samedi, décembre 6, 2025
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Le budget de la défense américain pourrait connaître d’importantes coupes budgétaires dans les années à venir

Alors que les États-Unis sont désormais au cœur de l’épidémie mondiale de coronavirus, de nombreux experts américains tentent d’envisager l’avenir du pays, notamment en matière de défense. Or, la plupart d’entre eux s’accordent à dire que le Département de la Défense (DoD) américain pourrait bien subir des coupes budgétaires sévères dans les prochaines années, comme nous l’avions évoqué récemment.

Ces analyses contrastent avec la situation actuelle, où le gouvernement fédéral injecte au contraire plusieurs milliards de dollars dans les industries de défense afin de stimuler ce secteur économique particulièrement stratégique. Cependant, alors que le déficit fédéral américain dépasse les 4000 milliards de dollars, tout laisse à penser que cette situation ne pourra pas durer. Que ce soit pour des raisons financières ou politiques, la défense américaine n’aura sans doute pas d’autres choix que de consentir à de nouvelles coupes budgétaires. Le cas échéant, cela pourrait alors entrainer d’autres pays alliés des USA à les suivre dans cette voie de la rigueur budgétaire, notamment en Europe.

thumb2 uss zumwalt ddg 1000 destroyer battleship united states navy Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Véritable gouffre financier, le DDG-1000 Zumwalt ne présente quasiment aucun intérêt opérationnel. Les programmes de rupture, ultra-technologiques et très dispendieux, restent fortement ancrés dans les mentalités du Pentagone, mais ne pourront probablement pas survivre à la décennie à venir

Comme partout ailleurs dans le monde, les USA sont aujourd’hui durement touchés par la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19, mais connaissent également un ralentissement économique historique encore aggravé par la chute des prix du pétrole. En raison de leur système de protection sociale minimaliste, les Etats-Unis affrontent ainsi frontalement cette double crise, et mettrons sans doute plusieurs années avec de retrouver les taux de chômage et le niveau des exportations du début de l’année. Pire encore, le déficit budgétaire pour l’année fiscale 2020 atteint désormais 4000 milliards de dollars et continue de se creuser au fur et à mesure que l’Etat fédéral apporte son aide dans la gestion de la crise actuelle. Pour rappel, en octobre dernier, le déficit de 2019 atteignait 1000 milliards de dollars, ce qui avait déjà inquiété de nombreux observateurs financiers qui craignaient que ne soit dépassé le record de 2010. Alors en plein cœur de la crise financière débutée en 2008, le déficit atteignait alors 1500 milliards $ par an. Pour 2020 et 2021, il était initialement attendu que le déficit s’établisse autour de 1000 milliards $, bien loin des 4000 milliards $ désormais projetés.

L’augmentation historique du déficit va donc logiquement accroître la dette du pays. Comme bien souvent, les conséquences exactes de la crise dépendront alors de différents éléments, dont des facteurs politiques. Notamment le résultat des prochaines élections présidentielles et législatives de novembre. Comme le rappelle Tod Harrison, spécialiste du budget du DoD au Center for Strategic and International Security (CSIS), les membres du Congrès très conservateurs au sujet des questions fiscales pourraient bien insister pour pousser à une réduction de la dette américaine. Ce qui, historiquement, passe par une réduction des dépenses militaires qui constituent selon les années le premier ou deuxième poste de dépenses de l’administration fédérale. Si rien n’est encore acté, et que de nombreuses voix s’élèvent pour préserver ce pan de l’économie américaine, la menace est tout de même prise très au sérieux.

Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Politiquement, l’US Navy est tenue à de profondes réformes pour tenir la promesse du président Trump de disposer de 350 navires de combat. Les besoins opérationnels réels sont pourtant bien plus modestes en nombre de coques (notamment en FFG/X), mais ne nécessitent pas forcément le développement de systèmes robotisés ultra-modernes.

Pour le moment, le département de la défense profite au contraire d’un accroissement de son budget, plusieurs milliards de dollars de crédits supplémentaires ayant été accordés afin de soutenir l’industrie de défense, mais également de couvrir les dépenses liées aux services de santé, à la Garde Nationale ou à la Réserve mobilisés dans le cadre de la pandémie. Au-delà des besoins immédiats, les armées américaines pourraient ainsi commencer à piocher dans leur liste de vœux non-financés publiée parallèlement au budget prévisionnel du Pentagone. De quoi imaginer que l’industrie de défense puisse être utilisée pour soutenir la relance de l’économie, comme cela a été proposé en France par la Ministre des Armées.

Cette hypothèse est cependant peu probable, puisqu’elle impliquerait de soutenir l’économie réelle par l’accroissement du déficit et de la dette, ce qui paraît inacceptable d’un point de vue politique. A l’inverse, dans un contexte de restriction budgétaire imposé par le Congrès, le gouvernement fédéral pourrait bien n’avoir pas d’autre choix que de réduire ses dépenses de défense. D’une part, il s’agit d’un poste de dépense particulièrement important, couvrant entre 3 et 4% du PIB, selon que l’on prenne en compte ou non les coûts liés aux vétérans. D’autre part, alors que de nombreux américains ne disposent toujours pas d’une couverture santé permettant un accès aux soins médicaux, il pourrait être politiquement extrêmement périlleux d’épargner le Département de la Défense à l’heure même où le pays se remettra d’une crise sanitaire historique.

Dans le meilleur des cas, comme le rappellent les experts, le DoD pourrait espérer maintenir son budget au niveau actuel. Mais, même alors, il deviendra sans doute impossible de finaliser la transition entamée depuis quelques années. En effet, après deux décennies de conflits asymétriques, les forces armées américaines sont en train de se réorganiser et de se rééquiper afin de se tenir prêtes à affronter un ennemi de premier rang, comme la Chine ou la Russie. Or, ces vingt dernières années, ces deux pays ont entrepris de développer des systèmes d’arme basés sur des technologies nouvelles (systèmes A2/AD, missiles hypersoniques, etc.) que les USA ne savent ni contrer ni reproduire massivement, faute d’investissement dans ces domaines. En cela, la crise économique actuelle arrive probablement au pire moment, quelques années seulement avant que les programmes de R&D américains ne permettent au Pentagone de disposer de ses nouveaux équipements.

HAWC hypersonique Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Afin de rattraper son retard, les USA multiplient les programmes d’armements hypersoniques. Certaines dépenses de R&D pourraient être réduites en fusionnant certains programmes

Au-delà des frontières américaines, les coupes budgétaires du DoD pourraient avoir un impact sérieux sur les pays européens de l’OTAN. En effet, au sein de l’Alliance Atlantique, les efforts de dépense sont calculés par rapport au PIB. Ainsi, il est demandé à ce que chaque pays dépense 2% de son PIB dans sa défense, sans qu’aucune mesure contraignante ne soit mise en place pour les pays ne souhaitant pas ou ne pouvant pas respecter ce seuil. Pour autant, la question reste au centre de tous les débats et a même servi à Donald Trump de moyen de pression sur ses alliés. Malheureusement, dans un contexte de récession voire de dépression économique, même un maintien relatif à 2% du PIB pourrait correspondre à une baisse de budget et de moyens dans l’absolu, pour peu que le PIB baisse lui-même d’année en année.

De plus, si le DoD venait à voir son budget réduit, de nombreux autres pays européens y verraient un signal politique, et auraient alors tendance à stopper également leurs efforts de défense entrepris notamment depuis l’annexion de la Crimée en 2014. En Europe, comme aux Etats-Unis, il reste encore très difficile politiquement d’expliquer le bien-fondé d’une défense, l’importance des dépenses publiques dans le maintien de l’activité économique, mais aussi la réalité de l’émergence de certaines menaces en Europe de l’Est et en Asie. En Europe de l’Ouest, beaucoup de choses vont donc dépendre des décisions qui seront prises aux USA mais aussi en Russie, où la crise pourrait contraindre à réduire également les dépenses de défense, réduisant d’autant la menace que représente le pays sur la sécurité de l’Europe.

Le programme de chasseur turc TF-X se poursuit malgré la crise sanitaire et les tensions diplomatiques

Malgré la crise sanitaire qui touche durement les industriels du monde entier, le programme de chasseur de nouvelle génération turc semble poursuivre son développement normalement. Son concepteur, Turkish Aerospace Industries (TAI) a ainsi récemment signé un accord avec la firme HAVELSAN basée à Ankara.

Entreprise publique, HAVELSAN est spécialisée dans le développement de logiciels et de systèmes informatiques et travaille principalement dans le secteur de la communication et de la défense. Dans le cadre du développement du TF-X, dont la maquette grandeur nature a été dévoilée au Salon du Bourget en 2019, HAVELSAN devra développer les environnements de simulation (simulateurs au sol et simulation embarquée à bord des chasseurs), des solutions d’ingénierie, des logiciels d’aide logistique ou encore des systèmes complets de cyber sécurité.

Si le président des industries de défense turques se veut rassurant sur le déroulé du programme, notamment vis-à-vis de l’épidémie de Covid-19, tout porte à croire à l’heure actuelle que le programme TF-X connaîtra de très sérieux retards dans les années à venir. En effet, même si l’industrie aéronautique turque s’est considérablement développée ces dernières années, elle n’est toujours pas capable de développer seule un avion de combat moderne. Ce qui n’empêche pas Ankara de voir le programme TF-X comme un tremplin lui permettant d’intégrer ce club très prisé qui ne comprend aujourd’hui que les USA, la Russie, la France et la Chine. Dans une moindre mesure, le Japon et le Royaume-Uni possèdent également les compétences théoriques pour une telle entreprise.

TF X au Bourget Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Le design du Turkish Fighter a été présenté au Salon du Bourget 2019. Il devrait être représentatif du premier appareil, qui pourrait sortir de chaîne vers 2023 ou 2025.

En effet, si le développement d’une cellule reste à la portée théorique de nombreux autres états (notamment la Suède, avec ses avions de combat Gripen, mais aussi Taïwan, l’Italie ou encore l’Allemagne qui dispose avec Airbus d’une capacité de développement bien réel), la capacité à développer une avionique, des commandes de vol et surtout des moteurs militaires modernes reste bien plus rare. Ainsi, alors que l’Inde produit ses propres avions LCA Tejas, ces derniers restent équipés de réacteurs américains, le programme de réacteur national Kaveri restant dans l’incertitude. Pour le moment, la Turquie se trouve également dans une position intermédiaire, avec des ingénieurs et des industries capables de produire une grande partie des équipements aéronautiques modernes, mais qui reste à la peine sur les sujets les plus complexes.

Pour mener à bien ce programme hautement stratégique, TAI a donc fait appel à des fournisseurs internationaux dès lors qu’une technologie était trop complexe ou trop coûteuse à développer localement. Fort logiquement, les industriels britanniques ont été particulièrement sollicités, dans le cadre d’accords qui arrangent les deux parties. En effet, si l’industrie aéronautique turque a besoin de transferts de technologies, les industriels britanniques restent encore très dépendants des marchés internationaux, faute de programmes d’avion de combat purement national autour duquel centraliser leurs compétences.

BAE Systems a été approché assez tôt, puisque l’industriel britannique a été désigné dès 2015 comme un partenaire du programme TF-X, un accord étant signé en 2017 afin de permettre à BAE d’aider TAI dans les étapes de design et de conception du futur chasseur. Initialement, Rolls Royce était également impliqué dans le programme, et devait fournir un réacteur dérivé du EJ200 équipant l’Eurofighter. Finalement, le motoriste britannique s’est éloigné du programme TF-X l’année dernière, et les premiers exemplaires du TF-X pourraient être propulsés par une paire de réacteurs General Electric F110 destinés aux F-16 de la force aérienne turque. Outre la motorisation, les contrôles de vol constituent également une technologie clé particulièrement complexe à maîtriser. Pour réaliser les logiciels des commandes de vol du chasseur, TAI a donc fait appel au français Dassault Systèmes, spécialiste mondialement reconnu pour la qualité de ses commandes de vol. Enfin, TAI a invité la Malaisie à rejoindre le programme TF-X en début d’année, les industries malaisiennes devant alors participer à la production de matériaux composites pour le TF-X.

Maquette du programme TFX Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Le TF-X ressemblera à la plupart des appareils de 5e génération.

Pour autant, depuis quelques temps, Washington tente de faire pression sur les différents industriels européens impliqués dans le programme TF-X pour les pousser à se retirer de leurs accords. Ces pressions américaines s’exprimaient initialement dans le cadre de l’acquisition de systèmes de défense anti-aériens russes S400 par Ankara, un achat qui a d’ailleurs entrainé l’arrêt des livraisons de chasseurs F-35 à la Turquie. Mais, après l’invasion par la Turquie du nord de la Syrie à l’automne dernier, les Etats européens ont appliqué unilatéralement leurs propres sanctions sur les programmes de défense turcs. Ce qui a ralenti la plupart d’entre eux, du char Altay au futur hélicoptère de combat lourd, en passant bien entendu par le TF-X.

Pour Ankara, la priorité diplomatique est donc au réchauffement des relations avec Washington, ce qui permettrait de relancer rapidement les principaux programmes de défense du pays. Toutefois, même en cas de normalisation des relations entre Washington et Ankara, rien ne permet d’affirmer que les industriels de la défense américains verront d’un bon œil l’arrivée d’un nouveau compétiteur capable de produire des systèmes bon marché aux normes OTAN. L’instabilité récente des liens entre la Turquie et les Etats-Unis d’une part et la Russie de l’autre semble ainsi avoir poussé Ankara à développer ses propres solutions technologiques, avec un effort particulier sur les systèmes de propulsion, aussi bien dans le secteur des sous-marins que des avions de combat ou des hélicoptères, dont l’exportation reste soumise à la législation américaine.

Les bombardiers B-1B Lancer de l’US Air Force sont de retour dans la région Asie-Pacifique

Le 16 avril dernier, les cinq derniers bombardiers B-52H de l’US Air Force présents sur l’île de Guam décollaient pour leur base de Minot, Dakota du Nord. En rapatriant ses bombardiers, le Global Strike Command de l’US Air Force mettait fin à seize années de déploiement continu (Continuous Bomber Presence) dans le Pacifique, alors même que les tensions allaient grandissantes entre Taipei et Pékin.

Pour l’US Air Force, le retour planifié des B-52H Stratofortress devait marquer le début d’une nouvelle doctrine d’emploi des bombardiers stratégiques, le concept Dynamic Force Employment. Décidée en 2018, ce concept d’emploi prévoit de mettre fin aux déploiements permanents et aux rotations prévisibles des bombardiers lourds et de réaliser à la place des déploiements ponctuels sur des bases plus nombreuses, selon un rythme impossible à prévoir par l’adversaire. C’est donc dans ce contexte que quatre bombardiers supersoniques B-1B Lancer ont été déployés le 1er mai sur la base d’Andersen, sur l’île de Guam.

1098px B 1B at ground Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Les Lancer ne sont pas étrangers à la base Andersen de Guam. Celui-ci y a été photographié en 2003. Les B-1B n’étaient cependant plus revenus dans cette région du Pacifique depuis près de trois ans

Les atouts du B-1B Lancer

Par rapport au B-52H Stratofortress, le B-1B Lancer présente de nombreux avantages, mais aussi quelques inconvénients. Il est en effet bien plus complexe et coûteux à entretenir, et n’offre pas la même cadence opérationnelle que les vénérables B-52. Enfin, contrairement aux B-52, les Lancer ne peuvent embarquer d’armes nucléaires et sont pour l’instant dépourvus de pylônes d’armement externes pour les armements conventionnels les plus volumineux, même si cela pourrait changer dans les années à venir.

Pour tout le reste, cependant, les Lancer sont de formidables bombardiers. Ils disposent ainsi de la plus grande capacité d’emport en soute de l’US Air Force, et peuvent embarquer le missile de croisière antinavire furtif LRASM, là où les B-52 n’emportent que des Harpoon à la portée nettement plus réduite. Enfin, les B-1 sont plus furtifs et disposent d’une suite de guerre électronique plus performante.

JASSM largue dun B1B Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Les B-1B n’emportent pas encore d’armement externe, mais leurs soutes permettent d’embarquer des missiles de croisière JASSM et leur dérivé anti-navires LRASM.

En tout état de cause, la présence de B-1B dans la région Asie-Pacifique représente une force de dissuasion conventionnelle impressionnante, notamment vis-à-vis des capacités navales chinoises. Pour autant, les déploiements de B-1B dans le secteur s’étaient faits plutôt rares ces dernières années. Le dernier déploiement de Lancer à Andersen AFB remontait ainsi à 2017, année durant laquelle les mêmes B-1B avaient également été projetés en Australie. Cette faible présence des Lancer, pourtant bien adapté à ce théâtre d’opération, est principalement due aux problèmes de maintenance de l’appareil, que l’Air Force Global Strike Command entend résoudre en limitant les capacités opérationnelles de l’appareil, notamment pour le vol à très basse altitude et le vol supersonique.

Dynamic Force Employment

Sur le papier, le concept de Dynamic Force Employment (emploi de la force dynamique) consiste à maximiser l’imprédictibilité des déploiements militaires américains. Dans la pratique, cela consiste à limiter les positions fixes et à ne pas publier en détail les effectifs ou encore l’agenda des déploiements, notamment dans le cas des navires. Ce concept présente ainsi de nombreux avantages :

  • Il offre une plus grande flexibilité et liberté d’action aux unités, en évitant de mobiliser des moyens durant des périodes d’accalmie, alors que ces derniers auraient pu être plus utiles ailleurs.
  • Sur le plan logistique et opérationnel, ce concept améliore la culture des redéploiements rapides sur des bases avancées, ce qui sera probablement au cœur de la stratégie américaine en cas de guerre dans le Pacifique. Ainsi, les quatre B-1B déployés à Andersen AFB sont accompagnés de 200 aviateurs américains qui s’entraînent ainsi pour la projection de force, ce que ne permettait pas la Continuous Bomber Presence (CBP).
  • Surtout, le concept DFE permet de complexifier les mesures défensives adverses. En effet, si l’USAF alterne aléatoirement des déploiements à Guam, au Japon, en Australie et en Corée du Sud, par exemple, elle impose aux forces chinoises de préparer des plans défensifs contre ces quatre options, et empêche de planifier longtemps à l’avance une attaque sur les moyens permanents basés à Guam.
B 52 in maritime roles Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Deux B-52 déployés en 2018 dans le cadre du Coutinuous Bomber Presence à Guam.

Si on comprend bien l’intérêt d’un tel concept opérationnel dans une période de tensions continues avec la Chine, on peut également en relever les défauts bien réels :

  • En premier lieu, aussi efficaces que puisse être les déploiements aléatoires sur le plan militaire, ils ne permettent pas d’offrir les mêmes avantages diplomatiques que le CBP, qui représentait un parapluie dissuasif bien réel pour Taïwan. En effet, en cas de conflit, rien ne garantit à Taïwan que l’USAF disposera des ressources pour envoyer des bombardiers dans la mer des Philippines le moment voulu. Avec le DFE, le Global Strike Command troque ainsi des mesures de réassurance permanentes locales contre un peu plus de capacités de réactions globales, ce qui ne manque pas d’inquiéter les alliés dans la région Pacifique.
  • Enfin, sur le plan opérationnel, des déploiements ponctuels et aléatoires ne permettent pas de créer les mêmes liens de coopération avec les forces alliées sur place. Le personnel de l’USAF est mieux entrainé à la projection de force, mais il n’est pas en mesure de tisser les mêmes liens de confiance sur le long terme avec leurs homologues taïwanais, japonais, coréens ou australiens.

Dans l’idéal, il faudrait donc que l’USAF dispose de suffisamment de moyens pour garantir à la fois sa souplesse stratégique et sa capacité à appuyer les mesures de réassurance diplomatiques. Rien n’empêche d’imaginer que le Global Strike Command réserve une partie de ses avions pour les opérations de présence, tandis que le gros des bombardiers lourds continueraient à mener des déploiements ponctuels et aléatoires partout dans le monde.

B 21 Raider Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Pour le moment, la flotte de bombardiers stratégiques américains est en crise. L’arrivée du B-21 Raider dans les années à venir devrait permettre une nécessaire remontée en puissance

Cela demanderait cependant de dédier au moins 15 à 20 bombardiers stratégiques à cette mission, afin de toujours disposer de cinq ou six avions disponibles à Guam. Or, ces vingt bombardiers, l’USAF ne les a plus. Alors que les besoins opérationnels sont estimés à environ 200 bombardiers stratégiques, le Global Strike Command ne dispose plus que de 140 avions aujourd’hui, et l’USAF s’apprête à retirer du service 17 Lancer supplémentaires afin de réaliser des économies. Et les choses ne devraient pas s’améliorer avant encore une décennie, quand les nouveaux B-21 Raider entreront en service.

A bien des égards, tout autant que les atouts opérationnels du nouveau concept opérationnel du Pentagon, c’est bien cette pénurie de bombardiers lourds qui impose la fin des déploiements permanents.

Les futures frégates américaines seront des FREMM italiennes, et bouleverseront en profondeur les capacités de l’US Navy

Nous en parlions en fin de semaine dernière : le design de la FREMM italienne était en excellente position pour remporter l’appel d’offre FFG/X de l’US Navy, initialement prévu pour aboutir en fin d’année. C’est désormais chose faite ! L’US Navy a annoncé avoir sélectionné la proposition de Fincantieri Marinette Marine (FMM), dont le chantier naval est établi dans le Wisconsin, pour fabriquer les dix premières FFG/X.

Le choix de Fincantieri

Comme nous l’avions évoqué dans notre dernier article, la sélection de Fincantieri Marinette Marine a été justifiée par de nombreux facteurs. D’un point de vue politique, il paraissait vital de conserver une activité de construction navale à Marinette, dans le Wisconsin. Contrairement aux autres chantiers navals américains, situés dans des régions assez dynamiques économiquement sur les côtes Pacifique et Atlantique, le chantier naval de Marinette est situé dans le Nord du pays, dans la région des Grands Lacs particulièrement touchée par la crise économique de 2008.

De plus, le Wisconsin est considéré comme un Etat clé pour les prochaines élections présidentielles prévues pour le mois de Novembre de cette année. Outre la proposition de Fincantieri, qui a racheté le chantier naval de Marinette en 2009, Lockheed Martin aurait également pu se proposer comme un candidat naturel pour le programme FFG/X en offrant une frégate dérivée de son Littoral Combat Ship de classe Freedom, également construit à Marinette. Cependant, l’industriel américain a préféré se retirer de la compétition pour se concentrer sur d’autres programmes.

Fincantieri FFGX Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis

En prenant en compte les facteurs politiques, industriels et économiques, seul Austal avec sa FFG/X basée sur le LCS de classe Independence aurait pu faire de l’ombre au projet de Fincantieri. Malheureusement pour la société de Mobile, Alabama, le design de l’Independence, avec sa structure aluminium, ne semblait pas répondre pleinement aux impératifs de sécurité de l’US Navy pour FFG/X.

Au final, outre les considérations économiques et politiques, FMM s’est donc imposé grâce à un design bien plus mature et performant, et des coûts de construction particulièrement contenus. En effet, la première frégate produite à Marinette devrait coûter un peu moins de 800 millions $ à produire, là où l’US Navy prévoyait un montant maximal de près de 1,3 milliards $.

Les qualités du navire

Des quatre compétiteurs du programme FFG/X, la FREMM italienne était sans doute le choix le plus logique en matière de performances. En effet, la proposition de FMM était la seule à être basée sur un design de frégate polyvalente optimisée pour la lutte anti-sous-marine (ASM), ce que les FFG/X doivent être depuis le début du programme. Pour rappel, outre la proposition de Austal basée sur un navire de combat littoral, Huntington Ingalls présentait un dérivé de navire de patrouille des Gardes Côtes et General Dynamics s’appuyait sur la frégate espagnole F100, optimisée pour la lutte anti-aérienne.

Alvaro de Bazan 2014 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Les F100 espagnoles auraient sans doute pu constituer une bonne base pour les FFG/X. La perte d’une frégate norvégienne de conception espagnole a cependant jeté un doute sur le design des navires de Navantia, pourtant déjà exportés en Australie par exemple.

Des FREMM italiennes, les FFG/X devraient conserver le design général de la coque et la propulsion silencieuse, la capacité d’emporter nativement deux hélicoptères de type Seahawk (ou un hélicoptère et des drones MQ-8C), mais aussi la possibilité de déployer des sonars remarqués. Toutefois, si la FFG/X reprendra la coque de la FREMM et son agencement général, ses superstructures seront largement modifiées afin d’intégrer les capteurs et le système de combat qui sera directement fourni par l’US Navy, tandis que le design global sera alourdi pour répondre aux besoins de sécurité de la Navy.

Ainsi, les FFG/X devraient intégrer un canon de 57mm similaire à celui des LCS, là où les FREMM Italiennes embarquent un canon de 76mm ou de 127mm. Le canon arrière est également remplacé par système RAM capable de tirer 21 missiles RIM-116 de défense à courte portée. Là où les FREMM italiennes emportent seize missiles anti-aériens dans un système de lancement vertical SYLVER, les FFG/X seront dotées de trente-deux VLS Mk-41 capables d’emporter des missiles anti-aériens, des missiles de croisière Tomahawk ou des torpilles propulsées ASROC.

Contrairement aux FREMM, les FFG/X ne seront pas dotées d’un sonar fixe à l’avant du navire, mais disposeront d’une traine sonar et d’un sonar à profondeur variable déployé depuis la plage arrière. Une telle configuration pourrait limiter l’utilisation ASM en zone littorale, mais restera très efficace pour l’escorte de convois ou de groupes aéronavals, ce qui sera la mission première des FFG/X.

Freedom LCS Speed Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Le canon de 57mm ainsi que les missiles anti-navires NSM des LCS seront réutilisés sur les FFG/X. Les nouvelles frégates seront cependant bien différentes des LCS dans leur conception, et a priori bien moins coûteuses à entretenir.

Néanmoins, comme pour les FREMM italiennes et françaises, les FFG/X resteront fondamentalement des navires polyvalents. Les nouvelles frégates américaines seront ainsi dotée d’une variante allégée du radar AESA AN/SPY-6 qui équipera les destroyers Arleigh Burke Flight III. Là où les Burke sont équipés de quatre radars dotés de 37 modules chacun, le SPY-6 des FFG/X se composera de trois radar dotés de neuf modules. A priori, cet aménagement sera suffisant pour offrir aux FFG/X une bonne protection anti-missile, une capacité anti-aérienne locale et même une capacité de détection de périscopes de sous-marins. Il assurera également la détection de cibles navales à longue distance. Huit à seize missiles anti-navires NSM à longue portée devraient être embarqués à bord de chaque FFG/X.

Le renouveau des frégates américaines

Avec une silhouette ramassée et un radar situé assez bas sur la superstructure, les FFG/X ressembleront plus à des FREMM françaises qu’italiennes, mais ces trois conceptions resteront similaires dans leurs missions. Dans un premier temps, l’US Navy devrait acquérir dix FFG/X auprès de FMM, mais dix autres navires du même type ou d’un type équivalent pourraient être commandés assez rapidement, ce qui redonnerait une chance à Austal, General Dynamics, Huntington Ingalls et Lockheed Martin, mais peut-être aussi au Britannique BAE Systems qui cherche à placer sa Type 26. La FDI de Naval Group aurait sans doute également de quoi séduire l’US Navy, mais il lui manque un point d’appui industriel fort aux USA.

Pour l’US Navy, les FFG/X devraient permettre de retrouver vers 2026 une capacité de surface perdue depuis le retrait opérationnel des frégates Oliver Hazard Perry, en 2015, et que les LCS n’ont jamais réussi à combler. Conçues pour être deux fois moins chères que des destroyers, les frégates emportent cependant trois fois moins d’armement, pour un équipage seulement un tiers plus réduit. Sur le papier, les destroyers se présentent ainsi comme un meilleur rapport quantité/prix, ce qui a justifié en partie la fin des frégates dans l’US Navy.

O.H Perry Adelaide Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Les frégates O.H. Perry servent encore dans plusieurs pays, mais l’US Navy a retiré les siennes en 2015. En 2017, face au manque criant de frégates ASM, il a été envisagé d’en réactiver un certain nombre, mais l’idée n’a pas été suivie dans les faits.

Cependant, aussi armés et solides soient-ils, les Arleigh Burke n’ont pas le don d’ubiquité. Et, surtout, ils disposent de capacités anti-sous-marines bien moins performantes que celles rencontrées à bord des frégates européennes depuis plusieurs décennies. En se dotant à nouveau de frégates, qui plus est inspirées des FREMM franco-italiennes, l’US Navy va retrouver une véritable capacité d’escorte anti-sous-marine et antinavire. Les escorteurs anti-sous-marins étaient jugés indispensables pendant la Guerre froide, que ce soit pour protéger les porte-avions américains ou les convois de cargos alliés dans l’Atlantique Nord en cas de conflit. Avec la multiplication des forces sous-marines dans le monde, et le renforcement de la marine chinoise, l’utilité de tels moyens se fait à nouveau sentir aujourd’hui.

Dans un tel contexte, la configuration proposée pour les FFG/X semble parfaitement équilibrée, avec une capacité aéronautique élevée, un armement diversifié et d’excellents capteurs. Aptes au combat collaboratif, les FFG/X devraient également être les premiers navires américains conçus dès l’origine autour de capacités de guerre électronique offensives, grâce au système Electromagnetic Maneuver Warfare. Mieux encore, les turbines à gaz et les moteurs diesel du navire devraient permettre la production d’autant d’énergie électrique que les Arleigh Burke Flight III bien plus massives. De quoi permettre d’alimenter de futurs systèmes lasers ou rail-gun, si le besoin émergeait.

Le tout pour un prix contenu, et en se basant sur un design existant. Sans aucun doute, on est là face à une véritable révolution conceptuelle pour l’US Navy, qui nous avait habitué à des programmes onéreux et disruptifs, mais à l’utilité discutable, comme les LCS et les destroyers furtifs Zumwalt.

Les USA autorisent l’exportation d’hélicoptères de combat aux Philippines, malgré les tensions entre les deux pays

En fin de semaine dernière, le Département d’Etat américain a approuvé la vente d’hélicoptères aux Philippines, dans le cadre d’une procédure FMS (Foreign Military Sales). Comme bien souvent avec les FMS, cela ne présume pas forcément d’un futur contrat entre l’armée de l’air philippine et l’industrie américaine. En effet, les FMS sont souvent accordés par les autorités politiques alors que les négociations ne sont pas terminées, ce qui permet d’accélérer la vente et la livraison dans le cas où une vente ferme est signée ultérieurement.

Cette particularité administrative explique que les autorisations FMS portent sur deux offres très distinctes. L’une d’elle porte sur la vente de six hélicoptères Bell AH-1Z Viper pour un montant de 450 millions $. L’autre offre concerne six Boeing AH-64E Apache Guardian vendus pour un montant impressionnant de 1,5 milliard de $ ! De quoi laisser le choix à Manille, même si les hélicoptères américains ne sont pas les seuls en compétition aux Philippines. La différence de prix entre les Viper et les Apache tient en effet à plusieurs raisons.

Boeing / Bell : deux offres très différentes

En premier lieu, les offres ne portent pas sur le même contenu. Le soutien globale associée au Viper ne comprend ainsi qu’un minimum de pièces détachées (notamment deux moteurs de rechange et un système de navigation supplémentaire) et un pack d’armement symbolique (six missiles Hellfire, vingt-six roquettes à guidage laser APKWS). Les Apache, de leur côté, sont proposés avec six moteurs de rechange, 200 missiles antichars Hellfire et 300 APKWS, bien plus cohérents avec une utilisation opérationnelle. Ainsi, en cas de sélection du Viper, les Philippines devront négocier une autre vente pour la fourniture d’armements supplémentaires, alors que le montant total d’un contrat Apache pourra être renégocié à la baisse. En effet, le package « Apache » contient probablement bien plus de systèmes de navigation (quinze pour six hélicoptères) et de missiles air-air Stinger (200, soit autant que les Hellfire que l’Apache embarque pourtant en bien plus grand nombre). En l’état, cependant, la différence de contenu entre les deux offres d’armement ne doit sans doute pas compter pour plus de 100 millions de $.

AH 64E APACHE GUARDIAN Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Malgré son prix élevé, le Apache est un véritable best-seller sur le marché des hélicoptères de combat.

Pour comprendre pourquoi six AH-64 coûtent un milliard de $ de plus que six Viper, il convient de voir que les deux hélicoptères ne répondent pas aux mêmes besoins et n’ont pas les mêmes performances. Alors que le Viper est un hélicoptère de la classe des 8 tonnes, l’Apache est un appareil de 11 tonnes disposant d’une plus grande autonomie, d’un blindage renforcé et d’un canon plus puissant. Surtout, le Apache Guardian peut être équipé d’un radar Longbow implanté au-dessus de son rotor principal. Ce radar lui offre une capacité de détection multicible à très longue distance, par tous temps, que ce soit contre des véhicules terrestres ou des cibles navales. Une variante allégée du Longbow intégrée au support d’armement droit du Viper avait été proposée au lancement du programme, mais l’option n’a pas été retenue par les Marines, le principal client de l’AH-1Z.

Le AH-1Z, de son côté, découle d’une philosophie de conception similaire à celle du Tigre européen. S’il est plus léger, il est également plus maniable et plus discret. L’appareil est également moins complexe et donc plus économique à l’usage. Enfin, le principal argument de Bell repose sans doute dans le fait que la force aérienne philippine est déjà un excellent client du constructeur, puisqu’elle exploite déjà une quarantaine d’hélicoptères de transport de la gamme Huey (UH-1, Bell 205 et Bell 412). Enfin, deux hélicoptères d’attaque AH-1F Cobra ont été récemment acquis d’occasion auprès de la Jordanie, et pourront partager une partie des armements et infrastructures utilisés sur les Viper.

En tout état de cause, l’offre de Bell apparaît sans doute comme la plus séduisante pour les forces philippines. En effet, la somme de 1,5 milliards $ demandée pour les six hélicoptères Apache Guardian correspond à plus de la moitié du budget total du ministère de la défense philippin. De plus, les Apache Guardian seraient très probablement trop lourds pour répondre aux besoins de Manille. En effet, l’armée de l’air cherche surtout à disposer d’une plateforme de tir lourde pour épauler ses petits hélicoptères armés MD-520 dans les opérations anti-terroristes les plus complètes. Il semble donc que l’autorisation de vente FMS pour les deux modèles serve surtout à offrir à Manille la possibilité de réorienter sa stratégie de défense vers des moyens plus lourd, si nécessaire. Washington se prépare ainsi à toutes les possibilités, même si le Viper répond sans aucune doute le mieux aux besoins actuels des Philippines.

Bell AH 1Z Viper Helicopter Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Bien que nettement plus petit que le Apache Guardian, le Viper embarque un armement air-sol similaire comprenant des missiles Hellfire et APKWS. Cependant, là où les Apache de l’US Army emportent quatre missiles air-air légers Stinger, le Viper embarque deux Sidewinder bien plus puissants

Le T-129 turc en embuscade ?

Pour autant, une victoire commerciale américaine aux Philippines est encore loin d’être assurée. En effet, si Manille est l’un des principaux alliés de Washington dans la région depuis les années 1950, l’élection du président Duterte en 2016 a jeté un froid dans les relations entre les deux pays. Au point de remettre en cause, ces derniers mois, les principaux accords de coopération militaire entre les Etats-Unis et les Philippines.

Profitant de cet éloignement progressif, l’industriel turc TAI avait réussi à séduire les forces armées philippines avec son hélicoptère d’attaque léger T-129 ATAK, un hélicoptère d’attaque de 5 tonnes dérivé du A.129 Mangusta italien. Pour un montant de 250 millions de $ seulement, Ankara avait affirmé pouvoir livrer entre huit et dix hélicoptères d’attaque, si bien que le ministère de la défense philippin avait annoncé en décembre 2019 la sélection de l’hélicoptère turc. Entre-temps, il est cependant apparu que l’exportation du T-129 ATAK restait soumise au bon vouloir de Washington, qui contrôle l’exportation des moteurs de l’hélicoptère par le biais des procédures ITAR.

T 129 ATAK Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
T-129 ATAK exposé au Salon du Bourget. Bien plus léger qu’un Viper ou un Apache, le ATAK turc possède tout de même une bonne puissance de feu, pour un prix d’achat et d’exploitation assez réduit.

TAI a annoncé cherché des alternatives « ITAR free » pour pouvoir exporter son T-129, y compris en développant localement un nouveau moteur. Mais cela pourrait prendre des années, et les besoins philippins sont assez pressants. En offrant le Viper à un prix réduit, tout en acceptant d’offrir le Apache Guardian bien plus performant, Washington fait ainsi preuve de bonne volonté vis-à-vis de Manille, tout en coupant l’herbe sous le pied à la Turquie, dont l’industrie souffre toujours des sanctions imposées par le USA et leurs alliés suite à l’intervention armée contre les Kurdes de Syrie et d’Irak.

Rarement la vente d’une demi-douzaine d’hélicoptères aura impliqué un tel jeu diplomatique !

Le sous-marin nucléaire d’attaque Suffren débute ses essais en mer, avec quelques adaptations liées à l’épidémie de coronavirus

Au large de Cherbourg, le nouveau sous-marin français, le Suffren, a débuté sa campagne d’essais à la mer le 28 avril. Remorqué et escorté au large de Cherbourg, il y a effectué son premier appareillage et sa première plongée, une étape qui marque le début d’une campagne d’essais de plusieurs mois qui s’annonce particulièrement intense.

Officiellement lancé le 12 juillet en présence du Président de la République, ce premier sous-marin de type Barracuda n’a en réalité pas flotté librement avant le début du mois de février. Entre ces deux dates, le sous-marin a effectué plusieurs tests à l’air libre avant d’être mis en eaux, son réacteur a été rechargé en combustible nucléaire à l’automne dernier, permettant une première convergence (allumage) du réacteur au milieu du mois de décembre.

Suffren soleil Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Le Suffren lors de sa cérémonie de lancement en juillet 2019

Alors que la Ministre des Armées avait annoncé par erreur une première plongée le 2 février 2020, cette fois-ci est vraiment la bonne ! Au large de Cherbourg, le Suffren a été immergé pour la première fois, ce qui a sans doute donné lieu à la première pesée statique du bateau. Cette étape permet de vérifier la conformité entre les calculs du constructeurs et la réalité physique en pleine mer, et de s’assurer que le sous-marin est parfaitement stable lorsqu’il est en plongée.

Si un navire de surface dispose à la conception d’une réserve de flottabilité lui permettant de prendre un peu de poids durant sa construction, un sous-marin doit être parfaitement équilibré. Une fois en plongée, sa flottabilité « statique » (sans manœuvrer) doit être parfaitement nulle, ni positive (ce qui le ferait remonter tout seul) ni négative (ce qui le conduirait à couler irrémédiablement). Moteur à l’arrêt, un sous-marin en plongée doit ainsi avoir la même densité que l’eau elle-même afin de pouvoir tenir sa position sur de longues durées en toute discrétion. Il existe bien évidemment des manières de modifier la densité du navire, à travers des poids et ballastes, mais cela demande de connaître précisément les caractéristiques de référence du sous-marin, d’où l’importance cruciale des premières plongées.

suffren remorqueurs Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Plusieurs remorqueurs et pousseurs ont accompagné le Suffren pour sa première sortie en mer. Pour le moment, le sous-marin ne semble pas naviguer par ses propres moyens

Par la suite, les essais en mer devraient s’enchaîner rapidement dans les mois à venir. Des essais en eaux profondes seront peut-être effectués dans la Fosse des Casquets, non loin de Cherbourg, comme c’est souvent le cas pour les sous-marins français au neuvage. Il n’est cependant pas exclu que tous les essais en eaux profondes soient réalisés à partir de Brest, où le Suffren réalisera la seconde phase d’essais en mer, bien plus poussée que ceux menés jusqu’ici depuis le site du constructeur Naval Group à Cherbourg. Enfin, le Suffren sera transféré à Toulon, probablement à la fin de l’été, où il effectuera les essais de son système d’arme. D’après le communiqué de presse publié par Naval Group ce jour, la livraison du sous-marin à la Marine Nationale est toujours attendu pour la fin de l’année, afin de permettre son admission en service actif dès 2021, et ce malgré l’épidémie de coronavirus qui n’épargne ni la Marine Nationale, ni les activités de Naval Group.

Pour un nouveau sous-marin, qui plus est un premier de classe équipé d’une propulsion nucléaire, il s’agit d’un programme d’essais particulièrement chargé, mais aussi la preuve de la confiance portée par la Marine Nationale envers le concepteur du sous-marin, Naval Group. L’entreprise française dispose en effet d’une expérience continue en matière de développement de sous-marins, puisqu’elle alterne les programmes pour la France (sous-marins d’attaque et sous-marins lanceurs de missiles nucléaires) et pour l’exportation, avec le programme Scorpène. L’expertise de Naval Group, et la rigueur des essais et des simulations effectués à terre, devrait donc permettre une entrée en service actif moins de deux ans après le lancement du premier bâtiment. Ces délais, déjà particulièrement réduits, pourraient être encore plus courts pour les cinq autres navires de la classe Suffren, dont trois sont attendus avant 2025, et les deux suivants d’ici 2029.

suffren remorqueurs pousseurs Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Plusieurs remorqueurs et pousseurs ont accompagné le Suffren pour sa première sortie en mer. Pour le moment, le sous-marin ne semble pas naviguer par ses propres moyens

Bien évidemment, dans le contexte sanitaire actuel, des mesures exceptionnelles ont dû être prises afin de permettre la tenue des essais en mer sans danger pour l’équipage conduisant les tests. Ainsi, Naval Group nous apprend que les équipes industrielles, les marins et les membres de la DGA qui participent aux essais à la mer ont été mis en quarantaine préventive pendant quatorze jours avant le début des essais, et qu’ils ont également été soumis à des tests de dépistage.

Sur les images publiées par Naval Group et la Marine Nationale, on constate également que les marins à bord du Suffren portent des masques de protection. Enfin, le déroulement des essais à la mer a été adapté en réduisant d’environ 20% le nombre de personnes embarquées dans le Suffren pour ses premiers essais.

suffren masques 2 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Un effort particulier a été fait pour protéger l’équipage contre tout risque de contamination au Covid-19

A travers toutes ces mesures, on réalise l’importance stratégique de cette campagne d’essais, tant pour Naval Group que pour la Marine Nationale. Pour l’industriel français, une livraison à la fin de l’année 2020 serait un signal fort envoyé à ses clients actuels alors que la crise économique mondiale ralentit considérablement la plupart des activités industrielles, y compris dans le secteur de la défense. Surtout, la maîtrise du calendrier industriel et le respect des performances attendues sur le Suffren serait un signal fort envoyé aux futurs utilisateurs des sous-marins de Naval Group. On pense notamment à l’Australie, dont la marine a sélectionné une variante à propulsion conventionnelle du Barracuda (le design du Suffren), mais où Naval Group subit de très fortes pressions de la part de l’opposition politique et de groupes industriels concurrents, notamment suédois.

Pour la Marine Nationale, l’entrée en service rapide du Suffren est également une priorité, étant donné qu’elle a déjà retiré du service un premier sous-marin nucléaire d’attaque de la génération précédente en juillet 2019, le Saphir. Avec l’arrivée du Suffren l’année prochaine, la Marine Nationale reviendra à un format de six sous-marins d’attaque, indispensables pour former les futurs équipages des quatre sous-marins lance-missiles formant le cœur de la dissuasion nucléaire française. Mais, surtout, elle entrera dans une toute nouvelle dimension opérationnelle, le Suffren étant plus furtif, plus endurant et bien mieux armé que les précédents sous-marins d’attaque français.

La FREMM de FINCANTIERI en excellente position dans la compétition FFG/X pour l’US Navy

Comme nous l’avions écrit il y a deux jours, la decision concernant la première tranche du programme de frégates lance-missiles de nouvelle génération de l’US Navy FFG/X doit être présentée publiquement dans les prochains jours, peut-être même aujourd’hui. Mais le site économique Forbes semble avoir eu la primeur de l’information, puisqu’il annonce que l’Italien Fincantieri avec les chantiers navals Marinette et les chantiers navals Austral seraient les plus à même d’être désignés vainqueurs de la compétition pour construire les 10 première frégates du programme.

La grille de decision retenue par l’US Navy était particulièrement large, allant des performances du navire aux retombées sur l’emploi, de sorte qu’il était difficile de determiner un ou des favoris dans cette competition. L’offre des chantiers navals Bath Iron Works de General Dynamics reposant sur un modèle dérivé de la classe F100 Alvaro de Balzan de l’espagnol Navantia semble avoir perdu beaucoup de crédibilité lors de l’accident qui mena à la perte de la frégate F313 Helge Ingstad de la Marine Royale Norvégienne, elle même basée sur le même modèle, après une collision avec un autre bâtiment. A l’inverse, l’offre de Huntington Ingalls, robuste selon les critères opérationnelles car dérivée des destroyers Arleigh Burke qui forment l’ossature de la flotte de surface de l’US Navy, aurait souffert du nombre important de commandes attribuée à cette entreprise, allant des destroyers Burke aux porte-avions de la classe Ford.

Elge ingstat F313 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
La perte de la frégate Elle Ingstad en 2018 aura certainement joué un rôle déterminant dans l’évaluation de l’US Navy concernant le modèle F100 de Navantia

Les deux finalistes restant sont donc Marinette Fincantieri Marine avec une FREMM modifiée par l’amiral Hunt, un veteran reconnu de la flotte de surface de l’US Navy ayant fait l’essentiel de sa carrière sur les frégates, et le modèle tout aluminium dérivé des LCS Independance des chantiers navals Austral. A l’image de la competition FARA qui oppose le Raider X de Sikorsky, un appareil très innovant à haute performance, et le très conventionnel mais économique 360 Invictus de Bell, la décision se ferait donc entre deux offres aux antipodes d’une de l’autre du point de vue opérationnel . La FREMM italienne renforcée pour les besoins de l’US Navy est un navire aux performances éprouvés, qui donne entière satisfaction tant à la Marine Italienne que Française. A l’inverse, le modèle Austral dérive du très controversé programme Littoral Combat Ship, qui a produit des navires aux performances très limitées pour un cout final plus élevé que les FREMM franco-italiennes.

Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
La FREMM proposée par Fincantieri à l’US Navy a subi de nombreuses modifications, et a pris 700 tonnes pour renforcer sa structure et sa resistance aux dégâts

La décision se fera très probablement sur des critères purement économiques, et politiques. En effet, pour Austral, la perte de cette commande signifierait probablement une fermeture à court ou moyen terme, n’ayant plus de commandes au delà des dernières LCS Independance en cours de livraison. En outre, son modèle de navires logistiques s’est avéré très vulnérable en opération, lorsque le HSV-2 Swift de la Marine Emirati a été ravagé par un incendie déclenché par une roquette Houthi en 2016. Il faut dire que l’aluminium est un conducteur de chaleur beaucoup plus performant que l’acier, et que plusieurs marines refusent de s’équiper de ce type de navires en raison de cette vulnérabilité. Durant la guerre des Malouines, une deux des 2 frégates Type 21 perdues par la Royal Navy, le HMS Antelope, coula après un incendie déclenché par une bombe larguée par un A4 skyhawk des forces aériennes argentines.

FFG X frigate contenders Austal Frigate 1 SNA 2018 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
le modèle FFG/X d’Austral reprend l’ensemble des caractéristiques de la LCS classe Independance, y compris sa coque trimaran et sa plage avant très effilée ne permettant pas d’intégrer beaucoup de systèmes d’armes

De leurs cotés, les chantiers navals de Marinette dans le Wisconsin, également impliqués dans la construction de LCS de la classe Freedom, n’ont pas retenu ce design, mais celui très éprouvé de la FREMM dans leur proposition. Si la perte de la commande aurait probablement des effets importants du point de vu de l’emploie, Fincantieri bénéficie d’un atout de poids, le Wisconsin étant un des états clés pour une éventuelle victoire du président Trump, là ou l’Alabama de Austral ne représente pour lui aucun intérêt car aux mains de l’ancien procureur général des Etats-Unis Jeff Sessions, qui quitta l’administration Trump dans de très mauvais termes avec le président. Autant dire que malgré l’étiquette républicaine de ce dernier, l’Alabama, dont il brigue un nouveau mandat de sénateur, ne fera pas parti des états soutenant le président en exercice.

FDI grecque Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
La nouvelle FDI de Naval Group offre un rapport performances-prix très attractif concernant ce type de navires de combat

De fait, tout désigne aujourd’hui, à moins d’un revirement spectaculaire, Fincantieri et Marinette Marine comme le vainqueur le plus probable de cette première tranche de dix frégates pour l’US Navy. En revanche, les trois candidats malheureux pourront retenter leur chance au cours de la competition pour la seconde tranche de 10 frégates qui sera lancée immédiatement après l’entame des travaux de la première. Il est également possible qu’un nouvel acteur vienne jouer les troubles faits. Il reste en Europe mais également au Japon et en Corée du Sud plusieurs chantiers navals disposant de modèles particulièrement performants qui pourraient fort bien, s’ils parvenaient à trouver un partenariat industriel adéquate avec un chantier naval américain, se positionner sur ce marché, en particulier la nouvelle Frégate de Défense et d’Intervention ou FDI de Naval Group, une frégate de 4500 tonnes emportant le même armement que celui retenu par le programme FFG/X pour un prix inférieur à 700 m$.

Avec de nouveaux moteurs, les bombardiers B-52H de l’US Air Force vont dépasser les 100 ans de carrière opérationnelle

Le 23 avril, l’US Air Force a publié un projet de demande de proposition portant sur l’acquisition de pas moins de 608 réacteurs d’avions commerciaux. Cette dernière étape avant la publication de l’appel d’offre permettra aux industriels de préparer aux mieux leurs propositions. Bien que le projet ai pris un an de retard, l’armée de l’air américaine espère avancer rapidement sur le programme de remotorisation de ses B-52H Stratofortress, considéré comme stratégique pour le maintien de ses capacités opérationnelles.

Evoqué depuis la fin de la Guerre froide, le changement de moteurs du B-52 a été sans cesse repoussé par l’US Air Force, le bombardier lourd s’avérant suffisamment performant pour répondre aux besoins du moment. Depuis quelques années néanmoins, il apparaît évident que les réacteurs Pratt & Whitney TF33-PW-103 en service depuis les années 1960 ne pourront plus être entretenus au-delà de 2030, en grande partie parce que les vastes stocks de pièces détachées héritées de la Guerre froide seront alors épuisés. Avec leurs nouveaux moteurs, les 76 derniers B-52H devraient ainsi rester en service au-delà de 2050, soit plus d’un siècle après l’entrée en service opérationnelle des premiers Stratofortress !

B 52 in maritime roles Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Le B-52 est propulsé par huit réacteurs TF33. Ils seront remplacés d’ici quelques années par des moteurs plus économiques, plus légers et plus performants

Depuis les années 1980, les projets de remotorisation du B-52 se sont enchaînés. En 1982, Pratt & Whitney étudia ainsi l’idée de remplacer les huit TF33 par quatre moteurs de la famille PW2000, avant que Boeing ne propose quelques années plus tard une remotorisation par six CFM-56. Des propositions rejetées car il était alors prévu de remplacer rapidement le B-52 par des B-1B Lancer et B-2A Spirit, deux avions qui seront ironiquement retirés du service bien avant le B-52 lui-même. En 1996, enfin, Boeing et Rolls Royce ont proposé conjointement une remotorisation par quatre RB211-535 qui seraient fournis à l’US Air Force sous la forme d’un contrat de leasing. L’Air Force ne donna cependant pas suite, l’option étant jugée trop coûteuse, bien qu’il s’avéra par la suite que les calculs de l’US Air Force ne prenaient pas en compte les économies en ravitaillement en vol induites par une telle remotorisation.

Aujourd’hui, à l’inverse, cette considération est au cœur du programme de remotorisation. Si la question de la maintenance et de la disponibilité des moteurs suffit en elle-même à justifier le remplacement des TF33, ce sont les considérations opérationnelles qui poussent aujourd’hui à prévoir une signature de contrat en mai 2021. En effet, avec de nouveaux moteurs, les B-52H devraient disposer de meilleures performances au décollage et en croisière, leur permettant d’accroître leur capacité d’emport mais aussi de pénétration de l’espace aérien adverse. Surtout, avec des réacteurs modernes consommant moins de carburant, les Stratofortress devraient disposer de 20% à 40% d’autonomie supplémentaire ! Un élément essentiel alors que l’US Air Force connait une diminution dramatique de ses capacités de ravitaillement et que son nouveau KC-46 accumule encore les délais et problèmes techniques !

KC 46 F 35 USAF Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Avec le KC-46, l’USAF a choisi un ravitailleur facile à déployer partout dans le monde, mais dépourvu de grandes capacités d’emport en carburant. Or, en cas de conflit en Asie-Pacifique, la question de l’autonomie sera cruciale, y compris sur les bombardiers stratégiques.

Avec ses nouveaux moteurs, le B-52 disposerait alors d’une allonge et de performances compatibles avec les combats de haute intensité des prochaines années. En effet, jusqu’à l’arrivée du B-21 Raider, le Stratofortress est le seul bombardier américain capable d’embarquer des missiles de croisière nucléaire, ce qui implique que l’appareil doit être en mesure de s’approcher des réseaux de défense russes et chinois afin de maintenir sa capacité de dissuasion. Or, ces mêmes réseaux A2/AD (anti-accès) s’étant considérablement renforcés ces dernières années, une modernisation en profondeur des B-52 s’impose. Au-delà de la mission nucléaire, une plus grande autonomie pourra également être mise à profit dans le cadre des missions d’interdiction navale de l’appareil, mais aussi pour le déploiement d’armes hypersoniques.

Pour remplacer les TF33 développant chacun 75,7kN de poussée (7,7 tonnes), quatre propositions de trois motoristes semblent intéresser l’US Air Force, toutes provenant de moteurs utilisés pour propulser des avions de transport régional ou des jets d’affaire. On noter que l’option d’une remotorisation par quatre ou six moteurs n’est plus d’actualité, et que l’USAF préfère rester sur une formule à huit réacteurs qui a fait ses preuves :

  • GE Aviation propose deux options : le CF34-10 dérivé du CFM56 (90kN de poussée maximale) ainsi que le Passeport de conception plus récente (84kN)
  • Pratt & Whitney propose son PW800 de la classe des 80kN+
  • Rolls Royce offre le F130, une version militaire du BR700 déjà en service sur les C-37 et E-11 de l’USAF et pouvant délivrer entre 70 et 95kN selon la version.
C 37 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
Le F130 de Rolls Royce est déjà en service sur le C-37 de transport et le E-11 de surveillance et de guerre électronique

D’après les informations dévoilées par l’US Air Force, l’ensemble des 608 moteurs devrait être livré sur une période de plus de 17 ans. Cela implique donc que le programme de modernisation des B-52H s’étalera jusqu’à l’horizon 2040. Dans un tel contexte, si les bombardiers remotorisés doivent officiellement continuer à opérer au-delà de 2050, on peut imaginer sans difficultés que les derniers B-52 quitteront le service bien après 2060. De quoi faire du Stratofortress le premier avion de combat d’après-guerre à servir en continu pendant plus d’un siècle.

Pour rappel, le premier vol du YB-52 a eu lieu en 1952, tandis que les premiers B-52B entraient en service opérationnel en juin 1955. La version B-52H entre en service en 1961, et le dernier B-52 sort des chaînes d’assemblage de Boeing en 1962. Ainsi, les plus récents des Stratofortress encore en service dans l’Air Force ont pas moins de 58 ans aujourd’hui. L’extraordinaire longévité de l’appareil tient principalement au classicisme de sa formule qui en font un appareil très polyvalent. Si plusieurs programmes de bombardiers supersoniques (B-58, B-70 et B-1A) ont été conçus pour le remplacer, aucun n’offrait la capacité d’emport, l’endurance en vol et la facilité de mise en œuvre du Stratofortress.

General Electric Aviation Engines Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
General Electric Aviation propose deux options pour la remotorisation du B-52, basées sur deux designs ayant fait leurs preuves dans l’aviation civile

Après la Guerre froide, le B-52 a ainsi continué à prouver sa valeur en étant capable de réaliser de très longues missions de soutien aérien en Irak et en Afghanistan, tout en conservant des capacités de bombardement lourd (Guerre du Golfe) et d’assaut maritime. Alors que les B-1B supersoniques et B-2 furtifs seront retirés du service vers 2030, le B-52 devrait continuer de servir aux côtés des nouveaux B-21 Raider. De quoi permettre à l’USAF de disposer d’un bombardier adapté avant tout au combat de haute intensité (Raider) et d’un autre capable d’exceller dans les guerres asymétriques tout en emportant des armements redoutables (missiles de croisière, armes hypersoniques) en soutien aux Raider.

Saab livre le premier avion-radar GlobalEye aux Emirats Arabes Unis

Aujourd’hui, l’avionneur suédois Saab a livré aux Emirats Arabes Unis le premier avion d’alerte avancé de nouvelle génération GlobalEye. Sur le plan symbolique, il s’agit d’une étape importante pour Saab qui cherche à imposer son nouvel avion AEW&C comme un standard du combat aérien du futur. Sur le plan matériel, le GlobalEye est basé sur l’avion d’affaire Global 6000 du Canadien Bombardier. Conçu pour pouvoir effectuer des vols de très longue endurance, le Global 6000 offre au GlobalEye une autonomie de 11 heures, une importante puissance électrique pour ses systèmes embarqués, ainsi qu’un volume de cabine important permettant d’embarquer cinq opérateurs.

Pour réaliser ses missions, le GlobalEye dispose de la dernière variante du radar Erieye de Saab. Cet Erieye ER dispose désormais d’antennes AESA à technologies GaN qui améliorent considérablement ses performances, sa précision et sa fiabilité. D’après Saab, la portée opérationnelle du radar est donnée pour 600km contre des cibles aériennes de grande taille. Capable d’émettre en ondes basses et moyennes, le Erieye ER devrait également disposer de bonnes capacités de détection face à des cibles furtives.

globaleye Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
GlobalEye aux couleurs des EAU


Cependant, les capacités AEW&C du GlobalEye ne se limitent pas aux opérations aériennes. L’avion dispose également, sous le ventre, d’un radar AESA Leonardo 7500E conçu pour la surveillance maritime à très longue portée. Pour l’identification de cibles navales, l’avion embarque une boule optronique Star Safire. Cette dernière, tout comme le radar Leonardo, peut également servir à la détection et au suivi de cibles terrestres dans certaines conditions, notamment au-dessus de déserts.

Pour les Emirats Arabes Unis, l’acquisition de cinq GlobalEye devrait permettre de renforcer considérablement les capacités au combat de leur armée de l’air. Les Emirats seront ainsi en mesure d’assurer en permanence la surveillance de leur espace aérien et de leurs eaux territoriales, mais également de suivre dans la profondeur les activités navales et aériennes iraniennes. La plateforme GlobalEye est déclinée par Saab en plusieurs variantes, dont le Swordfish de patrouille maritime. Reprenant le radar 7500E et la boule Safire, il intègre des bouées acoustiques à l’arrière du fuselage et emporte des torpilles ou des missiles anti-navires sous voilure. De quoi démontrer le potentiel immense que peut représenter une plateforme civile stable et bien conçue.

MGCS: les premiers accords sont signés entre la France et l’Allemagne à propos du futur char de combat européen

Le 28 avril, la Ministre des Armées française Florence Parly et la Ministre de la Défense allemande Annegret Kramp-Karrenbauer ont annoncé avoir signé deux accords déterminants pour le programme de char de combat de nouvelle génération MGCS (Main Ground Combat System). Dans le contexte actuel, cette signature n’a pas donné lieu à une cérémonie officielle, ni même à une rencontre physique entre les deux ministres, mais elle marque tout de même le lancement effectif du MGCS.

Prévu pour mars ou avril, cette nouvelle avancée dans le programme MGCS devait attendre l’accord de financement de la commission budgétaire du Bundestag. Maintenant que cela est fait, un premier accord cadre a pu être signé afin de définir l’organisation du projet ainsi que la mise en place des structures de gestion du programme dans les deux pays. Surtout, un deuxième accord de mise en œuvre a également été signé à cette occasion.

Désigné Implementing Arrangement 1, cet accord de mise en œuvre va permettre à la France et l’Allemagne de commander une étude de définition d’architecture du futur MGCS. Ce contrat devrait se dérouler sur une période de deux ans, à l’issue de laquelle il sera possible de passer à la phase suivante du programme, à savoir le développement de démonstrateurs technologiques.

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Le MGCS ne portera pas que sur un futur char lourd, mais également sur des réseaux de communication et des vecteurs déportés, éventuellement commandés à distance, terrestres et aériens.

Avant toute chose, cependant, il convenait donc d’établir un accord cadre qui stipule les rôles et responsabilités de chaque acteur, dans chaque pays. Comme cela était prévu dès le départ du projet, la maîtrise d’ouvrage du MGCS revient au BAAINBw, le bureau fédéral des équipements, des technologies de l’information et du soutien opérationnel de la Bundeswehr, l’équivalent allemand de la DGA française. Les contrats qui seront signés dans le cadre de l’accord de mise en œuvre devraient toutefois être répartis équitablement entre la France et l’Allemagne.

L’étude d’architecture a donc été divisée en neuf lots dont la valeur varie et qui seront répartis entre le Français Nexter et les Allemands Rheinmetall et Krauss-Maffei Wegmann (KMW). Pour rajouter un peu de complexité à cette répartition industrielle, il convient de rappeler que c’est KNDS, la co-entreprise de KMW et de Nexter, qui représentera ces deux entreprises dans le cadre du MGCS. Pour rappel, la phase de définition d’architecture ne vise pas à définir la structure matérielle du futur char de combat, mais plutôt l’architecture globale du système de système que représente le MGCS.

En effet, le MGCS est bien plus qu’un char de nouvelle génération. Il s’agit véritablement d’un système de combat terrestre complet, qui pourra comprendre un char de combat, des véhicules de reconnaissance associés, des drones terrestres, des mini-drones organiques, mais aussi de nouveaux protocoles de communication, des IA, des systèmes de combat infovalorisés, etc. C’est donc toute cette architecture complexe et très ambitieuses que les trois industriels impliqués dans le programme vont devoir définir à travers les neuf lots qui leur ont été attribués.

Si Nexter, KMW et Rheinmetall disposent à eux trois d’une gigantesque expérience dans la conception et la réalisation de blindés de hautes performances, on comprend que la tâche qui les attend désormais est immense. La communication entre Rheinmetall et KNDS, tout particulièrement, sera essentiel au bon déroulement du programme.

lEMBT un chassis de Leopard 2 equipe dune tourelle de Leclerc Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Etats-Unis
KNDS avait déjà construit un démonstrateur de European Main Battle Tank, un châssis de Leopard 2 allemand doté d’une tourelle de Leclerc français. Le MGCS devrait être bien plus moderne, mais l’exercice mené par KMW et Nexter montrait le niveau de coopération possible entre industriels français et allemands

Avec le MGCS géré par le BAAINBw, la France et l’Allemagne entendent reproduire dans le secteur terrestre la même collaboration qu’ils ont mis en place avec le SCAF/FCAS, géré par la DGA, dans le domaine de la guerre aérienne. Restera tout de même à gérer les éventuelles tensions entre industriels, mais aussi les frictions politiques internes en Allemagne ainsi que les relations diplomatiques entre la France et l’Allemagne. En effet, d’un point de vue politique, le Bundestag allemand dispose d’un pouvoir de contrôle sur chaque dépense importante incomparablement plus important que celui du Parlement français. Un pouvoir qui pourrait très bien être utilisé pour obtenir plus d’avantages pour les entreprises allemandes, sous peine de menacer de bloquer purement et simplement l’intégralité du MGCS.

Sur le plan industriel, la situation est inversée. En effet, si l’Allemagne dispose de deux entreprises impliquées dans le programme, elle ne récupèrera que la moitié de la charge de travail. Alors que KMW ou –plus probablement– Rheinmetall sera probablement désigné maître d’œuvre du MGCS, il ne disposera que d’un quart du retour industriel du programme, quand le seul Nexter en récupérera la moitié. Si l’on ajoute à cela l’implication de Nexter aux côtés de KMW dans le cadre de KNDS, on imagine très bien que certains législateurs allemands puissent voir d’un mauvais œil le fait qu’un sous-traitant principal se retrouve avec plus de responsabilités industrielles que le maître d’œuvre lui-même.

Au-delà des questions franco-allemandes, les phases suivantes du projet pourraient également voir l’arrivée de nouveaux pays européens dans le programme. Une participation polonaise est notamment sérieusement évoquée à Berlin depuis quelques temps, et aurait enfin reçu un accueil favorable de la part des autorités françaises en février dernier. Pour autant, comme nous avions pu l’analyser, une participation de la Pologne pourrait entrainer autant de problèmes qu’elle n’apporterait de solution au programme MGCS. Affaire à suivre donc.