avec des appareils capables de s’imposer face au J-15 chinois ou aux F-16, JF-17 et bientôt J-10C pakistanais, ce dont les Mig-29K actuellement en service sont incapables.

5- Un prix global sensiblement inférieur pour une flotte plus évolutive

Naturellement, tous ces atouts influencent grandement le prix global de la transaction. Car si le Rafale et le Super Hornet sont proposés à des tarifs sensiblement identiques, de l’ordre de 100m$ par appareil en condition de vol, et si, sur le papier, les deux aéronefs ont des performances proches les unes des autres, l’absence de contraintes de mise en oeuvre pour l’avion français influencera considérablement le prix final, avec des écarts probables de plusieurs centaines de millions de $, voire de plusieurs milliards. Le simple fait de pouvoir s’appuyer sur le standard défini par l’IAF réduirait, à lui seul, la facture de manière sensible, alors que la mutualisation potentielle des infrastructures de maintenance permettraient des économies aussi bien dans la mise en place que dans la durée pour l’aéronavale indienne.

RAFALE F4 Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Le Rafale F4 sera opérationnel à partir de 2025, alors que la version F5 doit, elle, entrer en service dans la première moitié de la prochaine décennie.

Au delà du prix d’acquisition, le Rafale offre enfin un dernier atout de taille face au Super Hornet, à savoir son carnet de commande et sa pérennité. En effet, la ligne d’assemblage du F/A-18 E/F est désormais condamnée à plus ou moins court terme, d’autant plus court que l‘Allemagne envisage à nouveau de se tourner vers le F-35A et vers une version ECR du Typhoon plutôt que d’acquérir 30 Super Hornet et 15 Growler, et que le Congrès ne parviendra pas à imposer à l’US Navy d’acquérir à nouveau en 2023, 12 appareils pour maintenir cette ligne de production, comme ce fut le cas en 2022. De fait, la compétition indienne représente, en quelques sortes, le chant du signe pour ce modèle, qui sera remplacé lors de la prochaine décennie à bord des parte-avions américains par le F-35C et le futur F/A-XX. En revanche, le carnet de commande du Rafale, fort des 142 commandes exports enregistrées en 2021, et les quelques 80 appareils minimum restant à commander pour les forces aériennes françaises au cours de la décennie en court, garantissent la pérennité de la ligne de production, mais également la solidité du plan d’évolution des standards de l’appareil, déjà fixé pour les 20 années à venir.

En d’autres termes, le Rafale offre non seulement une meilleure pérennité et une plus grande sécurité pour l’investissement indien, mais il offre également une plus grande souplesse, permettant par exemple à la Marine Indienne de ne commander que 24 ou 36 appareils initialement, tout en sachant qu’elle pourra effectivement commander les 20 ou 30 appareils manquants d’ici quelques années, y compris en production locale si tant est que le Rafale remporte la compétition MMRCA 2. Cette possibilité est exclue pour le F/A-18 E/F, puisque la ligne de production de de l’appareil fermera de toute évidence à l’issue de l’exécution de ce dernier contrat, si tant est qu’il lui soit attribue, et que Boeing a présenté le F-15EX et non le Super Hornet dans la compétition MMRCA2.

Conclusion

On le voit, le Rafale est incontestablement en position de force dans la compétition en cours pour équiper les porte-avions de la Marine Indienne. Il doit, certes, confirmer certains aspects théoriques lors des essais qui ont lieus actuellement à Goa, mais tout porte à penser qu’en dehors d’une très mauvaise, et très improbable, surprise lors de ceux-ci, il devrait logiquement s’imposer dans cette compétition. Car l’avion français dispose d’un dernier atout dans sa manche en Inde, et non des moindres dans la plus grande démocratie du monde, à savoir un réel engouement populaire, particulièrement sensible depuis son entrée en service, aussi bien dans la presse indienne que dans les commentaires laissés par les indiens eux-mêmes sur les forums et reseaux sociaux. Dans ce domaine, le fait qu’Islamabad ait annoncé la commande de 25 J-10CE auprés de Pékin, précisément pour tenter de contenir le rapport de force imposé par l’arrivée des Rafale au sein de l’IAF, concoure également à cette adhésion populaire indienne massive.

Reste qu’en Inde, rien n’est acquis jusqu’à la signature effective du contrat, le paiement de l’acompte, et même la livraison des materiels. D’autres facteurs peuvent ainsi être mis en avant par Washington, comme une meilleure interopérabilité avec les appareils de l’US Air Force et surtout de l’US Navy déployés dans le Pacifique, ou des arguments plus pernicieux, comme la menace d’activer les sanctions CAATSA à la suite de l’achat de régiments S-400 par New Delhi auprés de Moscou. Ce ne serait pas, en effet, la première fois que les autorités américaines joueraient le tout pour le tout pour s’imposer dans de tels marchés, d’autant que l’Inde est un allié indispensable pour Washington afin d’espérer contenir la montée en puissance chinoise dans le Pacifique et l’Océan Indien, et que plus New Delhi mettra en oeuvre de materiels américains, plus la Maison Blanche aura d’influence sur la politique indienne. Les atouts indéniables du Rafale seront-ils suffisants pour contre-carrer les ambitions US ? Seul l’avenir nous le dira …

L’Allemagne veut évaluer l’intérêt du F-35 pour remplacer ses Tornado

« Ô, Quelle Surprise » diront les plus cyniques. Selon le site allemand Die Zeit, la nouvelle ministre de la Défense Christine Lambrecht aurait en effet entrepris de reconsidérer la décision de celle qui la précédait dans la fonction, Annegret Kramp-Karrenbauer, qui avait en 2020 arbitré en faveur de l’acquisition de 30 chasseurs bombardiers Boeing F/A 18 E/F Super Hornet et de 15 avions de guerre électronique EA-18G Growler afin de remplacer respectivement les Tornado dédiés à la mission nucléaire partagée de l’OTAN, et les Tornado ECR de guerre électronique et de suppression des défenses anti-aériennes de l’adversaire. Selon l’article, la Ministre allemande, en accord avec le chancelier Olaf Scholz, aurait lancé une consultation pour étudier la pertinence d’acquérir des F-35A plutôt que des Super Hornet, mais également une version de guerre électronique du Typhoon en lieu et place des Growler, pour remplacer les Tornado dédiés à ces missions. La question est, a-t-elle vraiment d’autres choix ?

En effet, l’arbitrage d’Annegret Kramp-Karrenbauer ressemblait davantage à une botte en touche, qu’à une réelle décision, tant les inconnues restaient nombreuses. En premier lieu, ni le Pentagone, ni l’OTAN, ni même l’US Navy n’avaient envisagé jusque là de qualifier le Super Hornet pour mettre en oeuvre la bombe nucléaire standard de l’OTAN, la B61-Mod12. Les seuls appareils devant être qualifiés pour cette munition étaient, en 2020 lors de l’annonce de la décision allemande, le F-35A, le F15E, le F16 C/D et le B2 Spirit. En privilégiant le Super Hornet au Lightning 2, Berlin espérait donc amener Washington à infléchir ses positions, et à intégrer l’appareil dans le programme de qualification de l’arme nucléaire. Mais ce ne fut pas le cas, et pour l’heure, aucune décision en faveur cette qualification n’a été annoncé outre-Atlantique, ce d’autant que les 4 autres pays participants à cette mission de dissuasion partagée de l’OTAN, la Belgique, l’Italie, les Pays-bas et la Turquie, mettent en oeuvre ou ont prévu de le faire, des F-35A ou des F-16 (cas de la Turquie). En d’autres termes, en dehors de Berlin, personne n’a besoin d’un Super Hornet qualifié pour la B61-Mod12.

super hornet boeing 2 Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
La série noire de 2021 semble continuer pour le Super Hornet de Boeing, qui voit son plus important client potentiel, l’Allemagne, s’éloigner à nouveau et reconsidérer l’hypothèse du F-35A

En outre, bien que l’appareil américain ait participé à toutes les grandes compétitions récentes face au F-35 comme face au Rafale et au Typhoon, celui-ci ne s’est imposé dans aucune d’entre elle, et n’a plus enregistré de commandes à l’exportation depuis 2015 et la commande Koweitienne. Il a notamment été éliminé des 3 compétitions les plus prometteuses pour lui visant à remplacer des F/A 18 Hornet au Canada, en Finlande et en Suisse.Quant aux chances que l’appareil puisse s’imposer dans de nouvelles compétitions, en Espagne pour remplacer les Hornet ibériques, ou en Inde pour équiper les porte-avions des pays, elles sont, selon de nombreux observateurs, au mieux peu élevées. Enfin, l’US Navy entend stopper l’acquisition d’appareils neufs d’ici l’année fiscale 2023, les 12 appareils commandés en 2022 ne l’ayant été que par décision du Congrès pour maintenir la ligne de production de Saint-Louis en activité.

En d’autres termes, l’avenir du Super Hornet est plus qu’incertain, et ce même à court terme, et parier sur cet appareil pour Berlin était incontestablement un risque, en partie conditionné par des pressions politiques venues de Paris pour préserver le programme franco-allemand SCAF de toute interférence potentielle liée à l’acquisition de F-35. Pour autant, les difficultés rencontrées aujourd’hui, et qui amènent à une ré-évaluation de l’arbitrage fait en 2020, étaient pour le moins prévisibles. On peut, dès lors, se demander à quel point la séquence qui s’ouvre aujourd’hui, n’était pas anticipé des autorités allemandes. En effet, une décision en faveur du F-35 aurait sans le moindre doute créé d’importantes tensions dans le couple franco-allemand au sujet du programme SCAF en 2020, alors que celui-ci était encore balbutiant. En revanche, il est peu probable, aujourd’hui, que la France ne réagisse avec autant de determination face à un changement de direction de Berlin dans ce dossier, maintenant que les accords et les financements de la phase de conception des démonstrateurs ont été avalisés de part et d’autre du Rhin, au risque de menacer la pérennité de ce programme stratégique pour l’exécutif tricolore.

Tornado allemand equipe du missile HARM Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
La Luftwaffe est aujourd’hui la seule force aérienne européenne à disposer d’un avion dédié à la guerre électronique et aux missions de suppression, le Tornado ECR

Reste que le changement de posture de Berlin, tout prévisible qu’il fut, aura nécessairement des conséquences sur le déroulement du programme SCAF. En effet, en choisissant d’acquérir le F-35A pour les missions de partage nucléaire, la Luftwaffe va se mettre dans une configuration bien plus proche de celle de la Royal Air Force et des Forces Aériennes Italiennes, que de l’Armée de l’Air, en mettant en oeuvre simultanément et sur un calendrier proche Typhoon et F-35. En outre, il est probable qu’une décision allemande en faveur de l’appareil de Lockheed Martin influencera la décision de Madrid d’arbitrer également en ce sens pour le remplacement de ses AV-8B Matador de l’aéronautique navale, et potentiellement d’une partie de ses F-18 Hornet, pour là encore intégrer une configuration identique à celle des 3 autres membres du consortium Eurofighter.

Dès lors, il y a fort à parier que les pressions se feront fortes aussi bien coté allemand qu’espagnol pour tenter de rapprocher les programmes SCAF franco-germano-espagnol et SCAF italo-britannique, voire de quitter l’un pour l’autre, sur l’autel d’une convergence industrielle et opérationnelle bien plus forte qu’avec la France et ses besoins spécifiques, comme la version navale embarquée et la version dédiée à la dissuasion nucléaire du NGF (Next Generation Fighter), l’avion de combat du programme SCAF. Rappelons également que les Britanniques ont exclu un tel rapprochement entre les deux programmes, mais n’ont pas du tout exclu l’intégration d’autres participants, en particulier ceux venant du programme Eurofighter. On comprend, dès lors, pourquoi Paris était à ce point hostile à l’acquisition de F-35 par la Luftwaffe, dans la mesure ou cela pourrait grandement menacer la pérennité même de la coopération franco-allemande dans ce domaine.

typhoon ECR 1 Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Airbus DS avait proposé à Berlin une version ECR de son Typhoon face au Growler en 2019

Si préférer le F-35 au Super Hornet pose effectivement de vrais questions quant à l’avenir du programme SCAF, l’hypothèse de se tourner vers une version dédiée du Typhoon pour les missions de Guerre Electronique et de suppression des défenses anti-aériennes ou SEAD, plutôt que le Growler, représenterait incontestablement une opportunité de taille pour Airbus DS et ses partenaires, qui avaient présenté il y a deux ans, précisément dans cette optique, le Typhon ECR conçu pour répondre à ces besoins. Cela met également un focus particulier sur la réponse faite par le Ministère des Armées à la question posée par le député jean-christophe Lagarde au sujet de l’opportunité de developper un Rafale de guerre électronique, une sorte d’équivalent au Typhoon ECR, pour les armées françaises.

Il semble en effet que la Luftwaffe ait une vision toute autre de celle de la France quant à la pertinence de disposer d’un tel appareil dans le contexte opérationnel présent et à venir, y compris lorsqu’elle considère les capacités des évolutions à venir du Typhoon, et l’engagement multinational des forces. Peut-être serait-il alors pertinent de se rapprocher d’Airbus DS et de l’Allemagne pour developper conjointement certains composants partagés entre une version ECR du Rafale et du Typhoon, comme les pods de guerre électronique ou les missiles anti-radiations, de sorte à réduire les investissements nécessaires pour se doter de cette capacité indispensable à l’engagement des forces aériennes dans le futur, quoiqu’en disent le ministère français.

Rafale Typhoon Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Le developpement simultanée d’une version ECR du Typhoon et du Rafale pourrait permettre de faire d’importantes économies dans le developpement de plusieurs composants, comme les pods de brouillage et les munitions anti-radiation

Quoiqu’il en soit, l’annonce faite par Christine Lambrecht rebat en profondeur les cartes dans de nombreux dossiers, alors que plusieurs questions importantes restent en suspend. Ainsi, on peut se demander si en se tournant vers le F35A, la Luftwaffe ne sera pas contrainte d’augmenter les volumes d’avions initialement prévus (30 appareils), surtout si dans le même temps, elle privilégie une version ECR du Typhoon qui, elle, pourrait bénéficier d’une maintenance partagée avec les autres appareils de se type mis en oeuvre. D’autre part, l’Allemagne va-t-elle tenter de fédérer les autres opérateurs de Typhoon, qu’il s’agisse des 3 autres membres du consortium Eurofighter, mais aussi de l’Arabie saoudite, d’Oman et de l’Iraq, pour developper conjointement ou acquérir des Typhoon ECR, ce qui la encore bouleverserait les rapports de force dans la coopération franco-allemande industrielle au sujet de SCAF. De toute évidence, ce revirement, même s’il était anticipé, peut avoir d’importantes conséquences dans de nombreux aspects.

La Corée du Nord teste à nouveau un missile balistique hypersonique aux performances avancées

Si l’attention géopolitique se porte désormais davantage sur les risques de conflits en Ukraine ou autour de Taïwan, certains théâtres moins exposés médiatiquement restent toujours très actifs.

C’est le cas notamment de la Péninsule Coréenne, alors que les deux pays, Corée du Nord et du Sud, se livrent depuis plusieurs années à une intense compétition dans le domaine des missiles à longue portée.

L’année 2021 fut ainsi marquée de nombreux essais de part et d’autres, avec des avancées notables aussi bien dans le domaine des missiles balistiques que des missiles de croisière. Mais ce fut incontestablement l’essai du 28 septembre d’un missile balistique nord-coréen équipé d’un planeur hypersonique qui marqua le plus les esprits dans cette compétition intense, bien peu d’experts ayant anticipé que Pyongyang puisse disposer d’une telle technologie.

Ce 5 janvier, la Corée du Nord a procédé à un nouvel essais de ce type, avec un missile balistique de la famille Hwasong-12 coiffé d’un planeur hypersonique. Le missile aurait parcouru une distance de 700 km, et aurait procédé à des manoeuvres évasives en fin de trajectoire à l’aide du planeur hypersonique.

Ces informations, communiquées par l’agence de presse officielle nord-coréenne KCNA, ont en partie été confirmées par le suivi du tir par les radar japonais. En revanche, ceux-ci n’ont pas été en mesure de suivre la trajectoire finale en dessous d’une certaine altitude, ne permettant de confirmer ou d’infirmer l’efficacité du planeur hypersonique.

Selon les déclarations nord-coréennes, le tir aurait permis de tester les capacités de manoeuvre avec une manoeuvre latérale engagée à une altitude de 120 km. De telles capacités permettent au système d’éviter les défenses anti-missiles balistiques traditionnelles qui se basent sur une estimation de la trajectoire balistique de la cible, et ne prennent pas en compte de telles capacités de manoeuvre.

North Korea Hypersonic glider Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Photo publiée le 28 septembre par l’agence de presse nord-coréenne KCNA du premier tir d’un système hypersonique nord-coréen

En outre, le cliché publié par la Corée du Nord en illustration de cet essai (en illustration principale), a attiré l’attention de nombreux spécialistes. Non seulement permet-il de confirmer l’aspect de l’ogive de rentrée atmosphérique conforme à celle d’un planeur hypersonique, mais il montre également que ces missiles à carburant liquide pourraient être employés de manière particulièrement souple, avec un pré-remplissage des réservoirs avant stockage, plutôt que d’un remplissage dynamique avant le lancement.

Si tel est le cas, Pyongyang disposerait d’une flexibilité d’emploi de ses armes stratégiques accrue, et une bien meilleure resilience aux frappes préventives prévues par Seoul le cas échéant pour tenter de détruire les missiles au sol, précisément pendant cette phase de remplissage des réservoirs.

La conjonction de planeurs hypersoniques capables d’éviter les défenses anti-missiles, et de systèmes de lancement souples sans remplissage in situ des réservoirs des missiles, conférerait à la Corée du Nord un avantage opérationnel très marqué sur son voisin sud-coréen, et ce d’autant que celui-ci ne dispose pas d’ogives nucléaires en propre pour contre-balancer la menace de Pyongyang dans ce domaine.

S’il est peu probable que le dirigeant de Corée du Nord, Kim Jung-un, envisage des frappes nucléaires sur son voisin de manière offensive, la maitrise de ces technologies lui confère de puissants arguments dans le cadre des négociations potentielles avec Seoul et surtout avec Washington, sachant qu’il disposerait, de facto, d’une capacité de seconde frappe regionale très difficile à contrer.

THAAD missile launch in 2005 1 Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Les systèmes anti-balistiques comme le THAAD ou le SM3 n’ont pas été conçus pour intercepter des cibles baltiques capables de manoeuvre, et verraient leur efficacité grandement diminuée face à des planeurs hypersoniques capables d’altérer sensiblement leur trajectoire balistique.

Le fait que la Corée du Nord, un pays au ban des nations et une économie moribonde, parvienne à se doter de systèmes capables de déjouer les capacités anti-balistiques les plus évoluées en service à ce jour, pose également de sérieux questionnements quant à l’efficacité de la planification technologique de défense occidentale. Rappelons qu’à ce jour, aucune des 3 grandes nations « nucléaires » occidentales de la planète, Etats-Unis, Royaume-Uni et France, ne dispose de système d’arme hypersonique opérationnel comparable, contrairement à la Russie, la Chine et donc, la Corée du Nord, pas plus qu’ils ne disposent de systèmes capables de s’en prémunir. De quoi sérieusement remettre en question le dogme de la suprématie technologique occidentale, d’autant que le cas des armes hypersoniques n’est pas le seul dans lequel le retard technologique des puissances occidentales commence à poser problème.

Le Pakistan annule la commande d’hélicoptères T-129 turcs pour se tourner vers le Z-10 chinois

En 2018, l’industrie aéronautique turque avait obtenu un remarquable succès en signant avec le Pakistan la vente de 30 hélicoptères de combat T-129 ATAK, un hélicoptère de facture locale dérivé du A-129 Mangusta italien. Ce contrat de 1,5 Md$ était alors le plus important contrat à l’exportation jamais remporté par cette industrie, permettant à Ankara de nourrir l’espoir de se positionner comme un acteur international sur ce marché fermement détenu par les américains, européens et russes depuis plusieurs décennies. Avec l’intervention militaire en Syrie, et l’acquisition de batteries de systèmes anti-aériens S-400 auprés de Moscou, la Turquie a cependant, à partir de 2019, fait l’objet de sévères sanctions de la part des européens comme des américains quant à l’exportation de certaines technologies de défense, et en particulier les turbines T-800 LHTEC issues d’une joint-venture entre Rolls-Royce et Honeywell, qui propulsent l’appareil.

A plusieurs reprises, les autorités pakistanaises avaient accordé à la Turquie un délais pour tenter de solutionner le problème, soit en obtenant les licences d’exportation nécessaires de la part de Washington, soit en équipant l’appareil d’un autre modèle de turbine. En dépit des efforts turcs pour infléchir la position américaine, sans pour autant renoncer aux batteries S-400, du rapprochement avec l’Ukraine et le motorististe Motor-Sich, et des efforts déployés par l’industrie turque pour tenter de developper une turbine de facture locale, le contrat vient d’être dénoncé par les autorités Pakistanaises, comme l’a confirmé le chef des relations publiques du Ministère de La Défense du pays, le Maj. Gen. Babar Iftikhar.

T129 Atak Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
dérivé du Agusta A-129 Mangusta italien, le T-129 ATAK turc emporte une avionique modernisée et offre un rapport performances-prix attractif.

Ce dernier a par ailleurs précisé qu’Islamabad avait entrepris de se rapprocher de Pékin en vu d’acquérir, comme solution alternative, une flotte d‘hélicoptères de combat Z-10ME, une version modernisée destinée à l’exportation de l’hélicoptère de combat et de lutte anti-char en service au sein de l’Armée Populaire de Libération depuis 2012. A noter que le Pakistan avait fait l’acquisition de 3 de ces appareils dans une version antérieure en 2015, mais avait finalement opté le T-129 en 2017. Le Z-10ME, présenté pour la première fois en 2018, dispose notamment d’un blindage renforcé, de turbines 20% plus puissantes que la version d’origine (qui était largement sous-motorisée..), d’une avionique modernisée et de nouveaux systèmes de défense. Il peut en outre mettre en oeuvre les dernières versions des munitions air-sol chinoises, comme le missile anti-char HJ-10 et le missile air-air TY90.

Il s’agit incontestablement d’un coup très dure pour l’industrie de défense turque, et pour l’hélicopteriste TAI en particulier, et ce d’autant que l’abandon Pakistanais pourrait entrainer dans on sillage d’autres prospects en cours. Mais les sanctions imposées par Washington ne doivent pas être vues comme visant exclusivement la Turquie. En effet, TAI a obtenu l’autorisation d’équiper les appareils vendus aux Philippines en 2019 des turbines LHTEC, ce qui indique que la mesure vise aussi bien la Turquie que le Pakistan, avec qui les relations restent des plus tendues pour Washington depuis la guerre d’Afghanistan, et le rapprochement d’Islamabad de Pékin qui s’est construit depuis les années 90. On peut dès lors penser que d’autres pays prêts à acquérir le T-129 turc, mais dont les relations avec les Etats-Unis seraient bonnes, comme le Maroc, pourraient, à l’instar des Philippines, obtenir les agréments d’exportation pour les turbines LHTEC.

Z10 Helicopter Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Le Z-10ME est 2 tonnes plus lourd que le T-129, et dispose d’un armement et d’un blindage supérieur à celui de l’hélicoptère turc.

Cette décision indique également que la turbine de facture locale TEI TS400, développée précisément pour remplacer les moteurs américains, n’a pas su convaincre Islamabad comme une alternative satisfaisante. Développée depuis 2017 pour équiper l’hélicoptère de transport TAI T625 Gökbey, cette turbine avait pourtant été présentée, il y a un an, comme operationelle et prête à équiper le T-129, en dépit d’une puissance développée de seulement 1000 KW contre 1.166 KW pour la LHTEC T800. Il est vrai que la confiance affichée par les industriels et les autorités turques dans ce dossier semblait en de nombreux aspects excessives, notamment en matière de calendrier, considérant les difficultés que représentent de tels développements.

En revanche, si les négociations avec le groupe chinois CAIC venaient à se conclure, il s’agirait d’un premier succès à l’export dans le domaine des hélicoptères de combat de conception chinoise, la Chine n’étant parvenu à exporter jusqu’ici que des modèles dérivés de modèles européens, comme le Z-9 qui n’est autre qu’une version locale du Dauphin français. Cette annonce intervient également quelques jours après qu’Islamabad ait officialisé la commande de 25 chasseurs J-10C auprés de Pékin, là encore une première pour Pékin qui n’avait jamais exporté ce type d’appareils à ce jour. Ces dernières années, les commandes de materiels militaires chinois à destination du Pakistan se sont multipliées, avec outre les J-10C et les probables Z-10, la commande de 8 sous-marins Type 0398B en 2015, de 4 frégates Type 054AP et de 48 drones MALE Wing Loong II en 2018 et de 236 canons automoteurs Sh-15 et de 240 chars de combat VT4 en 2019, pour ne citer que les principaux équipements.

Ces conflits qui menacent en 2022 : Ukraine-Russie

S’il fut un facteur marquant pour décrire l’année 2021, en dehors de la crise Covid, c’est incontestablement l’augmentation sensible des tensions directes entre de nombreux états, avec le risque, bien réel désormais, de voir resurgir le spectre des conflits entre grandes puissances à l’échelle régionale, voire mondiale. En outre, et contrairement aux tensions et conflits qui marquèrent la période post-guerre froide, ces guerres en gestation menacent, dans leur immense majorité, d’entraîner dans leur sillage des opposition de super-puissances nucléaires, et même d’avoir un effet déclencheur entre elles, de sorte que la détérioration de la situation pour l’un d’eux peut engendrer des conséquences sensibles sur les autres. Cette série d’articles présente ces différents conflits qui menacent de débuter en 2022, leurs origines ainsi que leurs conséquences potentielles.

Origines du conflit ukrainien

De tous les conflits en developpement, l’affrontement qui menace entre l’Ukraine et la Russie est incontestablement celui celui qui présente les risques les plus immédiats d’embrasement. Depuis les évènements de la place Maïdan en 2013, et le départ sous la pression populaire du président Ianoukovitch, les relations entre Kiev et Moscou ont été particulièrement tendues, et ce d’autant que la Russie a annexé militairement la Crimée en février 2014, puis instrumentalisé l’opposition entre russophones de l’est et ukrainiens de l’Ouest en soutenant activement la révolte militaire dans le Donbass. Depuis, ce conflit, qui connut son pic d’intensité entre 2014 et 2015, a fait plus de 14.000 morts, et a fermement radicalisé l’opinion publique ukrainienne contre la Russie, et en faveur d’une adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne.

Ilovaisk Battle 2015 Ukrain Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Les conflits dans le Donbass en 2014 et 2015 furent les plus intenses engagements sur le sol européen depuis la fin de la seconde Guerre mondiale.

Pour Moscou, cependant, il n’est pas question de laisser Kiev rejoindre le camps occidental, en particulier au sein de l’OTAN, ce qui permettrait aux autorités ukrainiennes d’invoquer l’article 5 face à la menace russe, mais également de moderniser leurs armées avec des équipements militaires de haute technologie. Dès lors, et depuis plusieurs années, les armées russes ont à plusieurs reprises mimé la préparation d’un assaut d’envergure contre l’Ukraine en concentrant d’importantes troupes le long de ses frontières du Donbass, de Crimée et plus récemment, depuis l’inféodation du president Loukachenko après les révoltes populaires de 2020 réprimées férocement avec l’aide de Moscou, le long de frontière Biélorusse. Ces démonstrations de force eurent cependant des effets délétères pour Moscou, en incitant l’Ukraine et les ukrainiens à renforcer leurs armées et leur determination à résister aux pressions russes ainsi qu’à accélérer l’adhésion à l’OTAN soutenue désormais par plus des 2/3 des ukrainiens, alors que dans le même temps, européens et américains faisaient la sourde oreille aux revendications de plus en plus insistantes du Kremlin.

Un nouveau déploiement de forces qui inquiète

Fin novembre 2021, de nouvelles concentrations de troupes russes aux frontières ukrainiennes furent observées, faisant resurgir le risque d’une attaque militaire. Mais contrairement aux déploiements précédents, les armées russes ont cette fois déployé, outre les unités combattantes, de nombreuses unités de soutien, ainsi que d’importantes forces de réserves pouvant potentiellement permettre une exploitation rapide des avancées réalisées par les unités de contact, et faisant craindre à de nombreux experts que l’objectif du Kremlin serait bel et bien une offensive directe et massive, la première depuis la fin de la seconde guerre mondiale sur le continent Européen. Selon les observations satellites et les communiqués des services de renseignement occidentaux, ce sont aujourd’hui pas moins de 100.000 hommes et une soixantaine de bataillon de combat interarmes qui sont déployés à proximité de la frontière ukrainienne, ainsi que de nombreuses unités de soutien, soit prés de 40% de l’ensemble des forces armées russes d’active, et plus que la totalité des forces opérationnelles de l’Armée de terre française.

Russian Tank Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Selon les observations satellites, les armées russes auraient déployé une soixantaine de bataillon inter-armes, l’équivalente des GTIA de l’Armée de terre, aux abords des frontières ukrainiennes, et de nombreuses unités de soutien. On estime que plus de 1000 chars lourds T72B3/M, T80BVM et T90B/M sont déployés dans cette zone.

Coté occidental, après que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France se soient tous engagés à garantir l’intégrité territoriale de l’Ukraine au début des tensions, le discours a rapidement évolué alors que le risque d’une intervention militaire effective russe devenait plus précis. Aujourd’hui, ces 3 puissances nucléaires et membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unis, promettent des sanctions très sévères contre la Russie en cas d’attaque de l’Ukraine, mais exclues une intervention militaire pour soutenir Kiev, ainsi que l’exportation de materiels militaires avancés susceptibles de « provoquer » Moscou.

Fort de cette reculade occidentale, et de la confiance que le Kremlin a dans son armées qui a retrouvé en quelques années un format et des capacités opérationnelles dignes d’une super-puissance, les autorités russes ont lancé un ultimatum aux Etats-Unis, exigeant de ceux-ci qu’ils n’étendent plus l’OTAN à l’Est, faisant spécifiquement référence à l’Ukraine, la Georgie mais également à la Finlande et la Suède; le retrait des troupes américaines et occidentales des pays d’Europe de l’Est et anciens membres de l’URSS et du Pacte de Varsovie; ainsi que l’engagement de ne pas déployer d’armes nucléaires en dehors du territoire national de chacun des membres. Il va sans dire que ces exigences, si elles venaient à être appliquées, affaibliraient considérablement la puissance militaire et défensive occidentale, et exposerait dangereusement tous les pays membres de l’OTAN d’Europe de l’Est et du Nord à la menace russe.

Un rapport de force complexe

Pour l’heure, donc, ce sont 100.000 militaires russes, ainsi qu’un millier de chars de combat, trois milles véhicules blindés de combat d’infanterie et de transport de troupe, ainsi que 400 avions de combat et hélicoptères russes qui sont déployés le long de la frontière ukrainienne. L’armée ukrainienne, pour sa part, s’appuie sur un contingent de 170.000 hommes, de 800 chars modernes et de 2000 véhicules blindés pour y faire face. Sur le papier, donc, les forces semblent équilibrées, d’autant que les forces ukrainiennes ont l’avantage d’être en position défensive. Dans le détail, cependant, il semble que ce rapport de force « stratégique », est loin d’être aussi équilibré qu’il n’y parait.

ukrainian Armed Forces Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
En dépit d’effectifs importants supérieurs aux forces russes déployées, les armées ukrainiennes n’auront pas l’avantage en cas de conflit, face à la supériorité technologique et l’aguerrissement des unités russes.

En effet, les unités de ligne russes, celles qui composent la soixantaine de BGT déployées le long de la frontière ukrainienne, sont en majorité composées de militaires de carrière, ayant connu l’expérience du combat en Syrie et dans le Donbass, et bien mieux équipées que les unités ukrainiennes, notamment dans les domaines de la guerre électronique ou de l’artillerie. En outre, les forces russes disposent d’une puissance aérienne et navale sans équivalent en Ukraine, et d’une extraordinaire capacité anti-aérienne, laissant anticiper que les armées russes pourraient rapidement s’assurer de la maitrise du ciel en cas de conflit. Face à elles, les armées ukrainiennes sont à 75% composées de conscrits et de volontaires, moins entrainées et aguerries que les forces russes. En outre, leur équipement est pour l’essentiel issu des réserves héritées de l’Armée soviétique, et bien peu de ces materiels ont été modernisés depuis. En outre, afin de ne pas provoquer l’ire de Moscou, européens et américains ont limité les exportations de materiels militaires offensifs vers l’Ukraine, ce qui aurait pu permettre à Kiev de rétablir un rapport de force équilibré dissuasif.

De fait, le rapport de force entre armées russes et ukrainiennes est aujourd’hui difficile à établir. En dépit de sa puissance numérique, les armées ukrainiennes pourraient bien se retrouver dans une posture identique à celle des armées irakiennes lors de la première Guerre du Golfe, et être dans l’incapacité de profiter de l’avantage défensif face à la puissance de feu et la modernité des unités russes. Dans ces conditions, le recours à une défense de type guérilla, plutôt qu’à une stratégie défensive classique, pourrait représenter une alternative interessante pour Kiev en cas d’attaque, mais aurait peu de chances de dissuader Moscou d’une offensive si la décision venait à être prise.

Une situation figée temporairement

Depuis le début de l’année, la situation semble toutefois figée sur ce front, et ce pour plusieurs raisons. La première est que russes et américains doivent se rencontrer le 10 janvier au sujet du dossier ukrainien, mais également de l’ultimatum lancé par Moscou, qui n’a pourtant presque aucune chances d’être accepté par Washington comme par les Européens, relégués au rang d’observateur par la Russie. En second lieu, la météo dans l’est de l’Ukraine a été, ces deux dernières semaines, particulièrement clémente, avec des températures largement supérieures à 0, entrainant la fonte prématurée des neiges. De fait, le sol est aujourd’hui impraticable pour un assaut massif, les véhicules blindés russes ayant toutes les chances de s’embourber dans les plaines du Donbass. Enfin, la semaine faisant suite au 1er janvier est une semaine chômée en Russie, et un important moment de la vie sociale et familiale dans le pays, et il est probables qu’en tenant compte des facteurs précédents, un grand nombre de militaires russes aient été autorisés à rejoindre, temporairement, leurs familles pour ces célébrations qui prennent fins avec le Noel orthodoxe le 7 janvier.

T80 Mud Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Une météo trop clémente ces 2 dernières semaines a rendu le sol dans l’est de l’Ukraine boueux et incompatible avec une offensive blindée

En revanche, tous ces paramètres n’ont qu’une efficacité temporelle limitée, et la situation pourrait rapidement évoluer à partir du milieu de la semaine prochaine. En effet, à compter du 12 janvier, les négociations avec Washington auront probablement permis de définir les lignes rouges de chacun, et donc les difficultés à obtenir un accord par voie diplomatique dans ce dossier. En outre, les prévisions météorologiques indiquent qu’une vague de froid intense, avec des températures nocturnes inférieures à -10° c et de fortes précipitations de neige, sont attendues dans l’Est de l’Ukraine à partir du mercredi 12, ce qui permettrait à nouveau aux blindés russes d’envisager un assaut direct. Enfin, les célébrations de Noel auront pris fin, et les militaires auront réintégré leurs unités. Ces probablement sur la même grille de lecture que les services de renseignement américains ont annoncé que la fenêtre probable pour une attaque russe de l’Ukraine se situait entre la mi-janvier et la mi-février de cette année.

Les risques d’extension du conflit

Reste que si tel était le cas, les risques de voir le conflit déborder des frontières ukrainiennes seraient très importants. En effet, une offensive contre l’Ukraine entrainerait très probablement de sévères sanctions du bloc occidental, et notamment des européens, celles-ci pouvant potentiellement radicaliser les positions de Moscou et de l’opinion publique russe sous influence des médias d’Etat du pays. En d’autres termes, les risques que Moscou s’enhardisse, et vienne à menacer d’autres pays européens non alignés, comme la Moldavie, la Finlande et la Suède sont loins d’être négligeables, et le seraient d’autant plus si les Armées russes remportaient une victoire rapide et décisive sur la puissante armée ukrainienne (ce qui est loin d’être garantie). En outre, Moscou pourrait également mettre en oeuvre des contre-sanctions, notamment dans le domaine énergétique, alors que de nombreux pays européens dépendent du gaz russe de manière stratégique, en particulier en période hivernale.

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Les voisins de la Russie, comme la Finlande, sont directement concernés par l’ultimatum posé par Moscou

Mais le risque le plus important, en Europe, en cas de conflit en Ukraine, reste incontestablement le risque migratoire, puisqu’il est fort probable que plusieurs millions d’ukrainiens chercheront à trouver refuge dans l’Union européenne si la Russie venait à attaquer le pays. Dans une telle hypothèse, et pour peu que les Armées russes appliquent une stratégie comparable à celle employée lors du conflit géorgien visant à disloquer l’Arme ukrainienne, il est probable que plusieurs millions d’ukrainiens fuiront le pays vers l’ouest, provoquant en UE une crise migratoire sans commune mesure avec celle qu’elle a connu en 2015 qui entraina déjà la radicalisation de certains états membres, comme la Pologne et la Hongrie, et l’émergence accélérée des nationalismes, avec comme conséquence principale le Brexit. En tout état de cause, dans la mesure où aujourd’hui, les armées européennes n’ont pas la capacité, seules, à s’opposer efficacement dans le domaine conventionnel aux armées russes, il est probable que le Kremlin n’hésitera pas à pousser ses avantages à l’extreme, dans le but de provoquer l’éclatement d’une partie de l’UE, et la redistribution des équilibres géopolitiques en Europe, grâce notamment aux accointances de plus en plus marquées entre Moscou et les partis nationalistes et extrémistes européens, ainsi qu’avec une certaine partie des élites politiques, en particulier en Allemagne et en France.

Quant aux Etats-Unis, leurs moyens d’action sont limités. En effet, il est désormais impossible à Washington d’entamer un vaste déploiement de forces armées américaines en Europe, sans affaiblir sensiblement la présence US dans le reste du monde, et en particulier dans le Pacifique face à la Chine, la Russie et la Corée du Nord. Ses moyens sur place, qu’ils soient terrestres, aériens et navals, sont quant à eux bien plus limités qu’ils ne l’étaient durant la Guerre Froide, et ne peuvent espérer une extension rapide, puisque les Etats-Unis ont supprimé le dispositif de pré-positionnement des materiels Reforger depuis 1993. La seule alternative, pour Washington comme pour Paris et Londres, serait de répondre à ces menaces en brandissant la réponse stratégique nucléaire, ce qui créerait une crise sécuritaire d’un niveau comparable à celle des missiles de Cuba en 1062, ou des euromissiles en 1983.

Borrell Ukraine Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Le 6 janvier, le chef de la diplomatie européenne, Joseph Borrell, s’est rendu en Ukraine sur la Ligne de front pour signifier à Kiev le soutien de l’UE à la protection de l’intégrité territoriale du pays. Il a également appelé russes et américains à ne pas négocier l’avenir et la securité de l’Ukraine et de l’Europe sans la présence des ukrainiens et des européens.

Conclusion

De toutes les crises en gestation, le conflit russo-ukrainien est sans le moindre doute celui qui présente, aujourd’hui, la plus grande menace pour l’Occident, et pour l’Europe en particulier, avec des conséquences potentielles dépassant de loin les seules frontières de l’Ukraine. Dans ce dossier, la responsabilité des occidentaux, américains comme européens, est incontestable. Cette crise est en effet en gestation depuis prés de 8 ans, et les uns comme les autres ont préféré, au fil de ces années, détourner le regard pour préserver certains intérêts économiques et commerciaux, voire parfois personnels, plutôt que de faire face à la réalité du renforcement militaire russe, et des changements profonds qui ont transformé la société du pays depuis une dizaine d’années et le retour de Vladimir Poutine au Kremlin. Même alors que les risques d’un embrasement en Europe sont au plus haut, la préoccupation principale des autorités allemandes, il y a encore quelques semaines, était de convaincre Washington de ne pas intégrer le gazoduc Nord Stream 2 dans le pack de sanctions prévues par le Congrès US.

Une chose est certaine, aujourd’hui, la Russie et son dirigeant sont en position de force en Europe, peut-être même au delà de ce que n’avait jamais atteint l’Union Soviétique en son temps, créant un phénomène de sidération bien palpable sur le vieux continent, et neutralisant toutes les réponses possibles des capitales européennes, si ce n’est pour certains pays comme la Finlande ou les pays Baltes, dont la combativité reste entière. Ainsi, en dépit des menaces répétées de la part du Quai d’Orsay, les premières unités de mercenaires Wagner ont été observées a Tombouctou au Mali après les les unités françaises s’en soit retirées, sans aucune réaction de la part des autorités françaises. L’ultimatum lancé par Moscou aux Occidentaux, comme l’expulsion des européens des négociations concernant leur avenir et leur sécurité avec les Etats-Unis, démontrent qu’aujourd’hui, en dépit du poids economique incontestable de l’UE dans le monde, l’Europe, comme ses membres, sont quantité négligeable sur la scène géopolitique internationale. En bien des aspects, la crise ukrainienne, et ses évolutions, pourraient de fait menacer les ambitions européennes, voire la pérennité même du projet européen.

Les premiers Rafale grecs opérationnels 12 mois seulement après la commande d’Athènes

Les 6 premiers avions de combat Rafale commandés par la Grèce en Janvier 2021 rejoindront la 114ème escadre de combat sur la base de Tanagra en Béotie, au nord d’Athènes, entre le 17 et le 19 janvier 2022, soit à peine une année après que la première commande de 18 appareils, dont 12 avions d’occasion prélevés sur le parc de l’Armée de l’Air et de l’espace et modernisés au standard F3R par Dassault Aviation, aie été signée. Cette base aérienne, proche des installations de l’industriel local HAI, avait auparavant accueilli les mirage F1 grecs de 1973 à 2003, puis les mirage 2000-5 des forces aériennes helléniques depuis 2007. Les appareils arriveront directement de Merignac avec leurs équipages et les équipes techniques actuellement formés en France.

Bien qu’un certain délais sera nécessaire pour rendre les 6 Rafale, deux Rafale B biplaces et 4 Rafale C monoplaces, de la base aérienne de Tanagra pleinement opérationnels, avec la construction de nouvelles infrastructures dédiées à leur maintenance, cette livraison rapide marque incontestablement une étape majeure dans la modernisation des forces aériennes helléniques, en particulier pour contrôler l’espace aérien au dessus de la Mer Egée. Raison pour laquelle cette arrivée fera l’objet d’une célébration en présence du premier Ministre Kyriakos Mitsotakis ainsi que d’un grand nombre d’officiels du Ministère de La Défense.

Rafale grece 1 Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
6 des 12 Rafale d’occasion qui iront en Grèce ont été offerts par la France, Athènes n’ayant eu à payer que leur modernisation au standard F3R

Il s’agit incontestablement d’un succès pour le dirigeant grec, qui seulement deux ans après son élection, peut presenter les premiers effets de sa stratégie de modernisation de l’outil de défense grec, en particulier face à la Turquie, avec la commande 24 Rafale, de 3 frégates FDI, de 6 hélicoptères de lutte anti-sous-marine MH-60R, et des négociations avancées au sujet de plusieurs autres programmes, dont celui visant à construire 5 corvettes modernes dans les chantiers navals helléniques. Athènes serait également en pour-parler avec Washington pour acquérir un escadron (18 appareils ?) de F-35A afin de compléter son dispositif aérien, et remplacer les plus anciens de ses F-16 qui n’ont pas pu être modernisés au standard Block70 Viper. De fait, d’ici seulement quelques années, les autorités grecques auront réussi le pari de sensiblement modifier le rapport de force très défavorable qui existait face aux armées turques, bénéficiant également dans ce domaine de facteurs externes, comme l’effondrement economique et monétaire de la Turquie, et les sanctions américaines et européennes contre Ankara suite à l’intervention militaire en Syrie.

Pour autant, il restera un immense chantier à traiter pour Athènes, après la modernisation de sa flotte et de ses forces aériennes, pour moderniser ses forces terrestres, et remplacer les quelques 5000 véhicules blindés de différents types aujourd’hui obsolètes, comme les quelques 900 chars Leopard 1 et M48 Patton encore en service, ou les quelques 4000 véhicules blindés de transport de troupe BMP-1 et M113 et dérivés qui constituent le gros des équipements encore en service au sein des forces terrestres helléniques. Au total, et pour répondre au nouveau format de celle-ci, Athènes devra acquérir, dans les années à venir, entre 2000 et 2500 blindés médians, et entre 200 et 400 blindés lourds, afin de maintenir sa puissance dissuasive face à Ankara, qui de son coté a également entrepris un large effort de modernisation dans ces domaines.

Greek Leopard1A5 Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
L’immense majorité du parc blindé des forces terrestres de l’Armée Hellénique est aujourd’hui obsolète, comme ce Leopard 1A5 encore en service

Reste que, rapporté à sa population de seulement 10 millions d’habitants, et son poids économique d’à peine 200 Md$, les forces armées grecques parviennent à maintenir et à moderniser une puissance militaire plus que significative alignant plus de 140 avions de combat, 10 à 12 frégates, 10 sous-marins d’attaque ainsi qu’un corps mécanisé de plus de 100.000 militaires et 4500 blindés. Cet effort de défense, qui atteint 2,8% du PIB pour un budget annuel de 5,5 Md$, reste par ailleurs parfaitement maitrisé dans le contexte de croissance actuel de l’économie grecque qui récupère de la très difficile décennie 2010, et qui affiche aujourd’hui, une croissance moyenne (hors covid) de 3,5% par an, alors que les questions de défense représentent un sujet majeur pour beaucoup de grecs, qui soutiennent, dans leur majorité, les efforts du gouvernement dans ce domaine, 70% d’entre-eux estimant que la Turquie représente une menace militaire significative pour le pays.

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Athènes a entrepris de moderniser 80 de ses chasseurs F-16 au standard Viper Block 70

La compétition fait rage entre Naval Group, Fincantieri et Damen pour les corvettes grecques

La compétition pour la construction et la livraison de 5 corvettes pour la Marine Helléniques pourrait bien être la redite de celle qui fit rage au sujet des frégates, et qui vit, finalement, Athènes arbitrer en faveur de la Frégate de Défense et d’Intervention ou FDI Belharra de Naval Group en septembre dernier, à l’issu de deux années de tractations intenses et de revirements sensationnels. Comme précédemment, en dépit des discussions avancées à ce sujet entre le constructeur français et les autorités grecques, les concurrents européens et américains de Naval Group sont déterminés à ne pas faciliter les négociations, à grand renfort de contre-propositions et de coups médiatiques. Aujourd’hui, donc, 3 modèles sont officiellement proposés à Athènes dans cette compétition portant sur la construction locale de 5 corvettes polyvalentes de 2.500 à 3000 tonnes et la modernisation des 3 frégates Meko 200HN en service au sein de la Marine helléniques : le Gowind 2500 de Naval Group, la Sigma 10514 de Damen et la Doha de l’italien Fincantieri, dérivée du modèle vendu au Qatar en 2016.

Les 3 modèles proposés à la Grèce

Longue de 102 mètres pour un deplacement de 2,500 tonnes, la Gowind 2500 de Naval Group est une corvette polyvalente très équilibrée et économique, déjà exportée en Egypte (4 unités), en Malaisie (6 unités allongées) et commandées par la Roumanie (4 unités) et les EAU (2 unités). Modulaire et polyvalente, elle emporte, en configuration standard, un canon de 76mm, 4 ou 8 missiles anti-navires à longue portée comme le MM40 Block 3C Exocet, 16 cellules verticales pour missiles anti-aériens MICA VL(NG), ainsi que 2 lance-torpilles triples pour torpilles anti-sous-marines légère Mu-90. Le navire dispose également d’un hangar et d’une plate forme pour mettre en oeuvre un hélicoptère de la classe 10 tonnes. Très équilibrée dans tous les domaines, la Gowind 2.500 est particulièrement efficace dans le domaine de la lutte anti-sous-marine, avec notamment l’excellent sonar tracté à profondeur variable CAPTAS-2 et un sonar de coque Kingklip, et dispose d’un puissant radar 3D SMART-S Mk2 de Thales. Cette confirmation, retenue par l’Egypte, n’est toutefois qu’indicative, puisque par exemple les corvettes émirati emportent 16 silos Mk56 pour missile ESSM, en lieu et place des cellules MICA VL, et un système SeaRam d’autodéfense.

GOWIND at sea 2 Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
La Gowind 2500 de Naval Group offre un excellent rapport performances-prix et des performances avancées notamment dans le domaine de la lutte anti-sous-marine et anti-surface

La Sigma 10514 du néerlandais Damen a des dimensions comparables à la Gowind, avec une longueur de 105 mètres pour un deplacement de 2.350 tonnes. Elle a été retenue à ce jour par la Marine Indonésienne qui commanda 2 navires à Damen pour former la classe Martadinata, et 8 navires de patrouille armés à longue endurance commandés par la Marine Mexicaine dérivés de ce même modèle. L’équipement proposé à la Marine Hellénique par Damen est strictement identique à celui des Gowind 2500 de Naval Group, avec 16 MICA VL, un canon de 76mm, 8 MM40 Exocet, et 2 tubes triples pour torpilles Mu90, adossés à un radar 3D Smart-S Mk2, et une suite sonar Kingklip/CAPTAS 2. La configuration de la section aviation est également identique.

fregate martadinata indonesie Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
La corvette Sigma 10514 est, en de nombreux aspects, parfaitement comparable à la Gowind. Le modèle proposé à la Marine Hellénique reprend d’ailleurs les mêmes composants et systèmes que la corvette de Naval Group

Dernières arrivées dans la compétition, les corvettes de la classe Doha de Fincantieri sont plus imposantes, avec une longue de 107 mètres et un deplacement de 3.250 tonnes. Elles sont également, au moins dans leur version exportées au Qatar, mieux armées, avec 2 systèmes Sylver 50 permettant d’accueillir 16 missiles anti-aériens à longue portée Aster 30 mis en oeuvre grâce au radar Kronos de Leonardo, aux cotés de 8 missiles anti-navires Exocet, d’un canon de 76mm et d’un système SeaRam. En revanche, le navire n’a pas été conçu pour la lutte anti-sous-marine, n’ayant ni sonar de coque ni de sonar tracté dans la version vendue au Qatar. En outre, elles sont plus chères que leurs homologues françaises et néerlandaises, avec un tarif annoncé de 2 Md€ pour 5 navires, contre 1,65 Md€ pour Damen et 1,7 Md€ pour Naval Group.

Les clés de l’arbitrage grec

Même si elle a ses qualités, l’offre de Fincantieri apparait donc pour le moins excentrée vis-à-vis des offres françaises et néerlandaises, qui elles répondent mieux aux besoins de la Marine Hellénique. En effet, celle-ci a déjà commandé 3 navires parfaitement capables dans le domaine de la Défense antiaérienne avec les FDI Belharra de Naval Group, pour contrôler la menace aérienne adverse, avec notamment un très puissant radar SeaFire 500 capable de créer une zone d’exclusion aérienne de 35.000 km2 par navire. En revanche, même si les FDI sont également d’excellentes plate-formes de lutte anti-sous-marine, le besoin dans ce domaine, et dans celui de la lutte anti-navire, nécessite une répartition plus large des moyens pour protéger la Mer Egée. En outre, comme dit précédemment, même si les Doha venaient à être équipées d’un système sonar, ces navires n’ont pas été conçus pour cette mission, et leurs performances seraient de fait limitées dans ce domaine.

Doha class Corvette Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Conçue pour la lutte anti-aérienne, les corvettes de la classe Doha souffrent en revanche de l’absence de capacités anti-sous-marine dans la version exportée au Qatar.

On constate également que les offres françaises et néerlandaises sont remarquablement proches, tant du point de vue des capacités opérationnelles que des offres budgétaires. Dans ces conditions, les clés d’arbitrage pour Athènes seront avant tout politiques mais aussi économiques. Dans le domaine politique, l’avantage va naturellement vers Paris, puisque les deux pays ont signé un accord de défense ambitieux ainsi que plusieurs importants contrats de défense ces derniers mois, avec la commande de 24 avions Rafale et de 3 frégates. Toutefois, même si la France a effectivement montré sa determination à s’investir dans la protection de la Grèce et de son allié chypriote en déployant face à la Turquie navires de guerre et avions de combat, et en offrant 6 des 24 Rafale commandés par Athènes, les contrats signés entre les deux pays n’intègrent pas de coopération technologique et industrielle majeure.

Or, dans cette nouvelle compétition, c’est probablement cet aspect qui sera prépondérant dans l’attribution du contrat final, aux cotés du prix. Rappelons en effet que la Grèce dispose simultanément de plusieurs entreprises de défense disposant de savoir-faire avancés, tant dans les domaines navals qu’aériens et terrestres, ainsi que d’un chômage qui stagne juste sous la barre des 20%, faisant des compensations industrielles un enjeu de taille politiquement parlant pour le gouvernement de Kyriakos Mistotakis. L’exhumation de l’offre américaine autour des frégates MMSC il y a quelques semaines a d’ailleurs rappelé ce fait, en mettant en évidence l’absence de compensation industrielle dans le cadre du contrat portant sur les 3 frégates FDI. Il est vrai qu’un caractère d’urgence encadrait la demande grecque ne permettant pas d’envisager une construction locale ou partagée dans ce dossier sans allonger sensiblement les délais, mais il ne reste pas moins vrai que les grecs attendent probablement un geste de la par de Paris dans le dossier des corvettes.

Une opportunité pour la Marine Nationale

Une solution efficace pour emporter la décision serait, pour Paris, d’accompagner l’offre de construction locale, qui ne sera probablement que peu différenciée des offres néerlandaises et italiennes, d’une commande, pour la Marine Nationale, de 5 corvettes Gowind 2500 assemblées en Grèce. Rappelons en effet que même assemblées hors de France, la valeur d’un navire comme la Gowind 2500 est pour moitié représentée par ses systèmes embarqués qui, eux, viendront des entreprises françaises comme MBDA (missiles) ou Thales (radar, sonar..). De fait, du point de vue budgétaire pour les finances publiques, les recettes générées par les 10 corvettes construites en Grèce, seraient équivalentes à celles de 5 corvettes construites en France, permettant à la Marine Nationale de percevoir 5 corvettes largement capables pour une empreinte budgétaire globale nulle.

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Les patrouilleurs de Haute Mer qui doivent remplacer les A69 encore en service au sein de la Marine Nationale, n’auront pas de capacités comparables à celles offertes par la Gowind 2500

En outre, un tel geste, particulièrement fort vis-à-vis de l’opinion publique grecque, pourrait permettre à Athènes de commander une 4ème frégate FDI sans devoir faire face à une fronde intérieure, et ce sans devoir négocier de compensation industrielle, déjà en place dans le domaine des corvettes. Enfin, en commandant 10 corvettes d’un coup, il pourrait être possible de mettre en oeuvre des mécanismes industriels permettant d’en réduire le cout unitaire, en s’appuyant notamment sur les prix inférieurs de la main d’œuvre en Grèce, et donc de séduire éventuellement d’autres clients, comme Chypre, voir d’accroitre les volumes commandés pour les deux Marines françaises et helléniques, toutes deux ayant sans le moindre doute l’utilité pour 1 ou 2 corvettes de ce type supplémentaires.

Pour la Marine Nationale, l’arrivée de 5 corvettes Gowind 2500 permettrait d’alléger la pression sur les frégates de premier rang que l’on sait en nombre insuffisant eu égard de la pression opérationnelle actuelle et à venir, mais également de renforcer les capacités navales outre-mer le cas échéant. Cela permettrait également de renforcer la présence navale française dans certaines parties du monde, et dans les opérations internationales, sans peser sur la disponibilité des unités majeures. Elles pourraient contribuer à renforcer la protection des unités majeures, notamment dans le domaine de la lutte anti-sous-marine, en particulier lorsque celles-ci évoluent en zone de tension. Enfin, elles permettraient d’absorber les effets d’indisponibilité techniques ou les chevauchements de modèle qui, on le sait, handicapent aujourd’hui lourdement la disponibilité globale des unités de la Royale. En d’autres termes, l’arrivée de 5 corvettes de type Gowind 2500 au sein de la Marine Nationale simplifierait considérablement le plan de charge opérationnel des unités de surface.

Conclusion

On le comprend, la France est incontestablement en position de force pour s’imposer dans cette compétition. Toutefois, une approche plus coopérative, et plus globale, pourrait permettre non seulement de prendre définitivement l’ascendant sur celle-ci, mais également de presenter une approche originale et efficace dans la coopération européenne de défense, qu’elle soit industrielle comme opérationnelle. D’un point de vue budgétaire comme industriel, une coopération étendue avec Athènes intégrant une commande française de corvettes Gowind 2500 assemblées en Grèce pour le compte de le Marine Nationale ne présente, en effet, que des avantages, en permettant simultanément de neutraliser la compétition comme le firent les allemands dans la complétion des sous-marins norvégiens, de renforcer significativement les moyens de la Marine Nationale, d’ouvrir les négociations pour une quatrième frégates FDI hellénique assemblée en France, le tout sans aucun surcout budgétaire, dans le plus pur style des jeux à somme non nulle chère à Von Neumann et Morgenstern.

Le Japon développe son propre Canon électrique pour compléter sa défense anti-missile

La technologie des canons électriques, ou rail gun, avait la faveur de nombreux états-majors il y a quelques années, notamment aux Etats-Unis, ou l’US Navy avait investi plusieurs centaines de million de $ pour developper son propre modèle. Mais depuis quelques temps, et surtout depuis l’abandon du programme par le Pentagone qui donne la priorité aux armes à énergie dirigée comme les laser à haute énergie et les canons à micro-ondes, l’engouement pour ce sujet semble s’être quelques peu tari. Même le programme chinois, qui avait pourtant défrayé la chronique il y a trois ans lorsqu’un Rail Gun fut observé sur un navire de transport de char à des fins de tests, semble s’être évaporé, tout au moins sur la scène publique. Pour Tokyo, en revanche, cette technologie revêt un intérêt stratégique, en particulier pour combler certaines défaillances du bouclier anti-missiles actuellement en service, et faire ainsi face aux nouvelles armes hypersoniques chinoises, nord-coréennes et russes.

Rappelons qu’un canon électrique remplace l’énergie produite par la combustion chimique pour propulser l’obus, par un puissant champs magnétique offrant des vitesses en sortie de bouche très élevées pouvant atteindre et dépasser les 2000 m/secondes soit Mach 6. De fait, les projectiles ainsi propulsés ont une énergie cinétique très élevée, leur conférant une portée accrue pouvant atteindre et même dépasser les 200 km, et une vélocité très importante compatible avec les besoins de la défense anti-aérienne et anti-missile moderne. En outre, l’absence de propulseur chimique est sensé alléger la logistique, permettre des cadences de tir très élevées, offrir un criblage avancé de la cible en contrôlant la puissance des tirs, et réduire les risques d’embrasement si le canon venait à être ciblé. En revanche, pour fonctionner, les Rail Gun nécessitent une très importante source d’énergie électrique, ainsi que des matériaux très avancés pour résister aux immenses contraintes thermiques et mécaniques mises en oeuvre.

Prototype de test du Rail gun au Etats Unis Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
En juin 2021, l’US Navy annonçait suspendre le financement de son programme de canon électrique.

En dépit de ces promesses alléchantes, la technologie du Rail Gun, si elle n’est pas à proprement parler abandonnée par de nombreux pays, a vu ces dernières années ses ambitions réduites, et les investissements qui lui sont consacrés diminuer significativement. A cela plusieurs raisons. En premier lieu, la technologie de l’artillerie conventionnelle a fait d’immenses progrès ces dernières années, notamment avec l’arrivée de nouvelles munitions à propulsion additionnée, permettant d’étendre considérablement la portée des pièces existantes. Ainsi, l’obus M982 Vulcano de Leonardo en version 127 mm et 155mm peut atteindre des cibles au delà de 70 km, et la munition Assegai V-LAP de Rheinmetall peut dépasser les 80 km de portée à partir d’un obusier G6. Eu égard des besoins tactiques liés à l’artillerie moderne, ces portées suffisent à la majorité des scénarios, les frappes plus distantes étant du ressort de l’artillerie longue portée employant des missiles balistiques, ou de l’aviation de chasse.

En second lieu, dans le domaine des armes anti-aériennes et anti-balistiques, le Rail Gun se retrouve désormais confronté aux avancées des systèmes à énergie dirigée et à très haute puissance, comme ceux développés dans le cadre du programme Indirect Fire Protection Capability de l’US Army qui ambitionnent de developper, d’ici 2025 à 2027, des systèmes basés sur des laser à haute énergie de 300 KW et plus, pour neutraliser les menaces aériennes et les missiles de croisière. A terme, l’objectif des armées US est d’atteindre et de dépasser les 1 MW de puissance restituée, permettant d’envisager d’employer ces systèmes dans la défense contre les missiles balistiques et les armes hypersoniques. Or, en bien des aspects, les armes à énergie dirigée sont plus simples et plus souples à mettre en oeuvre que des Rail Gun, ceci expliquant en grande partie la priorité donnée par le Pentagone pour ces systèmes, et ceux au sein des 3 grandes armées US.

Laser HEL MD Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Le système de laser à haute énergie HEL MD de l’US Army ambitionne d’atteindre les 300 Kw

Pour Tokyo, en revanche, l’intérêt du Rail Gun reste entier, en particulier pour compléter les capacités offertes par son bouclier anti-missile au travers de ses 8 grands destroyers Aegis des classes Kongo, Atago et Maya. En effet, si le système AEGIS et les missiles anti-balistiques SM3 et SM6 s’avèrent efficaces contre la majorité des menaces balistiques, ils sont incapables de contrer les nouvelles armes hypersoniques développées en Chine, en Russie et même en Corée du Nord, qui suivent des trajectoires trop imprévisibles pour les impacteurs cinétiques des missiles américains. Dans ce contexte, le canon électrique développé à la demande de l’Agence des acquisition, technologie et logistique du Ministère de La Défense nippon, prend évidemment tout son sens, avec des vitesses initiales attendues de l’ordre de Mach 6 ou supérieures, afin d’être en mesure d’engager et de détruire ces menaces.

Pour cela, le Ministère de La Défense a inclu dans le budget 2022 une ligne de crédit de 6,5 Md de yen, soit 48 m€, afin de financer le developpement et la fabrication de plusieurs prototypes de rail-gun à usage militaire, avec pour objectif de voir les premiers systèmes livrés aux forces d’autodéfense japonaises lors de la seconde moitié de la décennie. Le programme, qui a déjà débuté il y a plusieurs années, et qui a déjà obtenu des résultats significatifs en atteignant une vitesse de sortie de bouche de 2.300 m/s avec le démonstrateur technologique, est loin d’être un simple programme de recherche technologique, mais vise bel et bien à aboutir à la réalisation d’un système d’arme opérationnel dans des délais courts et cohérents avec l’évolution des menaces et des tensions autour du pays.

ISL Railgun Analyses Défense | Aviation de chasse | Conflit Indo-Pakistanais
Maquette du système de Rail Gun conçu par l’ISL de Saint-Louis.

En de nombreux aspects, le programme nippon de canon électrique se rapproche du programme Pilum lancé en 2020 par l’Agence Européenne de Défense, et qui rassemble la France, l’Allemagne, l’Italie et la Belgique. Celui-ci doit en effet mener les études initiales et concevoir un démonstrateur technologique d’ici la fin de l’année 2022, afin de pouvoir étudier l’applicabilité de cette technologie, aussi bien dans le domaine de l’artillerie terrestre, anti-aérienne et navale. Cependant, et contrairement au programme nippon, Pilum est avant tout un programme de recherche technologique, et n’intègre pas de finalité opérationnelle propre, ni même de besoin clairement exprimé par les armées des 4 pays participants. Il est donc probable, au delà des succès technologiques probables que les ingénieurs européens obtiendront, que le programme européen soit appelé à évoluer dans un tempo bien moins soutenu que celui servi par son homologue japonais.

Le programme de Rail Gun nippon est symptomatique de l’évolution plus que sensible de l’effort de défense des nombreux pays proches de la Chine. Ainsi, outre le Japon, la Corée du Sud, mais également Singapour, l’Indonésie et l’Inde, ont tous entrepris d’accroitre significativement non seulement leurs budgets défense, mais également leurs investissements dans le domaine de l’industrie de défense, qu’il s’agisse de developper des avions de combat de nouvelle génération, des sous-marins conventionnels à hautes performances, des systèmes anti-aériens et anti-balistiques, ou des missiles à longue portée. En outre, et contrairement aux européens, les grandes puissances asiatiques ont toutes investies dans des programmes avec des applications directes à court ou moyen terme, et une entrée en service au cours de la présente décennie, ou au pire au tout début de la décennie à venir, de sorte à répondre à l’inexorable montée en puissance militaire de Pékin, et de ses alliés nord-coréens et russes, avec un pragmatisme tout asiatique.

Comme en 2021, la Marine Russe recevra 3 nouveaux sous-marins nucléaires en 2022

Pendant plus de deux décennies, la Marine russe fut le parent pauvre des forces armées du pays, ne pouvant pas même financer le maintien en condition opérationnelle de sa flotte héritée de l’Union Soviétique.

À partir de 2012, cependant, les orientations politiques changèrent avec le retour de Vladimir Poutine au Kremlin et l’arrivée de Sergueï Choïgou au ministère de la Défense, et un vaste plan de financement et de modernisation des moyens, mais également des infrastructures navales russes, fut mis en œuvre.

Ce plan porte aujourd’hui ses fruits, puisqu’en dépit d’une économie chancelante et d’un PIB nominal à peine supérieur à celui de l’Espagne, la Marine Russe sera celle qui, en 2022, comme 2021, aura perçu le plus grand nombre de sous-marins à propulsion nucléaire neufs, en l’occurrence, trois unités chaque année.

La Marine russe retrouve les grâces budgétaires du Kremlin en 2012

En 2021, le sous-marin nucléaire lanceur d’engin K-552 Prince Oleg, de la classe Boreï-A, entra en service concomitamment du sous-marin nucléaire lance-missile K-573 Novossibirsk, classe Iassen-M le 12 décembre.

Quelques mois plus tôt, le 7 mai 2021, ce fut le K-561 Kazan, première unité de la classe Iassen-M, qui fut livré au service actif de la Marine Russe. En 2022, 3 nouveaux sous-marins entreront, eux aussi, en service, le Généralissime Suvorov de la classe Boreï-A, le K-571 Krasnoyarsk de la classe Iassen-M, et le très attendu K-329 Belgorod, un monstre de 30.000 tonnes en plongée dérivé de projet 949A Anteï, et modifié pour recevoir les torpilles océaniques drossées nucléaires Poseidon.

La Marine russe disposera de 16 sous-marins nucléaires lance-missiles Iassen-M, Iassen et Anteï en 2031
Les sous-marins de la classe Iassen offrent des performances très élevées posant un nouveau niveau de challenge aux forces sous-marines et anti-sous-marines de l’OTAN.

Ce rythme rapide restera soutenu toute la décennie à venir, avec 2 sous-marins en 2023, le SNLE Empereur Alexandre III de classe Boreï-A et le Iassen-M Arkhangelsk, 3 navires en 2024 (Boreï-A, Iassen-M et Belgorod), 2 navires en 2025 (Iassen-M et Belgorod), puis un Iassen-M en 2027, un Boreï-A et un Iassen-M en 2028, et enfin un Boreï-A par an en 2029, 2030 et 2031.

À noter qu’il est probable qu’à partir de 2027 ou 2028 commencent également les livraisons des futurs sous-marins de la classe Laïka, destinés à remplacer les sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Akula les plus anciens.

12 classe Boreï-A, et 16 classe Iassen, Iassen-M et classe Anteï en 2031

Au total, donc, en 2031, les forces navales russes disposeront de 12 SNLE type Boreï et Boreï-A, de 3 sous-marins spéciaux classe Belgorod, de 16 sous-marins nucléaires lance-missiles classe Anteï, Iassen et Iassen-M, et de 10 SNA Shchuka-B (Akula) ou Laïka, soit 41 sous-marins nucléaires, ainsi que 24 sous-marins à propulsion conventionnelle Improved Kilo et Lada, une flotte par ailleurs moderne composée à 70 % de navires de moins de 15 ans.

De 2021 à 2031, ce sont donc pas moins de 19 sous-marins nucléaires de 3 types différents qui seront livrés, par les chantiers navals Sevmash, auxquels il convient d’ajouter les quelque 15 sous-marins à propulsion conventionnelle 636.3 et 677 Lada qui seront, eux aussi, livrés durant cette période.

De fait, selon toute hypothèse, et hormis une nette accélération de la production de sous-marins aux Etats-unis et/ou en Chine, la Marine Russe sera celle qui aura perçu le plus d’unités sous-marines sur la décennie à venir, avec deux fois plus de navires de ce type que l’ensemble des pays européens du bloc occidental réunis.

Le missile hypersonique 3M22 Tzirkon

En outre, ces sous-marins seront dotés de systèmes d’armes de nouvelle génération, qu’il s’agisse du missile anti-navire hypersonique 3M22 Tzirkon, ou des missiles balistiques Bulava, leur conférant une efficacité n’ayant que peu à envier à leurs homologues occidentaux.

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Au total, 18 sous-marins projet 636.3 Improved Kilo à propulsion conventionnelle ont été commandés pour armer les flottes du Pacifique, de la mer Noire et de la mer Baltique.

On peut dès lors s’interroger sur les raisons de l’inertie extraordinaire dont font preuve les pays européens face à un tel effort de réarmement de la part de la Russie, y compris dans le domaine stratégique.

En effet, aucun des grands pays européens, comme l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne ou l’Italie, a annoncé de programme visant à répondre, dans des délais cohérents, à cette montée en puissance très rapide des forces armées russes, que ce soit dans le domaine naval comme terrestre ou aérien.

Une supériorité marquée sur les flottes européennes

Si les budgets ont sensiblement augmenté ces dernières années, en partie par la pression des Etats-Unis, les formats des armées de terre, marines et forces aériennes restent figés pour ces quatre membres du G7.

Pourtant, à eux seuls, ces pays totalisent un PIB de 13.000 Md$ 9 fois supérieur à celui de la Russie de 1.483 Md$, et une population de 273 millions de personnes, presque deux fois plus importante que les 145 millions de Russes.

En dépit de ces atouts économiques et démographiques incommensurables, ils ne parviennent pas, ensemble, à faire jeu égal avec Moscou dans l’ensemble des domaines militaires, y compris dans celui des avions de combat, pourtant au cœur de la doctrine militaire occidentale.

En outre, dans certains domaines, ils se retrouvent parfois avec une infériorité numérique globale dépassant des ratios critiques allant de 3 à 8 contre un, comme dans le domaine de l’artillerie, des chars lourds ou des systèmes anti-aériens.

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Bien que 9 fois plus riches, les 4 membres européens du G7 n’aligneront ensemble en 2031 que 21 sous-marins nucléaires et 12 sous-marins à propulsion conventionnelle, la moitié de la flotte russe.

Quoi qu’il en soit, le rapport de force qui permet déjà aujourd’hui au Kremlin de s’estimer en situation de force pour imposer des clauses de négociations plus que rugueuses à ses homologues européens, ne pourra aller qu’en se détériorant dans les années à venir, avec un point culminant que l’on peut estimer de 2030 à 2035.

Cependant, rien n’indique qu’une quelconque prise de conscience ne soit à l’œuvre en Europe, et aucune mesure palliative avec un calendrier approprié n’a été, à ce jour annoncée, par aucun des grands pays européens.

Dans ces conditions, on voit mal pourquoi la Russie, ou d’autres pays, renoncerait à brandir sa puissance militaire, pour faire fléchir la déjà chancelante détermination des européens.

Et on comprend pourquoi, dans son allocution annuelle, le président finlandais Sauli Niinistö n’a considéré que l’OTAN, donc les Etats-Unis, et non l’Union européenne, comme alternative sécuritaire pour Helsinki face à la menace russe. De toute évidence, les 4 pays européens membres du G7, n’ont de « G » que le nom…

La Thaïlande estime que le F-35A sera moins cher que le JAS-39 Gripen E suédois

Voilà une déclaration qui a dû faire très mal au siège de Saab à Linköping. Selon les propos rapportés par le Bangkok Post, le chef d’Etat-Major des forces aériennes thaïlandaises, l’Air Chief Marshal Napadej Dhupatemiya, aurait déclaré qu’il privilégiait l’acquisition de 8 F-35A Lightning II pour remplacer une partie des F-5 et F-16 les plus anciens de la forces aériennes royales thaïlandaises, plutôt que d’acquérir un second escadron de Gripen du suédois Saab, dont 7 appareils JAS 39C sont pourtant déjà en service au sein de l’escadron N°7 de Surat Thani. Il prend ainsi le contre-pied direct de son prédécesseur, le Air Chief Marshal Maanat Wongwat, qui avait, en 2019, exclu le F-35A des options pour remplacer les F5 et F-16 thaïlandais. Quant à l’argument principal avancé par l’ACM Napadej, il n’est autre que budgétaire.

En effet, selon l’officier général thaïlandais, le F-35A est aujourd’hui proposé au prix unitaire de 82 m$, bien loins des 142 m$ demandés lors de sa mise sur le marché, et devrait même descendre jusqu’à 70 m$ dans les mois et années à venir, alors que l’avion suédois est, pour sa part, proposé à 85 m$ l’unité, sans espoir de voir son prix unitaire baisser dans a avenir proche. De fait, il entend intégrer au budget 2030, qui sera établi d’ici le mois d’octobre 2022, les fonds nécessaires pour acquérir 8 F-35A auprés des Etats-Unis, laissant entendre qu’il pourrait également prendre une option sur 4 appareils supplémentaires, à l’issu d’une étude menée dans l’intervalle de temps par un panel destiné à justifier la demande d’investissement des forces aériennes. Au delà de cette ambition, l’ACM Napadej entend également se rapprocher de l’Australie pour éventuellement participer au programme Loyal Wingmen mené par Canberra avec le soutien de l’américain Boeing.

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Le Brésil reste à ce jour le seul client export du JAS 39 E/F Gripen NG

Reste que plusieurs aspects laissent perplexes dans la déclaration de l’officier général thaïlandais. En premier lieu, rien ne garantit que Washington autorisera l’exportation de son F-35A à Bangkok. En effet, la Thaïlande, même si elle fut un allié très fidèle des Etats-Unis lors de la Guerre Froide, et notamment pendant la Guerre du Vietnam, est également un client important de l’industrie de défense chinoise, avec notamment l’acquisition récente de sous-marins S26T ou la commande de chars lourds VT4. En outre, les Gripen thaïlandais ont mené des exercices directement avec les forces aériennes de l’Armée populaire de libération, en se confrontant notamment au Su-27 et J-10 chinois. Il semble peu probable que les autorités américaines autorisent l’exportation de leur précieux joyeux technologique à un client aussi proche de Pékin, à moins que Bangkok ne soit en mesure de donner des garanties très sérieuses dans ces domaines.

En outre, rien ne semble garantir que le prix du F-35A puisse encore baisser au delà de son seuil actuel. L’arrivée du nouveau standard Block IV, et le remplacement des éléments produits en Turquie, tendent en effet à accroitre les couts de production de l’appareil, alors que l’inflation importante aux Etats-Unis, même si elle est attendue de se normaliser au cours de l’année 2022, tendrait plutôt à tirer les prix vers le haut, ou au mieux à compenser les gains de productivité espérés par le passage à la pleine production industrielle de 160 appareils par an, contre 145 pour 2021. A ce titre, si l’on prend en considération les surcouts appliqués au contrat Suisse, l’inflation prise en compte pour les 10 années à venir et appliquée au couts d’acquisition serait de l’ordre de 3,5% à 4%, et non en faveur d’une décroissance des prix.

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Les forces aériennes thaïlandaises emploient aujourd’hui 7 JAS 39C et 4 JAS 39D biplaces d’entrainement

Reste qu’au delà des arguments avancés, et de l’hypothétique autorisation d’exportation donnée par Washington pour exporter vers Bangkok son F-35A, les déclarations de l’ACM Napadej Dhupatemiya résonnent comme un immense coup dur pour Saab, après la grande déception de l’arbitrage finlandais en faveur du Lighting II, et non du Gripen E/F de son voisin et allié suédois. A l’instar des utilisateurs de F/A-18, il semble en effet que plusieurs forces aériennes qui avaient initialement fait le choix du Gripen à la sortie de l’appareil, délaissent sa version de nouvelle génération au profit du F-35A, comme c’est le cas aujourd’hui en Thaïlande, et également comme il semble que cela soit le cas en République Tchèque. Coincé entre le F-35 d’un coté, le Rafale et le F-16Viper de l’autre, le nouveau chasseur suédois, sur lequel Saab fondait d’immenses espoirs, semble aujourd’hui incapable de convaincre, y compris en Europe, en raison d’un prix unitaire insuffisamment différenciant vis-à-vis des autres appareils, laissant Saab avec pour seuls clients les forces aériennes suédoises et brésiliennes, et aucun nouveau contrat signé à l’exportation depuis plus de 6 ans. Difficile de savoir, dans ces conditions, quel sera l’avenir de la filière aéronautique militaire suédoise dans les années à venir, après un coup aussi dur.