Dire que le premier ministre australien, Scott Morrison, serait dans une position difficile tiendrait de l’euphémisme. En effet, non seulement se trouve-t-il empêtré dans les conséquences de ses dangereux arbitrages en matière de sous-marins, en ayant fait le choix de claquer la porte au nez de la France pour répondre aux sirènes américaines et britanniques lui promettant une flotte de sous-marins nucléaires d’attaque sans en avoir préalablement évalué la faisabilité et les conséquences géopolitiques, opérationnelles et budgétaires, mais il se trouve, avec son parti libéral, largement distancé par l’opposition travailliste dans les sondages d’opinion, alors même que la prochaine échéance électorale, les élections fédérales (législatives) de 2022 se rapprochent à grands pas.
Dans ces conditions, l’annonce tonitruante du lancement de plus de 60 programmes de « haute technologie » dans le cadre de l’alliance AUKUS peut paraitre, en soit, étonnante, d’autant que les solutions concernant les besoins en matière de flotte sous-marine pour la Royal Australian Navy à moyen terme sont loins d’être trouvées. Mais lorsqu’à l’occasion de cette annonce, le premier ministre australien détaille des ambitions très importantes pour ces mêmes programmes, portant aussi bien sur l’application des technologies quantiques pour la detection sous-marine comme pour l’agriculture ou l’activité de minage, on comprend qu’il ne s’agit là, en réalité, que d’une manoeuvre visant à tenter de légitimer, au delà du désastreux dossier des sous-marins eux-mêmes, l’intérêt pour l’Australie de s’être engagée dans ce nouveau concept d’alliance AUKUS.
Depuis 2011, dans le cadre de l’US Marines Rotation Force, les Etats-Unis déploient en permanence une compagnie de Marines à Darwin et à Matilda Lines, dans le nord du pays.
En effet, il est important de rappeler que cette nouvelle alliance ne change en rien l’implication des Etats-Unis dans la protection de l’Australie, celle-ci ayant déjà été parfaitement définie dans le traité ANZUS de 1951, qui rassemblait Etats-Unis, Australie et Nouvelle-Zélande. En outre, cela fait une dizaine d’années maintenant que Canberra a autorisé les Marines américains, l’US Air Force et l’US Navy à utiliser ses installations militaires et à se déployer de manière permanente (mais controlée) sur l’ile. Dès lors, en dehors de l’arrivée peu convaincante de la Grande-Bretagne dans cette alliance, et l’exportation de sous-marins à propulsion nucléaire, l’alliance AUKUS manquait clairement de matérialité politique, qui plus est face à une opinion publique australienne qui, aux dires mêmes du premier ministre, manquerait de finesse pour comprendre les tenants et les aboutissants des décisions prises.
Reste qu’au delà de l’effet d’annonce recherché par Scott Morrison, aucune information tangible concernant cette soixantaine de programmes de haute technologie en coopération avec Washington et Londres, n’a été diffusée, ni en terme d’engagement financier, ni de calendrier, ni même d’objectifs concrets. Dans ces conditions, il fait peut de doute que cette annonce s’apparente davantage à une manoeuvre de politique intérieure qu’à un réel changement de cap dans les ambitions technologiques australiennes. Non pas, d’ailleurs, que celles-ci puissent être sous-estimées, comme le montre parfaitement des programmes comme le Loyal Wingman développé conjointement avec Boeing. Mais il semble peu crédible que le premier ministre australien puisse, aujourd’hui, engager le pays dans un nombre aussi important de programmes avancés eut égard sa faiblesse politique du moment, et le peu de temps qu’il lui reste, selon toute probabilité, à la tête du pays.
Le programme Loyal Wingman développé conjointement avec Boeing est jusqu’ici une grande réussite pour l’industrie et la recherche australienne
L’US Navy a beau disposer de la plus imposante flotte sous-marine nucléaire et de l’industrie la plus performante au niveau mondial dans ce domaine, pour faire face à la Chine, elle manque de navires. En effet, en dépit des 53 Sous-marins nucléaires d’attaque des classe Los Angeles, Seawolf et Virginia en service, elle fait tout juste jeu égal avec les 6 SNA classe Shang (Type 09III/A), et les 44 sous-marins à propulsion conventionnelle des classe Song (14 unités), Improved Kilo (8+2 unités) et Yuan (18 unités dotées d’une propulsion anaérobie). En outre, la flotte chinoise dispose de nombreux atouts opérationnels en cas de confrontation avec l’US Navy, la plus significative étant d’évoluer à proximité de ses propres côtes dans l’hypothèse d’une intervention contre Taïwan, ce qui neutralise en grande partie l’inconvénient de ne pas disposer d’une propulsion nucléaire pour ses propres navires.
Alors que la production des nouveaux sous-marins de la classe Virginia a déjà atteint un plafond industriel avec 2,5 navires commandés chaque année, l’âge avancée de la flotte de SNA de la classe Los Angeles, dont la dernière unité est entrée en service il y a déjà 25 ans, l’oblige à retirer ses navires du service aussi vite qu’elle les construits, ne permettant pas d’envisager atteindre le format de 66 SNA visé par le plan opérationnel de 2016 avant de nombreuses années. Une solution semble toutefois se dessiner pour permettre de résoudre cette équation difficile. En effet, selon le Contre-Amiral Doug Perry, directeur de la branche guerre sous-marine de l’Etat-Major de l’US Navy, il serait possible d’étendre la durée de vie opérationnelle d’une partie des sous-marins de la classe Los Angeles de 2 ou 3 ans, donnant le délais nécessaire à l’industrie navale US pour combler le retard constaté, et atteindre le format de 66 SNA rapidement au cours de cette décennie.
Les chantiers navals américains ne peuvent produire que 2 à 2,5 sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Virginia par an, un nombre insuffisant pour espérer faire croitre la flotte eu égard aux retraits des SNA classe Los Angeles.
Pour l’Amiral Perry, l’US Navy mène désormais systématiquement une analyse quant à la possibilité de prolonger les sous-marins de la classe Los Angeles arrivant en limite d’âge, en évaluant notamment la quantité de carburant nucléaire restant, mais également l’état de la structure et des équipements. Cette étude a permis en outre d’identifier 5 SNA qui seraient d’excellents candidats pour être réapprovisionné en carburant nucléaire, ce qui porterait leur extension de vie opérationnelle de 3 à 10 années. En revanche, la procédure de rechargement du combustible nucléaire, qui n’était pas prévue initialement pour les SNA américains qui emploient du combustible Nucléaire hautement enrichie à 97% (contrairement aux SNA français qui emploient de l’Uranium faiblement enrichie et sont réapprovisionnés tous les 10 ans), n’a pas encore été avalisée, et les études sont en cours pour en évaluer la faisabilité.
Cette annonce coupe également court aux espoirs de l’Australie de pouvoir louer des SNA de la classe Los Angeles auprés de l’US Navy comme solution intérimaire, dans l’attente de la livraison de ses premiers SNA propres qui n’interviendra pas avant 2040, dans le meilleur des cas. De toute évidence, l’US Navy fait déjà face à d’importantes difficultés pour répondre à ses propres besoins opérationnels, sans devoir se refaire de certains de ses précieux navires pour former les équipages australiens, qui plus est alors que la tension sera à son paroxysme avec Pékin après 2027. On comprend dès lors pourquoi l’hypothèse, au demeurant très peu efficace, de la construction de nouvelles unités de la classe Collins est apparue il y a peu à Canberra.
Bien qu’ils soient à propulsion conventionnelle, les sous-marins de la classe Yuan représentent des adversaires redoutables pour la marine américaine, et ce d’autant qu’ils évoluent à proximité des cotes chinoises, en coopération avec la flotte de surface et les aéronefs de l’aéronavale chinoise
Reste que ce qui est vrai pour la flotte de SNA de l’US Navy, l’est également pour la flotte de surface. En effet, la production des nouveaux destroyers lourds Arleigh Burke Flight III ne permettra pas de compenser le retrait des 11 croiseurs de la classe Ticonderoga et des 20 premiers destroyers Arleigh Burke ayant atteint leur durée limite de service dans les 3 années qui viennent. Et là ou les chantiers navals américains produisent en pointe 3 nouveaux destroyers et un nouvelle frégate de la classe Constellation par an, les chantiers navals chinois produisent, quant à eux, 1 à 2 croiseurs Type 055, 3 à 4 destroyers Type 052D, et autant de frégates Type 054A. Dans ces conditions, il semble effectivement très difficile pour l’US Navy d’espérer faire jeu égal avec la marine chinoise dans les années à venir, sans s’appuyer sur les capacités de production et de mise en oeuvre de ses alliés asiatiques et européens.
La Coopération Permanente Structurée Européenne, ou PESCO, est incontestablement une des avancées majeures obtenues dans le domaine de La Défense au sein de l’Union européenne. Lancée en décembre 2017, elle permet aux industriels et acteurs politiques européens de coopérer pour developper de nouveaux programmes, qu’ils soient purement technologiques ou industriels, dans le but d’éviter la multiplication des programmes similaires au sein de l’Union européenne, et donc des dépenses jugées non pertinentes car redondantes entre les membres. La première liste de projets fut présentée le 6 mars 2018, et se concentrait avant tout sur des programmes de soutien, dans le domaine de l’entrainement, de la simulation, du renseignement ou dans le domaine Cyber. Une seconde tranche de projet fut dévoilée le 19 novembre 2018, et commençait à intégrer des coopérations plus ambitieuses, comme le missile tactique à portée étendue BLOS ou le drone MALE RPAS, plus connu sous le nom d’Eurodrone.
La troisième tranche, dévoilée le 12 novembre 2019, accentuait encore cette dimension opérationnelle ambitieuse, avec des programmes comme l’European Patron Corvette rassemblant l’Italie, la Grèce, l’Espagne et la France, le système de drone anti-sous-marin MUSAS rassemblant le Portugal, l’Espagne, la Suède et la France, ou encore le programme TWISTER de defense contre les nouvelles menaces hypersoniques et balistiques, piloté par la France auquel participe l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, La Finlande et les Pays-Bas. En raison de la crise COVID, la 4ème tranche fut reportée d’une année, et a été publiée ce 16 Novembre 2021, portant le total de programmes à 63, et surtout marquant une accélération des programmes à visée opérationnelle effective. En effet, là ou les tranches précédentes contenaient une majorité de programmes destinés à l’entrainement, la coopération ou le cyber, cette nouvelle mouture fait la part belle aux programmes visant à developper des équipements de combat de nouvelle génération, ou offrant des capacités opérationnelles inaccessibles aux armées européennes aujourd’hui.
Le programme EUROMALE a rejoint le PESCO en novembre 2018 dans la seconde tranche de programmes européens
Parmi les programmes les plus notables de cette 4ème tranche, on peut citer le très ambitieux programme 4E pour Essential Elements of European Escort, qui rassemble l’Italie et le Portugal sous la direction de l’Espagne, et qui vise à developper un système de systèmes permettant d’intégrer l’ensemble des composants de la problématique d’escorte navale, allant du système de combat à la navigation, et passant par le pilotage de la propulsion et l’intégration de nouveaux systèmes comme les armes à énergie dirigée ou l’engagement coopératif avancé. L’objectif final du programme est de permettre à tous les navires européens qui en seront dotés de coopérer à un niveau encore jamais atteint dans le domaine de la guerre navale, mais également dans l’ensemble du spectre d’engagement Electro-magnétique, cyber, spatial etc. Toujours dans le domaine naval, la France, la Lettonie et la Roumanie accompagnent l’Estonie dans le developpement du Medium size Semi-Autonomous Surface Vehicle (M-SASV), un navire de surface moyen semi-autonome, qui pourra être armé d’un équipage réduit mais également opérer en autonomie si besoin, et qui sera en charge de l’ensemble des missions littorales, comme la lutte anti-sous-marine ou anti-navire, la guerre des mines, ou le renseignement, grâce à un système de modules embarqués, à l’instar de ce qu’auraient du être les LCS américaines.
Les projets aériens ne sont pas en reste dans cette 4ème tranche, avec 6 nouveaux programmes, contre seulement 4 au total pour les 3 tranches précédentes. Parmi eux, on notera le programme Future Medium-size Tactical Cargo ou FMSTC piloté par la France avec l’Allemagne et la Suède, qui vise à concevoir un avion de transport tactique capable d’opérer aux cotés de l’A400M et d’être mis en oeuvre à partir de pistes sommaires et étroites, à l’instar du C-160 Transall franco-allemand qui fit merveille sur ce créneau pendant plus de 50 ans. La France, la Grèce et la Croatie, soit les 3 opérateurs de Rafale européens, participent également au Programme Air Power, qui vise à identifier les technologies clés pour la supériorité aérienne dans les années et décennies à venir. Paris et Rome coopèrent également dans le programme Small Scalable Weapons, qui n’est autre qu’un programme de munitions vagabondes tactiques européennes. L’Allemagne, quant à elle, pilote le programme SATOC, pour Strategic Air Transport for Outsized Cargo, qui vise à identifier et harmoniser les réponses européennes pour le transport stratégique d’équipements super-lourds, aujourd’hui confié à une société ukrainienne mettant en oeuvre le gigantesque Antonov An-225.
le programme Future Medium-size Tactical Cargo ou FMSTC vise à concevoir un remplaçant au C-160 Transall franco allemand qui fit son premier vol en 1963 et entra en service en 1965
Parmi les autres programmes notables, on peut citer le Common Hub for Governmental Imagery, ou CoHGI, qui permettra de créer un hub de coopération pour faciliter les échanges de matériels photographiques spatiaux entre les acteurs européens, piloté par Berlin et rassemblant l’Espagne, la France, la Lituanie, le Luxembourg, l’Autriche, la Roumanie et les Pays-Bas, ainsi que le programme DoSA, pour Defense of Space Assets, une nouvelle fois piloté par Paris, rassemblant l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, la Pologne, le Portugal et la Roumanie, et qui vise à accroitre les capacités de détection des menaces, et les réponses à y apporter (par la manœuvre par exemple) concernant les satellites européens. Dans le domaine cyber, enfin, on doit noter le programme CRF pour Cyber Ranges Federations, qui rassemble l’Estonie, la Bulgarie, la Finlande, la France, l’Italie, la Lettonie et le Luxembourg, et qui vise à rassembler les capacités offensives et défensives cyber des états européens au sein d’un immense cluster de sorte à disposer de capacités de réponses étendues.
On notera qu’après des débuts timides, la France est devenue le premier pays contributeur du PESCO, participant à 44 des 63 programmes existants, et à 12 des 14 nouveaux programmes de la Tranche 4. L’Italie, second pays le plus impliqué dans cette coopération, participe quant à elle à 30 programmes, et l’Allemagne à seulement 23 d’entre-eux.Par ailleurs, la France pilote 14 des 63 programmes, là où Rome en pilote 11 et Berlin 8. On notera également l’absence de certains pays dans cette 4ème tranche, comme la Belgique, particulièrement discrète et dont la moitié des 14 programmes auxquels elle participe portent sur des analyses de coopération et d’engagement coopératif, et non sur des programmes technologiques.
L’European Patron Corvette ou EPC rassemble l’Italie, la Grèce, la France et l’Espagne, et prévoit de concevoir une corvette modulaire livrées en 2 versions, l’une destinée au combat maritime littoral, l’autre pour la protection des espaces maritimes ultra-marins (France)
Reste que cette 4ème tranche de programmes de la Coopération Permanente Structurée démontre la montée en puissance des ambitions des Européens et donc la confiance qu’ils portent à cette structure pour avancer conjointement sur certaines questions de défense. Certains programmes, comme Euromale, European Patron Corvette, Twister ou encore FMSTC, se destinent à être les piliers d’une coopération industrielle élargie, démontrant le bien-fondée de la démarche. On remarquera, en revanche, l’absence notable de certaines technologies pourtant jugées critiques en matière de défense dans les années et décennies à venir, comme les applications de la physique quantique, de l’électromagnétisme, de la bionique ou encore de l’hypervelocité. On ne peut cependant qu’espérer que ces questions seront abordées lors des tranches à venir, et que cette dynamique ne perdra pas son souffle en cours de route, ou sous les coups de boutoir répétés des industries américaines et du departement d’Etat, qui voient d’un oeil inquiet les européens résoudre une problématique de coopération rendue difficile par l’omniprésence des équipements US dans les armées européennes.
Depuis la résurgence du concept de défense européenne à la suite de l’élection du Président Macron en 2017 et l’entame d’une coopération active mais ö combien chaotique avec Berlin, les progrès enregistrés dans le domaine ont été contrastés. Au niveau européen, il ne fait désormais plus de doute que la Coopération Permanente Structurée, ou PESCO, représente un format performant pour soutenir cette coopération européenne, et la dernière mouture de projets présentés le 16 novembre 2021, marque à ce titre un net basculement vers des coopérations technologiques et industrielle axées sur des objectifs opérationnels et des calendriers raccourcis, conformément aux besoins des armées. Dans le domaine des grands programmes industriels, le bilan est beaucoup moins flatteur, puisque sur les 6 grands programmes de coopération franco-allemands annoncés en 2017, seuls 3 sont encore actifs (Euromale, SCAF et MGCS), les 3 autres (MAWS, Tigre 3 et CIFS) ayant vu leurs perspectives largement se dégrader ces derniers mois.
Le programme TWISTER, destiné à contrer les nouvelles menaces balistiques et hypersoniques, est l’un des plus ambitieux projet porté par la Coopération Permanente Structurée européenne, ou PESCO
Mais c’est bien dans le domaine de la coopération opérationnelle et l’objectif affirmé d’atteindre une autonomie stratégique européenne, cher au President Français qui en a fait l’Alpha et l’Omega de sa politique de défense, que les résultats ont été le plus décevant. Ainsi, la dynamique voulue par Emmanuel Macron, basée sur un élan global des européens pour assumer leur propre défense ainsi que celle de leurs intérêts stratégiques, sans renier les alliances mais sans en dépendre, s’est heurtée à une vive opposition de tous les leaders européens, y compris de l’Allemagne, celle-ci étant même parfois la plus virulente face aux propositions françaises, comme ce fut le cas au sujet de l’extension de la dissuasion nucléaire française à certains de ses voisins. En dépit de ces revers cinglants, l’exécutif français n’a pas changé de cap, et continue de prêcher en espérant une très improbable prise de conscience des européens eux-mêmes.
La coopération franco-Belge autour du programme CaMo
Pourtant, la France a obtenu des avancés notables dans le domaine de la coopération militaire avec deux pays européens ces dernières années. En premier lieu, ce fut la Belgique qui, après avoir choisi de remplacer ses F-16 par le F-35A américain, s’attirant en cela les foudres de nombreux commentateurs français manquant souvent d’objectivité sur le sujet, entama une coopération technologique industrielle et opérationnelle avec la France et l’Armée de Terre, dans le cadre du programme CAMO, pour Capacités Motorisées. Au delà d’une commande de 382 Véhicules Blindés Multi-Rôles Griffon et de 60 Engin Blindé de Reconnaissance et de Combat Jaguar, ce programme ambitionne de partager, avec les forces terrestres belges, la structure opérationnelle, mais également les systèmes de communication et de commandement du système SCORPION, ainsi que les doctrines et l’entrainement avec les unités de l’Armée de terre, de sorte à obtenir une interopérabilité optimum entre les deux forces armées.
L’Armée de terre a commencé à déployer ses nouveaux VBMR Griffon au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane
Cette coopération entamée en 2019, va prochainement trouver sa première application opérationnelle, puisque l’Armée de terre belge prévoit de déployer au Mali aux cotés des forces françaises de l’opération Barkhane, un sous-groupement tactique inter-arme complet, l’unité de base employée par l’Armée de terre, qui regroupe autour d’une compagnie, des capacités globales d’engagement en agrégeant des capacités opérationnelles fournies par d’autres unités (génie, transmission, artillerie etc..). Pour renforcer cette symbiose opérationnelle avec les forces armées françaises, les autorités belges ont annoncé il y a deux semaines l’acquisition de 9 systèmes d’artillerie CAESAR, alors que la DGA a pour sa part confirmé que le programme VBAE, visant à remplacer les blindés légers VBL, sera conduit conjointement par l’industrie française et belge.
La Coopération franco-grecque face à la Turquie
Si la coopération avec la Belgique s’est construite sur un rapport de proximité et de coopération, notamment en opération extérieure sur la base d’un passé africain commun, le rapprochement entre Paris et Athènes a, quant à lui, trouvé ses racines dans les tensions qui opposent la Grèce et son allié chypriote, à la Turquie, que ce soit en Mer Egée, en Méditerranée orientale et en Thrace. Déjà en tension avec Ankara au sujet de l’intervention dans le nord de la Syrie contre les forces kurdes alliées de Paris face à l’Etat Islamique, mais également au sujet de la Libye, la France prit l’initiative de marquer militairement son soutien à Athènes lors du déploiement du navire de prospection gazière Orus Reis dans les eaux chypriotes, en allant jusqu’à déployer des navires de la Marine nationale et des Rafale de l’Armée de l’Air pour marquer ce soutien.
Les incursions dans les eaux chypriote du navire de prospection gazière turc Orus Reis, et de sa lourde escorte militaire, ont provoqué un pic de tension entre Ankara et Athènes
Cette coopération franco-grecque a abouti à la signature d’un accord de défense bilateral entre les deux pays, un événement rare concernant deux pays appartenant simultanément à l’OTAN et à l’Union européenne, et par ailleurs ouvertement critiqué par plusieurs chancelleries européennes, dont Berlin, qui jugent cet accord superfétatoire considérant les traités de défense existants. Toutefois, force est de constater qu’en dehors de la France, aucun des alliés européens d’Athènes n’a jugé bon d’intervenir face aux navires de guerre escortant l’Orus Reis, afin de dissuader Ankara de poursuivre dans cette voie. Conséquence de ce rapprochement, Athènes a depuis commandé à Paris 24 avions de combat Rafale pour moderniser sa flotte de chasse, ainsi que 3 frégates FDI Belharra, deux composantes permettant d’accroitre considérablement l’interopérabilité des forces aériennes et navales françaises et helléniques.
Quels sont les mécanismes à l’oeuvre dans ces coopérations ?
Dès lors, il apparait, au travers de ces deux succès de la coopération européenne de défense, que les mécanismes qui déclenchent la volonté de coopération opérationnelle et stratégique auprés des leaders européens, ne trouvent pas leur origine dans une volonté globale d’Autonomie Stratégique Européenne, ni même dans un concept d’Armée européenne. Il s’agit avant tout de s’associer avec un partenaire militaire et technologique offrant des capacités englobantes supérieures à celles dont le pays peut se doter, de sorte à accroitre l’efficacité de ses forces, et la portée de son action de défense. En d’autres termes, pour Bruxelles comme Athènes, il s’est ici s’agit de s’appuyer sur l’efficacité et le savoir-faire des armées françaises et de l’industrie de défense nationale, pour répondre à des problématique nationale, qu’elles soient de format et de compétences comme en Belgique, ou pour faire face à un adversaire potentiel supérieur dans le cas de Grèce.
La Marine Nationale a déployé à plusieurs reprises ses navires en Mediterranée Orientale pour signifier l’engagement de la France aux cotés de la Grèce face à la politique de coup de boutoir menée par les autorités turques
Par extension, on comprend que ce même mécanisme est naturellement à l’oeuvre au sein des chancelleries européennes, et explique l’attachement de celles-ci au lien trans-atlantique et à la protection promise par Washington. Pour tous ces pays, seules les armées américaines sont en mesure de compléter et renforcer leurs propres dispositifs défensifs, de sorte à être en mesure de répondre aux enjeux opérationnels présents et à venir. Très sensible au sein des pays d’Europe de l’Est, notamment en Pologne ou dans les Pays Baltes, ce réflexe demeure très puissant pour les européens de l’ouest, d’autant qu’ils y voient un moyen de contenir leurs propres dépenses de défense, ainsi que le format de leurs armées. En d’autres termes, ce n’est ni par attachement politique, ni pour des questions d’influence, qu’Amsterdam, Rome, Berlin ou Varsovie font montre d’un si grand empressement à soutenir le poids des Etats-Unis dans la Défense européenne, mais pour des questions d’équation budgétaire et sociale, la seule que les leaders européens savent valoriser politiquement.
Comment étendre le modèle ?
Ce constat en appel un autre, qui cette fois concerne directement la politique de défense française, qui rappelons-le continue, sous l’impulsion donnée par Emmanuel Macron, à soutenir bec et ongles le concept d’autonomie stratégique européenne et d’Europe de la Défense. Il sera en effet impossible de parvenir à ce résultat, même partiellement, sur la base de la stratégie globale basée sur la conviction et une éventuelle prise de conscience des européens eux-mêmes, à ce sujet. Les épiphénomènes autours de certains événements d’actualité, comme dans le cas du retrait d’Afghanistan des forces américaines ayant amené nombres de leaders européens à s’interroger sur la nécessité d’une force d’intervention européenne projetable, ne constituent en rien une évolution de cette prise de conscience, mais une simple réponse à l’émotion publique, qui ne perdure que le temps de son exposition médiatique, avant de retomber dans l’oublie.
Pour convaincre d’autres pays européens de s’engager dans une coopération militaire plus avancée, la France devra sensiblement renforcer ses capacités militaires et le format de ses armées pour apparaitre comme une « alternative globale crédible »
En revanche, les exemples belges et grecs montrent la voie à suivre pour amener d’autres pays européens à, eux aussi, s’engager progressivement dans cette direction. En effet, pour cela, il semble que le déclencheur ne soit ni politique ni technologique, mais purement opérationnel : plus une force armée est puissante, plus elle s’avère convaincante vis-à-vis d’éventuels alliés. En d’autres termes, pour parvenir à ce résultat, Paris doit avant tout renforcer ses propres forces armées, de sorte à apparaitre, aux yeux de leaders européens, comme une alternative interessante dans leur propre équation de défense. Il ne s’agit naturellement pas d’espérer apparaitre comme une alternative globale aux Etats-Unis, chose irréaliste, mais bel et bien d’apparaitre suffisamment crédible et global pour, le cas échéant, permettre à ces pays d’engager leurs propres forces aux cotés des forces françaises (et de leurs alliés) tout en ayant l’assurance d’une efficacité optimale et globale dans le spectre conventionnel comme hybride.
Conclusion
Dans ces conditions, il apparait que si l’objectif ultime visé par les autorités françaises en matière d’Europe de la Défense et d’Autonomie stratégique européenne est effectivement atteignable, la stratégie retenue par la France, principalement basée sur le couple franco-allemand et sur la coopération industrielle et politique au travers de grands programmes, semble quant à elle inadéquate, voire contre-productive. Face aux enjeux de défense qui se profilent, en Europe de l’Est, en Méditerranée Orientale, en Afrique et dans le Pacifique, la France doit avant tout prendre la mesure de sa propre capacité à fédérer pour peu qu’elle accepte de se doter d’une puissance militaire de référence, ayant le format nécessaire et suffisant pour garantir à ses partenaires une protection renforcée et une capacité de dissuasion efficace. De part l’experience et le savoir-faire des ses forces armées, la globalité de son industrie de défense, et sa dimension nucléaire, la France est le seul pays européens susceptible de remplir cette tache avec succès, et probablement le seul à en avoir la volonté politique. Bruxelles et Athènes ont montré le chemin, reste à savoir si les autorités françaises sauront s’y engager et l’arpenter avec détermination et emphase.
A l’annonce de la décision, les autorités en charge du processus précisèrent que le F-35A de Lockheed-Martin avait surclassé l’ensemble de ses concurrents dans presque toutes les catégories d’évaluation, et totalisait un score global très supérieur à celui des autres compétiteurs, ce qui, là encore, allait entièrement à l’encontre des nombreuses déclarations non-officielles faites les semaines précédentes et relayées par la presse spécialisée, qui précisément donnaient ce même avantage net au Rafale français. Fait aggravant, les documents de travail d’Armassuisse, l’organisme qui était en charge du processus d’evaluation des différents appareils, auraient été détruits, ne permettant de prendre en considération que la conclusion finale du processus, et non d’en évaluer le déroulement au cours des 2 années ayant durée la compétition.
Le Rafale français était donné grand favori de la compétition helvétique lors des derniers mois de la compétition, jusqu’à la rencontre entre le président Joe Biden et Guy Parmelin à Genève
Interrogées sur certains résultats pour le moins contestables de cette evaluation, comme notamment le fait que le F-35A apparaissait comme l’appareil le plus économique à mettre en oeuvre pour Berne alors même que, dans le même temps, l’US Air Force elle-même entamait un bras de fer avec le Congrès américain pour réduire le volume de F-35A commandés précisément pour des raisons de couts de possession « très supérieurs » aux prévisions, celles-ci ont argumenté sur le fait qu’il n’était pas de leur ressort de vérifier la réalité des données transmises par les constructeurs. En d’autres termes, Armassuisse aurait pris pour argent comptant les données fournies par Lockheed-martin en terme de couts de possession, sans même noter qu’ils différaient grandement des données publiées par l’USAF et la Commission Défense de la Chambre des Représentants des Etats-Unis. En outre, il semblerait que les critères de coopération industrielle, ceux-là même qui constituaient une atout de poids pour Dassault Aviation comme pour Airbus DS, auraient été sensiblement sous-évalués dans le processus, au grand damn des industriels helvetes eux-mêmes, principaux perdants dans ce dossier.
Cette conjonction d’évènements pour le moins douteux a amené de nombreux parlementaires helvétiques à mettre en doute l’équité du processus de décision, et à soupçonner que des pressions quelconques auraient été mises en oeuvre par Joe Biden lors de la rencontre avec Guy Parmelin, qui précéda ce revirement net de position. C’est la raison pour laquelle le Comité de Gestion du Conseil National, le parlement suisse, a annoncé le 16 novembre l’ouverture d’une enquête portant précisément sur les conditions d’évaluation pour le choix du nouvel avion de combat de l’Armée suisse, et notamment la légalité et l’opportunité de cette procédure. En particulier, cette enquête, qui débutera en février 2022, portera sur la destruction des documents de travail d’Armassuisse, ainsi que une « éventuelle marge de manoeuvre politique liée au pays du fabricant », en d’autres termes les soupçons de pressions émanants de Joe Biden venues potentiellement interférer avec le bon déroulement de la procédure de marché public.
Les forces aériennes suisses se retrouveraient une nouvelle fois sans solution si la commande de F-35A venait à être annulée par la votation citoyenne ou par les conclusions de la commission d’enquête parlementaire
Rappelons que dans le même temps, une démarche visant à rassembler les 100.000 signatures nécessaires à la tenue d’une votation citoyenne pour « casser » le choix du F-35A, a été entamée par les partis d’opposition et notamment le Parti socialiste suisse, qui avait annoncé, avant même l’annonce des résultats, qu’il procéderait ainsi si un appareil non-européen était retenu. Selon la presse helvétique, tout porte à croire que les 100.000 signatures seront rassemblées, et que la votation aura donc bien lieu. Dans ce contexte, les soupçons qui pèsent, y compris pour une part importante de l’opinion publique du pays, sur l’équité de la démarche, pourraient agir comme un facteur aggravant renforçant le vote contestataire.
Reste que si la sélection du F-35A venait à être annulée, cela laisserait une nouvelle fois la Suisse sans solution pour remplacer ses F/A 18 Hornet et ses F-5 Tiger II frappés d’obsolescence, ce qui affaiblirait les capacités défensives du pays et l’obligerait, une fois encore, à s’appuyer sur ses voisins européens, ceux-là même qui auront été « lésés » par l’arbitrage précédent, pour assurer la défense du ciel helvétique. Il n’est pas certain, après l’humiliation infligée par Berne cet été, que Paris ou Berlin se montrent aussi conciliant qu’ils ne l’étaient auparavant à ce sujet. En outre, cela jetterait incontestablement l’opprobre sur la manière dont le F-35A s’est imposé dans de nombreuses compétitions récentes, notamment en Europe, et pourrait dès lors amener d’autres pays ou formations politiques, à s’interroger sur l’équité des processus de sélection. Une situation qui, au final, n’est pas sans rappeler certaines conséquences de la posture des autorités australiennes dans le dossier des sous-marins de la classe Attack.
Pour le général Hinote, le constat est désormais on ne peut plus clair, le Tempo technologique et industriel suivi par l’US Air Force, celui-là même qui a pourtant été considérablement accéléré depuis 2020 et l’arrivée du nouveau chef d’Etat-Major, le général Brown, n’est plus suffisant pour faire face aux avancées constatées et anticipées de l’industrie de défense chinoise, et ce à très court terme, puisque 5 ans en terme de planification militaire est un délais extrêmement réduit pour réagir. En d’autres termes, et faute d’une réaction massive et très rapide en matière de planification, l’US Air Force, et avec elle l’ensemble des forces US et alliées, seront enfermées dans une situation de surprise stratégique, ne pouvant en aucune manière réagir suffisamment vite pour conserver l’avantage opérationnel sur l’Armée Populaire de libération.
En seulement quelques semaines de temps, la Chine a dévoilé le J-16D de Guerre électronique, le J-35 embarqué, le J-20S/SA biplace et un système de bombardement orbital fractionné capable de larguer un planeur hypersonique n’importe au sur la planète.
Pour répondre à ce défi de taille aux conséquences potentielles déterminantes pour la sécurité des Etats-Unis et de nombreux pays amis et alliés, le général Hinote propose des pistes technologiques cohérentes avec les délais particulièrement courts dont l’US Air Force dispose. En premier lieu, reprenant une litanie désormais traditionnelle pour l’USAF, il s’agirait de retirer du service tous les systèmes obsolètes, pour libérer les crédits mais également les ressources humaines afin d’entamer cette mutation. Les « Legacy Systems » concernés n’ont pas été clairement désignés, mais il s’agit, de toute évidence, des mêmes qu’à l’accoutumé, comme le A-10 Thunderbolt II, le F-15C ou encore le F-16C/D dans sa version la plus ancienne. Pour le général Hinote, il est en effet indispensable désormais de s’appuyer sur un nombre croissant de drones de combat susceptible de compenser la montée en puissance chinoise, tant dans le domaine aérien que dans celui du déni d’accès.
Pour répondre à cette demande, le général Hinote préconise de s’appuyer non pas sur les grandes entreprises de défense américaine, mais sur la multitude de petites et moyennes entreprises susceptibles de produire rapidement, en grande quantité et à des tarifs très compétitifs de drones de combat performants capables de renforcer les appareils pilotés moins nombreux, plus onéreux et beaucoup plus lourds en terme de maintenance. Il préconise également de s’appuyer sur le F-35A pour contrôler ces drones, en transformant l’appareil de Lockheed-Martin de sa configuration de chasseur bombardier furtif de prédilection, vers celle d’une plate-forme de controle et de pilotage des drones de combat, et de noeuds de commandement et de communication sur le champs de bataille. On peut à ce titre se demander si le F-35A représente effectivement la meilleure plate-forme pour cette mission, sachant que cela risque de saturer le pilote d’information et de tache, alors qu’un appareil comme le F-15EX, intégrant les mêmes capacités de communication et de fusion de données que le F-35A, offrirait un partage de charge entre les deux membres d’équipage, ainsi qu’une autonomie et des performances aéronautiques plus importantes. Dans tous les cas, il s’agit là des deux seules plate-formes à disposition de l’USAF pour évoluer dans le délais imparti.
Pour le général Hinote, le F-35A représente le meilleur atout de l’USAF pour répondre dans les délais très courts imposés par Pékin à l’augmentation des capacités operationelle de l’Armée Populaire de Libération
Reste que les projections technologiques employées par l’US Air Force s’appuient sur une connaissance qui ne peut être que partiel de la réalité de la trajectoire suivie par Pékin et l’APL. Comme l’ont démontré la surprise évidente des officiels américaines aprés l’entame de la construction des quelques 350 nouveaux silos pour missile ICBM chinois, ou le test suffisamment réussi pour créer une réelle inquiétude au Pentagone concernant un système de bombardement orbital fractionné il y a quelques semaines, le Pentagone ne dispose pas d’une perception fine des capacités technologiques chinoises en devenir, et il est possible si pas probable, que de nouveaux équipements très évoluées soient d’ores et déjà à des stades de conception avancée dans les bureaux d’étude chinois, sans que Washington n’en ait réellement conscience. En outre, pour l’heure, les autorités chinoises ne mobilisent qu’une partie des capacités industrielles du pays pour imposer un tempo technologique déjà plus que problématique pour les Etats-Unis. Dès lors, qu’en serait-il si Pékin décidait d’accroitre cette mobilisation, par exemple dans l’hypothèse d’une action globale sur Taïwan ? On peut réellement douter que les Etats-Unis, et plus globalement l’ensemble de l’Occident, aient la capacité à répondre suffisamment rapidement et massivement pour rester « au contact » de la production chinoise.
Mais le constat fait par le général Hinote concernant la Chine dans le Pacifique, vaut de la même manière pour la Russie en Europe. En effet, l’industrie militaire russe a démontré, ces dernières années, au travers de nombreux programmes innovants et menés tambour battant, qu’elle aussi avait capacité de surprendre l’occident, que ce doit dans le domaine des drones de combat, des missiles hypersoniques, des systèmes de guerre électronique ou des systèmes anti-aériens et anti-satellites. En outre, le Kremlin est parvenu, en dépit de la crise économique qui a frappé le pays ces 7 dernières années, à reconstituer sa reserve de devise qui dépasse désormais les 650 Md$, soit 10 années de budget défense. Dès lors, comme Pékin, Moscou est désormais en capacité de dicter le tempo technologique et opérationnel sur le front européen et moyen-oriental, et commence même à le faire depuis quelques mois.
La majorité des programmes avancés américains visent une entrée en service autour de 2030, comme le NGAD et le F/A-XX, cette limite ayant été jusqu’à présent celle retenue pour la possible inflexion technologique chinoise
En revanche, à la différence des Etats-Unis qui, au travers de nouveaux programmes à ambition raccourcies dans le domaine des avions de combat (NGAD, F/A-XX), des hélicoptères (FVL), des frégates (FFG-X Constellation), des drones, armes hypersoniques et à énergie dirigée et mêmes de blindés, tous visant une entrée en service antérieure à 2030, les européens n’ont, pour leur part, pas déviés de leur calendriers initiaux, qu’il s’agisse du programme SCAF qui n’entrera pas en service avant 2040 comme du programme MGCS prévu, dans le meilleur des cas, pour 2035. Or, le même point d’inflexion essentiellement basé sur la supériorité aérienne occidentale face à la Chine en 2027, s’applique face à la Russie, là aussi autour de cette date, lorsque le Su-57, le S-70 Okhotnik B et peut-être le Su-75 checkmate viendront épauler les Su-30, 34 et 35 et Mig-31 encore en service, alors que la Marine russe disposera, quant à elle, du missile hypersonique 3M22 Tzirkon de manière étendue également à cette date.
En d’autres termes, là ou les Etats-unis ont pris conscience de la réalité des évolutions en cours, et tentent d’y répondre pour empêcher la création d’un rapport de force défavorable, les européens, empêtrés dans des considérations de politique intérieure, semblent aujourd’hui incapables de la même démarche, et restent figés, sous la forme d’une dangereuse méthode Couet, dans une planification et des programmes qui n’ont plus de rapport avec la réalité géopolitique et technologique imposée par Pékin et Moscou. Pire, dans de nombreux pays, dont la France, l’Allemagne et l’Italie, les plus riches et les plus peuplés du vieux continent, les opinions publiques et le débat politique ignore totalement cette situation, comme si l’Union européenne et l’OTAN leur permettait d’évoluer dans un univers parallèle ou la menace serait largement minorée.
Comme la Chine, la Russie a considérablement accru son tempo technologique, et disposera à partir de 2027, de capacités opérationnelles sensiblement supérieures à celles mises en oeuvre par les armées européennes.
Une chose est certaine, l’inquiétude avancée par l’ensemble des Etats-Majors du Pentagone, comme les réponses parfois fébriles qui sont avancées ces derniers mois pour tenter de répondre à ces évolutions, ne sont pas des manoeuvres destinées à accroitre les budgets de défense, comme certains se plaisent à le croire (et le dire). Quant à l’absence de réaction des dirigeants européens notamment en matière de planification militaire et technologique, tout comme la passivité des opinions publiques, souvent teintée d’une sympathie affirmée, y compris parmi les leaders politiques et militaires européens, envers la Russie et la Chine, elles marquent bien davantage que l’achat de F-35 ou de Patriot, le réel renoncement des européens à assumer un rôle dans la géopolitique mondiale. Il ne reste, dans les faits, qu’une fenêtre d’opportunité très étroite pour que l’Europe mobilise ses moyens technologique et humain afin de neutraliser ces menaces et en particulier celle posée par la Russie, un pays qui est, rappelons le, pourtant 4 fois moins peuplé,et 8 fois moins riche que les pays européens occidentaux.
Le Rafale aux Emirats Arabes Unis, c’est une longue histoire… Depuis plus de 10 ans maintenant, l’hypothèse d’une commande imminente de l’avion français par Abu Dabi ne cesse d’émerger, puis de ressombrer aussi vite dans l’oubli. Il se pourrait bien, cependant, que cette douche écossaise prenne fin dans les semaines à venir. En effet, selon le site economique français Challenges.fr, une commande de 60 Rafale serait proche d’être conclue avec les Emirats Arabes Unis, et pourrait même être officialisée à l’occasion de la visite du chef de l’Etat, Emmanuel Macron, dans le Golfe Persique du 2 au 4 décembre. Ni le ministère des Armées, ni les industriels n’ont confirmé la chose aux journalistes de Challenges; toutefois il semblerait que plusieurs sources aient corroboré cette information.
Une telle commande conclurait admirablement une année riche en émotion pour l’avion de combat français, avec des succès historiques en Grèce (24 appareils), en Croatie (12 appareils) et en Egypte (30 nouveaux appareils), des ouvertures prometteuses en Indonésie et en Inde, mais également de sérieuses déceptions, notamment après le revirement suisse du début de l’été en faveur du F-35A américain. Ce serait également, à date, la plus importante commande de Rafale passée par un client export, devant l’Égypte et ses 54 Rafale commandés en deux tranches. Cela permettrait enfin à la team Rafale de sécuriser la ligne de production de l’appareil pour l’ensemble de la décennies en cours, une situation que de nombreux industriels aimerait partager dans le monde.
En janvier 2021, Athènes commandait 18 Rafale F3R dont 12 d’occasion à la France, pour débuter une année historique pour l’avion français
Selon les informations obtenues par Challenges, les appareils commandés seraient au standard F4, celui-là même qui constitue le point d’inflexion du programme vers les standards numériques à venir des prochaines décennies, à l’instar des appareils commandés par l’Armée de l’Air et de l’espace française dont la livraison doit débuter en 2025. Le montant de la commande, mais également son calendrier et son périmètre, ne sont pas naturellement pas connus, d’autant que les Emirats Arabes Unis sont courtisés par de nombreux autres constructeurs, entre les négociations autour du F-35A américain avec Washington, et la parade de séduction entamée par Rostec avec le Su-75 Checkmate pour s’imposer dans le pays.
Mais dans ce dossier, le Rafale jouit de plusieurs atouts. En premier lieu, il n’est pas soumis aux atermoiements politiques et technologiques du Congrès américain comme dans le cas du F-35A, alors que les discussions entre Washington et Abu Dabi sont au point mort depuis plusieurs mois à ce sujet. En outre, contrairement aux appareils russes, le choix du Rafale n’entrainera pas de possibles sanctions américaines, avec un embargo potentiel sur certaines technologies de défense. Enfin, le Rafale s’est, de toute évidence, montré très convaincant aux mains des pilotes égyptiens, notamment face au Su-35 russe, Le Caire, allié proche d’Abu Dabi, ayant d’ailleurs signé officiellement la commande de 30 nouveaux chasseurs français il y a quelques jours.
L’Armée de l’Air égyptienne a été séduite par les performances offertes par le Rafale, en commandant 30 nouveaux appareils cette année.
Ceci dit, si les négociations ont avancé dans ce dossier alors qu’elles étaient figées depuis presque une décennie, c’est très probablement en raison d’une évolution sensible de Paris dans un dossier critique pour ce contrat, la reprise des quelques 62 Mirage 2000-9 émirati acquis par Abu Dabi entre 1998 et 2009. Les autorités du pays ont en effet toujours lié une éventuelle commande de Rafale français à la reprise par Paris de ses appareils, mais jusqu’à présent, les autorités françaises n’avaient jamais répondu favorablement à cette exigence, gelant les négociations. Il est donc possible, si pas probable, que la France ait décidé d’accepter cette condition désormais, permettant l’avancée rapide des négociations, et ce d’autant que celles avec Washington semblent enlisées.
Deux possibilités s’offriraient alors à Paris, soit tenter de replacer ces appareils, au demeurant parfaitement modernes et performants même dans un contexte de moyenne ou de haute intensité, vers des clients en demande d’appareils capables et disponibles rapidement, comme il en existe de plus en plus, soit d’intégrer cette évolutions ultime du Mirage 2000 dans deux ou trois escadrons de l’Armée de l’Air de l’espace, afin de compenser le retrait des derniers Mirage 2000-C, et les sessions de Rafale d’occasion auprés de la Croatie et de la Grèce, alors même que la pression opérationnelle reste très élevée. Il ne fait aucun doute que l’arrivée d’une soixantaine de nouveaux chasseurs aussi performants que le Mirage 2000-9, en plus des nouveaux Rafale déjà commandés, permettrait à l’AAE de mieux répondre aux enjeux sécuritaires à venir, tout en regagnant une partie de l’épaisseur érodée au fil des 20 dernières années de disette budgétaire.
Le mirage 2000-9 émirati est la version la plus évoluée et la plus aboutie du chasseur monomoteur de Dassault aviation, et reste un appareil parfaitement à niveau pour les engagements modernes
Eu égard à la sensibilité du dossier, et à son caractère hautement concurrentiel, il est peu probable que d’autres informations émergeront à ce sujet avant la visite officielle du président français dans le Golfe début décembre. Il faudra donc se montrer patient pour connaitre le dénouement de cette troisième, et on l’espère ultime, phase de négociation entre Paris et Abu Dabi au sujet du Rafale. En cas de succès, 2021 aura été sans conteste l’année de l’avion français, avec pas moins de 4 commandes pour 126 appareils, dépassant de loin les 84 appareils négociés par JY Le Drian en 2015, alors même que les résultats de la compétition finlandaise doivent eux aussi être annoncés avant la fin de l’année, même si, dans ce dossier, le Rafale français fait office de challenger face au F-35A américain et au JAS-39 E/F du voisin suédois, tout du moins à en croire la presse locale.
Depuis sa présentation officielle cet été lors du salon ARMY-2021 à Moscou, le nouveau chasseur monomoteur de 5ème génération russe Su-75 Checkmate est, de toute évidence, devenu le cheval de bataille de Sukhoi mais également de Rostec pour s’imposer lors des compétitions internationales à venir dans le domaine des avions de combat. Cette semaine, à l’occasion du salon Dubaï Airshow, le nouvel appareil, qui n’existe encore que sous forme de prototype statique, a fait ses premiers pas sur la scène internationale, et se positionne clairement comme une alternative au F-35A américains, mais également aux Rafale, Typhoon et Gripen Européens, dans le discours des officiels russes, notamment sur la marché moyen-oriental.
Rappelons que le Su-75 Checkmate est un chasseur monomoteur reprenant les codes de la 5ème génération, et offrant, dans le discours de Rostec tout du moins, de nombreux atouts très attractifs. Avec une masse maximale au décollage de 18 tonnes, et une masse à vide de 10 tonnes, l’appareil se rangerait dans la catégorie des chasseurs monomoteurs polyvalents comme le Mirage 2000 ou le F-16. Pour autant, les performances annoncées, avec notamment un rayon d’action opérationnel supérieur à 1000 km, et une importante capacité d’emport d’armement, le positionnerait davantage dans celle du F-35A, du Super Hornet ou du Rafale, des appareils de 25 tonnes au décollage, plus onéreux à l’acquisition comme à l’usage. Outre une promesse de furtivité, il offre également un excellent rapport poussée-poids même avec le réacteur intérimaire AL-41F1, une haute manoeuvrabilité grâce à la poussée vectorielle tri-dimensionelle offerte par ce moteur, et une avionique embarquée parfaitement moderne intégrant radar AESA, casque de visée, FLIR et fusion de données.
Même s’il est prés de 12 tonnes plus léger que le Su-57, le Su-75 reste un appareil imposant ne permettant pas de le classer dans la catégorie des chasseurs « légers »
A l’occasion de ce salon, le constructeur russe a également confirmé qu’il entendait developper une version sans pilote de son appareil, sans pour autant donner davantage de détails sur cette version. Cette annonce peut laisser supposer que le S-70 Okhotnik B, plus imposant et doté d’un rayon d’action et d’une capacité d’emport sensiblement supérieure à ceux du Checkmate, serait, quant à lui, réservé aux forces aériennes russes, et que la version drone du Su-75 couvrirait ce segment sur la scène internationale. On notera à ce titre que les forces aériennes russes n’ont toujours pas officialisé leur intérêt pour le nouvel appareil, même si la direction de Rostec a annoncé que les négociations contractuelles exports de celui ne seront entamées qu’une fois la production de série débutée en 2026, ce qui laisse supposer que les premiers lots produits seront effectivement bien à usage intérieur.
Mais l’argument clé du Checkmate reste incontestablement son prix d’appel avancé de 30 m$ dans sa version export de base, le tiers de celui d’un F-35A ou d’un Rafale, et de 40 m$ pour une version « avancée », c’est à dire equipée d’une avionique moderne et d’un réacteur à poussée vectorielle. En outre, l’appareil, qui doit faire son premier vol en 2023 et entrer en production de série d’ici 2026, disposera d’une vaste panoplie d’armements air-air, air-sol et air-surface, allant du missile de croisière à la bombe guidée, et ce dès son entrée en service. Même si ces informations doivent encore toutes être validées de faits, elles suffisent à générer un réel intérêt autour de l’appareil, Rostec ayant reçu, selon ses dires, de nombreuses demandes d’information venant de clients exports potentiels.
Le Su-75 pourra emporter une vaste panoplie d’armement de précision dès son entrée en service selon Rostec, y compris des missiles de croisière et anti-navires
De nombreux observateurs semblent mettre en doute la réalité de ce tarif, qui plus est en version exportation. Pourtant, l’industrie aéronautique russe est d’ores et déjà capable aujourd’hui de produire des appareils de combat à des tarifs très inférieurs à ceux pratiqués par leurs homologues internationaux. Ainsi, les 76 Su-57 commandés par les forces aériennes russes l’ont été à un tarif unitaire inférieur à 35m$, alors que les Su-35s sont eux acquis sous la barre des 30m$, et les Su-30SM sous la barre des 20 m$ l’unité. En règle générale, les avions russes sont proposés à des tarifs bien plus élevés sur la scène internationale, du simple fait du niveau du marché mondial, et de l’absence de concurrence sur cette question. Dans le cas présent, il semble bien que le Su-75 ait été conçu comme un outil de conquête de marché destiné à repositionner l’industrie russe au coeur du marché mondial, et l’on peut dès lors supposer qu’eu égard aux volumes d’exportation visés par Rostec, une politique agressive de prix ait largement de sens.
Pour autant, et en dépit de l’intérêt déjà suscité, Rostec se montre particulièrement pro-actif dans la promotion de son nouvel appareil, éclipsant même au passage le Su-57E, version export du chasseur lourd russe de 5ème génération, il est vrai beaucoup plus lourd et plus onéreux, et attendu en priorité par les forces aériennes russes elles-mêmes. Ainsi, le constructeur aéronautique propose dès à présent des solutions de coopération, de production locale et de partenariat autour de son nouvel appareil, y compris vers des clients non traditionnels de l’industrie russe, comme les Emirats Arabes Unis, profitant des difficultés rencontrées entre Abu Dabi et Washington dans les négociations autours de l’acquisition de F-35A, négociations faisant du surplace depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche.
S’il confirme ses annonces, le Su-75 pourrait devenir un concurrent redoutable pour d’éventuels contrats d’exportation à venir pour le Rafale français, ou le Typhoon européen.
Reste qu’au delà du F-35 américain, le Su-75 risque fort de poser d’importantes difficultés dans les compétitions internationales, y compris aux avions européens et français comme le Typhoon et le Rafale. En effet, là ou traditionnellement ces appareils pouvaient s’imposer en raison d’un rapport performances-prix attrayant, et de contraintes technologiques et politiques moindres vis-à-vis des Etats-Unis, il sera bientôt difficile, si pas impossible, de justifier d’un tarif 2 fois supérieur pour un appareil aux performances équivalentes, qui plus est accompagné d’un ensemble de mesures de transfert de production industrielle et de technologique. Avec le Checkmate, la Russie veut donc non seulement se repositionner face aux Etats-Unis, mais surtout face aux alternatives européennes et émergentes, comme le KF-21 sud-coréen ou le JF-17 pakistanais. Si effectivement les performances et les tarifs sont au niveau des annonces faites, et considérant la nette préférence américaine des forces aériennes occidentales ces dernières décennies, le Checkmate risque bien de devenir le cauchemar de l’industrie européenne dans les années à venir, faute de réaction pour contrer ce type d’offres.
Lorsque Scott Morrison annonça en septembre dernier l’annulation du contrat pour la construction de sous-marins à propulsion conventionnelle de la classe Attack du français Naval Group, afin de s’équiper de sous-marins à propulsion nucléaire de facture américaine ou britannique, de nombreux observateurs firent remarquer que la calendrier sous-tendu par une telle décision allait poser de graves problèmes à la Marine Royale Australienne. En effet, les 6 sous-marins conventionnels de la classe Collins actuellement en service, et entrés en service entre 1996 et 2003, auraient toutes les peines du monde à être maintenus en service actif jusqu’en 2050, date optimiste pour la livraison du dernier sous-marin Nucléaire d’attaque destiné à les remplacer. De nombreuses hypothèses ont depuis circulées, comme la location de sous-marins nucléaires américains ou l’extension de vie des Collins, mais aucune n’est véritablement en mesure de répondre aux besoins opérationnels liés au contexte géopolitique en dégradation rapide dans le Pacifique.
Il semble qu’après l’enthousiasme largement excessif affiché par les autorités australiennes suite à l’annonce de ce changement de cap, la réalité des faits commence à s’imposer à Canberra, et les options qui se présentent désormais sont pour le moins loin d’être satisfaisantes, militairement comme économiquement. En effet, selon le site Financial Review, les autorités australiennes étudieraient désormais une solution intermédiaire basée sur l’acquisition de nouveaux sous-marins à propulsion conventionnelle, en particulier celle de nouveaux sous-marins de la classe Collins dans une version modernisée…. En effet, pour amener les 6 sous-marins actuellement en service au delà de 2030, l’Australie avait déjà annoncé un programme de modernisation de 6 Md$ sensé permettre à ces navires basés sur des technologies des années 80, de continuer à assurer leur mission pour les 15 années à venir. Le nouveau standard ainsi défini pourrait permettre, dès lors, de concevoir de nouveaux navires avec une empreinte budgétaire réduite en matière de R&D, pour assurer l’intérim en relevant les navires actuels dans l’attente des hypothétiques sous-marins à propulsion nucléaires à venir.
Les performances offertes par le Shortfin barracuda, que ce soit en terme de vitesse ou de discrétion, sont sans commune mesure avec celles des Collins actuellement en service au sein de la Royal Australian Navy
Pour autant, cette approche très théorique serait loin d’être pertinente, et ce en de nombreux points. Comme dit précédemment, les Collins sont des bâtiments conçus dans les années 80, sur la base du modèle Vâstergötland suédois, soit à deux générations d’écart avec les sous-marins modernes comme le Blekinge suédois, le Taïgei japonais ou le Shortfin français. Beaucoup plus imposants que le modèle d’origine, les Collins australiens rencontrèrent d’immenses problèmes techniques lors de leur mise en service, problèmes qui ne furent finalement réglés qu’au bout d’une quinzaine d’années, à grand renfort de milliards de $. En outre, les navires ont toujours souffert d’une discrétion acoustique limitée, très inférieure à celle des autres navires de l’époque comme le Type 209 allemand ou l’Agosta français. Si ce défaut a en partie été corrigé en redessinant une grande partie du navire, dont le dôme sonar, il n’en demeure pas moins en retrait des standard actuels portés par les navires modernes comme les Soryu japonais, Type 212 allemands et Scorpene français, ainsi que, et c’est problématique, les Type 039A chinois, ceux-là même avec lesquels les unités de lutte anti-sous-marine chinoises s’entrainent.
Dès lors, pour atteindre les niveaux de discrétion acoustique requis pour faire face à la Marine chinoise dans les années à venir, il serait probablement nécessaire de profondément revoir la structure même du navire lui-même, et donc d’entamer des travaux de conception longs et couteux, incompatibles avec le besoin ni avec le calendrier. Pire, cela ferait sans le moindre doute exploser le budget que l’Australie devra consacrer au renouvellement de sa flotte sous-marine, alors même que le choix de se doter de sous-marins à propulsion nucléaire va déjà profondément entamer les capacités d’investissement du pays, bien au delà de ce que devaient couter les 12 sous-marins shortfin Barracuda de la classe Attack annulés il y a deux mois, précisément pour des questions de besoin opérationnel nécessitant le passage à la propulsion nucléaire au plus vite, et dans un contexte budgétaire tendu suite à l’augmentation des couts du programme australien.
Les hypothèses de location de SNA américains ou britanniques comme solution intérimaire semblent ne pas avoir reçu d’écho favorable auprés de Washington et de Londres.
En d’autres termes, la construction de nouveaux sous-marins de la classe Collins entrainera non seulement des surcouts considérables pour le budget australien de la Défense, mais elle ne permettra de livrer que des navires de second rang, loins d’être à niveau, par exemple, des performances proposées par les Shortfin Barracuda initialement commandés qui, rappelons le, proposaient des performances opérationnelles à mi-chemin entre celles d’un SNA moderne et d’un sous-marin à propulsion conventionnelle. Il faudra bien, à un moment, que la classe politique australienne, et l’opinion publique du pays, prennent conscience de l’incurie de la décision unilatérale de Scott Morrison, il est vrai largement encouragé en cela par Joe Biden et Boris Johnson, dans ce qui se dessine comme étant la plus mauvaise décision stratégique occidentale de ces 30 dernières années.
Malheureusement pour Canberra, la meilleure solution pour répondre à la situation actuelle aurait été incontestablement française, puisque le Shortfin Barracuda à la base de la classe Attak est lui-même dérivé du Barracuda de la classe Suffren, aujourd’hui le sous-marin nucléaire d’attaque le plus moderne de l’arsenal occidental. Si plutôt que claquer la porte au nez de la France comme elle le fit, Canberra avait intégré Naval Group et Paris dans son panel de solutions alternatives, il eut été possible de basculer le programme initial de 12 submersibles de la classe Attack, vers 6 navires de ce type en livraison « rapide » entre 2034 et 2040 permettant de prendre le relais des Collins, puis de 6 SNA dérivés du Suffren basés sur la même infrastructure industrielle, entre 2040 et 2050, le tout pour un cout final probablement assez proche de 90 Md$ planifiés pour les 12 Attack.
Les sous-marins chinois type 039A offrent de hauts niveaux de discrétion acoustique, permettant à la Marine chinoise de s’entrainer contre les navires capables et très silencieux.
Reste à voir, désormais, quels seront les arbitrages de Canberra dans ce dossier. Avec les prochaines élections fédérales de 2022 qui deviennent de plus en plus pressantes, il est peu probable que Scott Morrison se risque à prendre une décision ferme avant cette date, d’autant qu’elle mettrait clairement en avant les conséquences désastreuses de la sortie du programme Attack, et de la manière dont celle-ci fut menée. Une chose est cependant évidente désormais, alors que le pic de tension avec la Chine débutera, selon toute probabilité, dans la seconde moitié de la décennie, l’Australie sera réduite à jouer les second rôles dans le domaine de la guerre sous-marine, et sera même particulièrement exposée du fait de son manque criant de moyens modernes et efficaces dans ce domaine, et ce pour plusieurs décennies. De fait, l’alliance AUKUS, sensée créer les bases d’une coopération militaire occidentale dans le pacifique, sera loin d’atteindre des objectifs probants avant de nombreuses années.
Entre la crise des migrants aux frontières polonaises, lettones et lituaniennes, et la nouvelle concentration de forces aux frontières ukrainiennes, le Kremlin déroulé depuis plusieurs semaines une bonne partie de ses capacités à mobiliser des actions hybrides pour créer la discorde et la désunion entre les Européens, et dans le lien trans-atlantique. Au final, il se pourrait bien que, cette fois, Vladimir Poutine soit allé un cran trop loin. En effet, après l’évocation d’un recours à l’article IV de l’OTAN par les 3 pays européens visés par la crise organisée de Minsk, puis l’annonce venue de Londres d’un déploiement de 800 militaires britanniques en Ukraine pour acter l’engagement de la Grande-Bretagne face à Moscou, c’est au tours de la France de s’impliquer pleinement dans cette crise.
A l’occasion d’un appel téléphonique entre les chefs d’Etat français et russe, Emmanuel Macron a ainsi, selon l’Agence France Presse, annoncé à son homologue Vladimir Poutine que la France était désormais prête à « garantir l’intégrité territoriale de l’Ukraine ». Selon cette même dépêche de l’AFP, le président russe aurait fait savoir à Emmanuel Macron qu’il entendait proposer un plan de désescalade pour atténuer les tensions. C’est la première fois que la France prend aussi directement position dans le conflit larvé qui oppose Moscou et Kiev, marqué par l’annexion de la Crimée en 2014, puis à une guerre hybride incluant des moyens lourds soutenue depuis le Kremlin dans le Donbass, qui amena Paris à annulé la vente des deux BPC de la classe Mistral à la Marine russe.
Le président Hollande annula la vente des deux porte-hélicoptères d’assaut de la classe Mistral à la Russie suite à l’annexion de la Crimée en 2014
Selon les renseignements occidentaux, 90.000 militaires russes auraient repris position à proximité de la frontière ukrainienne, avec des moyens lourds. Au total, ce sont désormais 115.000 soldats, aviateurs et marins qui se retrouvent prêts à agir contre l’Ukraine. Les Etats-Unis avaient, à ce titre, informés leurs alliés européens de l’imminence probable d’une action militaire russe en Ukraine la semaine dernière. Quant au président russe, il a annoncé que les renseignements ukrainiens estimaient que la Russie entamerait une action armée durant l’hivers. Ce n’est pas la première fois que de telles concentration de forces russes engendrent des réactions de forte inquiétude en Ukraine et en Occident, la dernière en date ayant eut lieu en mars dernier, lorsque 110.000 militaires russes furent dépêchés en Crimée et le long de la frontière orientale ukrainienne.
Cette fois encore, comme précédemment, il semblerait que la préparation logistique des forces déployées ne soient pas à la hauteur d’une action mécanisée de grande envergure, ce qui a amené plusieurs responsables européens à modérer l’inquiétude ukrainienne et américaine ces derniers jours. Toutefois, depuis hiers, les réactions, qu’elles viennent de Washington, de Londres, de Bruxelles et même de l’OTAN, semblent bien plus directives, laissant supposer que la perception du risque de la part des Etats-Majors occidentaux serait montée d’un cran. Quant à la posture d’Emmanuel Macron, elle est suffisamment obscure pour laisser planer le doute quant aux moyens sur lesquels la France pourrait s’appuyer pour garantir la sécurité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
Le secretaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg a déclaré aujourd’hui que « l’OTAN se tenait aux cotés de l’Ukraine » en cas d’agression russe.
En revanche, la position choisit par le président Français aux cotés de Kiev, mais également de Washington et de Londres, face à Moscou, disqualifie probablement Paris des discussions issues du format Normandie, rassemblant la Russie, l’Ukraine, l’Allemagne et la France, les deux pays européens devant à priori jouer le rôle d’intermédiaire neutre. Mais il est vrai que les résultats obtenus par ce « format », et les accords de Minsk qui en découlent, semblent avoir vécu, et ne plus être d’actualité. Dans ce domaine, la posture choisie par Moscou, basée sur des actes et des annonces en dissociation proche de la schizophrénie, aura fini par faire basculer Paris dans vers posture beaucoup plus rugueuse, en dépit des nombreuses tentatives d’ouvertures faites par le président français vers son homologue russe depuis 4 ans maintenant. Malheureusement, pour discuter, il faut être deux, et de toute évidence, Vladimir Poutine estimait n’avoir aucun intérêt à ouvrir la discussion avec la France.
Reste à voir, désormais, quelle forme prendra la nouvelle posture française dans ce domaine, et le caractère dissuasif qu’elle pourrait avoir face à Moscou. En revanche, Vladimir Poutine se retrouve désormais dans une situation embarrassante, puisqu’un retrait de ses forces laisserait penser que l’action conjuguée de Paris et de Londres (et non de Washington) aura suffit à le dissuader, alors qu’une action militaire, même hybride, pourrait engendrer une escalade dangereuse face à deux nations nucléaires. En outre, en agissant en Ukraine, Paris fait d’une pierre deux coups, puisqu’elle agit en faveur d’une baisse des tensions en Ukraine mais également en Biélorussie, sans intervenir aux cotés des forces de sécurités polonaises, dont l’action est jugée, par de nombreux leaders européens, non-conforme au droit européen.
Le président Poutine est désormais dans une situation difficile face à la réponse ferme venue de Paris et de Londres aux cotés de Kiev.
Quoiqu’il en soit, désormais, les dès sont lancés par le chef de l’Etat français. On peut s’attendre, suite à cette annonce, à des déclarations plus fermes qu’à l’accoutumé des leaders européens, eux-mêmes, qui aujourd’hui encore peinaient à s’attacher à une posture définitive, préférant s’en remettre à la timide réponse européenne traditionnelle. A ce titre, et comme il le fit en Grèce face à la Turquie, le président français positionne clairement la France en pointe de l’action décisive européenne sur la scène internationale, paradoxalement dans une harmonie notable avec Londres. Notons enfin qu’en agissant ainsi, Emmanuel Macron se distancie nettement de plusieurs de ses concurrents pour la prochaine élection présidentielle qui, comme E.Zemmour, M. Le Pen ou encore X.Bertrand, ont tous prôné une attitude de conciliation face à la Russie.