lundi, décembre 8, 2025
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Les Metavers, un enjeu de Défense et de sécurité critique à moyen terme

Le 28 Octobre, le président de Facebook, Mark Zuckerberg, annonçait le lancement d’un immense programme visant à faire de son entreprise, rebaptisée « Meta » à cette occasion, le pilier mondial dans le domaine des Metavers. Bien qu’il n’y ait pas eu, à proprement parler, d’annonces précises lors de cette conférence de presse, ni en terme de projet, ni en terme de calendrier, cette ambition donne clairement le départ d’une prochaine étape dans l’évolution du lien que tout-un chacun peut avoir avec le numérique. En tant que tel, les Metavers sont porteurs, en matière de défense, de nombreuses opportunités pour qui saura s’en saisir, mais également de nouvelles menaces, bien plus prégnantes que celles auxquelles les Armées et les services dédiés à la protection contre les menaces numériques font face aujourd’hui.

Un Metavers, qu’est-ce que c’est ?

Si l’usage du mot Metavers est relativement nouveau, le terme lui-même étant apparu dès 1992 dans un roman de Neal Stephenson, le concept qu’il recouvre ne l’est pas. Il s’agit, en effet, d’un univers social global entièrement numérique, au sein duquel les individus interagissent aux travers de divers interfaces. En ce sens, les réseaux sociaux, mais également les sites de rencontre ou encore les jeux multijoueurs et notamment les univers persistants, répondent à cette définition. Le terme moderne suppose toutefois une évolution des interfaces elles-mêmes, avec l’utilisation de casque de réalité virtuelle ou encore de lunettes de réalité augmentée, de sorte à accroitre l’aspect immersif de ces univers.

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Les lunettes de réalité augmentée permettent de superposer des images numériques à l’environnement visible, de sorte à en « enrichir le contenu ».

Pour un société comme Meta (Aka Facebook), l’enjeu est naturellement de taille, puisque la fidélisation et l’efficacité cognitive de ces univers virtuels pour ceux qui les arpentent sera, selon toutes les projections, bien supérieures à celles des systèmes existants aujourd’hui, avec une frontière entre numérique et réalité de plus en plus ténue, notamment dans la perception elle-même. En effet, en passant d’un écran à une casque de réalité virtuel, on augmente considérablement le nombre de sens mis à contribution par le cerveau, de sorte à recréer une perception conforme à celle à laquelle il a été entrainé depuis la naissance. De fait, la charge cognitive d’une personne arpentant un Metavers sera sans commune mesure avec celle d’une personne participant à une reseaux social, ou à un jeu video multi joueurs.

La charge cognitive du cerveau et ces effets

Déjà aujourd’hui, les systèmes actuels, pourtant bien plus limités du point de vue cognitif, engendrent des effets on ne peut plus sensibles dans la société moderne. Ainsi, une étude américaine a conclu que prés de 40% des couples qui s’étaient formés en 2019 avaient trouvé leur origine sur les reseaux sociaux ou les sites de rencontre. De même, les effets des réseaux sociaux sur la radicalisation des individus, qu’elle soit politique ou religieuse, ont eux aussi donné lieu à de nombreuses études. Et l’on a pu en voir un exemple flagrant le 6 janvier 2021 lors de l’assaut mené par les partisans de Donald Trump sur le Capitole. Une récente étude américaine a conclu que prés d’un tiers des américaines adhéraient à au moins une des croyances fondamentales du mouvement Qanon, alors que seul un autre tiers des américains rejetaient en bloc ce système de croyance. Le phénomène engendre même des situations extrêmes, comme les Nolife atteint de cyberdépendance notamment aux univers persistants des jeux-videos, ou encore les Otaku japonais, qui s’excluent volontairement de la société réelle pour ne vivre que dans les univers cyber.

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Des jeux comme World of Warcraft ont accru le phénomène des No-life, ces personnes qui privilégient leur existence virtuelle à leur existence physique réelle, avec des effets sociaux parfois très prononcés.

Or, si de tels effets sont constatés aux travers d’interfaces aussi limitées du point de vue cognitif qu’un écran et une interface de saisie (clavier, souri, écran tactile ..), il est évident qu’ils seront démultipliés par l’usage de casque de réalité virtuelle ou de lunettes de réalité augmentée. En effet, plusieurs études ont montré que le cerveau humain lorsqu’il était exposé à un écran en mode actif, comme dans le cas du jeu video, émettait rapidement des ondes Alpha, celles-là même qui sont émises lors du sommeil paradoxal, et même des ondes Theta, que l’on obtient normalement difficilement, notamment lors d’exercices de méditation. De fait, le cerveau développe une réceptivité cognitive accrue, ceci expliquant en partie les phénomènes de crédulité exacerbée constatés sur les réseaux sociaux ou même les sites de rencontre, et pouvant même créer une forme de dissociation cognitive lorsqu’elle est poussée à l’extrême (cas des nolife). Or, plus la stimulation est importante, plus le cerveau déploie ces ondes spécifiques. Dès lors, les Metavers pourraient bien constituer, à terme, une réalité cognitive alternative, aisément manipulable, et donc représentant une menace de poids pour les questions de sécurité et de défense.

Quelles menaces et quelles effets sur les questions de Défense ?

De fait, les enjeux en matière de Défense liés à l’arrivée des Metavers seront, pour partie au moins, de même nature que les enjeux liés aux réseaux sociaux et à l’utilisation d’internet en général, mais exposés à un coefficient multiplicateur sensiblement plus important. On pense, naturellement, aux nombreuses menaces liées à la radicalisation des personnes, qui seront en mesure de toucher plus d’individus, et de manière plus rapide et plus profonde, créant une menace sociale directe avec des conséquences en matière de défense et sécurité très sensibles. Là où, aujourd’hui, le discours radical va toucher et amener une personne sur 10.000 exposée à agir en fonction de ce discours, les Metavers pourront voir cette efficacité passer à une sur 5000, voire une sur 1000, qui plus est dans des délais sensiblement plus courts, eu égard à l’efficacité de la surcharge cognitive sur le cerveau et à l’augmentation de la suggestibilité des individus. En changeant d’échelle comme cela pourrait être le cas, la manipulation de masse pourra se modéliser comme un phénomène épidémique, avec un R0, c’est à dire le taux de transmissibilité, supérieur à 1.

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Seul un tiers des américains rejettent en bloc les théories avancées par la mouvance Qanon

La vulnérabilité des personnes exposées à des démarches hostiles dans les Metavers pourrait, par ailleurs, être mise à profit de plusieurs manières, par exemple dans le domaine du renseignement, en favorisant la levée des verrous psychiques des individus, les amenant à baisser leur garde et à se faire « recruter » de manière bien plus aisée et rapide que par des approches plus traditionnelles. Les applications de rencontre, et notamment de rencontre purement virtuelles qui ne manqueront pas d’émerger, accroitront également les opportunités dans ce domaine, et ce d’autant qu’elles offriront sans le moindre doute un caractère fidélisant très élevé pour certains individus.

Mais le danger le plus important en matière de défense, concernant les Metavers, reposera sans le moindre doute sur la redéfinition potentielle de l’appartenance sociale, et notamment du lien avec la nation de l’individu, qui pourrait, même sans avoir été exposé à des actions hostiles, developper une identité sociale en marge de celle à laquelle il appartient dans la vie réelle, ceci pouvant potentiellement prendre le dessus sur cette même appartenance sociale. Cela pourrait remettre en cause la notion même de Nation, à laquelle l’exercice de La Défense est intimement lié, en voyant se redessiner dans ces univers virtuels des allégeances sociales surpassant l’allégeance réelle liée à l’Etat. Qu’elle soit ou non manipulée de l’extérieur, cette menace représente incontestablement un danger majeur pour les Etats, et leur ancrage dans le réel.

Quelles parades pour y faire face ?

On peut difficilement établir d’ores et déjà des stratégies pour se prémunir de toutes les menaces qui émergeront avec l’arrivée des Metavers en matière de sécurité et de défense. En revanche, il est possible, dès à présent, de s’y préparer activement. Ainsi, l’étude des effets cognitifs de l’utilisation de ces technologies sur le cerveau permettrait de déterminer, avec précision, quels sont les mécanismes en jeu dans ce domaine, et donc de légiférer pour s’en prémunir. A titre d’exemple, si avec un casque de réalité virtuel, le pic de suggestibilité lié au pic d’ondes Alpha et Theta intervient en moyenne au bout de 15 minutes d’exposition, il peut être utile d’imposer des coupures de X secondes toutes les 12 minutes pour casser ce mécanisme, et donc en réduire les effets.

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L’étude des effets cognitifs des technologies liées au développement des Metavers, et notamment la notion de suggestibilité, est indispensable pour se prémunir de ces effets

Au delà des mécanismes cognitifs, l’anticipation et la surveillance des actions hostiles dans les Metavers, et ce dès qu’ils commenceront à émerger publiquement, permettra la aussi non seulement d’agir du point de vue numérique, mais également d’en étudier les mécanismes mis en oeuvre et donc de former les personnels, notamment les personnels potentiellement sensibles (miltaires, fonctionnaires de l’Etat, ingénieurs et techniciens) à en détecter les signes, et ainsi s’en prémunir, comme c’est le cas par exemple dans le domaine du renseignement. Enfin, il serait naturellement préférable que des solutions nationales, ou tout au moins européennes, dans le domaine des Metavers émergent, comme elles ne manqueront pas d’émerger chez la plupart de nos grands compétiteurs, antagonistes comme alliés.

Les opportunités offertes par les Metavers

L’émergence des Metavers constitue aussi bien une nouvelle forme de menaces, qu’une opportunité majeure par la France et l’Europe. En effet, ces Metavers vont engendrer une profonde mutation de l’architecture technique et logique des services numériques, permettant à de nouveaux acteurs d’y prendre une place majeure, chose presque impossible dans l’internet moderne. En s’imposant dans ce domaine, les Européens seraient alors en mesure de peser, à grande échelle, sur l’organisation internationale et technologique qui sous-tend cette évolution, et donc d’en influencer les codes. En outre, les phénomènes à l’oeuvre dans le domaine cognitif le sont également au bénéfice des états, ou des armées elles-mêmes, si tant est qu’ils parviennent à s’en saisir en temps voulu, en s’y étant préparer avec une anticipation suffisante.

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Les Metavers pourront jouer un rôle important dans la formation des militaires, en offrant une souplesse et une immersion avancées

De manière plus appliquée, la technologie liée aux Metavers pourra offrir de nombreuses opportunités en matière d’entrainement et de formation pour les armées, y compris à l’échelle internationale, avec des couts largement réduits et une immersion avancée, grâce à une dimension sociale élargie. On peut ainsi imaginer organiser de vastes exercices simulés rassemblant des centaines, voire des milliers de participants, sur des scénarios impossibles à mettre en oeuvre aujourd’hui, et ce de manière allégée et économique. En outre, l’utilisation de ces Metavers pourra permettre d’améliorer le recrutement, que ce soit en élargissant sa base ou en affinant la détection des prédispositions cognitives des candidats.

Conclusion

L’arrivée des Metavers va, de toute évidence, engendrer un bouleversement social et sociétal au moins aussi important que ceux engendrés par l’arrivée d’Internet. Les menaces pour la sécurité et La Défense de la nation seront exacerbées, alors même que le phénomène est d’ores et déjà lancé, et qu’il est déjà impossible de le stopper. Il appartient aux Armées, et plus généralement aux services de l’Etat, d’anticiper cette révolution en devenir, et d’accumuler rapidement les savoirs et les compétences qui seront nécessaires pour contrôler ces menaces alors même qu’elles apparaitront.

Au delà de ces menaces, l’émergence des Metavers peut également constituer une réelle opportunité pour redéfinir les rapports de forces numériques mondiaux, et reprendre pieds dans ce domaine aux mains des américaines et des chinois. Il appartient désormais aux chefs des armées, comme aux dirigeants politiques, d’engager les dynamiques indispensables pour se préparer à ce phénomène, et ne pas se retrouver, comme ce fut le cas avec Internet puis les Réseaux Sociaux, à courir derrière la menace avec un temps de retard permanent.

Après le J-35, c’est au tour du chasseur furtif biplace J-20B d’avoir effectué son premier vol

On pouvait s’y attendre après que les essais de roulage à grande vitesse aient été observés, le chasseur de 5ème génération chinois J-20B, version biplace de l’appareil de Chengdu, a effectué son premier vol ce vendredi 5 novembre après-midi. L’information a été confirmée par certaines sources locales relayées par les réseaux sociaux chinois. Le prototype, immatriculé 2031, a même été photographié lors de sa course de décollage, comme le montre la photo principale de l’article.

Pendant longtemps, les versions biplaces des avions de chasse étaient destinées à la formation des pilotes, et à leur transformation opérationnelle. Mais avec l’arrivé de simulateurs particulièrement réalistes, le besoin de sécuriser la prise en main d’un appareil pour un nouveau pilote en installant un instructeur expérimenté en place arrière n’est plus de mise. Et le J-20B, comme le F-15E ou le Rafale B, n’embarquera pas un pilote instructeur en place arrière, mais un second membre d’équipage, pilote ou officier système d’arme, dans le but de partager la charge de travail à bord de l’appareil, notamment lors des missions les plus éprouvantes. Plusieurs indications laissent ainsi penser que l’une des fonctions du nouveau J-20B sera notamment de mettre en oeuvre et de contrôler plusieurs drones de combat agissant au profit de l’appareil piloté, en transportant des senseurs mais également de l’armement, de sorte à couvrir un périmètre plus important, et à augmenter la capacité opérationnelle et la puissance de feu de l’aéronef.

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Les versions biplaces des chasseurs modernes ne sont plus destinées à la formation des pilotes, mais au partage de la charge de travail dans le cockpit entre les deux membres d’équipage.

Or, s’agissant précisément de cette mission, aucun avion de combat, qui plus est de 5ème génération, n’a été précisément conçu en ce sens à ce jour. Le nouveau NGAD américain devra en être capable, tout comme la version biplace du Su-57 russe en cours de developpement. Mais il ne fait aucun doute, avec ce premier vol, que Pékin prend désormais l’initiative dans une partie du spectre du developpement d’avions de combat, et de capacités aériennes opérationnelles, alors qu’en occident, la capacité reste à ce jour un projet à moyen terme. En outre, en s’appuyant sur un chasseur lourd pour cette configuration et cette mission, la Chine se dote de capacités étendues en matière de rayon d’action comme de durée de mission, dont aucun pays occidental ne dispose à ce jour.

Cet événement, comme le premier vol du J-35, le test d’un système de bombardement orbital fractionné, la présentation du J-26D de guerre électronique, la construction de plus de 300 silos pour missiles nucléaires ICBM, ou encore la cadence de production industrielle pour les navires, avions de combat et blindés, tendent à accréditer la position exprimée il y a de cela 2 jours par le général Milley, Chef d’Etat-major des Armées Américaines, en disant que le renforcement militaire chinois constitue l’un des plus grands bouleversement de la géopolitique internationale de l’histoire. Pour être parfaitement clair, tout porte à croire que la perception actuelle de ce bouleversement ira crescendo dans les mois et années à venir, alors que les révélations sur cette construction militaire commencent à peine à émerger sur la scène internationale. De toute évidence, Pékin a encore de nombreux autres atouts dans ses manches

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Le premier vol du J-20B intervient quelques jours seulement aprés celui du chasseur embarqué de 5ème génération J-35

L’Eurofighter Typhoon a encore ses chances face au F-35A en Espagne

Hier jeudi 4 Novembre, les autorités espagnoles ont officiellement transmis une demande d’information (RFI) auprés du Foreign Militaire Sales américain, l’organisme supervisant les exportations d’armement vers les alliés des Etats-Unis, au sujet de 25 F-35B, la version à décollage et atterrissage vertical ou court de l’avion de Lockheed-Martin, pour remplacer ses AV-8B Harrier II Matador qui doivent être retiré du service en 2028, ainsi que pour 25 F-35A, la version mise en oeuvre à partir de piste terrestre, pour remplacer une partie de ses F/A 18 Hornet. L’information, qui avait fuité un jour auparavant, avait déjà suscité de nombreuses réactions et inquiétudes, notamment auprés des partenaires de Madrid dans le cadre du programme européen SCAF d’avion de 6ème génération, destiné à remplacer les Rafale français et les Typhoon allemands et espagnols.

Pour autant, selon les autorités madrilènes qui de toute évidence tiennent à contenir les réactions quant à ce sujet, le processus destiné à choisir l’appareil qui remplacera les Hornet des forces aériennes espagnoles, n’en est qu’à ses débuts, et le Typhoon d’Eurofighter, appareil en partie construit en Espagne, est lui aussi sur les rangs avec des arguments significatifs à faire valoir. En outre, la décision de continuer à doter la Marine Espagnole d’une capacité de chasse embarquée, nécessitant l’acquisition de F-35B pour remplacer les 11 Matador restant en service, n’est elle non plus pas officiellement tranchée. Dans ces conditions, la fuite venant de l’industrie US concernant une possible acquisition prochaine de F-35 par l’Espagne est pour le moins précipitée.

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Le F-35B est aujourd’hui la seule alternative à disposition de la Marine Espagnole pour remplacer ses AV-8B Harrier II Matador et conserver une capacité de chasse embarquée. Pour autant, la décision n’est pas actée à ce jour.

Il ne fait aucun doute que si la Marine Espagnole venait à effectivement arbitrer en faveur du maintient de sa capacité aéronavale embarquée, et donc en faveur de l’acquisition de 25 F-35B pour armer le porte-aéronefs Juan Carlos I, les chances de voir Madrid se tourner vers le F-35A pour remplacer tout ou partie de ses F/A 18 augmenteraient, puisque bénéficiant de fait d’un parc exploité plus important permettant de faire baisser les couts des infrastructures de maintenance dédiées à l’appareil. Pour autant, Madrid dispose dejaà de ces infrastructures concernant le Typhoon, ainsi que d’une flotte de 68 appareils, bientôt portée à 88 avec la commande de 20 appareils supplémentaires pour remplacer les F/A 18 Hornet qui assurent la defense aérienne des iles Canaries. En outre, Madrid disposera d’un retour budgétaire et social bien supérieur en choisissant le Typhoon construit en partie par sa propre industrie, plutôt que d’importer des appareils sans aucune compensation industrielle.

Rappelons enfin que l’Espagne n’a qu’un PIB de 1.300 Md$, et que son budget défense est inférieur à 15 Md€. Dans ces conditions, l’acquisition d’une cinquantaine de F-35, ou plus s’il s’agit d’intégralement remplacer la flotte de Hornet, constituera un effort considérable alors même que le pays est déjà engagé dans un profond renouvellement de ses équipements, notamment dans le domaine naval. Dans ces conditions, les notions de retour budgétaire, tout comme le retour social alors que le taux de chômage reste élevé à plus de 15%, auront probablement un poids significatif dans la décision finale de Madrid, et ce sans compter les prévisibles pressions venant de Paris et de Berlin en faveur du Typhoon dans le cadre du programme SCAF. Dès lors, la compétition pour le remplacement des Hornet espagnols reste plus que jamais ouverte, et l’Eurofighter Typhoon peut raisonnablement défendre ses chances dans ce dossier, comme il le fit en Allemagne.

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les forces aériennes espagnoles disposent de 72 F/A 18 Hornet, dont 20 seront remplacés par des Typhoon Block3B pour La Défense des iles Canaries.

Les drones des mers : américains et turcs mènent la danse

Par Noam Akhoune

A l’heure où les drones rebattent les cartes de la guerre, le domaine naval est loin d’être épargné par cette évolution. A la différence des drones de support aériens et/ou terrestres que l’on a pu voir à l’œuvre lors du conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, ou bien en Syrie, les navires sans pilotes, ou drones navals, n’ont pas encore été confrontés au combat mais cela risque d’arriver plus vite que l’on ne croît. Avec les armes à énergie dirigée, les armes hypersoniques, l’intelligence artificielle et les cyber capacités, les navires sans équipage (unmanned vessels ou unmanned surface vessels – usv) sont l’une des nouvelles capacités, au coeur des préoccupations des services militaires américains.  Ces navires offrent une polyvalence complète, pouvant autant répondre à des fonctions de surveillance qu’à des fonctions d’attaque. 

Ces navires seront exploités à distance de façon semi autonome, et de manière complètement autonome à terme. Un des avantages directs de tels navires est leur coût. Une fois pleinement autonomes, leur conception ne nécessite plus d’incorporer des espaces et des équipements de soutien pour le personnel à bord, ce qui réduit le coût de ces navires mais également celui des missions au cours desquelles ce type de navire sera mobilisé. Par ailleurs, l’absence d’opérateurs humains rendra ces navires particulièrement adaptés aux missions de longue durée, pour peu que la fiabilité soit au rendez-vous. En résumé, ils permettront de répondre à des missions ennuyeuses, dangereuses et éprouvantes physiquement. Comme le Maréchal Foch le faisait remarquer au sujet de la Marine : “ nous terriens, nous avons des armes pour équiper nos hommes, vous, marins vous avez des hommes pour armer vos bateaux”. Pour la marine, le défi actuel semble bel et bien d’ôter les derniers hommes encore présents à bord, tout au moins sur une partie de ses bâtiments.

L’avancée américaine dans ce domaine 

Lors du Symposium Sea Air Space 2021, le capitaine Pete Small, directeur de programme de la marine américaine pour les navires sans équipage revenait sur le développement de ces programmes. Il déclarait que l’hébergement d’un petit détachement personnel serait prévu, mais seulement pour les opérations qui ne peuvent pas encore être automatisées, à l’image du ravitaillement en carburant. Les concepts d’opérations, et problématiques de présence humaine sont donc toujours en cours de réflexion. Tels qu’ils sont envisagés, les navires sans équipage de grande taille sont conçus pour transporter un système de lancement vertical qui fournira une capacité de missiles supplémentaire à la flotte de croiseurs à missiles guidés de la Marine, aux destroyers et aux frégates émergentes de la classe Constellation (FFG-62). En résumé, c’est un “chargeur supplémentaire” déclarait le capitaine Small. 

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Le Sea Hunter fut le premier navire de surface autonome testé par l’US Navy

Après avoir expérimenté deux navires sans équipage de taille moyenne, sea hunter et sea hawk, la marine américaine s’est lancée dans le développement de navires de grandes tailles. Il s’agit des prototypes Nomad et Ranger.  Ils ont effectué des voyages d’essais, depuis la côte du Golfe jusqu’à leur domicile actuel en Californie. Les navires ne sont passés en mode manuel que lors du passage du canal de Panama. Le reste du voyage a donc été contrôlé depuis la Californie.[1]Dans cette même conférence, certains éléments ont été avancés sur l’exploitation actuelle des navires sans équipage. Il semblerait qu’un petit équipage à bord soit toujours nécessaire pour entrer et sortir du port, et lors de certaines opérations de navigation. Mais, une fois en haute mer, la transition vers le mode autonome est réalisée, et les opérations de planification de la mission à distance et de commandement et de contrôle sont poursuivies.[2] Par ailleurs, le contrôle des drones a aussi été réalisé depuis un navire central de commandement de classe Zumwalt.[3]

La marine américaine est donc novatrice et avant-gardiste dans ce domaine. Dans les dernières semaines de l’administration Trump, le Pentagone a publié un plan ambitieux, et non financé, pour une marine énormément élargie d’ici 2045, qui comprendrait plus de 200 navires et sous-marins sans équipage. Alors que nombre de ces engins seraient probablement encore contrôlés à distance par des équipes d’opérateurs, la marine réfléchit de plus en plus à la manière d’utiliser les progrès de l’apprentissage automatique et de l’intelligence artificielle pour assurer un contrôle autonome. [4] L’enjeu pour l’armée américaine est bien évidemment de compenser son retard face à la marine chinoise, qui aligne dorénavant davantage de navires.[5]

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Le Ranger a parcouru, en octobre 2020, un transit de prés de 4500 miles de manière autonome à plus de 98%

En 2020, la marine a passé des contrats d’une valeur de 42 millions de dollars pour des études sur les large unmanned surface vessels, Austal USA, Huntington Ingalls Industries, Fincantieri Marinette, Bollinger Shipyards, Lockheed Martin et Gibbs & Cox ayant obtenu chacun environ 7 millions de dollars. Si l’avancée américaine se manifeste par l’autonomisation de navires de taille importante, les projets ne négligent pas des navires de plus petite taille. L’exemple du projet de l’entreprise Metal Shark est à ce titre significatif. De petite taille (un peu plus d’une dizaine de mètre), le  long range unmanned surface vessel system sera équipé de munitions vagabondes Hero 120.[6]

Les succès de l’industrie turque 

Dans le domaine des drones, la Turquie s’est montrée particulièrement novatrice. Tout laisse à croire que l’industrie navale turque est également en voie de “dronisation”. En février 2021, le chantier naval Ares et Meteksan Defence Industry ont lancé et commencé les essais en mer du premier véhicule de surface sans équipage, armé, et intégralement produit en Turquie.[7] Le “ULAQ” turc est un drone de surface armé, et peut être déployé à partir d’un navire de taille plus importante. Il a une autonomie de 400 km et une vitesse de 35 nœuds. En revanche, ses dimensions réduites en limite l’usage à des missions côtières, le navire n’tant pas taillé pour affronter une mer formée. Il embarque quatre missiles Cirit et deux missiles L-UMTAS à guidage laser fournis par Roketsan. Après des essais de tirs réussis en juin 2021, ce navire pourrait bien faire partie des premiers drones navals de combat, complètement opérationnels.[8]

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l’ULAQ se veut le pendant du drone MALE TB2 Bayraktar dans le domaine naval

On le comprend, les élites industrielles et militaires du pays cherchent donc à réitérer les exploits de leurs drones de combat. L’industriel estime possible de produire une cinquantaine d’ULAQ par an.[9] Une telle capacité de production, et des couts particulièrement peu élevés, rendent acceptable un important taux d’attrition de la flotte. Les fameux Bayraktar TB-2 ont donc inspiré l’ensemble de l’industrie des drones turques. La marine turque pourra aisément déployer de nombreux ULAQ pour saturer les défenses de navires adverses, ou bien pour escorter des navires turcs de taille plus importante, à l’image du fameux oruc reis.  En outre, les industriels turcs Arelsan et Sefine se sont regroupés en vue de produire deux drones de surface NB57 et RD09. Les deux navires seront capables de naviguer jusqu’à 40 nœuds. Ils auront une portée opérationnelle de 600 miles nautiques et pourront tenir la mer pendant quatre jours sans réapprovisionnement. Les entreprises n’ont pas divulgué les informations relatives à la taille et au tonnage de ces appareils. 

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Le RD09 est un drone semi-hauturier, capable de s’éloigner à plus de 500 miles des cotes de manière indépendante, pour effectuer divers missions comme la lutte anti-navire, de renseignement ou l’interdiction. Le NB07 sera lui spécialisé dans la lutte anti-sous-marine

Ces véhicules pourront être transportés par avion-cargo, par navire de guerre ou par voie terrestre jusqu’à la zone de mission. Par ailleurs, grâce à sa convertibilité en trimaran avec une plateforme extensible, la capacité de charge utile du RD09 peut être augmentée pour transporter plus d’armes et de systèmes en cas de besoin. Il sera également en mesure d’effectuer des missions de guerre électronique, de lutte anti-sous-marine et de lutte contre les mines. Les nouveaux navires seront dotés, selon le constructeur, de technologies d’automatisation robustes qui assureront une navigation adaptative sous la détection des capteurs embarqués et seront capables de naviguer de manière autonome selon les règles du trafic maritime. Outre le canon automatique STAMP d’Aselsan qui équipe les deux navires, le RD09 sera doté de deux lance-missiles tactiques développés par Roketsan, tandis que le NB07 sera équipé de torpilles légères 2×2.[10]Les deux projets Ares et Arelsan-Sefine, sont en compétition bénéficiant à la base industrielle et technologique de défense turque. 

Une multiplication des projets ambitieux, mais la France risque-t-elle de louper le coche ? 

Si les dynamiques industrielles turques et américaines semblent être les plus avancées sur ce sujet, certains projets méritent d’être soulignés. Lancé en 2020, le projet d’essaims de drones par l’entreprise sud coréenne Hanwha est particulièrement avant-gardiste. Une fois le développement achevé, un groupe de navires sans équipage basés sur l’intelligence artificielle (IA) sera déployé dans les zones côtières de la Corée du Sud pour patrouiller et contrer les forces d’invasion. Ces navires connectés par des réseaux sans fil seront également capables de rechercher des mines.[11] L’expérience israélienne dans ce domaine est aussi notable et le Seagull, navire léger autonome depuis 2016, a d’ailleurs été équipé de torpilles de Leonardo, renforçant davantage ses capacités d’action.[12]

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Le programme dodu sud-coréen Hanwha s’appuie sur un essaim de petits USV agissant en essaim

Pour les industries européennes, les projets semblent beaucoup moins nombreux et importants. Les Français ont développé deux drones navals, à savoir le IXblue Drix, pour les recherches hydrographiques et océaniques, et l’USV inspector 125 de la société ECA.[13] Ce dernier projet convient à une série d’opérations de défense et de sécurité telles que la lutte anti-sous-marine, les études océanographiques, le renseignement, la surveillance et la reconnaissance, ou bien la lutte contre les mines. La polyvalence d’un tel navire offre pléthore de possibilités, mais gardons à l’esprit que cette plateforme est dérivée des canots de sauvetage dits V2 NG en service à la Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM) depuis une dizaine d’années.[14] Autrement dit, ce navire n’est pas orienté combat et soutien des forces. Le récent projet de Naval Group sur un drone sous-marin océanique est novateur et peut différencier l’industriel français et soutenir la montée en compétence de la marine française. Rappelons également que, dans le domaine de la guerre des mines, Thales et Naval Group sont tous deux engagés dans des programmes faisant largement appel aux drones navals, respectivement pour la Marine Nationale en coopération avec la Grande-Bretagne, et pour les marines belges et néerlandaises en coopération avec le groupe ECA et sa filiale belge ECA Robotics,

naval group drone sous marin oceanique Analyses Défense | Forces Cyber et Renseignement Militaire | Ingénierie Sociale
Le programme de drone sous-marin de Naval Group offre d’importantes perspectives opérationnelles et commerciales

En revanche, l’armement des USV est une tendance qui semble se confirmer, comme laissent supposer les projets turcs, américains et israéliens. D’autant que si l’on garde à l’esprit le retour à la haute intensité, il est indispensable d’augmenter la puissance de feu de la Marine Nationale. Dans un récent article publié dans la revue Conflits, Alexis Feertchak se livrait ainsi à un exercice de comptabilité de l’ensemble des systèmes de lancement verticaux de la Marine Nnationale, selon lequel ’ensemble des frégates françaises totaliserait actuellement 320 silos, là ou la Chine en aligne plus de 3000 sabords et le Japon, environ 1800.[15] Dès, lors, la vision américaine qui consiste à utiliser les USV comme des détecteurs déportés, mais également comme des effecteur emportant des systèmes d’arme supplémentaires peut prendre tout son sens dans le contexte français, et plus largement européen. Il est probablement nécessaire de regarder humblement le retard frais, et plus globalement européen, sur un certain nombre de technologies, à l’instar des drones de combat MALE, et de ne pas réitérer les mêmes erreurs faites dans ce domaine. Selon toute probabilité, en effet, les navires sans équipage joueront un rôle crucial dans les conflits à venir et, une fois encore, l’indépendance de demain se joue dès à présent. 


[1] https://news.usni.org/2021/07/27/ghost-fleet-hulls-moving-toward-completely-unmanned-operations

[2] https://news.usni.org/2021/08/03/navy-large-usv-will-require-small-crews-for-the-next-several-years

[3]https://news.usni.org/2021/03/22/zumwalt-destroyer-will-control-unmanned-ships-aircraft-in-upcoming-fleet-battle-problem

[4] https://thediplomat.com/2021/07/us-navy-unveils-strategy-for-autonomous-vehicles/

[5] https://thediplomat.com/2021/07/us-navy-unveils-strategy-for-autonomous-vehicles/

[6] https://navalpost.com/usmc-metal-shark-boats-hero-120/

[7] https://www.navaltoday.com/2021/02/17/ares-meteksan-launch-turkeys-first-indigenous-ausv/

[8]http://www.opex360.com/2021/06/01/le-bateau-turc-sans-equipage-ulaq-a-effectue-avec-succes-son-premier-tir-de-missile/

[9]https://www.hurriyetdailynews.com/turkeys-first-armed-unmanned-surface-vessel-ready-to-launch-missile-164573

[10]https://www.navalnews.com/naval-news/2021/07/turkish-companies-team-up-for-new-armed-usv-projects/

[11] https://navalpost.com/hanwha-systems-joins-south-koreas-cluster-usv-control-project/

[12]https://www.navaltoday.com/2018/12/06/elbit-leonardo-join-forces-to-equip-seagull-usv-with-mini-torpedoes/

[13] https://www.naval-technology.com/projects/inspector-125/

[14] https://www.ecagroup.com/en/solutions/unmanned-surface-vehicle-inspector-125

[15] https://www.revueconflits.com/sabords-feertchak/

Israel déploiera bientôt un système de surveillance radar sur aérostat

Si les radars de surveillance terrestres sont efficaces contre les avions et les missiles évoluant à moyenne et haute altitude, il en va tout autrement contre les aéronefs et les missiles de croisière qui se déplacent à proximité du sol, de sorte à profiter au mieux du masquage terrain voire de la rotondité de la terre, pour réduire le temps de réaction de l’adversaire et donc sa capacité d’interception. Pour faire face à ces menaces, il est indispensable de placer un radar en altitude, capable d’observer le terrain sans subir en subir les effets. Plusieurs systèmes, comme le Hawkeye et Sentry, les fameux Awacs de l’OTAN, sont conçus à cet effet, et de nouvelles plate-formes, notamment employant des drones moyenne ou haute altitude, sont en cours de developpement. Mais lorsqu’il s’agit de protéger le territoire, une autre alternative, peu usitée, peut s’avérer pertinente, l’emploi d’un aérostat, ou ballon captif.

C’est précisément ce que la Missile Defense Organization (IMDO) israélienne, en coopération avec l’American Missile Defense Agency (MDA), viennent de réaliser avec le programme High Availability Aerostat System (HAAS), se composant d’un ballon captif de grande dimension emportant à haute altitude un puissant radar de veille aérienne interconnecté avec les systèmes de défense anti-aérienne et anti-missiles israéliens David Sling et Iron Dome. Et selon les dires des ingénieurs israéliens, le système offrirait des capacités de détection qualifiées d’exceptionnelles pendant les essais, permettant d’envisager de déclarer une capacité opérationnelle initiale avant la fin de cette année.

IFPC Iron Dome Sky Hunter Analyses Défense | Forces Cyber et Renseignement Militaire | Ingénierie Sociale
Les systèmes Iron Dome et David Sling assurent La Défense anti-aérienne et anti-missile de l’Etat hébreux

Même si le programme est intégralement financé par les Etats-Unis dans le cadre de l’assistance américaine à La Défense d’israël et du Foreign Military Sales, le pari était loin d’être gagné pour le programme HAAS, tant les aérostats jouissent d’une mauvaise image auprés les militaires comme d’une partie de l’opinion aux Etats-Unis, notamment après le désastre du programme JLENS qui, en 2015, vit d’échapper un ballon captif de l’US Air Force qui traversa le Maryland et la Pennsylvanie sur presque 200 km, détruisant au passage avec ses élingues pendantes un grand nombre de lignes électriques. Pour autant, dans le cas d’Israel, le système HAAS permettra de maintenir une surveillance aérienne permanente vis-à-vis des menaces potentielles qui visent le pays, notamment en provenance de Syrie ou d’Iran, dans une approche qui se veut à la fois plus simple et plus économique que la mise en oeuvre d’appareils ou de drones pour assurer cette mission.

L’utilisation de ballons, qu’ils soient captifs ou dirigés, pour assurer les missions de surveillance militaire est un sujet très controversé. Pour ses partisans, il s’agit d’une approche économique et efficace pour assurer la permanence de la surveillance aérienne, notamment grâce aux capacités qu’ont ces ballons à atteindre des altitudes très élevées et à s’y maintenir pour de longue période de temps. Pour ses détracteurs, les systèmes sont soit très contraignants, lorsqu’il s’agit de ballons captifs, soit considérés comme peu fiables pour les dirigeables HALE, surtout du fait de leur sensibilité aux conditions climatiques et aux vents de haute altitude, mais également car ils sont aisément détectables et donc des proies faciles pour l’adversaire, alors qu’il sont presque impossibles à protéger, ou même à retirer de la zone dangereuse. Peut-être le programme israélien permettra-t-il d’apporter une réponse factuelle à ces positions ?

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La mésaventure de l’aérostat du programme JLENS en 2015 aux Etats-Unis endommagea sensiblement l’image des ballons captifs modernes

Le système de protection actif Trophy israélien fait ses preuves sur les Leopard 2 allemands

En février dernier, Berlin annonçait avoir commandé auprés de l’israélien Rafael le système de protection actif Trophy pour équiper l’équivalent d’une compagnie de chars Leopard 2A7. Ce système Hard-Kill, qui équipe notamment les chars Merkava et les Véhicules de Combat d’Infanterie Namer, avait déjà largement fait la démonstration de son efficacité opérationnelle lors des engagements israéliens au Moyen-Orient depuis 2011, en affichant une capacité exceptionnelle pour intercepter les roquettes et les missiles anti-chars visant les blindés israéliens. Ce système a également été méticuleusement testé par l’US Army, qui décida d’en équiper une partie de ses chars lourds M1A2 Abrams en tant que solution intérimaire, dans l’attente d’un équipement de facture nationale. En dépit de ces accréditations impressionnantes, l’Armée Allemande voulait, avant d’en équiper ses propres blindés, précéder elle-même aux tests pour en évaluer l’efficacité.

C’est dormais chose faite, puisque la campagne d’essai menée en Allemagne avec le concours de Rafael, concepteur du Trophy, et de Krauss-Maffei Wegman concepteur du Leopard 2, permit d’enregistrer un taux d’interception des menaces de 90%, alors même que les essais étaient, de l’avis des ingénieurs israéliens, « particulièrement exigeants ». La voix est donc libre désormais pour que KMW puisse intégrer les dispositifs de protection à la trentaine de chars Leopard 2A7 désignés pour les recevoir, et qui constitueront, de toute évidence, la capacité de réponse rapide de l’Armée Allemande en cas de crise majeure. Rappelons que la Grande-Bretagne a également annoncé l’intégration du Trophy israélien à ses 145 chars Challenger 3, profonde évolution du Challenger 2 actuellement en service. La Pologne semble également prévoir de l’intégrer aux quelques 250 chars M1A2 SEPv3 commandés auprés des Etats-Unis. Même le K-2 Black Panther sud-coréen, pourtant sensé disposer d’un système de protection actif propre, a été observé avec le système Israélien.

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Le Trophy a fait la démonstration de son efficacité en protégeant les chars israéliens Merkava et les véhicules de combat d’infanterie Namer.

En effet, lors du dernier conflit de Haute Intensité en date, la Guerre du Haut-Karabakh de 2020, la grande majorité des chars arméniens fut détruite par l’utilisation d’armes de précision tirées à longue distance, comme le missile SPIKE NLOS, les munitions Air-Sol mises en oeuvre les drones TB2 et les munitions vagabondes azéris. Or, en dehors d’un système de protection actif, ou APS, comme le Trophy de Rafael ou l’Iron Fast de son homologue israélien Elbit, il n’existe que peu de moyens de protéger un blindé contre ce type de menace, en dehors d’empêcher l’adversaire de localiser la cible. Même avec une efficacité de « seulement » 90%, un tel système permettrait donc à chaque blindé d’encaisser 9 coups au but potentiels avant d’être réellement touché, et donc de risquer d^’être mis hors de combat. Un APS agit donc comme un multiplicateur de force, avant un coefficient de multiplication de presque 10, pour un cout unitaire inférieur au million de $, sachant qu’un char moderne, quant à lui, dépasse souvent les 10 m$.

Dans ces conditions, on ne peut que s’étonner, voir s’alarmer, de constater que dans le cadre de la modernisation à mi-vie des 200 chars lourds Leclerc de l’Armée de Terre, il n’ait pas été prévu d’intégrer un APS à chacun d’eux, ce qui aurait certes engendrer un surcout de l’ordre de 150 m€, mais aurait également considérablement accru la survivabilité de ces blindés, par ailleurs peu nombreux et déterminant en matière de puissance de feu, sur le champs de bataille. Il serait, au même titre, certainement très utile de doter les véhicules de combat d’infanterie VBCI de l’Armée de terre, ceux-là même qui transportent les combattants au plus prés de l’engagement, et qui par conséquent sont sévèrement exposés, de ce type de protection, ne serait-ce que pour protéger la vie, et donc le potentiel combattant opérationnel, des quelques 10 personnes que chacun de ces blindés embarque.

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La modernisation du char Leclerc prévue pour l’Armée de terre n’intègre pas de système APS, alors même que ce dispositif apparait désormais indispensable pour un engagement de haute intensité

Les Armées Françaises sont-elles prêtes pour la « Haute Intensité » ?

Après la chute de l’Union Soviétique, le besoin de disposer d’une force militaire conçue pour les engagements majeurs face à un adversaire disposant des mêmes capacités miltaires avancées, s’est petit à petit étiolé, la notion même de conflit entre grandes nations miltaires s’étant largement atténuée. En France, comme dans de nombreux pays européens, apparut alors le principe de « bénéfices de la paix », permettant de réduire le format des armées au prorata de la diminution de la menace. Petit à petit, les armées françaises évoluèrent vers une force militaire basée sur deux principes, la dissuasion nucléaire pour neutraliser les menaces majeures, et un corps expéditionnaire global pour mener les opérations exterieures, y compris en autonomie, face à des adversaires potentiels n’ayant pas capacités à s’engager dans un conflit de « haute intensité » c’est à dire faisant appel à tous les armements lourds et les technologies modernes.

Depuis le début des années 2010, cependant, plusieurs pays dans le Monde, comme la Russie et la Chine, se sont progressivement dotés d’une puissance militaire majeure capable, précisément, de mener ce type d’engagement. Ainsi, les forces armées russes sont passées de 15 brigades de combat à plus de 65 en moins de 10 ans, recevant au passage plus de 1500 chars de combat lourds modernisés et 450 avions de combat modernes sur la même période. La Chine, quant à elle, s’est dotée d’une puissance aérienne forte de plus de 800 chasseurs modernes, et une flotte de 350 navires de guerre, dont 140 grands bâtiments de combat. En outre, qu’il s’agisse de l’Ukraine, de la Syrie, de Taïwan ou de la Mer de Chine du Sud, les sujets de tension avec ces pays ne cessent de croitre, et de s’envenimer, faisant réapparaître le spectre de l’engagement de « Haute Intensité  » pour les armées occidentales, y compris les armées françaises, que ce soit en coalition et de manière autonome.

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Les forces armées russes alignent désormais presque 3000 chars lourds, dont plus de 1800 sont des versions modernisés du T72, T80 et du T90, avec des capacités d’engagement largement accrues.

De fait, depuis deux ans, la Haute Intensité est entrée dans les éléments de langage de la communication des Armées françaises, et il n’y a désormais pus guère de semaine sans qu’un exercice qualifié « de haute intensité » ne se déroule. Même le défilé militaire du 14 juillet 2021 était sous ce thème, afin de montrer que les armées françaises étaient belle et bien prêtes pour cette éventualité. Mais est-ce vraiment le cas ? En effet, selon de nombreux analystes, les armées françaises souffriraient de nombreuses lacunes qui pourraient sensiblement altérer leurs capacités à soutenir un tel engagement, que ce soit en raison de lacune capacitaire et technologique, ou en raison d’un format trop contraint ne permettant pas d’absorber les effets d’un conflit de ce type. Comme souvent, la réalité est bien plus nuancée, et une réponse tranchée à une telle question serait incomplète.

Les armées françaises font parti d’un cercle très restreint, celui des armées professionnelles globales ayant une experience approfondie du combat, et ce du fait des nombreux engagements auxquelles elles ont participé, y compris ces dernières années. Dès lors, les militaires français, qu’ils soient soldats, marins ou aviateurs, disposent d’une technicité, d’un aguerrissement et d’un niveau d’entrainement dépassant de loin les standards, y compris au sein de l’OTAN, où seules les troupes américaines et britanniques peuvent effectivement se prévaloir d’une telle experience. En outre, elles disposent d’équipements modernes, performants, offrant parfois des capacités uniques. Il ne fait donc aucun doute qu’un Groupement Tactique Inter-Arme de l’Armée de terre, un escadron de chasse de l’Armée de l’Air, ou le Groupe Aéronaval de la Marine Nationale sont parfaitement aptes à s’engager dans un conflit de haute intensité.

Un E2 C Hawkeye pret a etre catapulter sur le pont du Porte avions nucleaire francais Charles de Gaulle Analyses Défense | Forces Cyber et Renseignement Militaire | Ingénierie Sociale
En ne disposant que d’un unique porte-avions, la Marine Nationale n’est en mesure de répondre à un besoin critique et urgent que 60 à 70% du temps.

Pour autant, il est incontestable que ces unités présentent, outre leurs capacités opérationnelles avérées, certaines lacunes propres qui les exposeraient gravement ou entraveraient leur efficacité si elles n »étaient pas comblées par des forces alliées. Ainsi, les unités blindées françaises sont très mobiles et bien coordonnées mais ne disposent d’aucune capacité de guerre électronique ou de défense anti-aérienne ou anti-drones rapprochées, des menaces qui ont fait leurs preuves lors de la guerre du Haut-Karabakh par exemple. La chasse française est en effet capable de prendre la suprématie aérienne face à un grand nombre d’adversaires potentiels, mais elle ne dispose d’aucune capacité offensive de guerre électronique et de suppression des défenses anti-aériennes, avec le risque de se voir interdir le ciel par un adversaire disposant d’une défense anti-aérienne intégrée multicouche efficace. Quand aux frégates de la Marine Nationale, si elles offrent des performances de lutte anti-sous-marine et de projection de puissance vers la terre remarquables, elles n’emportent pour la plupart qu’un nombre restreint de missiles anti-aériens, et aucun système de protection anti-missile et anti-drone complétant cette dotation, ce qui les expose à des attaques de saturation.

Ces capacités opérationnelles critiques, certains les jugeraient même indispensables à la conduite d’un engagement de haute intensité, ne sont pas plus disponibles à l’échelle des unités tactiques que des Armées elles-mêmes, la seule alternative étant qu’elles soient dès lors fournies par une force alliée, en l’occurence les Etats-Unis, seuls susceptibles de disposer de ces moyens sur le théâtre européen. Dès lors, les armées françaises se retrouvent, aujourd’hui, dans une situation relativement proche du constat fait pendant la première Guerre du Golfe, lorsqu’il devint flagrant que les capacités de renseignement dont pouvaient disposer les forces françaises étaient sans commune mesure avec celles dont disposaient les Etats-Unis et leurs alliés du Five-Eyes. En d’autres termes, le porte-drapeau de l’autonomie stratégique européenne est, aujourd’hui, probablement aussi dépendant des Etats-unis pour s’engager dans un conflit de haute intensité que les autres pays européens, ou qu’il ne l’était à la fin de la Guerre Froide.

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En dépit des qualités du Rafale, les forces aériennes françaises devront s’en remettre à leurs alliés pour éliminer les défenses anti-aériennes adverses, ne disposant d’aucun appareil de guerre électronique ni même de missile anti-radiation.

Au delà des aspects tactiques, les Armées françaises souffrent également d’un format très contraint, bien difficile à conjuguer lorsqu’il s’agit d’engagement de haute intensité, surtout si celui-ci devait intervenir sans le soutien des Etats-Unis. Les opérations dans le Sahel ont ainsi montré que le seul fait de soutenir une brigade au combat consommait presque l’intégralité des réserves dont dispose effectivement l’Armée de Terre, et ce alors qu’il ne s’agit pas d’un engagement de Haute Intensité. Le problème est particulièrement critique concernant le stock de munition mais également de pièces détachées, la logistique des Armées ayant évolué au fil des années vers une architecture à stock minimum afin de réaliser certaines économies budgétaires.

L’usure des materiels, l’épuisement des personnels, le poids de la chaine logistique concourent à mettre les 77.000 hommes et femmes de la Force Opérationnelle Terrestre et les materiels sous tension, avec une marge de manoeuvre extrêmement ténue. De même, les 220 avions de combat de l’Armée de l’Air et de l’Espace sont largement insuffisants pour soutenir ne serait-ce que l’activité opérationnelle en cours. Quant à l’unique porte-avions de la Marine Nationale, il ne permet, dans le meilleur des cas, que de répondre à un besoin opérationnel dans 65 à 70% du temps.

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Avec seulement 200 Leclerc en parc prévus pour être modernisés, sans pour autant être équipés d’un système de protection APS, l’Armee de Terre serait dans l’incapacité de soutenir dans la durée un engagement de haute intensité, engendrant une importante attrition.

Dans ces conditions, il apparait que la réponse à la question initiale, à savoir si les Armées françaises étaient prêtes pour la haute Intensité, se doit effectivement d’être nuancée. Ainsi, les unités qui composent ces Armées sont, pour la plupart, prêtes, peu ou proue, à s’engager dans un conflit de haute intensité. En revanche, les Armées françaises, au sens d’une capacité d’engagement autonome, ne le sont pas, du fait de certaines défaillances capacitaires majeures devant être compensées dans le cadre d’une coalition, et du fait du manque d’épaisseur et de reserve dont elles font preuves. Dans un cas comme dans l’autre, il semble désormais urgent et indispensable de traiter ces aspects, et d’y apporter des réponses de sorte à permettre au Chef de l’Etat de « choisir ses Guerres », et aux Armées « de les Gagner », comme le répétait le Général de Gaulle lorsqu’il présidait au destin du pays.

L’US Marines Corps veut révolutionner sa stratégie de Ressources Humaines pour faire face à la Chine

Depuis son arrivée à la tête du Corps des Marines des Etats-Unis en mars 2019, le général David H. Berger a entrepris un immense chantier de transformation de cette unité d’élite. Alors que depuis la fin de la Guerre Froide, le Corps avait peu à peu évolué vers une unité d’infanterie mécanisée de haute qualité, largement déployée en Afghanistan et en Irak par exemple, il dut profondément bouleverser la structure même de cette armée professionnelle pour revenir à sa mission fondamentale, l’assaut amphibie, en particulier pour être en mesure de relever le défi potentiel posé par la modernisation de l’Armée Populaire de Libération chinoise. Pour cela, le général Berger a commencé par faire table rase de tous les héritages de cette période post-guerre froide, en particulier ses unités de chars Abrams et une grande partie de son artillerie de campagne, avec pour objectif de redonner à ses unités la légèreté et la flexibilité indispensable à leurs missions principales.

Suite à cela, le général Berger a entrepris de modifier la doctrine d’engagement du Corps, en intégrant pleinement les nouvelles capacités offertes par la doctrine Joint All-Domain Command and Control du Pentagone. L’objectif annoncé depuis est de permettre à de petites unités autonomes et mobiles de combattre de manière indépendante, notamment grâce à l’acquisition de nouveaux navires d’assaut légers désignés Light Amphibious Warships capables de déployer et soutenir une force de 70 Marines et leur équipement, tout en offrant d’importantes capacités d’interopérabilité de sorte à maintenir le bénéfice de la concentration de puissance de feu, sans devoir en passer par la concentration de forces qui expose désormais à des frappes adverses distantes et redoutables contre des rassemblement de troupes. Cette approche nécessitait également une profonde modification de la structure des unités de combat du Corps, qui traditionnellement évoluent à l’échelle de la compagnie, ceci permettant de disposer, à chaque instant, de l’ensemble des compétences nécessaires à la conduite des opérations.

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Les Light Amphibious Warship permettront aux unités de Marines de se déployer rapidement et de manière autonome sur un large périmètre

C’est pour répondre à ce besoin que le Général Berger a publié, hier, une nouvelle stratégie de recrutement, de formation et de fidélisation des Marines eux mêmes. Selon lui, si le corps devait venir à affronter des forces comme celles de l’Armée Populaire de Libération chinoise, il ne disposerait ni de l’avantage numérique, ni même de l’avantage technologique, et sa seule plus-value repose donc sur les Marines eux-mêmes. Plus question donc de s’appuyer sur une troupe constituée majoritairement de jeunes recrues de 18 à 20 ans dont les 3/4 quitteront le Corps à la suite de leur premier engagement, il est désormais indispensable de s’appuyer sur des miltaires aguerris, formés à plusieurs postes, capables de parler plusieurs langues étrangères, et surtout plus matures que les jeunes Marines qui forment le gros des troupes aujourd’hui.

En procédant ainsi, le général Berger entend faire de chaque Marine un atout déterminant, agissant à son échelle comme un multiplicateur de force, tout en répondant aux exigences du passage d’une unité de combat de 200 hommes à celle d’une unité de 70 hommes. Cette approche, inspirée des Forces Spéciales, ne peut toutefois pas prendre forme sans une profonde modification de la stratégie de recrutement, mais également d’évolution et de fidélisation dans le corps, puisque chaque Marine formé qui quitterait le corps après son premier contrat constituerait une perte nette pour celui-ci, tant capacitaire que financière. Pour y parvenir, le général Berger va transformer les voies de recrutement traditionnelles du Corps, afin de permettre notamment de recruter des personnels plus âgés et ayant obtenus des qualifications précieuses dans le civil, comme par exemple dans le domaine cyber, sans devoir passer par la progression lente et difficile imposée aujourd’hui. En outre, les personnels devront visualiser des perspectives tant personnelles que professionnelles, et ce tout au long de leur engagement, de sorte à accroitre la fidélité des hommes et femmes.

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Pour faire face à la Chine, le général Berger a restructuré le Corps des Marines pour les recentrer vers leurs missions prioritaires, en particulier l’assaut amphibie.

Pour y parvenir, le Général Berger veut s’appuyer sur des processus analytiques pilotés par des algorithmes et de l’intelligence artificielle, précisément pour détecter des potentiels, ou des aspirations, qui passeraient inaperçus dans le recrutement traditionnel, et donc être en mesure d’offrir des perspectives attractives tant à l’engagement qu’au renouvellement de contrat et dans l’évolution du profil de carrière des militaires. Il s’agit d’un profond changement doctrinal et symbolique pour le Corps, qui a jusqu’ici construit sa puissance sur la force de la cohésion et l’esprit de corps, puisqu’il s’agit ni plus ni moins de considérer l’individu comme tel, et comme une valeur ajoutée déterminante pour les capacités opérationnelles de cette unité d’élite. En outre, même si cela n’est pas explicitement présenté dans la doctrine du général Berger, cette approche plus individuelle correspond probablement bien mieux ux aspirations des jeunes recrues d’aujourd’hui, notamment celles qui disposent du meilleur potentiel.

On le comprend, l’impulsion donnée par David Berger tend à faire du Corps des Marines américains non seulement une unité d’élite, mais une unité de soldats d’élite. Si cette finalité s’inspire de celle en vigueur dans nombre de forces spéciales dans le monde, l’officier général américain a, quant à lui, imaginé une approche pour l’étendre à l’échelle d’un Corps d’Armée, en se dotant des outils indispensables à ce changement d’échelle. Et à l’instar de sa doctrine opérationnelle ayant déjà inspirée les réformes de plusieurs forces armées, il est probable que cette nouvelle approche de pilotage des ressources humaines sera attentivement observée et, si elle s’avère efficace, copiée par nombre d’armées occidentales qui, elles aussi, font face à une problématique de recrutement, formation et fidélisation importante. Une chose est certaine, le David H. Berger laissera une empreinte majeure dans la réflexion militaire occidentale de ce début du XXIème siècle.

L’acquisition prévisible de F-35 par l’Espagne menace-t-elle le programme européen SCAF ?

Depuis 1987, les forces aéronavales espagnoles mettent en oeuvre un escadron d’avion à décollage et atterrissage vertical ou court Harrier II acquis auprés de l’américain MacDonnell Douglas, en particulier à bord du porte-aéronefs d’assaut Juan Carlos 1. Ce bâtiment, entré en service en 2010 pour remplacer le porte-aéronefs léger Principe de Asturias , a notamment été conçu pour pouvoir accueillir jusqu’à une quinzaine de F-35B a décollage vertical ou court, en remplacement des Harrier II. Dès lors, il n’y a rien de surprenant à ce que, selon les indiscrétions obtenues par le site Janes à l’International Fighter Conference de Londres, Madrid envisage d’acquérir dés 2025 25 F-35B pour continuer de bénéficier d’une capacité de chasse embarquée. La surprise, quant à elle, est venue de l’annonce qu’aux cotés des 25 appareils destinés à sa marine, les autorités espagnoles envisageraient également d’acquérir 25 F-35A, la version basée à terre de l’appareil et bête noire du programme SCAF rassemblant la France, l’Allemagne et l’Espagne, très probablement pour remplacer une partie des F/A 18 Hornet qui arriveront à bout de potentiel à ce moment.

Or, pour remplacer ses Hornet, Madrid aurait parfaitement pu commander de nouveaux Eurofighter Typhoon, co-developpés avec Londres, Rome et Berlin, qui dans la version Tranche 3B, affichent une polyvalence comparable à celle du Hornet et des performances très supérieures à celles du F-35A dans de nombreux aspects, notamment en matière de vitesse et de capacité d’emport. Mais de toute évidence, les autorités espagnoles ont préféré, dans ce dossier, jouer la carte de la standardisation, alors que déjà 8 pays européens ont fait le choix du F-35A et/ou B, et que plusieurs autres, dont la Grèce, la Finlande et la Roumanie, ont montré un intérêt prononcé pour en acquérir des exemplaires.

AV 8B Harrier II Armada patrouille couverture Armada Analyses Défense | Forces Cyber et Renseignement Militaire | Ingénierie Sociale
Pour remplacer ses AV-8B Harrier II, l’Espagne n’avait d’autres choix que de se tourner vers le F-35B. L’acquisition de F-35A supplémentaires permettra peut-être de disposer d’un volume de flotte minimum pour faciliter la mise en oeuvre de l’appareil.

Toutefois, la nouvelle passera probablement mal à Paris, en particulier en raison des exigences affichées par Madrid dans les négociations autour du partage industriel et technologique autour du programme SCAF. En effet, là ou Paris entend intégralement remplacer sa flotte de chasse par le nouvel appareil, soit environ 225 appareils à minima, Madrid n’en commandera au mieux qu’une petite centaine, et très probablement moins, afin de remplacer ses 72 Typhoon et éventuellement le prorata de F/A 18 non compensé par les F-35A. Mais c’est surtout dans l’implication et la dépendance au programme Européen que l’écart de posture posera problème entre Paris, qui y mise tout l’avenir de sa chasse, y compris embarquée, et Madrid, qui disposera d’un « plan B » prêt à l’usage avec le F-35. En outre, le Président Macron et la ministre des Armées Florence Parly avaient lourdement pesé sur Berlin pour les inciter à ne pas choisir le F-35 pour remplacer les derniers Tornado en service au sein de la Luftwaffe. Dans ce contexte, le choix de Madrid apparait, en quelque sorte, comme un nouveau camouflet pour le Président français sur la scène des ambitions européennes d’autonomie stratégique.

Mais ce que démontre cet arbitrage, bien davantage que les difficultés à venir entre les positions françaises et celles de l’ensemble des autres pays européens, y compris lorsqu’ils participent à des programmes européens ambitieux comme SCAF, c’est que le calendrier suivi par le programme d’avion de combat de 6ème génération européen ne répond pas à l’urgence opérationnelle qui se dessine. En effet, alors que les tensions internationales ne cessent de croitre pour tangenter une situation proche de celle de la Guerre Froide, de nombreux pays voient leur flotte de chasse acquise dans les années 80 et 90 arriver à obsolescence, et doivent donc désormais choisir un nouvel appareil qui sera en service pour les 40 à 50 prochaines années. Malgré leurs qualités respectives incontestables, les Rafale et Typhoon apparaissent désormais comme des appareils dont la conception commence à dater, notamment face au F-35A particulièrement bien markété par Lockheed-Martin, alors que le SCAF, dont l’avenir est encore loin d’être assuré, n’entrera en service qu’à horizon 2040, alors que les menaces internationales exigent des réponses à court ou, au pire, à moyen terme.

SCAF 2 Analyses Défense | Forces Cyber et Renseignement Militaire | Ingénierie Sociale
Le calendrier du SCAF est-il aujourd’hui la plus grande faiblesse de ce programme européen ?

On peut craindre, dès lors, que SCAF soit la victime de ses propres ambitions technologiques, ou plutôt de l’absence de vision globale de la part de Paris, Berlin et Madrid, en privilégiant la conception d’une plate-forme entièrement nouvelle à horizon 2040, plutôt que de s’engager dans un programme à technologie itératives et tuilées permettant de livrer des appareils à partir de 2030, comme le feront les Etats-Unis avec le programme NGAD. Non seulement SCAF risque d’arriver « après la guerre » du point de vue opérationnel, mais il pourrait bien se voir emporter par l’accélération technologique qui ne manquera pas d’intervenir si les tensions internationales venaient à croitre encore. Dans ces conditions, l’arbitrage de Madrid en faveur du F-35 semble compréhensible, voire même précautionneux, même si, incontestablement, il affaiblit le programme européen lui-même.

Des scientifiques américains auraient développé une centrale inertielle quantique permettant de naviguer sans GPS

Les chercheurs américains annoncent avoir développé une centrale inertielle quantique, effectuant une percée majeure pour cette alternative au GPS insensible au brouillage.

Au début des années 90, l’arrivée de la géolocalisation par satellite, et notamment du système américain GPS, bouleversa profondément la conception des équipements de défense et la conduite des opérations.

Rapidement, le GPS devint un élément majeur tant pour naviguer que pour concevoir des armes de précision, le système devenant un des piliers de la supériorité technologique américaine puis occidentale, notamment dans le cadre des conflits de moyenne et basse intensité dans lesquels les armées occidentales étaient engagées.

Au cours des années suivantes, d’autres systèmes, comme le GLONASS russe, Baidu chinois ou Galileo européen, firent leur apparition, accroissant la dépendance des armées du monde à ces technologies.

Mais avec l’accroissement des divergences internationales naquirent également des systèmes capables de brouiller ou d’induire en erreur ces systèmes de géolocalisation, rendant dès lors la navigation satellite plus vulnérable et moins fiable.

Jusqu’à présent, la seule alternative efficace au déni d’accès de signal GPS reposait sur l’utilisation de centrale inertielle, des systèmes basés sur des gyroscopes capables de détecter les accélérations et donc d’en déterminer les changements de position.

une centrale inertielle quantique serait insensible au brouillage
La Russie a développé des systèmes spécialement conçus pour brouiller ou « spoofer » (faire dériver) le système GPS, comme le krasukha 4.

Entièrement passif, ces systèmes sont insensibles au brouillage, mais souffrent d’une perte de précision d’autant plus rapide que les accélérations sont fortes ou répétées, et nécessitent donc d’être recalé régulièrement, en partie grâce au signal GPS.

Mais les chercheurs du Sandia National Laboratory, l’un des trois laboratoires de recherche travaillant pour le Département de l’Énergie américain, ont, semble-t-il, effectué une percée technologique majeure dans ce domaine, en développant ce que l’on pourrait qualifier de Centrale Inertielle Quantique, potentiellement insensible aux dérives et d’une précision telle qu’elle offrirait une capacité de géolocalisation comparable, voire supérieure à celle d’un GPS, et ce, de manière autonome.

Le principe de la navigation quantique n’est pas nouveau, et l’application de l’interférométrie des atomes et de la superposition quantique pour détecter les mouvements et donc calculer les évolutions connues depuis de nombreuses années.

La percée réalisée par le Sandia National Laboratory tient avant tout dans la miniaturisation du dispositif, notamment en s’appuyant sur de nouveaux matériaux capables d’absorber les interférences ioniques qui peuvent altérer le fonctionnement et la précision du système quantique, permettant ainsi de créer un équipement plus précis qu’un GPS, particulièrement économe en énergie, le tout dans un volume suffisamment contraint pour permettre d’envisager d’en équiper par exemple les voitures autonomes.

Naturellement, une telle technologie offre également d’immenses bénéfices du point de vue militaire, surtout si elle peut être miniaturisée au point d’intégrer le système de guidage d’un missile par exemple.

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La navigation sous-marine repose pour beaucoup sur l’utilisation de centrale à inertie de grande précision, le signal GPS ne pouvant traverser l’eau.

Outre sa résistance totale au brouillage électromagnétique, elle peut également permettre de faire naviguer avec grande précision des systèmes qui seraient incapables de recevoir le signal GPS, comme les sous-marins ou certaines armes hypersoniques.

Il serait même possible, théoriquement, d’intercepter des cibles mobiles, et ce, sans le moindre autodirecteur actif, pour peu que sa position, sa trajectoire et sa vitesse soient connues avec précision.

Une chose est certaine, si les annonces du Sandia National Laboratory se confirment, les Etats-Unis pourraient bien, dans un avenir relativement proche, disposer d’une technologie potentiellement stratégique dans la compétition qui les opposent à la Chine et la Russie, pour peu que ces derniers ne soient pas aussi avancés dans ce domaine.