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La Crise Covid19 va durement toucher les budgets militaires des puissances occidentales

Alors que la ministre des armées française Florence Parly multiplie les declarations sur un éventuel plan de relance de l’industrie de Défense dans le pays, nombre d’analystes estiment que les déficits publics pour 2020, comme pour les années à venir, vont contraindre chaque gouvernement à réduire l’ensemble de leurs investissements non prioritaires, y compris ceux en matière de Défense.

Que ce soit en Europe, aux Etats-Unis ou en Asie, la majorité des gouvernements ont accepté de faire plonger leurs deficits publics pour tenter de sauver ce qui peut l’être de leurs économies. En Europe, à l’instar de la crise financière de 2008, les Etats ainsi que les instances européennes ont accepté de se porter caution à une série de prêts à taux d’intérêt très réduits, afin de permettre aux entreprises de se refinancer et éviter le dépôt de bilan. Dans le même temps, les Etats européens ont pris à leur charge une partie significative de la masse salariale globale de leurs concitoyens avec des mesures de chômage partiel, toujours afin de préserver les entreprises et leur permettre d’éviter le défaut de paiement pendant la crise. Aux Etats-Unis, la reserve fédérale a accordé 2300 Md$ de prêts aux entreprises et particuliers, alors que le gouvernement ne cesse d’annoncer des plans d’investissements pour tenter de maintenir l’économie à flot. Malgré cela, ce sont plus de 25 millions d’américains qui ont perdu leur emploi sur les 3 premières semaines du confinement.

F35 factory Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Les savoir-faire industriels et techniques de l’industrie de défense sont parmi les plus complexes, longs et onéreux à acquérir, ou à ré-acquerir …

Toutes ces mesures ont un prix, et même un prix important. Ainsi, aux Etats-Unis, le CFRB pour Committee for a Responsible Federal Budget, a publié le 13 avril un rapport estimant que le budget fédéral américain allait quadrupler sur 2020, et créer un deficit public de 3,200 Md$, soit plus de 18% du PIB, alors que dans le même, ce dernier allait se contracter d’au moins 5%. La situation est la même en Europe, ou même l’Allemagne anticipe un important déficit public et une contraction de son PIB de plus de 10% sur l’année. Qui plus est, ces dépenses exceptionnelles ne vont pas disparaitre avec 2020, et devront en partie être prorogées en 2021 et 2022, si tant est qu’un vaccin efficace soit disponible d’ici là.

Pour faire face à ces dépenses exceptionnelles, et tenter de réduire l’augmentation de l’endettement à long terme des Etats, les gouvernements occidentaux vont, selon de nombreux analystes, être contraints de réduire la dépense publique non essentielle, ou tout de moins de la ventiler différemment. Et parmi l’ensemble des secteurs susceptibles de subir le contre-coup de ces mesures, l’industrie de Défense semble faire l’unanimité chez les analystes, mais également dans une part importante des opinions publiques. Il est vrais qu’entre perdre son emploi et préserver les investissements en matière d’équipements de défense, le choix est très souvent vite fait pour la majorité des personnes. Qui plus est, cette même opinion publique, surtout dans certains pays européens comme la France, l’Italie ou l’Espagne, demande en priorité la reprise des investissement dans le domaine de la santé et de son industrie, au détriment de l’investissement de défense.

T15 Armata avec tourelle Epoch Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Les futurs blindés russes, comme ici le véhicule de combat d’infanterie lourd T15 Armata, pourraient figurer parmi les victimes de la double crise qui frappe la Russie

La crise Covid19 touche également d’autres pays, et notamment la Russie, qui subit simultanément une baisse spectaculaire de ses revenus issus de la vente de Gaz et de pétrole, alors que le prix du baril de pétrole brut est passé, en 4 mois, de 55 $ à seulement 15$, excédant les couts d’extraction du pétrole sibérien. Les revenus pétroliers sont la principale source de revenue de l’état fédéral russe, qui va rapidement faire face à une crise de liquidités qui induira, très probablement, une nouvelle crise économique et sociale dans le pays déjà éprouvé par la crise de 2014 consécutive aux sanctions occidentales après l’annexion de la Crimée.

Or, la Russie est aujourd’hui le principal sujet de preoccupation en Europe, et son réarmement rapide depuis 2010 est à l’origine de l’augmentation des budgets de défense depuis 2014. Si celle-ci venait à diminuer drastiquement ses investissements de défense, comme ce fut le cas suite à la dissolution de l’Union Soviétique, tout en faisant face à la diminution inéluctable des commandes d’exportation consécutive de la crise économique mondiale liée au Covid19, la menace russe elle même pourrait bien diminuer rapidement.

second Type 075 launch Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Les chantiers navals chinois ont lancé il y a quelques jours, en pleine crise Covid19, le second porte-hélicoptères Type 075 dans le respect du planning de fabrication d’avant la crise

Cependant, ce qui est vrais pour la Russie et l’Europe, l’est beaucoup moins pour les Etats-Unis et la Chine. En effet, Pékin a, semble-t-il, réussi à contrôler pour l’heure la diffusion du virus au niveau de la province de Hubeï, avec un impact économique et humain de fait plus limité que dans les pays occidentaux. En outre, ayant fait face au virus plus tôt, le pays semble désormais avoir sous contrôle la pandémie, avec un nombre très limité de nouveaux cas et de décès consécutifs à l’infection Covid19, tout au moins si l’on en croit le discours officiel. Il est en revanche incontestable que le pays fera face à des conséquences économiques et sociales bien plus restreinte face à l’épidémie que les pays occidentaux.

Pékin semble déterminé à profiter de cette situation pour accroitre son influence et sa puissance militaire. En effet, les autorités chinoises multiplient les annonces concernant l’efficacité de son industrie de défense et de ses forces armées, ne manquant pas d’en souligner les différences avec celles de son adversaire américain. Toutefois, il est aujourd’hui difficile d’évaluer les conséquences à moyen terme de la crise actuelle sur la production industrielle effective chinoise, dont une grande partie est destinée à l’exportation, alors que ses principaux clients, les européens comme les américains, vont sans le moindre doute réduire sensiblement leurs importations.

B 21 Raider Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Certains programmes stratégiques, comme le bombardier stratégique B21 Raider, sont moins exposés à de possibles restrictions budgétaires en matière d’investissement de défense

Les bourses mondiales semblent anticiper la baisse des dépenses de défense occidentales. En effet, alors que la majorité des titres boursiers ont connu une hausse sensible et continue pour revenir à 75 ou 80% de leur cotation d’avant la chute spectaculaire de début mars ayant entrainé parfois des replis de plus de 70% des titres cotés, les cotations d’une majorité des entreprises occidentales de défense sont, quand à elles, restées à un niveau de décote particulièrement élevé, allant de 35% pour Dassault Aviation, Thales ou Raytheon, à plus de 50% pour Airbus, Boeing ou Rheinmetall. Seul un nombre limité d’entreprises ont réussi à se préserver de cette chute, dont Lockheed Martin et Northrop Grumman, dont la décote se limite à 25% depuis début mars, ces dernières s’appuyant sur des contrats stratégiques pour les forces armées américaines comme ceux liés au chasseur F35 et au bombardier stratégique B21.

La baisse considérée inéluctable des crédits d’équipements des armées occidentales va, très probablement, sévèrement frapper les industries de défense occidentales tant sur leurs marchés domestiques qu’à l’exportation. Or, s’il ne faut que quelques mois pour perdre les savoir-faire d’une entreprise de défense, il faudrait de nombreuses années pour espérer les reconstituer, si tant est que cela soit possible. De fait, si la casse industrielle et technologique sera inévitable à l’échelle mondiale, les pays qui parviendront à maintenir ces compétences, soit en soutenant leur industrie par de la dette publique, soit en s’appuyant sur de nouveaux mécanismes de financement, verront leur position industrielle et géopolitique se renforcer à la sortie de cette crise.

Le JF-17 Block III pourrait intéresser la force aérienne ukrainienne

D’après le site DefenseWorld.net, l’Ukraine aurait présenté un intérêt pour le JF-17 Block III, la dernière variante du chasseur léger développé conjointement par le Pakistan et la Chine. Une telle vente pourrait servir de vitrine pour le JF-17 BkIII, mais rien ne garantit encore que la force aérienne ukrainienne aura les moyens de réaliser cet achat, aussi économique que puisse être ce chasseur léger.

Le 6 mars dernier, une délégation de la force aérienne ukrainienne se rendait dans le Pakistan Aeronautical Complex de Kamra où se trouve la chaîne de production du JF-17 Block III. Bien plus qu’une visite de routine, cet évènement avait apparemment pour but de discuter sérieusement de la possibilité d’une vente de JF-17 à l’Ukraine. Kiev serait en l’occurrence intéressé par la variante Block III de l’appareil, qui a récemment fait son premier vol.

800px Pakistan airforce FC 1 Xiao Long Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Bien que très léger, le JF-17 n’en reste pas moins un chasseur performant doté de capteurs et d’un armement équilibré.

Les besoins ukrainiens en la matière sont en effet énormes. Pour l’heure, la force aérienne ukrainienne est composée de Su-24 et Su-25 pour l’attaque au sol et de MiG-29 et de Su-27 de première génération pour sa défense aérienne. Or, ces deux derniers types d’appareils sont aujourd’hui à bout de potentiel, avec une moyenne d’âge dépassant les trente ans. Fortement sollicités depuis l’embrasement du pays et l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, les chasseurs et intercepteurs du pays n’ont pour ainsi dire plus aucune valeur militaire aujourd’hui.

Malheureusement, l’âge avancé de ces appareils et leur état général ne permet pas non plus d’envisager leur rénovation complète. Ces dernières années, l’Ukraine a donc tenté de trouver une solution de remplacement pour assurer la défense aérienne de son territoire. Un achat d’appareils russes de nouvelle génération étant à exclure, Kiev se serait d’abord intéressé au Gripen suédois, puis au F-16 américain. Systématiquement, les négociations se heurtaient au prix d’une telle acquisition. Non seulement les appareils occidentaux sont plus chers à l’achat que leurs équivalents russes, mais ils utilisent également des infrastructures, des armements et des procédures incompatibles avec le matériel actuellement utilisé en Ukraine.

1080px Ukrainian Air Force Sukhoi Su 27P Flanker 29583343448 Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Les Su-27 ukrainiens sont des chasseurs considérablement plus lourds et coûteux à entretenir que le JF-17. Leur disponibilité est cependant catastrophique.

L’acquisition de JF-17 Block III pourrait alors se présenter comme une solution évidente. Dans sa philosophie de conception et d’emploi, le JF-17 est en effet très proche des conceptions soviétiques qui ont inspiré les ingénieurs chinois ayant participé à sa conception, et il est globalement compatible avec une partie des missiles et bombes en service en Ukraine. De plus, ce chasseur léger est particulièrement économique à l’achat, avec un prix de vente près de deux fois inférieur à celui d’un F-16V américain ou d’un Gripen E suédois.

Enfin, pour ne rien gâcher, le JF-17 dans sa version Block III est un chasseur particulièrement efficace malgré sa masse réduite. L’appareil embarque en effet un radar AESA de conception chinoise et pourrait être proposé en option avec un radar italien. Grâce à son antenne AESA, il serait ainsi en mesure de tirer des missiles à très longue portée PL-15, l’équivalent chinois de la dernière génération des AMRAAM américains. Même sans missiles PL-15, un chargement standard comprenant des PL-12 resterait déjà suffisamment menaçant pour dissuader des incursions adverses au-dessus de l’Ukraine.

JF 17 birmanie Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
La Birmanie est aujourd’hui le principal utilisateur à l’exportation du JF-17. Dans les années à venir, le Pakistan espère vendre l’appareil en Asie, en Amérique du Sud et au Moyen-Orient. L’Ukraine représenterait une première victoire en Europe de l’Est, pour l’instant acquise à la cause de Lockheed Martin

Seule ombre au tableau, l’appareil est équipé d’un moteur russe, en l’occurrence le RD-93, construit sous licence en Chine. Il n’est pour l’instant pas dit que l’accord de production signé entre la Chine et la Russie permette à cette dernière d’imposer des restrictions à l’exportation, mais cela reste possible. Dans ce cas, les appareils éventuellement vendus à l’Ukraine pourraient alors intégrer le moteur de conception chinoise WS-13, proposé pour le JF-17 Block III mais refusé par la force aérienne pakistanaise.

Si une vente à l’Ukraine devait avoir lieu, il s’agirait d’un succès commercial remarquable pour les industries pakistanaises et chinoises. Pour le moment, en effet, les précédentes versions du JF-17 n’ont connu que des exportations anecdotiques en Birmanie et au Nigeria, dans la sphère d’influence habituelle des industriels chinois. L’Ukraine, de son côté, est à la fois un client historique des produits russes, mais aussi un pays très fortement sollicité par les industriels européens et américains. Une vente dans un cadre aussi concurrentiel serait une excellente publicité pour la dernière variante du JF-17, la première à être vraiment taillée pour l’exportation.

Reste que l’affaire est encore loin d’être conclue. Les armées ukrainiennes disposent aujourd’hui de très peu de moyens et sont éreintées par plusieurs années continues de guerre civile. Même si l’achat de JF-17 Block III est moitié moins cher que n’importe quelle solution occidentale, il n’est pas encore dit que Kiev puisse signer un tel chèque. Au-delà du potentiel commercial des industriels pakistanais, un contrat avec l’Ukraine pourrait alors révéler les capacités chinoises en matière de financement à crédit des achats militaires étrangers. Un point qui pourrait être très décisif dans les années de crises économiques et de réductions budgétaires à venir.

Saab teste un nouveau type de radar AESA sur son Gripen, et vise le marché international

Le 24 avril, la compagnie suédoise Saab a annoncé qu’elle avait fait voler son nouveau radar AESA pour la première fois à bord d’un JAS-39D Gripen. Ce radar, dont la désignation n’a pas encore été dévoilée, intégrerait des modules conçus à partir de nitrure de gallium (GaN), un semi-conducteur particulièrement performant mais qui reste encore rare sur des antennes radar de cette taille.

Avec ces premiers essais en vol, Saab montre son dynamisme dans le domaine des radars AESA GaN, mais aussi sa volonté de continuer de faire vivre ses Gripen d’ancienne génération sur le marché de l’exportation. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le radar qui a été testé en vol le 8 avril ne sera pas intégré sur le nouveau Gripen E que Saab présente sur la plupart des marchés exportation. Il s’agit là d’un nouveau modèle que Saab aimerait décliner en de nombreuses variantes destinées au marché de l’exportation, aussi bien dans le domaine aérien que naval ou terrestre.

Saab 340 AEW Gripen D Thailan Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Avec son nouveau radar, Saab vise surtout le marché export, que ce soit pour la modernisation des Gripen existants ou pour de futurs achats de Gripen C et D

L’intérêt de Saab pour les technologies radars de type AESA remonte au début des années 2000. Saab et Ericsson travaillent alors sur le concept NORA (Not Only a Radar) visant à intégrer une antenne AESA américaine sur le radar PS-05/A équipant les Gripen A/B et C/D. L’idée était alors de proposer une modernisation à mi-vie (MLU – Mid-Life Update) à l’horizon 2010 pour les appareils suédois mais aussi les avions vendus à l’exportation jusqu’ici. Suite à des restrictions d’exportation américaine, le projet est annulé, mais l’idée d’un Gripen doté d’un radar AESA poursuit son chemin.

En 2006, Saab rachète les activités radar d’Ericsson et travaille déjà sur son Gripen Demo, un démonstrateur technologique préfigurant ce qui allait devenir le Gripen E/F actuel. Pour le radar de sa nouvelle génération de Gripen, Saab envisage deux possibilités :

  • Un partenariat avec Thales, afin d’adapter l’antenne du radar RBE2 du Rafale sur le cœur du PS-05/A ;
  • Un développement en interne d’un radar AESA entièrement suédois, en exploitant les compétences d’Ericsson.

Au final, l’option Thales sera refusée par le gouvernement français pour éviter de concurrencer le Rafale, tandis que les ressources internes de Saab s’avèrent trop limitées pour un tel projet. Finalement, un partenariat est établi avec Leonardo/Selex, qui fournira un dérivé du Vixen 1000E destiné aux Typhoon et appelé ES-05 Raven pour le marché suédois.

Globaleye saab Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Les radars en bande S des avions GlobalEye feraient déjà appel à des technologies GaN. Le nouveau radar qui a volé sur un Gripen D est quant à lui un radar en bande X.

Tous ces projets ont pour point commun d’utiliser des modules émetteurs-récepteurs à base d’arséniure de gallium (GaAs), une technologie désormais très répandue dans les antennes actives AESA. Depuis quelques années toutefois, le GaN commence à remplacer progressivement le GaAs dans les antennes de radars et de brouilleurs. Plus cher et plus complexe à maîtriser, le GaN est cependant plus économe en énergie, il produit moins de chaleur et s’avère globalement plus performant que les solutions GaAs.

Abandonnant l’idée d’intégrer son propre AESA sur le Gripen E, Saab développa progressivement une véritable expertise en matière d’antennes GaN que l’on retrouve aujourd’hui dans les avions Erieye/GlobalEye du constructeur, dans sa famille de radars terrestres et navals Giraffe, mais aussi dans les systèmes d’autoprotection du Gripen et dans le pod de guerre électronique AREXIS proposé par Saab.

La campagne d’essais en vol qui a commencé au début du mois marque ainsi l’arrivée d’une nouvelle famille de radars AESA GaN de nouvelle génération chez Saab. Dans un premier temps, cette nouvelle solution devrait être proposée aux clients qui seraient intéressés par l’acquisition de Gripen C/D neufs, ou bien pour la modernisation de Gripen déjà vendus en Europe de l’Est, en Thaïlande ou en Afrique du Sud. Avec ce radar, Saab pourrait ainsi proposer parallèlement deux solutions à ses futurs clients : un Gripen E équipé de tous les raffinements en matière de combat ultra-connecté, et un Gripen C moins cher et plus modeste, mais disposant de capteurs aux derniers standards internationaux. Une approche qui pourrait ainsi celle adoptée par Lockheed Martin autour du F-16V, qui est une version minimaliste du F-16E vendu aux Emirats Arabes Unis.

Contrairement au Raven du Gripen E, le nouveau radar AESA n’est pas placé sur un repositionneur. Il s’agit au contraire d’une solution fixe, semblable à ce qui est adopté sur le Rafale français ou sur les Super Hornet et F-35 américains. D’après Saab, les performances du GaN et les améliorations en matière du traitement de signal permettent de compenser en grande partie l’absence de système de repositionnement mécanique, ce qui interroge alors sur le bien-fondé de la solution adoptée sur le Gripen E, plus lourde, coûteuse et énergivore. Le constructeur suédois ne cache d’ailleurs pas que son nouveau radar pourra être intégré sur le Gripen E en option, et qu’une adaptation sur le repositionneur mécanique de ce dernier pourra être envisagée si les tests établissent qu’un tel besoin existe.

radar Raven Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Le Raven de Leonardo que l’on retrouve sur le Gripen E est bien plus complexe que le nouveau radar de Saab. Il offre cependant une ouverture latérale plus grande, même si la technologie GaN développée par Saab devrait permettre de compenser certains défauts des AESA classiques.

Au-delà de son propre marché interne, Saab vise cependant avec ce radar le très large marché de la rénovation à mi-vie des avions de combat mondiaux. La solution suédoise pourrait ainsi être la première antenne GaN disponible sur le marché. Conçue et produite intégralement en Suède, cette nouvelle antenne est ainsi ITAR Free, et son exportation ne peut pas être bloquée par Washington. Des solutions similaires, adaptées spécifiquement à chaque marché, ont ainsi été proposées en Inde et en Corée du Sud pour équiper les futurs chasseurs de ces pays.

Mieux encore pour SAAB, quelques exemplaires d’antennes très similaires auraient été livrés à des clients étatiques américains, a priori le US Office of Naval Research et le Office of the Secretary of Defense Foreign Comparative Testing Program. Les forces américaines s’intéressent en effet fortement aux technologies GaN, et souhaiteraient acquérir des antennes de ce type capables d’intégrer facilement les radars AESA existants sur leurs chasseurs. On pense notamment au radar APG-79 des Super Hornet, dont l’antenne ne semble pas donner aujourd’hui entièrement satisfaction à l’US Navy.

Dans tous les cas, les ambitions de Saab sont gigantesques. En investissant directement sur les radars AESA GaN, le constructeur suédois à manquer certaines opportunités commerciales, notamment sur son propre Gripen E. Mais il a également esquiver un segment de marché très concurrentiel, ce qui lui permet aujourd’hui d’être en pointe sur les technologies GaN. A voir à l’avenir si le pari est réussi.

L’US Navy va diviser le programme de frégates FFG/X

Est-ce lié aux effets de la crise Covid19 sur l’industrie de Défense ? Quoiqu’il en soit, l’US Navy a annoncer qu’elle allait diviser le programme FFG/X en deux sous-programmes de 10 navires. Le vainqueur de la competition actuelle qui oppose 4 groupes industrielles se verra attribuer la construction de 10 navires, alors qu’une nouvelle compétition sera immédiatement lancée pour la construction de 10 frégates d’une classe différente.

Cette approche permettra de rapidement repartir la charge de travail entre les chantiers navals américains et leurs sous-traitants, dont plusieurs sont durement touchés par les conséquences de la crise sanitaire et économique liée au Covid19. Elle permettra également d’accélérer le planning de livraison, alors que le Departement de La Défense insiste pour concentrer les efforts de l’US Navy afin d’augmenter le nombre de navires en ligne d’ici 2030. En revanche, rien n’indique pour l’heure que le nombre de frégates dépassera les 20 unités, d’autant que dans le rapport présenté par le DoD et soutenu par Mark Esper, le Secrétaire à La Défense Américain, met l’accent sur l’entrée en service d’unités navales robotisées ou à équipage réduit.

Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
La proposition de Fincantieri pour le programme FFG/X diffère du modèle en service dans la Marine Italienne.

Certains chantiers navals, en premier lieu desquels le Marinette Marine shipyard de Fincantieri, sont particulièrement exposés à une possible baisse d’activité alors que la production de LCS touche à son terme. Or, ces chantiers navals jouent un rôle sociaux-économiques déterminants dans le Wisconsin, un état traditionnellement équilibrés entre démocrates et républicains, et ce à seulement quelques mois d’une élection présidentielle qui promet d’être particulièrement serrée.

Les frégates FFG/X doivent emporter 32 silos verticaux pour missiles anti-aériens, anti-sous-marins et missiles de croisières, de 8 missiles anti-navires et un systeme CIWS RAM, ainsi que le nouveau radar SPY-6 du système Aegis. Les navires devront en outre mettre en oeuvre un hélicoptère de lutte anti-sous-marine, et une suite sonar complete, de sorte à en faire un escorteur très performant épaulant parfaitement les destroyers Arleigh Burke. Les navires doivent respecter un prix unitaire inférieur à 950 m$.

Reste que, de plus en plus, nous constatons que les Etats-Unis ont entamé une transition d’une politique industrielle de Défense de temps de paix, focalisée sur le developpement technologique, vers une politique industrielle de guerre, caractérisée par l’optimisation de l’outil productif.

L’avion de transport et de ravitaillement en vol C-390 Millennium pourrait-il survivre au divorce Boeing / Embraer ?

Le lancement de la joint-venture entre l’Américain Boeing et le Brésilien Embraer devait être un des grands évènements de l’année dans le monde aéronautique. Réagissant au rapprochement entre Airbus et le Canadien Bombardier, la co-entreprise américano-brésilienne devait permettre à Boeing de compléter sa gamme d’avions civils avec les ERJ et E-Jets de conception brésilienne. Pour prendre en charge 80% de la joint-venture, Boeing aurait alors dû déboursé par moins de 4,2 milliards $. En parallèle, une seconde joint-venture nommée Boeing Embraer – Defense, cette fois-ci contrôlée à 51% par Embraer, doit permettre à Boeing de commercialiser l’avion de transport militaire brésilien C-390 Millennium.

Cependant, le 25 avril, l’accord s’effondre soudainement. Boeing annonce en effet qu’il n’entend pas donner suite à la joint-venture avec Embraer, chaque avionneur rejetant la responsabilité de l’échec sur l’autre. Pendant plusieurs jours, la situation s’avère incertaine, et les spéculations se multiplient afin d’expliquer le revirement de Boeing, qui accumule les déconvenues depuis fin 2018 et le crash du vol Lion Air 610.

KC 390 bourget 2017 Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Le KC-390 vu au Salon du Bourget 2017, avant son changement de dénomination. Le C-390 est nativement conçu pour pouvoir être utilisé comme un ravitailleur en vol, même s’il reste avant tout un avion de transport tactique de hautes performances.

Coronavirus : principal adversaire commercial de Boeing

Si Boeing déclare que son retrait de l’accord est dû à des questions non résolues par Embraer lors des négociations autour de l’Accord Cadre de Transaction (Master Transaction Agreement), aucun analyste ne semble dupe. Le retrait de Boeing est causé, une nouvelle fois, par les conséquences économiques de l’épidémie de coronavirus. En effet, en raison de l’effondrement du marché financier et de la réduction drastique de l’activité aéronautique civile ces dernières semaines, la valeur boursière des activités d’Embraer que Boeing aurait dû racheter dans le cadre de la joint-venture était tombé en dessous du milliard de dollars, bien loin des 4,2 milliards $ que Boeing avait accepté de régler l’année dernière.

De plus, même en cas de revalorisation à la baisse, Boeing aurait été sans aucun doute dans l’incapacité d’acquérir les avions de ligne et la moitié du C-390 brésilien. En effet, en plus de la catastrophe industrielle que représente l’interdiction de vol du 737MAX, l’entreprise de Seattle souffre énormément de la pandémie de coronavirus, que ce soit en raison des baisses de commandes civiles ou de la fermeture forcée de certaines de ses usines.

Boeing 737 MAX gares parking usines constructeur 27 2019 Seattle attendant recertification avion 1 1399 611 Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
SEATTLE, WA – JUNE 27: Boeing 737 MAX airplanes are stored in an area adjacent to Boeing Field, on June 27, 2019 in Seattle, Washington. After a pair of crashes, the 737 MAX has been grounded by the FAA and other aviation agencies since March, 13, 2019. The FAA has reportedly found a new potential flaw in the Boeing 737 Max software update that was designed to improve safety. (Photo by Stephen Brashear/Getty Images)

Déjà en grandes difficultés financières, Boeing est aujourd’hui tout simplement incapable de dépenser une telle somme dans un rachat d’entreprise, aussi stratégique soit-elle. De plus, l’affaire aurait été politiquement très mal venue. A l’heure où Boeing négocie un prêt fédéral massif pour assurer sa survie et récupère autant de liquidités que possibles auprès du Pentagone, il aurait été impossible de justifier que quatre milliards de dollars soient utilisés pour le rachat partiel d’une compagnie étrangère.

Le C-390 Millennium épargné par la rupture Boeing/Embraer ?

Aux dernières nouvelles, la coopération de Boeing et Embraer dans le domaine militaire ne serait pas totalement stoppée par l’échec des négociations. Si la création de la société Boeing Brasil – Commercial autour des activités civiles semble définitivement annulée, le doute persiste autour de Boeing Embraer – Defense. Si les investissements de Boeing dans cette joint-venture seront probablement annulés ou grandement retardés, l’avionneur américain ne semble toutefois pas prêt à se désinvestir totalement du programme C-390 Millenium.

En effet, Boeing et Embraer devraient continuer à collaborer selon les termes d’un accord-cadre signé en 2012 entre les deux entreprises. Dans ce cadre-là, Boeing continuerait d’apporter son soutien à la commercialisation et la maintenance du C-390 conçu et fabriqué par Embraer, même si les retombées financières pour Boeing ne seront pas aussi intéressantes que dans le cadre d’une véritable joint-venture.

C 390 Litening Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Le C-390 peut embarquer des paniers de ravitaillement en vol sous les ailes ainsi qu’une nacelle Litening sous le ventre pour effectuer des missions de surveillance et de reconnaissance, ainsi que de la désignation de cibles au profit d’avions de combat.

Pour rappel, le KC-390 avait été lancé par Embraer en 2009 dans le but de concevoir un avion-cargo militaire adapté au ravitaillement en vol. De par son format et ses performances, le KC-390 se positionnait alors comme un concurrent potentiel au C-130J de Lockheed Martin, avec cependant une propulsion par turboréacteurs plutôt que par turborpopulseurs.

Malgré un intérêt certain de la part des pays sud-américains, Embraer a cependant eu beaucoup de mal à commercialiser son KC-390 face à un marché international saturé par le C-130J, de sorte que seul le Brésil et le Portugal ont pour le moment passé des commandes fermes pour l’appareil. Le partenariat avec Boeing débuté en 2012, et qui devait être considérablement renforcé par la joint-venture cette année, a alors pour but d’offrir à Embraer la puissance commerciale de Boeing, notamment à destination des pays du Moyen-Orient et d’Asie. Pour Boeing, le deal passé avec Embraer permet alors de disposer en catalogue d’un avion équivalent au C-130J de son concurrent Lockheed, et capable de compléter par le bas son avion-cargo lourd C-17.

C 130 Hercules Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Par rapport au C-130 Hercules, le C-390 Millennium est plus rapide et dispose d’une meilleure allonge. Il ne dispose cependant pas des mêmes performances tactiques sur terrains non-préparés.

En novembre dernier, alors que les tous premiers appareils de série sont livrés au Brésil, le KC-390 est rebaptisé C-390 Millennium, symbolisant l’investissement de Boeing dans la commercialisation de l’appareil. Aujourd’hui, Boeing semble ainsi continuer à soutenir le programme C-390 Millennium, ce qui pourrait épargner le volet militaire du fiasco du rapprochement entre Boeing et Embraer. Ceci étant dit, les jeux sont encore loin d’être faits. En effet, le revirement de Boeing a provoqué de graves rancœurs chez Embraer, qui avait consenti à d’énormes sacrifices industriels pour satisfaire l’accord.

Boeing pourrait se recentrer sur ses activités militaires

Si les tensions entre les deux entreprises ne se calment pas sur le segment civil, il se pourrait bien que l’accord entamé autour du C-390 en 2012 vole également en éclats. Si Embraer n’a plus confiance en la parole de Boeing ou en ses capacités financières, l’avionneur brésilien pourrait bien choisir de trouver un nouveau partenaire pour commercialiser son C-390. Le marché de renouvellement du C-130 et de l’An-12 est en effet gigantesque. L’appareil brésilien pourrait ainsi parfaitement intégrer la gamme militaire d’Airbus, entre le C-295 et l’A400M, ou bien encore intéresser des investisseurs en Inde, au Moyen-Orient ou même en Chine. Nul doute qu’une telle perspective devrait permettre à Embraer de renforcer sa position vis-à-vis de Boeing dans les négociations houleuses qui auront nécessairement lieu dans les semaines à venir.

C 390 vol Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Le C-390 Millennium dispose théoriquement d’un excellent potentiel commercial, en apportant le niveau de performance d’un C-17 ou d’un A400M dans un format de C-130 Hercules. Plusieurs pays d’Europe de l’Est et d’Amérique du Sud ont été intéressés, sans suite pour le moment.

En attendant, en annonçant rapidement qu’il ne se désengageait pas du C-390 Millennium, Boeing confirme son envie de conserver et renforcer ses activités militaires au moment où son activité civile est au plus mal. Si le KC-46 Pegasus pose des problèmes insurmontables à Boeing, les appareils purement militaires de l’avionneur restent des succès techniques et commerciaux : AH-64E Apache Guardian, MQ-25 Stingray, T-7 Red Hawk, CH-47 Chinook, Super Hornet Block III, etc.

Dans un contexte de crise économique généralisée, le transport aérien pourrait être durement touché. S’il n’est pour l’instant pas question d’abandonner purement et simplement l’activité civile de l’entreprise, cette dernière pourrait être réduite à sa plus simple expression dans les années à venir. La survie commerciale de Boeing pourrait alors dépendre principalement des commandes étatiques américaines et de l’exportation de matériel militaire, en attendant l’inévitable rebond du transport aérien mondial.

L’US Navy et le Secrétaire à la Navy sont favorables au retour du commandant Crozier aux commandes de l’USS Theodore Roosevelt.

La décision de relever de son commandement le capitaine de vaisseau Brett Crozier, commandant le porte-avions USS Theodore Roosevelt, alors que celui-ci venait d’arriver à quai à Guam suite à l’explosion du nombre de cas de Covid19 à son bord, provoqua de nombreuses reactions aux Etats-Unis, tant dans l’opinion publique que dans la sphère politique et militaire. Le Secrétaire à la Navy Thomas Modly, à l’origine de cette décision, finit lui aussi par démissionner suite à des propos tenus à bord du porte-avions américains. Cet épisode peu glorieux de l’US Navy risque de connaitre un dernier rebondissement puisque, selon le New York Times, son Chef d’Etat-Major, l’Amiral Michael Gilday, et le nouveau Secrétaire à la Navy, James McPherson, se seraient tous deux exprimés en faveur du rétablissement du Capitaine Crozier dans son commandement à bord du Theodore Roosevelt.

En effet, dans l’attente du rapport final en cours de redaction concernant l’enquête diligentée suite à la publication dans la presse d’une lettre envoyée par le Commandant Crozier demandant de débarquer à terre 90% de son équipage pour stopper la propagation du virus à son bord, les deux hommes auraient pris connaissance du rapport préliminaire, qui présenterait une dynamique bien différente de celle initialement soupçonnée concernant la diffusion de cette lettre, bien moins à charge concernant le commandant du navire. Le rapport pointe en particulier les conséquences du manque de réactivité dans les communications liées au décalage horaire entre l’ensemble des acteurs de la decision, ce qui aurait créé une extension du temps de décision incompatible avec l’urgence du bord. Par ailleurs, il aurait été démontré que la fuite vers le San Francisco Chronicle de la lettre du commandant Crozier ne serait pas du fait du Commandant Crozier, mais d’un autre officier de l’US Navy.

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La capitaine Brett Crozier pourrait retrouver son commandement à bord de l’USS Theodore Roosevelt à l’issu de l’enquête en cours

Il faut dire également que de nombreux facteurs sont venus donner raison au capitaine Crozier dans sa decision de faire quitter le bord à la majorité de son équipage, le premier étant qu’aujourd’hui, il ne reste effectivement que 10% de l’équipage à bord de l’USS Roosevelt, et que 90% de l’équipage ont été débarqués à Guam. Le test de l’ensemble de l’équipage montra que plus de 840 marins avaient contracté le virus, dont le capitaine Crozier lui-même, et l’un deux, le Aviation Ordnanceman Chief Petty Officer Charles Robert Thacker Jr âgé de 41 ans, décéda de la maladie le 13 avril. Le virus a également frappé le porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle, contaminant plus de la moitié des 1700 membres d’équipage en quelques jours, démontrant la très rapide propagation du pathogène dans les environnements confinés comme celui d’un navire de guerre.

L’amiral Gilday et le Secrétaire à la Navy McPherson auraient, selon le New York Times, déjà rencontré à ce sujet le chef d’état-major des armées, le général Mark Milley, ainsi que le Secrétaire à La Défense, Mark Esper. Ce dernier a indiqué qu’il attendrait d’avoir le rapport définitif sur cet incident pour statuer.

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Les coursives d’un navire de guerre s’avèrent être particulièrement propices à la diffusion d’un pathogène comme Covid19.

Quoiqu’il en soit, que le capitaine Crozier soit réinstallé dans son commandement, ce qu’on ne peut que lui souhaiter, ou non, il n’en demeure pas moins qu’il apparait désormais incontestable que l’épidémie Covid19 a bien plus qu’handicapé deux des neufs porte-avions opérationnels occidentaux, elle les a mis hors de combat pour une durée qui reste encore indéterminée. Mais le fait que la Marine Chinoise exploite justement cette faiblesse temporaire pour faire la demonstration de sa puissance navale autour de Taiwan est révélateur du rôle crucial que jouent encore ces navires dans l’évaluation de la force navale occidentale, tout au moins dans l’esprit des dirigeants chinois. En effet, ce ne sont ni le retrait d’un ou plusieurs destroyers, ni de quelques sous-marins ou de quelques avions de combat qui ont incité les autorités chinoises en entamer des manoeuvres navales de grande ampleur, mais bien l’affaiblissement du dispositif aéronaval américain sur le Théâtre Pacifique.

De fait, si cet incident a en effet eu des conséquences peu flatteuses sur l’image de l’US Navy, il aura incontestablement eu le mérite de démontrer le rôle dissuasif du porte-avions, de son escorte et de son groupe aéronaval embarqué face à des puissances étrangères, fussent-elles aussi puissantes que la Chine. Alors que le Departement de La Défense veut retirer deux porte-avions à l’US Navy, ce constat pourrait bien amener à plus de modération dans des décisions trop hâtives.

Les bombardiers américains B-52 quittent le Pacifique malgré le regain de tensions dans la région

Il y a dix jours, à la surprise générale, l’US Air Force a annoncé avoir mis fin à la présence continue de bombardiers (Continuous Bomber Presence) stratégiques sur l’île de Guam, dans le Pacifique. La veille, le 16 avril, les cinq bombardiers B-52H Stratofortress encore basés sur place ont décollé afin de rentrer dans leur base de Minot, dans le Dakota du Nord.

D’après le Pentagone, la fin de ce déploiement était anticipée et s’inscrit dans le nouveau concept opérationnel Dynamic Force Employment, qui vise à rendre les mouvements de forces américains plus imprévisibles et donc difficiles à contrer. Jusqu’à présent, cela se traduisait principalement par une communication plus floue autour des déploiements des porte-avions, même si la question du pré-positionnement des bombardier était évoquée depuis quelques semaines.

B 52 in maritime roles Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Depuis 2004, de bombardiers américains de tous types sont déployés en permanence à Guam. Ces derniers temps, le B-52 y a la préférence de l’USAF en raison de sa capacité d’emport en missiles anti-navires.

Le général Timothy Ray, responsable des bombardiers stratégiques de l’USAF, avait ainsi déclaré vouloir mettre fin aux déploiements permanents, tout en multipliant les déploiements ponctuels. Cela aurait l’avantage de maximiser la surprise stratégique en cas de conflit, tout en améliorant la préparation opérationnelle des troupes chargées d’assurer les déploiements de bombardiers partout dans le monde. En théorie, donc, le rapatriement aux USA des Stratofortress de Guam pouvait se justifier. Malheureusement, le timing choisi n’aurait sans doute pas pu être pire, et semble montrer les difficultés énormes que connait actuellement le Global Strike Command.

En effet, à peine trois jours avant qu’ils ne redécollent pour Minot AFB, les cinq bombardiers basés à Guam avaient participé à un « Elephant Walk », une manœuvre de démonstration aussi bien militaire que politique.  Le défilé des B-52 à Guam avait en effet été effectuée en réponse au déploiement du porte-avions chinois Liaoning au large de Taïwan. Avec ses bombardiers pré-positionnés à Guam, l’USAF rappelait ainsi qu’elle était prête à intervenir rapidement contre le groupe aéronaval chinois, alors même que les deux porte-avions américains dans la zone étaient mis hors de combat par l’épidémie de coronavirus.

En renvoyant quelques jours plus tard les bombardiers aux USA, Washington envoie un message catastrophique à ses alliés dans le Pacifique et, pire encore, concède à la Chine une victoire symbolique sans aucun doute inespérée à Pékin ! En effet, la présence continue à Guam avait été instaurée en 2004 comme une réponse au renforcement des capacités militaires chinoises dans la région. Or, les forces chinoises ont plus que décuplé dans la région ces seize dernières années, ce qui devrait au contraire pousser l’US Air Force à renforcer ses déploiements dans la région, plutôt qu’à les diminuer.

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Trois jours avant leur départ pour les Etats-Unis, les cinq B-52H déployés à Guam réalisaient une démonstration de force destinée à impressionner la Chine. La plupart des analystes espéraient alors que leur présence sur place serait prolongée au moins jusqu’à la fin de la crise actuelle.

Sans bombardiers prêts au combat, sans porte-avions actifs dans la région, le groupe aéronaval chinois est ainsi concrètement libre de ses actes. Même si rien ne laisse penser que ce soit dans les intentions –où les moyens– de Pékin, la Chine pourrait aujourd’hui utiliser le Liaoning dans le cadre d’une attaque coordonnée sur Taïwan et bénéficier de 24 à 48 heures de répit avant qu’une contre-attaque aéronavale américaine ne puisse s’organiser.

Bien entendu, tout porte à croire que des sous-marins américains surveillent de près les mouvements navals chinois. Mais les sous-marins sont avant tout des outils militaires, quand les porte-avions et les déploiements de bombardiers sont également des outils diplomatiques. Avec le retrait des B-52 de Guam, c’est une grande partie des mesures de réassurance américaines dans la région Asie-Pacifique qui disparaissent. Nul doute que le choc doit être grand à Taipei et, dans une moindre mesure, à Séoul et Tokyo, que les B-52 de Guam étaient également censés couvrir.

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Andersen Air Base, à Guam, accueillait régulièrement des bombardiers américains avant la mise en place du Continuous Bomber Presence, comme ici ce B-1B Lancer en 2003. Des bombardiers devraient continués à être régulièrement déployés à Guam, mais aussi en Australie, au Japon ou en Corée du Sud, afin de maintenir l’incertitude sur la position des unités stratégiques américaines.

Au final, d’un pur point de vue politique et diplomatique, la fin du Continuous Bomber Presence à ce moment précis est un non-sens. Si le but premier du Dynamic Force Employment est de maintenir la capacité de surprise stratégique, ce concept opérationnel doit également permettre de renforcer les alliés à l’endroit et au moment le plus opportun. Ainsi, dans une application stricte du Dynamic Force Employment, l’ »Elephant Walk » du 13 avril n’aurait pas dû être suivi par un retrait des cinq B-52 de Guam, mais au contraire par le déploiement sur place de B-52 ou de B-1B supplémentaires ! Malheureusement, il y a de fortes chances pour que le retour dans le Dakota du Nord des bombardiers de Guam tienne plus à des raisons techniques et opérationnelles que politiques.

En effet, depuis quelques années, l’Air Force Global Strike Command traverse une véritable crise matérielle. L’USAF dispose en effet de trop peu de bombardiers pour remplir son contrat opérationnel. Les flottes sont aujourd’hui vieillissantes et souffrent d’une disponibilité médiocre qui se cumule aux difficultés rencontrées pour recruter des pilotes. Le signal d’alarme est pourtant tiré régulièrement, depuis plusieurs années, mais le budget prévisionnel pour l’année fiscale 2021 prévoit toujours de retirer 17 bombardiers B-1B Lancer du service. Officiellement, il s’agit de dégager des crédits pour permettre d’améliorer les capacités opérationnelles et la disponibilité du reste de la flotte. Malheureusement, le retrait anticipé de 40 B-1B au début des années 2000, pour les mêmes raisons, n’avait pas empêché la disponibilité de tomber à moins de 10%.

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Le Global Strike Command a payé le prix fort pour la présence continue à Guam. En février 2008, un B-2A s’écrasait, les deux pilotes réussissant à s’éjecter. Quelques mois plus tard, ce B-52H disparaissait en mer, avec ses six membres d’équipage. Un incendie au décollage a également détruit un autre B-52 en 2016, sans faire de victimes.

Dans un contexte idéal, l’USAF devrait être en mesure de disposer de suffisamment de bombardiers en état de vol pour se permettre d’assurer des déploiements permanents dans le cadre de mesures de réassurance tout en mettant en place concept de déploiement dynamique pour les autres bombardiers. Pour l’heure, il semble que les choses ne sont pas prêtes de s’améliorer avant la fin de la décennie et l’arrivée des nouveaux bombardiers B-21 Raider.

En attendant, la fin du déploiement permanent à Guam s’avère dramatique pour Taïwan, le Japon et la Corée du Sud, et offre une victoire stratégique –certes symbolique– à Pékin alors même que les capacités relatives de l’US Navy n’ont jamais été aussi faibles dans la région ! Cependant, on constate que ce timing permet tout de même au Global Strike Command de rappeler son utilité à la classe politique américaine. Nul doute que cet épisode sera repris par certains législateurs lorsque l’heure viendra de voter au Congrès le budget de la défense 2021.

Les missiles Hypersoniques deviennent la priorité du Département de la Défense américain pour contrer la menace chinoise.

Il y a quelques semaines, avant d’entamer l’étude sur la pérennité des porte-avions dans l’US Navy, Mark Esper, le secretaire à La Défense des Etats-unis, s’était publiquement interrogé sur la pertinence de remplacer, à budget identique, un porte-avions par une flotte de 100 ou 200 missiles hypersoniques pour assurer La Défense initiale du Japon ou de la Corée du Sud. Visiblement, l’idée a fait son chemin, puisqu’à l’occasion d’un Webcast avec l’association de l’Air Force Mitchell Institute, Mark Lewis, le directeur de la modernisation du sous-directeur à l’innovation Mark Griffin, a annoncé la création d’une « war room » consacrée uniquement à l’entrée en service rapide et massive des armes hypersoniques dans les forces armées américaines.

Le Pentagone finance aujourd’hui 3 familles de programme pour concevoir, tester et mettre en service des armes hypersoniques, selon qu’elles soient lancées de la surface ou d’un aéronef, et qu’elles emploient un moteur fusée et un planeur hypersonique, ou un moteur aérobie de type Scramjet. Pour l’heure, la famille aérobie à lanceur de surface ne fait l’objet d’aucun developpement, du moins dans la sphère publique. Les travaux sont reparties entre l’US Air Force (programme ARRW), l’US Navy (programme CPS), l’US Army (programme LRHW) et la Darpa (programmes HAWC et HSW-ab), qui est pour l’heure la seule à developper des programmes aérobies.

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Test du programme ARRW pour Air-launched Rapid Response Weapon à partir d’un B52 de l’US Air Force

Chacune de ces technologies présente ses propres attraits, ainsi que ses propres limites. Ainsi, les armes à moteur fusée et planeur hypersonique atteignent les vitesses les plus élevées, pouvant dépasser Mach 10. En outre, leur trajectoire semi-balistique leur confère une grande portée. Mais ce sont également les armes qui seront les plus faciles à detecter et à intercepter, tant leur profil de vol se rapproche de celui des armes balistiques conventionnelles. En outre, ce sont des armes lourdes et encombrantes, nécessitant l’équivalent d’un missile balistique tactique pour être lancé et atteindre l’altitude et la vitesse voulue.

Les armes aérobies sont, elles, beaucoup plus souples d’emploi, et beaucoup plus légères, puisqu’elles puisent le comburant dans l’air atmosphérique plutôt que dans les réserves du moteur fusée. Du coup, elles sont beaucoup plus légères, et emploient un moteur de type scramjet en lieu et place des moteurs à statoréacteur qui équipent certains missiles de croisière supersoniques comme le Brahmos indien ou encore le missile nucléaire ASMPA français. Elles pourront donc être mis en oeuvre à partir de vecteurs plus légers, comme les avions de combat tactiques. En revanche, ces missiles vont beaucoup moins vite, puisque leur vitesse s’établira autour de Mach 5, les scramjet ne pouvant pas dépasser la vitesse de mach 6 en l’état des connaissances théoriques actuelles.

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Le missile hypersonique ARRW a une forme caractéristique pour pouvoir soutenir les contraintes importantes du vol hypersonique

Les objectifs de la « war room » présentées par Mark Lewis sont multiples, mais peuvent se résumer dans une maxime : Construire beaucoup de missiles hypersoniques bon marchés au plus vite. En effet, il a insisté sur les questions d’applicabilité rapide des développements technologiques en cours, et sur la production de masse des systèmes d’arme pour obtenir des couts de production compatibles avec l’effort de défense américain.

Alors que l’US Air Force retire ses bombardiers de l’ile de Guam, car trop exposés à une frappe de première intention chinoise avec, par exemple, le nouveau missile hypersonique DF17, et que les porte-avions de l’US Navy apparaissent de plus en plus vulnérables aux armes balistiques chinoises comme le DF21D et le DF26, il est indispensable aux forces armées américaines de disposer d’une arme pouvant assurer une riposte massive et rapide face à une aggression chinoise contre le Japon, la Corée du Sud, Taiwan ou les navires et aéronefs américains patrouillant sur ce théâtre. Le missile hypersonique, qu’il soit mis en oeuvre à partir d’un aéronef comme l’ARRW, d’un navire de combat comme le CPS, ou d’un lanceur terrestre mobile comme le LRHW, constitue aujourd’hui la seule réponse ayant la mobilité suffisante pour se prémunir des effets d’une première frappe conventionnelle massive chinoise, tout en garantissant des frappes précises et puissantes capables de pénétrer La Défense anti-aérienne et anti-missile chinoise. Naturellement, ce qui est vrais pour la Chine l’est également pour la Russie, la Corée du Nord ou encore l’Iran.

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L’Hypervelocité est un axe majeur de developpement pour l’US Air Force, au point de supplanter désormais la furtivité dans ses priorités.

En d’autres termes, le Departement de La Défense a, semble-t-il, décidé de miser sur les armes hypersoniques pour contenir la montée en puissance rapide des forces armées chinoises, le temps nécessaires aux armées américaines de mettre en oeuvre leur programme de modernisation et reprendre l’ascendant technologique sur leurs adversaires, comme le programme Big 6 de l’US Army.

Il est interessant de constater qu’il s’agit de la même doctrine que celle appliquée par la Russie face à l’OTAN. En effet, Moscou étant incapable de prendre l’ascendant militaire sur l’Alliance Atlantique dans la durée, les autorités russe n’essaient pas de soutenir sa cadence industrielle ou technologique. En revanche, avec l’entrée en service des armes hypersoniques comme le Kh47m2 Kinzhal, le planeur hypersonique Avangard et l’arrivée prochaine du 3M22 Tzirkon, les Armées russes disposent de systèmes d’arme capables de frapper l’OTAN dans sa profondeur, alors qu’aucun système existant ne peut s’opposer à ces attaques. Cela donne à la Russie le temps de developper et de mettre en service ses blindés de nouvelle génération comme le T14 Armata ou le K16 Boomerang, ses avions de combat comme le Su57 ou ses navires modernes comme les frégates 22350 Admiral Gorshkov, et recoller ainsi avec les performances technologiques occidentales.

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Le Kh47M2 Kinzhal est entré en service dans les forces aériennes russes dès 2018. Il peut être mis en oeuvre par un bombardier Tu22M3M ou un Mig31

Mais cette décision américaine montre également une certaine forme de fébrilité dans la décision américaine, et surtout dans l’anticipation de l’evolution de la menace, puisque visiblement le Pentagone se trouve en partie désemparé face à la progression militaire chinoise, et contraint de developper en urgence un système d’arme pour rétablir l’équilibre, tout au moins sur le théâtre Pacifique. Malheureusement, si les Etats-Unis semblent avoir pris la mesure des changements en cours, ainsi que de leurs calendriers, l’Europe, de son coté, ne montre aucun empressement pour rétablir ses investissements en matière de défense, pas plus qu’elle ne s’est engagée massivement dans le developpement des technologies qui définiront le champs de bataille au delà de 2030, comme l’électromagnétisme, l’hypervelocité, les armes à énergie dirigée ou encore les technologies quantiques. Comme nous l’avions écrit précédemment, alors que Pékin, Moscou et désormais Washington développent les technologies militaires qui définiront les engagements de 2030, l’Europe, elle, se contente de rattraper celles de 2010. En l’absence d’une prise de conscience des européens, et d’une reaction forte, le déclassement géopolitique et technologique du vieux continent s’avère ineluctable, et précipité.

Les F-35B et F-35C seront incapables de conduire des interceptions supersoniques

Après avoir enquêté plusieurs mois sur cette question, Defense News a finalement obtenu la confirmation que les problèmes structurels rencontrés par le F-35 aux vitesses supersoniques ne seraient tout simplement pas résolus. Pour le moment, cela ne concernerait que les F-35B des Marines et les F-35C de la Navy, et non pas les F-35A utilisés par l’US Air Force et la plupart des clients export de l’appareil.

Depuis l’année dernière, le Pentagone reconnait que les deux variantes navales du F-35 souffrent de sérieux problèmes lorsqu’ils volent au-dessus de Mach 1. En effet, contrairement à la plupart des avions modernes, le F-35 est incapable de voler en vitesse supersonique sans faire usage de post-combustion sur son réacteur. Or, cette post-combustion entraîne une augmentation excessive de la chaleur et des vibrations sur l’arrière de la cellule de l’appareil, qui se retrouve également soumises aux contraintes aérodynamiques bien particulières du vol supersonique. Concrètement, cette situation provoquerait un endommagement de la structure de l’appareil (notamment son empennage horizontal) mais aussi du revêtement furtif de l’appareil et d’une partie de ses capteurs de guerre électronique.

F35B de lUS Marines Corps au decollage dun LHD Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Supersonique ou non, le F-35B devrait rester un appareil incontournable pour l’US Marines Corps.

Pire encore, les dommages sur le revêtement seraient aggravés par la seule vitesse supersonique, même lorsque la post-combustion est coupée. Concrètement, depuis plus d’un an, les F-35B et C sont ainsi incapables de voler plus de quelques minutes en vitesses supersoniques au-delà de Mach 1,2 et uniquement en très hautes altitudes. Ainsi, la limite actuelle pour le F-35B utilisant sa poste-combustion serait de quarante secondes à Mach 1,3, un délai qui est doublé s’il se limite à Mach 1,2. De plus, l’usage de la post-combustion resterait limité à environ une minute en continue, ce qui implique de rallonger considérablement le temps nécessaire pour atteindre un régime supersonique.

Ces problèmes viendraient s’ajouter à un autre défaut constater à nouveau spécifiquement sur les F-35B et F-35C. Au-delà d’un angle d’attaque de 20°, les avions auraient en effet un comportement imprévisible. Or, les grands angles d’attaque sont indispensables en combat tournoyant, ou lors de manœuvres évasives lorsque le chasseur est pris pour cible. Deux cas de figure qui, bien entendu, exigent bien souvent un usage prolongé de la post-combustion.

F 35C Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Contrairement à l’USAF et l’USMC, l’US Navy ne s’est pas précipité pour déclarer sa variante du F-35 opérationnelle, et compte corriger autant que possible les défauts de l’appareils avant de l’exploiter au combat. Malheureusement, la gestion du programme lui impose certains compromis.

En additionnant les problèmes aux fortes vitesses et aux forts angles d’attaque, on réalise alors que les avions des Marines et de la Navy font pour l’instant de piètres avions de chasse, aussi bien en combat tournoyant qu’en interception. Une situation ironique puisque la capacité à réaliser des « super-croisières » et à être « super maniable » avait fait partie intégrante du jargon commercial justifiant la catégorie « cinquième génération » pour le F-22 de Lockheed Martin. Or, Lockheed est également le constructeur du F-35 censé être lui aussi un chasseur de cinquième génération, globalement subsonique et finalement peu maniable pour le moment.

Les défauts de maniabilité aux angles d’attaque élevés devraient être corrigés progressivement par une amélioration des commandes de vol électroniques. Malheureusement, les dernières annonces de Defense News confirment que la solution trouvée aux problèmes de vol supersonique consiste à… ne pas résoudre les problèmes et à restreindre durablement les vols supersoniques. Une « solution » qui permet de réduire la liste des défauts irrésolus de l’appareil, mais qui l’éloigne toujours un peu plus des performances promises au départ.

F 35 with Tempest Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
Le F-35B servira à la fois depuis les bases terrestres de la Royal Air Force et depuis les deux nouveaux porte-avions de la Royal Navy. Pour l’instant, on ne sait pas si les appareils vendus à l’exportation sont concernés par les limitations imposées par le Pentagone.

Ainsi, le problème est reconnu, mais il ne sera pas corrigé sur le plan technique. Les avions déjà livrés et les futurs F-35B et C seront donc limités à des vols supersoniques de quelques minutes à peine, et rarement au-dessus de Mach 1,2. Pour les appareils de l’US Marines Corps destinés à embarquer sur les porte-hélicoptères amphibies, la perte ne sera sans doute pas dramatique. Ces avions y remplacent en effet les AV-8B Harrier subsoniques et seront principalement utilisés pour l’appui-feu, l’interdiction et le contrôle de la sphère aéroterrestre en zone littorale. Ces limitations seront cependant bien plus complexes à gérer pour l’US Navy, qui sera concrètement privée de moyens d’interception furtifs. Lorsque l’on sait que la marine américaine n’a jamais été enthousiaste par rapport au programme F-35, ou imagine que la situation fera grincer plus d’une mâchoire au sein de l’Amirauté.

Pour l’heure, cependant, aucune information n’a filtré sur d’éventuelles limitations appliquées aux F-35B Britanniques et Italiens. Il est en effet possible que les appareils destinés à l’exportation soient dotés de revêtements moins furtifs, mais pouvant être également moins sensibles aux conditions extrêmes des vols supersoniques.

De plus, on est en droit de s’interroger sur les capacités supersoniques du F-35A, la version destinée à l’US Air Force et à la plupart des clients export de l’avion. En théorie, le revêtement du F-35A diffère de celui des F-35B et C, ces derniers étant adaptés aux conditions d’utilisation dans un environnement marin. Mais il se pourrait que le F-35A souffre également des problèmes structurels liés au vol supersonique (étant donné qu’il dispose des mêmes stabilisateurs horizontaux que le F-35B) mais que le Pentagone ne les considère pas avec la même gravité pour des raisons logistiques. En effet, un F-35A basé à terre pourrait rapidement avoir accès aux infrastructures logistiques permettant de le réparer s’il était endommagé par un vol supersonique prolongé. A l’inverse, les avions des Marines et de la Navy ne peuvent compter que sur les outils de maintenance embarqués à bord des porte-avions et porte-hélicoptères.

Super Hornet tanker USS Gearld Ford EMALS Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense
S’il a remplacé le F-14 Tomcat en escadron, le Super Hornet reste avant tout un avion d’attaque au sol avec des capacités d’interception limitées. Il risque cependant d’être bien plus utile dans cette mission que le F-35C dans les décennies à venir

Dans tous les cas, les nouveaux déboires rencontrés par le F-35 illustrent encore une fois deux défauts majeurs de ce programme :

  • D’une part, sa gestion globale. En effet, la construction en série des appareils a débuté alors que les prototypes n’avaient pas encore terminé leur programme de test. Alors que de nouveaux défauts sont détectés régulièrement, ce qui est normal pour un nouvel avion, certains d’entre eux ne pourront matériellement pas être corrigés sur les appareils de série déjà livrés.
  • D’autre part, on constate globalement les limites d’une vision ultra-technologique au détriment des fondamentaux du combat aérien. Il y a cinquante ans, Top Gun avait été créé afin de réapprendre les bases du combat aérien à des pilotes formés avant tout pour gérer un système d’arme complexe. Malheureusement, si le F-35C s’avère matériellement incapable de réaliser des interceptions et des combats tournoyants prolongés, un retour aux fondamentaux pourrait bien s’avérer impossible pour ses pilotes.

Or, lorsque l’on sait que la furtivité du F-35 est loin d’être acquise pour l’ensemble de sa vie opérationnelle, on est en droit de s’interroger encore une fois sur la pertinence du plus grand programme d’armement jamais créé. D’ici dix ou quinze ans, si la furtivité du F-35C était remise en question à l’échelon tactique, l’US Navy se retrouverait alors avec un chasseur monomoteur lourd et coûteux incapable de réaliser des missions basiques de supériorité aérienne. Un problème d’autant plus inquiétant pour l’US Navy qu’elle développe elle-même ses propres systèmes anti-furtifs et connait donc les limites de cette technologie et des avions entièrement conçus autour d’elle.

Le porte-avions USS Gerald R. Ford termine la certification de son pont d’envol équipé de catapultes et de brins d’arrêt électromagnétiques

Alors que la question de l’utilité des super porte-avions se pose toujours au sein de l’US Navy, la nouvelle génération de porte-avions nucléaires (CVN) continue son développement. Par rapport aux Nimitz actuels, la classe Ford est équipée de nouveaux réacteurs nucléaires et d’un système de combat de nouvelle génération. Mais, surtout, elle a troqué les traditionnelles catapultes à vapeur pour des systèmes électromagnétiques de nouvelle génération.

C’est d’ailleurs par le biais de General Atomics – Electromagnetic Systems que l’on a appris que l’USS Gerald R. Ford (CVN 78) avait terminé sa Flight Desk Certification, en utilisant notamment les catapultes électromagnétiques (EMALS) et les brins d’arrêts électromagnétiques (AAG) de GA-ESM. Cette qualification intervient deux mois après la validation technique de ces équipements sur le CVN 78, qui avait effectué une campagne d’essai intensive avec l’ensemble des avions mis en œuvre par les porte-avions américains : Super Hornet, Growler, Greyhound, Hawkeye et Goshawk.

Super Hornet tanker USS Gearld Ford EMALS Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense

La Flight Desk Certification, elle, va bien plus loin que les aspects techniques. Elle vise également à qualifier l’équipage du porte-avions lui-même, en l’occurrence les équipes du pont d’envol. A la suite du FDC, ces dernières sont donc certifiées pour l’utilisation de l’ensemble des systèmes permettant la mise en œuvre et la récupération des avions à bord, ce qui inclue bien entendu les EMALS et AAG mais ne s’y limite pas. La FDC permet également de certifier la gestion des mouvements des appareils sur le pont d’envol.

Cette nouvelle certification rapproche un peu plus l’USS Ford de sa pleine qualification opérationnelle. Depuis juillet 2017, plus de 2000 appareils se sont posés et ont redécollé de l’USS Ford, mais le CVN 78 reste intrinsèquement un prototype. Ces systèmes sont encore nouveaux et subissent un certain nombre de défaillances que l’US Navy et les industriels doivent corriger aussi vite que possible. En effet, le deuxième bâtiment de la classe, l’USS John F. Kennedy, a déjà été lancé et devrait être admis en service actif en 2022, tandis que le CVN-80 (USS Enterprise) est attendu pour 2025.

Tout défaut corrigé sur l’USS Ford permettra ainsi de gagner du temps et de l’argent sur les futurs bâtiments de la classe. Or, les catapultes EMALS ont demandé plusieurs années de maturation technique. Pour rappel, lors de lancement du Ford en 2013, les catapultes EMALS présentaient un taux d’échec de 10%, et étaient particulièrement complexes à entretenir.

T 45C Goshhawk emals uss gerald ford Allemagne | Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense

La plupart des défauts de jeunesse des EMALS et AAG semblent aujourd’hui corrigés. Ce système devrait assez logiquement être exporté en France pour les futurs porte-avions de la Marine Nationale, et intéresse également l’Inde malgré le ralentissement de son programme de porte-avions. Enfin, la Chine a développé parallèlement des prototypes de catapultes à vapeur et de catapultes électromagnétiques pour sa prochaine génération de porte-avions lourds.

Les catapultes de type EMALS étant plus souples d’emploi et moins contraignantes à installer et maintenir, ce type de solution a donc été retenu par la marine populaire chinoise. Ainsi équipés, les porte-avions de prochaine génération pourront mettre en œuvre une plus grande variété d’avions, aussi bien des chasseurs dans des configurations très lourdes que des drones légers, pour l’instant incompatibles avec les catapultes à vapeur.