samedi, décembre 6, 2025
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La revue de défense britannique est retardée pour tenir compte des conséquences de la pandémie de COVID-19

D’après le Secrétaire à la Défense britannique Ben Wallace, la prochaine revue stratégique de défense (l’équivalent du Livre Blanc de la Défense français) pourrait être « dure à avaler » pour les militaires britanniques. Prévue pour mettre à jour la vision stratégique du Royaume-Uni post-Brexit, cette revue intégrée a été retardée en raison de l’épidémie de Covid-19. Or, les conséquences de la pandémie sur les affaires militaires britanniques et sur l’économie mondiale devraient se ressentir cruellement sur les futurs choix militaires, industriels et diplomatiques du Royaume-Uni.

Depuis près de trente ans, la publication des revues stratégiques britanniques s’accompagne généralement d’une véritable appréhension de la part des forces armées, qui voient systématiquement leurs moyens réduits depuis la fin de la Guerre Froide. Suite aux lourdes factures des guerres d’Afghanistan et d’Irak, la Strategic Defence and Security Review de 2010 avait ainsi entrainé l’abandon des capacités de patrouille maritime pour la Royal Air Force, une réduction drastique des capacités de combat de la British Army, mais aussi le retrait immédiat des avions de combat Harrier et de leurs porte-avions. Des décisions symboliques qui grandement limité les capacités d’action britanniques à peine quelques mois plus tard, lors de l’intervention militaire en Libye.

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Lors de l’intervention en Libye en 2011, le Royaume-Uni ne disposait plus de porte-avions, les Harrier ayant quitté le service opérationnel quelques mois plus tôt. Seuls des hélicoptères Apache ont pu intervenir, notamment depuis le HMS Ocean qui a depuis été revendu au Brésil

Avec la SDSR 2015, l’hémorragie semblait enfin s’arrêter, avec un début de reconstruction des capacités perdues, via l’achat d’avions de patrouille P-8 Poseidon, le lancement des deux nouveaux porte-avions de la classe Queen Elizabeth ou encore d’un nouveau programme de frégates légères Type 31. Malheureusement, la reconstitution de capacités militaires prend considérablement plus de temps que leur mise en retraite anticipée, si bien que la plupart des programmes lancés à partir de 2015 sont encore bien loin d’avoir portés leurs fruits. D’autant plus que des pans entiers de la défense britannique n’ont pas bénéficié des largesses de la SDR 2015, notamment dans l’industrie terrestre, et qu’il manque toujours à l’heure actuelle entre 3 et 13 milliards £ au programme d’équipement des armées britanniques.

Et, entre temps, le retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne dans des conditions qui restent à définir a encore rajouté de la complexité et de l’incertitude sur de nombreux programmes menés conjointement avec des partenaires européens. Dans un tel contexte, la revue intégrée de 2020 était attendue avec ferveur. Si l’on parle désormais de revue « intégrée », c’est parce que les questions liées à la politique étrangère et au développement international du Royaume-Uni post-Brexit devraient être également abordées par le document, en plus des traditionnelles questions de défense et de sécurité.

Jusqu’à ces derniers mois, les principaux sujets d’inquiétudes autour de cette revue portaient logiquement sur la situation financière et les positionnement diplomatique du Royaume-Uni sorti de l’Union Européenne. Les conséquences économiques à long terme du Brexit sont en effet impossibles à anticiper, et la posture britannique vis-à-vis de l’industrie de défense européenne dépendra pour beaucoup de la manière dont se déroulera la période de transition (qui pourra être prolongée jusqu’en 2022). Si des annonces étaient attendues au sujet d’investissements dans l’industrie nationale (notamment aéronautique et navale), il était peu probable de voir les efforts de reconstruction entrepris en 2015 poursuivis après 2020. Pour le plus grand malheur de la British Army, qui n’est désormais plus que l’ombre d’elle-même.

Avec l’épidémie de Covid-19 et les récentes déclaration de Ben Wallace, il semble désormais impossible d’espérer un retour des investissements massifs dans la défense britannique. Cependant, les difficultés financières ne seront qu’un des défis à relever dans les prochaines années, d’après le Secrétaire à la Défense. Devant le Parliamentary Defence Committee réunie dans une session virtuelle, ben Wallace a ainsi déclaré que « ce ne sera pas qu’une question de sommes d’argent, mais de changement culturel ».

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Ben Wallace et Boris Johnson visitant les chantiers de construction des sous-marins Astute. Les chantiers navals sont durement impactés par l’épidémie de Covid-19.

Dans une Europe post-Bexit et dans un monde post-Covid, le Royaume-Uni va en effet devoir faire des choix en matière d’alliances, notamment vis-à-vis de l’Europe et des USA. La question de la stratégie des moyens sera également essentielle. Comme en 2010, des composantes entières des armées britanniques pourront donc disparaître en fonction des réorientations diplomatiques du pays.

Enfin, la question du renforcement de la base industrielle de défense nationale pourra devenir centrale dans les mois à venir. Pour le moment, le Royaume-Uni n’a pas pour habitude d’investir dans des programmes de défense simplement pour maintenir à flot son industrie, contrairement à la France ou à l’Italie par exemple. Au lieu de chercher à maîtriser parfaitement tous les secteurs de souveraineté industrielle, la politique britannique vise plutôt à rendre son industrie essentielle dans de nombreux secteurs, quitte à se contenter d’un rôle de sous-traitant. Les industriels britanniques, notamment BAE Systems, sont ainsi très bien implantés en Europe et aux USA, mais également en Asie.

Malheureusement, cette diversité des investissements britanniques implique également une plus grande fragilité face aux crises mondiales. En effet, même si le Royaume-Uni réussi à sortir de la crise sanitaire, sa chaîne logistique comme la santé financière de ses industriels de défense dépendra de l’évolution de l’épidémie ailleurs dans le monde, notamment aux USA et en Asie. De plus, la crise économique qui s’annonce pour les prochaines années devrait largement impacter les programmes de coopération internationale des grands groupes britanniques, comme Rolls Royce et BAE.

Maquette du programme TFX Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Si les forces armées britanniques importent encore une grande partie de leurs équipements militaires (F-35, Poseidon, Apache, etc.), les industriels britanniques sont également impliqués dans de nombreux programmes étrangers. Malheureusement, les autorités britanniques n’ont aucune maîtrise de ces programmes, ce qui pourrait les inciter à consolider les industriels nationaux en cette période de crise.

Dans un tel contexte, il serait politiquement tentant de recentrer les achats de défenses autour de productions purement nationales. Cela permettrait de redynamiser des secteurs industriels en crise, tout en étant moins dépendants des décisions politiques et des investissements étrangers. Dans le monde nouveau qui nous attend après la crise du Covid, certains programmes non-essentiels pourraient ainsi être chamboulés ou annulés, notamment le programme franco-britannique de missile FC/ASW.

Le maintien du programme d’avion de combat Tempest dans sa configuration actuelle pourrait également s’avérer particulièrement coûteux, alors même que plusieurs capacités de la British Army ou de la Royal Air Force ont des besoins urgents en financement. Alors même que le Royaume-Uni est déjà investi dans le F-35 américain, quelle place pourrait occuper le Tempest en pleine crise économique ? Observera-t-on un rapprochement entre le Tempest britannique et les programmes d’avions de combat de 6e génération de l’US Air Force ? Ou bien au contraire un rapprochement au niveau Européen entre le SCAF et le Tempest, comme nous l’avions déjà évoqué ?

Des débuts de réponses seront apportées dans la revue intégrée initialement prévue pour le mois de juillet. Etant donné les circonstances, la publication de cette revue n’est plus attendue avant la fin de l’année, voire le début de l’année prochaine. Le temps pour les ministères de la défense et des affaires étrangères de réévaluer les changements profonds que traverse le monde aujourd’hui, et leurs conséquences sur le Royaume-Uni.

La campagne de test du missile anti-navire hypersonique 3M22 Tzirkon russe s’accélère

Visiblement, la Marine russe a hâte de mettre en oeuvre le missile anti-navire hypersonique 3M22 Tzirkon destiné à remplacer les missiles supersoniques P700 sur une partie de ses unités sous-marines et de surface. En effet, selon l’agence de presse d’état Tass, la campagne de test d’état, qui nécessite encore une dizaine de lancement, se tiendra entre 2020 et 2021, laissant anticiper une entrée en service pour la deuxième moitié de 2021, ou le début de 2022. A titre de comparaison, les tests de validation du missile anti-navire supersonique P800 Onyx se sont déroulés sur prés de 5 années.

Selon une source non citée, la campagne de test se composera de 7 à 8 tirs à partir de la nouvelle frégate Admiral Gorshkov, première unité de la classe éponyme du projet 22350, alors que 3 tests seront effectués à partir du sous-marin nucléaire Severodvinsk, première unité de la nouvelle classe de sous-marins nucléaire d’attaque Yasen du projet 885/885M. Il apparait donc que, pour soutenir une telle densité d’activité, la frégate Admiral Gorshkov sera probablement et presque exclusivement affectée à cette mission, et que le Severodvinsk y consacrera également une bonne partie de son temps opérationnel disponible, montrant la détermination de l’amirauté Russe à mettre en oeuvre ce missile dans les délais les plus brefs possibles. Selon le communiqué lapidaire de Tass que sur les 3 tirs qui seront effectués à partir du Severodvinsk, « au moins » un sera effectué en plongée.

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Les sous-marins de la classe Yasen seront les seuls à mettre en oeuvre le missile Zirkon lors de l’entrée en service du missile

Bien que souvent présenté comme pouvant être mis en oeuvre par toutes les unités disposant de missiles de croisière Kalibr, le 3M22 Tzirkon ne pourra pas équiper les submersibles utilisant la version légère du missile de croisière 3M14K ou son equivalent export Club-S, capables d’être mise en oeuvre à partir d’un tube lance-torpilles de 533 mm, comme les sous-marins projet 887 et 636.636.3 Kilo, les projet 677 Lada ou les sous-marins nucléaires d’attaque projet 971 Akula. Il est également peu probable que les sous-marins nucléaires 949A Antey, dont les dernières unités sortent de refonte à mi-vie, puissent les mettre en oeuvre, même s’ils peuvent désormais mettre en œuvre des missiles Kalibr à partir de ses Systèmes de Lancement Verticaux équipés jusqu’ici de missiles anti-navires supersoniques P700. De fait, seules les sous-marins de la classe Yasen pourront mettre en pauvre le Tzirkon lors de son entrée en service.

La répartition est beaucoup plus vaste concernant les unités de surface. Outre les nouvelles frégates Projet 22350 Admiral Gorshkov, le missile pourra être mis en oeuvre par toutes les unités disposant de systèmes VLS UKSK, comme les frégates légères Admiral Grigorovich, les corvettes Gremyashchiy, Buyan et Karakurt, ainsi que par les deux croiseurs nucléaires de la classe Kirov, le Piotr Velikiy et l’Admiral Nakhimov. Il doit également être adapté pour être mis en oeuvre par les bombardiers à long rayon d’action Tu22M3 Backfire-C dont une soixantaine d’exemplaires subissent une procédure de modernisation pour venir au standard Tu22M3M.

Tu22M3 Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Le bombardier Tu22M3M pourra emporter le missile Tzirkon

Capable d’atteindre une vitesse de Mach 10 et une portée de 1000 km selon les autorités russes, le missile 3M22 Tzirkon poursuit une trajectoire semi-balistique le rendant très difficile à intercepter par les systèmes antiaériens et anti-missiles occidentaux existant, qu’il s’agisse du couple SM2-SM3 qui équipe les destroyers et frégates Aegis de l’OTAN, ou les Aster Block1NT qui doivent entrés en service dans les années à venir sur les navires français, italiens et britanniques.

Le missile employant très probablement un système de guidage alliant une centrale inertielle avec recalage satellite et un radar actif en guidage terminal (le guidage infrarouge semble inapproprié pour les missiles hypersoniques), le Tzirkon restera vulnérable aux systèmes de brouillage qui équipent les navires occidentaux et qui sont, en règle générale, plutôt performants. Mais trois facteurs concourent à réduire l’efficacité de ces systèmes :

Le destroyer AEGIS de defense aerienne HMAS Hobart de la Marine Royale Australienne Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Les destroyers et croiseurs Aegis, comme ici le HMSA Hobart australien, ne sont pas en mesure d’intercepter les missiles hypersoniques comme le Tzirkon
  • La vitesse du missile, Mach 10, réduit considérablement le temps de reaction des équipages pour mettre en oeuvre les systèmes de brouillage pour contrer le missile
  • Le missile évoluant à cette vitesse est entouré d’un plasma le rendant très difficile à détecter par radar tant qu’il n’a pas activé son propre radar de guidage terminal, réduisant encore davantage le délais de reaction
  • La Russie prendra grand soin de protéger les emissions du système de guidage du missile, de sorte à ne pas permettre aux systèmes d’écoute électronique de l’OTAN ou des alliés de la boucle Pacifique d’enregistrer ce rayonnement, et donc d’optimiser les systèmes de brouillage pour y faire face.

De fait, et de façon incontestable, l’entrée en service du missile 3M22 Tzirkon bouleversera, pout un temps tout du moins, le rapport de force naval en faveur de la flotte russe. Reste à savoir si le pays pourra soutenir le rythme des programmes de défense en cours, alors que l’économie Russe est doublement fragilisée par l’épidémie de Covid19 qui se répand rapidement désormais dans les villes du pays, et la chute spectaculaire des cours du pétrole brut qui constituent le principal paramètre pour déterminer la soutenabilité de l’économie russe. Le budget russe a été conçu avec une hypothèse d’un baril à 55 $, contre 17 $ aujourd’hui, ne couvrant pas même les frais d’exploitation du pétrole sibérien.

admiral Gorshkov 22350 project Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
La frégate Admiral Gorshkov sera presque exclusivement dédiée aux tests du missile Tzirkon dans les 12 à 18 mois à venir

Moscou pourrait, dès lors, aller chercher du soutien sur la scène internationale, et notamment auprés de Pékin, qui ne manquera pas de demander des accès aux technologies de défense et spatiale russes en contre-partie. Peut-être que la situation actuelle pourrait permettre à l’occident, certes elle-même gravement touchée par ces mêmes crises, de ne pas reproduire les mêmes erreurs que lors de l’effondrement du bloc soviétique, en ne laissant pas la Russie et sa population livrée à elle-même, ou se rattacher à une nation qui vise l’hégémonie mondiale pour 2050.

La dissuasion nucléaire britannique menacée par l’épidémie de Covid19

Ces dernières semaines, nous avons abordé régulièrement les conséquences dramatiques que peut avoir l’épidémie de coronavirus lorsque le virus s’invite à bord d’un navire en mer. Les cas des porte-avions français et américains ont été largement commentés par la presse, y compris chez Meta-Défense. Cependant, certains sous-marins ont aussi vu leurs opérations interrompues après que plusieurs cas de Covid-19 aient été détectés ou suspectés à bord. C’est notamment le cas en Russie où un Oscar-II a vu son équipage mis en quarantaine, tandis qu’un sous-marin néerlandais a dû rentrer au port quand huit marins à bord ont contracté le coronavirus.

Systématiquement, la suspension d’activité d’un navire ou d’un sous-marin vient réduire temporairement la puissance militaire de la marine concernée, sans conséquence grave pour le moment. Cependant, la situation pourrait bien devenir nettement plus compliquée pour la Royal Navy, qui pourrait faire face dans les prochaines semaines à une interruption complète de ses patrouilles de sous-marins nucléaires lanceurs de missiles balistiques (SNLE en français, SSBN en anglais). Or, les quatre sous-marins de la classe Vanguard équipés de missiles Trident II constituent l’intégralité de la dissuasion nucléaire britannique, étant donné que le Royaume-Uni ne dispose plus de bombes nucléaires aéroportées ni de missiles basés au sol.

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Le HMS Victorious est le deuxième des quatre sous-marins de la classe Vanguard, et sera suivi du Vigilant et du Vengeance. Ces SSBN peuvent emporter jusqu’à 16 missiles balistiques Trident II.

Pour le moment, la Dissuasion Continue en Mer (Continuous At-Sea Deterrence, ou CASD) reste assurée, mais se trouve dans une situation extrêmement fragile. En effet, depuis plus d’un an, deux des quatre SSBN sont en réparations de longue durée, et les travaux effectués sur les sous-marins semblent avoir pris un retard considérable. Cette situation impose d’assurer l’intégralité des patrouilles de dissuasion avec uniquement deux sous-marins qui se relaient continuellement à la mer depuis un an.

Or, lors de la prochaine relève, le risque est grand de voir au moins un marin embarqué à bord en étant porteur du coronavirus. Le Royaume-Uni manque en effet cruellement de moyens de tests, et ceux qui sont disponibles sont loin d’être fiables à 100%. Les mesures de distanciation sociales, si elles ont un effet collectif certain, ne peuvent que réduire la contamination. Or, dans un milieu clos comme un sous-marin, une seule personne infectée contaminera immanquablement le reste de l’équipage.

En cas de propagation du virus à bord d’un sous-marin, les options seront extrêmement réduites. La posture la plus prudente serait en effet de revenir à terre. Même si la mortalité du Covid-19 est faible –mais loin d’être nulle– sur des populations jeunes et en bonne santé, sa propagation à bord du sous-marin viendrait affaiblir l’équipage, ce qui pourrait compromettre dangereusement la sécurité collective à bord. Pour des raisons politiques, la continuation de la mission pourrait être imposée, mais une telle mise en danger de l’équipage en temps de paix serait sans doute particulièrement mal perçue, et risquerait de réduire la confiance des marins vis-à-vis de leur hiérarchie.

Pire encore, cela pourrait augmenter les refus d’embarquer pour les patrouilles suivantes. Si les cas de mutinerie restent exceptionnels et très rarement abordés publiquement par les états-majors, des précédents historiques existent lorsque la sécurité du personnel n’est pas assurée par tous les moyens. Ainsi, lors des combats à Gaza en 2014, une trentaine de soldats israéliens avaient refusés d’embarquer à bord de leurs véhicules de transport lorsque le commandement israélien a reconnu que ces derniers avaient des défauts de protection.

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Les Dreadnought devraient remplacer les Vanguard dans les années 2030. Dans le contexte géopolitique actuel, le Royaume-Uni pourrait cependant envisager le développement d’une seconde composante nucléaire, par exemple via des missiles de croisière lancés d’avions de combat ou depuis des sous-marins d’attaque Astute.

Dans le cas –plus que probable– d’un retour au port, il y a de fortes chances pour que le second sous-marin Vanguard en activité ne soit plus disponible pour repartir en mer. En effet, après chaque patrouille, un SSBN doit subir un certain nombre d’interventions de maintenance, et son équipage profiter d’un repos bien mérité. Au final, la seule manière d’éviter une telle situation serait de confiner pendant 14 jours l’équipage avant son départ, ce qui soulève d’autres problèmes. Encore une fois, si le confinement pendant deux semaines à du sens sur le plan épidémiologique dans une population ouverte, c’est loin d’être une solution parfaite dans le cas présent. Certains cas de Covid-19 se sont ainsi déclarés plus de 21 jours après leur contamination. De plus, le confinement n’offre pas une protection parfaite, à moins de le réaliser dans des conditions quasiment carcérales, en privant les marins de tout contact avec le monde extérieur et leur famille. Ce qui ne manquerait pas d’augmenter le stress et la pression psychologique sur les marins.

Malheureusement pour la Royal Navy, à part en misant sur un coup de chance, il ne semble pas exister de solution miracle permettant d’éviter à coup sûr le risque d’une interruption temporaire de la CASD qui fonctionne à la perfection depuis un demi-siècle. En effet, si les flottes de SNLE/SSBN français et britanniques s’établissent à quatre navires, c’est justement pour offrir une résilience et éviter ce genre de situation critique. Le fait que deux Vanguard se retrouvent en arrêt de longue durée est une situation exceptionnelle qui, normalement, n’aurait jamais dû se produire.

Un format à quatre sous-marins permet d’alterner les bâtiments en réparation/entretien, à l’entrainement et en patrouille. Cela assure une certaine redondance qui permet à un second sous-marin de prendre le relai au cas où celui qui est en patrouille connait une avarie ou un accident. Avec deux sous-marins à l’arrêt technique de longue durée au lieu d’un seul, cette sécurité disparait et met la dissuasion britannique à la merci de la moindre menace, y compris microscopique.

SNLE francais Le Terrible en retour de patrouille Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
La France dispose également de quatre SNLE, mais réussi pour le moment à réduire au minimum leurs périodes de maintenance. Cependant, le risque lié au coronavirus existe quand même.

Pour l’heure, la situation reste maîtrisée au Royaume-Uni, même si la Royal Navy devra redoubler de vigilance lors de la prochaine relève de patrouille de dissuasion. Le cas britannique doit cependant interpeler la Marine Nationale française, surtout après les déboires qu’a connu le porte-avions Charles de Gaulle. Pour l’heure, les SNLE français ne connaissent pas la même situation dramatique que les bâtiments britanniques, et un second SNLE doit normalement être en mesure de prendre la relève si une épidémie obligeait le sous-marin en patrouille à revenir à l’Île Longue.

Malheureusement, sans mesures de confinement imposées aux équipages, un virus qui pourrait frapper un SNLE français en patrouille pourrait parfaitement toucher également le sous-marin en entrainement. Contrairement au Royaume-Uni, la France pourra cependant toujours compter sur sa dissuasion aéroportée, avec les missiles ASMP-A embarqués sur avions Rafale.

Pour le moment, le SARS-CoV-2 reste mal connu, et il se pourrait que l’humanité soit contrainte de cohabiter avec lui pendant plusieurs mois voire quelques années. Dans un tel contexte, aucune dissuasion en mer, peu importe le nombre de sous-marins dont elle dispose, ne sera vraiment à l’abri d’une immobilisation, même partielle et temporaire. A l’heure où le Royaume-Uni doit redéfinir ses priorités stratégiques avec le programme Dreadnought, la question d’une seconde composante nucléaire britannique pourrait alors refaire surface.

Comme prévu, le F35 revient à la charge en Allemagne pour remplacer les Tornado

En début de semaine, les autorités allemandes ont confirmé vouloir faire l’acquisition de 60 avions de combat Typhoon ainsi que de 30 F/A 18 E/F Super Hornet et 15 EA 18 G Growler pour remplacer les Tornado de la Luftwaffe assurant les missions d’attaque, de guerre électronique et suppression des défenses, ainsi que les missions de frappe nucléaire dans le cadre de l’OTAN. Dans la mesure ou Berlin n’envisage pas d’abandonner son rôle ni le statut qui en découle au sein de l’OTAN concernant la dissuasion nucléaire, et ce malgré les limites conséquentes de l’exercice du point de vu opérationnel, sa decision et la repartition entre les avions de facture allemande et américaine s’imposait d’elle même.

En février 2019, Berlin annonçait ne retenir que deux appareils pour son appel d’offres, à savoir le Typhoon d’Airbus DS et le F18 de Boeing, éliminant de fait le F35A de Lockheed pourtant favoris de la Luftwaffe et de l’OTAN. Dans ce dossier, ce furent surtout les pressions politiques et industrielles d’Airbus, mais également les réserves appuyées de Paris contre le F35, qui scellèrent le destin de l’avion de Lockheed. Dans les milieux industriels aéronautiques allemands ainsi que français, le F35 est en effet perçu comme un appareil conçu avant tout pour mettre à genou l’industrie aéronautique militaire européenne, ainsi que comme une menace existentielle contre le programme SCAF franco-allemand d’avion de combat de 6ème génération. Que les arguments présentés soient vrais ou pas n’importe désormais plus guère, pas plus que les performances réelles ou supposées du F35, puisque la decision allemande est aujourd’hui faite.

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Le EA18 G Growler est le seul avion de combat de guerre électronique en service en occident avec les Tornado ECR de la Luftwaffe

Comme nous l’avions anticipé, il n’aura guère fallu de temps entre l’annonce de la décision allemande et le retour du F35 sur la scène politique allemande. En effet, Fritz Felgentreu, député de Berlin au Bundestag, et membre du Parti Social Démocrate allemand, le SPD, a demandé au comité defense de l’assemblée legislative allemande d’étudier l’hypothèse d’un achat de F35 en coopération avec les Pays-Bas, qui exploitent déjà l’appareil en remplacement de ses F16, et qui, lui aussi, participe à la composante de dissuasion nucléaire de l’OTAN. La position exprimée par M Felgentreu n’a rien de surprenante, ce dernier avait en effet à plusieurs reprises pris des positions en faveur de l’avion de Lockheed au début de la compétition allemande. Pour autant, elle est loin d’être inintéressante, tant du point de vue opérationnel qu’industriel.

En effet, comme nous l’avions écrit, le choix du F/A 18 E/F par Berlin est avant tout dicté par la volonté de rester dans le club fermé des 5 nations participant à la dissuasion collective dans l’OTAN. Le Typhoon ne pouvant pas recevoir les transformations nécessaires pour recevoir la bombe nucléaire B61 avant au moins 10 ans, Berlin a fait le choix du Super Hornet, un avion américain, qui même s’il n’a pas encore cette capacité, devrait en être doté d’ici à ce que les livraisons allemandes débutent. Mais si le besoin en matière de frappe nucléaire se limite à un escadron pour la Luftwaffe, donc 15 appareils, il lui était très difficile de mettre en oeuvre une structure de maintenance efficace sur un parc aussi réduit, qui plus est pour une mission aussi stratégique. D’où la commande de 15 Super Hornet supplémentaires et de 15 Growler pour les missions de guerre électronique.

F35 netherlands Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Les Pays-Bas ont commandé 9 F35A supplémentaires pour disposer d’une flotte totale de 46 chasseurs furtifs

Mais comme le souligne Fritz Felgentreu, des F35A allemands pourraient être mis en oeuvre dans le cadre d’une coopération avec les Pays-Bas, qui disposeront à terme de 46 F35A, dont certains assureront la même mission nucléaire que les appareils allemands. Dès lors, le volume minimum efficace pour mettre en oeuvre l’aéronef dans la Luftwaffe pourrait aisément être ramené à 15 appareils, pour n’équiper que l’escadron nucléaire allemand, en mutualisant la maintenance avec Amsterdam, et ce, sans surcout excessif et sans nuire à la disponibilité des aéronefs. Une telle architecture ne peut s’appliquer au Super Hornet, car aucun pays européen membre de l’OTAN n’utilise, ni de prévoit d’utiliser cet aéronef. En outre, avec sa furtivité, le F35A semblerait plus adapté aux missions de frappe nucléaire employant la bombe gravitationnelle B61, même si, furtif ou pas, il est presque impossible à un appareil de parvenir au dessus d’une cible stratégique fortement défendue aujourd’hui.

Cette hypothèse permettrait surtout, et ce n’est pas négligeable, de re-attribuer à Airbus DS un lot de 15 Typhoon d’attaque venant s’ajouter aux 60 prochainement commandés dans le cadre du remplacement des Tornado, et aux 33 appareils déjà commandés pour remplacer les Typhoon de première génération arrivant en fin de vie, portant le total à 108 appareils. Surtout, cela permettrait à Berlin de commander 15 Typhoon ECR, la version de guerre électronique et de suppression des défenses anti-aériennes du chasseur européen présenté par Airbus DS il y a quelques mois, dans l’espoir justement de remplacer les Tornado ECR allemands, et de séduire par la suite d’autres clients utilisateurs de l’avion européen (Italie, Espagne, Arabie saoudite, Qatar …).

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Le Typhoon ECR est la proposition du consortium Eurofighter mené par Airbus DS pour remplacer les Tornado ECR de la Luftwaffe, et peut-être trouver des clients internationaux parmi les utilisateurs de l’avion européen

Or, les savoir-faire acquis par Airbus DS dans la conception, ainsi que la mise en oeuvre, du Typhoon ECR, si tant est que ce dernier voie le jour, seraient de précieux atouts à faire valoir par Berlin ainsi que par Airbus DS dans le programme SCAF européen, notamment pour conserver cet aspect stratégique pour les compétences technologiques et industrielles de l’industrie de Défense allemande dans les décennies à venir. Cela permettrait également à Berlin de justifier l’attribution de cette composante à ses propres entreprises, et non à l’espagnol Indra tel que le réclame Madrid. Au passage, cela pourrait également amener les autorités espagnoles à revenir sur leur decision de désigner cette même société Indra, spécialiste de l’avionique et de l’électronique embarquée, comme référant national dans le programme SCAF au détriment d’Airbus DS, au grand damn de ce dernier.

Reste naturellement le risque d’ouvrir une boite de Pandore en laissant entrer le F35 en Allemagne, avec à terme une possible menace sur le programme SCAF, comme le craignait, notamment, les autorités françaises. Mais un tel modèle, limité à la question purement nucléaire, dans son format minimaliste, et en ramenant la composante guerre électronique en Europe, présenterait de bien meilleures effets sur un grand nombre de domaines, y compris industriels et économiques, que celui annoncé par Annegret Kramp-Karrenbauer en début de semaine. Encore faut-il pouvoir assumer de revenir sur les décisions passées, notamment celle d’éliminer le F35, tout en bordant le programme pour éviter toute tentative, évidemment inéluctable, d’imposer davantage de ces appareils à Berlin. Quoiqu’il en soit, et même si la demande du député Fritz Felgentreu est dictée par d’autres impératifs que ceux évoqués, l’hypothèse de privilégier une micro-flotte de F35A pour assurer les missions nucléaires au sein de la Luftwaffe en partenariat avec les Pays-Bas, ne devrait pas être écartée par simple dogmatisme politique ou industriel ….

L’Iran déploie son premier satellite militaire alors que les tensions montent entre Téhéran et Washington

La Garde Révolutionnaire iranienne a annoncé hier avoir procédé au lancement du premier satellite militaire du pays, le Noor-1. Sur le plan technique, cette mise en orbite est une grande première pour l’Iran, à plus d’un titre. Mais le timing de ce lancement militaire participe également au jeu de stratégie déclaratoire entre Téhéran et Washington, et contribue ainsi à augmenter les tensions entre les deux pays.

Après des débuts prometteurs, avec trois lancements successifs réussis entre 2009 et 2012, le programme spatial iranien a accumulé les échecs. Le dernier tir réussi date ainsi de 2015, avec le lancement du petit satellite expérimental Fajr par une fusée Safir-1B+ ayant décollée de la base spatiale de Semnan. Depuis lors, tous les lancements se sont soldés par des échecs, avec la perte d’une fusée Safir en février 2019, mais aussi des quatre fusées de nouvelle génération Simorgh. Le dernier lancement d’une Simorgh, le 20 février dernier, a échoué à placer le satellite Zafar-1 en orbite en raison d’une vitesse trop faible.

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Jusqu’à présent, la fusée Safir était le seul lanceur spatial iranien opérationnel. Elle n’a cependant pas connu de succès depuis 2015.

Mais avec le lancement annoncé hier, l’Iran marque son retour dans la communauté spatiale et enchaîne les premières :

  • En effet, il s’agit d’une part du premier satellite militaire iranien, même si le Noor-1 est a priori très proche du Zafar-1 perdu il y a deux mois.
  • Il s’agit également du premier satellite mis en orbite par les forces militaires iraniennes plutôt que par son agence spatiale civile. En l’occurrence, ce sont les Gardiens de la Révolution islamiques (les Pasdarans) qui s’en sont chargé, une décision lourde de sens sur le plan politique.
  • De plus, le Noor-1 embarquait à bord d’un lanceur d’un nouveau type, le Qased. Moins puissant au décollage qu’une Simorgh, la fusée Qased dispose cependant de trois étages au lieu de deux, même si ses performances restent très hypothétiques.
  • Enfin, la fusée Qased a été déployée à partir d’un lanceur mobile, à la manière d’un missile balistique, et lancée depuis le site de lancement de missiles de Shahroud. Cette base militaire devient ainsi le second spatioport du pays, et le premier à vocation purement militaire.

D’après les vidéos dévoilées de ce premier tir de Qased, il semblerait que le premier étage du lanceur soit dérivé du missile balistique iranien Shahab-3B, lui-même conçu avec l’aide de la Corée du Nord. Il reprendrait également certains éléments du missile DF-21 chinois opéré par les Pasdarans. Historiquement, le programme spatial iranien s’est fortement appuyé sur les transferts de compétences en provenance de Corée du Nord, qui a fourni à Téhéran son expertise ainsi qu’un certain nombre de missiles Scud-B et Nodong. Les lanceurs de seconde génération Simorgh et, semble-t-il, cette nouvelle fusée Qased font appel à plus de composants conçus localement, notamment pour le deuxième et troisième étage de Qased.

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Le lancement de la fusée Qased s’effectue à partir d’un lanceur mobile, à l’instar d’un missile balistique intercontinental

Le satellite Noor-1 en lui-même est relativement modeste. D’un poids estimé à environ 100 ou 110kg, il est sans doute très proche du Zafar-1 conçu pour la reconnaissance photographique civile. En théorie, il n’est d’ailleurs pas impossible que Noor-1 soit en réalité Zafar-2, dont le lancement était prévu pour le mois de Juin.  Alors que l’orbite prévue pour le Zafar-1 était de 530km, Noor-1 semble s’être stabilisé à 425km d’altitude, même s’il faudra attendre des confirmations indépendantes pour valider ce point. De par la taille du satellite, son altitude opérationnelle et le niveau d’expertise atteint sur le Zafar-1, il est probable que la résolution des images fournies par Noor-1 soit –au mieux– d’une vingtaine de mètres. Dans les dernières déclarations iraniennes, il semblerait que l’utilisation du Noor-1 soit mixte, afin de répondre aussi bien aux besoins militaires qu’aux besoins civils –notamment scientifiques– du pays. Si les capacités techniques du satellite sont limitées, il offrira toutefois une capacité de reconnaissance mondiale aux militaires iraniens.

Si son intérêt opérationnel et tactique sera limité en raison de ses trop faibles performances, Noor-1 marque une véritable rupture sur le plan stratégique. Ainsi, en étant mis en œuvre par les Gardiens de la Révolution, Noor-1 participe à la stratégie déclaratoire de Téhéran vis-à-vis des sanctions imposées par Washington. Avec des lancements civils, il était toujours possible de déclarer que l’Iran se conformait à un usage pacifique de l’espace, sans contrevenir aux accords passés autour du nucléaire iranien. Mais ces accords ayant été dénoncés par Donald Trump très tôt après son arrivée à la Maison Blanche, il semble logique que les militaires iraniens haussent le ton et reprennent la main sur les capacités balistiques du pays.

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Le satellite Noor-1 est a priori dérivé du satellite civil Zafar-1. Il s’agit de satellites d’observation légers, bien loin des satellites militaires européens ou américains

En effet, avec son retour dans l’espace, Téhéran rappelle au monde que l’Iran dispose d’une capacité de frappe balistique mondiale, puisque les technologies utilisées pour mettre un satellite en orbite sont les mêmes que celles employées à bord d’un missile intercontinental. Il est encore peu probable que l’Iran dispose de têtes nucléaires miniaturisées capables d’embarquer à bord de ses fusées, même si une version améliorée de la Simorgh est donnée pour une charge utile de 250kg. A cela il faut ajouter la maîtrise des solutions d’entrée atmosphérique. En attendant, même avec une charge conventionnelle, un missile à deux ou trois étages serait capable de frapper n’importe où dans le monde, notamment en Europe et aux USA. Et l’Iran a démontré récemment la redoutable précision de ses frappes balistiques.

En cela, ce lancement à une telle date est loin d’être anodin. D’une part, pour la quasi-totalité des observateurs, la capacité spatiale des Pasdarans, qui plus est avec un nouveau lanceur, est une véritable surprise stratégique. D’autre part, ce lancement intervient alors que les tensions entre Washington et Téhéran sont particulièrement tendues depuis quelques mois, sur fond de guerre économique autour du prix du pétrole. Ces dernières semaines, les forces américaines ont multiplié les exercices destinés à démontrer leur aptitude à contrer les menaces navales dispersées dans le Golfe Persique. En réaction, plusieurs dizaines de vedettes rapides iraniennes ont harcelé les navires de l’US Navy ces derniers jours.

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Les fusées iraniennes actuelles sont dérivées des missiles balistiques utilisés par le pays, notamment le Shahab-3.

Suite au lancement de Noor-1, les réactions outrées n’ont pas manquées, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Israël. Sans aborder directement la question de la mise en orbite de Noor-1, Donald Trump a indiqué sur Twitter qu’il avait autorisé l’US Navy a ouvrir le feu en cas de nouvelle démonstration agressive de la marine iranienne ou des Gardiens de la Révolution vis-à-vis d’un bâtiment de l’US Navy. Au-delà de la question balistique, toujours sensible, la mise en orbite de satellites de reconnaissance militaires iraniens viendraient dans tous les cas compliquer les préparatifs militaires américains ou israéliens en cas d’éventuelle attaque sur l’Iran.

Enfin, le grand secret qui a entouré la mise en place d’une force spatiale militaire en Iran pourrait également être une réponse aux suspicions de sabotages du programme spatial iranien de la part des USA. L’année dernière, le New York Times avait en effet révélé que les services de renseignement américains étaient mobilisés depuis le mandat de George W. Bush afin de provoquer des dysfonctionnements techniques dans les lanceurs civils iraniens, y compris par le biais de cyberattaques. En développant leur propre lanceur, et en contrôlant toute la chaîne logistique devant conduire au lancement des fusées Qased, les Pasdarans pourraient ainsi contourner une grande partie des opérations de sabotage ou d’espionnage pouvant être menées par des puissances étrangères dans le programme spatial civil iranien.

Avec Agility Prime, l’US Air Force veut devenir un acteur majeur dans le domaine des « Voitures Volantes »

Du 27 avril au 1er mai, l’USAF organisera un évènement –virtuel, épidémie de coronavirus oblige– « Agility Prime », du nom d’un programme novateur de l’Air Force visant à acquérir des « voitures volantes » et à soutenir les industriels américains qui souhaitent investir dans ce secteur d’activité.

Derrière le programme Agility Prime se cache en réalité de nombreuses innovations. Au-delà des aspects techniques liés à de tous nouveaux types d’aéronefs, les ambitions de l’USAF sont clairement industrielles, et visent à développer un pôle d’excellence sur le sol américain pour le futur marché des voitures volantes, aussi bien dans le domaine civil que militaire.

Voiture volante : un rêve devenu réalité ?

Le terme « Flying Car » apposé au programme Agility Prime évoque avec nostalgie les films de science-fiction des années 1980 qui imaginaient que les familles des années 2000 auraient dans leur garage une voiture capable de déjouer miraculeusement les lois de l’attraction. Pourtant, l’idée derrière la « voiture volante » n’est pas à proprement parlé de faire voler une voiture, autrement dit un véhicule personnel à quatre roues, mais simplement de disposer d’un aéronef civil capable d’effectuer des trajets de porte à porte. Plus besoin alors de voyager par la route jusqu’à un aéroport ou un héliport : les trajets s’effectuent directement depuis son domicile avec un unique véhicule volant, ou combinant trajet sur route et capacité de vol.

Skycar Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
La Skycar de Moller aura vendu du rêve pendant des années, mais s’est soldé par un gigantesque échec technique. Les premiers concepts de Jeep volantes datent des années 1940, mais ce type de véhicules n’ont réussi jusqu’à présent qu’à cumuler les inconvénients des voitures et des aéronefs plutôt que leurs avantages.

Au fil des décennies, les idées se sont multipliées autour de ce concept, de l’autogire capable d’emprunter l’autoroute à la « jeep volante » en passant par l’éternelle Skycar de Moller. Néanmoins, tous les concepts se sont heurtés aux mêmes problèmes :

  • Difficultés de pilotage insurmontables,
  • Trop faible sécurité des vols,
  • Bruit trop élevé,
  • Nécessité d’infrastructures adaptées.

Concrètement, les rares véhicules fonctionnelles étaient simplement des aéronefs bien connus (avions, autogires, hélicoptères, etc.) disposant de capacités de roulage accrues. Seuls des pilotes confirmés pouvaient ainsi en prendre les commandes, rendant illusoire la possibilité d’en faire un véhicule personnel à grande échelle.

Mais les dernières évolutions techniques ont radicalement transformé le concept de voiture volante ces dernières années, notamment en combinant les ruptures technologiques apportées à la fois dans le secteur automobile et dans le domaine des drones grand public.

  • La propulsion électrique ou hybride permet ainsi de multiplier les sources de sustentation (rotors, trubofans, etc.) et donc la sécurité des vols, tout en offrant un niveau de bruit particulièrement faible,
  • Les avancées en matière d’IA et d’automatisation permet d’envisager des commandes de vol simplifiées, voire un vol entièrement autonome.
  • Enfin, selon les modèles proposés, les nouveaux véhicules à décollage vertical pourront réutiliser les infrastructures existantes, qu’il s’agisse d’héliports ou de simples routes.
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La Liberty Pioneer du Néerlandais Pal-V est un autogire certifié également pour un usage sur route. A l’instar des voitures de luxes, ce type de véhicule est commercialisé en très petites séries. Pas de quoi révolutionner le marché des voitures volantes pour le moment.

Ainsi, ce que l’USAF appelle « Flying Car » devant la presse désigne plus simplement des aéronefs à décollage et atterrissage vertical à propulsion électrique, ou eVTOL. Dans le domaine militaire, les applications sont très diverses, et profiteront surtout de la compacité et du silence offert par ses aéronefs à propulsion électrique. Les besoins identifiés couvrent ainsi toute les activités de logistique de l’USAF, mais aussi les missions de surveillance et de sécurité, notamment sur les sites nucléaires, ainsi que le sauvetage au combat.

Agility Prime : un programme d’acquisition nouvelle génération

Avec le programme Agility Prime, l’US Air Force espère devenir un acteur de premier plan dans le domaine des eVTOL. Cependant, Agility Prime est un programme de nouvelle génération, en rupture avec les pratiques historiques de l’USAF. En effet, hors de question sur ce dossier de sélectionner un grand nom de l’aéronautique américaine et de payer des milliards de dollars pour développer un aéronef répondant parfaitement au cahier des charges défini à l’avance.

Avec Agility Prime, l’USAF n’investira pas dans la R&D, mais offrira un soutien à des entreprises et start-up du secteur civil qui ont déjà un projet en phase de développement. Au total, une cinquantaine d’acteurs pourraient intégrer la première phase de Agility Prime, durant laquelle l’USAF offrira son expertise en matière de sécurité des vols, des conseils pour simplifier la certification militaire des eVTOL mais surtout ses centres d’essais en vol.

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Pour le moment, le marché des voitures volantes reste limité au domaine du luxe, comme ici avec l’Aeromobil 5.0. Néanmoins, les solutions techniques proposées, notamment pour le repli des ailes, pourront être reprises sur des modèles militaires bien plus rustiques.

Les entreprises pourront alors tester leurs prototypes dans des conditions réelles, et l’USAF organisera plusieurs concours entre les véhicules, afin d’encourager les fabricants à développer leurs produits dans des directions compatibles avec un usage militaire. Pour le moment, l’USAF s’intéressera à des eVTOL médiums, capables de transporter trois à huit passagers sur une distance de plus de 160km, à plus de 160km/h, avec une autonomie en vol d’au moins une heure.

Les premiers essais en vol sont attendus pour le mois de décembre, et l’USAF restera ouverte aux propositions des industriels et analysera le potentiel militaire des aéronefs testés. Un éventuel contrat pourrait découler de cette phase de test, avec un lancement de l’industrialisation dès 2023. Les quantités dépendront cependant des besoins pouvant être couvert par l’eVTOL sélectionnés, les tâches logistiques pouvant requérir bien plus d’aéronefs que les opérations de sauvetage par exemple. Dans les phases suivantes, Agility Prime pourra évaluer des engins plus légers pour les forces spéciales, ou bien des eVTOL lourds capables de rivaliser avec les hélicoptères de transport actuels.

Encourager la création d’un écosystème eVTOL aux États-Unis

Les futures acquisitions de l’USAF ne sont cependant pas au cœur d’Agility Prime. En effet, le but principal du programme est de créer aux USA des pôles d’excellence en matière d’eVTOL. L’enjeu est stratégique pour le Pentagone, et découle du douloureux retour d’expérience autour des micro-drones. En effet, faute d’un réel soutien étatique lors de l’apparition des premières solutions de drones grand public, la quasi-totalité de l’industrie civile et militaire autour des drones légers se trouve aujourd’hui en Chine, sans possibilité de contrôle de la part des autorités militaires américaines.

uber flying car Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
La Flying Car de Uber, développée par Hyundai en coopération avec la Nasa, sera bien un taxi volant, mais n’est techniquement rien de plus qu’un hélicoptère convertible à propulsion électrique, avec un encombrement incompatible avec un déploiement sur route. Le concept de voiture volante reste donc encore très flou.

L’évènement Agility Prime qui se tiendra la semaine prochaine verra ainsi la participation de nombreux laboratoires civils et militaires américains, ainsi que celle du Ministère des Transports, de la DARPA et de la NASA, qui travaille également sur ce sujet avec Uber. Indépendamment de ses propres besoins immédiats, l’USAF entend ainsi montrer son soutien inconditionnel à ces nouvelles technologies, afin qu’une base industrielle s’établisse durablement aux USA.

Enfin, en apportant un soutien précoce aux nouveaux acteurs industriels du marché des eVTOL, notamment pour les essais en vol et la certification des véhicules, l’USAF espère infléchir ce nouveau marché dès son émergence afin que les besoins militaires soient pris en compte systématiquement par la R&D des industriels. Une attitude ambitieuse qui tranche avec l’inertie habituelle du Pentagone, et qui aurait tout intérêt à servir d’exemple aux pays européens où le soutien aux initiatives privées innovantes reste encore timide.

Le Pakistan reçoit ses premiers chars lourds VT4 de facture chinoise

L’industrie chinoise veut clairement marquer les esprits en cette période d’activité mondiale limitée dans le domaine de l’industrie de Défense, en mettant en valeur l’execution de ses contrats, qu’ils soient pour les forces nationales ou pour l’exportation. C’est ainsi que le constructeur de véhicules blindés NORINCO, considéré aujourd’hui comme étant leader mondial sur ce marché, a annoncé avoir engagé la livraison du premier lot de chars lourds VT4 commandés par le Pakistan.

Il y a tout juste un an, les autorités pakistanaises avaient annoncé la commande de 240 chars lourds VT4 chinois, version export du chars Type 99 en service dans l’APL, aux cotés de 340 chars lourds russes T90MS, afin de renforcer les quelques 350 chars Al Kahid, dérivés du Type 90 chinois, et les T80UD acquis auprés de l’Ukraine, et remplacer les quelques 600 Type 59 et 160 Type 69, respectivement dérivés des T54 et T62 soviétiques, en état d’obsolescence avancée. Si la commande avec Norinco s’est parfaitement bien passée, et que les premiers blindés ont donc pris le chemin d’Islamabad, la commande avec Moscou a, elle, rencontré de sérieuses difficultés.

Le VT4 est derive du T99 en service dans lAPL Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Avec un rapport puissance poids de 25 cv par tonne, le VT4 offre une bonne mobilité tout terrain

En effet, le gouvernement Indien, premier client à l’exportation de l’industrie Russe de défense, et par ailleurs ennemie héréditaire du Pakistan, a imposé à Moscou de choisir entre la vente d’armes à l’Inde et au Pakistan. En dépit du potentiel financier que représentait la commande de 340 Type 90MS , soit plus de 1 Md$, Moscou a semble-t-il privilégié son partenariat à long terme avec l’Inde, puisque plus aucune information sur cette commande n’a depuis filtré, alors que dans le même temps, New Delhi a commandé de 464 nouveaux chars lourds T90SK, dont la construction a elle aussi déjà commencé et qui rapportera plus de 1 Md$ aux industriels russes.

Le VT4 est un char de 52 tonnes pour 10 metres de long et 2,3 m de haut, propulsé par un moteur de 1300 cv lui conférant un rapport puissance poids confortable de 25 cv par tonne. Il met en oeuvre un canon de 125 mm à âme lisse et à chargement automatique ainsi qu’une mitrailleuse de 12,7mm et un système optronique de visé multispectral jour et nuit moderne. Son blindage composite est renforcé par un blindage réactif, et par un système de protection actif GL5 Hard-Kill. Il dispose également d’un système de communication numérique lui permettant de s’intégrer dans des dispositifs info-centrés. Il est proposé à un prix de 3 m$ par Norinco, et a déjà fait l’objet de commandes de la part du Nigeria et de la Thaïlande.

VT4 tank nigeria Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Le Nigeria a récemment perçu ses premiers chars lourds VT4

Le Pakistan est engagé dans une profonde modernisation de ses forces armées, en grande partie à l’aide de materiels acquis auprés de la Chine ou construits en partenariat avec celle-ci. Ainsi, fin décembre 2019, Islamabad annonçait la commande de 236 canons automoteurs de 155mm SH-15 auprés du même Norinco que pour les VT4, un système d’artillerie très inspiré du CAESAR du français Nexter qui fit la demonstration de son efficacité au Mali et surtout en Syrie et en Irak contre l’Etat Islamique.

Concernant ses forces aériennes, le Pakistan continue de remplacer ses mirage III, mirage V et Chengdu J-7 par le chasseur léger JF-17 Thunder conçu et fabriqué conjointement par le constructeur chinois Chengdu et le pakistanais PAC, dont 135 exemplaires sont déjà en service en son sein, et 65 autres commandés. Contrairement au Tejas indien, le JF-17 montre des performances et une fiabilité élevée, et semble parfaitement satisfaire les forces aériennes pakistanaises, d’autant que l’aéronef est, par ailleurs, économique à l’achat comme à l’usage. Ainsi, le JF-17 Block III, équipé entre autre d’une avionique modernisée, d’un radar AESA et de capacités d’emport d’armement étendue, ne devrait pas dépasser les 35 m$ à l’achat, soit le prix d’un appareil d’entrainement et d’attaque, bien d’avantage que celui d’un avion de combat léger comme le F-16 qui, dans sa version Viper, coute le double.

JF17 bombe laser Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Le chasseur léger JF-17 Thunder est incontestablement une réussite et offre des performances donnant entières satisfaction aux forces aériennes pakistanaises

La Marine Pakistanaise suit la même trajectoire, avec la commande de 4 frégates Type 054AP et de 8 sous-marins AIP Type 039B auprés de la Chine. Même si dans le même temps, la flotte pakistanaise a commandé des corvettes Ada et la modernisation de ses sous-marins AIP Agosta auprés de l’industrie de défense Turque, ces commandes marquent, elles aussi, un profond basculement d’Islamabad vers Pékin dans le but, notamment, de neutraliser la marine indienne, elle aussi en profonde mutation.

Un rapprochement de raison, considérant les trajectoires démographiques et économiques indiennes qui surpassent de beaucoup celles du Pakistan, et qui menacent également la stratégie chinoise dans la région indo-pacifique, et notamment son ambition programme géopolitique dénommé « les nouvelles routes de la Soie ». New Delhi fait désormais jeu égal avec Ryad pour revendiquer la première place des pays importateurs de materiels militaires, tout en développant activement le programme « Make in India » destiné à developper la base industrielle et technologique de défense du pays. Avec 1,4 millions d’hommes servant dans les armées indiennes, New Delhi aligne deux fois les effectifs, mais également 3 fois plus de chars de combat, d’avions de chasse ou de frégates et destroyers qu’Islamabad. En revanche, avec 2 millions d’hommes, 4000 chars, 1500 avions de combat, 30 destroyers et 40 frégates, la Chine reste 50% plus puissante que son voisin avec qui les contentieux territoriaux restent sujet de frictions, et même de tensions extrêmes, comme en 2017.

Le KAI Surion développé avec Airbus Helicopters est choisi comme hélicoptère d’attaque pour les Marines sud-coréens

Dans la région Asie-Pacifique, le renforcement des capacités navales chinoises pousse de nombreux pays à développer leur infanterie de marine. C’est notamment le cas en Corée du Sud, qui a décidé au début des années 2010 de doter le Republic of Korea Marines Corps de ses propres hélicoptères. Fort d’environ 30.000 hommes, le ROKMC doit ainsi s’équiper progressivement de deux bataillons d’hélicoptère de manœuvre amphibie et d’un bataillon d’hélicoptère de combat.

Très vite, le ROKMC sélectionne l’hélicoptère de manœuvre KUH-1 Surion développé conjointement par l’industriel national KAI et Airbus Helicopters. La version navale du Surion est désignée MUH-1 Marineon, et vol pour la première fois en 2015. Trente appareils sont commandés pour le ROKMC afin d’équiper les porte-hélicoptères de classe Dokdo. Cependant, la bataille commerciale faisait encore rage au sujet des futurs hélicoptères d’attaque du ROKMC, puisqu’aucune solution n’existait sur étagère en Corée. Jusqu’à récemment, quand l’agence d’acquisition de défense DAPA a annoncé qu’une variante d’attaque du Surion allait être sélectionnée pour équiper le ROKMC.

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Pour son futur MAH-1, KAI prévoit un armement lourd. L’avant de la cabine sera sans doute occupé par le système d’arme, mais l’hélicoptère conservera des capacités de transport de troupes et de matériel. Source photo Gareth Jennings on Twitter

Depuis plus d’un an, les offres s’accumulaient à Séoul afin de séduire les Marines coréens. A l’exception d’Airbus Helicopters, partenaire de KAI, les compétiteurs du monde entier ont ainsi présenté des solutions très différentes les unes des autres :

  • Bell Textron présentait son AH-1Z Viper, l’hélicoptère de combat de référence de l’US Marines Corps, et misait beaucoup sur les échanges opérationnels réguliers entre les forces coréennes et américaines pour promouvoir son appareil.
  • Boeing offrait naturellement son AH-64E Apache Guardian, déjà opérationnel dans l’armée de terre sud-coréenne et leader sur ce marché. Jusqu’à aujourd’hui, l’Apache semblait ainsi être le concurrent à battre.
  • En outsider, Turkish Aerospace proposait son T-129 Atak dérivé du A.129 Mangusta italien, sans doute un peu trop léger pour les besoins coréens.
  • Enfin, Sikorsky/Lockheed Martin présentaient une version de combat de son hélicoptère de manœuvre S-70i, en apparence dérivée du concept AH-60L Battle Hawk. Cette solution originale offre des capacités d’attaque tout en préservant les capacités de manœuvre du Blackhawk orignal.

Au final, la DAPA devrait donc opter pour une production nationale pour le ROKMC, arguant que cette solution serait au finale plus intéressante sur le plan économique que l’importation d’hélicoptères étrangers. En toute logique, la plateforme choisie pour développer ce nouvel hélicoptère est le Suiron/Marineon, un hélicoptère de manœuvre lourd développé par l’industriel KAI avec l’aide de l’européen Airbus.

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La silhouette assez ramassée du MUH-1 n’est pas sans rappeler celle du Puma français. Le Surion/Marineon est cependant bien plus moderne et performant que les hélicoptères d’ancienne génération

Les liens forts entre KAI et Airbus Helicopters (Eurocopter à l’époque) datent de 2005. L’hélicoptériste de Marignane est alors sélectionné par le gouvernement coréen pour assister l’industrie locale dans le développement du KUH (Korean Utility Helicopter), un nouvel hélicoptère de manœuvre devant remplacer les UH-1H Huey alors en service dans l’armée coréenne. A l’époque, il s’agissait du plus gros contrat passé par la défense coréenne avec un fournisseur non-américain.

Baptisé KUH-1 Surion, le nouvel hélicoptère se présente techniquement comme un dérivé modernisé du Super Puma, dont il reprend d’ailleurs la forme générale. Propulsé par deux moteurs General Electric T700, le Surion pèse 5 tonnes à vide et 8,7 tonnes à pleine charge ce qui lui permet d’emporter quinze passagers, ou bien encore neuf soldats et deux mitrailleurs. La version Marineon destinée au ROKMC dispose de réservoirs auxiliaires, d’un rotor à pâles repliables et d’un système de flottabilité gonflable. La commande pour 30 MUH-1 est passée en 2016 et les premiers appareils livrés en 2018, démontrant la bonne gestion du programme.

Pour le futur hélicoptère d’attaque, KAI a choisi de proposer une version de combat de son Surion plutôt qu’un appareil entièrement nouveau. Historiquement, ce n’est pas la première fois qu’un appareil de manœuvre est dérivé en gunship. Dans les années 1990, l’IAR 330 roumain basé sur le Puma français avait ainsi été équipé de lance-missile et d’une tourelle canon. La proposition de Sikorsky pour le ROKMC allait également en ce sens. Mais, surtout, KAI et Airbus Helicopters ont déjà une expérience réelle en matière d’hélicoptères de combat, après avoir transformé l’hélicoptère civil LCH (un dérivé coréen du H155 Dauphin 2) en Light Armed Helicopter.

Le LAH de KAI et Airbus en maquette Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Développé avec l’aide d’Airbus Helicopters pour le marché civil, le LCH est clairement dérivé du H155, nouveau nom du Dauphin 2. La version militaire comporte un canon de 20mm sous le nez et deux emports latéraux pour des roquettes, des missiles anti-char ou des missiles air-air.

Par rapport au Marineon de base, le futur MAH-1 devrait emporter une tourelle canon de 20mm sous le nez et deux supports pour armement dérivés de ceux de l’hélicoptère de combat Tigre. Le MAH pourra ainsi emporter quatre missiles air-air Mistral et huit missiles anti-char et deux lance-roquettes. Par rapport à un hélicoptère spécifiquement conçu pour le combat, comme le Viper ou le Tigre, le MAH de KAI sera moins maniable et offrira une cible plus grosse pour des tireurs ennemis.

En contrepartie, le MAH devrait conserver une grande partie des capacités de transport du Marineon puisque les pylônes d’armement n’empêchent pas l’accès aux portes latérales. Ainsi, lorsqu’ils ne sont pas utilisés pour de la reconnaissance ou de l’appui-feu, les 24 MAH-1 du ROKMC pourront venir renforcer les 30 MUH-1 dans leurs opérations amphibies.

En sélectionnant le MAH de KAI, la DAPA et le ROKMC font un choix rationnel en matière de logistique. A bord des deux porte-hélicoptères amphibies de classe Dokdo et des futurs porte-aéronefs d’asaut, la maintenance des MAH-1 et des MUH-1 pourra être facilement mutualisée, permettant une bonne disponibilité en opération pour les deux appareils. Le choix coréen n’est donc pas sans rappeler celui de l’USMC qui s’est équipé de UH-1Y Venom et de AH-1Z Viper, très différents visuellement mais très proches sur le plan technique.

KUH 1E Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Le KUH-1E est une version polyvalente du Surion destinée à l’exportation. Dépourvu de canon, l’hélicoptère emporte deux fois moins d’armement externe que le futur MAH-1 mais conserve toutes les caractéristiques de l’hélicoptère de transport de base. Les Philippines étaient un temps intéressées par le Surion, avant d’annuler leur commande.

Avec ce futur contrat, Airbus Helicopters renforce encore sa position en Corée du Sud, où les appareils conçus avec KAI représentent désormais plus de 80% des achats militaires et paramilitaires. En plus de ses 210 Surion, l’armée coréenne devrait ainsi s’équiper de plus de 200 LAH de reconnaissance et d’attaque légère devant remplacer les AH-1 Cobra et MD500 coréens. Au-delà du marché coréen toutefois, KAI cherche à exporter leur Surion, et proposent notamment un KUH-1E adapté aussi bien au transport qu’à l’attaque. De quoi apporter quelques bénéfices à Airbus Helicopters qui pourrait alors profiter du dynamisme coréen, dont les exportations militaires se multiplient en Asie ces dernières années.

La Chine lance son second porte-hélicoptères d’assaut Type 075

L’événement était pour le moins anticipé, d’autant que jeudi 23 Avril marquera le 71ème anniversaire de la création de l’Armée Populaire de Libération. Ce mercredi 22 avril, le second porte-hélicoptères d’assaut Type 075 a été lancé aux chantiers navals Hudong Zhonghua, près de Shanghaï. Il s’agit du second lancement d’un navire de ce type en seulement 7 mois, son sister-ship et première unité de la classe ayant été lancé le 24 septembre 2019 dans ces mêmes chantiers navals.

Si ce lancement était attendu, il n’en a pas moins été mis en scène par les autorités chinoises, qui ont lourdement insisté sur le respect du planning de production de l’industrie navale militaire chinoise, et ce malgré la crise du coronavirus Covid19 qui a frappé le pays avant de se répondre sur la planète. En procédant ainsi, elles marquent leur résilience notamment face aux chantiers navals européens et américains qui ont annoncé pour la plupart des reductions, voir des suspensions de production, en raison de la pandémie.

incendie Type 075 shanghai Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Le premier LHD Type 075 a subi un incendie dans son hangar aviation la semaine passée, mais le sinistre a été rapidement maitrisé et les dégâts semblent-ils limités

Le lancement intervient également alors que les tensions vont croissantes entre la Chine et les Etats-Unis, notamment en ce qui concerne la main mise chinoise sur la mer de Chine, et les revendications de Pékin envers Taiwan. Ainsi, les autorités chinoises ont annoncé, il y a quelques jours, la création de deux nouveaux districts administratifs basés sur les iles Xisha et Nanchang, ainsi que les ilots avoisinants, marquant de fait leur rattachement à la République Populaire de Chine, et ce nonobstant les réclamations officiels de ses voisins, et notamment du Vietnam qui revendique la souveraineté sur les iles Yongxing et la ville de Sanchang, préfecture de la nouvelle province de Nanchang décrétée par Pékin.

Concomitamment, ce lancement est l’occasion pour les autorités chinoises de renouveler leurs menaces au sujet de l’ile de Taiwan. C’est ainsi le cas sur la scène internationale, lorsque les autorités prennent soin de faire témoigner des experts navals soulignant la plus-value apportée par ces navires pour la conduite des opérations d’assaut amphibie, notamment contre Taïwan. C’est également le cas sur la scène intérieure, alors qu’il semble de plus en plus que Pékin mène une opération visant à créer l’adhésion de la population du pays envers une ineluctable opération militaire pour reconquérir l’ile présentée comme sécessionniste.

APL drill Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
La Chine développe rapidement ses capacités militaires, et notamment ces capacités de projection de puissance, que ce soit ses troupes de Marines ou ses forces aéroportées

Il faut reconnaitre que les porte-hélicoptères Type 075 affichent des performances très supérieures à celles de n’importe quel autre navire d’assaut en service dans la Marine chinoise, y compris les LPD Type 071. Longs de 237 m, ils affichent un tonnage en charge estimé entre 35.000 et 40.000 tonnes, les mettant au même niveau que les LHD de la classe Wasp et les LHA de classe America en service dans l’US Navy. Ils peuvent mettre en oeuvre une trentaine d’hélicoptères, et transporter un régiment d’assaut et son équipement, soit 1200 à 1500 hommes et prés d’une cinquantaine de véhicules blindés. Pour les transferts vers la zone d’assaut, ils peuvent employer leurs hélicoptères de transport comme le Z-8 ou le nouveau Z-20, ainsi que deux aéroglisseurs via un radier.

En 2021, l’APL disposera de fait de 8 LPD Type 071 de 25.000 tonnes et de 2 LHD Type 075 de 40.000 tonnes, soit une force d’assaut cumulée de 8000 hommes et 250 véhicules, auxquels s’ajoutent une trentaine de LST Type 072/73 et 74 de 5000 tonnes, mettant la Chine dans une catégorie proche de celle des Etats-Unis, qui emploient 8 LHD/LHA Wasp et America de 40.000 tonnes, 13 LPD classe San Antonio et Austin de 25.000 tonnes et 8 LST classe Whidbey de 16.000 tonnes pour ces missions. Selon toutes probabilités, le nombre de LHD Type 075 et versions dérivés atteindra les 8 à 10 unités dans la Marine chinoise d’ici 2030, ce qui conférera à Pékin une capacité d’assaut naval identique à celle de Washington, une première depuis 1942.

LST Type 073 III Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
La marine chinoise dispose d’une trentaine de LST Type 072/73/74 susceptibles de renforcer les capacités de projection amphibie des Type 071 et Type 075

Ces annonces agissent également comme un outil de guerre psychologique contre l’opinion publique de Taïwan, intervenant alors que les forces américaines dans le Pacifique sont handicapées par l’infection au Coronavirus qui a frappé les porte-avions USS Theodore Roosevelt et USS Ronald Reagan déployés sur ce théâtre, et alors que les Etats-Unis montrent des tendances protectionnistes allant parfois jusqu’à tendre vers l’isolationnisme. Or, si un virus ayant un faible taux de mortalité comme Covid19 génère de telles aspirations, il est normal de s’interroger sur le comportement de Washington et de l’opinion publique américaine face à un risque de guerre majeure contre la Chine dans le seul but de protéger Taipei. Il serait alors bon de se rappeler que les opinions publiques en France et en Angleterre avaient ces mêmes aspirations en 1939 lors de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie et l’Union Soviétique, bien peu de conscrits acceptant alors de « mourir pour Dantzig ». Malheureusement, le répit accordé en n’intervenant pas alors ne fut, au final, que de courte durée, avec les conséquences que l’on connait aujourd’hui.

Il est coutume de dire que, dans son histoire, la Chine n’a jamais menée de guerre d’agression. C’est toutefois révélateur d’une méconnaissance de l’histoire récente du pays. En effet, les quatre guerres modernes ayant impliqué directement la Chine après la seconde guerre mondiale résultaient d’une agression chinoise, et de celle d’un de ces alliés. C’est naturellement le cas de la guerre de Corée, lorsque la Corée du Nord soutenue par Pékin et Moscou attaqua son voisin du sud soutenu par les Etats-Unis et une coalition occidentale en 1950, et qui entraina l’intervention massive de la Chine lorsque les forces nord Coréenne furent mise en déroute. En 1959 et 1962, ce sont les forces chinoises qui pénétrèrent en territoire indien et attaquèrent les garnisons du pays nouvellement indépendant. En 1969, c’est une ambuscade menée par des forces chinoises qui provoqua le conflit sino-soviétique qui, fort heureusement, fut de courte durée. Enfin, en 1979, ce sont les forces chinoises qui déclenchèrent les hostilités dans la guerre sino-vietnamienne.

XI Jin Ping Marine Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
Malgré la narrative construite par Pékin, la Chine n’a pas un passé aussi pacifiste que présenté

En réalité, depuis la fin de seconde guerre mondiale, la Republique Populaire de Chine n’a fait l’objet d’aucune agression, et a déclenché 4 guerres. De quoi ponderer l’aura de pacifisme culturel que la propagande chinoise essaie de diffuser, même si l’on reste loin des 6 interventions militaires exterieures des Etats-Unis depuis 1980.

Covid-19 : la Thaïlande et la Corée du Sud vont réduire significativement leurs budgets de défense

Ce n’est une surprise pour personne : de nombreux pays vont être amenés à réduire leurs dépenses de défense dans les prochains mois. D’une part, les conséquences économiques de la crise ne permettront pas de maintenir le même niveau d’investissement. D’autre part, l’opinion publique de nombreux pays demandera à ce que les investissements militaires soient particulièrement mis à contribution lors de la reconstruction économique, particulièrement pour les pays ayant l’habitude d’importer leur armement. L’Asie ayant été le premier continent touché par la pandémie, il est logique d’y retrouver les premières annonces en ce sens.

Comme nous l’avions déjà évoqué, la Thaïlande a confirmé vouloir réduire drastiquement ses dépenses militaires. Cela se fera en particulier dans le secteur naval, pour des raisons opérationnelles et politiques que nous avions déjà abordé. Désormais, nous en savons plus sur les programmes qui seront impactés par ces décisions. Comme prévu, c’est bien la marine et son programme sous-marin qui paieront le plus lourd tribut à la reconstruction du pays.

Saab 340 AEW Gripen D Thailan Actualités Défense | Alliances militaires | Budgets des armées et effort de Défense
L’épidémie de Covid-19 et ses conséquences économiques pourraient bien s’inscrire dans la durée. Les programmes de modernisation de la marine et de l’armée de l’air thaïlandaises pourraient être particulièrement touchés.

Alors que 631 millions $ étaient prévus pour la Royal Thai Navy cette année, environ 126 millions $ seront réalloués à d’autres secteurs économiques, ce qui représente une réduction de 33% du budget de fonctionnement et d’acquisition de la marine. Contrairement à ce qui était craint cependant, le premier sous-marin de type S26T acheté auprès de la Chine devrait bien être livré dans les temps. En effet, les clauses d’annulation du contrat n’auraient pas rendu cette opération rentable pour la marine thaïlandaise.

Néanmoins, l’acquisition de deux sous-marins supplémentaires est bien suspendue, et les premiers versements prévus pour octobre repoussés à des jours meilleurs. De la même manière, les lourds travaux prévus pour la construction de simulateurs, d’infrastructures portuaires et d’équipements de maintenance spécifiques pour les trois sous-marins sont également repoussées.

La semaine précédente, c’était la Corée du Sud qui annonçait réduire de 733 millions de $ son budget de défense. Néanmoins, ce dernier s’élevait pour l’année 2020 à plus de 40 milliards $, si bien que l’impact relatif sur la défense coréenne sera bien moindre qu’en Thaïlande. Pour Séoul, ces réductions de budget correspondent à la participation du Ministère de la Défense au plan d’aide interministériel devant permettre de mobiliser plus de 6 milliards $ dans la lutte contre l’épidémie de coronavirus.

Séoul indique que ces réductions budgétaires repousseront certains paiements et donc retarderont certains programme, notamment pour les destroyers AEGIS et les avions de combat F-35A. Néanmoins, le gros des réductions budgétaires de la défense coréenne s’effectueront sur les dépenses de fonctionnement. En effet, en Asie comme ailleurs dans le monde, si les services de santé des armées et certains moyens de transports sont mobilisés dans la lutte contre le Covid-19, le gros des exercices, des entrainements et des opérations extérieures a fortement diminué, conduisant à une réduction globale des dépenses de fonctionnement.