Ces dernières semaines l’actualité aéronautique militaire venue de Chine a été pour le moins riche, avec la présentation officielle du J-16D, version de guerre électronique du chasseur bombardier chinois, ainsi qu’avec la confirmation de l’existence d’une version biplace du chasseur furtif lourd J-20, ainsi que le premier vol (observé) du nouveau chasseur embarqué de 5ème génération chinois, pour l’heure désigné J-35. Pour autant, il semble que les ingénieurs chinois aient encore d’autres nouveautés de taille en developpement, comme l’a observé un satellite occidental le 29 octobre lors d’un passage au dessus des installations de recherche et developpement de l’avionneur Chengdu, déjà à l’origine du chasseur monoreacteur J-10 et du chasseur furtif lourd J-20. Un cliché montre en effet un nouvel aéronef de grande taille ayant les attributs de forme que l’on donne, le plus souvent, aux avions de combat de la 6ème génération en cours de conception aux Etats-Unis et en Europe.
L’appareil observé a une longueur probable de 18 à 20 mètres en comparaison des J-10 et J-20 également photographiés à proximité, et une voilure en diamant sans plans horizontaux ni verticaux visibles, laissant supposer qu’il serait conçu pour disposer d’une furtivité avancée, y compris contre les radars à basse fréquence sensibles aux effets de résonance formées par ces plans non alignés. les dimensions de la partie arrière laissent, quant à elles, supposer qu’il s’agirait d’un bimoteur. En revanche, sur le cliché tout du moins, on n’observe pas la présence d’une verrière de cockpit, laissant supposer que l’aéronef pourrait être un drone. Toutefois, la qualité de l’image et les ombres portées pourraient avoir masqué cet élément, ne permettant pas d’être affirmatif quant à ce sujet.
le cliché de Planet Labs permet non seulement d’observer la forme de l’appareil, mais d’en évaluer les dimensions en les comparants aux J-20 (et J-10 sur le cliché original) présents sur l’aire de parking.
Cette observation est interessante à plus d’un titre. En premier lieu, elle laisse supposer que Chengdu développerait également un appareil de nouvelle génération, là ou seul l’autre avionneur d’avions de combat chinois, Shenyang, a confirmé publiquement être engagé dans un nouveau programme. Dès lors, au delà du J-20 et du J-35, l’industrie aéronautique chinoise aurait donc au moins deux nouveaux appareils en developpement, dont un au moins ayant franchit le cap de la maquette grandeur nature. En second lieu, l’architecture aéronautique de cette cellule est connue pour poser d’importants problèmes pour le controle des aéronefs, et cela supposerait donc que Chengdu a soit résolu ces difficultés, soit entend s’y atteler. Enfin, on peut s’interroger sur l’opportunité même de prendre ce cliché. En effet, la trajectoire des satellites photographiques est parfaitement connue, et Chengdu comme les autorités chinoises ne pouvaient ignorer le passage du satellite de Planet Labs. Dès lors, on peut supposer que ce cliché était voulu par Pékin, soit pour accroitre le sentiment de décrochage technologique qui émerge ces derniers jours en occident, soit pour mener une campagne de désinformation.
Le X-44 Manta de Lockheed-Martin n’a jamais dépassé le stade du concept, mais il permit à l’avionneur de concevoir la voilure du F-22
On le comprend, la publication de cette photographie satellite, comme des videos montrant le J-20 biplace au roulage, ou du J-35 et du KJ-600, sont tout sauf accidentelles, tant elles émergent simultanément alors que les tensions ne cessent de s’envenimer autour de Taïwan. Rien n’exclut que Chengdu soit bel et bien en train de developper un tel appareil, mais sur la seule base de cliché satellite, rien n’exclut non plus qu’il puisse d’agir d’une campagne de désinformation, à l’instar des fameux Dummy du général Patton pendant la seconde guerre mondiale, qui firent croient à la reconnaissance photographique allemande qu’un corps d’Armée se tenait prêt face au Pas de Calais, alors qu’il ne s’agissait que de baudruches gonflables. Reste que, selon toute probabilité, il existe bel et bien plusieurs programmes de chasseurs de nouvelle génération en cours de développement en Chine, et ces appareils seront sans le moindre doute révélés dans les mois ou les quelques années à venir.
Les fameux Dummy jouèrent un rôle déterminant lors de l’opération Fortitude visant à convaincre l’Etat-Major allemand que le débarquement aurait lieu dans le Pas de Calais
La situation tend à devenir des plus complexes pour le président Erdogan dans le dossier de l’acquisition de nouveaux 40 nouveaux F-16 américains ainsi que de 80 kits pour transformer une partie de ses 240 appareils en service en F-16 Block 70 Viper, la version la plus évoluée de l’appareil de Lockheed Martin, emportant notamment le nouveau radar EASA AN/APG-83, ainsi que d’une avionique modernisée et d’une suite d’autodéfense avancée. En effet, alors que le président américain Joe Biden a botté en touche en promettant à son homologue turc R.T Erdogan de « faire tout ce qu’il peut » pour faire avancer cette demande, une façon diplomatique de ne pas s’impliquer dans le dossier puisque l’autorisation d’exportation est du ressort du Congrès, c’est précisément du Congrès lui-même que sont venues les réactions les plus hostiles quant à la requête d’Ankara.
Ainsi, le 25 octobre, un groupe bipartisan de 11 Représentants américains a envoyé une lettre ouverte au président Biden, précisément pour lui signifier que l’exportation d’appareils évolués comme le F-16V vers la Turquie représentait le même niveau de risque que l’exportation annulée de F-35A, et ce d’autant qu’Ankara affiche clairement sa determination d’acquérir un second lot de systèmes anti-aériens S-400 auprés de Moscou. La lettre décrit en outre les actions menées par Ankara ces dernières années comme étant non seulement non conformes à ce que l’on peut attendre d’un allié de l’OTAN, mais également clairement contraires aux intérêts des Etats-Unis. Hiers, une seconde lettre, de la même tonalité mais signée cette fois par d’autres représentants du Congrès, a été publiée, demandant notamment au Departement d’Etat concernant cette demande, et listant a nouveau les nombreux griefs que les parlementaires américains attributs à la Turquie de R.T Erdogan.
La mise en service des S_400 turcs acquis auprés de la Russie avait provoqué, fin 2020, l’application de sanctions CAATSA contre Ankara. Mais les griefs des Etats-Unis vers leur allié dépassent le seul cadre de ce dossier.
Il faut dire que, dans ce domaine, la liste est longue, et n’est que faiblement compensée par les atouts dans les mains des autorités turques. Outre la question des systèmes S-400 et des nouvelles négociations menées par Ankara avec Moscou, Washington est également en tension avec les autorités turques autour de l’intervention militaire dans le nord de la Syrie contre les alliés kurdes de la coalition anti-daesh, l’instrumentalisation de milices islamistes en Syrie ainsi qu’en Libye, les menaces répétées contre les alliés grecques et chypriotes. En outre, les parlementaires américains, comme les autorités de nombreux pays, s’inquiètent des positions de plus en plus autoritaires du régime turc, et notamment de ses prises de distance avec l’état de droit, comme ce fut le cas avec la crise autour de l’homme d’affaire et opposant Osman Kavala, dont la demande de libération signée par 10 ambassafeurs occidentaux provoqua une grave crise avec le régime. Enfin, Les Etats-Unis ont ouvert une affaire criminelle contre la banque d’Etat turque Turkiye Halk Bankasi AS dans le cadre de blanchiment d’argent.
Pour sa défense, le président Erdogan ne dispose aujourd’hui que d’arguments coercitifs, mettant en avant le rôle clé de la Turquie pour verrouiller le front sud de l’OTAN (et donc laissant entendre que sans la Turquie, celui ci serait largement affaibli), ou encore le controle des quelques 5 millions de réfugiés majoritairement syriens qui vivent dans les camps turcs, et qu’Ankara a à maintes reprises menacé de relâcher sur l’Europe. Il est clair que dans ce dossier, il n’y a guère de bonnes solutions pour les Etats-Unis, comme pour l’Europe, si ce n’est de tenter de jouer la montre, dans l’attente d’un éventuel départ du président Erdogan s’il venait à perdre les élections de 2023. Il est d’ailleurs probable que Washington tentera de temporiser dans ce dossier, à l’instar de ce qui est en cours concernant les F-35 Emirati. Toutefois, il y a peu de chances qu’une absence de décision claire satisfasse le président Erdogan qui joue, dans ce dossier, une part importante de sa crédibilité sur la scène internationale comme nationale, précisément dans l’optique des élections à venir.
faute de F-16, la Turquie pourrait alors se retourner vers la Russie, et ses Su-35 et Su-57. Toutefois, un tel basculement aurait naturellement d’immenses conséquences politiques, et obligeraient les armées turcs soit à profondément modifier leur systèmes de commandement et de communication, soit à lourdement investir dans la modification des appareils russes ainsi acquis.
Rappelons toutefois que depuis 4 ans, les autorités turques ont alternativement soufflé le chaud et le froid, tant vers les Etats-Unis que les Européens, et même la Russie, de sorte à tenter d’obtenir une position la plus favorable possible, notamment pour assouplir la position de Washington dans l’application des sanctions CAATSA qui entravaient sévèrement ses exportations d’arme. Reste qu’en formulant cette requête d’exportation pour de nouveaux F-16, le président turc a provoqué une certaine accélération de cette crise plus ou moins figée depuis 3 ans, et il semble désormais difficile de revenir au statu quo antérieur. D’une manière ou d’une autre, il semble désormais qu’Ankara soit amenée à prendre dans des délais relativement courts, un positionnement plus ferme et définitif que ceux alternativement avancés précédemment, soit en revenant clairement dans le camps occidental, soit en s’en écartant définitivement. Eu égard aux aspirations du régime turc, cette dernière option apparait, de toute évidence, comme la plus probable. On peut raisonnablement se demander si tel n’est pas, au final, précisément l’objectif recherché par le président Turc, alors que désormais l’opinion publique du pays est majoritairement devenue hostile à l’OTAN et à l’occident ?
Sur les 10 dernières années, l’Armée Populaire de Libération chinoise a connu une transformation sans précédant, tant du point de vue structurel que du point de vue technologique, avec un accroissement très important de la professionnalisation des forces ainsi que l’arrivée de très nombreux équipements faisant jeu égal, et parfois même dépassant, les meilleurs équipements en service dans les armées occidentales. En outre, le rythme de cette transformation reste aujourd’hui très soutenu, avec par exemple l’entrée en service chaque année d’une dizaine de destroyers et frégates Type 055, 052D et 054A, ainsi que de 5 à 6 douzaines d’avions de combat J-10C, J-15, J-16 et J-20, pour ne citer que ces exemples parlants. Et de fait, l’APL qui était en 2010 considérée comme une armée de second rang incapable de rivaliser avec les grandes armées mondiales, est aujourd’hui au coeur de inquiétudes du Pentagone, et l’on sent un fébrilité bien palpable dans les décisions annoncées ces derniers mois aux Etats-Unis pour tenter de contenir cette nouvelle puissance globale majeure, notamment concernant l’épineux cas de Taïwan.
Pour autant, pour le président Xi Jinping, l’effort actuel est encore insuffisant, et reste entravé par certaines lourdeurs étatiques et administratives qui nuisent au developpement accéléré de ses forces. C’est la raison pour laquelle ce dernier a, en tant que président de la Commission Centrale Militaire, la plus haute instance politique de défense dans le pays, signé un nouveau train de mesures légales visant précisément à assouplir les conditions dans lesquelles les Armées pourront négocier leurs contrats d’équipement, de sorte à en accélérer le tempo, et à rapidement accroitre les performances opérationnelles de l’APL, objectivement clairement identifié par le Président chinois pour cette réforme. Il répond ainsi aux attentes exprimées par le Parti communiste Chinois il y a tout juste une année.
Les forces navales chinoises reçoivent chaque année 2 à 3 super destroyers Type 055 ainsi que 4 à 5 destroyers Type 052D et 3 frégates de lutte anti-sous-marine Type 054A. A ce rythme, dans moins d’une dizaine d’année, elle surpassera l’ensemble de la flotte occidentale déployée dans le Pacifique et l’Ocean Indien.
L’industrie de défense nationale chinoise a fait ces 15 dernières années des progrès fulgurants dans presque tous les domaines de la technologie de défense, amenant le pays à une autonomie stratégique jamais atteinte auparavant, notamment en se détachant des transferts de technologies, officiels ou non, venus de Russie mais également d’Europe. Concomitamment à l’extension des capacités de production de materiels modernes, Pékin a également mis en oeuvre une politique très offensive pour soutenir l’innovation de défense, notamment en incitant les chercheurs académiques ayant développés de nouvelles technologies potentiellement applicables à La Défense, à convertir rapidement ces innovations en projet industriels. C’est ainsi que l’industrie aéronautique chinoise a par exemple réalisés d’immenses progrès dans le domaine des drones, devenant au passage le premier exportateur de drones militaires depuis 2016 devant les Etats-Unis, mais également dans le domaine de l’électronique, des missiles ou des technologies de l’information et de la guerre électronique.
Dans ce domaine, Pékin a privilégié l’émergence de petites entreprises organisées telles des Startup pour transformer un acquis technologique en équipement opérationnel, quitte à les intégrer ultérieurement dans les grands groupes de défense déjà existants, plutôt que de se tourner vers ces mêmes grands groupes dont l’organisation et la structure de cout ne sont pas compatibles avec de tels programmes. Toutefois, ces petites entreprises peinaient à transformer ces productions en commandes venant de l’APL, en raison précisément de ces lourdeurs administratives et structurelles en partie héritée du vaste programme de lutte contre la corruption lancé dans les années 90 lors de la transformation de l’économie chinoise. Par cette réforme, Xi Jinping veut précisément redonner de la souplesse pour permettre à ces entreprises d’apporter ces technologies auprès des forces armées dans des circuits courts, appliquant en cela l’un des préceptes de Sun Tzu
Ne négligez pas de courir après un petit avantage lorsque vous pourrez vous le procurer sûrement et sans aucune perte de votre part. Plusieurs de ces petits avantages qu’on pourrait acquérir et qu’on néglige occasionnent souvent de grandes pertes et des dommages irréparables.
Sun Tzu, l’Art de la Guerre
En quelques semaines, l’industrie aéronautique chinoise a dévoilé 3 nouveaux appareils ; le J-16D de guerre électronique, le J-20S biplace et le J-35 embarqué.
Reste que cette annonce du président Xi Jinping intervient alors même que les tensions ne cessent de croitre entre Pékin et Washington, en particulier au sujet de Taïwan. L’hypothèse d’une guerre est désormais ouvertement envisagée et abordée par les autorités des deux camps, et son imminence semble même se rapprocher de jours en jours, s’i l’on en croit les déclarations de chacun. Dans ce contexte, cette évolution législative apparait comme une mesure destinée précisément à accroitre le tempo technologique donné par Pékin, en raccourcissant la chaine de décision pour l’entrée en service d’équipements de haute technologie susceptibles de conférer à l’APL un avantage militaire. Mais au delà des innovations que l’on qualifiera de tactiques, il est fort possible que cette nouvelle doctrine permette d’accélérer également l’entrée en service de materiels majeurs, alors même que le rythme des annonces dans ce domaine a sensiblement augmenté, dans le but probable d’apparaitre plus menaçant aussi bien aux auprés de la population taïwanaise que de l’opinion publique américaine et occidentale.
On peut s’attendre, des lors, à une multiplication de ces annonces concernant l’entrée en service et le developpement avancé de nouveaux materiels militaires de haute technologie chinois, et ce dans un délais relativement court, de sorte à créer une forme de sidération auprés de ses opposants potentiels, le tout en martelant par les canaux médiatiques, que la Chine est une nation pacifique et que, dans le cas de Taïwan et de la Mer de Chine, il ne s’agit que d’exigences fondées sur une antériorité historique, ayant par ailleurs déjà convaincu une partie de l’opinion publique occidentale trop heureuse de vouloir croire que les ambitions de Pékin se limiteront à ces deux exigences. L’histoire montre malheureusement que ce type de promesses s’envole bien souvent au rythme des succès militaires ou politiques.
L’innovation chinoise concerne également les véhicules blindés, avec plus d’une dizaine de nouveaux modèles entrés en service ces dernières années, dont le char léger Type 15 conçu pour évoluer notamment sur les terrains accidentés des hauts plateaux himalayens.
Dans tous les cas, qu’il s’agisse de la déclaration de Xi Jinping d’aujourd’hui, ou de celles de Vladimir Poutine hiers, celles-ci ne laissent désormais plus guère de doute sur l’évolution prochaine de la situation concernant les relations entre l’occident et ces deux pays. A ce titre, dans un article de GlobalTime publié uniquement dans la version chinoise du site, et donc a destination de l’opinion publique chinoise, le redacteur en chef de ce site sous controle de Parti communiste Chinois, insiste sur les « aspirations de la population chinoise » pour prendre les armes et s’emparer de Taïwan par la force, quitte à devoir se confronter aux Etats-Unis, et que pour l’heure, la paix ne serait garantie que par le bon vouloir des autorités chinoises. Il s’agit, naturellement, d’un article purement propagandiste, mais qui en dit toutefois long sur l’état d’esprit qui règne aujourd’hui en Chine. Malheureusement, en dépit de ces multiples aussi nombreux qu’inquiétants, il semble qu’en dehors des Etats-Unis, bien peu de pays aient pris la mesure de ces menaces, et de leurs conséquences …
Entre 2012 et 2020, les forces armées russes ont subi une phase de modernisation et de préparation opérationnelle d’une ampleur exceptionnelle, voyant notamment le nombre de ses brigades de combat passer de 15 à 65, et le taux de materiels « modernes » en dotation passer de moins de 50% à plus de 70%. Elles ont notamment mis en service prés d’une centaine de système S-400 au sein d’une vingtaine de régiments, ainsi que de plus de 1200 chars modernisés T90, T72B3/M et T80BVM. Prés de 250 nouveaux avions de combat Su-34, Su-35, Mig-35 et Su-30 ont rejoints leurs unités, ainsi qu’un grand nombre d’hélicoptères, de drones et de systèmes d’artillerie. Face à ce constat, à partir de 2014, les occidentaux se sont engagés à reconstituer leurs propres forces armées lourdement éreintées par la période post guerre froide. Toutefois, les premières augmentations significatives de budget de la Défense n’intervinrent qu’entre 2016 et 2019.
C’est précisément sur la base de cette augmentation constatée de moyens des armées occidentales, et notamment européennes, que le Président Vladimir Poutine vient d’annoncer un important effort visant à renforcer les capacités de défense aérienne russes, avec l’acquisition dans les années à venir de 25 nouveaux systèmes S-400 et S-350, ainsi que de 200 aéronefs, destinés, selon le chef de l’Etat russe, à répondre à la menace croissante venue de l’OTAN, elle-même pourtant consécutive de l’accroissement sensible des capacités militaires russes entamé avec le retour à la présidence de Vladimir Poutine en 2012. En juin dernier, toujours sur la même ligne, le ministre de La Défense russe, Sergei Choïgou, avait annoncé la constitution de 20 nouvelles unités militaires destinées au district ouest, précisément pour contrôler la menace croissante que ferait peser l’OTAN sur la Russie.
Les forces aériennes russes doivent déjà percevoir 76 Su-57 d’ici 2028, ainsi qu’un nombre indéterminé de drones de combat S70 Okhotnik B
Bien qu’officiellement tous s’en défendent, il s’agit là de manière très évidente d’un mécanisme de course aux armements bien connu durant la guerre froide, chacun justifiant de ses actes sur la base des réactions de l’adversaire supposé à d’autres actions préalablement menées, le tout conduisant à un accroissement sensible des tensions ainsi que des moyens militaires déployés. Pour autant, il s’agit, dans ce cas précis, bien davantage d’un exercice de communication de la part du président Russe, que d’une réelle inflexion de la politique de défense et de la programmation militaire en cours. En effet, dans les années à venir, c’est à dire d’ici la fin de la loi de programmation en cours en 2027, les armées russes devaient déjà recevoir 76 chasseurs de nouvelle génération Su-57, une quarantaine de bombardier Su-34, et trois douzaines au moins de chasseurs lourds Su-35, auxquels doivent s’ajouter des drones de combat S70 Okhotnik B, des avions de transport, des bombardiers Tu-160M et des hélicoptères, le tout atteignant et même dépassant sans mal les 200 aéronefs annoncés. Les 25 systèmes S-350 et S-400 ne représentent, quant à eux, que 5 régiments anti-aériens pleinement opérationnels, alors que plus d’une dizaine de régiments restent équipés de systèmes anciens comme le Buk M2 ou le S-300.
D’autre part, si l’augmentation des prix du Gaz et du pétrole observée ces dernières semaines, apportent une manne financière à Vladimir Poutine, ses armées restent contraintes en volume par des paramètres démographiques défavorables, et une opinion publique peu enclin à soutenir les yeux fermées un quelconque aventurisme militaire contre l’occident, surtout au prix de ses enfants. En d’autres termes, le président Russe peut encore agir sur la qualité, l’entrainement et la modernité de ses forces, mais ne pourra guère accroitre le volume des forces armées sans engendrer un important rejet de la part des russes eux-mêmes (le rejet du vaccin Sputnik V par une majorité de russes est un signe des plus interessant à ce sujet). Dès lors, les annonces faites ici sont destinées avant tout de sa propre base électorale, ainsi qu’à soutenir la posture publique internationale de la Russie face à l’OTAN se voulant le pendant de celle de Pékin contre les Etats-Unis, qu’à un réel nouvel accroissement des capacités miltaires russes dans leur ensemble au delà de la planification en cours.
D’une portée de 1 à 150 km, le S-350 Vityaz est le remplaçant naturel du système Buk M2. Il sera déployé aux cotés des systèmes S-400 à longue portée et des systèmes Buk M3 modernisés.
Reste que, même dans ces conditions, l’arrivée prochaine de ces nouveaux équipements va encore creuser le rapport de force entre les forces européennes de l’OTAN et celles dont dispose la Russie, en particulier dans le domaine conventionnel. Il est évident que la stratégie russe est ici de neutraliser intégralement la puissance aérienne de l’OTAN, en renforçant encore davantage la défense anti-aérienne intégrée multi-couche dont elle dispose, de sorte à se prémunir contre toute forme de menace aérienne, y compris furtive. Or, la puissance de feu occidentale repose avant tout sur cette force aérienne et la certitude de disposer de la supériorité aérienne, la seule qui soit effectivement supérieure numériquement parlant à la puissance militaire russe actuelle avec 1.500 avions de combat en Europe pour l’OTAN contre 1.200 pour la Russie. Si celle-ci venait à être neutralisée par la défense anti-aérienne de l’adversaire, comme ce fut le cas par exemple lors des guerres du Haut-Karabakh ou du Donbass, les forces russes disposeraient alors d’un avantage numérique marqué dans de nombreux domaines, comme les chars lourds ou encore l’artillerie mobile, et d’une puissance de feu bien plus importante que celle des forces européennes éventuellement envoyées pour tenter de les contrer.
De fait, si l’annonce de Vladimir Poutine est un exercice de communication, probablement destiné à focaliser l’attention de sa propre opinion publique face à la grave crise Covid qui la frappe, la tendance dans laquelle elle s’inscrit, quant à elle, est belle et bien réelle, et clairement à l’avantage de la Russie face aux alliés européens, surtout si les Etats-Unis venaient à être engagés simultanément dans le Pacifique. Dans ces conditions, il semble des plus hasardeux de persévérer à concevoir l’effort de défense des pays européens, ou tout du moins d’une partie significative d’entre eux, sur la foi dans le fait que jamais la Russie ne viendrait menacer militairement l’Europe de l’Ouest, ou sur la certitude mainte fois exprimée tant par l’opinion publique que par certains leaders politiques, que Moscou serait un « allié naturel » des Européens, alors même qu’il dimensionne, entraine et équipe ses forces armées précisément pour vaincre l’OTAN, et ce en grande partie grâce aux subsides européens liés aux importations d’hydrocarbures ? Une chose est certaine, à observer le décalage flagrant qui existe entre la programmation militaire russe et européenne aujourd’hui, que ce soit en terme de volume, de technologie ou de calendrier, il ne reste guère que la foi dans les bonnes intentions de Vladimir Poutine pour se réconforter …
Chaque année, l’Etat Federal américain defense 600 Md$ auprés de prestataires privés, ce pour de multiples produits et services allant de l’informatique aux prestations de nettoyage, en passant par du consulting et du matériel roulant. Pour soutenir l’économie américaine, en particulier alors qu’il entreprend de lancer une série de vastes travaux se voulant le pilier de la reconstruction industrielle et sociale du pays, Joe Biden s’est, dès le mois de janvier, glissé dans les chaussures de son contesté prédécesseur, en soutenant l’émergence du « Buy American Act », une loi qui obligerait les dépenses fédérales à s’orienter majoritairement vers des prestataires nationaux, d’abord à hauteur de 55%, et progressivement jusqu’à 75% des montants investis. Lors d’une visite à l’usine de camion Mack en Pennsylvanie cet été, le Président américain avait d’ailleurs retiré cet engagement visant, celui lui, à accroitre la résilience et l’efficacité economique du pays, tout en protégeant la Supply Chain américaine largement mise à mal par la crise Covid.
Mais il est un secteur qui craint d’être le grand perdant de cette politique flirtant avec le protectionisme, l’industrie de défense, qui chaque année génère plus de 40 Md$ de chiffre d’affaire vers ses clients internationaux, et qui craint de voir ces mêmes clients se montrer beaucoup moins enclins à s’équiper de materiels américains si Washington venait à poser certaines barrières. En effet, pour certains pays dont la balance commerciale est fortement bénéficiaire vis-à-vis des Etats-Unis, comme le Japon ou encore l’Allemagne, signer de temps à autre un gros chèque pour acquérir du matériel de défense US permet de rééquilibrer les comptes, et de faire taire les plus grognons. C’est ainsi que Tokyo n’a pas hésité à commander prés de 140 F-35A et B sous la pression de Donald Trump, précisément pour ne pas se voir imposer de barrières douanières défavorables. Quant aux 45 F/A 18 E/F Super Hornet et EA-18G Growler que Berlin doit encore commander, ils apparaissent en bien des aspects comme une manière de compenser l’énorme excédent commercial généré par la vente de Mercedes, Audi et autres Porsche outre Atlantique.
Pour Tokyo, commander massivement des équipements de défense américains est un moyen de modérer l’exorbitant déficit commercial américain avec le Japon qui atteignait 70 Md$ par an avant la pandémie
Or, si le gouvernement fédéral venait à imposer des mesures protectionnistes, même relativement cohérentes économiquement parlant puisque ne concernant que les dépenses publiques, il est possible que ces mêmes pays puissent réviser leurs positions, et se tourner vers d’autres partenaires pour s’équiper. C’est précisément la crainte exprimée en boucle par plusieurs Think Tanks libéraux ces derniers jours autour de Washington, redoutant une baisse sensible des exportations défenses américaines dans le monde, et un affaiblissement des alliances américaines, alors que la compétition croissante avec Pékin et Moscou nécessiterait au contraire de les renforcer, voire de les accentuer. Et de conclure que le « Buy American Act », version Biden, ne serait, en soit, pas moins populiste que la version de son prédécesseur, Donald Trump, dans le seul but de fédérer un électorat populaire alors que les élections de mi-mandat se profilent déjà.
Reste que ces arguments sont, la plupart du temps, largement contestables. D’un part, l’acquisition de materiels militaires américains pour une grande majorité de pays est en premier lieu liée à la volonté de marquer l’attachement des pays à la protection offerte par les Etats-unis, bien davantage que comme une éventuelle forme de compensation economique, qui d’ailleurs peut prendre bien d’autres aspects . D’autre part, pour les grands pays ayant un excédant commercial significatif avec les Etats-Unis, comme le Japon ou l’Allemagne, celui-ci repose avant tout sur des biens de consommation ou industriels, comme l’automobile, voire l’aéronautique, bien davantage que sur des produits entrent potentiellement en lice dans le cadre de marchés publics. Enfin, des lors que les industriels et entreprises de ces pays veulent s’inviter dans des marchés publics américains, ils le font en général en partenariat avec des entreprises américaines, de sorte à offrir une compensation sociale et budgétaire la plus attractive dans l’appel d’offre.
Les armées US choisissent rarement des équipements non américains, ce qui rend certains succès comme celui du Lakota de Aribus Helicopters encore plus marquants.
En d’autres termes, flécher les budgets fédéraux vers des entreprises américaines, de sorte à soutenir l’emploi et la production de richesse nationale, n’influencerait que peu les échanges internationaux avec les Etats-Unis, en particulier dans le domaine de la Défense. En outre, nombre de clients de l’industrie de défense US s’appuient eux-aussi sur des législations privilégiant le retour budgétaire et social de l’investissement public, et ils seraient dès lors bien en peine de critiquer les Etats-Unis de faire de même. Qui plus est, même si cela venait à entrainer une baisse sensible des exportations d’équipements de défense, le rapport économique entre les 40 Md$ par an exportés par l’industrie de défense, et les 600 Md$ investis par le gouvernement fédéral, est loin d’être à l’avantage du premier économiquement parlant, surtout si la loi fédérale venait à entrainer un alignement de tout ou parti des législations des états américains dans ce domaine, agissant comme un coefficient multiplicateur de l’investissement public national.
Il est donc peu probable que les inquiétudes exprimées par certains thank tanks américains au sujet du « Buy American Act » engendrent une quelconque inflexion de la politique préconisée par le Président Biden. Il ne s’agit, en réalité, que d’intégrer dans la grille analytique des appels d’offre, des critères dépassant le seul cadre du « mieux disant » et du moindre prix, pour intégrer des paramètres hautement différenciant comme l’efficacité sociale et fiscale de l’investissement public, trop longtemps oubliés ces dernières décennies par les administrations publiques. La seule question qui mériterait d’être posée dans ce domaine, serait de savoir si imposer un pourcentage d’entreprises nationales dans l’attribution des marchés publics constitue la meilleure réponse à cette problématique, plutôt que d’effectivement évaluer de manière plus ou moins précise la chaine de production de valeur sur le sol national. Mais il s’agit là d’un débat sortant largement du cadre des questions de défense.
Comme nous l’avions écrit, la demande de la part du président Erdogan aux Etats-Unis pour acquérir une quarantaine de nouveaux chasseurs F-16, ainsi que 80 kits pour moderniser une partie de sa flotte vers le standard Block 70 Viper, met clairement les autorités américaines, et en particulier le président Biden, dans une position très délicate, et ce d’autant qu’Ankara menace de se retourner vers la Russie et ses Su-35 voire Su-57E si Washington venait à refuser ces licences d’exportation. Dans le même temps, les autorités turques continuent de négocier avec Moscou l’acquisition de nouveaux systèmes S-400, ainsi que des partenariats technologiques dans le domaine des moteurs d’avion et des sous-marins, l’exposant naturellement à un durcissement des sanctions dans le cadre de la bien handicapante législation CAATSA.
En dépit des annonces du président Erdogan, aucune autorisation n’a pour l’heure été donnée par les autorités américaines, et ce d’autant que celle-ci ne pourra venir que du Congrès, que l’on sait particulièrement hostile aux positions prises par le président turc depuis plusieurs années. Celui-ci avait d’ailleurs été à la manoeuvre pour imposer la mise en oeuvre des sanctions CAATSA contre Ankara il y a un an en forçant la main au président Trump dans ce dossier. Quant au Président Biden, il n’a guère plus de marge de manoeuvre que son prédécesseur, avec une chambre des Représentants à majorité Démocrate mais divisée à ce sujet, et un sénat sans majorité encore plus difficile à négocier, et ce d’autant que la Turquie réclame ces nouveaux chasseurs pour renforcer le « front sud » de l’OTAN tout en négociant simultanément avec Moscou, la principale menace identifiée par l’Alliance.
L’arrivée des Rafale en Grèce modifie sensiblement le rapport de force entre les forces helléniques et turques
Naturellement, personne n’est dupe au delà de ces discours officiels quant aux besoins exprimés par Ankara, qui visent avant tout à compenser les récentes acquisitions d’Athènes en matière d’armement, comme les avions Rafale, la conversion de 85 de ses chasseurs F-16 au standard Block 70 Viper, ou les frégates FDI Belharra équipées de systèmes anti-aériens à longue portée Aster 30 et du très performant radar SeaFire 500 de Thales. Le tout est accompagné d’un accord de défense stratégique avec la France, permettant de neutraliser en grande partie les investissements et programmes de défense engagés par la Turquie depuis une dizaine d’années, à grand renfort de milliards de $, le budget des armées turques étant passé en 20 ans de 7 à 20 Md$.
Reste qu’en promettant de faire « tout ce qu’il peut », Joe Biden botte de toute évidence en touche, laissant au Congrès la charge de décider comment le cas turc devra être traité, et d’en assumer éventuellement les conséquences. Il fait également porter cette responsabilité sur R.T Erdogan, sachant que le Congrès exigera très probablement le retrait des systèmes S-400 pour accorder les licences d’exportation, selon le même argument que celui avancé lors de l’annulation des livraisons de F-35A, à savoir l’exposition de technologies et de protocoles critiques pour les Etats-Unis et l’OTAN à des technologies de facture russe. Il semble donc que la conclusion de cette crise, soit par une marche arrière des autorités turques pour ré-integrer pleinement le camp occidental, soit par une rupture de ban pour se tourner vers une route autonome en dehors de l’OTAN, s’approche désormais à grand pas.
Le président Erdogan devra, à un moment, choisir clairement entre une position occidentale ou une voie indépendante lui permettant de se rapprocher de Moscou ou de Pékin.
Si le choix de Bruxelles du F-35A pour remplacer ses avions F-16 avait fait beaucoup réagir en France, alors même que le Rafale n’avait pas été officiellement présenté dans la compétition, les autorités belges avaient toutefois largement fait la preuve de leur engagement en faveur d’un partenariat stratégique avec la France, au travers du contrat CAMO en 2018 portant sur 442 véhicules blindés VBMR Griffon et EBRC Jaguar de facture tricolore, ainsi qu’en confiant en 2019 au français Naval Group et à son partenaire belge ECA la conception et la fabrication de 6 navires de guerre des mines de nouvelle génération. Les Armées Belges vont également recevoir un autre matériel conçu par le français, le camion équipé d’un système d’artillerie plus connu sous l’acronyme CAESAR.
En effet, le conseil des ministres belge à validé, vendredi 29 octobre, une commande auprés du français Nexter de 9 systèmes CAESAR de « nouvelle génération », peut-être la désignation du CAESAR 8×8 déjà commandé par le Danemark et la République Tchèque, pour un montant de 48 m€. Il s’agit d’un nouveau succès pour le produit phare de Nexter, déjà choisi par 7 pays en plus de la France, et donc de la Belgique. Il est vrai que le système a montré à plusieurs reprises sa portée de plus de 40 km avec obus ERFB et de plus de 50 km avec des obus à propulsion additionnée, grâce à son canon de 52 calibres (8 mètres), mais également sa grande précision même avec des obus non guidés, ainsi qu’une mobilité surpassant de loin celle des systèmes lourds chenillés comme le M109 Paladin américain, le K9 sud-coréen ou le Pzh2000 allemand.
Les armées belges et françaises partageront non seulement la même base de véhicules blindés médians, mais également le même système de communication et de commandement au travers du programme CAMO.
Si les armées françaises restent fidèles au CAESAR 6×6, particulièrement adapté pour la projection de puissance et les opérations exterieures, notamment en Afrique et au Moyen Orient, les armées belges, comme les homologues de l’OTAN danoises et tchèques, ont semble t il privilégié la version lourde 8×8, mieux protégée mais moins mobile que la version 6×6. Son système de chargement lui permet notamment de soutenir une cadence de tir plus élevée de 32 coups par minute contre 16 coups par minute pour le CAESAR 6×6 à chargement semi-automatique. En outre, les personnels sont mieux protégés contre les tirs d’arme légère ou les shrapnels, ceci expliquant la préférence des pays de l’OTAN pour cette version dans une vision haute intensité.
Avec cette décision, les autorités belges affirment une nouvelle fois leur attachement à la coopération stratégique entre ses armées et les armées françaises dans le cadre du programme CAMO. Les unités partageront, outre des materiels identiques, le même système de communication et de commandement, offrant une interopérabilité avancée entre les unités des deux pays. Bruxelles ayant annoncé son intention de se doter rapidement d’un système de défense anti-aérienne et anti-drones rapprochée SHORAD, système qui fait également défaut à l’Armée de Terre française, on peut espérer qu’une nouvelle fois, les deux armées avanceront à l’unisson dans ce dossier, au bénéfice des deux, même si pour l’heure, ni l’industrie belge, ni l’industrie française n’est ne mesure de proposer de réelle solution opérationnelle dans ce domaine, même si des approches innovantes ont été proposées par les industriels comme MBDA avec le Skywarden.
Pour l’heure, en occident, il n’existe que peu de systèmes SHORAD modernes opérationnels en dehors du M-SHORAD américain, qui est pourtant loin d’être une solution optimum dans ce domaine.
PS: Il semblerait que Bruxelles ait choisi une version « Nouvelle Generation » du CAESAR 6×6 identique à celle choisie par l’Armée de terre pour remplacer ses AUF1, et non la version 8×8. Pour l’heure, aucune information publique n’a été diffusée concernant cette nouvelle version du CAESAR
L’époque est propice aux remises en question au Pentagone depuis quelques mois, alors qu’il devient de plus en plus évident que les Etats-Unis se sont fait, au mieux rattrapé, au pire dépassé, par la puissance industrielle et scientifique chinoise dans le domaine militaire ces dernières années. Pour le chef d’Etat-Major adjoint du Pentagone, le général John Hyten, cette situation peut se résumer en une simple comparaison : « La Chine a effectué, ces 5 dernières années, des centaines de tests et d’essais de systèmes hypersoniques. les Etats-Unis en ont fait 9 ». Selon lui, c’est la méthode industrielle et scientifique américaine qui est à l’origine de ce constat, et ce alors que, dans le domaine des armes hypersoniques pour ne citer qu’elles, les Etats-Unis disposaient au début de la décennie précédente, d’une avance technologique et scientifique incommensurable sur la Chine et la Russie.
Mais là ou la Chine, la Russie ou même la Corée du Nord, ont développé la volonté d’aboutir et d’expérimenter, selon l’officier général américain, les armées américaines se sont engoncées dans une posture confortable ne laissant plus de place à l’échec constructif. Ainsi, il fallut deux ans entre le premier essais de système hypersonique, qui fut un échec, et le second, qui fut également un échec, ceci ayant entrainé la suspension du programme. Pendant la guerre froide, cite le général Hyten, les Etats-Unis enregistrèrent 13 échecs consécutifs en 18 mois avant de parvenir à lancer le premier satellite espion en orbite autour de la terre. C’est cette absence de determination qui, semble-t-il, est à l’origine de la présente situation, tout du moins de son point de vue.
Le général John Hyten quittera le service en novembre 2021.
A cela s’ajoute une certaine forme de myopie occidentale vis-à-vis des menaces en cours de developpement. Toujours selon le général Hyten, la Chine développe aujourd’hui une capacité nucléaire stratégique dépassant de loin les capacités de dissuasion strictement nécessaires pour Pékin. En développant simultanément un grand nombre de silos et d’ICBM mobiles, en étendant la flotte de sous-marins lanceurs d’engin, de nouveaux bombardiers furtifs ainsi que de nouveaux missiles balistiques largables de ces bombardiers, et naturellement en développant les capacités hypersoniques de l’ensemble de ces vecteurs, les autorités chinoises dotent leur pays d’une capacité de première et de seconde frappe équivalente, si pas en nombre, en capacité, à celle des Etats-Unis et de la Russie, sans que cela n’engendre la moindre réaction aux Etats-Unis, et plus largement, en Occident.
Les déclarations du général Hyten recoupent de nombreux sujets déjà abordés par Meta-Défense notamment celui du Tempo technologique, mais également les biais qui touchent l’analyse de la menace chinoise ou russe, ou encore les facteurs qui handicapent aujourd’hui la réponse industrielle, scientifique et technologique aux besoins des armées aux Etats-Unis et en Europe. Il est regrettable, toutefois, que ce soit le plus souvent des officiers généraux sur le départ, comme le général Hyten qui quittera bientôt ses fonctions, ou d’autres déjà en retraite, qui alertent sur ces différents points. Une prise de conscience s’impose désormais, faute de quoi, au delà d’un probable et même inexorable déclassement, c’est bel et bien la sécurité même des occidentaux qui sera engagée par ce conservatisme exacerbé.
La Chine a entamé les travaux sur 3 sites dans le nord du pays pour y déployer 350 silos pour accueillir des missiles balistiques intercontinentaux, ou ICBM
En bien des aspects, les postures des autorités polonaises, notamment vis-à-vis de l’Union européenne, sont largement critiquables, et d’ailleurs ouvertement critiquées. Mais il est un domaine dans lequel Varsovie est exemplaire en Europe, sa determination à se doter d’une puissance militaire suffisante pour dissuader tout adversaire, en particulier la Russie, d’ambitions excessives contre elles, et contre ses voisins proches. En ce sens, la Pologne remplace chaque jour davantage le rôle qu’assumait Bonne pendant la Guerre Froide, lorsque l’Allemagne fédérale alignait à elle seule plus de 1000 avions de combat F104 et F4 et plus de 2000 chars lourds Leopard et M48. Aujourd’hui, malgré un PIB d’à peine 600 Md$ pour une population de 38 millions d’habitants, à comparer aux 3.800 Md$ et aux 83 millions d’allemands, les armées polonaises alignent une centaine d’avions de combat F-16, Mig-29 et Su-22 (avec 32 F-35A en commande) 150.000 miltaires et 750 chars Leopard 2, PT-91 et T-72, avec au moins 250 M1A2SEPv3 en commande, contre 200 avions de combat Typhon et Tornado, 185.000 miltaires et 320 chars lourds, dont seulement une centaine sont considérés opérationnels, pour les forces allemandes.
Surtout, Varsovie n’entend pas se reposer sur ses lauriers, et veut continuer à soutenir l’effort entamé il y a une dizaine d’années de modernisation, effort largement teinté il est vrais d’une forme de standardisation des armées polonaises sur les modèles de l’US Army et de l’US Air Force, en faisant un ce sens un excellent élève dans le cadre de l’OTAN. Pour y parvenir, il est indispensable selon les autorités polonaises de disposer de crédits supplémentaires immédiatement, et non d’attendre que la croissance moyenne de l’économie du pays à 4% permette d’augmenter le budget des armées déjà à 14 Md$, soit 2,35% du PIB. Pour cela, Varsovie entend s’appuyer sur un mécanisme de financement comparable à celui mit en oeuvre pour faire face à la crise COVID dans le pays, à savoir un appel à l’épargne des polonais eux-mêmes, dans un fonds garantie par la banque nationale de developpement, la BGK, et le Fonds d’Etat FPR.
Les armées polonaises alignent 250 chars lourds Leopard 2 A4 et A5, dont une partie est modernisée au standard Leopard 2PL
selon le ministre polonais de La Défense, Mariusz Blaszczak, cette approche, si elle créera évidemment de la dette souveraine, permettra aux autorités de garantir la sécurité des polonais, jugeant préférable aujourd’hui de « faire de la dette » que d’engager la sécurité de ses concitoyens. Il est vrai qu’avec un endettement de seulement 400 Md$, soit 60% du PIB au même niveau de l’Allemagne, la Pologne est loin d’égaler les champions européens dans ce domaine comme la Grèce avec 200% du PIB, l’Italie avec 135% du PIB, ou la France avec 100%, tous ces chiffres datant de 2019, soit avant la crise COVID. En outre, en procédant de cette manière, l’investissement destiné à la Défense est intégralement détenu par l’épargne des polonais, et non pas les marchés financiers, une manière de consolider le mécanisme de financement, ainsi que le lien entre les armées polonaises et la population du pays.
Cette manne financière devrait permettre, selon Mariusz Blaszczak, d’amener les effectifs des armées polonaises à 250.000 militaires, auxquels d’ajouteront 50.000 personnels de la garde territoriale. Varsovie disposera alors, et de loin de la plus imposante force armée en Europe, dépassant de beaucoup des pays beaucoup plus riches et beaucoup plus peuplés, comme l’Allemagne, l’Italie et la France. Comme quoi, quand on veut, on trouve des solutions. dans le cas contraire, des excuses suffisent …
EN 2019, Varsovie a annoncé la commande de 32 F-35A pour remplacer ses Su-22 hérités de l’époque soviétique
Lors de la large consultation menée pour Athènes pour acquérir de nouvelles frégates dans le cadre de la modernisation de la Marine Hellénique, deux offres semblaient se détacher du lot, la FDI Belharra de Naval Group, finalement retenue par Athènes, et la Sigma 15515 du néerlandais Damen. Outre les qualités de la frégate néerlandaise, Amsterdam proposait la cession de ses deux frégates de la classe Karel Doorman comme solution d’attente. Or, ces navires avaient, aux yeux de la Marine Hellénique, un intérêt bien supérieur aux deux frégates Type 70 que Paris se proposait d’offrir à Athènes si celle-ci venait à choisir la FDI. Finalement, il semble que les autorités grecques soient parvenues à concilier la chèvre et le choux, puisqu’après avoir annoncé la commande de 3 frégates FDI, plus une en option, auprés de Naval Group, elles viennent d’annoncer la signature d’une lettre d’intention pour acquérir auprés des Pays-bas 6 navires de guerre des mines de la classe Alkmaar auprés de la Marine néerlandaise, ainsi que les deux frégates de la classe Karel Doorman préalablement proposées comme solution d’attente.
Les contours de l’accord entre Athènes et Amsterdam sont encore peu détaillés, notamment en terme de délais et d’enveloppe budgétaire. De toute évidence, Athènes entend renforcer rapidement ses capacités navales pour être en mesure de dissuader Ankara de tout aventurisme en Mer Egée ou à Chypre, en renforçant simultanément sa flotte de surface avec deux frégates parfaitement capables, et ses capacités de guerre des mines que l’on sait insuffisantes face à la menace potentielle, avec seulement deux dragueurs de mine de la classe Osprey et un unique chasseur de mine de la classe Hunt, tous trois acquis d’occasion dans les années 2000. Dans ce domaine, les 6 chasseurs de Mines de la classe Alkmaar, issus du programme Tripartite ayant rassemblé la France, la Belgique et les Pays-Bas pour un total de 40 navires produits, vont considérablement accroitre les capacités de la Marine Helléniques dans ce domaine.
Les chasseurs de mines tripartites classe Alkmaar disposent toujours de capacités opérationnelles avancées dans le domaine de la guerre des mines
Longue de 122 mètre pour un tonnage de 3.320 tonnes en charge, les frégates de la classe Karel Doorman sont armées pour la lutte anti-surface et anti-sous-marine, tout en bénéficiant d’une capacité d’autodéfense anti-aérienne avec 16 missiles RIM-7 Sea Sparrow en système de lancement vertical. Elles disposent notamment d’un radar AESA Seawatcher 100 pour la lutte anti-surface, d’une radar SMART-S 3D pour la veille aérienne, et d’une suite sonar évoluée comprenant un sonar de coque actif-passif et multi-statique, ainsi que d’un sonar tracté basse fréquence. Le hangar a été modifié pour pouvoir accueillir des hélicoptères moyens de la catégorie du NH90. L’armement se compose, quant à lui, et outre les 16 Sea Sparrow, d’un canon OTO Melara de 76mm, de 8 missiles anti-navires Harpoon, de deux tubes lance-torpilles Mk46 et d’un système d’auto-protection anti-missile Goalkeeper de 30 mm.
Les deux dernières frégates de la classe encore en service au sein de la Koninklijke Marine, la Marine Royale Néerlandaise, seront remplacées par deux frégates du programme Anti-Submarine Warfare Frigate, un programme mené conjointement par Bruxelles et Amsterdam, des navires bien plus imposants avec un deplacement de 5.500 tonnes, et bien mieux armés, avec notamment 64 missiles anti-aériens à moyenne portée RIM-162 ESSM embarqués en quad pack dans 16 cellules verticales, 8 missiles anti-navires LRASM et un système anti-sous-marin de nouvelle génération.
les FDI belharra commandées par Athènes seront livrés en 2025 (2 unités) et 2026 (1 unité)
Les chasseurs de mine de la classe Alkmaar affichent un deplacement de 600 tonnes en charge pour une longueur de 50 mètres. Ils s’appuient sur un système de combat Atlas Elektronik INCMS, un sonar de coque Thales 2022 Mk III optimisé pour la lutte contre les mines ainsi qu’un système d’identification des mines Atlas Seafox, et deux drones sous-marins Double Eagle Mk III Mod 1 pour leur neutralisation. Ils disposent en outre d’un propulseur d’étrave et d’une double barre active de 240 cv chacune, permettant au navire d’évoluer très précisément autour des mines, ou de conserver une position fixe au mètre prés si besoin et ce, quel que soit l’état de la mer. Ces navires seront remplacés au sein de la Marine Royale Néerlandaise par 6 navires issus du programme MCM mené conjointement par les Pays-bas et la Belgique, dont la conception été confié au belge ECA et au français Naval Group.
Or, ni les ASWF devant remplacer les Karel Doorman, ni les MCM devant remplacer les Alkmaar, ne sont attendus avant plusieurs années par la Koninklijke Marine. Ceci laisse supposer soit que la marine néerlandaise accepte de se priver d’une partie significative de ses capacités opérationnelles pendant plusieurs années en cédant rapidement ces bâtiments à la Marine Hellénique, soit que cette dernière doive attendre plusieurs années avant de les recevoir, ce qui ferait naturellement perdre grandement de son intérêt à la transaction, puisque le but concernant les frégates est justement de servir de solution intérimaire dans l’attente de la livraison des frégates FDI, celles-ci devant intervenir en 2025 et 2026.
Les nouvelles frégates du programme Anti-submarine Warfare frigate de la Marine Royale Néerlandaise sont encore sur les planches à dessin, et n’entreront pas en service avant la seconde moitié de la décennie.
En outre, au delà de 2025, les capacités opérationnelles de ces frégates commenceront à souffrir du poids des années, en particulier dans le domaine anti-aérien avec un système RIM-7 semi-actif qui date des années 80. Il faut donc attendre d’avoir plus de précision sur cette négociation, en particulier concernant son calendrier potentiel, puisque c’est précisément sur celui-ci que se joue tout l’intérêt d’acquérir ces frégates d’occasion qui auront alors plus de 30 années de service actif derrière elles. Il en va, en revanche, tout autrement des chasseurs de mines qui, même dans 3 ou 4 ans, apporteront une plus-value capacitaire plus que bienvenue à la marine hellénique, et ce même en dépit de leur entrée en service qui s’est étalée de 1985 à 1989.