En France, les mesures de confinement et de distanciation sociale imposées par l’épidémie de coronavirus touchent la quasi-totalité des entreprises. Au niveau mondial, la pandémie de Covid-19 a provoqué une gigantesque crise économique, avec une réduction brutale de la production dans la plupart des pays de l’hémisphère nord. Dans le même temps, comme nous l’avons régulièrement rapporté, les tensions internationales se sont exacerbées un peu partout dans le monde, imposant la mise en alerte d’avions de chasse et le déploiement de navires de guerre. De plus, la plupart des marines militaires se retrouvent aujourd’hui impliquées dans la lutte contre le coronavirus.
Dans un tel contexte, certains industriels doivent gérer simultanément la crise sanitaire, la réduction de l’activité économique et le soutien à leur clientèle mondiale. En France, c’est notamment le cas de Naval Group, qui conçoit, fabrique et entretient la plupart des navires militaires vendus à la Marine Nationale et aux clients de l’industrie navale française. Hier, le groupe français a ainsi communiqué sur les mesures qui seront mises en place pour protéger ses employés pendant la crise actuelle, tout en continuant d’assurer le soutien des forces navales partout dans le monde.
Sécurité sanitaire et financière des employés
Différentes mesures ont été prises afin d’assurer la santé et la sécurité des collaborateurs de Naval Group dans les prochains mois, au fur et à mesure de la reprise d’activité. Sur le plan sanitaire, le télétravail a été généralisé et devrait être maintenu dès que possible. Pour les sites de production industrielle, une nouvelle organisation du travail sera mise en place avec des équipes distinctes, l’aménagement des postes de travail pour permettre de respecter les mesures de distanciation sociale et, lorsque ce sera nécessaire, le port de masques et d’équipements de protection spécifiques.
De plus, Naval Group a assuré que la sécurité financière de ses salariés serait maintenue. Même en cas de chômage partiel, l’entreprise entend maintenir un salaire à 100%, un engagement qui va au-delà du cadre légal français. Le groupe financera directement la moitié des surcoûts, et fera appel à la solidarité de ses collaborateurs pour prendre en charge l’autre moitié. Cela passera par des dons de congés payés sur la base du volontariat, l’équipe dirigeante ayant déjà annoncé faire un don de cinq jours de congés payés par personne. Enfin, les RTT et certains congés pourraient être soldés durant la période de confinement, ce qui permettra de renforcer la dynamique de travail collectif lors de la reprise d’activité.
Economies et réductions d’activité
D’après les annonces faites par la direction de Naval Group, il semble que l’entreprise française se prépare à une longue période de difficultés sur le marché de la défense. Dans l’immédiat, les activités de soutien ne devraient pas être impactées outre-mesure par la crise actuelle, même si localement certains gouvernements ont pu prendre des mesures de confinement pouvant impacter leurs ressources militaires.
Toutefois, en matière de production et de nouveaux contrats, Naval Group semble logiquement s’attendre à un ralentissement des commandes et des livraisons, notamment pour ses clients étrangers. Un coup dur pour l’entreprise qui venait de terminer une année 2019 absolument historique en matière de prises de commandes et de lancements de nouveaux programmes.
Pour faire face au nouveau contexte économique mondial, des mesures d’économie budgétaires vont être prises par le groupe. Toutes les activités non-essentielles seront impactées. Dans un premier temps, les colloques, conventions, séminaires et voyages seront annulés ou réduits à leur plus simple expression. Les recrutements seront également limités aux activités de production et aux compétences les plus critiques. Enfin, Naval Group devrait également limiter au strict nécessaire les prestations externes et la sous-traitance, afin d’optimiser l’utilisation de ressources internes.
Des programmes menacés ?
Pour l’heure, il est difficile de connaître les programmes qui seront le plus impactés par la situation mondiale actuelle. Cela dépendra de la capacité de reprise économique mondiale, qui dépendra elle-même du développement du coronavirus, qui pourrait très bien revenir avec force dans quelques mois, ou encore muter vers une forme plus virulente.
En France, pour le moment, la Ministre des Armées Florence Parly se veut rassurante, rappelant que les investissements de défense participent directement à la reprise économique du pays. De fait, maintenir la production de sous-marins nucléaires Barracuda et de frégates FDI pour la Marine Nationale permettra à Naval Group de conserver la plupart de ses employés sur les sites de Lorient et de Cherbourg. Avec la généralisation du télétravail, la question de la cyber-sécurisation des données devrait également donner du travail aux équipes de Naval Group Ollioules.
Néanmoins, la baisse ou le report prévisible des commandes internationales ne sera pas sans conséquences pour plusieurs programmes de Naval Group :
- Le programme de frégates FDI pourrait être le premier touché. Même si la France devait effectivement commander les cinq unités prévues (ce qui reste à confirmer), il est possible que la Grèce retarde ses propres acquisitions, ou bien réduise l’ampleur des achats prévus. Surtout, il est possible qu’une partie des prospects de Naval Group sur ce segment de marché se retourne vers des produits plus légers, et donc accessibles, dans les années à venir. Heureusement, Naval Group dispose de bonnes corvettes avec sa famille Gowind.
- A plus long terme, c’est peut-être la gamme de sous-marins de Naval Group qui pourrait le plus souffrir. La région Asie-Pacifique devait en effet être particulièrement porteuse dans ce secteur d’activité. Or, l’Inde pourrait être un des pays le plus touché par les crises actuelles (coronavirus, économique) et à venir (famine, sécheresse) en 2020. Ce qui pourrait amener le gouvernement indien sans doute à repousser sine die le programme P75i devant porter sur la commande de six nouveaux sous-marins AIP. D’autres prospects comme l’Indonésie pourraient également retarder leurs programme d’acquisition. Enfin, alors que l’opposition travailliste et les industriels suédois font tout pour porter atteinte à la vente de 12 sous-marins Shortfin Barracuda en Australie, la crise économique qui se dessine pourrait bien leur donner de nouvelles armes sur la scène publique pour porter un coup fatal à la coopération avec Naval Group.
Dans un contexte de crise économique sévère, les chantiers navals seront aux abois sur toute la planète. Sur chaque marché, la concurrence sera rude, et les pressions des opinions publiques contre les programmes d’armement en général seront plus intenses que jamais. Il faut alors espérer que les relations publiques et les relations presse ainsi que les activités de communication (y compris celles menées en partenariat) de Naval Group ne feront pas l’objet de coupes budgétaires importantes. Car dans les trois à cinq prochaines années, plus que jamais, elles pourraient être au coeur de la reprise d’activité du groupe pour les deux prochaines décennies.









