En début d’année, le Pentagone a publié son budget prévisionnel pour l’année fiscale 2021. Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’analyser, ces publications de la Défense américaine offrent un regard unique sur la planification à court et long terme des différentes branches armées des Etats-Unis. Ainsi, comme chaque année, le Pentagone a proposé de sacrifier certains équipements existants afin de financer les nouveaux programmes, en accord avec l’enveloppe budgétaire qui lui est accordé.
Et, comme chaque année, les membres du Congrès américains seront chargés de donner leur avis sur les décisions prises par le Département de la Défense, mettant tout autant en avant des aspects opérationnels que des aspects de politique industrielle et, donc, d’enjeux électoraux. Récemment, c’était au tour de la chambre haute américaine, le Sénat, de donner son avis sur la programmation militaire de l’année 2021. Et, comme souvent, il semblerait que les Sénateurs américains, à travers le Senate Armed Services Committee (SASC), tentent de sauvegarder certains programmes de défense que le Pentagone était prêt à stopper ou réduire drastiquement.
Si les ravitailleurs et les drones MALE semblent être protégés par le Sénat, ce n’est pas le cas du B-1B, qui pourrait effectivement connaître un retrait anticipé d’une partie de sa flotte.
Comme on pouvait s’y attendre, le SASC a proposé d’augmenter marginalement les commandes de F-35, une décision relativement unanime étant donné que l’avion de combat furtif de Lockheed Martin se fournit auprès d’équipementiers répartis dans tous les Etats-Unis. Le reste des propositions n’a pas été dévoilé en détail au public, mais on sait que le SASC souhaite conserver certains formats minimums pour chaque catégorie d’aéronefs : avions de chasse, bombardiers, drones, ravitailleurs, avions de transport, avions de de renseignement et appareils de sauvetage. Une indication qui permet de faire tout de même quelques suppositions. Ainsi, la proposition du Sénat pourrait sauver trois escadrons d’avions d’attaque A-10 d’une retraite anticipée, et ralentir le déclassement des avions de supériorité aérienne F-15C.
C’est désormais devenu une tradition: chaque année, le Pentagone tente de retirer tout ou partie de la flotte d’avions d’attaque A-10. Et chaque année, l’appareil bénéficie d’un fort soutien de la part de la classe législative américaine.
Pour le moment, il semble que les requêtes de l’US Army aient été, dans les grandes lignes, préservées par le projet de loi du Sénat. Ici aussi, les deux programmes qui ont été le plus modifiés par le SASC touchent au secteur aéronautique. D’une part, le Sénat propose de renforcer le budget de recherche et développement du programme FLRAA pour la deuxième année consécutive. Ce programme, déjà largement traité sur notre site, vise à remplacer l’hélicoptère de manœuvre Blackhawk. Pour l’heure, les deux candidats pressentis pour FLRAA sont le Sikorsky-Boeing SB-1 Defiant et le Bell V-280 Valor. Un budget augmenté permettra d’approfondir les phases d’essais et la définition du programme, qui vise à une mise en service initiale en 2030. Enfin, comme pour le MQ-9 Reaper de l’US Air Force, le Sénat propose de poursuivre la production de MQ-1 Predator. Retiré du service dans l’USAF depuis quelques années, le Predator reste encore le drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) de référence dans l’US Army. Pour l’heure, comme pour le Reaper, aucun successeur fiable n’est disponible, et un arrêt anticipé de la production risquerait de laisser les USA sans possibilité de fabriquer des drones MALE en cas de conflit soudain et prolongé.
Du côté de l’US Navy, le SASC a cherché à trouver un compromis autour de la question des sous-marins d’attaque. En effet, le budget proposé par le Président, et validé par le Pentagone, ne comprend la construction que d’un seul sous-marin nucléaire de classe Virginia. Or, le Congrès a déjà alerté sur les risques que représente la commande d’un unique sous-marin pour le respect de la Stratégie de Défense Nationale. Le comité des forces armées du Sénat a donc proposé de conserver la production d’un unique sous-marin sur l’année fiscale 2021, mais d’anticiper la production des équipements principaux permettant de fabriquer un second sous-marin. Ainsi, les principaux sous-traitants, particulièrement exposés à une crise économique, pourront tout de même disposer d’une charge de travail conséquente en 2021. Ce faisant, la Navy aura toujours la possibilité de lancer la construction d’un sous-marin supplémentaire en fonction de la charge d’activité des deux chantiers navals américains spécialisés dans les sous-marins.
Le Bell V280 Valor participe à la competition FLRAA pour remplacer les UH60 Black Hawk. Ce programme bénéficie pour l’instant d’un fort soutien de la part du Sénat.
Quoi qu’il en soit, cette proposition du SASC, comme la proposition de budget du Pentagone, est loin d’être définitive. La Chambre des représentants devra également proposer sa propre version de la loi des finances relative aux forces armées. La version définitive sera a priori un compromis entre les vues exposées au Sénat et à la Chambre, qui n’ont pas la même coloration politique pour le moment. Il s’agit donc d’une affaire à suivre, et l’impact de la crise économique à venir devra être observé avec précaution.
En septembre dernier, l’avionneur taïwanais AIDC présentait son nouvel avion d’entrainement avancé, le T-5 Brave Eagle. Il y a deux jours, le premier prototype du Brave Eagle réalisait donc son premier vol, parfaitement en phase avec le calendrier de développement annoncé l’année dernière. Si l’avion se comporte comme prévu, quelques appareils de présérie devraient être produits à partir de novembre 2021. En 2023, AIDC lancera la production de série à pleine cadence, et 66 exemplaires devraient être livrés à la force aérienne taïwanaise, ou Republic of China Air Force (ROCAF), d’ici à 2026.
Dérivé de l’avion de combat taïwanais F-CK-1 Ching Kuo, lui-même inspiré du F-16 américain, le Brave Eagle dispose d’une genèse relativement inédite. En effet, les constructeurs aéronautiques du monde entier ont plutôt tendance à faire évoluer leurs avions d’entrainement en avions de combat léger plutôt que de réaliser le processus inverse. Pour Taïwan, le Ching Kuo représentait toutefois une base de développement parfaitement logique tant d’un point de vue industriel qu’économique et opérationnel.
Le T-5 Brave Eagle, lors de sa première apparition en septembre 2019.
Développé au cours des années 1980 pour pallier au manque d’avions occidentaux disponibles sur le marché de l’importation, le F-CK-1 Ching Kuo est un avion de combat léger nettement inspiré du F-16 Fighting Falcon, dont il reprend la configuration aérodynamique générale, mais également du F/A-18 Hornet, dont il reprend la disposition des entrées d’air et la configuration bimoteur. Contrairement aux avions de combat américains, le petit Ching Kuo est cependant motorisé par une paire de réacteurs Honeywell F125-GA-100, une variante à postcombustion du moteur F124 qui équipe entre autre les avions d’entrainement BAE Hawk, T-45 Goshawk et M-346 Master.
A travers des programmes de modernisations continues, le F-CK-1 Ching Kuo est progressivement devenu un avion de combat réellement polyvalent, et devrait acquérir prochainement des capacités de guerre électronique. Néanmoins, le Ching Kuo reste un chasseur léger, et la première ligne de défense de Taïwan repose toujours sur la cinquantaine de Mirage 2000-5 et les 144 F-16 mis en œuvre par la ROCAF. Si l’avenir des Mirage taïwanais reste encore incertain, la flotte de F-16A/B est actuellement en cours de conversion au standard F-16V Viper, considérablement plus moderne et efficace. De plus, fin 2019, la vente de 66 nouveaux F-16V, fabriqués aux Etats-Unis, a été autorisée par Washington et les premières cellules sont en cours de fabrication.
Le premier vol du Brave Eagle a duré environ une heure, le 10 juin 2020. Par rapport au Ching Kuo, l’observateur attentif aura remarqué les tuyères simplifiées de l’appareil, ses moteurs étant dépourvus de postcombustion.
Avec une nouvelle flotte composée d’environ 200 F-16V Viper et d’au moins 70 Ching Kuo modernisés au standard F-CK-1C/D, la ROCAF disposera dans les années à venir d’une puissance de frappe inédite dans son histoire. Néanmoins, l’arrivée de chasseurs équipés de cockpits ultra-modernes oblige la ROCAF à moderniser également le processus de formation de ses pilotes. Jusqu’ici, l’entrainement avancé des pilotes taïwanais était assuré par des AT-3 de production locale, ainsi que par des chasseurs légers supersoniques F-5F Tiger II. Le remplacement commun des AT-3 et des Tiger II est ainsi envisagé dès le début des années 2000, et une variante du Ching Kuo désignée IDF LIFT (Lead-In Fighter Trainer) est alors envisagée.
Il faudra cependant attendre la fin de la modernisation des Ching Kuo au standard C/D pour que le développement d’un nouvel avion d’entrainement avancé ne voit le jour. En basant le nouveau Brave Eagle sur le Ching Kuo, AIDC est ainsi en mesure de développer rapidement le nouvel avion LIFT, tout en maîtrisant ses budgets et en continuant de faire vivre la filière aéronautique de défense nationale. Si les deux avions sont extérieurement très proches, ils ne partagent cependant qu’environ 20% de leurs composants. Bien plus moderne dans sa conception, le T-5 Brave Eagle utilise bien plus de matériaux composites, dispose d’une voilure plus épaisse mieux adaptée aux évolutions à basse vitesse, et emporte plus de carburant. Il dispose également d’un cockpit moderne capable de simuler une interface proche de celle des avions de combat en service dans la ROCAF. Enfin, les appareils devraient être en mesure d’embarquer un radar AESA de conception locale, ainsi que diverses charges sous les ailes.
Au fil du temps, les Ching Kuo ont été modifiés pour embarqués de nouveaux capteurs, plus de missiles d’interception et des missiles de croisière de conception nationale. Au-dessus de l’entrée d’air gauche, on remarque la bouche du canon, dont est dépourvu le T-5 Brave Eagle d’entrainement avancé.
En effet, dès la conception, le Brave Eagle a été pensé pour pouvoir être très rapidement reconfiguré en configuration « combat« , avec l’emport de réservoirs de carburant, de bombes et de missiles air-air. Comme les F-5 Tiger II avant lui, le Brave Eagle pourra alors, en temps de conflit, assurer la dernière ligne de défense aérienne de l’île, en comblant les trous parmi les effectifs de F-16 et de Mirage 2000. De par sa conception, ce petit appareil d’entrainement léger devrait rester un redoutable adversaire en combat tournoyant, et un vecteur d’appui feu tout à fait crédible. Contrairement au Ching Kuo, toutefois, le Brave Eagle semble cependant équipé de réacteurs F124, sans la postcombustion du F125. De quoi lui permettre de réaliser de longues sessions d’entrainement, grâce à une consommation plus réduite, au prix d’une puissance maximale réduite.
L’intérêt du T-5 Brave Eagle dépasse cependant le spectre de son utilisation tactique. En s’assurant un maintien des chaînes d’assemblage au moins jusqu’en 2026, Taipei préserve avant tout sa capacité de production d’avions de combat sur le moyen terme. Les tensions grandissantes entre Taipei et Pékin en font une capacité stratégique, d’autant plus que le soutien sur le long terme des USA est loin d’être assuré dans le contexte politique actuel. En cas de besoin, Taïwan pourrait ainsi parfaitement convertir sa chaîne de production de Brave Eagle en une chaîne d’assemblage pour une nouvelle variante du Ching Kuo. Et, au-delà de 2026, Taipei conservera l’expertise et le savoir-faire nécessaire pour produire un nouvel appareil, notamment si la modernisation des Mirage 2000 et les négociations autour de l’achat de F-35B devaient irrémédiablement échouer.
A terme, la ROCAF disposera de 200 F-16V Viper, ce qui en fera une des meilleures forces aériennes de la région. Cependant, les bases aériennes taïwanaises constituent des cibles faciles pour une éventuelle flotte d’invasion chinoise, ce qui explique l’insistance de Taipei pour obtenir des F-35B à décollage vertical.
De plus, Taipei ne cache pas son envie de proposer le Ching Kuo sur le marché international, déjà saturé d’avions d’entrainement avancé. Par rapport à la concurrence, le Brave Eagle aurait l’avantage d’être nativement supersonique sans recourir à un réacteur à postcombustion, bien plus coûteux à l’usage. En terme de gamme, il se situerait ainsi entre le M-346 Master italien et le T-50 Golden Eagle coréen. Pour les clients souhaitant un usage mixte entrainement/combat léger, le Brave Eagle dispose encore une fois d’un véritable avantage comparatif. Reste que les débouchés pour les équipements militaires taïwanais sont très faibles, puisque peu d’Etats seraient prêts à se brouiller avec Pékin pour une poignée d’avions d’entrainement disponibles ailleurs sur le marché.
Mis en service au début des années 2010, le système russe de défense anti-aérienne moyenne portée Pantsir-S1 s’est très vite présenté comme un redoutable adversaire pour n’importe quelle force aérienne. Particulièrement complet, mobile et économique à l’achat, le Pantsir-S1 pouvait être acheté en grande quantité et représenter une petite bulle de protection contre tout vecteur aérien : avion, drone, missiles, hélicoptères.
C’est en tout cas ainsi que son concepteur, le bureau d’étude KBP, a longtemps présenté le Pantsir S1, héritier d’une longue tradition de systèmes de défense aérienne mobiles. Ces derniers mois, cependant, les réalités opérationnelles sont venues rattraper le discours commercial. Largement engagé en Syrie et sur le théâtre d’opération libyen, le Pantsir S1 a rencontré récemment un redoutable adversaire : le drone tactique turc Bayraktar TB2.
Le drone Bayraktar TB2 est capable d’embarquer différents types de munitions guidées légères. Son efficacité en Syrie et en Libye serait due à une utilisation intensive de systèmes de guerre électronique utilisés en soutien aux missions de frappe anti-Pantsir
Conçu au début des années 2000, le système Pantsir-S1 est l’héritier du célèbre 2K22 Tunguska. Au cours des années 1970, les forces soviétiques ont entrepris de remplacer leurs non moins célèbres canons de 23 mm ZSU-23-4 par un système de défense aérienne basé autour d’un calibre de 30 mm plus puissant.
Comme le ZSU-23-4, le 2K22 Tunguska est un système d’artillerie mobile basé généralement sur un châssis chenillé. Cependant, le 2K22 Tunguska innove à l’époque en intégrant, en plus de ses canons de 30 mm, huit missiles antiaériens de courte portée (8 à 10 km). Particulièrement répandu en Union Soviétique et auprès de ses alliés, le Tunguska est un véritable succès commercial et opérationnel.
Avec le Pantsir-S1, l’industrie de défense russe a cherché à réitérer ce succès, en améliorant encore les performances du système tout en conservant le concept initial. Ainsi, le Pantsir-S1 est à nouveau un système de défense aérienne mobile autonome, intégrant sur un unique véhicule des pièces d’artillerie de 30 mm, des missiles anti-aériens et les capteurs radars et optiques nécessaires à leur mise en œuvre.
Disponible sur véhicule chenillé, le Pantsir-S1 est plus souvent proposé sur une base de camion d’origine russe ou, dans le cas des systèmes émiratis, allemande. Cependant, contrairement au 2K22 Tunguska, le Pantsir embarque jusqu’à douze missiles antiaériens capables de frapper à plus de 20 km de distance, et jusqu’à des altitudes de plus de 15000 mètres. Doté de deux double canons de 30 mm pour les engagements à courte distance et d’un radar à antenne électronique couplé à un système électro-optique, le Pantsir S1 est en théorie un système redoutable contre tout type de menace aérienne.
Pourtant, les forces turques semblent avoir particulièrement mis à mal le Pantsir-S1 à partir de simples drones tactiques de conception assez classique, confirmant ainsi les premiers résultats obtenus par la force aérienne israélienne qui avait détruit plusieurs Pantsir-S1 en recourant à des munitions vagabondes.
D’un poids d’environ 600 kg, le drone turc Bayraktar TB2 est un drone de reconnaissance armé relativement lent capable de voler à une altitude de 8000m sur de très longues périodes. Embarquant un armement léger composé de micro-bombes guidées MAM-L et MAM-C, il présente des performances relativement similaires au MQ-1 Predator américain, depuis longtemps remplacé par le MQ-9 Reaper plus performant.
Tir de missile depuis un système Pantsir-S1. Plusieurs véhicules de ce type, se protégeant les uns les autres, sont nécessaires pour assurer une protection efficace du théâtre des opérations
Malgré ces capacités modestes, les Bayraktar TB2 semblent avoir remporté de nombreux succès tactiques face aux Pantsir-S1, pourtant conçus pour abattre facilement ce type de drones lents et peu maniables. Plusieurs raisons sont avancées pour ce succès des drones turcs :
D’une part, la question de l’entrainement des équipages et des servants. Les opérateurs de drones turcs sont généralement des militaires bien formés, entrainés aux normes OTAN et maîtrisant bien leur matériel. En Syrie et en Libye, les servants des Pantsir-S1 semblent avoir commis de nombreuses erreurs facilement évitables, laissant penser qu’au moins une partie des opérateurs étaient des miliciens peu expérimentés, ou des militaires n’ayant pas eu le temps de se familiariser avec leurs systèmes avant d’être déployés au combat.
D’autre part, l’utilisation tactique des Pantsir-S1 semble laisser à désirer. Comme le Tunguska avant lui, le Pantsir a été conçu pour être utilisé au sein d’un réseau de défense aérienne coordonnée. Concrètement, il est nécessaire d’opérer simultanément plusieurs systèmes Pantsir-S1 capables de se couvrir mutuellement, notamment lors des phases de déplacement, lorsque le système est particulièrement vulnérable. En effet, une grande partie des camions paraissent avoir été détruits lors de phases de transit ou sur leurs emplacements de parking, radars éteints, sans qu’aucun autre Pantsir n’ait été déployé pour protéger ces cibles faciles.
Au final, il semble que les Bayraktar TB2 aient été aidés dans leurs missions par le déploiement de systèmes de guerre électronique KORAL. Développé par le Turc ASELSAN, le KORAL est un détecteur et brouilleur de radar mobile embarqué à bord de camions. Il aurait servi à brouiller les radars des Pantsir-S1 en activité afin de faciliter l’approche des Bayraktar, mais aurait également permis de détecter les périodes d’inactivité des radars adverses dans le but de frapper les Pantsir au moment le plus opportun.
De nombreuses images ont été diffusées, montrant la destruction des Pantsir et les véhicules incendiés au sol. Des photos de Bayraktar abattus ont également été diffusées en Syrie et en Libye
Pour autant, les drones Bayraktar eux-mêmes sont bien loin d’être indestructibles, et ont connu également de lourdes pertes face aux Pantsir-S1, notamment. Néanmoins, les succès tactiques turcs et israéliens confirment qu’un système tout-en-un particulièrement complexe peut être mis à mal par des drones tactiques, des drones suicides ou des munitions ultra-légères.
Comme bien souvent, les performances sur le papier comptent bien moins que l’ingéniosité tactique. De plus, dans une guerre d’attrition comme celle qui se déroule dans le ciel libyen, une nation capable de produire ses propres vecteurs, comme la Turquie, disposera toujours d’un avantage considérable face à un groupe belligérant dépendant de ses alliés ou de ses fournisseurs étrangers pour emporter la supériorité aérienne.
L’affaire avait été annoncée assez tôt durant la crise du Covid-19 : les Armées françaises seront mises à contribution pour relancer l’économie nationale. Le Ministère des Armées est en effet un des plus gros investisseurs français, et achète principalement des équipements conçus et fabriqués en France et en Europe. C’est particulièrement le cas du secteur aéronautique, qui a fait l’objet de déclarations gouvernementales dans la journée d’hier.
Si la filière aéronautique devrait disposer d’un plan de relance de 15 milliards d’euros, près de la moitié sera consacré au soutien de l’activité de Air France/KLM, qui alimente une grande partie du secteur aéronautique civil. Plusieurs milliards seront également investis dans des fonds de soutien aux PME, la R&D, des primes incitatives pour l’achat d’avions neufs ou encore la préservation des compétences industrielles. Enfin, environ 600 millions d’euros seront consacrés à des commandes anticipées d’équipements militaires. Des annonces qui semblent aller dans le bon sens, mais qui manquent toutefois d’ambition sur certains points.
Jusqu’à présent, 12 A330 MRTT avaient été confirmés pour l’Armée de l’Air, les trois derniers restant en option. Il est désormais confirmé que que quinze appareils équiperont l’Armée de l’Air à terme.
Concernant l’Armée de l’Air, les grandes lignes du plan de relance correspondent à ce qui avait été demandé par le chef d’état-major de l’Armée de l’Air, le général Lavigne, et que nous avions rapporté il y a quelques jours. Ainsi, les trois derniers avions-ravitailleurs Airbus A330 MRTT Phénix seront bien commandés en avance de phase, permettant à l’Armée de l’Air de disposer, à terme, de quinze MRTT au lieu des douze initialement envisagés. Outre les vieux ravitailleurs KC-135, les nouveaux Phénix remplaceront également les avions de transport Airbus A310 et A340, permettant d’unifier la flotte autour d’un unique modèle multifonction.
De plus, il est également confirmé que huit hélicoptères H225M Caracal, construits par Airbus Helicopters dans le sud de la France, viendront remplacer autant de Puma à partir de 2023. A l’origine, l’Armée de l’Air souhaitait louer vers 2025 entre douze et vingt H225 Super Puma pour remplacer sa douzaine de Puma en fin de vie. Finalement, elle disposera de ses propres machines, même s’il conviendra de compléter ce parc par de nouvelles acquisitions à la fin de la décennie. Comme pour les avions de transport Airbus, l’achat de H225M supplémentaires permettra d’harmoniser la flotte d’hélicoptères de l’Armée de l’Air, cette dernière disposant déjà de H225M pour ses opérations de sauvetage notamment.
L’Armée de l’Air devrait bien recevoir huit H225M Caracal supplémentaires, permettant de remplacer une partie seulement de ses Puma à partir de 2023
Pour Airbus Helicopters, l’autre bonne nouvelle se situe auprès de la Gendarmerie Nationale, qui devrait recevoir une dizaine d’hélicoptère H160 afin de commencer le remplacement de certains AS-350 Ecureuil. Pour la Gendarmerie, il s’agira d’un véritable saut capacitaire, étant donné les performances du H160. Avec cette annonce, le nouvel hélicoptère moyen de Airbus trouve un nouveau client étatique en France, après que le H160M Guépard ai été sélectionné pour équiper l’Armée de l’Air, la Marine Nationale et l’Armée de Terre. Parallèlement à l’acquisition de H160, deux nouveaux H145 (anciennement EC-145) seront achetés pour la Sécurité Civile, afin de compenser partiellement la perte de quelques appareils ces dernières années.
Enfin, 100 millions d’euros seront consacrés à l’acquisition d’un système de reconnaissance ALSR supplémentaire auprès de Thales, ainsi qu’à la livraison anticipée de drones pour la Marine Nationale. Dans un premier temps, la communication du Ministère des Armées laissait entendre que l’accélération des programmes de drones allait concerner à la fois le système SDAM (Système de Drone Aérien de la Marine) et le SMDM (Système de Mini-Drone Marine). Dans un premier cas, le SDAM est un programme de drone de surveillance à longue portée géré conjointement par Naval Group et Airbus. Basé sur un petit hélicoptère de 700kg, il devrait équiper l’ensemble des navires de premier rang de la Marine à l’horizon 2030. Dans le second cas, le SMDM devrait être un petit drone à voilure fixe d’une quinzaine de kilogrammes, capable d’être mis en œuvre à partir de patrouilleurs dépourvus de capacités aéronautiques. Aux dernières nouvelle, le site Mer & Marine, toujours bien informé, annonce que les commandes en avance de phase ne concerneront que le SMDM, porté par la PME Survey Copter, et non pas le SDAM qui conservera son calendrier de développement particulièrement peu ambitieux.
Le drone Aliaca de Survey Copter a déjà été testé par la Marine Nationale à bord de patrouilleurs. En anticipant la commande des SMDM, le Ministère des Armées s’assure que la PME drômoise sera en mesure de survivre à la crise économique qui s’annonce durable pour le secteur aérien
Ces principales annonces concernant la filière aéronautique militaire soulèvent néanmoins plusieurs problèmes. D’une part, en particulier pour les programmes de l’Armée de l’Air, rien n’indique que ce « plan de relance » serve réellement à relancer une quelconque activité industrielle. En effet, étant donné la crise que traverse à la fois les compagnies aériennes et l’industrie pétrolière off-shore, il y a fort à parier que les A330 et les H225 commandés seront des appareils déjà en cours de production, voire des « queues blanches », terme désignant des avions ou des hélicoptères déjà achevés mais sans client attitré pour le moment. En somme, ces commandes seraient sans doute bénéfiques pour la trésorerie d’Airbus, comme le rappelle Jean-Marc Tanguy sur son blog, mais ne contribueraient pas à relancer l’outil industriel durant la sortie de crise !
D’autre part, certains de ces équipements ne profiteront pas directement à l’industrie française. Ainsi, les A330 devront être envoyés en Espagne afin d’être transformés au standard MRTT, ce qui ouvre la possibilité que les trois derniers Phénix soient livrés, dans un premier temps, uniquement en version transport. L’avion léger de surveillance et de renseignement ALSR, s’il est doté d’une suite électronique intégrée par Thales, est également basé sur un King Air 350 de conception américaine. Enfin, si les H160 de la Gendarmerie sont effectivement assemblés à Marignane, les H145 destinés à la Sécurité Civile sont produits par la branche allemande d’Airbus Helicopters.
La commande de H160 pour la Gendarmerie est une excellente nouvelle pour Airbus Helicopters, qui risque de souffrir gravement d’une double crise économique et pétrolière.
Enfin, et malgré les requêtes du général Lavigne en ce sens, le plan de relance ne mentionne pas directement certains acteurs essentiels du paysage aéronautique de défense, notamment Dassault Aviation, qui va très gravement souffrir de la crise sur les avions d’affaire. L’accélération des commandes de Rafale, ou des annonces au sujet des avions de patrouille maritime, aurait pu apporter un peu d’oxygène à ce fleuron de l’industrie aéronautique française. Pour Dassault Aviation, mais aussi pour Safran, la situation est d’autant plus délicate que l’avenir de leur branche militaire dépend avant tout du programme SCAF, et donc des volontés politiques communes de Paris et de Berlin.
Le missilier MBDA semble aussi bien absent des communications du Ministère des Armées. Comme pour Dassault Aviation, il est sans doute considéré que le seul maintien des programmes actuels, sans réduction des commandes, est déjà en soit un effort louable de la part du gouvernement. Pourtant, avec les réductions de commandes export à venir, la filière missile française pourrait fortement souffrir dans les années à venir, avec notamment une annulation prévisible de certains programmes multinationaux.
Dans les semaines à venir, il est possible qu’un plan de relance naval soit annoncé, ce qui pourrait bénéficier au missilier MBDA
Au final, pour MBDA, l’espoir pourrait naître à travers un autre projet de relance, celui de l’industrie navale. En effet, comme le rappelle Laurent Lagneau, l’état-major de la Marine Nationale demande depuis des années à ce que l’on reconstitue son stock stratégique d’armements lourds. Une telle démarche permettrait non seulement de maintenir l’activité dans la filière armement française, mais également d’améliorer l’entrainement et la préparation opérationnelle des unités de la Marine. En France, les principaux besoins porteraient sur le missile antinavire Exocet, le Missile De Croisière Naval, les missiles de d’interception antiaérienne Aster 15 et Aster 30 voire, dans une moindre mesure, le missile de protection à courte portée Mistral 3, tous produits par MBDA. Une telle démarche pourrait également profiter à Naval Group qui pourrait placer des torpilles lourdes F21 supplémentaires.
Le gouvernement néo-zélandais a récemment confirmé l’acquisition de cinq avions de transport C-130J Super Hercules auprès de l’avionneur américain Lockheed Martin. Entre 2024 et 2025, ces cinq appareils de nouvelle génération viendront remplacer les cinq C-130 Hercules actuels qui ont été livrés en Nouvelle-Zélande dans les années 1960.
Pour l’armée de l’air néo-zélandaise, ce dossier était une priorité depuis plusieurs années. En effet, depuis le retrait des chasseurs A-4 Skyhawk et l’annulation du contrat pour l’acquisition de chasseurs F-16 en 2000, la Royal New Zealand Air Force ne dispose plus d’avions de combat. Equipée exclusivement d’hélicoptères, d’avions de transport, d’avions d’entrainement et d’avions de patrouille maritime, la RNZAF conduit principalement des opérations humanitaires, du sauvetage en mer, du contrôle maritime, de missions logistiques et, plus ponctuellement, du soutien à des opérations spéciales ou à la lutte anti-piraterie.
Comme les Hercules actuels, les Super Hercules néo-zélandais participeront surtout à des opérations humanitaires dans la région Asie-Pacifique, mais aussi en Nouvelle-Zélande même, régulièrement frappée par des tremblements de terre ou des tempêtes.
Avec l’achat de C-130J, la RNZAF devrait améliorer marginalement ses capacités logistiques, le Super Hercules disposant de nouveaux moteurs, d’une meilleure autonomie et d’une plus grande capacité d’emport. Les C-130J néo-zélandais seront également à même de collaborer au mieux avec les appareils de ce type utilisés par l’armée de l’air australienne, très proche de la RNZAF.
Avant l’annonce de la sélection du C-130J l’année dernière, certains observateurs avaient estimé que la Nouvelle-Zélande aurait tout intérêt à sélectionner un autre compétiteur, comme le brésilien KC-390 disposant d’une plus grande autonomie, ou encore le A400M européen, plus cher mais permettant à la RNZAF d’améliorer drastiquement ses capacités de transport stratégique. Sans aviation de combat, la contribution néo-zélandaise à la sécurité régionale dépend considérablement de ses moyens logistiques, qui restent malheureusement limités avec le C-130J, malgré la recrudescence de menaces militaires et de catastrophes humanitaires dans la région Asie-Pacifique.
Néanmoins, la capacité de frappe néo-zélandaise pourrait bien connaître un renouveau spectaculaire dans les années à venir à travers sa flotte d’avions de patrouille maritime. En effet, pour remplacer ses Lockheed P-3C Orion, la RNZAF a fait le même choix que l’Australie et a opté pour l’acquisition de quatre Boeing P-8 Poseidon. Or, depuis quelques mois, l’US Navy travaille à l’intégration de nouveaux armements sur ses P-8A Poseidon. Outre des missiles air-mer de très longue portée et des mines sous-marines de dernière génération, le P-8 pourrait intégrer d’ici quelques années des bombes à guidage GPS, des missiles de croisière air-sol ou des bombes miniatures à guidage autonome.
Si le C-130J apportera uniquement des améliorations marginales aux C-130 actuels, le P-8 sera considérablement plus performant que les P-3 actuellement utilisés par la RNZAF
Concrètement, pour peu que Wellington en fasse la demande, la RNZAF pourrait très bien accéder à tout ou partie de ces nouveaux équipements, les Poseidon livrés en Nouvelle-Zélande et en Australie étant similaires à ceux de l’US Navy. Cela permettrait alors à la Nouvelle-Zélande de renouer avec une capacité de combat air-sol, mais surtout de disposer de capacités de frappe à très longue portée jusqu’alors inédites pour le pays. Enfin, un P-8 Poseidon déployé dans le cadre d’une opération multinationale, notamment pour la lutte contre la piraterie, serait parfaitement capable de frapper des cibles légitimes à terre, sans avoir à recourir à d’autres moyens de la coalition.
Les récentes décisions néo-zélandaises, à la fois sur le Poseidon et le Super Hercules, montrent donc une réelle volonté de modernisation et un investissement important apporté aux capacités aériennes du pays. Financièrement et politiquement, Wellington n’est cependant pas encore prête à assumer un réel renouveau de ses capacités offensives. Pour le moment, la RNZAF reste donc avant tout une force de sécurisation régionale ayant adapté ses moyens matériels à ceux de son principal partenaire, l’Australie.
Dans les prochaines années, les plus gros chantiers de modernisation de la défense néo-zélandaise porteront surtout sur la marine. A partir du début des années 2030, cette dernière va devoir remplacer ses deux patrouilleurs océaniques de classe Protector (2000 tonnes) et ses deux frégates de type Anzac (3500 tonnes). Un marché qui devrait intéresser la totalité des chantiers navals mondiaux, notamment les producteurs asiatiques et européens. Ainsi, lors de la cérémonie de découpe de la première tôle de la frégate FDI française, à Lorient, l’ambassadrice néo-zélandaise à Paris était présente, montrant que les premières approches sur ce dossier ont déjà commencé.
GE Aviation a annoncé avoir livré au mois de Mai le premier réacteur F414-400K en Corée du Sud. Une première série de 15 F414 doit en effet être livrée d’ici la fin 2021 afin de servir à propulser les six prototypes du futur chasseur furtif sud-coréen, le KF-X, dont le premier vol est attendu pour 2023. Développé par Korea Aerospace Industries (KAI), le KF-X doit remplacer les derniers F-5 Tiger II et F-4 Phantom II encore en service dans la Republic of Korea Air Force (RoKAF).
Les moteurs de General Electric sont des habitués des programmes coréens. En effet, le F414 est un dérivé plus moderne et plus puissant du F404, le moteur qui équipe la famille Golden Eagle, un monoréacteur de conception coréenne utilisé comme avion d’entrainement d’avancé, avion d’attaque au sol et chasseur léger, selon la version. Bien plus ambitieux, le futur KF-X sera biréacteur et présentera des formes furtives. Il présentera une configuration et des performances assez proches du TF-X conçu en Turquie, ou de l’AMCA prévu en Inde, également propulsé par une paire de F414. A bien des égards, le F414 a su s’imposer au fil des années comme le moteur de référence pour de très nombreux programmes d’avions de nouvelle génération.
Sur cette vue en image de synthèse, on distingue nettement la disposition semi-encastrée des missiles METERO sous le fuselage. Même avec un armement externe, le KF-X devrait rester un appareil particulièrement discret
Dans les années 1970, General Electric conçoit le moteur F404 pour le nouveau F/A-18 Hornet de l’US Navy. Mettant l’accent sur la fiabilité, les coûts de maintenance et la faible consommation plutôt que sur la puissance brute, le F404 devient rapidement une référence dans son domaine. Outre les Hornet de série, le F404 propulsera le démonstrateur français Rafale A ainsi que les avions expérimentaux X-29 et X-31. Il sert également de base pour la propulsion de toute une génération de chasseurs légers monoréacteurs, du F-20 Tigershark (programme américain abandonné) au LCA Tejas indien, en passant par le Gripen du suédois Saab et, bien entendu, le T-50 Golden Eagle coréen et ses dérivés. Plus récemment, le moteur a également été sélectionné pour motoriser le Boeing T-7 Red Hawk, l’équivalent américain du T-50 Golden Eagle.
Pour propulser le Super Hornet, variante alourdie et agrandie du Hornet, l’US Navy se tourne une nouvelle fois vers General Electric. Le motoriste développe alors le F414 à partir du F404 et des technologies développées pour le F412, le réacteur du programme abandonné de bombardier naval A-12 Avenger II. Par rapport au F404, le nouveau moteur développe une poussée de 10 tonnes au lieu de 8 tonnes. Tout comme il a équipé la variante agrandie du Hornet, le F414 a été logiquement sélectionné pour propulser la version alourdie du Gripen, le Gripen E/F. En Inde, le moteur est prévu pour équiper le LCA Tejas Mk2, plus lourd que le Tejas Mk1 actuel, et a été également sélectionné pour propulser le biréacteur AMCA ainsi que le projet d’avion naval TEDBF, aussi hypothétique soit-il.
En Inde, le F414 s’est imposé à bord de tous les projets aéronautiques, malgré les fortes ambitions du français SAFRAN sur place. Le chasseur furtif AMCA ainsi que les TEDBF/ORCA sont tous proposés avec une paire de F414, tandis que le moteur de GE a déjà été sélectionné pour propulser les variantes avancées du LCA Tejas.
En Corée du Sud, également, la longue présence de General Electric auprès de la force aérienne et de l’industriel KAI justifie pleinement la présence du F414 à bord du KF-X. Ce nouveau chasseur coréen, bien plus ambitieux que le précédent Golden Eagle, offre une configuration originale. En effet, si sa silhouette démontre l’importance accordée à la furtivité de l’appareil, ce dernier n’emportera pas son armement en soute. En effet, si les soutes à missiles permettent de préserver la discrétion radar d’un avion, elles augmentent également son poids et son volume, limitant de facto ses performances.
Pour les missions de supériorité aérienne, le K-FX emportera son armement principal dans des logements semi-conformes sous le ventre, ce qui limite l’impact négatif sur la signature radar. On notera d’ailleurs que cet armement ne sera vraisemblablement pas composé de missiles AMRAAM américains mais de missiles METEOR européens, nettement plus performants et en train de s’imposer comme une nouvelle référence à l’international. Pour les missions air-sol, l’armement sera embarqué de manière classique sous voilure. A l’exception des moteurs et de l’armement, l’avionique sera en grande partie conçue en Corée du Sud. S’il tient ses promesses, l’avion sera largement supérieur à tout ce que pourra lui opposer la Corée du Nord, et restera un redoutable adversaire face à une opposition chinoise par exemple.
Par rapport au F-35 doté d’un unique –mais gigantesque– moteur et de soutes à armement, le KF-X disposera d’un profil beaucoup plus fin, d’une puissance similaire et donc de performances dynamiques bien supérieures.
Ainsi, si le KF-X ne se présentera pas comme l’équivalent du F-35 en matière de furtivité et de capacités de pénétration, il offrira un excellent compromis en matière de prix et de performances, notamment pour les missions de supériorité aérienne. Environ 120 appareils sont pour le moment prévus pour la RoKAF, mais KAI espère pouvoir placer son appareil sur le marché export d’ici la fin de la décennie. Initialement, l’Indonésie devait ainsi contribuer au développement de l’appareil à hauteur de 20%, mais il semble que Jakarta ait déjà plusieurs paiements de retards et que la planification à long terme de la force aérienne indonésienne soit pour le moment dans les limbes. Pour l’heure, le principal marché à l’exportation pour le Golden Eagle s’est situé en Asie (Thaïlande, Indonésie, Philippines), avec une percée remarquée au Moyen-Orient (Irak).
Avec son futur biréacteur semi-furtif aux performances proches de celles du Rafale ou du Super Hornet, KAI espère rester présent sur le marché Asie-Pacifique mais aussi séduire de nouveaux clients au Moyen-Orient et en Amérique du Sud. Pour General Electric, il s’agira d’une véritable opportunité supplémentaire, et bien plus sérieuse sur le long terme que les programmes indiens au développement bien plus chaotique.
Conséquence directe de la crise du Covid-19 qui frappe l’Europe depuis mars dernier, nombre d’économies européennes doivent faire face à des situations budgétaires extrêmement préoccupantes, au premier chef desquels les Pays-Bas, puissance économique terriblement dépendante du commerce mondial, qui envisage désormais de réduire la voilure quant à ses dépenses de défense. Une décision qui pourrait avoir un effet boule de neige sur d’autres pays de l’OTAN, qui redoute déjà les conséquences budgétaires de la crise du Covid-19 sur l’ensemble de ses membres.
Il paraît aujourd’hui peu probable, au regard des propos de la ministre de la Défense Ank Bijleveld rapporté par le quotidien national De Telegraaf, que le gouvernement néerlandais remplisse ses obligations en matière budgétaire à l’endroit de l’Alliance. En effet, au lendemain de la crise de Crimée provoquée par la Russie en mars 2014, La Haye s’était engagée aux côtés de ses partenaires transatlantiques, lors du sommet du Pays de Galles (Royaume-Uni), à porter ses dépenses de défense à hauteur de 2% de son PIB et ce, d’ici à 2024. Bien que déjà difficilement atteignables – du propre aveu du Premier ministre néerlandais Mark Rutte – les objectifs déclarés du Royaume batave en matière de défense sont sur le point d’être balayés par la crise sanitaire qui frappe le continent, mettant à mal les efforts notables du pays engrangés ces cinq dernières années.
Dans le cadre de la modernisation de leurs forces aériennes, les Pays-Bas ont fait l’acquisition conjointe avec le Luxembourg de deux Airbus A330 MRTT (Multi Role Tanker Transport), en remplacement des McDonnell Douglas KDC-10 vieillissants de la Royal Netherlands Air Force. Acquis via la Support and Procurement Agency (NSPA), ces deux appareils seront placés sous le commandement de l’OTAN, bien que les deux Etats acquéreurs puissent jouir de droits exclusifs d’utilisation. D’autres A330 MRTT, exploités par la Norvège, l’Allemagne, la Belgique, devraient également être basés aux Pays-Bas sous le même commandement de l’OTAN.
Au regard des données collectées par l’OTAN relatives aux dépenses de défense de ses Etats membres, le budget consacré par l’Etat néerlandais à ses forces armées n’a eu de cesse de progresser de 2015 à 2019, passant de 7.8 à plus de 10 milliards d’euros (en prix constant de 2015), soit une hausse supérieure à 30% sur cette même période. Cette augmentation significative des dépenses de défense correspond à un nouvel élan dans la modernisation et le renouvellement des équipements néerlandais puisque la part des dépenses consacrées à ce poste n’a cessé de croître de 2015 (11.16%) à 2019 (23.09%), s’inscrivant de fait au-dessus du seuil des 20% prônés par la directive OTAN de 2014. Néanmoins, il convient de relativiser les efforts de La Haye au regard de la part des dépenses de défense en terme de PIB, avoisinant péniblement les 1.30% en 2019 (contre 1.13% en 2015). A noter enfin que le dernier Livre blanc néerlandais de 2018 prévoyait de maintenir le budget défense à son niveau de 2019, soit un taux en part de PIB oscillant entre 1.25 et 1.30%, bien éloigné donc de la norme des 2% consentie par les dirigeants bataves en 2014.
Bien qu’en demi-teinte, force est de reconnaître que les efforts de La Haye s’orientaient indéniablement dans la bonne direction, qui plus est pour un pays ayant depuis longtemps remis les clés de sa sécurité à son allié américain. Les Pays-Bas ont notamment maintenu une participation active de leurs troupes au sein d’opérations dirigées par l’OTAN, à l’instar de celles menées en Afghanistan (Inherent Resolve), en Irak (Resolute Support) ou bien encore en Lituanie (Enhanced Forward Presence). Or, une baisse de la participation néerlandaise au budget de l’Alliance pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur la participation du pays aux opérations internationales mais également sur les programmes de coopération qu’il mène avec la Belgique – dont les forces navales sont étroitement intégrées avec celles des Pays-Bas – mais aussi et surtout avec l’Allemagne, avec laquelle La Haye s’est engagée dans un processus de rapprochement capacitaire en 2016 dans le cadre du Framework Nation Concept (FNC).
Une intégration progressive des forces néerlandaises et allemandes a commencé à se faire jour dès 2015, notamment par la mise en place d’une division blindée commune mais aussi par la constitution d’une unité de réaction rapide conjointe de 13.000 hommes. Il convient par ailleurs de souligner que ce mouvement d’intégration a été initialement motivé par des questions de restrictions budgétaires. Ainsi, bien que pouvant potentiellement menacer une intégration accrue des forces néerlandaises avec celles de ses voisins, la crise du Covid-19 pourrait, au contraire, accélérer cette dynamique intégratrice qui n’en serait pas moins pertinente pour rapprocher davantage les perceptions stratégiques des Etats européens, une caractéristique qui leur fait encore aujourd’hui cruellement défaut.
Long de 204 mètres sur 30 mètres de large pour un déplacement avoisinant les 27.800 tonnes, le bâtiment néerlandais HNLMS Karel Doorman, dédié au ravitaillement en mer mais aussi à la projection de forces et de matériels sur des théâtres extérieurs, illustre bien ce haut degré de coopération sous-tendu par l’accord germano-néerlandais : les deux marines se partagent l’emploi du navire. En contrepartie, Berlin a accepté de placer sous commandement néerlandais le Seebataillon de la Deutsche Marine, fort de 800 hommes (plongeurs, nageurs de reconnaissances, démineurs).
Enfin, pour bien saisir les fondements d’une telle décision si elle venait à être officialisée, il convient de comprendre le contexte géo-économique des Pays-Bas. De par son contact avec la mer du Nord ainsi que sa position géographique privilégiée à l’embouchure du Rhin, le pays est la principale porte d’entrée commerciale de l’Europe : le port de Rotterdam est la première place portuaire européenne. Plus de la moitié du PIB national est généré par le commerce international et l’économie néerlandaise est ainsi pleinement tournée vers l’exportation avec plus de 40% de sa production expédiée à l’étranger (produits chimiques, produits pharmaceutiques, information, agro-alimentaire, etc.). Du fait de cette forte dépendance au commerce mondial, l’économie néerlandaise, à l’instar de ce qu’elle a pu vivre en 2008, risque d’être fortement impactée par la crise économique qui se profile en Europe.
Ainsi, bien que membre fondateur de l’OTAN, traditionnellement réputés « atlantistes » et faisant de l’Alliance la « pierre angulaire » de leur politique de défense, les Pays-Bas, par leur probable retrait de la norme des 2%, signeraient le recul de leurs ambitions en matière de défense mais en un sens, mettraient également un terme aux atermoiements des dirigeants bataves en actant la faiblesse d’une stratégie de sécurité et de défense qui ne s’était, jusqu’alors, jamais vraiment assumé comme tel. Enfin, par cette décision, La Haye pourrait ouvrir la voie à d’autres de ses partenaires, soucieux de préserver une partie de leur économie au détriment de leurs forces armées, et donc de la sécurité collective du continent. A titre de comparaison, la crise économique de 2008 a eu un impact déterminant sur les politiques fiscales et budgétaires des pays européens, entraînant un déclin matériel et humain des forces armées européennes qui les ont laissé, dès lors, totalement impuissantes face à la crise ukrainienne de 2014. Réduire aujourd’hui les budgets de défense européens constituerait une grave erreur d’appréciation à l’heure où les défis sécuritaires, à la lumière d’un ordre mondial qui résulte d’un nouveau type de tensions globales et de polarisation entre l’Est et l’Ouest, n’en sont pas moins immenses qu’hier.
L’Inde est connue pour la complexité et la lenteur de ses programmes aéronautiques de défense. Dans un précédent dossier, nous sommes notamment revenu sur l’incroyable feuilleton MRCA, qui promet depuis plus de vingt ans de moderniser la force aérienne indienne et qui pourrait encore connaître plusieurs années de retards catastrophiques. Dans un tel contexte, l’Indian Navy était plutôt apparue comme un bon élève ces dernières années, avec des achats d’aéronefs pertinents et des livraisons relativement rapide, y compris pour les hélicoptères et les avions de patrouille maritime.
Malheureusement, la croissance rapide de l’aéronavale indienne a fini par entrainer irrémédiablement l’Indian Navy dans les maelstroms politiques qui entourent l’industrie aéronautique nationale. Dans un contexte de crise économique et de mise en avant du « Make In India », les arguments de l’Indian Navy en faveur d’une acquisition rapide d’avions bimoteurs étrangers a fini par se retourner contre elle. En effet, d’après des sources indiennes, l’Agence pour le Développement Aéronautique (ADA) du Ministère de la Défense aurait officiellement lancé le développement d’un nouvel avion naval bimoteur, le TEDBF (Twin Engine Deck-Based Fighter).
Le TEDBF est également proposé à l’Indian Air Force, sous la désignation ORCA. Mais l’IAF peine a accepter de financer un tel projet, alors même qu’elle dispose déjà de Rafale plus performants, d’un programme MMRCA 2 plus prometteur, et d’un projet furtif AMCA plus ambitieux.
Les lecteurs de Meta-Defense se souviendront de cet acronyme, apparu pour la première fois en début d’année. Proposé conjointement par l’ADA et HAL, le constructeur aéronautique national, le TEDBF a été imaginé sur les cendres du Tejas-N Mk2, la variante navale améliorée du petit chasseur national Tejas. Prévu dès les années 1990 pour armer les porte-avions légers indiens, le Tejas Naval a connu autant de déboire que son grand frère équipant l’Indian Air Force. Avec plus de quinze ans de retard, le Tejas-N (ou NLCA, pour Naval Light Combat Aircraft) a commencé ses essais en mer en début d’année. Pourtant, dès 2016, l’Indian Navy a clairement annoncé à son constructeur HAL qu’elle ne souhaitait plus se doter de cet appareil. Trop petit, sous-motorisé, disposant d’une endurance trop faible et d’un armement trop léger, le Tejas-N n’est tout simplement plus du tout adapté au contexte militaire régional. En effet, le petit chasseur n’est tout simplement pas en mesure de s’opposer aux chasseurs embarqués chinois J-15, tout en ne disposant d’aucune allonge pour menacer les forces pakistanaises.
Dans un tel contexte, l’Indian Navy a donc entrepris de lancer un nouvel appel d’offre pour 57 chasseurs bimoteurs étrangers capables d’opérer aussi bien depuis les actuels porte-avions équipés de tremplins qu’à partir du troisième porte-avions indien, prévu pour être doté de catapultes. En théories, les choix technologiques effectués sur ce 3e porte-avions, l’INS Vishal, devaient assurer l’acquisition de chasseurs navals occidentaux, en l’occurrence le Rafale M français ou le Super Hornet américain. Après avoir sélectionné sans problème l’avion de patrouille P-8 de Boeing, puis des hélicoptères d’origine américaine, l’Indian Navy espérait pouvoir mener cet appel d’offre rapidement et sans ingérence politique. Mais c’était sans compter sur la crise économique et le nationalisme industriel local.
En effet, en 2019, l’économie indienne connaissait déjà un frein à sa croissance, accentué par la crise mondiale du coronavirus. Dès lors, le programme de troisième porte-avions doté de catapulte est vite apparu comme un symbole facile à sacrifier pour le pouvoir politique, d’autant plus que son annulation permettrait de diminuer les besoins en avions embarquer, en navires d’escorte et en sous-marins, tous extrêmement coûteux. Avec la crise du coronavirus qui vient s’ajouter à ces premiers troubles, le discours nationaliste s’est rapidement emparé des questions industrielles de défense, aidé en cela par l’industriel national HAL, qui connaît de très grandes difficultés pour assimiler les transferts de technologies effectués par des industriels occidentaux.
Le Rafale M est plus performant que le TEDBF, et déjà disponible sur étagère. Sa construction sur place serait tout aussi avantageuse pour l’Inde sur le plan économique, tout en permettant de nouveaux transferts de technologie. Enfin, l’avion français serait compatible avec les futurs prote-avions CATOBAR de l’Indian Navy. Mais il n’offrirait pas de charge de travail à HAL, particulièrement proche du ministère de la défense.
Ainsi, alors même que Boeing et surtout Dassault Aviation s’avéraient prêts à assembler et produire sur place les 57 avions de combat proposés à l’Indian Navy, l’ADA et HAL semblent avoir profité de la crise actuelle pour promouvoir une solution 100% indienne, mais également 100% illusoire. En effet, le TEDBF se présente comme une variante bimoteur alourdie du Tejas-N, lui offrant plus de puissance et donc de performances. D’un poids en charge d’environ 25 tonnes, et propulsé par deux moteurs F414 (les mêmes que ceux du Super Hornet, ou que celui qui est proposé pour le Tejas-N Mk2), le TEDBF serait doté d’une voilure delta et de plans canards. Il serait capable d’embarquer six missiles air-air, serait équipé d’un radar AESA, et devrait pouvoir embarquer à bord des deux premiers porte-avions indiens. Sa charge utile serait de 9t, et sa vitesse maximale de Mach 1,6.
En somme, le TEDBF se présente donc comme une sorte d’équivalent indien au Rafale, sans avoir la polyvalence ou les capacités opérationnelles de ce dernier. Une situation d’autant plus ubuesque que le Rafale M pourrait parfaitement être assemblé en Inde, et être disponible très rapidement. Pour l’ADA et HAL, le seul avantage du TEDBF serait donc d’être construit par HAL, plutôt que par l’industrie privée indienne. Or, rappelons que l’échec du contrat MMRCA en 2012 était dû avant tout au fait que HAL s’avérait incapable techniquement d’assembler localement la centaine de Rafale destinés à l’Indian Air Force.
Pour rajouter encore au ridicule, en échange d’un financement d’environ 1 milliard $, l’ADA promet un premier vol de ce nouvel appareil en 2026, et une mise en service vers 2030. Un délai absolument illusoire pour n’importe quelle puissance aéronautique, et totalement ridicule pour HAL. En effet, d’ici 2026, il est déjà peu probable que le Tejas Mk2 puisse être opérationnel, alors même qu’il ne s’agit que d’une variante améliorée du Tejas Mk1 qui a lui-même mis plus de 13 ans à être pleinement opérationnel après son premier vol. Si l’ADA met en avant le fait que le TEDBF sera basé sur le Tejas-N pour justifier un développement rapide, il faut bien voir que la remotorisation d’un avion et son changement d’échelle en font littéralement un nouvel appareil, et pas une simple modification du concept initial.
Lancé il y a déjà 10 ans, le Tejas Mk2 ne devrait pas faire son premier vol avant 2023-2025, alors même qu’il ne s’agit que d’une évolution du Mk1 actuellement en service. Le développement d’un bimoteur naval dans un délai deux fois plus court semble parfaitement illusoire aujourd’hui.
A bien des égards, l’Indian Navy a donc été prise à son propre piège. En mettant en avant le Rafale et le Super Hornet au détriment d’un avion national inadapté à ses besoins, elle a permis au Ministère de la Défense de justifier le développement d’un équivalent national, même si l’option sera financièrement irréaliste. L’ADA et HAL chercheraient déjà à impliquer l’Indian Air Force dans le projet, afin de permettre un volume de production rentable, bien que cette dernière préfère son programme d’avion furtif national. Etant donné qu’il y a peu de chance que le TEDBF puisse être opérationnel avant, au mieux, une quinzaine d’année, le programme risque surtout de ralentir considérablement les projets d’acquisition de l’Indian Navy, qui sera sans doute contrainte d’accepter le Tejas Mk2 et d’annuler son appel d’offre international. Une bonne affaire toute relative pour l’industrie indienne dans son ensemble, qui perdra les transferts de technologie promis par Dassault ou Boeing, et sans aucun doute une catastrophe opérationnelle pour l’Indian Navy, dont l’aéronavale pourrait être définitivement déclassée au niveau régional.
En mars dernier, le responsable des acquisitions de l’US Air Force, Will Roper, avait annoncé devant le Congrès américain que l’USAF souhaitait arrêter la production de drones MQ-9 Reaper à partir de 2022. Comme nous l’avions expliqué dans un article détaillé à l’époque, cet arrêt prématuré des livraisons de Reaper devrait permettre de financer une nouvelle famille de drones plus ou moins complexes capables de reprendre à la fois les missions ISR (renseignement, surveillance, reconnaissance) et les opérations de frappe au sol actuellement dévolues aux Reaper, tout en étendant le spectre des missions pouvant être confiées à des systèmes aériens non-pilotés (UAS).
Aujourd’hui, un premier pas a été effectué en direction de cette nouvelle famille de drones militaires. Le 3 juin, l’USAF a en effet publié une demande d’information (RFI – Request For Information) auprès des différents industriels américains. Dans un premier temps, le RFI devrait permettre d’identifier les solutions technologiques disponibles sur le marché, et celles pouvant être amenées à devenir matures dans les années à venir. Avec le Reaper actuel, l’USAF maîtrise déjà les aspects opérationnels et logistiques liés à l’utilisation de drones MALE (moyenne altitude longue endurance), et connaît les limites de ce type de plateformes. Dans le cadre du RFI, l’USAF va donc se focaliser sur la question de l’autonomie des drones, sur l’intelligence artificielle, le machine learning, l’ingénierie numérique et les systèmes de mission ouverts.
Si l’USAF cherche déjà un remplacement au Reaper, son constructeur General Atomics continue de promouvoir sa dernière variante, le MQ-9B Sky Guardian. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’une plateforme classique de ce type constitue l’un des membres de la future famille de drones de l’USAF.
MQ-9 Reaper : un drone mythique en fin de vie
Dans les grandes lignes, le RFI publié correspond assez bien aux déclarations de Will Roper en début d’année. En effet, l’USAF étudie désormais toutes les possibilités offertes à la fois pour un futur système ISR et pour des missions de frappe à longue distance. Des solutions de modernisation des moyens existants pourraient également être envisagées, en y intégrant notamment de nouvelles technologiques telles que l’intelligence artificielle ou la maintenance prédictive. Si rien ne permet de deviner dès aujourd’hui ce que seront les futurs drones MALE américains, tout porte à croire en tous cas que le MQ-9 Reaper connaîtra plusieurs remplaçants.
Successeur du MQ-1 Predator, le MQ-9 Reaper est un drones MALE monomoteur de hautes performances. Conçus selon des standards militaires exigeants, il est conçu pour mener des opérations ISR sur de longues durées et dans des conditions climatiques très rudes, tout en pouvant embarquer de lourdes charges utiles sous ses ailes. Cela inclut notamment des bombes et des missiles, faisant du Reaper le principal drone de combat au monde. Enfin, ses capteurs optiques sont conçus pour opérer à très longue distance, de jour comme de nuit, ce qui augmente considérablement leur coût d’acquisition et de maintenance.
Capable d’emporter une lourde charge, et conçu selon une approche semi-furtive, le MQ-9 reste un drone coûteux à produire et à entretenir. Certains de ces successeurs devraient être conçus selon une approche civile plus abordable, et disposant de performances suffisantes pour les missions les moins exigeantes.
En conséquence, le Reaper s’annonce assez coûteux à l’achat comme à la mise en œuvre. Pourtant, il est principalement utilisé par les USA et leurs alliés dans le cadre de conflits de basse ou très basse intensité, notamment en Afrique ou au Moyen-Orient. Dans ce cadre-là, le Reaper apparaît souvent comme un outil tactique coûteux, sachant que le taux de pertes sur ces engins monomoteurs reste assez élevé, même sans opposition militaire. A l’inverse, pour les conflits de plus haute intensité, le Reaper s’avère mal adapté et trop peu performant. Face à un adversaire disposant de radars et de missiles sol-air de moyenne portée, le Reaper est très vulnérable en raison de sa faible vitesse, de son incapacité à réaliser des manœuvres d’évitement et de l’absence totale de systèmes d’autoprotection. Ses performances ne lui permettent donc pas de réaliser efficacement sa mission, d’autant plus que son prix élevé ne permet pas de prendre le risque de le sacrifier malgré tout.
Une famille de drones pour remplacer le Reaper
Trop cher pour les conflits de basse intensité, trop limité pour les conflits de haute intensité, le MQ-9 Reaper est véritablement le fruit des conflits des années 2000 et 2010. Pour répondre aux défis des années 2030, l’USAF souhaite donc disposer d’une famille d’engins plus spécialisés mais in fine moins coûteux. Ainsi, pour les opérations ISR, les forces américaines pourraient opter pour des UAS dérivés de drones commerciaux, ou bien conçus selon des normes civiles moins exigeantes, et donc moins coûteuses. Ces drones seraient alors idéals pour les opérations de basse intensité, les opérations de renseignement, la surveillance des frontières ou des espaces maritimes. Ils pourraient être optionnellement armés, même s’il est probable que leur charge utile soit alors bien plus réduite que celle du Reaper et se rapproche plutôt de celle du Predator. Leurs capteurs, surtout, pourraient être issus de l’industrie civile et présenter une approche modulaire. Au lieu d’une unique suite de détection polyvalente et coûteuse, il serait ainsi possible de changer facilement la charge utile pour l’adapter à chaque mission (jour/nuit, capteur optique ou radar, etc.)
Un premier programme de remplacement du Reaper avait été annulé en 2012. Le Avenger de General Atomics se présentait comme l’une des options les plus sérieuses pour un drone MALE moins autonome mais plus furtif, plus rapide et mieux adapté aux combats de haute intensité. Un drone de ce type pourrait répondre aux besoins les plus exigeants pour les combats de haute intensité.
Pour les opérations de plus haute intensité, deux options se présenteraient. Pour les opérations les plus critiques, menées dans la durée, des drones mieux protégés, plus rapides et furtifs pourraient mettre en œuvre des charges utiles particulièrement complexes et coûteuses. Ces UAS adopteraient sans doute un profil de vol bien différents des drones MALE actuels afin de maximiser leur espérance de vie au combat. Enfin, pour les opérations ISR et les missions de frappe ponctuelles dans des environnements à risque, l’USAF pourrait opter pour un drone « attritable », ou sacrifiable. Il s’agirait donc d’une plateforme relativement classique dans sa conception, mais que l’USAF pourrait se permettre de perdre au combat sans que cela ne représente une grosse difficulté financière ou logistique. Il ne s’agit pas pour autant d’un drone consommable, puisqu’il resterait conçu pour pouvoir opérer de multiples missions. Mais on peut imaginer que sa construction resterait simple et rudimentaire, que ces capteurs ne seraient pas particulièrement coûteux et qu’il n’embarquerait pas de technologies sensibles risquant de finir entre les mains de l’ennemi.
Avance américaine, retard européen
Cette approche de l’US Air Force est intéressante à plus d’un titre. D’une part, elle fait écho aux solutions développées par l’industrie chinoise depuis de nombreuses années. En effet, incapable de maîtriser la conception de longues pièces de matériaux composites avec la même efficacité que l’industrie aéronautique américaine, l’industrie chinoise a très tôt choisie de concevoir des drones MALE rustiques et faciles à opérer, même s’ils nécessitent un remplacement régulier de la voilure ou du moteur par exemple. Il en résulte alors des UAS non seulement abordables pour l’utilisateur, mais également faciles à remplacer en cas de perte accidentelle, ce qui explique leur succès commercial au Moyen-Orient, y compris auprès des clients traditionnels des USA ! Contrairement à ce qui se fait en Chine, l’approche américaine découle d’un choix opérationnel plutôt que d’une contrainte technique mais pourrait conduire à certains choix similaires, avec notamment des plateformes MALE peu coûteuses, des drones bimoteurs plus lourds et mieux adaptés aux opérations de haute intensité, ainsi que des drones plus rapides, volant plus bas, pour la réalisation de frappes en zones contestées.
Plusieurs modèles de drones MALE chinois armés ont été vendus en Afrique et au Moyen-Orient. Ils offrent une capacité peu coûteuse et suffisamment performante pour les conflits de moyenne intensité.
D’autre part, le volontarisme américain et le focus qui semble fait sur les technologies autour des plateformes, plutôt que sur les drones eux-mêmes, offre un contraste saisissant avec la situation catastrophique du projet de drone européen Eurodrone, ou RPAS 2020. Alors que des nations aéronautiques de second ou troisième rang comme la Turquie, Israël, l’Indonésie, l’Italie ou l’Afrique du Sud arrivent à développer indépendamment des solutions MALE crédibles, voire très efficaces, le projet Eurodrone mené conjointement par l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne semble définitivement resté bloqué au point mort. Aux dernières nouvelles, la proposition des industrielle reste toujours au moins 2 milliards € au-dessus du budget maximal alloué par les quatre pays. En cause, une différence fondamentale de point de vue entre les besoins allemands et ceux des autres pays, la France en tête. Tandis que l’Allemagne souhaite un MALE bimoteur coûteux mais très sécurisé afin de pouvoir surveiller sans risque son propre territoire, l’Armée de l’Air française souhaite au contraire un drone moins cher, à la logistique plus simple. Les RPAS français devront en effet pouvoir être déployé régulièrement dans des zones de conflit, où les pertes seront probablement inévitables. En quelque sorte, la France –mais aussi dans une moindre mesure l’Italie– souhaite un drone MALE performant mais suffisamment abordable pour que la perte d’un ou deux appareils ne soit pas une catastrophe financière.
Contrôlé par l’Allemagne, son principal investisseur, l’Eurodrone se présente aujourd’hui comme un lourd système aérien bimoteur doté d’une avionique de pointe conçue pour offrir une sécurité maximale dans l’espace aérien européen. Autant de systèmes coûteux qui sont bien moins indispensables pour les opérations maritimes ou les déploiements en opérations extérieures prévus par la France ou l’Italie.
Pour autant, quelle que soit la forme qui sera adoptée pour l’Eurodrone, il y a fort à parier que le futur drone européen sera particulièrement mal positionné sur le marché international. Arrivant avec plus de trente ans de retard par rapport aux solutions américaines et israéliennes, l’Eurodrone ne sera probablement rien de plus qu’une plateforme de haute technologie dotée de capteurs et d’armements de haute performance. Comme le Reaper, l’Eurodrone –même dans une éventuelle variante monomoteur– sera probablement trop cher, trop précieux, trop lent et trop peu protégé pour être risqué dans des conflits de moyenne ou de haute intensité. Dans le même temps, il n’apportera probablement pas de réelle plus-value en opérations extérieures par rapport à des drones MALE turcs, chinois ou israéliens vendus pour une fraction seulement du prix de l’Eurodrone.
Ainsi, même si les quatre participants réussissaient à se mettre d’accord sur une formule technique commune, tout porte à croire que le RPAS 2020 (qui aura du mal à être disponible sur le marché avant 2030, ironiquement) ne sera en aucune manière un succès commercial à l’exportation. Une solution plus simple et moins ambitieuse, associée à une offre de service cohérente comme le propose Leonardo avec son Falco Xplorer, pourrait sans aucun doute être développée plus rapidement par un ou deux partenaires partageant la même vision opérationnelle des drones MALE. S’il existe sans doute une place pour les drones MALE lourds et bimoteurs, comme le souhaite l’Allemagne, cela ne sera probablement qu’un marché de niche. Si l’Europe souhaite exister sur un marché des drones MALE en pleine modernisation, elle ne pourra le faire qu’en s’inspirant des best-seller américains, israéliens et chinois, et pas en présentant sa propre version alourdie des drones MALE conçus dans les années 2000.
Alors que l’épidémie de coronavirus fait encore rage aux Etats-Unis, le pays connait depuis plusieurs jours une intense crise sociale, qui menace de dégénérer en crise constitutionnelle selon la gestion qui en sera faite à la Maison Blanche. En effet, depuis le meurtre de George Floyd par un policier, le 25 mai dernier, les manifestations pacifistes réclamant une égalité des droits pour tous les citoyens américains se multiplient dans la plupart des grandes villes américaines. En marge de ces dernières, des émeutes et des affrontements plus violents avec les forces de l’ordre ont également conduit plusieurs villes et états à imposer un couvre-feu et à recourir à l’utilisation de la Garde Nationale, y compris dans le district de Washington.
De telles manœuvres n’ont rien d’exceptionnelles dans le contexte américain, où les militaires de la Garde Nationale sont régulièrement appelés à renforcer les dispositifs de la police, des pompiers ou de la sécurité civile, que ce soit en cas de crise ou de catastrophe naturelle. Il est cependant bien plus rare de voir émerger une demande d’intervention de l’armée régulière. C’est pourtant ce que menace de faire Donald Trump, particulièrement inquiété par les manifestations ayant eu lieu à proximité de la Maison Blanche, et qui propose de faire intervenir l’armée sur le sol américain, en vertu de l’Insurrection Act de 1807. Or, le déploiement de militaire d’active à des fins de police inquiète au plus haut niveau. Au point que le Secrétaire à la Défense Mark Esper a publiquement rejeté cette hypothèse. Plus symbolique encore, le très respecté et d’ordinaire très silencieux général Jim Mattis, ancien secrétaire à la défense de Donald Trump, s’est fendu d’une tribune dénonçant la gestion calamiteuse de la situation par l’administration Trump, et le danger que représente l’actuel Président pour le pays et la Constitution elle-même.
Le général Jim Mattis est resté dans l’administration Trump jusqu’en janvier 2019. Considéré comme un excellent élément par Donald Trump, il est fort logiquement désavoué depuis qu’il a dénoncé l’attitude du Président Américain un peu plus tôt cette semaine
Légalement, l’armée fédérale américaine ne dispose pas de l’autorisation d’intervenir sur le sol américain. Ce n’est cependant pas le cas de la Garde Nationale, une réserve militaire attribuée à chaque Etat des USA. Cette dernière dispose de prérogatives lui permettant de faire appliquer la loi, et donc d’agir en soutien à des forces de police sur la demande du Gouverneur de l’Etat. Pour l’heure, si certains Gouverneurs ont effectivement fait appel à la National Guard pour faire appliquer les couvre-feux et la sécurité sur le territoire, beaucoup refusent encore de faire intervenir autre chose que les forces de police, craignant un embrasement de la situation. Depuis 1807, cependant, il existe un Insurrection Act qui permet au gouvernement fédéral de Washington de réquisitionner l’armée régulière pour une intervention sur le territoire national, même sans accord du ou des Gouverneurs concernés. Au cours du siècle passé, l’Insurrection Act a surtout été utilisé pour réprimer certaines émeutes dans les années 1960, notamment suite à l’assassinat de Martin Luther King Jr., ou bien encore pour forcer les Gouverneurs à faire appliquer les lois anti-ségrégation. Enfin, en 1992, l’armée fédérale est intervenue aux côtés de la Garde Nationale de Californie pour contrer les émeutes de Los Angeles, à la demande du Gouverneur.
Ces derniers jours, le Président Trump a cependant cherché à faire appliquer l’Insurrection Act de 1807 non pas avec l’accord des Gouverneurs, mais comme une menace à leur encontre ! Pour Donald Trump, les Gouverneurs d’Etats devraient systématiquement appeler la Garde Nationale pour « dominer les rues », sans quoi il menace de déployer les troupes militaires pour « résoudre le problème à leur place ». Pire encore, l’Insurrection Act permettrait de faire passer le contrôle de la National Guard sous contrôle fédéral, court-circuitant le pouvoir local des Gouverneurs. Si le locataire de la Maison Blanche cherche sans doute par là à se présenter comme un homme fort, il fait au contraire preuve d’une grande faiblesse en laissant clairement exprimer ses propres inquiétudes suite aux débordements autour de la Maison Blanche et de ses propres déplacements.
Mais, surtout, en menaçant de contrevenir aux décisions des Gouverneurs, et en menaçant de faire usage de la force militaire contre une population qui, dans sa grande majorité, réclame une simple égalité de traitement de la part des institutions, Donald Trump continue sa politique de la division, plutôt que de l’unité. Au lieu de tenter de calmer les choses et de représenter l’ensemble du peuple américain, Donald Trump continue de diviser sa Nation et d’ostraciser une partie de la population, principalement dans le but de flatter sa base électorale qui, pourtant, lui a toujours été acquise.
Dans certains Etats, la National Guard a pu être déployée en soutien aux opérations policières, notamment pour l’évacuation des blessés
Pour le général Mattis, son ancien Secrétaire à la Défense et ancien général de l’US Marines Corps, c’est la goutte de trop. Après avoir quitté l’administration Trump, suite au désaccord sur la position américaine vis-à-vis de la Syrie, le général Mattis a toujours ostensiblement gardé le silence sur les questions de politique intérieure. Jusqu’à il y a deux jours, lorsqu’il a adressé une lettre à plusieurs journaux américains, afin d’avertir sur les dérives de la politique menée par la Maison Blanche. Il y dénonce avec véhémence la politique de division, unique dans l’histoire américaine, menée par Donald Trump. Mais, surtout, il rappelle le risque que l’Insurrection Act pourrait avoir sur le respect de la Constitution américaine elle-même. Or, comme le précise Jim Mattis, tous les militaires américains ne prêtent pas serment au Président, mais à la Constitution, et jure de la protéger contre tous ses ennemis, tant extérieurs qu’intérieurs.
Très respecté parmi la classe militaire, Jim Mattis est sans conteste un conservateur, ce qui ne l’empêche apparemment pas de faire passer ses valeurs et son respect pour la Constitution avant une quelconque notion de fidélité politique partisane. Comme à son habitude, Donald Trump a bien entendu balayé d’un revers de la main non pas les arguments de Mattis, mais l’homme lui-même, qu’il qualifie de général surcoté en réinventant l’histoire de la démission de Mattis l’année dernière.
Il n’empêche que la sortie de Jim Mattis pourrait bien être un coup dur pour la popularité de Donald Trump auprès des militaires, se rajoutant au scandale ayant entouré la mise à pied du capitaine Crozier en avril dernier. D’autant plus que, le jour même où la lettre de Mattis était publiée, l’actuel Secrétaire à la Défense Mark Esper annonçait qu’il ne soutenait pas la décision de Trump d’invoquer l’Insurrection Act, et que celui-ci ne pouvait être utilisé qu’en dernier recours. Deux jours plus tôt, Mark Esper était pourtant favorable à la demande du Président. Loin d’être modéré sur les questions de maintien de l’ordre, Esper avait en effet qualifié les rues américaines comme un nouvel espace de bataille devant être dominé par les forces armées, s’attirant immédiatement les foudres du Congrés et de certains hauts gradés américains.
De fait, le recul d’Esper sur la question de l’Insurrection Act est moins personnel qu’institutionnel. Si Mark Esper soutient sans doute la ligne de Donald Trump à titre personnel, il reste le porte-parole civil du Pentagone. Or, les généraux américains restent dans leur ensemble fermement opposés à une intervention sur le sol américain, qui serait la porte ouverte à une crise constitutionnelle majeure, voire à un nouveau conflit civil plus ou moins limité si des Gouverneurs venaient à contester l’ordre présidentiel.
En adoptant une attitude intransigeante, Donald Trump accentue les tensions entre militaires et civils, et pourrait bien perdre une partie du soutien électoral qu’apportent traditionnellement les militaires au Parti Républicain. A plus large échelle, l’attitude de Trump pourrait également avoir de très graves conséquences sur la crédibilité diplomatique américaine. En effet, comment est-ce que Washington pourrait faire entendre sa voix diplomatique auprès de la Chine à propos des émeutes de Hong Kong, par exemple, si les USA déploient leur armée nationalement simplement parce que le Président Trump a eu peur d’être bousculé par des manifestants à Washington DC ? En cas de second mandat de Donald Trump, la posture diplomatique des Etats-Unis pourrait être encore plus fragilisée, contribuant à renforcer le repli isolationniste entrepris par Washington depuis quelques années, principalement au détriment des alliés européens de l’OTAN.