La conjonction des craintes autour de la pandémie de coronavirus Convid19, de l’intervention unilatérale et désastreuse du président Donald Trump pour interdir le territoire des Etats-Unis aux européens pendant 30 jours, et la menace structurelle de la dette des entreprises, a déclenché un crack boursier aujourd’hui 12 mars, lui-même faisant suite à une première forte baisse le 11 mars suite à l’explosion du nombre de cas de coronavirus en Italie et la mise en quarantaine du pays. Cette chute, qui dépasse les 12% à Paris et 10% à Frankfort et Londres, affecte lourdement les grandes entreprises cotées de l’industrie de défense européenne, avec des cours de bourse parfois divisés par deux sur un an.
En France, l’entreprise la plus touchée est le motoriste Safran, avec une baisse de 16,85% sur la scéance, amenant son cours de bourse sur un an à -28%, mais marquant une baisse sur un mois de plus de 40%. Airbus, avec un titre dévissé de 16,7% sur la séance, voit son cours sur un an presque divisé par deux, enregistrant 47,5% de baisses. Dassault Aviation, avec une baisse de 11,4% sur la séance, voit son cours perde 41% sur l’année, alors que Thales, avec -7,8% sur la séance et -28,5% sur l’année, limite les dégâts.
Malgré les excellents résultats enregistrés en 2019, et des carnets de commande particulièrement bien remplis, les grandes entreprises françaises ont vont leurs cours de bourse dévisser de 30 à plus de 40% sur une année.
Dans le reste de l’Europe, la situation n’est pas meilleure. Rheinmetall enregistre une baisse instantanée de 9% et annuelle de 39%, alors que SAAB, si elle ne perd que 4,3% sur la séance, enregistre toutefois une baisse de 37% de son cours sur l’année. Mais ce sont les entreprises italiennes qui paient le plus fort la panique boursière. Leonardo perd ainsi 22,6% sur la séance, 45% sur l’année, et plus de 50% vis-à-vis de son cours du début d’année. Fincantieri, partenaire de Naval Group et acquéreur des chantiers navals de l’Atlantique à Saint-nazaire, a perdu 12,4% sur la séance d’aujourd’hui. Son cours sur un an a, lui, dévissé de plus de 60%.
A noter qu’outre Atlantique, la situation est beaucoup moins critique. Certes, Boeing a perdu 51% de sa valeur boursière sur un an, mais cela n’a guère à voir avec le coronavirus, alors que Lockheed s’il perd 30% de sa valorisation du début de l’année, enregistre tout de même une progression de son cours de 7% sur un an. Raytheon limite les dégâts, ne perdant que 14% sur l’année, même si, comme Lockheed, son cours a dévissé de 33% depuis le début d’année.
Avec un cours de bourse réduit de 60% de 1 an, l’italien Fincantieri pourrait voir ses capacités d’investissement et même sa solvabilité menacées
La baisse du cours de bourse entraine mécaniquement une évolution négative du taux d’endettement de l’entreprise vis-à-vis de ses fonds propres, faisant peser une menace avérée sur la survie de certaines d’entre-elles, et ce en dépit d’un carnet de commande rempli et de résultats souvent satisfaisant. Ces variations très dommageables pointent la vulnérabilité de l’écosystème défense européen du fait de l’absence d’une implication plus forte des etats dans le capital social des entreprises jouant un rôle critique dans l’autonomie stratégique du pays, et de l’absence d’investisseurs « souverains » capables de projeter des perspectives sur le moyen ou le long terme, à l’instar des fonds de pensions américains, atténuant mécaniquement les chutes vertigineuses constatées aujourd’hui.
Les autorités militaires chinoises ont annoncé le lancement un appel d’offre, via le site weain.mil.cn consacré à cela, portant sur l’acquisition de deux modèles de drones suicides, également appelés « Loitering munitions » en anglais, ou « munitions vagabondes ». Déjà en service dans plusieurs forces armées dans le monde, comme en Israël, ce type de drones autonome décrit le périmètre qui lui a été assigné jusqu’à qu’une cible apparaisse, suite à quoi il l’attaque en se précipitant dessus. Si aucune cible n’apparait, la munition peut alors retourner à son point de départ pour être récupérée, ou s’autodétruire.
Ce type de munitions, qui peuvent selon les modèles, être larguées d’un aéronef ou lancées à partir d’un véhicule, ouvrent de nouvelles opportunités tactiques, notamment en matière d’interdiction et d’élimination des défense adverses (SEAD). Pouvant être mise en oeuvre sous la forme d’essaims, elles constituent également un puissant outil pour venir à bout des cibles fortement défendues, en saturant et éliminant ses défenses, puis en frappant lourdement la cible visée.
Dérivé du Harpy, l’IAI Harop est aujourd’hui la munition vagabonde opérationnelle offrant les plus importantes performances, avec un rayon d’action de 1000 km. Elle a été commandée par 6 pays dont l’Inde, la Turquie et l’Allemagne
Si plusieurs programmes, dans les années 80, avaient abordé la logique des munitions vagabondes, c’est l’israélien IAI qui développa le premier modèle opérationnel, à savoir le IAI Harpy, une munition sous forme d’aile volante autonome propulsée grâce à un petit moteur rotatif de 38 cv, et disposant d’une autonomie de 500 km pour une vitesse de 185 km/h. Armée d’une charge de 32 kg, la Harpy pouvait patrouiller une zone de plusieurs dizaines de km2 pendant 2 heures, et frapper toute cible qui y pénétrerait. Ce système a été exporté en Turquie, en Inde, en Corée du Sud et également en Chine, ce qui ne manqua pas de provoquer des tensions entre Washington et Tel Aviv au milieux des années 2000. l’IAI Harop, parfois désigné Harpy 2, est une évolution du Harpy, avec une autonomie de 6 heures et un rayon d’action de 1000 km. C’est une munition de ce type qui détruisit un Pantsir S1 Syrien en Mai 2018.
Aux Etats-Unis, ce type de munition est entrée en service en 2012 avec l’AeroVironment Switchblade, un drone suicide radiocommandé lancé à partir d’une petite catapulte, et principalement utilisé par les forces spéciales du SOCOM. Equipé d’une camera video et thermique, le Switchblade dispose également d’une charge militaire directionnelle, conçue pour éviter les dégâts collatéraux, avec une dispersion comparée, par ses concepteurs, à un tir de shootgun. Commandés en 2011, les premiers exemplaires furent utilisés avec succès en Afghanistan, amenant l’US Army à commander des exemplaires supplémentaires.
Le SOCOM emploie à ce jour prés de 300 Switchblade, essentiellement pour des missions de reconnaissance, bien que l’option frappe soit toujours disponible
Depuis 2015, de nombreux pays ont présenté leurs propres modèles, mais Israël reste le pays le plus dynamique, avec plus de 40% des modèles existants à ce jour. Mais la Chine semble bien déterminée à se positionner sur ce marché, que ce soit vis-à-vis de la demande intérieure, comme des possibilités d’exportation. Deux modèles retiennent l’attention aujourd’hui :
le CH-901, un drone vagabond léger (15 kg) mis en oeuvre par l’infanterie ou par un blindé léger équipé de 12 drones, et capable de patrouiller pendant 2 heures à 150 km/h dans un rayon de 15 km
Le WS-13, mis en oeuvre à partir d’un véhicule lance-roquette multiple de la famille Weishi, capable de patrouiller pendant 30 minutes au dessus d’une cible distante de 60 km, et emportant une charge militaire de 20 kg.
L’Europe est, comme souvent, à la traine dans ce domaine, freinée davantage par des considérations éthiques que par un manque de compétences industrielles et scientifique. Ainsi, le seul modèle européen opérationnel de munition vagabonde est le Warmate du polonais WB Electronics, un petit drone vagabond se déplaçant à 85 km/h, disposant d’une autonomie de 50 minutes et d’un rayon ‘action de 40 km. Ce micro drone peut être mis en oeuvre par l’infanterie, et Rheinmetall développe un robot terrestre 8×8 pour mettre en oeuvre 6 de ces mini-drones.
Le Warmate polonais et le robot terrestre 8×8 de Rheinmetall tel que présenté au salon IDEX 2019
Depuis l’entrée en service de la première frégate du project 22350, la frégate Admiral Gorshkov, les annonces se succèdent pour en augmenter le nombre. Initialement prévue pour seulement 4 unités, la classe n’a cessé d’être étendue, d’abord en avril 2019 par la construction de 2 unités supplémentaires, équipées cette fois non pas de 16 mais de 24 silos UkSK pouvant accueillir des missiles longs comme le P-800 Onyx, le 3M22 Tzirkon hypersonique, et le missile de croisière 9M54 Kalibr, tout en conservant les 32 silos pour les missiles antiaériens du système Poliment-Redut. Quelques mois plus tard, en septembre 2019, le ministère de La Défense a annoncé la mise en chantier, en 2020, de deux unités supplémentaires de même type, qui devront entrer en service en 2026.
Cette fois, c’est le ministre de la Défense adjoint, Alexei Krivoruchko, en deplacement aux chantiers navals Severnaya de Saint-Petersbourg, qui a annoncé que de nouvelles commandes de navires de cette classe seront prochainement annoncées, sans en préciser le nombre, ni le calendrier. Cette annonce a été faite à l’occasion de la cérémonie portant sur la pose de la quille, marquant traditionnellement le début de la construction d’un navire, d’une nouvelle corvette du projet 20380, une seconde classe pleine de promesse pour la marine russe.
C’est en janvier 2020 que le premier tir d’un missile 3M22 Tzirkon a été effectué à partir d’une frégate, en l’occurence la frégate Admiral Gorshkov, première unité de la classe éponyme
Avec un nombre important de frégates et frégates lourdes, puisqu’elles devraient dépasser les 18 unités, épaulées de corvettes aux capacités hauturières avérées et capables, elles aussi, de mettre en oeuvre 8 missiles lourds comme les Kalibr ou les Tzirkon, la flotte russe pourra assurer une transition souple en retirant les unités héritées de l’époque soviétique, comme les 4 destroyers Sovremeniye et les 9 destroyers anti-sous-marins Udaloy encore en service. En procédant ainsi, elle pourra si besoin réduire le nombre de destroyers lourds de la classe Lider, dont la construction est prévue à partir de 2025, au seul remplacement des croiseurs Slava (3 unités) et Kirov (2 unités), et donc atteindre un format supérieur à celui des autres pays européens, même ceux, comme la France, le Royaume-Unis et l’Allemagne, ayant un PIB sensiblement supérieur.
Les deux croiseurs de la classe Kirov encore en service dans la Marine russe, le Piotr Velikiy et l’Admiral Nakhimov, resteront en service jusqu’au milieux des années 2030
Outre l’entrée en service prochaine du Tzirkon, et les performances retrouvées des chantiers navals russes, un troisième paramètre peut expliquer l’accent mis sur les navires de haute mer aujourd’hui. En effet, jusqu’il y a peu, Moscou donnait la priorité à la construction d’une flotte dense de corvettes côtières et de patrouilleurs armés, parfois qualifiée avec un léger sarcarsme de « Mosquito force ». Or, ces navires, comme les patrouilleurs Buyan-M, emportaient des missiles de croisière 3M54 Kalibr, alors qu’ils étaient déployés en mer Baltique et mer Noire, mettant à porté une grande partie du territoire européen. Il s’agissait, pour Moscou, de contourner les restrictions du traité INF qui interdisait de disposer de missiles balistiques ou de croisière d’une portée de 500 à 2500 km mis en oeuvre par des lanceurs terrestres. On note d’ailleurs que le missile balistique aéroporté hypersonique Kh47M2 Kinzhal relève de la même logique, puisque sa portée est de 2000 km.
Avec la fin du traité INF, le recours à une telle flotte est devenu moins nécessaire, et le ministère de La Défense russe a pu, de fait, basculer une partie de ses moyens de productions vers des unités de haute mer, d’autant que l’actualité récente a montré à Moscou que même avec une stratégie essentiellement continentale, le recours à une flotte puissante et dissuasive s’avère nécessaire pour faire valoir les décisions du Kremlin an matière de politique internationale. En outre, elle permettra d’étendre le rayon défensif autour des cotes russes, là encore en s’appuyant sur la menace que représente le Tzirkon vis-à-vis d’adversaires potentiels.
Les corvettes légères Buyan-M mettent en oeuvre 8 silos verticaux UKSK pouvant accueillir des missiles Kalibr, Onyx ou Tzirkon.
Enfin, et probablement de façon déterminante, la flotte russe a, pour la première fois, capacité à faire jeu égal avec l’OTAN sur les mers, car l’immense majorité de la flotte US va progressivement basculer vers le théâtre Pacifique pour contenir la puissance navale Chinoise. De fait, même si le Kremlin est conscient qu’il lui sera impossible d’égaler la puissance navale européenne sur le plan numérique, il fait probablement le pari d’être en mesure de prendre l’ascendant sur celle-ci en cumulant sa flotte de surface, sa flotte sous-marine et sa force aérienne à long rayon d’action, avec par exemple la modernisation des Tu-22M3M Backfire.
Une chose est certaine, par ces annonces répétées en faveur d’une modernisation et d’une extension des capacités de la flotte russe, Moscou veut se positionner comme une puissance navale, révélant un changement de stratégie notable depuis la fin de l’Union soviétique. Est-ce que les occidentaux seront prêt à relever ce défis ? seul l’avenir nous le dira ….
Le programme Futur Vertical Lift est un des 6 piliers principaux du super programme BIG 6 qui doit permettre à l’US Army de maintenir un avantage technologique et opérationnel sur tous ses adversaires dans les 20 à 30 années qui arrivent. Pour l’heure, deux composantes ont retenu l’attention médiatique dans ce programme destiné à repenser la composante aéroportée de l’US Army, le programme FARA (Futur Attack and Reconnaissance Aircraft) et le programme FLRAA (Futur Long Range Assaut Aircraft), destinés à remplacement les hélicoptères OH-58 Kiowa et les UH-60 Black Hawk dans leurs missions respectives. Mais le programme FVL a une autre mission, bien moins médiatisée, celle de remplacer et d’étendre la gamme de drones en service dans l’US Army. La doctrine en matière d’aerocombat que prépare l’US Army reposera, en effet, sur un usage massif de drones de toutes les tailles et fonctions, et dans tout le spectre de l’engagement.
Consciente du danger que représente désormais les systèmes de défense anti-aériens de pays comme la Russie ou la Chine, l’US Army ne veut pas risquer de déployer un appareil, son équipage et encore moins son chargement de Rangers, tant que cette menace n’aura pas été neutralisée. Et cette mission reviendra à cette nouvelle génération de drones, qui devra aussi bien assurer des missions de reconnaissance, de guerre électronique, de neutralisation et de communication, au profit des forces, et des hélicoptères présents dans la zone. D’ailleurs, ces drones entreront en service bien avant que les premiers FARA ou FLRAA ne le fassent, et interagiront donc avec, et au profit, des hélicoptères actuellement en service, comme les hélicoptères d’attaque AH-64 Apache, les hélicoptères de manoeuvre UH-60 Black Hawk, et les hélicoptères lourds CH-47 Chinook.
La composante drones du programme FVL devra interagir avec les appareils actuels, et notamment avec l’hélicoptère de combat AH-64 Apache qui constituera encore longtemps le poing armé de l’aérocombat américain.
En premier lieu, le FVL a pour mission de remplacer les drones de reconnaissance RQ-7 Shadow, un appareil de 3,8 m d’envergure pour 170 kg de masse maximum au décollage, entrés en service au début des années 2000. C’est le rôle du programme Future Tactical Unmanned Aerial System , ou FTUAS. Ce dernier devra décoller et atterrir verticalement, contrairement au RQ7 qui emploie une catapulte transportable, de sorte à pouvoir être mis en oeuvre de manière simple et souple par les militaires en opération. Quatre modèles ont été sélectionnés pour cette compétition. Le FVR-90 de L3 Harris Technologies, le Jump20 d’Acturus UAV et le Aerosonde HQ de Textron emploient la même configuration alliant un quadcopter pour le vol vertical, et un drone à aile droite et hélice propulsive pour le vol dynamique. Le quatrième participant, le V-BAT de Martin’s UAV, repose sur le concept de « tail-sitter », une configuration héritée des prototypes de la guerre froide, qui se pose et décolle en position verticale sur la queue équipée d’une hélice propulsive carénée, et qui bascule en configuration traditionnelle pour le vol horizontal.
Le FVR-90 de L3 Harris est un des quatre participants au programme FTUAS. Il utilise une architecture hybride alliant 4 rotors de sustentations et une hélice propulsive
Le second programme majeur de la composante drones du FVL à la difficile charge de remplacer les drones MALE MQ-1C Grey Eagle, dérivés du célèbre Predator, et construits par le non moins célèbre General Atomics. Contrairement au programme FTUAS, le programme New Advanced Unmanned System, ou NAUS, n’a fait l’objet d’aucune communication de la part de l’US Army, ou des éventuelles entreprises qui y participent. On peut se demander, toutefois, si ce dernier intégrera une capacité de décollages et d’atterrissages verticaux, puisqu’intégré au programme Futur vertical Lift, ce qui constituerait une avancée significative, bien que peu probable.
Le V-BAT de Martin’s UAV utilise lui une configuration Tail-Sitter, se posant et décollant sur la queue.
Enfin, la troisième partie de cette composante drone du programme FVL porte sur la conception d’effecteurs aériens déportés, une notion comparable à celle employée par le programme européen SCAF avec les Remote Carriers. Comme pour le SCAF, il s’agit ici de developper des drones aéro-larguables par les hélicoptères présents et à venir, capables de mener, en autonomie, des missions de reconnaissance, d’écoute et de guerre électronique, des frappes ciblées, ou encore des missions de désignation de cible.
A ce titre, l’acquisition par l’US Army de missiles israéliens antichars Spike, qui permettent, comme le MMP de MBDA, de tirer contre des cibles masquées, constitue une première étape, sous forme de solution d’attente, de ce programme, qui reposera non pas sur un mais sur une gamme d’effecteurs de différents types, et destinés à effectués des missions différentes. Désignés par l’acronyme ALE, pour Air-Launcher Effect, ces effecteurs aéroportés entreront en service, comme dit précédemment, avant l’arrivée des premiers nouveaux appareils des programmes FARA et FLRAA, et seront mis en oeuvre par les appareils existants.
https://www.youtube.com/watch?v=8V1svIM_DFw
La video de présentation du Bell 360 Invictus montre l’utilisation de certains ARA
L’intégration de la composante drone au programme FVL apparait comme une décision structurante de la part de l’US Army, qui étend de fait la notion d’aérocombat. En procédant ainsi, elle s’assure d’une inter-operabilité optimum entre ses différents outils aériens, mais également avec les autres composantes du combat aéro-terrestre, qui dépendent en grande partie des informations remontées par les drones de reconnaissance. Un fonctionnement qui n’est pas sans rappeler celui du futur programme Titan de l’Armée de terre française, qui aura la charge de remplacer les composantes lourds des forces (chars, véhicules de combat d’infanterie, systèmes d’artillerie) et qui intégrera également le remplacement des hélicoptères Tigre. On remarquera enfin le recours de plus en plus fréquent de l’US Army à des materiels de transitions, destinés autant à étendre les capacités opérationnelles ou à palier des faiblesses ponctuelles, qui acquérir des savoir-faire et des retours d’experience utiles pour concevoir les materiels à venir et leur doctrine.
A l’automne 2017, nous proposions, avec l’amiral Pierre-François Forissier, ancien chef d’état-major de la Marine Nationale, et le général Jean-Paul Palomeros, ancien chef f’état-major de l’Armée de l’Air et ancien Supreme Allied Commander Transformation de l’OTAN, le modèle « Socle Défense », qui s’articulait autour d’une offre de location globale des équipements des armées et un financement structuré autour d’un plan d’épargne. A l’époque, les autorités militaires et politiques avaient considéré que la location des équipements militaires ne pouvait constituer une solution applicable, car trop contraignante et trop chère. Qui plus est, la nouvelle Loi de Programmation Militaire en préparation allait répondre à toutes les attentes des forces armées…
Seulement 2 années et demi plus tard, l’Armée de l’Air publie une troisième demandes d’offre de location en quelques semaines concernant des hélicoptères pour les armées françaises, après la Marine nationale concernant 16 hélicoptères Dauphin et H160, et après avoir elle-même préalablement entamé des négociations pour la location d’hélicoptères lourds CH-47 Chinook. La demande porte cette fois sur des hélicoptères EC225 Super Puma, destinés à remplacer les Puma datant des années 80 qui effectuent toujours les missions de recherche et sauvetage, notamment sur les bases outre-mer.
La Marine nationale a déjà signifié sa décision de louer des hélicoptères H160 et SA365 pour remplacer les dernières alouettes III dans l’attente de l’entrée en service des H160M.
Conçu dans les années 90 par Eurocopter qui deviendra Airbus Helicopter, l’EC225 Super Puma a initialement été conçu pour le marché civil, plus spécifiquement le marché des plate-formes pétrolières off-shore, grandes consommatrices de ce type d’appareils. L’appareil de 11 tonnes peut transporter jusqu’à 24 passagers à une vitesse de 260 km/h, et dispose d’une autonomie de plus de 800 km. Plus de 170 appareils ont été construits par l’avionneur européen, principalement à destination du marché off-shore. C’est d’ailleurs probablement des appareils ayant servi dans ce domaine que l’Armée de l’Air ambitionne de louer. La version militaire, le H225M Caracal, est également en service dans l’Armée de l’Air et de l’ALAT, pour les unités du Commandement des Opérations Spéciales, l’appareil pouvant être ravitaillé en vol.
Concrètement, l’Armée de l’Air cherche donc une solution de leasing avec option d’achat à terme pour 20 EC225, probablement d’occasion, avec une prestation d’accompagnement, notamment en matière de maintenance. Le contrat devra prévoir l’adaptation des appareils pour les missions de recherche et sauvetage. Si les offres de leasing sont relativement simples et économiques pour des missions de service civil, il en va tout autrement dès lors que les appareils doivent participer à des missions de combat, comme dans le cas des CH47 Chinook. En effet, les assurances imposées par le leasing, ou intégrées à celui-ci, augmentent très sensiblement la facture de la prestation.
Plus de 170 EC225 Super Puma ont été vendus dans le monde, en grande partie aux sociétés assurant le transport vers les plate-formes off-shore, mais également vers de nombreux services publiques et armées, comme ici les gardes côtes japonais.
C’est précisément un des points clés du Socle Défense, qui permet de mutualiser le risque d’attrition entre des appareils plus exposés, comme les hélicoptères et les blindés, et des materiels beaucoup moins sujets à l’attrition, comme les frégates ou les sous-marins, neutralisant ainsi les surcouts liés aux éventuelles assurances, sans menacer les fonds propres de l’entreprise portant le leasing. En outre, il permet de piloter les offres de location à partir d’une société d’économie mixte, publique-privée, garantissant l’absence de pressions et ou de dérives liées aux prestations de location ou de maintenance, surtout dans un cadre opérationnel.
De fait, dès lors que la location devient un outil employé de manière récurrente par les armées, il s’impose comme une solution globale souple et efficace, préservant les prérogatives régaliennes de l’Etat, et permettant, notamment, de sensiblement augmenter les investissements d’équipements des armées sans faire croitre les déficits publics, la location n’étant pas intégrée, sous certaines conditions, dans le calcul budgétaire des états par les instances européennes. Il serait pertinent, pour les Etats-Majors Français, mais également européens, de garder ce modèle global à l’esprit, de sorte à obtenir plus de souplesse dans le pilotage des contrats d’équipements majeurs.
Selon le site globaltimes.cn, l’industrie navale chinoise s’apprêterait à lancer le second porte-hélicoptère Type 075 dans les jours ou semaines qui viennent, soit à peine 6 mois après que la première unité ait été lancée, une prouesse s’agissant d’un navire de plus de 250 m de long et de 40.000 tonnes, surtout considérant qu’il s’agit du la première classe de navires de ce type que les chantiers navals chinois auront construit. A terme, la Marine chinoise disposera de 8 à 10 de ces navires, soit autant que les porte-hélicoptères d’assaut de classe Wasp et America en service dans l’US Navy.
Il semble désormais que l’industrie navale militaire chinoise ait atteint son plein rythme de croisière, puisqu’elle produit chaque année 6 à 7 destroyers, 3 à 4 frégates, 1 pétrolier ravitailleur océanique et 1 grand navire aéronaval, pour ne citer que les principales unités de surface. Pour l’heure, la priorité semble avoir été donnée aux navires d’assaut, puisque 2 porte-hélicoptères d’assaut Type 075, comparables en tout point avec les LHD de la classe America de l’US Navy, et 1 Transport de chaland de débarquement Type 071 auront été lancés en moins de 12 mois. L’article du GlobalTimes, équivalent de l’agence Tass pour le gouvernement chinois, explique que la Marine chinoise a un besoin urgent de renforcer sa composante d’assaut amphibie pour faire face « aux affrontements à venir« .
Outre les porte-hélicoptères d’assaut Type 075, la Marine Chinoise disposera bientôt des 8 transports de chalands de débarquement Type 071 qui doivent constituer sa flotte d’assaut amphibie
Comme à chaque fois, les regards se portent sur l’ile de Taiwan. Si les plages praticables pour un assaut par voie maritime restent peu nombreuses, et principalement situées sur la façade orientale de l’ile, un assaut héliporté pourrait, lui, s’effectuer sur l’ensemble de la côte, notamment sur la façade occidentale plus proche des bases chinoises. De fait, l’entrée en service prochaine de cette nouvelle classe de porte-hélicoptères d’assaut constitue un réel sujet d’inquiétude pour Taipei, d’autant que l’ile indépendante depuis 1947 ne pourra pas suivre le rythme de la modernisation et de l’extension des forces navales et aériennes de l’Armée Populaire de Libération. De fait, et malgré ses efforts en matière de défense, avec un budget représentant déjà plus de 2% de son PIB, et une augmentation de ce dernier de 8% en 2019, le rapport de force ne cessera d’évoluer en sa défaveur d’ici à la fin de la décennie.
En 2030, la flotte chinoise alignera donc 8 TCD Type 071, des navires de 25.000 tonnes capables de transporter et mettre à terre 600 marines et leur équipement, grâce notamment à des aéroglisseurs d’assaut Type 726, ainsi que 8 Type 075, capables de transporter et projeter un bataillon renforcé de marines, soit 1500 hommes, et leur équipement, notamment grâce à la dizaine d’hélicoptères moyens Z-20 et lourds Z-8 mis en oeuvre à partir de son pont d’envol plat de prés de 10.000 m2. Elle aura donc une capacité d’assaut théorique en première intention supérieure à 15.000 hommes, soit autant que l’US Navy et l’US Marines Corps. Outre les hélicoptères, l’industrie aéronautique chinoise développerait également actuellement un appareil à rotor basculant comparable au V-22 Osprey américain, ainsi qu’un appareil à décollage et atterrissage court ou vertical, comme le F35B, dans une volonté évidente de créer une capacité en miroir de celles des Etats-Unis.
Les destroyers lourds Type 055 comme le Nanchang vont constituer la force de frappe de surface de la marine chinoise, avec plus d’une centaine de missiles en silo de tous types à son bord
On peut également s’interroger sur le format final que souhaite atteindre la marine chinoise. Le rythme de production actuel, sur la base d’une durée de vie des coques de 30 années, laisse anticiper un nombre de navires combattants de surface (croiseurs, destroyer et frégates) supérieur à 250, et un nombre de grands navires aéronavals (porte-hélicoptères et porte-avions) évoluant entre 30 et 35 unités d’ici 2050. Dans les deux cas, ces valeurs sont supérieures au format prévisionnel de l’US Navy, même compensé de ses alliés australiens, japonais et Sud-Coréens, pourtant parmi les plus imposantes flottes militaires au monde. Il est donc très probable qu’à compter de 2030, l’US Navy devra concentrer l’immense majorité de ses moyens dans la zone indo-pacifique, au détriment de l’Atlantique et la Méditerranée, dont le contrôle reviendrait alors presque exclusivement aux flottes européennes et canadiennes.
Un troisième porte-avions chinois, cette fois équipé de catapultes, est actuellement construction dans les chantiers navals de Shanghai .
Quoiqu’il en soit, il y aura, dans les années à venir, une opposition de plus en plus directe, et de plus en plus intense, entre les marines chinoises et américaines, toutes deux conçues et dimensionnées pour assurer un contrôle global hégémonique des routes maritimes et des océans. Il ne s’agit plus, aujourd’hui, de savoir si une telle confrontation interviendra, mais plutôt de savoir quand elle interviendra, tant les deux pays ont des trajectoires opposées et des ambitions conflictuelles. Comme nous l’avons déjà écrit, les dirigeants européens qui, aujourd’hui, basent leur conception de La Défense du continent sur la protection massive des Etats-Unis, s’égarent dans une perception héritée du passé d’une géopolitique centrée sur l’Europe, et menacent, dès lors, la sécurité de leur propre pays et de ses citoyens.
Alors que la rencontre entre le président turc Erdogan et les représentants de l’UE lundi 9 mars n’a abouti à aucun résultat tangible, pour aucun des deux camps, Washington semble accroitre ses appels du pied vers Ankara pour tenter de ramener la Turquie dans le rang, au sein de l’OTAN. Après avoir demandé aux européens d’assouplir leurs positions et de répondre à la demande turque de renforcer les moyens d’interdiction aériens au dessus du nord de la Syrie, demande rejetée par Bruxelles, les autorités américaines proposent désormais d’autoriser l’exportation de systèmes Patriot vers Ankara à la seule condition que la Turquie s’engage à ne pas rendre opérationnelles ses batteries de missiles S-400 acquis auprés de la Russie.
Jusqu’à présent, Washington exigeait d’Ankara le retrait pur et simple de ces batteries de l’inventaire turc, sur la base d’une incompatibilité des systèmes avec ceux de l’OTAN, et surtout de la crainte de voir le système russe accumuler de précieuses informations sur les appareils de l’OTAN à l’occasion d’exercices ou de déploiement dans le pays. Rappelons que c’est également en raison de l’acquisition de ces S-400 qu’Ankara a été exclue du programme F35 cet été. Il s’agit donc d’un assouplissement sensible des positions américaines, puisque désormais, les forces turques pourraient conserver leurs systèmes.
Les premières batteries S-400 turques doivent être opérationnelle d’ici avril 2020 selon le président R.T Erdogan
Or, si les systèmes Patriot et le soutien des alliés de l’OTAN pourrait constituer un atout de taille pour Ankara dans le nord de la Syrie, ou l’utilisation des systèmes S-400 pour faire face aux forces aériennes russes seraient inefficace, l’utilisation de batteries de Patriot pour faire face à la Grèce le serait tout autant, Athènes utilisant ce système depuis de nombreuses années. En revanche, dans l’hypothèse d’un tel affrontement, les batteries de S-400 pourraient renforcer significativement les capacités offensives et défensives d’Ankara, en créant une zone d’interdiction de survol sur la grande majorité de la Mer Egée, et même au dessus d’une partie du territoire grec et chypriote. Les autorités turques ont déclaré « évaluer » l’offre américaine, mais dans le même temps, pour maintenir la pression, ont annoncé l’entrée en service des premiers systèmes S-400 en Avril 2020.
Si Ankara et Washington parvenaient à un accord sur ce dossier, il faudrait naturellement s’attendre au retour de la Turquie dans le programme F35, à la grande satisfaction de Lockheed. En effet, l’annulation de la commande turque, portant sur une centaine d’appareils, avait engendré de nombreuses inquiétudes sur le maintien du planning industriel. C’est suite à cette décision que le département d’Etat, épaulé des équipes de Lockheed, avait mené une campagne de communication et de lobbying intense en Pologne, en Grèce et en Roumanie, pour tenter d’atténuer l’effet de cette défection. En outre, cela permettrait de maintenir la collaboration industrielle avec les entreprises turques, qui produisaient, à des prix 4 fois inférieurs à ceux des entreprises européennes ou américaines, 8% des pièces constituant chaque aéronef.
Les premiers F35A aux couleurs turques ont été maintenus en séquestre sur le sol américain, et doivent être reversé à l’US Air Force si l’exclusion du pays du programme devait être maintenue
Pour Ankara, les bénéfices seraient également importants. Non seulement la Turquie pourrait espérer renouer avec le programme F35 qui constituait une étape critique dans le plan de modernisation de ses forces aériennes, mais elle verrait très probablement les sanctions occidentales levées à court ou moyen termes, sanctions qui entravent la production de nombreux équipements majeurs de sa base industrielle défense, comme l’hélicoptère T-129 Atak et le char lourd Altay. En outre, cela permettrait aux autorités turques de commander les F35B qui devaient armer le nouveau porte-aéronef Anadolu, qui a été lancé en novembre 2019, et qui serait limité, sans cela, à la mise en oeuvre d’hélicoptères. Cela permettrait, enfin, aux britanniques BAe et Rolls-Royce, participant au programme T-FX d’avion de combat indigène, de poursuivre leur mission sans entrave.
Plusieurs programmes majeurs de l’industrie de défense turque, dont le char de combat Altay, sont en suspend depuis la mise en oeuvre d’un embargo occidental sur les armes suite à l’offensive sur le nord de la Syrie à l’automne 2019
Reste que, même si la situation devait se normaliser entre l’occident et la Turquie, cette crise laissera de profondes marques dans les opinions publiques, notamment en Europe. Non seulement la Turquie a désormais sévèrement entaché son statut d’allié fiable que le pays avait maintenu durant prés de 60 ans, mais les européens ont également été témoin de la détermination du nationalisme turc, touchant parfois au fanatisme, notamment concernant une partie visible de la diaspora turque présente dans de nombreux pays européens. Cette défiance vis-à-vis d’Ankara perdurera longtemps, tant au niveau des dirigeants européens que des opinions publiques, tout du moins tant que R.T Erdogan restera à la tête du pays.
Toute publicité est bonne à prendre, disait Andy Warhol. La société russe Almaz-Antei, qui fabrique le système anti-aérien de protection rapproché Pantsir S1, ne doit guère partager cet avis ces derniers jours. En effet, selon les autorités turques, et de vidéos ostensiblement publiées sur internet, les drones armés turcs auraient détruit huit de ces systèmes autour de la ville d’Idleb, foyer d’une confrontation armée entre les forces syriennes fidèles à Bashar al Assad et les milices islamistes pro-turques soutenues par les forces armées d’Ankara.
Ces vidéos, et le médiocre bilan qu’elles présentent pour le Pantsir S1 syriens, sont d’autant plus dommageables que le système est conçu justement pour éliminer ce type de menace, et ses performances ont été vantées à plusieurs par les forces russes, qui l’utilisent notamment pour protéger la base aérienne russe de Hmeimim.
Si plusieurs Pantsir S1 ont, semble-t-il, été détruits alors qu’ils se déplaçaient, certaines séquences montrent un système à l’arrêt, radar tournant, donc visiblement opérationnel. À noter que, coté syrien, on revendique la destruction de plusieurs drones turcs, et l’on dément la destruction des Pantsir.
Alors, est-ce à dire que le Pantsir S1 est inefficace ? C’est peu probable. En effet, il apparait des vidéos publiées par la Turquie, montrant également des systèmes S-125 et Tor M1 syriens, que le problème ne se situe pas dans les équipements, mais dans l’entrainement des servants de ces matériels, ainsi que des tactiques utilisées par l’armée syrienne.
Ainsi, les Pantsir ne doivent, selon la doctrine russe, jamais être utilisés de manière isolée, mais par deux, de sorte à pouvoir se couvrir l’un l’autre pendant les déplacements, à l’image d’une progression en tirailleur. En outre, même si le Pantsir ou le Tor sont très automatisés, ils restent sous le contrôle de leurs équipages respectifs, qui doivent, dès lors, être à même d’identifier les cibles, de les prioriser, et de les traiter.
La mise en œuvre des systèmes anti-aériens modernes, comme le Pantsir, le Tor et même le S-125, nécessite en effet des personnels entrainés et qualifiés, ayant accumulé de longues heures à parfaire les procédures et la compréhension des systèmes et des doctrines d’emplois, pour atteindre un réel niveau d’efficacité opérationnelle.
Les vidéos présentées par la Turquie, mais également les rapports concernant la capture d’un char lourd moderne T-90A syrien par les forces paramilitaires pro-turques, tendent à pointer un sérieux manque de compétences et d’entrainement de la part des militaires syriens, dont on peut, en effet, douter de la formation.
Le drone armé Bayraktar TB2 est à l’origine de la majorité des destructions de Pantsir S1 syriens
Si les performances réelles des Pantsir et Tor russes ne peuvent être déduites des piètres performances des Syriens dans ce conflit, les Turcs ont fait la preuve, en revanche, des performances de leurs drones armés, et notamment du Bayraktar TB2 qui portent l’essentiel des frappes de précision autour d’Idleb depuis le début des engagements.
Ainsi, ils revendiquent, outre les Pantsir, la destruction de nombreux chars, véhicules blindés et pièces d’artillerie syriens. Ayant effectué son premier vol en 2014, le Bayraktar TB2 est un drone armé dérivé du Bayraktar TB1, capable de mettre en œuvre des munitions à guidage GPS ou laser, comme la MAM, une micro-bombe intelligente de 22 kg à guidage laser d’une portée de 8 km emportant une charge anti-blindage ou thermobarique. Plus d’une centaine de ces drones sont en service dans les forces armées turques, alors que les constructeurs Bayraktar et TAI ont développé deux nouveaux drones armés lourds, l’aminci et le Aksungur, qui sont tous deux bimoteurs.
En outre, Moscou affirme qu’il n’y aurait que 4 Pantsir S1 autour d’Idleb, et qu’il est donc impossible que les drones turcs aient pu en détruire 8. Comme toujours, il sera difficile de démêler le vrai du faux, les deux camps étant largement coutumiers des fausses informations et des exagérations.
Alors que l’US navy ne parvient pas à concevoir un modèle satisfaisant pour conserver la suprématie navale vis-à-vis de la Chine à long terme, elle a lancé, selon le site breakingDefense.com, une étude intitulée Future Carrier 2030 Task Force qui se veut déterminante sur l’avenir des porte-avions dans son inventaire, ainsi que de la Task Force construite autour d’eux. Les résultats attendus pourraient amener l’US Navy à limiter le nombre de super porte-avions de la classe Ford actuellement en construction à seulement 4 unités. Cette étude, qui comme son nom l’indique portera sur l’état de la menace et des capacités défensives et offensives de porte-avions en 2030, devra non seulement déterminer le niveau de vulnérabilité des groupes de porte-avions aujourd’hui, mais en déduire les doctrines d’utilisation ainsi que le format de l’US Navy comme des porte-avions eux-mêmes, afin de guider l’effort industriel et doctrinal pour les années à venir.
A l’instar de Mark Esper, le secrétaire à La Défense américain, et du Congrès américain, nombreux sont ceux aujourd’hui qui s’interrogent, à Washington, sur la survivabilité des porte-avions face aux nouvelles armes dont disposent, et disposeront, les marines russes et chinoises, dans un avenir proche. Deux menaces sont particulièrement pointés dans ce domaine, à savoir les missiles hypersoniques ou balistiques anti-navires, comme le Tzirkon russe et le DF26 chinois, et les progrès en matière de sous-marins d’attaque des deux marines. Mais les interrogations ne portent pas uniquement sur le porte-avions lui-même, mais sur son groupe aérien embarqué, lui aussi vulnérable aux nouveaux dispositifs de déni d’accès multicouches sino-russes, ainsi que sur contraintes et les réponses potentielles à ces contraintes que représentent tout ses systèmes vis-à-vis de la doctrine d’emploi des porte-avions actuelle.
Le porte-avions a été le symbole de la suprématie occidentale et américaine sur les mers pendant plus de 75 ans
La problématique peut se résumer ainsi :
Les porte-avions et leurs escortes sont aujourd’hui dans l’incapacité de se protéger efficacement contre les missiles hypersoniques anti-navires (comme le 9M22 Tzirkon russe) à venir, et ne disposent que d’une capacité de protection limitée vis-à-vis des missiles balistiques anti-navires (comme le DF21D ou le DF26 chinois)
L’utilisation conjointe des sous-marins modernes, de drones et des satellites permet à l’adversaire de localiser avec une certaine facilité le groupe aéronaval autour d’un super-porte-avions, et donc de diriger ses missiles.
Cette menace est accentuée par l’utilisation de missiles hypersoniques à changement de milieux à partir de sous-marins d’attaque adverses, disponibles en grand nombre et sont les performances ne cessent de croître.
De fait, il est probable que les porte-avions, dans l’avenir, soient contraint d’opérer à de bien plus grandes distances des côtes adverses s’ils devaient mener des missions d’attaque traditionnelles, comme ce fut le cas par exemple en Irak à partir des eaux du Golfe Persique et de l’Océan Indien pendant les deux guerres contre l’Irak, ou encore contre la Libye et la Serbie à partir des eaux méditerranéennes, et bien évidemment contre le Nord-Vietnam à partir du Golfe du Tonkin. Désormais, les porte-avions pourraient être amenés à évoluer à plus de 1000, voir 2000 km des cotes adverses afin de se préserver d’une attaque côtière ou aérienne employant ces missiles à longue portée. Or, aujourd’hui, aucun appareil de combat embarqué, ni le F/A 18 E/F Super Hornet, ni le F35C Lighting II, n’a une autonomie de combat supérieure à 1000 km, nécessitant de fait des avions, ou des drones ravitailleurs pour les accompagner, drones qui pourraient par ailleurs s’avérer très vulnérables face à La Défense aérienne et la chasse adverse. En d’autres termes, non seulement le porte-avions pourrait s’avérer sensiblement plus vulnérable, mais les avions qu’il met en oeuvre pourraient, quand à eux, s’avérer inadaptés aux missions dans le contexte opérationnel à venir.
Pas plus que le Super Hornet, le F35C n’a l’allonge suffisante pour répondre aux besoins à venir de la chasse embarquée américaine
Est-ce alors la fin programmée des porte-avions ? Probablement pas ! Et c’est d’ailleurs le rôle du Future Carrier 2030 Task Force que de déterminer quels seront les usages à venir de ces navires, et comment en faire un outil de supériorité naval. L’un de ces usage évident serait de confier aux porte-avions les missions de contrôle des espaces maritimes, ce qui, d’ailleurs, était leur principale mission durant la seconde guerre mondiale. Le porte-avions assureraient le rôle de base aéronavale flottante pour interdir ou protéger l’espace maritime dans une zone, telle qu’était la mission des Task forces américaines en Atlantique durant la Guerre Froide. A noter que les marines russes, et surtout chinoises, semblent pour l’heure spécialiser leurs groupes aéronavals dans ces missions, raison pour laquelle ils mettent en oeuvre des aéronefs spécialisés dans La Défense aérienne, la lutte anti-sous-marine et anti-navires.
Il pourrait également apparaitre que le format de super-porte-avions, comme les navires de la classe Ford et Nimitz, ne soit plus à-même de répondre aux enjeux actuels, et que des porte-avions plus légers, mais également plus nombreux car moins chers à la construction et à l’emploi, pourraient constituer une réponse pertinente à la problématique du super capital ship, dont la perte engendrerait un traumatisme profond aussi bien pour l’US Navy que l’opinion publique américaine. Il est probable que l’analyse pointera les limites du groupe aérien embarqué américain actuel, notamment pour ce qui concerne La Défense aérienne, ne disposant plus d’un intercepteur lourd à long rayon d’action, comme pouvait l’être en son temps le F14 Tomcat, pas plus qu’il ne dispose d’appareils de lutte anti-sous-marines comme le S3 Viking, qui pourtant joua un rôle déterminant dans l’Atlantique Nord face aux sous-marins russes pendant la guerre froide.
Le F14 Tomcat constituait la réponse de l’US Navy à la menace des bombardiers soviétiques à long rayon d’action équipés de missiles antinavires à longue portée
Enfin, il est plus que probable que cette étude portera un regard critique sur les capacités d’escortes, notamment en matière de lutte anti-sous-marine, du groupe aéronaval américain, depuis le retrait des escorteurs comme les frégates O.H Perry et Knox avant elles, et qui constituaient un rideau défensif anti-sous-marin dense autour du porte-avions, là ou aujourd’hui, les destroyers A.Burke et les croiseurs Ticonderoga sont avant tout spécialisés dans La Défense anti-aérienne et les frappes vers la terre. Elle devra, à ce titre, prendre en considération les évolutions des systèmes de défense, comme, par exemple, les armes laser, les rail gun et les programmes de missiles destinés à contrer les armes hypersoniques ou semibalistiques en cours de developpement.
Une chose est certaine, cette analyse prospective sera déterminante pour l’avenir des porte-avions dans l’US Navy, mais également pour l’ensemble des marines occidentales, dont la Marine nationale française qui a débuté l’étude préalable pour le remplacement de son unique porte-avions à propulsion nucléaire, le Charles de Gaulle. Elle pourra également influencer le programme SCAF rassemblant la France, l’Allemagne et l’Espagne, en charge de concevoir le futur avion de combat et son système de combat aérien global qui équipera les forces aériennes des 3 pays, ainsi que le groupe aérien embarqué de la Marine nationale.
L’étude Future carrier 2030 influencera probablement le programme SCAF européen, qui doit entre autre, remplacer les Rafale M du groupe aérien embarqué à bord du ou des porte-avions français
Mais force est de constat q’elle montre, surtout, à quel point les technologies développées par la Russie et la Chine ces dernières années en matière de systèmes de défense, conditionnent désormais la réflexion et même le format des forces armées occidentales, y compris américaines, confirmant, s’il en était besoin, que l’initiative stratégique a belle et bien changé de camps aujourd’hui.
Parfois, les études offrent des résultats qui surprennent leurs commanditaires. C’est ainsi qu’une étude menée conjointement par le Think tank américain Pew Research Center de Washington D.C, et le Think tank allemand Koerber Stiftung de Hambourg, portant sur l’analyse d’un sondage mené auprés de 1000 américains et 1000 allemands de plus de 18 ans, a montré le fossé qui existe entre les conceptions américaines et allemandes des problématiques de défense et de politique internationale. Mis en perspective avec l’étude faite à l’occasion du forum de Munich sur La Défense de 2019, il apparaitrait même que les allemands, contrairement à leurs dirigeants, auraient majoritairement des positions bien plus proches de celles des français en bien des points, que des américains.
La première statistique, ô combien significative, présentée par l’étude conjointe germano-américaine, résume à elle seule l’étendue du fossé qui sépare l’opinion publique allemande et américaine. En effet, si 75 % des américains estiment que les relations entre les deux pays sont bonnes, 64% des allemands estiment, pour leurs parts, qu’elles sont mauvaises, et seuls 34% des allemands les qualifieraient de bonnes, là ou 17% des américains les qualifieraient de mauvaises. En outre, si 85% des américains interrogés estiment les bases militaires américaines en Allemagne importantes ou très importantes, 30% des allemands les considèrent peu importantes, et 15% pas importantes du tout, et seuls 15% des allemands les considèrent très importantes comme 56% des américains.
La présence de bases américaines sur le sol allemand est jugé très importante par seulement 15% des allemands interrogés, contre 56% des américains
Le second point majeur de discorde entre les deux opinions publiques concerne les relations avec la Russie. Ainsi, 38% des allemands de l’ex RDA considèrent qu’il faut donner la priorité à des relations avec la Russie face aux Etats-Unis, là ou ils ne sont que 23% à dire le contraire, et 36% à souhaiter des relations équilibrées vis-à-vis des deux partenaires. En ex-RFA, la situation est plus en faveur des américains, avec 43% en faveur des Etats-Unis, 21% en faveur de la Russie, et 29% en faveur d’une position d’équilibre. Et si la Russie venait à attaquer un pays allié membre de l’OTAN en cas d’attaque russe, 60% des allemands ne souhaiteraient pas l’intervention de leur pays, contre seulement 34% en faveur d’une implication allemande, là ou les américains sont à 60% favorables à une intervention américaine, et seulement 29% contre.
Mais c’est à la question « Quels sont les 2 principaux partenaires du pays en matière de politique internationale ? » que le fossé semble le plus se creuser. En effet, la France est citée par 60% des allemands, alors qu’ils ne sont que 42% à citer les Etats-Unis. Chose interessante, la Chine (15%) et la Russie (12%) se classent devant le Royaume-Uni (7%), l’Autriche (3%) ou l’Italie (3%). En revanche, seuls 13% des américains ont cité l’Allemagne, alors qu’ils ont été 36% à citer la Grande-Bretagne, 23% à citer la Chine, 20% à citer le Canada et 15% à citer Israel. Au même titre, si 50% des allemands souhaiteraient voir la coopération internationale avec les Etats-Unis s’accroitre, ils sont 35% à souhaiter qu’elle diminue, alors que dans le même, ils sont 77% pour un rapprochement avec la France, contre 7% pour un éloignement.
60% des allemands citent la France comme principal partenaire de l’Allemagne en matière de politique internationale
Cette étude, qui recoupe en bien des points celle publiée en novembre 2019 par le Munich Security Report, montre qu’il existe une réelle préférence de la part de l’opinion publique allemande pour un accroissement des relations et de la coopération en matière de politique internationale et de Défense avec la France, vis-à-vis des Etats-Unis. Certes, il existe dans cette étude un contexte conjoncturel lié à la personne du président américain Donald Trump, dont la personnalité et les positions populistes passent mal vers une majorité de l’opinion publique allemande. Mais au delà de cela, on constate que sur plusieurs points, et notamment sur l’OTAN et sur la Russie, les positions des opinions publiques françaises et allemandes sont étonnamment proches, bien plus proches, en tout cas, que ne laissent le supposer les difficiles relations entre Emmanuel Macron et son homologue Angela Merkel, ou dans la défiance perceptible du Bundestag vis-à-vis des programmes de coopération franco-allemands.
Habitués au French-bashing anglo-saxon, les autorités françaises passent donc, probablement, à coté d’un allié de premier plan dans l’objectif d’aller vers une europe de La Défense plus indépendante, notamment vis-à-vis des Etats-Unis, à savoir l’opinion publique allemande. Il apparait d’ailleurs que les allemands les plus en faveur d’une relation forte transatlantique sont les électeurs de la CDU (57%), tout comme le sont les électeurs de plus de 60 ans (60%), là ou les moins de 30 ans considèrent à prés de 60% que ce lien doit être diminué. Reste que si cette analyse ouvre des opportunités en France pour orienter son action de communication vers la jeunesse allemande afin de renforcer l’axe entre Paris et Berlin et construire une Europe de La Défense forte, elle devrait également amener les politiques allemands à une plus grande introspection sur les attentes réelles de l’opinion publique dans ces dossiers, que ce soit vis-à-vis de Washington, de Paris ou de Moscou.