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Le véhicule de combat d’infanterie suédois CV90 Mk IV sort vainqueur de la compétition slovaque

Pour ce qui concerne les contrats d’armement, les arguments retenus pour choisir un matériel, qui plus est à l’importation, sont le plus souvent flous, pour ne pas dire opaques.

Dans ce domaine, la compétition organisée par les autorités slovaques en vue de faire évoluer ou remplacer sa flotte de véhicules de combat d’infanterie BVP-1/2 hérités de l’époque du pacte de Varsovie, aura été d’une clarté sans précédent, offrant une vision objective des options considérées ainsi que des caractéristiques des blindés retenus, tant dans le domaine opérationnel que du point de vue budgétaire et industriel.

À la fin de ce processus particulièrement précis et documenté, le CV90 MK IV dans sa configuration CV9030 armée d’un canon de 30 mm Bushmaster II, a obtenu le score de 99,67 %. Il a surclassé l’ASCOD proposé par la Grande-Bretagne et l’Espagne, le KF-41 Lynx proposé par l’allemand Rheinmetall en partenariat avec la Hongrie, le Borsuk polonais et l’autre CV90 en version CV9035 armé d’un canon de 35 mm Bushmaster III proposé par la Suède et la Grande-Bretagne.

Moderniser la flotte de VCI des armées slovaques

Pour moderniser sa flotte de véhicules de combat d’Infanterie, les autorités slovaques considérèrent quatre options, allant de la peu onéreuse, mais peu efficace recapitalisation du potentiel de ses BVP-2 (désignation locale du BMP-2), à l’acquisition directe sur étagère de blindés à l’importation, en passant par la modernisation des BVP-2 et, solution retenue, la construction locale d’un modèle importé.

Face à l’incapacité des BVP-2, même profondément modernisés, à répondre aux exigences du contrat opérationnel slovaque en termes de protection (Stanag 5 contre les obus et missiles, Stanag 3 contre les mines), les hypothèses de ce type furent rapidement écartées, alors que l’hypothèse d’acquisition sur étagère ne présentait pas de retour budgétaire et industriel satisfaisant.

Rapidement, l’hypothèse d’une construction locale d’un modèle importé s’imposa, et Bratislava envoya une demande d’informations aux quatre constructeurs précédemment cités.

bvp2 03 Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
La Slovaquie doit remplacer 200 CVI BVP1 et 2

Le cahier des charges slovaque était, en cela, particulièrement clair et ambitieux, de sorte à fournir une grille d’analyse objective et efface. Outre les impératifs de protection, les VCI devaient être en mesure de détruire un blindé adverse protégé par un blindage équivalent au Stanag 5 à 500 m à l’aide de son canon embarqué.

Il doit, par ailleurs, détruire des chars lourds à 2000 mètres à l’aide de missiles antichars, l’Eurospike LR2 ayant été sélectionné. En outre , il devra disposer de moyens de communication modernes compatibles OTAN, de capacités de franchissement et d’une mobilité adaptée à un engagement en Europe centrale en tout terrain, être apte à évoluer en environnement contaminé NBCR et disposer d’un système de protection actif pour assurer la survivabiltié du blindé.

Enfin, en tenant compte de la fabrication locale, le blindé ne devait pas dépasser le prix unitaire de 1,738,931,000 €.

4 % seulement pour le Borsuk

Est-ce en raison de ces exigences impossibles à atteindre pour le Borsuk ? Quoi qu’il en soit, le constructeur polonais Huta Stalowa Wola (HSW) ne répondit qu’à 30 des 300 points réclamés par les autorités slovaques, amenant le blindé à un score de moins de 4 % selon la grille d’analyse retenue.

Il est vrai que le Borsuk n’atteint qu’un niveau de protection Stanag 4 contre les tirs frontaux, alors que les côtés ou la tourelle n’atteignent qu’un blindage de niveau 3, voire 2 à certains endroits, ne protégeant que contre des tirs de 7,62mm.

En outre, en dehors des armées polonaises, le Borsuk ne peut pas s’appuyer sur un nombre significatif de succès à l’exportation, ce qui en réduit la résilience industrielle sur la durée, d’autant que le prix unitaire du blindé est censé être particulièrement élevé, certains rapports faisant état d’un prix unitaire de plus de 6 m$ pour les armées polonaises.

Ajax Winter Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
L’ASCOD a obtenu des résultats très satisfaisant lors de la campagne de tir, mais les problèmes de vibration l’ont disqualifié de la compétition.

92,8 % pour l’ASCOD

L’ASCOD a atteint un score de 92,8%, n’étant surclassé que par les 2 CV90 dans cette compétition. Le blindé s’est notamment très bien comporté lors de la campagne de tir, tout en proposant une protection supérieure à celle requise par le cahier des charges. En outre, avec un prix unitaire de 1,724,882,231 €, le blindé respectait le budget plafond fixé par Bratislava.

Toutefois, il fut rétrogradé à la troisième place du classement, derrière le KF41, en raison d’importants problèmes de vibration et de bruit constatés par les ingénieurs et militaires slovaques, ceux-là mêmes qui posent depuis plusieurs mois d’immenses problèmes à la British Army sur leur modèle Ajax.

Selon les Slovaques, ces vibrations résulteraient d’un phénomène de résonance sur sol dur, rendant le problème difficile à résoudre (ce qui est de bien mauvais augure pour l’Ajax Britannique).

90,2 % pour le KF-41 Lynx, mais le Système Strikeshield a impressionné

Le KF-41 Lynx présenté par la Hongrie et Rheinmetall s’est, comme on pouvait s’y attendre, bien comporté lors des essais. Toutefois, le VCI allemand n’atteint qu’un score de 90,2% et la seconde place qu’en raison du déclassement de l’ASCOD.

En effet, si le Lynx est performant, bien protégé, modulaire et évolutif avec un espace permettant d’embarquer jusqu’à 9 fantassins (là où Bratislava n’en demande que 7), il est également cher, avec un prix unitaire de 1,854,089,739 € dépassant de 120 000 € le plafond fixé par l’appel d’offre, et de presque 200 000 €, 10 % du prix unitaire, celui proposé par BAe pour le VC9030.

En outre, et c’est relativement surprenant, le Lynx a obtenu des résultats inférieurs à ceux des deux CV90 et de l’ASCOD lors de la campagne de tir, ces paramètres ayant altéré la note finale du blindé selon la grille d’analyse slovaque.

En revanche, le système hard kill StrikeShield présenté par Rheinmetall semble avoir convaincu les autorités slovaques, notamment en raison de son prix.

Le CV90 MK IV a largement surclassé le KF-41 Lynx de Rheinmetall
Trop cher et surdimensionné pour les besoins slovaques, le KF41 Lynx a aussi obtenu des résultats inférieurs à ceux du CV90 et de l’ASCOD lors de la campagne de tir.

99,67% et 97,76 % pour le CV90 Mk IV et le CV9035

Les deux modèles du CV90 se sont largement imposés dans cette compétition, avec un score de 97.76 % pour le CV9035, et de 99,67 % pour le CV9030. Cet écart de note est expliqué par le prix légèrement plus élevé du CV9035 armé du canon de 35 mm Bushmaster III, 1,688,845,030 € contre 1,669,093,939 €, mais surtout par le fait que le canon Bushmaster III ne peut pas être produit sous licence, contrairement au Bushmaster II de 30 mm qui arme le CV9030.

Le fait que le blindé dispose d’un important parc installé à l’exportation, notamment en Europe avec sept opérateurs dont cinq appartiennent à l’OTAN, a également été considéré dans l’évaluation de la note finale, d’autant que le blindé à connu l’épreuve du feu en Afghanistan au sein des corps norvégiens et danois.

Une compétition exemplaire

On le comprend, cette compétition a été menée avec précision et une grande transparence, pour que ses résultats soient difficilement contestables.

Il convient toutefois de garder à l’esprit que la grille d’analyse et d’évaluation employée par les autorités slovaques dans cette compétition concerne avant tout les besoins slovaques, et ne peut en rien préjuger des qualités et des limitations des blindés proposés dans d’autres domaines, et surtout pour d’autres forces armées.

En revanche, le déclassement annoncé de l’ASCOD jette une nouvelle fois l’opprobre sur l’avenir de ce modèle qui, rappelons-le, rencontre déjà d’importantes difficultés en Grande-Bretagne dans le cadre du programme Ajax, et constitue la base du Griffin III proposé par General Dynamics dans le cadre du programme visant à remplacer les VCI Bradley au sein de l’US Army.

Reste désormais aux autorités slovaques à abriter pour attribuer le contrat définitif, la compétition n’étant en soi qu’un des éléments du dossier. Pour autant, il serait étonnant qu’après avoir mené une compétition de cette qualité aux résultats aussi nets, Bratislava n’en suive pas ses conclusions.

La Marine indienne autorisée à commander 8 nouvelles corvettes pour 36.000 crore

Le Defense Acquisition Council indien a autorisé le financement d’un programme de 8 corvettes de nouvelle génération pour l’Indian Navy, pour un montant de 36.000 crore soit 4,5 Md€. La nouvelle classe de navire sera entièrement conçue et fabriquée par l’industrie navale indienne, en application de la directive « Make in India ».

Du fait de la modernisation rapide de la flotte pakistanaise, avec l’arrivée de nouveaux sous-marins Type 039B de la classe Hangor, des frégates Type 054 A/P classe Tughril et des corvettes de turque MILGEM de la classe Babur, ainsi que de la montée en puissance très rapide de la Marine chinoise, New Delhi a engagé il y a une dizaine d’années un ambitieux programme de modernisation et d’extension de sa flotte, avec l’acquisition de nouveaux destroyers des classes Kolkata et Visakhapatnam, de nouvelles frégates des classes Shivalik et Talwar, et de nouveaux sous-marins de la classe Kalvari, ainsi qu’un nouveau porte-avions, l’INS Vikrant. Pour accroitre sa défense rapprochée et côtière, elle s’est dotée de 4 corvettes lourdes spécialisées dans la lutte anti-sous-marines de la classe Kamorta. C’est afin de renforcer cette capacité que le Defense Acquisition Council a autorisé le financement d’un programme de 8 corvettes de nouvelle génération pour un montant de 36.000 Crore, soit 4,5 Md€.

INS Kolkata missile MRSAM Barack 8 Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
Test d’un missile surface-air Barak-8 à bord du destroyer INS Kolkata

Les nouvelles corvettes seront entièrement conçues et fabriquées en Inde, en application de la doctrine « Make in India » de plus en plus fermement appliquée par New Delhi. D’une jauge de 1.500 à 2.000 tonnes, elles seront sensiblement moins imposantes que les Kamorta, mais bien plus lourdes que les corvettes Kora et Khukri, jaugeant 1300 tonnes, qu’elles remplaceront dans leurs missions de défense côtière et d’escorte. Il est également probable que les nouvelles corvettes seront dotées de capacités de lutte anti-sou-marines contrairement aux deux classes qu’elles remplaceront. Il n’est pas fait état, dans la publication faite par le DAC ni dans la demande présentée par le ministère de la défens indien, d’une participation technologique étrangère dans la conception de ces corvettes qui doivent entrer en service d’ici la fin de la décennie, ce d’autant que l’Inde avait déjà conçue en autonomie les corvettes de la génération précédente, et que les bureaux d’étude et les chantiers navals indiens produisent désormais des navires de fabrication locale parfaitement capables.

La Russie déploie des chars T-62M en Ukraine

Des rapports avaient indiqué la possibilité pour les forces russes d’un déploiement de chars T-62M en Ukraine, un blindé datant des années 60. De récentes photos publiées sur les réseaux sociaux ont confirmé la présence de ces chars dans la region de Kherson, dans le sud de l’Ukraine.

De récentes photos publiées sur les réseaux sociaux ont confirmé la présence de chars T-62M appartenant à l’Armée russe en Ukraine, plus précisément dans la région de Kherson dans le sud du pays. Les blindés ont été dotés, à l’instar de ce qui fut largement observé concernant des chars T-72 et T-80 russes, d’une grille de protection sensée protéger la tourelle du char de missiles à trajectoire plongeante comme le Javelin, sans que l’efficacité de ce dispositif n’ait pour l’heure été démontrée. Cette observation tend à renforcer l’hypothèse selon laquelle le pléthorique parc de reserve de chars T-72 et T-80 des armées russes ne permet pas de produire des chars opérationnels sur des délais courts, alors qu’une partie des T-62M en reserve avaient été remis en état pour renforcer les armées de Bashar Al Assad en Syrie.

Modernisé en 1983, le T-62M a été doté d’un nouveau système de visée et d’un télémètre laser, améliorant sensiblement ses capacités de combat, et permettant le tir de missiles antichars comme le AT-10 Stabber. Pour autant, le blindé reste conforme aux chars de sa régénération, celle du Centurion et de l’AMX-30, avec un blindage relativement fin de 242 mm en frontal pour la tourelle, et de seulement 102mm pour la coque en frontal, mais avec une inclinaison de 60°, rendant le char très vulnérable aux armes antichars adverses, mais également aux mines. En outre, ces chars ne sont pas pourvus de moyens de communication modernes, permettant notamment une manoeuvre interarme efficace, alors que l’on sait que cette capacité avait déjà largement fait défaut aux forces russes durant ce conflit. De fait, la décision de l’état -major russe de déployer ces chars particulièrement vulnérables en Ukraine, qui plus est face à des forces ukrainiennes de plus en plus aguerries, est un révélateur indiscutable concernant le très mauvais état des stocks de reserve de l’Armée Russe, mais également des difficultés que rencontrent l’industrie russe pour remettre en état ces blindés pourtant largement plus adaptés à ce type de conflit, comme le T-72A/B et les T-80B/BV/U sensés représenter l’essentiels des 12.000 chars de réserve de Moscou.

Un joueur chinois publie des données confidentielles pour « améliorer » la simulation de chars War Thunder

Un joueur chinois a publié sur le forum du jeu de simulation de chars multi joueurs War Thunder des données inconnues en occident concernant l’obus flèche DTC10-125 de 125mm employé par les chars de combat chinois Type 96 et Type 99, afin d’améliorer la précision de la simulation.

Le 31 mai dernier, un joueur chinois a publié des données jusqu’ici inconnues dans le domaine public occidentale sur le forum du jeu de simulation de chars multi joueurs War Thunder, concernant l’obus flèche DTC10-125 largement employé par les chars de combat chinois Type 96, Type 99 et Type 99A, pour abattre les blindés adverses. Selon les documents publiés, l’obus DTC10-125 serait ainsi capable de pénétrer 680 mm d’acier RHA à 2km de distance, soit une capacité de pénétration équivalente à celle de l’obus russe 3BM60 Svinets-2 destiné à équiper les canons 2A46-M5 des T90A et T-90M/S russes. Conformément à la politique de modération appliquée par l’éditeur hongrois Gaijin Entertainment, les images publiées par le joueur ont été rapidement supprimées car considérées comme confidentielles en République Populaire de Chine.

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Modélisation du Type-99A dans le jeu War Thunder

Ce n’est pas la première fois que le forum de War Thunder fait l’objet de publications de materiels confidentiels de la part de joueurs désireux de voir leurs chars dotés de caractéristiques plus conformes à la réalité. Ainsi, en juillet 2021, un joueur publia sur le site des données confidentielles concernant le char britannique « Challenger II », dans le but de rendre la simulation plus réalistes. Quelques mois plus tard, ce fut au tour d’un tankiste français de publier des données confidentielles concernant le char Leclerc, avec le même objectif. Dans les deux cas, les données publiées ont été prestement retirées du forum par l’éditeur, bien que le mal fut déjà fait. Reste que la tentation est grande pour des joueurs acharnés par ailleurs militaires en activité, de publier des données visant à améliorer la qualité des simulations de certains jeux comme War Thunder ou DCS, d’autant que les communautés qui s’affrontent dans ces jeux en ligne ont souvent une certaine dimension nationale.

La Deutsche Marine pourrait elle-aussi bénéficier de l’augmentation de l’effort de défense allemand

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Depuis l’annonce de la mise en place d’un effort exceptionnel de Berlin en faveur de la modernisation de ses forces armées, avec à la clé un budget d’investissement de 100 Md€ présenté par le Chancelier Olaf Scholz quelques jours après le début de l’offensive russe en Ukraine, de nombreux programmes ont été lancés outre-Rhin pour la Luftwaffe (avions F-35 et Typhoon ECR, Hélicoptères CH-47F, SCAF, Eurodrone) et pour la Bundeswehr (VCI Marder, munitions, défense anti-aérienne et anti-missiles..). En revanche, la Deutsche Marine n’apparaissait pas dans les ambitions de Berlin, tout du moins jusqu’à présent. En effet, selon le site spécialisé Europäische Sicherheit&Technik, la Marine allemande serait elle aussi sur le point de profiter de cette nouvelle capacité d’investissement. Selon le site allemand, Berlin s’apprêterait à annoncer un important effort pour moderniser et étendre sa puissance navale, avec la commande de 2 nouvelles frégates anti-sous-marines F-126, de 3 nouvelles corvettes K-130, mais aussi de 2 nouveaux sous-marins Type 212CD ainsi que de 3 à 6 nouveaux avions de patrouille maritime P-8A Poseidon, soit une hausse globale de 25% des capacités navales allemandes dans les années à venir.

Du fait des spécificités de sa politique étrangère, et de sa perception du risque en Europe, Berlin avait ces 30 dernières années sensiblement réduit le format, mais également les capacités de sa force navale. Ainsi, la planification allemande ne prévoyait pour 2030 qu’une flotte composée de 4 frégates lourdes de lutte anti-sous-marine F-126 pour remplacer les 4 destroyers de la classe F-123 Brandebourg, de 3 frégates anti-aériennes de la classe Sachsen, de 4 frégates lourdes de « basse intensité » F-125 de la classe Baden-Württemberg pour remplacer les 8 frégates polyvalentes F-122 de la classe Bremen, et 10 corvettes K-130 Braunschweig pour remplacer les patrouilleurs lance-missiles Type 143A Guépard, ainsi que 8 sous-marins d’attaque AIP Type 212 pour remplacer les 18 sous-marins légers Type 206 retirés du service en 2010. L’aéronavale allemande a elle aussi connu des diminutions drastiques de capacités, avec une patrouille maritime ramenée à seulement 8 P3C Orion devant jusqu’ici être remplacés par 5 P-8A Poseidon, le transfert de sa flotte de chasse à la Luftwaffe en 2005, et une flotte d’hélicoptère ramenée à 45 appareils, qui seront remplacées par l’acquisition de NH90 NFH.

TKMS Type212CD Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
les futurs sous-marins Type 212CD équiperont la Marine norvégienne et allemande, et s’appuieront sur de nouvelles technologies de furtivité

Cette baisse capacitaire s’est accompagnée d’une réduction drastique des effectifs, ceux-ci ayant été ramenés sous la barre des 16.000 marins et officiers à partir de 2014. En outre, en application des positions allemandes en matière de politique étrangère, ses navires, y compris les plus modernes, sont souvent sous-équipés et sous-armés, y compris pour les plus modernes et les plus lourds. Ainsi, les frégates F-125 Baden-Württemberg, jaugeant pourtant 7.100 tonnes pour 149 mètres de longueurs, n’emportent qu’un canon de 127 mm, 8 missiles anti-navires Harpoon et 2 systèmes CIWS SeaRam comme armement principal, soit sensiblement ce qui équipe des corvettes 4 fois moins imposantes dans les autres marines européennes. De même, les très imposantes frégates lourdes F-126 à venir, qui afficheront une deplacement de presque 10.000 tonnes, ne disposeront que d’un canon de 127 mm, de 2 systèmes VLS Mark-41 pour 16 silos verticaux armés de 64 missiles à moyenne portée ESSM Block 2, de 2 CIWS SeaRam et de 8 missiles anti-navires RBS-15, à comparer aux 4 canons (1x127mm, 3x76mm), 64 silos verticaux pour missiles anti-aériens à longue portée Aster 30 et missiles de croisière MdCN, et 16 missiles anti-navires Teseo Mk2 EVO dont disposeront les futurs destroyers italiens DDX de 11.000 tonnes.

Même les corvettes K-130 Braunschweig, sensées évoluer en Mer baltique et Mer du Nord, donc à proximité directe des forces navales russes, apparaissent sensiblement sous-équipées eu égard de leur tonnage de 1.800 tonnes, avec un canon de 76mm, deux CIWS SeaRam et 4 missiles anti-navires RBS-15, mais dépourvus de sonar et de torpilles pourtant indispensables face à la menace sous-marine qu représente la flotte de Moscou dans ces eaux. En revanche, les sous-marins Type 212, et notamment la version de nouvelle génération CD développée en coopération avec la Norvège, et les 3 frégates anti-aériennes de la classe Sachsen, disposent quant à eux de capacités avancées cohérentes avec la réalité de la menace. Dans ces conditions, l’arrivée de 2 nouvelles frégates anti-sous-marines F-126, de 3 corvettes K-130, de 2 sous-marins Type 212CD et d’au moins 3 avions de patrouille maritime P-8A Poseidon (pour un total de 8 appareils), va effectivement considérablement augmenter les capacités opérationnelles de la Deutsche Marine, même si, pour en optimiser les performances, il serait indiscutablement utile de renforcer les moyens offensifs et défensifs dont disposeront effectivement chacun de ces navires.

K130 corvette Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
les corvettes K-130 remplacent les patrouilleurs lance-missiles Type 143A Guépard au sein de la Deutsche Marine

Si la volonté de Berlin de moderniser et d’étendre le capacités de la Marine allemande est sans le moindre doute une bonne nouvelle pour la sécurité européenne, l’annonce de la probable acquisition de nouveaux avions de patrouille maritime P-8A Poseidon pourrait bien enterrer définitivement les espoirs de Paris de developper avec son voisin le programme d’avion de patrouille maritime de nouvelle génération Maritime Air Warfare System, ou MAWS. Il est en effet très improbable que Berlin reste engagée dans ce programme de coopération avec la France, alors même que la Deutsche Marine se dote d’une flotte parfaitement capable dans ce domaine, dimensionnée pour répondre à ses besoins et dotée d’une durée de vie opérationnelle de plusieurs décennies, là ou Paris entend remplacer ses Atlantique 2 modernisés au milieu de la prochaine décennie.

Reste qu’une telle augmentation du format de la flotte ne pourra se faire qu’accompagnée d’une augmentation toute aussi sensible de ses effectifs. Or, s’il est relativement aisé de réduire les effectifs des forces armées, suivre la trajectoire inverse s’avère particulièrement difficile et long. En effet, pour maintenir une force armée efficace et équilibrée, il est indispensable de préserver les pyramides des grades, des âges et des compétences de manière équilibrée. Il est donc très difficile d’augmenter rapidement ces effectifs sans déstructurer l’organisation des armées, et nuire sensiblement et durablement à leur efficacité. De fait, et comme on pouvait s’y attendre, les annonces de Berlin en matière de renforcement de sa Marine devront s’étaler sur une période de temps étendue, probablement sur une décennie. Notons qu’il en sera probablement de même pour la Luftwaffe et la Bundeswehr, même si, dans leurs cas, les décisions annoncées portent davantage sur la modernisation des forces existantes que sur leur extension.

Pour répondre au défi chinois, l’US Air Force veut massivement miser sur les drones de combat

Durant la Guerre froide, les armées de l’OTAN, en particulier les armées américaines, entreprirent de contenir la supériorité numérique terrestre des forces soviétiques et du Pacte de Varsovie, en se dotant d’une puissance aérienne sans équivalent, capable de s’emparer de la supériorité aérienne au dessus du champs de Bataille, et de compenser les déficiences des forces terrestres occidentales. C’est ainsi que le F-4 Phantom II, F-15 Eagle, F-16 Fighting Falcon et autres A-10 Warthog évoluaient aux cotés des Tornado, Jaguar, Harrier et Mirage Européens pour prendre l’ascendant sur les Mig-21, Mig-23, Mig-25 et les Su-22 soviétiques, grâce à leur technologie mais également à leur nombre, et ce jusqu’à l’effondrement du bloc soviétique et la dissolution du Pacte de Varsovie. Pendant toute la période post-guerre froide, cette même puissance aérienne américaine et occidentale constitua le fer de lance de la suprématie occidentale sur la planète, au point que la dépendance de l’ensemble des forces armées occidentales à la puissance aérienne en fut encore accrue. Dans le même temps, toutefois, la baisse sensible du risque de conflit de haute intensité, et la hausse constante des couts d’acquisition et de mise en oeuvre des avions de combat, entraina une réduction sensible des formats des forces aériennes, en Europe comme outre Atlantique.

De fait, aujourd’hui, la flotte de chasse de l’US Air Force, avec un peu plus de 2000 chasseurs F15, F16, F22 et A10, ne représente en volume que la moitié de ce qu’elle était au milieux des années 80. De même, en Europe, la flotte de chasse française est passée de plus de 600 avions de combat en 1985 à 250 aujourd’hui, et de plus de 800 appareils à moins de 220 pour la flotte de chasse allemande, alors que dans le même temps, le prix unitaire d’un Mirage 2000 ou d’un F16 était passé de 15 m$ (35 m$ 2022) à plus de 60 m$, et que des appareils comme le F-35A, le F-15EX, le Rafale ou le Typhoon, dépassent largement les 80m$ à l’achat. Dans la mesure ou ces nouveaux appareils ont largement gagné en capacités, évolutivité et versatilité au fil des années, et que la flotte de chasse russe a pour sa part été ramenée de 6000 à 1200 avions de combat, alors même que ses forces terrestres ont elles aussi connu de très sévères diminutions de format (sans même parler de la guerre en Ukraine), les équilibres ont été préservés dans ce domaine sur le théâtre européen. En revanche, il en va tout autrement vis-à-vis de la Chine.

F35A USAF Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
Avec un prix unitaire de plus de 80 m$, le F-35A coute 2,5 fois plus cher de le F-16 de 1980 une fois l’inflation compensée, représentant une parfaite illustration de la loi d’Augustine

En effet, contrairement à Moscou, Pékin peut s’appuyer sur une economie très dynamique, et surtout sur des capacités technologiques qui désormais n’ont plus rien à envier aux occidentaux, y compris aux américains. En outre, l’Armée Populaire de Libération a su intégrer les doctrines occidentales en matière de puissance aérienne, contrairement aux armées russes qui restent largement empreinte de leur héritage soviétique, amenant celles-ci à se doter de nouveaux appareils très performants comme le chasseur monomoteur J-10C, le chasseur de supériorité aérienne J-11B et le chasseur polyvalent J-16, ainsi que d’appareils de 5ème génération comme le J-20 et le J-35, et développe dans le même temps des capacités de soutien avec les avions de veille aérienne KJ-500 et KJ-600, les avions de ravitaillement en vol Y-20U et les avions de renseignement Y-8, et que de nombreux autres programmes évolués sont en cours dans le pays, y compris dans le domaine des drones de combat. Et pour le Secrétaire à l’US Air Force Frank Kendall, la seule alternative pour relever le défi chinois en matière de guerre aérienne, repose sur l’utilisation massive de drones de combat pour compenser la masse en devenir des forces aériennes de Pékin.

Pour le plus haut responsable civil de l’US Air Force, l’équation est parfaitement claire : alors que les F-15EX et les F-35A coutent déjà bien plus de 80m$ à l’achat, que le futur NGAD de 6ème génération devant arriver avant la fin de la décennie coutera pour sa part bien plus de 200m$, et que le bombardier stratégique furtif B-21 Raider coutera plusieurs centaines de m$ l’unité, l’US Air Force n’aura pas la capacité budgétaire pour augmenter son format au delà de son niveau actuel, et il est même probable que celui-ci soit amené à encore se réduire dans les années à venir face à de telles dépenses. Dans le même temps, les forces aériennes chinoises continueront de se moderniser, et d’intégrer de nouveau escadrons d’appareils modernes, avec la très probable possibilité qu’à terme, les forces aériennes des deux pays se compensent tant en terme de volume que de performances et de technologies.

Le drone Skybord de Boeing dans le programme loyal wingman Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
le XQ-58A est l’un des drones testés au sein du programme Skyborg pour escorter les avions de combat américains

De fait, pour prendre l’ascendant sur les forces aériennes chinoises dans l’hypothèse d’un affrontement dans le Pacifique, l’US Air Force va devoir rapidement se doter de nouveaux vecteurs aériens économiques susceptibles d’accroitre sa masse critique opérationnelle. Pour ce faire, Franck Kendall estime que le developpement de drones de combat, qu’ils s’agissent de drones aéroportés comme pour le concept Remote Carrier, ou de drones plus lourds selon le concept de Loyal Wingman, doit désormais représenter une priorité pour l’US Air Force, d’autant que plus de 400 avions de combat doivent être retirés du service au sein de l’US Air Force dans les 5 années à venir.

Remplacer les chasseurs légers, comme le F-16 ou le Mirage 2000, par des drones de combat afin d’augmenter la masse des forces aériennes, est un axe déjà privilégié par plusieurs forces aériennes dans le monde. Ainsi, dans le cadre du programme SCAF rassemblant la France, l’Allemagne et l’Espagne, mais également dans le programme Tempest rassemblant la Grande-Bretagne, l’Italie et la Suède, le developpement de drones de combat de type Remote Carrier a été identifié comme un des principaux piliers des deux programmes, alors que le NGF et le Tempest se destinent tous deux à devenir des avions de combat relativement lourds. Bien qu’entouré d’un important secret, il est plus que probable que le developpement du Next Generation Air Dominance de l’US Air Force, destiné à remplacer d’ici la fin de la décennie les F-22 américains, intègre lui aussi des drones de combat déportés destinés à étendre les capacités d’engagement, de détection et de communication du nouvel appareil, comme il est probable que le successeur du Super Hornet en cours de developpement pour l’US Navy au sein du programme F/A-XX s’appuie sur les mêmes paradigmes.

NGAD next gen air dominance USAF Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
Le NGAD aura un cout de plusieurs centaines de millions de $ selon le Secretaire à l’Air Force Frank Kendall

D’autres pays, comme la Russie avec l’Okhtonik B, ou l’Australie avec le Loyal Wingman, prévoient de se doter de drones de combat furtifs à long rayon d’action capables d’évoluer aux cotés des appareils de combat pilotés, tout en étant mis en oeuvre à partir de pistes conventionnelles. Pour les forces aériennes russes, l’Okhtonik B est d’ailleurs considéré depuis plusieurs années comme le remplaçant désigné du Mig-29 mais également su Su-25, tant pour les missions terrestres qu’aéronavales, ceci expliquant le faible intérêt des forces aériennes et de la Marine russes pour le Mig-35 et même pour le Su-75 Checkmate. La Chine, pour sa part, semble engagée dans le developpement de plusieurs drones de combat furtifs, après avoir présenté le GJ-11 comme opérationnel en 2019. Selon certaines rumeurs, il semblerait à ce titre que le très attendu drone de combat furtif CH-7 pourrait être présenté en vol lors du salon de Zhuhai 2022.

Au final, la stratégie présentée par Frank Kendall n’est pas sans rappeler celle que tente de promouvoir depuis plusieurs années l’US Navy, a savoir de se doter d’une importante flotte de vecteurs autonomes pour compenser l’impossibilité de faire croitre en volume le nombre d’avions et de navires dotés d’équipage. Mais, comme pour l’US Navy, cette approche souffre de plusieurs faiblesses. En premier lieu, comme l’a montré la crise entre Washington et Téhéran en 2018 après que la défense aérienne iranienne ait abattu un drone MQ-4C, l’emploi de drones abaisse dangereusement les seuils d’engagement de part et d’autres des belligérants potentiels, avec un risque accru d’emballement des conflits, comme l’avait montré une étude de la Rand Corporation en 2020. Surtout, rien ne permet de supposer que l’avantage dont espère se parer l’US Air Force soit unilatéral, et que la Chine ne développera pas, elle aussi, une importante flotte de drones de combat pour accroitre sa masse opérationnelle.

FCAS remote carriers mock up at Paris Air Show 2019 Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
Français, allemands et espagnols développent les drones Remote Carrier dans le cadre du programme SCAF

En outre, et comme ce fut précédemment déjà le cas, Frank Kendall semble refuser de considérer les avancées obtenues par Will Roper lorsque celui-ci présidait aux acquisitions de l’US Air Force au sein de la précédente administration. Selon ce dernier, il était possible d’accroitre la masse de l’US Air Force en prenant le contre pieds de la Loi d’Augustine, du nom de l’ancien directeur de Lockheed Martin Norman Augustine dans les années 70 qui prédisait que l’augmentation irrémédiable des prix unitaire des avions de combat amènerait à une diminution drastique des volumes de forces aériennes. Selon Will Roper, en rompant avec les exigences de polyvalence et d’évolutivité qui constituent aujourd’hui la principale cause de la hausse du prix des avions de chasse, il serait possible de concevoir des appareils de combat performants et économiques, répondants aux exigences du moment, dans un modèle soutenable sur la durée pour les forces aériennes et les finances publiques. Et ce dernier de proposer de developper, dans le cadre du programme NGAD, un appareil de combat monomoteur léger digne successeur du F-16, précisément pour former la masse indispensable à l’US Air Force pour faire face à la Chine, tout en réduisant le volume des commandes du très onéreux F-35A.

Car la question va bien au delà de ce qui concerne l’US Air Force et ses quelques rares alliés capables de financer des forces aériennes composées d’appareils aussi onéreux que le F-35A ou le F-15EX, sans même parler des futurs NGAD. En effet, que ce soit sur le théâtre Pacifique comme en Europe ou au Moyen-Orient, de nombreux pays sont aujourd’hui contraints de se tourner vers le F-16 Block 70, certes performants mais arrivé au bout de ses capacités d’évolution, pour se doter d’une flotte de chasse efficace et suffisamment importante pour être significative, les autres appareils étant hors de portée budgétaire. De ce point de vue, l’axe choisit tant par les Etats-Unis avec le NGAD et le F/A-XX, comme par les européens avec le SCAF et le Tempest, risque fort de mettre en difficulté de nombreuses forces aériennes alliées incapables de se doter d’appareils pilotés abordables et pourtant indispensables pour mettre en oeuvre les fameux drones sensés apporter la masse critique nécessaire, aussi bien face à la Chine que la Russie. Peut-être serait-il nécessaire, pour les Etats-Unis comme pour les Européens, de considérer que leur plus grand atout opérationnel repose sur leurs capacités à former des alliances, et non sur les technologies et les moyens potentiellement engagés. Il s’agit probablement là d’un des plus importants enseignement de la guerre en Ukraine, pourtant jusqu’à présent largement ignoré des planificateurs militaires occidentaux…

Après 100 jours de guerre en Ukraine, la France n’a toujours pas adapté son effort et ses ambitions de défense

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A l’instar de l’attaque de la Pologne en 1939 par l’Allemagne Nazie, et celle de Pearl Harbour par la flotte impériale japonaise en 1941, le déclenchement de « l’opération spéciale militaire » russe en Ukraine, le 24 février 2022, prit par surprise les dirigeants occidentaux, y compris aux Etats-Unis, en particulier sur le plan stratégique. Non seulement celle-ci marquait le retour de la guerre de haute intensité, mais elle impliquait une des deux plus importantes puissances nucléaires de la planète. Pire encore, elle avait lieu non pas au Moyen-Orient ou dans un obscure pays du Caucase, mais en Europe, un continent très largement préservé ces dernières décennies, tout au moins depuis les guerres de Yougoslavie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette nouvelle réalité géopolitique n’avait pas été anticipée par les dirigeants occidentaux, leurs armées n’étant, pour la plupart, ni dimensionnées, ni organisées et équipées pour répondre à ce type d’engagement, que ce soit en terme de puissance de feu, de résilience ou de réactivité.

Le jour même du début de l’agression, le chef d’état-major de la Bundeswehr, le Lt. Gen. Alfons Mais, écrivait sur sa page LinkedIn que les Armées allemandes, après 30 années de sous-investissements, n’étaient pas prêtes à répondre à ce type de menace, amenant le nouveau Chancelier Olaf Scholz à presenter à peine 3 jours plus tard devant le Bundestag un très ambitieux plan d’investissement pour redonner rapidement aux armées allemandes les capacités nécessaires pour faire face à la nouvelle réalité. Celui-ci s’appuie sur une enveloppe d’urgence de 100 Md€ pour financer les acquisitions les plus critiques à court terme, ceci incluant des avions de combat F-35A pour la mission de partage nucléaire de l’OTAN, des chasseurs Typhoon ECR pour les missions de suppression des défense antiaériennes adverses, des hélicoptères de transport lourds CH-47F chinook pour remplacer les CH-53 Super Station datant des années 70, des systèmes de défense anti-aériens et anti-missiles, des véhicules blindés de combat d’infanterie et plus de 20 Md€ pour reconstituer les stocks de munitions et de pièces détachées largement érodés ces dernières décennies, tout en accroissant le financement pour les programmes européens critiques SCAF, MGCS et Eurodrone.

F35 sol Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
Berlin a annoncé la commande de 2 escadrons de F-35A pour assurer la mission de dissuasion partagée de l’OTAN. Cette commande sera financée par l’enveloppe d’investissement exceptionnelle de 100 Md€ pour les armées allemandes annoncée par le Chancelier Scholz.

Ce plan, qui doit encore recevoir l’aval du Bundestag mais qui dispose déjà du soutien de la coalition de gouvernement mais également de la droite allemande de la CDU, prévoit de maintenir le niveau d’investissement allemand en terme de défense pendant 4 ans à son niveau de 2022 (48 Md€), auxquels s’ajouteront une moyenne de 25 Md€ d’investissements exceptionnels par an jusqu’en 2025, avant de faire croitre le budget alloué à La Défense à 2% du PIB allemand au delà de cette échéance. Berlin n’est cependant pas la seule capitale européenne à avoir annoncé une inflexion sensible de se politique et de ses ambitions de défense depuis le 24 février. En réalité, la presque totalité des pays européens ont fait de même, l’Italie s’étant engagée à amener ses dépenses à 2% de son PIB d’ici 2028, les Pays-Bas ayant fait de même, tout comme la Suède, l’Espagne et la majorité des pays d’Europe de l’Est. La Pologne, quant à elle, vise désormais un effort de défense à 3% de son PIB, tout comme la Grèce. Même la Belgique, pourtant le mauvais élève de l’OTAN dans ce domaine, a annoncé une hausse de son budget défense à 1,5% de son PIB, soit une hausse de presque 50% par rapport à son niveau actuel. Mais un pays, et non des moindre en Europe, fait exception dans ce domaine, puisque la France n’a jusqu’ici annoncé aucune évolution dans son effort de défense ni concernant ses ambitions dans ce domaine.

Cette étonnante discrétion de Paris concernant ce sujet pourtant critique n’est pas sans interroger sur la stratégie française en Europe, d’autant qu’en amont du déclenchement de cette guerre, la France se voulait être perçue à la pointe de la determination sur les questions de défense européenne et d’autonomie stratégique. Il est vrai que, contrairement à beaucoup de pays européens, la France avait entamé un effort pour renforcer ses armées et accroitre son effort de défense depuis 2017 et l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Toutefois, la doctrine sur laquelle ces évolutions ont été conçues, et le format visé par les armées françaises visent, ont été définis par des documents rédigés en 2013 (Livre Blanc) et 2017 (Revue Stratégique), qui n’anticipaient en rien une telle évolution des menaces sur un délais aussi court. Non pas, d’ailleurs, que ces évolutions étaient imprévisibles, bien au contraire, mais elles furent écartées des hypothèses de travail lors de leur rédaction, de sorte à ne pas alourdir les besoins perçus. Par ailleurs, même si la France a atteint l’objectif d’effort de défense à 2% du PIB en 2022 grâce à une application stricte de la Loi de Programmation Militaire 2019-2025, et même si cette LPM prévoit que les augmentations d’investissement perdurent et même soient augmentés de 3 Md€ par an en 2023 et 2024, le niveau de cet effort de défense demeurera bien en deçà des besoins indispensables aux armées françaises pour répondre aux missions qui sont les siennes, et qui nécessitent à minima un effort de défense à 2,7% du PIB.

Leclerc11 Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
L’Armée de Terre prévoit de ne disposer que de 200 chars Leclerc MLU d’ici la fin des années 2030, et l’arrivée (hypothétique) de son remplaçant le MGCS. L’Ukraine comme la Russie perdent chaque mois autant de chars depuis le début du conflit en Ukraine.

Dans ces conditions, l’absence de réaction de l’Elysée et de l’Hotel de Brienne (Ministère des Armées) pour répondre aux exigences qu’imposent l’agression russe, mais également les évolutions en cours dans le Pacifique, au Moyen-Orient et en Afrique, nuit autant aux armées françaises qu’aux industriels de défense, et plus que tout, à l’image de la France en Europe. Dans le même temps, la position de médiateur en Kyiv et Moscou portée par Emmanuel Macron est très souvent critiquée en Europe de l’Est et du Nord, tant par les dirigeants européens que par les opinions publiques, qui préfèrent se tourner vers les Etats-Unis et la Grande-Bretagne pour les questions de défense. Dans ce domaine, Paris comme Berlin souffrent d’une communication mal maitrisée, mais également d’un effet de loupe face à une instrumentalisation très efficace du conflit par certains dirigeants aux tendances populistes, comme le président Polonais Andrzeij Duda qui n’a pas hésité à mettre en position difficile ses propres alliés pour soutenir sa propre notoriété, ou comme le britannique Boris Johnson, qui s’est engagé dans une escalade de promesses que les armées britanniques sont bien incapables de mettre en oeuvre.

Au delà de la désastreuse image que le mutisme de Paris engendre en Europe, l’absence de réponse de la France nuit également aux capacités de réaction des armées françaises, une situation largement mise en évidence par les enseignements de la guerre en Ukraine, mais également par les résultats enregistrés lors de récents exercices simulant un engagement de haute intensité. Ainsi, l’Armée de Terre, dans son format actuel, ne pourrait au mieux engager en 3 mois de temps qu’une division de 20.000 hommes, avec la capacité de commander un corps d’armée de 60.000 hommes si besoin. Or, ce nombre de 20.000 hommes est égal aux pertes enregistrées par les armées ukrainiennes sur le seul mois de Mai, dont 2500 tués. De même, les quelques 200 chars Leclerc et la centaine de systèmes d’artillerie mobile en service au sein de l’Armée de Terre représentent également 1 mois de pertes en Ukraine, tant pour les forces russes qu’Ukrainiennes. Certes, les Armées françaises disposent de capacités dont ne disposent pas les forces ukrainiennes, notamment en matière de puissance aérienne, mais les Armées russes, elles, disposent de ces moyens, et perdent autant d’hommes et de chars que les Ukrainiens. Le constat est identique au niveau de la guerre aérienne, avec notamment l’absence de capacités de suppression des défenses anti-aériennes, et dans celui de la guerre navale, comme l’a montré l’exercice Polaris qui s’est déroulé en fin d’années 2021.

RAFALE F4 Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
Bien que très performant, le Rafale ne dispose pas de capacités spécifiques pour la suppression des défenses anti-aériennes adverses, ni de capacités de brouillage au delà de ses moyens d’auto protection.

Il est vrai que le calendrier électoral français, avec l’élection présidentielle en Avril, et les élections législatives en Juin, a probablement amené les autorités françaises à la retenue en matière d’annonces et de décisions dans ce domaine. Comme il est probable que la position de médiateur choisie par Emmanuel Macron vis-à-vis de Kyiv et Moscou, pouvait amener Paris à plus de discrétion en matière de réaction publique en matière d’effort de défense. Toutefois, d’autres pays européens ont eux-aussi traversés des échéances électorales majeures sur cette période, sans pour autant nuire à la prise de décision dans ce domaine. En outre, l’Allemagne, qui pourtant participe au même effort de médiation que la France, n’a pas hésité à prendre des mesures pour le moins spectaculaires. Quant aux efforts anticipés de la France dans ce domaine, s’ils permirent effectivement de rétablir une situation des plus détériorées pour les armées, ils n’ont pas permis, ni ne prévoient de le faire dans un avenir proche, de renforcer les capacités militaires françaises en matière de haute et de très haute intensité, en Europe comme dans le Monde.

En réalité, la discrétion des autorités françaises est avant tout conditionnée par des considérations budgétaires, alors que les finances publiques du pays ont été largement mises à mal par la politique du « quoi qu’il en coute » lors de la crise Covid, mais également par les mesures visant à contrôler l’inflation en partie liée à cette guerre. Contrairement à l’Allemagne, aux Pays-Bas, à la Suède ou encore aux pays d’Europe de l’Est, la France est aujourd’hui dans l’impossibilité de répondre à court terme à ces besoins, pas sans mener des coupes franches sur les aides publiques liées au soutien du pouvoir d’achat tout au moins, impensable dans le contexte social du moment et en pleine campagne pour les élections législatives. En outre, il est très peu probable que les pays d’Europe du Nord, qui ont pris le parti d’assumer eux-mêmes l’augmentation de leur effort de défense, acceptent d’accorder à Paris une nouvelle dérogation en matière de déficit publique pour soutenir un accroissement de l’effort de défense. C’est donc contraint et forcée que Paris garde le silence à court terme dans ce domaine, ceci n’étant probablement pas pour déplaire à de nombreuses chancelleries européennes par ailleurs.

FREMM Mistral Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
Il manque aujourd’hui au moins 3 frégates de 1er rang au plan de :montée en puissance et de modernisation de la marine nationale, ainsi qu’au moins un sous-marin nucléaire d’attaque supplémentaire pour répondre à la pression opérationnelle comme aux risques d’engagement de haute intensité.

Reste que, comme cela a déjà été évoqué sur Meta-Défense, il existe des approches alternative pour augmenter rapidement l’effort de défense français, sans pour autant nuire aux finances publiques ni aux déficits français, qu’il s’agisse de s’appuyer sur des modèles de financement innovants basés sur l’appel à l’épargne et des offres de leasing, sur les spécificités socioéconomiques de l’industrie de défense française, ou sur le cas particulier français en matière d’effort de dissuasion (0,4 à 0,5% de PIB par an) pour négocier à Bruxelles un seuil de déficit public rehaussé, des solutions existent, et peuvent même être combinées en elles pour des effets optimisés. Pour autant, cela suppose une prise de conscience au plus haut niveau de l’Etat, concernant l’inadéquation des investissements mais également des objectifs dans la trajectoire actuelle, avec les besoins qui ont émergé ces dernières années et ces derniers mois sur la scène géopolitique mondiale. Peut-être serait -il nécessaire, pour cela, que les chefs d’Etat-Major français, à l’instar de ce que fit le Lt. Gen. Alfons Mais le 24 février, posent clairement, et publiquement, les limites de la trajectoire actuelle, et exposent les besoins immédiats et à moyens termes pour répondre aux enjeux.

Webinaire : le déni d’accès en Indo-Pacifique – Jeudi 23 juin 2022

Qu’il s’agisse de sa stratégie du « collier de perle » et la mise en place des différentes dimensions de ses « nouvelles routes de la soie », la Chine a avancé ses pions avec rapidité et efficacité au cours des deux dernières décennies et les réalisations concrètes de ces stratégies sont désormais visibles sur l’ensemble de l’arc IndoPacifique.

On pense notamment à la construction de nouveaux ports, d’infrastructures et de parcs industriels, à l’acquisition de droits sur des ports existants, à l’ouverture des corridors birmans et pakistanais, à la création d’une base permanente à Djibouti, à la poldérisation puis la militarisation de récifs en mer de Chine méridionale ou encore au développement à marche forcée de sa flotte de guerre. Cette image flatteuse est cependant trompeuse, entre réussites en demi-teinte, échecs, ralentissements, sans compter les autres puissances locales, régionales et mondiales qui commencent à déployer leurs propres stratégies pour contrer les vues de Pékin.

Organisée dans le cadre des activités doctorales de l’Institut Catholique de Paris, cette journée d’étude entièrement consacrée au déni d’accès et à l’IndoPacifique
sera l’occasion de rappeler la définition de ces deux notions et de décrypter la situation géopolitique en IndoPacifique en 2022. Au fil des trois panels géographiques
prévus (Asie-Pacifique, Asie du Sud-Est et océan Indien), douze experts issus d’horizons divers – enseignants-chercheurs, militaires, diplomates, professionnels et doctorants – aborderont une grande diversité de sujets de sorte à proposer le panorama le plus large possible de ces questions.

Programme et Informations

L’Irak annonce avoir commandé des avions Rafale et des systèmes d’artillerie à la France

Alors que le pays fait encore face à une intense rébellion de l’Etat Islamique, que les milices chiites sous controle de l’Iran continuent de prendre de l’ampleur sur son territoire, et que les ambitions turques dans le nord du pays menacent les régions kurdes, l’Irak tente de moderniser ses forces armées, en négociant des programmes de défense avec ses partenaires historiques, Etats-Unis, Russie et France. Pour autant, comme c’est très souvent le cas avec Bagdad, il est très difficile d’y voir clair dans les annonces des autorités irakiennes, qui ne manquent pas de contradictions voire d’informations très improbables, comme celle évoquée en début d’année portant sur la vente de 14 Rafale français pour un montant de 240 m$, un prix sans aucun rapport avec ceux pratiqués par Dassault aviation et Paris sur la scène internationale, y compris concernant des appareils d’occasion.

Pourtant, ce 8 Mai, le Ministère de La Défense irakien a annoncé très officiellement avoir signé plusieurs contrats de défense avec la France et les Etats-Unis. Washington aurait ainsi accepté de livrer à Bagdad de nouveaux systèmes d’artillerie ainsi que des systèmes de défense anti-aérienne destinés à assurer la protection contre les menaces de type missiles de croisière, roquettes et obus d’artillerie et de mortier ou C-RAM, des munitions employés à plusieurs reprises par les combattants de l’EI mais également par certaines milices chiites pour frapper les infrastructures civiles et militaires irakiennes, en particulier celles abritant des personnels américains. Les modèles exactes qui auraient été acquis n’ont pas été dévoilés, mais dans le domaine C-RAM, les forces US ne mettent en oeuvre que le système anti-aérien à courte portée NASAMS, et la version terrestre du célèbre CIWS Phalanx, cette dernière protégeant notamment l’ambassade US à Bagdad. Le flou est également de mise concernant les systèmes d’artillerie américains qui auraient été acquis, ceux-ci pouvant être des canons automoteurs de 155 mm M109, des obusiers légers de 155 mm M777 ou le très médiatique lance-roquettes HIMARS.

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Le système Centurion C-RAM est utilisé pour protéger l’ambassade américaine de Bagdad des menaces de type roquettes et obus d’artillerie et de mortier

Les choses ne sont guère plus claires avec Paris, d’autant que les autorités françaises se montrent elles aussi très discrètes sur le sujet. Ainsi, il semble bien que Bagdad ait l’intention de commander un escadron d’avions de combat Rafale pour moderniser ses forces aériennes, comme cela est abordé depuis plusieurs mois dans la presse spécialisée. L’avion français, déjà en service en Grèce et en Egypte, et commandé par les EAU, représente en effet un atout de taille pour dissuader Téhéran ou Ankara de manoeuvres trop audacieuses dans l’espace aérien Irakien, tout en se montrant très efficace pour soutenir les troupes engagées au sol dans les combats anti-insurrectionnels contre Daesh. Pour autant, l’appareil est loin d’être donné, même dans une hypothèse d’occasion, la Croatie ayant par exemple acquis 12 appareils de seconde main pour 1 Md€, très loin des 240 m$ pour 14 Rafale évoqués par Bagdad. En outre, la pression opérationnelle et industrielle du moment rendent très improbable que la France puisse se séparer de 14 appareils d’occasion dans les années à venir, sauf à mettre à risque ses propres capacités défensives et opérationnelles au delà du raisonnable.

A mots couverts, Bagdad semble également faire référence à une commande de canons CAESAR, le système d’artillerie portée de Nexter qui remporte un grand succès sur la scène internationale ces dernières années. Ainsi, le ministère de La Défense irakien fait état, dans son communiqué, de systèmes d’artillerie « ayant fait leurs preuves en Irak », ce qui fut précisément le cas du CAESAR au sein de la Task Force Wagram française en Irak contre l’Etat Islamique. Par sa grande mobilité, sa portée et son exceptionnelle précision, y compris avec des obus classiques, le Caesar fit à de nombreuses reprises la preuve de son efficacité opérationnelle en Irak aux mains des artilleurs français, s’attirant l’admiration des militaires irakiens mais également américains déployés aux cotés des forces françaises. Rappelons que l’Irak fut, lors de la guerre contre l’Iran, un des plus importants clients de l’industrie de défense française, avec des avions de combat Mirage F1 mais égalemente des canons automoteurs chenillés AuF1 payés avec le soutien saoudien.

Canon Automoteur CAESAR francais en Irak Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
Le canon CAESAR a montré d’excellentes performances lors de son déploiement en Irak au sein de la TF Wagram

Se pose de fait la question du paiement de ces materiels réputés efficaces mais également onéreux. Même si cela ne peut être exclu, il ne semble pas, comme ce fut le cas pendant la guerre avec l’Iran de 1980 à 1988, que Bagdad puisse s’appuyer aujourd’hui sur le soutien des monarchies du Golfe, celles-ci s’étant tournées depuis plusieurs années vers l’Egypte pour assurer leurs arrière face à l’Iran. En outre, l’économie du pays est encore très chancelante, avec une reprise economique vigoureuse entamée au milieu des années 2000 mais mise à mal par l’épidémie Covid, et un PIB qui peine à dépasser les 200 Md$ par an pour une population de 40 millions d’habitants, mettant Bagdad sur un pied d’égalité economique et démographique avec Kyiv, par exemple. En outre, le pays est encore loin d’être pacifié, et d’importantes luttes d’influence continuent de déstabiliser la nation et sa classe politique, sur fond de radicalisme religieux et nationaliste.

Pour autant, Bagdad peut s’appuyer sur un atout de taille et envié de beaucoup, les 5ème plus importantes réserves de petrole dans le Monde. Ses exportations connaissent en effet une croissance importante ces derniers mois, tant du fait de la hausse des prix du brut qu’à la réorientation des canaux d’importations liées à la guerre en Ukraine et aux sanctions occidentales contre le pétrole russe. De fait, même si cela s’avère peu conventionnel ces dernières années (mais relativement commun précédemment), il n’est pas surprenant que l’hypothèse d’un paiement par exportation d’hydrocarbures ait été évoqué pour les contrats français, un moyen pour Paris d’atténuer les positions peu conciliantes de l’Opep et de l’Arabie saoudite sur le sujet depuis le début de la guerre en Ukraine.

Atelier Rafale 1 Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
La production de Rafale va bientôt atteindre 3 appareils par Mois pour répondre aux nombreux contrats signés récemment par Dassault Aviation et la Team Rafale

Reste qu’il est nécessaire de se montrer prudent quant à ces annonces, en particulier dans la mesure ou celles-ci n’ont pour l’heure pas été officiellement confirmées par les industriels ni les autorités françaises. Pour autant, il ne fait aucun doute que ces sujets font effectivement l’objet d’intenses négociations entre Paris et Bagdad, et pourraient marquer un important retour de la France dans ce pays, tout en renforçant la position française au Moyen-Orient, après les succès enregistrés ces dernières années aux Emirats Arabes Unis, au Qatar et en Egypte, et des discussions apaisées avec l’Arabie saoudite. Considérant la redistribution critique des flux commerciaux mondiaux concernant le marché des hydrocarbures depuis le début de la guerre en Ukraine, nul doute que ces contrats d’armement se soient parés d’une dimension stratégique dépassant le cadre purement militaire et technologique.

En ramenant à 57 appareils le programme MMRCA 2, l’Inde accroit les chances du Rafale de s’imposer

En 2001, New Delhi lançait une très importante compétition visant à acquérir 114 avions de combat moyens pour remplacer ses Mig-27 et Jaguar qui devaient arriver en limite d’âge d’ici la fin des années 2010. En 2012, les autorités indiennes annonçaient la victoire du Dassault Rafale, et l’entame de négociations pour la production industrielle locale de ces appareils destinés à l’Indian Air Force.

Toutefois, de nombreuses difficultés vinrent handicaper les discussions, notamment concernant la participation de l’industriel d’état HAL imposée par les autorités indiennes, amenant Paris et New Delhi à annoncer en 2015 l’annulation de cette opération, remplacée par une commande ferme de 36 Rafale produits en France.

Pour autant, et si les nouveaux Rafale indiens arrivés depuis en escadron ont permis à New Delhi de compenser en parti la baisse constante du nombre de ses escadrons de combat opérationnels, il devint rapidement nécessaire de lancer une nouvelle compétition, notamment pour compenser le retrait annoncé des Mig-21 Bison de plus en plus dépassés par les nouveaux appareils chinois et Pakistanais et sujets à de nombreux accidents.

La compétition MMRCA 2 fut lancée en 2018, initialement pour acquérir 110 chasseurs « légers » afin de remplacer les Bison. Mais suite à un intense lobbying de l’IAF faisant face à une diminution importante de ses capacités opérationnelles, les autorités indiennes annoncèrent une année plus tard que les appareils moyens étaient eux-aussi autorisés à concourir.

Shri Rajnath Singh defense minister india Rafale Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires
L’arrivée des premiers Rafale en Inde en 2020 constitua un événement politique et médiatique dans le pays

De fait, ce qui devait initialement être une compétition entre le JAS-39 Gripen E/F suédois et le F-21 de Lockheed-Martin, en réalité un F-16 Block 70 renommé pour permettre une fabrication locale, se transforma en une redite de la première compétition, avec l’arrivée, en plus de ces deux appareils, du F-15EX et du F/A 18 E/F Super Hornet de Boeing, de l’Eurofighter Typhoon, du Su-35 russe et du Rafale français.

En dépit de nombreuses rumeurs, la situation n’avait guère évolué pendant plusieurs années, alors que dans le même temps, les autorités indiennes mettaient en oeuvre une politique de production locale de plus en plus ambitieuse et restrictive, rendant les négociations difficiles avec les avionneurs.

Selon le site economique indien businesswolrd.in, un rebondissement serait intervenu en mai 2022, puisque New Delhi aurait décidé de ramener les ambitions du programme MMRCA 2 de 114 à 57 appareils, tout en conservant les impératifs de transfert de technologie et de fabrication locale, de sorte à promouvoir la stratégie du Make in India, et préparer l’arrivée des nouveaux appareils de facture indienne des programmes LCA Mk2, AMCA et TEDBF.

Or, une telle décision rebattrait en profondeur les cartes quant aux arbitrages qui seront menés d’ici la fin d’année par New Delhi concernant ce contrat. En outre, de manière induite, elle renforcerait considérablement les chances de voir le Rafale s’imposer une nouvelle fois en Inde.

En effet, l’appareil français peut s’appuyer sur plusieurs atouts plus que conséquents pour prendre l’ascendant sur ses concurrents américains, russe et européens, en premier lieu desquelles, les deux escadrons de Rafale déjà en service au sein de l’IAF.

La Rafale F4 est un des favoris du programme MMRCA 2
La nouvelle version F4 du Rafale offre des capacités à la frontière entre la 4ème et 5ème génération d’avions de combat

En effet, avec 2 escadrons et 36 appareils opérationnels, l’intégration de 57 nouveaux appareils, soit 3 nouveaux escadrons, serait sensiblement plus simple à gérer en matière de ressources humaines et de logistique, avec une réponse de formation et de maintenance unique pour l’ensemble du parc, ce d’autant que le contrat de 2016 intégrait la mise en oeuvre d’un site de maintenance permettant de soutenir l’activité de prés de 150 avions Rafale en Inde.

En outre, la gestion du parc aérien serait également plus aisée, notamment des évolutions des appareils avec de substantielles économies à la clé, et des gains de temps appréciables lorsque le format de la chasse indienne est à ce point réduit.

La décision de New Delhi de diviser par 2 les ambitions du programme MMRCA privilégierait par ailleurs de manière plus que significative l’offre française au niveau budgétaire. Ainsi, le Rafale a déjà été adapté aux besoins indiens, notamment en terme d’emport de munitions et d’infrastructure de maintenance et de formation, un volet qui représenta prés d’un quart du prix total du contrat initial de 8 Md€ en 2016, soit plus de 2 Md€.

Si avec 114 appareils, l’avantage de Dassault était déjà conséquent, il est désormais critique puisque, rapporté au prix unitaire d’un avion de combat, il représenterait une économie de plus de 35 Md€ par aéronef pour une commande de 57 exemplaires, soit prés de 30% du prix d’un appareil neuf.

Rafale Su 30MKI Véhicules de Combat d'infanterie | Actualités Défense | Alliances militaires

En outre, avec un parc homogène, l’Indian Air Force diviserait par 2 les couts de recherche et développement pour la modernisation de sa flotte, alors même que ces investissements représentent plus de 20% des couts de possession d’un appareil sur sa durée de vie opérationnelle.

En ramenant la commande de 114 à 57 appareils, New Delhi privilégierait également, de manière indirecte, les appareils moyens et lourds, au détriment des appareils plus légers comme le Gripen, le F-21 et le Mig-35, du fait de l’allonge et de la capacité d’emport plus réduites de ces appareils vis-à-vis des Rafale, Typhoon et autres F-15EX.

Cet argument ne privilégie pas spécifiquement le Rafale, mais il affaiblie considérablement les offres de Saab et de Lockheed Martin alors qu’elles étaient potentiellement plus compétitives sur l’aspect budgétaire, alors que l’appareil français est moins cher à performances égales que ses adversaires lourds européens et américains comme le Typhoon, le Super Eagle et le Super Hornet, sans même tenir compte des économies évoquées précédemment.

Il ne fait en effet aucun doute qu’avec la réduction du format de la commande MMRCA 2, l’Indian Air Force imposerait le choix d’un appareil plus lourd de sorte à compenser la réduction du nombre de ses escadrons.

Par ailleurs, et c’est loin d’être négligeable, le Rafale et le Super Hornet étaient les seuls appareils proposés simultanément pour la compétition MMRCA 2 pour l’Indian Air Force, et la compétition pour équiper les porte-avions de l’Indian Navy. Alors que New Delhi a annoncé la victoire de l’avion français et la prochaine commande de 26 appareils pour armer le porte-avions INS Vikrant, la dynamique est de toute évidente très favorable au Rafale, alors qu’elle disqualifie définitivement le Super Hornet pour le programme MMRCA 2.

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Le Rafale a montré d’excellentes capacités d’emport en utilisant un tremplin de type Skijump lors des essais en Inde

Enfin, la commande cumulée des 26 chasseurs embarqués Rafale M et des 57 Rafale B/C à dans le cadre du programme MMRCA2 pourrait permettre d’atteindre un volume suffisant pour justifier d’une fabrication locale avec 83 appareils, et ainsi répondre aux exigences de la politique du Make in India chère au président Modi. Cependant, rien n’indique à ce jour que les autorités indiennes envisagent de lier les deux programmes.

On le voit, la décision par New Delhi de ramener le programme MMRCA 2 à 57 appareils, mettrait sans le moindre debout en valeur l’offre française, tant pour renforcer l’Indian Air Force que l’Indian Navy, avec des convergences stratégiques entre les deux programmes qui n’existaient pas précédemment, en tout cas de manière aussi claire.

Une fois prise en compte la pérennité relative de l’avion français bien plus étendue que celle de ses concurrents potentiels du fait de ses succès commerciaux, le Rafale est objectivement le favori de cette compétition indienne.

Toutefois, il convient de ne pas négliger les dimensions politiques et industrielles de ce contrat, pouvant potentiellement amener les concurrents de Dassault Aviation à faire des offres particulièrement agressives, alors que pour Saab, la compétition MMRCA 2 représente une opportunité unique de relancer son Gripen E/F, que pour Boeing il permettrait de préserver la production du Super Hornet, et que pour Washington, il permettrait de renforcer les liens avec New Delhi face à Pékin et Moscou.

Même en tant que favori, il faudra probablement batailler ferme pour Dassault Aviation et la Team Rafale pour s’imposer en Inde.