vendredi, décembre 5, 2025
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Peut-on créer un fonds d’investissement privé pour garantir la souveraineté technologique nationale ?

Un article publié par Anne Drif sur le site lesechos.fr publié ce jour fait état de l’entrée en négociation exclusive entre la société d’investissement Ardian et le groupe américain Teledyne au sujet du groupe français Photonis, un des plus importants groupes spécialisés dans la conception et la fabrication de tubes intensificateurs de lumière pour les équipements de vision nocturne civils comme militaires. Ces négociations interviennent à la suite de longs atermoiements politiques et industriels sur les questions de souveraineté industrielle, pour au final suivre le même destin que d’autres PME technologiques passées sous contrôle extérieur, comme le groupe HGH spécialisé dans les optiques infrarouges passée sous le contrôle du fond d’investissement américain Carlyle, ou encore le spécialiste des connecteurs électriques Souriau passé sous le contrôle du groupe Eaton. Malgré la mise en oeuvre du fond Denfinvest, il semble que rien n’empêche, désormais, la prise de contrôle des PME ultra-technologiques françaises par des intérêts internationaux.

Les limites des solutions existantes

Il faut admettre qu’avec la meilleure volonté du monde, les 50 millions d’euro du fond Definvest, par ailleurs destinés à « soutenir 20 à 30 entreprises innovantes » notamment pour accompagner les Startup dans leur transition industrielle, ne permet guère de se positionner sur des dossiers comme ceux-ci, lorsqu’il est question de sociétés de plus de 1.000 salariés réalisant un Chiffre d’Affaire de prés de 150 millions d’euro, et donc valorisées bien au delà des moyens accordés au fond Definvest, ainsi que de son mandat.

rheinmetall 800x445 1 Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Il n’existe pas en France de groupe industriel à activité étendue comme peut l’être, par exemple, le groupe allemand Rheinmetall, présent aussi bien dans l’industrie automobile que la défense

Or, dans le même temps, les grands groupes industriels français, comme Thales, Dassault Aviation, Nexter ou encore Naval Group, n’ont pas pour stratégie de devenir des groupes transverses, comme peuvent l’être Leonardo en Italie, Rheinmetall en Allemagne, ou encore BAe au Royaume-Unis. De fait, il n’y a pas de stratégie nationale effective visant à rassembler les entreprises nationales super-technologiques, par ailleurs pièces essentielles de la Base Industrielle Technologique Défense ou BITD française, de sorte à préserver ces savoir-faire et ces compétences sur le sol national.

Une fonds d’investissement privé « souverain »

Si la solution ne peut venir des instances gouvernementales, dont les moyens et la latitude d’action sont contraints par les règlements internationaux et le respect des engagements européens, ni des groupes industriels de la BITD, la seule solution pour y parvenir reposerait en la création d’un fonds d’investissement privé à vocation de souveraineté. Ce fond aurait pour mandat de financer et faire fructifier les entreprises de ce segment intermédiaire de la BITD, avant de leur permettre d’atteindre une stature économique justifiant une introduction en bourse efficace, ou un rachat par un des grands groupes industriels nationaux.

OMKockums Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
La vente des chantiers navals suédois Kockums à l’Allemand TKMS faillit signer la disparition de celui-ci

Traditionnellement, les banques, comme les fonds d’investissement européens, évitent d’investir dans les entreprises liées à La Défense, tant par crainte d’une mauvaise publicité publique que de possibles actions en justice les impliquants liées à un utilisation non-conforme des équipements de défense par les clients de ces entreprises. Et il est vrais que pour une partie de l’opinion publique, l’hypothèse de voir utiliser leur épargne pour financer des entreprises liées à La Défense n’est pas acceptable. Mais il ne s’agit que d’une partie, certes visible, mais non globale, de l’opinion publique. Au contraire, il existe une partie non négligeable de cette même opinion publique sensible aux questions de souveraineté, et qui serait prête à placer tout ou partie de leur épargne financière pour soutenir cette souveraineté.

Le recours à l’épargne des français

A ce titre, l’exemple du financement de Meta-Défense est plutôt parlant, puisque nous avons été capable de trouver, sur la base des abonnés au réseau Linkedin au fil d’actualité qui n’existait que depuis quelques mois, de financer la croissance de l’entreprise en cédant 10% des parts sociales à une trentaine d’abonnés sociaux, au cours d’une campagne de seulement 2 semaines, et concernant un produit lui aussi limité, loin d’avoir l’aura d’un Photonis ou d’un HGH.

Arquus factory Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Lorsque Volvo proposa de céder Arquus (Ex Renault Truck Defense) en amont des annonces concernant le programme SCORPION, aucun groupe français ou étranger ne parvint à négocier un tarif mutuellement acceptable pour la transaction

Or, chaque année, les français épargnent, ou replacent, prés de 70 Md€ sur des produits d’épargne financière, qu’ils s’agissent des livrets d’Etat comme le Livret A, de contrats d’assurance-vie, ou de divers offres de placement financiers proposés par les banques et assurances françaises. De fait, un produit d’épargne correctement conçu, accompagné d’une campagne de communication performante, permettrait de capter une partie de cette épargne mobile annuelle, afin de financer les opérations d’acquisition et de valorisation des entreprises de Défense nationales, mais également de proposer des produits de financement pour ces mêmes entreprises, qui, nous le savons, peinent à trouver le soutien bancaire pour financer leur propre croissance, ainsi que leurs opérations commerciales.

Conclusion

Certes, ce produit d’épargne sera boudé par une partie de l’opinion publique, mais même si seulement 10% des épargnants n’y plaçaient que 10% de leur épargne, les 700 m€ annuels en fonds seraient suffisants pour permettre l’acquisition des PME technologiques mises sur le marché, ainsi que pour l’accompagnement financier des PME Défense. En outre, rien n’empêcherait l’Etat d’y placer des fonds excédentaires, comme c’est aujourd’hui le cas du Livret A dont les montants épargnés dépassent les montants utilisables pour financer la dette de l’Etat.

Notons enfin qu’un tel fonds d’investissement, associé à un produit d’épargne destiné au public, participerait à renforcer la cohésion nationale autour des thèmes de Défense, des Armées, et de l’Industrie de Défense elle-même. Un point loin d’être négligeable alors que les tensions internationales ne cessent de croitre, et que le recours aux forces armées, donc à un effort accrue de l’Etat dans ce domaine, devient de plus en plus fréquent.

La Marine Nationale va moderniser ses canons Narwhal de 20mm, ce qui interroge sur l’évolution de ses capacités de défense rapprochée

D’après Naval News, la DGA aurait notifié le 16 janvier dernier un contrat de modernisation pour les canons téléopérés de 20mm de la Marine Nationale, les Narwhal 20B de Nexter. L’opération de modernisation sera effectuée par Nexter et Naval Group et se déroulera en deux étapes, les détails techniques de l’opération étant disponibles dans l’analyse réalisée par Nathan Gain pour Naval News.

Dans les grandes lignes, les étapes V1 et V2 de cette modernisation, qui s’étaleront jusqu’en 2022, viseront surtout à améliorer les capacités de tir de semonce, dont la précision et la portée laissent aujourd’hui à désirer face à des cibles non-militaires (menaces terroristes, pirates, trafiquants, etc.). Cette annonce, toutefois, nous interroge sur les choix réalisés dernièrement –et ceux à venir– par la Marine Nationale en matière de défense rapprochée de ses navires.

NarwhalCommande Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
La modernisation des Narwhal devrait à terme concerner les consoles de contrôle à distance.

Début février, le site Mer&Marine avait ainsi dévoilé qu’une commande de canon de 40mm RAPIDFire Naval était imminente pour les futurs bâtiments ravitailleurs ainsi que pour d’autres unités de la Marine Nationale, ce qui avait permis d’échafauder l’hypothèse que le RAPIDFire Naval de Nexter et Thales pourrait remplacer une partie des Narwhal en service, d’autant plus que ces derniers n’offraient pas pleine satisfaction aux marins. Or, d’après les informations de Naval News, il semblerait qu’à cette date la décision ait déjà été prise de rénover l’ensemble des Narwhal 20B existants, y compris sur les porte-hélicoptères Mistral qui pourraient pourtant bénéficier au mieux d’une capacité de tir mer-mer et mer-air de 40mm.

A priori, il ne serait pas non plus question de convertir une partie des commandes de nouveaux Narwhal 20B destinés aux six POM (patrouilleurs outre-mer) en RAPIDFire. De fait, les seules unités qui pourraient bénéficier du RAPIDFire seront les futurs ravitailleurs BRF et, éventuellement, les futurs bâtiments de guerre des mines. Etant donné que le Narwhal va équiper les POM et les PAG (patrouilleurs Antilles-Guyane), il serait également logique de voir le canon de 20mm intégrer les dix Patrouilleurs Océaniques restant à commander.

Que pourrait donc signifier la conduite en parallèle de la modernisation des Narwhal de 20mm et l’acquisition des RAPIDFire de 40mm ? En termes logistiques, cela impliquera que la Marine Nationale devra gérer trois filières d’artillerie (si on ne compte pas les derniers canons de 100mm encore en service) : le 76mm pour l’armement principal des frégates de premier rang, le 40mm pour l’armement principal de certaines unités de second rang, et enfin le 20mm pour la défense à courte portée des unités de premier rang et l’armement principal des patrouilleurs. Si les trois calibres peuvent être complémentaires sur le papier, l’introduction du 40mm devrait tout de même alourdir la chaîne logistique.

RapidFire Naval thales nexter Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le RAPIDFire a le potentiel pour devenir un CIWS complet « Made in France ». Il lui faudra pour cela un volume de commandes important et un investissement substantiel pour développer ses capacités antimissiles. Faute de quoi, il risque de n’être sur le plan opérationnel qu’un Narwhal plus gros à plus longue portée…

Sur le plan opérationnel, le RAPIDFire s’avère théoriquement capable de reprendre à son compte l’ensemble des missions du Narwhal, tout en disposant de capacités anti-aériennes et anti-missiles hors de portée d’un canon de 20mm. Sur les frégates de premier rang, le Narwhal reste donc pertinent pour lutter contre les menaces asymétriques, le 76mm et les missiles Aster gérant les principales menaces aériennes et de surface. Sur des unités de second rang cependant, le 40mm se présente comme une solution d’artillerie intermédiaire unique et très polyvalente, et on pourrait alors regretter que ses capacités accrues ne viennent pas renforcer le potentiel opérationnel et les mesures d’autodéfense des Patrouilleurs Outre-Mer et des Porte-Hélicoptères Amphibies, alors que les BFR en seront équipés.

Au final, c’est sans doute sur le plan économique et industriel que la question de la complémentarité entre Narwhal et RAPIDFire trouvera ses réponses. Dans les analyses faites en février, l’intégration du RAPIDFire sur un plus grand nombre d’unités de surface était vu comme un moyen de réduire le coût unitaire de ce système, dont le développement reste encore à financer. La Marine Nationale a cependant pu voir les choses différemment : qu’elle finance ou non les coûts de développement du RAPIDFire Naval, ses affûts Narwhal 20B sont bel et bien là et ont déjà été payés. L’achat d’un nombre limité de RAPIDFire, même à un coût unitaire plus élevé, restera toujours moins cher que la mise au rebus et le remplacement de Narwhal disposant encore d’un certain potentiel. Ce faisant, la Marine Nationale soutient toujours la création d’une filière CIWS (système de défense rapproché) française sans pour autant exploser son budget.

OMNARWHAL patrouilleur Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Sur des unités légères, le Narwhal est aujourd’hui une pièce d’artillerie principale, complété par des mitrailleuse de 12,7mm. Malheureusement, il manque de portée, de puissance d’arrêt et de capacité anti-aérienne

Il se pourrait également que le choix de limiter le déploiement du RAPIDFire à certaines unités uniquement ait à voir avec le sempiternel débat entre défense rapprochée par artillerie ou défense terminale par missiles courte portée. De fait, les emplacements réservés à des systèmes de défense à courte portée ne sont pas extensibles à l’infinie, quel que soit le navire, mais une protection efficace demande généralement l’intégration d’au moins deux systèmes : un de chaque côté du navire, ou un à l’avant et un à l’arrière. Si le coût et l’encombrement assez réduits de deux Narwhal permettent d’envisager l’installation simultanée d’un système de lancement pour missiles antiaériens à courte portée Mistral (par exemple le lanceur SIMBAD-RC), il est à prévoir que l’installation de deux postes RAPIDFire conduise à supprimer la capacité Mistral sur des unités légères. Or, un tel choix serait particulièrement difficile à faire dès lors que le développement de la munition anti-aérienne du RAPIDFire a pris du retard et que ses capacités anti-missiles seraient a priori extrêmement limitées.

De fait, le mix en matière d’autodéfense devrait donc dépendre de l’utilisation de chaque navire et de l’implantation de ses systèmes d’armement:

  • 2 x RAPIDFire + 2 x SIMBAD-RC pour l’autodéfense des unités lourdes de type BRF. Une telle configuration serait aussi idéale pour les PHA, même si cela ne semble plus envisagé aujourd’hui.
  • Un RAPIDFire comme artillerie principale pour les futurs chasseurs de mines, qui pourrait être couplé à un SIMBAD-RC et/ou un Narwhal pour la protection du secteur arrière.
  • Un RAPIDFire ou un Narwhal utilisé comme pièce d’artillerie principale sur les futurs Patrouilleurs Océaniques, selon les crédits disponibles pour leur armement.

Sur les unités légères, la lutte contre les menaces asymétriques en secteur arrière semble pouvoir être accomplie par de simples mitrailleuses manuelles, de sorte qu’il y a très peu de chance que l’on puisse voir à la fois un RAPIDFire, un Narwhal et un SIMBAD-RC sur une unique unité de second rang.

Quels que soient les choix futurs de la Marine Nationale, ils auront de toute manière du mal à compenser les défauts du calibre 20mm, alors même que la généralisation de ce dernier rend son remplacement assez compliqué. Le choix d’un système télé-opéré pour remplacer les affuts de 20mm manuels dans la protection contre les menaces asymétrique était logique, mais conduit aujourd’hui à un fossé capacitaire entre le Narwhal et le 76mm que le SIMBAD-RC et le RAPIDFire ne pourraient combler qu’à grands frais, et en sacrifiant du volume disponible sur les navires.

Le systeme de defense anti aerienne SIMBAD RC equipe de missiles Mistral Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le SIMBAD-RC offre une capacité complémentaire intéressante pour un système d’artillerie légère. Les emplacements disponibles et le prix des affuts ne permettra cependant pas de coupler SIMBAD-RC, Narwhal et RAPIDFire sur la même plateforme.

Rétrospectivement, même si cela aurait demandé de gros efforts d’intégration sur le moment, il aurait pu être plus judicieux d’opter au début des années 2010 pour un calibre supérieur (30mm, 35mm ou 40mm) capable d’assurer à la fois la protection contre les menaces non militaires et un début de capacité anti-missile crédible. D’après nos confrères de Naval News, Naval Group et Nexter travailleraient dès cette année sur une solution de remplacement à long terme pour Narwhal. Pour des raisons de coûts et de logistique, le calibre 20mm sera sans doute envisagé en premier lieu.Car si l’option d’un calibre plus important était choisie, on risquerait alors de se retrouver avec deux solutions CIWS concurrentes menées par Naval Group/ Nexter et Thales/Nexter… De quoi brouiller encore un peu plus la vision de la défense rapprochée de la Marine Nationale.

Les drones vont-ils prochainement remplacer les avions de combat ?

La semaine, le charismatique président des sociétés Tesla et SpaceX, Elon Musk, a stupéfié l’assistance de pilotes de chasse de l’Air Force Association lorsqu’il déclara que le remplacement des pilotes et des avions de chasse traditionnels par des drones était inéluctable dans un délais relativement court. Selon lui, la masse d’information à traiter par un pilote dans des délais de plus en plus courts, associée aux contraintes physiologiques du corps humain, rendent obsolète le concept d’avion de combat piloté, et pointe vers une seule et unique solution, leur disparition au profit de systèmes non pilotés, les drones de combat.

Et la présentation du concept « Defender » faite le 27 février par le leader occidental des drones de combat, General Atomics, qui a conçu et fabriqué les drones Predator et Reaper notamment, semble en effet pointer vers une telle solution. Dérivé du drone « Avenger », concurrent malheureux du modèle de Boeing retenu pour le contrat de drones de ravitaillement embarqué MQ-25 Stingray de l’US Navy, le Defender se présente comme un drone de combat spécialisé dans les missions d’interdiction aérienne et de protection des avions de soutien, comme les appareils de ravitaillement en vol ou d’alerte aérienne avancée, plus connus sous le nom AWACS. La DARPA, pour sa part, développe le programme Longshoot, un appareil lui aussi équipé de missiles air-air et même d’un canon, avec toutefois des objectifs différents du concept Defender, puisqu’il s’agit davantage d’une arme offensive aérotransportée destinée à opérer dans les environnements fortement défendus afin de , justement, éliminer ces défenses pour permettre aux appareils pilotés d’assurer leurs missions.

ELon MUSK USAF Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Les positions exprimées par Elon Musk lors de son intervention à l’Air Force Association sont interessantes, mais largement contestables

Mais la vision d’Elon Musk est loin d’être partagée par la majorité des premiers concernés, à savoir les pilotes et les armées de l’air qui les emploient. Non pas qu’ils nient l’intérêt du drone de combat, puisqu’aussi bien les Etats-Unis avec le programme Skyborg et Loyal Wingman, les Européens avec le concept de Remote Carrier attaché au programme SCAF et son équivalent du programme Tempest, et les russes avec le S70 Okhotnik, considèrent que l’avenir est dans la coopération entre appareils pilotés et drones de combat, chacun apportant la plus grande plus-value dans son domaine.

En effet, malgré toutes les capacités et les performances d’une Intelligence artificielle, ses capacités sont toutefois limitées, notamment, et c’est paradoxale, en matière d’évolutivité. Car, et comme le montre la doctrine relative à l’Intelligence Artificielle publiée par le Pentagone il y a quelques jours, une des principales caractéristiques des intelligences artificielles à vocation militaire est de rester dans un cadre parfaitement défini, de sorte à pouvoir en garder le contrôle et assurer la traçabilité des chaines de responsabilité, les I.A devant donc avoir un comportement encadré et prédictible. En d’autres termes, il est hors de question de laisser à une IA militaire des capacités à improviser. Et il faut admettre que la littérature de Science-fiction et les univers Cyberpunk ont clairement montré les risques liés à une IA hors de contrôle… En outre, s’en remettre uniquement à des intelligences artificielles ou des appareils contrôlés par des liaisons satellites reviendrait à faire preuve d’un manque flagrant d’imagination pour utiliser au mieux les ressources disponibles, et à s’adapter aux différents scénarios possibles et évolutifs dans le temps.

Le drone Skybord de Boeing dans le programme loyal wingman Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le Valkyrie de Kratos est actuellement testé par l’US Air Force pour constituer un premier échelon opérationnel dans son approche de drones Loyal Wingman

En réalité, le raisonnement tenu par Elon Musk, est assez commun lorsqu’apparaît des technologies qui ouvrent de nouvelles voies majeures pour la conduite des opérations militaires. Ce fut le cas, par exemple, dans les années 50, lorsqu’avec l’arrivée des bombardiers supersoniques, des armes nucléaires et des missiles guidés, beaucoup prédirent la fin des avions de chasse et des engagements conventionnels, jugés alors obsolètes. Un raisonnement qui fut également à la fin des années 30 avec l’arrivée des bombardiers multi-moteurs lourds comme le B17 ou le Wellington, que beaucoup jugeaient alors impossibles à arrêter.

Or, pas plus que l’arrivée de l’arme nucléaire n’a signé la fin des chars, des navires de combat et des fusils d’assaut, ou que l’arrivée des armes à feu signa la disparition des armes blanches, l’arrivée massive de la robotique et de l’intelligence artificielle ne signera pas la fin des blindés, avions de combat et navires de combat emportants leurs équipages au plus prêt des combats. Et ceux qui feraient un tel choix de « remplacement de l’un pour l’autre », risquent fort de se retrouver dans une situation comparable à celle des Etats-Unis à l’entame de la Guerre de Corée, avec une arme nucléaire inutilisable, et des armes conventionnelles héritées de la seconde guerre mondiale, là ou la Chine alignait des chars plus modernes et le fameux Mig 15 soviétique.

Mig 15 PLA Air Force Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Lorsque la Chine intervint en Corée du Nord en 1951, ses chasseurs à réaction Mig 15 firent des ravages dans les forces aériennes alliées qui ne disposaient pas d’appareils équivalent jusqu’à l’entrée en service du F86 Sabre.

Car si la technologie est consubstantielle d’une puissance militaire performante et capable d’assurer ses missions de défense, le « Technologisme », au sens de la soumission de la décision aux seuls critères technologiques, mettant de coté d’autres aspects comme la rusticité, l’adaptabilité ou la combativité, s’est toujours soldé par de sérieuses déconvenues.

Les armées françaises se préparent à tester leurs premières armes laser de la PME orléanaise CILAS

Dans la bataille actuellement en cours à Idlib, en Syrie, les forces turques semblent imposer un tempo opérationnel inédit et une supériorité opérationnelle implacable en grande partie liée à l’utilisation intensive de drones de tous types et de tous formats. Vecteurs d’attaque directe, détecteurs de cibles ou désignateurs au profit de l’artillerie, les drones aériens (UAV) sont désormais au cœur des doctrines de combat terrestre et aéroterrestre.

Si la France l’a bien compris, en prévoyant d’intégrer de plus en plus de drones au système de combat SCORPION, elle a également su prendre la mesure de la menace représentée par de tels systèmes mis en œuvres par des armées régulières ou des groupes armés ennemis. En déplacement le 31 janvier dernier au siège de la PME CILAS, spécialiste français des lasers, la Ministre des Armées Florence Parly a rappelé l’importance stratégique des lasers militaires tant pour la désignation de cibles qu’en tant qu’armes défensives et offensives.

megajoule laser Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
CILAS est connu pour ses lasers de désignation, mais aussi pour sa participation au programme Laser Megajoule indispensable à la dissuasion nucléaire française. Son expertise sur des lasers de toutes puissance en fait un acteur très sérieux tant pour les lasers terrestres tactiques que pour les futurs lasers spatiaux des forces françaises (Photo by ERIC FEFERBERG / POOL / AFP)

Alors que CILAS joue un rôle essentiel au sein de programme de démonstrateur antimissile européen TALOS, l’entreprise orléanaise filiale d’ArianeGroup présentait également avec le soutien de l’AID (Agence de l’Innovation de Défense) le HELMA-P. Ce système destiné à la protection anti-drones des unités terrestres devrait être testé à Biscarosse en octobre prochain et pourrait être suivi d’une acquisition rapide de premiers prototypes, d’après les propos de Florence Parly.

Sur le plan technique, le HELMA-P se présente sous la forme d’un trépied indépendant ou d’une tourelle intégrée à un véhicule Griffon ou Serval (voir notre dossier SCORPION). Le système offre la possibilité de détecter et d’identifier une cible de petite dimension et son laser permet d’aveugler, endommager ou détruire n’importe quel micro-drone dans un rayon d’un kilomètre. Le principal avantage du laser repose sur l’absence de munitions et sur la modulation de la puissance : le coût de chaque tir est réduit à celui –minime– de la seule consommation électrique, et il est possible d’adapter la puissance en fonction de l’effet militaire que l’on souhaite produire. Comme le rappellent nos confrères de Forces Opérations Blog, CILAS propose même que les véhicules équipés de HELMA-P puissent être intégrés au système de combat intégré SCORPION afin de fournir une couverture anti-drone réactive et permanente au profit des forces au contact.

CILAS HELMA P Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Vue d’artiste du système HELMA-P détruisant un micro-drone. Son déploiement pourrait se faire depuis une tourelle standard, en lieu et place de la mitrailleuse de 12,7mm des blindés Griffon ou Serval

Etant donné l’évolution rapide des technologies de micro-drones et le manque actuel de moyens efficaces pour les contrer automatiquement, on peut raisonnablement penser que la France se portera acquéreur de quelques systèmes HELMA-P opérationnels, dans un premier temps en version trépied, pour peu que les essais de Biscarosse soient concluants. En soit, HELMA-P semble effectivement apporter une réponse plus souple, modulaire et réactive que les nombreux systèmes déjà testés par les forces armées et de police françaises (brouilleurs, canons à impulsion, armes de petit calibre, etc.).

On peut néanmoins regretter le faible champ d’action de ce système, qui restera limité à 1000m de portée et devrait donc être relativement inoffensif face à un mini-drone évoluant à moyenne altitude, voire face à un micro-drone commercial utilisé de manière ingénieuse. La puissance du système n’a pas été confirmée, mais il est raisonnable de penser qu’elle se situe entre 10 et 30kW de par les effets produits. De fait, HELMA-P se présente comme un système opérationnel, et non pas comme un énième démonstrateur promettant des capacités de défense impressionnantes mais restant pour le moment limité par les technologies de production de laser, de refroidissement de ces derniers et de stockage de l’énergie nécessaire aux tirs rapides.

Stryker MEHEL 2 Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le Stryker MEHEL 2.0 est doté d’un laser anti-drone de 5kW, dont la cadence de tir reste encore très faible. Elle reste cependant suffisante face à des micro-drones commerciaux déployés en petits nombres.

Il s’agirait donc d’une première capacité opérationnelle qui permettra à l’Armée de Terre de contrer efficacement la plupart des drones pouvant être mis en œuvre par des groupes armés non-étatiques, tout en acquérant une expérience opérationnelle concrète qui sera très utile lorsqu’il sera enfin possible de déployer des systèmes lasers efficaces à la fois contre les drones, les roquettes et les obus de mortiers.

Pour cela, CILAS a déjà été sélectionné en 2019 pour mener le consortium TALOS, comprenant notamment ArianGroup, MBDA, l’ONERA, Airbus Defence & Space, Leonardo ou QinetiQ. L’expertise de la PME française en matière de lasers de toutes puissances devrait conduire TALOS à démontrer, sur 3 ans, la faisabilité technique d’un laser de puissance apte à contrer des menaces aussi diverses que des roquettes, obus d’artillerie, mortiers, drones et missiles tactiques légers (de type anti-char). Si le démonstrateur tient ses promesses en 2022, un programme TALOS 2 pourrait suivre et permettre la production de systèmes de défense anti-aérienne laser européens à compter de 2027.

Laser HEL MD Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le système de laser à haute énergie HEL MD de l’US Army ambitionne d’atteindre les 250 à 300 Kw. Ce niveau de puissance, indispensable pour élargir le spectre des cibles aériennes détruites, impose néanmoins un véhicule de transport lourd, encombrant et peu mobile, incompatible avec une couverture anti-aérienne au plus près des combats.

Comme on nous le rappelait chez MBDA il y a quelques mois, un système laser présente de très sérieux avantages par rapport à un système de missiles ou d’artillerie :

  • Il n’est pas limité en munitions et chaque tir est particulièrement économique,
  • Il ne provoque ni fumée, ni flash ni bruit assourdissant pour les opérateurs,
  • Il permet de moduler l’effet militaire et donc de réduire les dommages collatéraux,
  • Il est particulièrement polyvalent, rien n’empêchant en théorie un système de type HELMA-P d’être utilisé pour aveugler un drone terrestre ou l’optique d’un véhicule conventionnel. D’ailleurs, CILAS prévoit également un usage naval pour son HELMA-P.

Malheureusement, les lasers de puissance opérationnels présentent encore l’inconvénient d’être particulièrement encombrants, ce qui explique qu’un système pouvant équiper un 4×4 tel que Serval voit son usage limité. Il reste également plus sensible aux conditions météorologiques les plus extrêmes, et il peut être contré par des systèmes de masquages et de fumigènes. Rien d’étonnant dans ce cas à ce que MBDA, spécialiste des lasers mais surtout des missiles, présente les solutions lasers comme des systèmes complémentaires et non des remplaçants des missiles de défense aérienne à courte et moyenne portée.

Satellite equipé dune arme laser Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Dans son discours, Florence Parly insiste également sur les capacités de CILAS en matière de défense laser spatiale. Dès cette année, des travaux seront donc engagés tant sur des lasers placés au sol que sur des équipements lasers embarqués à bord de satellites.

Dès lors, s’il convient de saluer l’engagement des armées françaises en matière de systèmes lasers anti-drones, il faudra veiller à ce que l’adoption d’HELMA-P ne créé pas dans l’Armée de Terre un tropisme trop prononcé pour des solutions de DCA-lasers miraculeuses qui ne ferait que retarder l’indispensable renforcement de ses capacités de défense antiaériennes. Si TALOS 2 peut sans aucun doute apporter des capacités intéressante, il ne devrait pas avoir la capacité de déploiement au contact ni la souplesse d’emploi d’un véhicule Griffon ou Serval équipé de missiles Mistral 3 et d’un canon de petit calibre à tir rapide à l’instar du M-SHORAD américain, par exemple.

Comment la Commission Européenne peut-elle agir en faveur de la défense des Européens aujourd’hui ?

Par la voix de son commissaire aux affaires industrielles, numériques, intérieures et de Défense, Thierry Breton, la nouvelle commission européenne d’Ursula Van der Leyen a défini d’importantes ambitions pour ce qui était du renforcement de la Défense européenne et des capacités industrielles continentales en la matière. Toutefois, l’échec du sommet des chefs d’Etat de l’Union du 21 février pour s’entendre sur un nouveau budget pour la période 2021-2027 montre les limites de ces ambitions, si celles-ci devaient se baser uniquement sur des canaux de coopération et de financement, comme le Fond européens de Défense, et la coopération permanente structurée ou PESCO.

Pourtant, l’Union européenne pourrait mettre en oeuvre des directives qui augmenteraient très sensiblement les capacités de financement de ses états membres pour soutenir l’effort de défense global, et donc réduire la dépendance à la protection US ne serait-ce qu’en matière de forces conventionnelles, puisque l’hypothèse d’un parapluie nucléaire français étendu semble ne séduire personne en Europe. Pour cela, il serait nécessaire de sortir de la conception budgétaire classique appliquée depuis des décennies, et faire preuve de moins de conservatisme et de plus de flexibilité, sans pour autant renier les objectifs de maitrise des déficits européens. Cette nouvelle approche, héritée de la doctrine Défense à Valorisation Positive, repose sur deux mesures complémentaires :

Sortir l’investissement technologique et industriel de défense du solde budgétaire des états

La première mesure, longtemps réclamée par la France et notamment par Michel Rocard lorsqu’il était premier ministre de François Mitterand, consisterait à sortir les dépenses en matière de recherche et développement ainsi que les dépenses d’équipements du solde budgétaire utilisé pour calculer le déficit budgétaire annuel, et donc le respect de la règle des 3% de déficits publics maximum imposée par le pacte de stabilité monétaire de la Monnaie unique.

La Marine Nationale disposera de 6 FREMM et 2 FREMM DA Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le respect des objectifs de déficit public a amené la réduction du programme FREMM de la Marine Nationale de 17 à 6+2 navires, pour un prix au final égal au prix initial de 17 frégates

Cette « exonération » pourrait s’accompagner d’une limite, afin d’éviter les excès, comme par exemple une limite équivalente à 1% du PIB au delà de laquelle les dépenses seraient à nouveau intégrées au déficit public. Pour être efficace, elle devrait également s’accompagner d’une offre de financement à taux réduit unique pour tous les Etats, ainsi que d’une assurance garantissant les acquisitions d’états mutualisées entre les Etats, de façon à permettre aux petits états à l’economie plus fragile d’accéder à des conditions de financement équivalentes à ceux des grands états.

Le principe serait alors : Les dépenses en matière d’acquisition et de developpement d’équipements de Défense d’un état seraient ignorées de la méthode de calcul du déficit public jusqu’à atteindre un plafond équivalent à 1% du PIB du pays.

Cette approche permettrait de répartir les efforts et les risques de manière uniforme entre l’ensemble des acteurs, ne partageant ni les mêmes données économiques, ni les mêmes données démographiques. Par exemple, l’Allemagne est aujourd’hui un pays affichant des excédants budgétaires, et un PIB par habitant particulièrement élevé. Pourtant, du fait de sa démographie, le pays ne peut espérer pouvoir mettre en oeuvre une force armée dont la puissance serait effectivement proportionnelle à sa propre richesse. A contrario, des pays comme les Etats Baltes, la Roumanie, la Pologne ou la Grèce, qui ont un PIB limité, sont disposés, de part leur géographie, à un effort de défense supérieur à ceux de pays plus distant des frontières orientales de l’Union, mais n’en n’ont pas les capacités budgétaires, et souvent, ont des conditions d’accès aux financements bien plus défavorables que l’Allemagne.

FDI grecque Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Du fait de ses difficultés à trouver les financements adéquates, la Grèce ne peut envisager acquérir que 2 frégates FDI alors qu’elle devrait en avoir au moins 4

En procédant ainsi, il serait possible de lisser un effort entre les pays tout en respectant les facteurs déterminants cet effort, dans une approche mutualiste non excessive, car aucun pays ne pait effectivement pour un autre. Un point essentiel pour des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Suède, dont les contributions au budget de l’Union européenne dépassent très largement les investissements de l’UE sur leur territoire.

La compensation budgétaire intra-européenne pour les équipements de défense

Mais seule, la disposition précédente serait insuffisante, et surtout ne bénéficierait pas à l’industrie européenne de défense. En effet, devant s’appliquer unilatéralement envers tous les pays pour respecter les critères de l’OMC, l’Union européenne ne pourrait pas spécifiquement lier cette exonération aux équipements d’origine européenne. De fait, la mesure pourrait créer un appel d’air pour des dépenses supplémentaires engendrant un déficit budgétaire simplement masqué par une mesure comptable.Toutefois, il est possible d’y remédier, et de concentrer les investissements en matière d’équipements de défense des pays européens vers l’industrie européenne. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un mécanisme de compensations des recettes budgétaires liées à l’exécution d’un contrat de défense entre les Etats.

Atelier Rafale 1 Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
La production du Rafale français offre un retour budgétaire supérieur à 100% aux finances publiques françaises, et donc à l’équilibre global de la zone euro

Le principe est donc simple : l’Etat ou les Etats européens sur lesquels la commande de matériels militaires serait exécutée retrocèderaient une partie des recettes budgétaires perçues du fait de l’exécution de ce contrat au client, en l’occurence les finances publiques d’un autre état européen.

Rappelons en effet que le retour budgétaire résultant de l’exécution d’un contrat industriel de défense est très élevé, et peut dépasser, en France, la barre des 100% des montants investis, selon les critères retenus. Dès lors, il serait possible de permettre aux Etats européens de mettre en place des mécanismes de compensation budgétaire encadrés, de sorte à compenser les couts plus élevés de la main d’oeuvre en Europe, et de donner des arguments déterminants pour contrer les mécanismes américains d’aides budgétaires liés bien souvent à un contrat de défense.

Cette approche aurait d’autres atouts, au delà de concentrer les dépenses d’équipements en Europe, et non hors d’Europe. En effet, si les montants sont significatifs, de l’ordre, par exemple, de 35 à 40% du prix d’acquisition des équipements, elle permettrait de limiter la multiplication artificielle des infrastructures industrielles de défense. En effet, aujourd’hui, le seule moyen dont dispose un état pour réduire l’emprunte budgétaire de son investissement en matière d’équipements de défense et d’exiger une compensation industrielle, entrainant bien souvent la mise en place d’une nouvelle structure industrielle. Or, les industriels européens doivent déjà exporter prés de 50% de leurs productions pour maintenir les structures existantes. Augmenter le nombre d’acteurs ne fait donc qu’augmenter la pression sur les exportations potentielles, diminuant la pérennité de l’ensemble de filière en Europe.

F35 netherlands Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
La valeur du F35, déjà acquis par 5 pays européens, est produite sur le sol américain à plus de 75%, et seulement à hauteur de 8% en Europe.

L’action conjuguée des deux paradigmes

Surtout, cette approche, prenant en considération le retour Budgétaire, permettrait de justifier économiquement et budgétairement l’exonération budgétaire des dépenses d’équipement préalablement citée. Car si le retour budgétaire est supérieur ou égal à 100% à l’échelle européenne, cela implique qu’à l’échelle de l’Union européenne, et des pays de la Zone euro, l’augmentation des dépenses est compensée par une augmentation des recettes au moins équivalente, neutralisant de fait l’impact budgétaire de la mesure : elle ne créeraient ni creusement des déficits, ni réduction de ce dernier, à l’échelle globale.

En d’autres termes : L’action conjuguée de la compensation budgétaire et de l’exonération budgétaire neutralise le creusement des déficits de cette dernière, tout en renforçant l’activité industrielle et les capacités militaires de l’Union.

C’est également pour cette raison que l’exonération ne peut porter que sur les dépenses d’équipements, les dépenses de fonctionnement et de personnels des armées n’ayant pas un retour budgétaire aussi élevé, étant par exemple limités à 50% des couts de personnels en France.

Conclusion

Il serait donc possible à la Commission Européenne, en employant des moyens législatifs, de créer un dispositif qui favoriserait à la fois le renforcement des capacités militaires européennes et l’industrie de défense de l’union, sans pour autant user de moyens protectionnistes, ni mettre à mal les engagements en matière de maitrise des déficits publics des Etats membres. Toutefois, pour y parvenir, il serait nécessaire de profondément modifier la perception même de l’investissement de défense, et de l’efficacité de l’industrie de défense dans le paysage économique global.

De fait, une telle démarche repose aussi bien dans les mains des politiques eux-mêmes, au sommet desquels siège la Commission Européenne, que des Industriels, qui doivent désormais agir pour modifier leur image, et l’image de l’efficacité économique de leur activité, vis-à-vis de l’opinion publique. Car aujourd’hui, en Europe, la décision politique, notamment en matière de Défense, est largement conditionnée cette opinion publique, qu’il convient dès lors d’informer et de convaincre de l’intérêt de la démarche, même en France, ou ce paradigme est très souvent rejeté ou ignoré. Pour s’en convaincre, il suffit de se demander quel rôle l’opinion publique française a joué dans les prises de position présidentielles en Egypte, au Maroc ou vis-à-vis de l’Arabie saoudite, et qui ont couté d’importants contrats, donc de l’emploi et des recettes budgétaires, au pays.

Dassault Aviation aurait terminé les essais du pod canon CC-422 destiné aux Mirage 2000D modernisés

En juillet 2016, Dassault Aviation se voyait confié un important programme de rénovation pour 55 avions d’assaut Mirage 2000D de l’Armée de l’Air. Face au vieillissement des systèmes embarqués à bord du Mirage 2000 et à l’étalement des livraisons des nouveaux Rafale, un tel programme était jugé essentiel pour respecter le format fixé de 250 avions de combat en parc (Armée de l’Air et Marine Nationale) à la fin de la LPM 2019-2025.

Plus qu’une simple mise à jour des Mirage destinée à les faire tenir au-delà de 2030, la rénovation à mi-vie (RMV) des Mirage 2000D vise également à les doter de nouvelles capacités offensives afin de compenser le retrait récent des derniers Mirage F1 et celui, prochain, des derniers Mirage 2000C. Entre un nouveau missile air-air et de nouvelles capacités en armements guidés air-sol, le Mirage 2000D RMV devrait ainsi acquérir pour la première fois une capacité rudimentaire mais toujours essentielle : celle de tirer au canon. Or, Dassault Aviation aurait annoncé récemment avoir terminé les essais d’intégration et de validation de cette nouvelle arme, comme le rappelle Laurent Lagneau du site Opex360.

Pod Canon 30mm Mirage 2000D Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Les Mirage 2000B ont été conçus pour pouvoir embarquer un pod canon sous le point ventral, mais pas sous l’entrée d’air. Il a donc fallu vérifier que l’emport et les tirs ne provoquent pas de troubles aérodynamiques ou de vibrations incontrôlables.

Conçu initialement sur fonds propres par Dassault Aviation comme solution de replis en cas d’annulation du biréacteur Mirage 4000, ce qui s’est justement produit au milieu des années 1970, le Mirage 2000 est un monoréacteur conçu pour être un intercepteur et un avion de supériorité aérienne léger, rapide et maniable, armé de quatre missiles air-air et de deux canons de 30mm. Très vite, cependant, il a été décidé de développer un bombardier nucléaire à partir de la version d’entrainement biplace Mirage 2000B. Conçu comme une plateforme de tir de missile nucléaire ASMP, le Mirage 2000N n’emportait pas plus de canons internes que la version d’entrainement de l’appareil, le besoin pour un tel armement étant inexistant sur ces versions.

Au début des années 1990, toutefois, l’Armée de l’Air s’est doté d’une variante de bombardement conventionnel du Mirage 2000N : le fameux Mirage 2000D. Encore une fois, la structure biplace ne permet pas l’embarquement de canons internes. Malheureusement, ce type d’armes reste traditionnellement incontournable pour un appareil d’attaque conventionnelle. Pendant des décennies, le Mirage 2000D se contenta donc d’être une plateforme de tir stable et moderne pour des armements à guidage laser largués en altitude hors de portée des éventuelles défenses adverses.

CC 422 prototype Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Sur cette vue latérale, on remarque que l’arrière du pod CC-420 a été tronqué pour permettre au train d’atterrissage de se replier, donnant ainsi naissance au CC-422 raccourcis. La présence d’un système d’éjection des douilles permet d’envisager un emport accru en munitions. On notera également le nouveau pylône conçu spécifiquement pour cet emport.

Les missions de bombardement classique et de « strafing » (mitraillage au sol), notamment sur le théâtre africain, étaient alors laissées aux Jaguar et aux Mirage F1CT/CR équipés de canons de 30mm. Suite au retrait progressif des Jaguar et Mirage F1, l’Armée de l’Air a commencé à déployer des patrouilles mixtes composées d’un Mirage 2000D équipé d’un pod de désignation laser et de deux bombes guidées et d’un Mirage 2000C équipé de bombes et de ses deux canons internes. Malheureusement, le retrait des Mirage 2000C est désormais imminent, ne laissant guère d’autres choix que de déployer uniquement des Mirage 2000D sur des théâtres de faible intensité, où l’emploi du canon est régulier.

Dans le cadre du programme RMV, qui coutera un demi-milliard d’euros, 55 Mirage 2000D se verront dotés d’un « nouveau » pod canon, le CC-422. Ce dernier serait une version raccourcie du CC-420 qui équipait notamment les Mirage F1 biplaces à l’exportation. Le CC-420 pesait 325kg et embarquait 180 à 250 munitions de 30mm alimentant un canon DEFA 553 offrant une cadence de tir de 1300 coups à la minute, ce qui permet d’estimer les performances affichées par le nouveau CC-422 récemment validé par les essais en vol de Dassault Aviation.

nacelle canon 30mm Mirage 2000D Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Une fois rénovés, les Mirage 2000 pourront emporter un pod canon sous l’entrée d’air gauche, un pod de désignation laser, une bombe laser lourde ou deux bombes laser légères en point ventral et deux bombes non-guidées à l’arrière du fuselage. Sous les ails, le Mirage embarquera deux réservoirs de 2000 litres et deux missiles MICA-IR pour son autodéfense.

Loin d’être anecdotique, cette nouvelle capacité va permettre de simplifier grandement les déploiements opérationnels de l’Armée de l’Air en permettant de concentrer les Rafale bimoteurs sur les opérations de haute intensité et les Mirage 2000D RMV sur les conflits de plus faible intensité, là où l’emploi du canon de 30mm est le plus commun.

Mieux encore, la RMV devrait permettre à une patrouille de Mirage 2000D de retrouver l’ensemble des capacités tactiques perdues avec le retrait des Mirage F1 et celui à venir des Mirage 2000C. Outre le remplacement du missile air-air Magic II par le MICA-IR, qui offrira une capacité minimale d’interception à moyenne distance à ces appareils, la modernisation de leur système d’arme autorisera enfin l’emport et le tir de munitions différentes lors du même vol. Concrètement, un Mirage 2000D RMV pourra décoller avec deux bombes GBU-12 à guidage laser sous le ventre et deux bombes non-guidées Mk.82 Airburst sous les points arrière de fuselage, en plus du pod de désignation laser et du pod canon. De quoi traiter dans le même vol deux cibles de haute valeur, deux campements éparses et plusieurs cibles légères d’opportunité. Jusqu’à présent, il était nécessaire de recourir à deux avions différents pour la même tâche.

BAT 120LG Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
En théories, les BAT-120LG à guidage laser devraient pouvoir être embarquées par lots de 3, 6 ou 9 bombelettes sous les différents emports du Mirage 2000. Le développement de cette arme relève cependant d’une initiative de la DGA et de Thales, et il n’est pas encore dit que les Mirage 2000D de l’Armée de l’Air en seront équipés.

Avec la Rénovation à Mi-Vie et l’arrivée du pod canon CC-422, les Mirage 2000D resteront des appareils spécialisés dans l’assaut air-sol. Le remplacement du radar, un temps envisagé pour leur confier des capacités multirôles, n’aura finalement pas eu lieu, principalement pour des questions de coûts et de délais. Cette RMV devrait cependant offrir au Mirage 2000D une capacité d’emport doublée de deux à quatre bombes (de deux types différents), une capacité de tir secondaire avec le canon de 30mm et une capacité d’autodéfense air-air drastiquement augmentée grâce au MICA-IR. Et cela sans compter d’autres évolutions possibles à venir, comme l’intégration de la mini-bombe guidée BAT-120LG développée par Thales et la DGA. Dans les quinze années à venir, le Mirage 2000D RMV devrait s’imposer sur les théâtres d’opération africains et y devenir aussi incontournable que le Jaguar n’avait pu l’être avant lui.

Reste que cette rénovation à minima de seulement 55 machines ne permettra pas de compenser pleinement le ralentissement des livraisons de Rafale, ni de permettre de renouveler le potentiel opérationnel des quelques 200 appareils de l’Armée de l’Air qui sont et resteront cruellement en sous-effectifs étant donné le niveau d’engagement des armées françaises depuis 2014, comme nous le rappelions l’été dernier dans un article dédié à ce sujet.

L’US Army veut accélérer l’entrée en service de ses armes laser et hypersoniques

Les négociations vont bon train entre les états-majors américains et le Congrès, alors que se prépare le budget des armées de l’année 2021. Mais là ou traditionnellement, les débats s’articulaient autour de quelques programmes majeurs à long terme captant des moyens colossaux, les armées américaines, aiguillonnées par la montée en puissance rapide et incontestable de puissances militaires comme la Chine et la Russie, se doivent désormais de concentrer leurs efforts sur des programmes offrant des résultats probants rapides, capables de ré-équilibrer le paysage opérationnel mondial. C’est le cas de l’US Army qui, si elle négocie parallèlement le financement de son super-programme BIG 6, n’en néglige pas pour autant des Quick-wins, ou victoires rapides. Et dans ce domaine, les efforts se portent sur deux domaines spécifiques, les armes hypersoniques d’une part, et les systèmes de défense anti-aérienne et anti-missile laser d’autre part.

Le programme Long-Range Hypersonic Weapons, ou LRHW, un missile hypersonique sol-sol lancé à partir d’un véhicule terrestre, verra ses crédits passer de 457 m$ en 2020 à 831 m$ en 2021, une hausse de prés de 82%. L’objectif de l’US Army est de mettre en en service le LRHW dès 2023, avant d’entrer dans une phase de production industrielle traditionnelle en 2024. Ce missile mis en oeuvre à partir d’un érecteur monté sur une remorque et déplacé par une camion M893A4, atteindra une vitesse de 6200 km/h, et mettra en oeuvre un planeur hypersonique Common Hypersonic Glide Body block 1, commun aux programmes hypersoniques des 3 armées. Afin d’éviter les travaux redondants, chaque armée à été désignée pour piloter certains composants réutilisables des programmes hypersoniques américains. Ainsi, le LRHW utilisera les boosters à poudre du programme Global Strike Hypersonic Weapon de l’US Navy, le missile à changement de milieux qui sera notamment mis en oeuvre à partir des sous-marins Virginia.

LRHW Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France

L’US Army développe également non pas un, mais deux programmes de défense anti-aérienne et anti-missiles laser. Le premier programme est le DE-SHORAD, pour Direct Energy Short-Range Air Defense, un laser de 50 kw mis en oeuvre à partir d’un blindé Stryker, et destiné à assurer la protection rapprochée des unités combattantes contre les drones, les roquettes et missiles légers. Complémentaire du M-SHORAD actuellement en cours de fabrication, le DE-SHORAD doit entrer en service dès 2022, pour une production industrielle dès 2023.

Le second programme est intégré au programme Indirect Fire Protection Capability du super programme BIG 6. Le High Energy Laser repose sur un laser de 300 Kw mis en oeuvre à partir d’un camion de transport, assurant également la production électrique. Moins mobile et protégé que le DE-SHORAD, ce programme n’a pas pour ambition d’accompagner les unités combattantes au front, mais à assurer la protection des zones à forte valeur, comme les postes de commandement ou les noeuds logistiques. Avec un laser de 300 KW, il sera en mesure d’intercepter des missiles lourds comme des missiles de croisière, ou d’apporter une réponse aux menaces employant des essaims de drones. Cet IFPC-HEL doit entrer en service en 2024. Les crédits alloués aux programmes DE-SHORAD et IFPC-HEL passeront de 85 m$ en 2020 à 278 m$ en 2021, soit une hausse de presque 230 % en une année.

Laser HEL MD Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le système de laser à haute énergie HEL MD de l’US Army ambitionne d’atteindre les 250 à 300 Kw

Mais l’augmentation des crédits n’est pas la seule réponse apportée par l’US Army pour répondre aux enjeux. En effet, l’urgence des besoins dans ces deux domaines a justifié la mise en place d’une structure dédiée, le RCCTO, pour Rapid Capabilities & Critical Technologies Office. Créée en décembre 2018, ce bureau a pour unique fonction de piloter ces programmes au mieux des besoins, des moyens et des délais, de sorte à produire une infrastructure dégagée de la lourdeur bureaucratique du Pentagone héritée de 30 années de temps de paix. Agile et autonome, le RCCTO peut ainsi se concentrer sur ses missions, sachant qu’une fois la technologie entrée en service, elle sera transmise aux canaux traditionnels d’acquisition et de pilotage de l’US Army.

L’utilisation de ce type de procédures « hors cadres » est en règle général limité aux besoins urgents apparus lors d’un engagement et révélant une vulnérabilité devant être traitée de façon urgente. Plusieurs programmes « désadministrés » avaient ainsi été lancés au fil des années durant lesquelles les forces américaines intervenaient massivement en Afghanistan et en Irak. Elles faisaient face, par exemple, à l’utilisation de plus en plus fréquente de Dispositifs Explosifs Improvisés pour frapper les véhicules américains, nécessitant des véhicules plus spécialisés pour ouvrir les voies, et des protections supplémentaires sur les blindés existants. En revanche, y avoir recours en période de « paix » pour faire face à un niveau de menace supposé, qui plus est émanant d’une grande nation technologique, est relativement exceptionnel, et en dit long sur le niveau de challenge que font peser les nouveaux systèmes russes et chinois sur les forces américaines.

SHIELD US Air Force Laser Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le laser constitue pour l’US Air Force une des solutions à developper prioritairement pour assurer la protection de ses appareils dans les espaces fortement contestés

Quoiqu’il en soit, il apparait que l’US Army, tout comme l’US Navy et l’US Air force, considère les armes hypersoniques et les armes à énergie dirigée comme les deux axes technologiques stratégiques à developper en urgence pour être mesure de conserver la suprématie militaire sur le couple sino-russe. Les armes à énergie dirigée, et notamment les armes laser, sont ainsi perçues comme le bouclier ultime pour protéger les forces et les équipements, alors que les armes hypersoniques sont, elles, considérées comme la réponse offensive aux technologies de déni d’accès mises en oeuvre par les deux adversaires identifiés.

Cela montre également à quel point l’environnement opérationnel à l’horizon post-2030 est aujourd’hui difficile à imaginer, comme il était difficile d’imaginer en 1925 les armes en service en 1945, comme les avions à réaction et missiles balistiques allemands, ou la puissance aéronavale et la bombe nucléaire américaine. L’accélération du tempo des tensions internationales entre acteurs majeurs modifie, comme dans les années 30 et 40, les cycles technologiques en matière de systèmes d’armes, qu’il conviendra de rapidement prendre en considération en Europe.

Avec 2 Su-24 syriens et 6 drones turcs abattus en 24 heures, le conflit en Syrie est-il en passe de basculer ?

Ces dernières 24 heures, alors même que le Président russe V. Poutine et son homologue turc R.T Erdogan se sont entretenus au téléphone pour tenter de désamorcer la spirale d’engagement à l’oeuvre en Syrie, les affrontements sur le terrain ont franchit une nouvelle étape vers un engagement plus global, et massif, entre les belligérants. Coté turc, on revendique la destruction de 2 avions Su-24 syriens, abattus par ses F16, ainsi que des frappes multiples par drones ayant détruits de nombreux chars, pièces d’artillerie et même un système anti-aérien Pantsir S1, dans une opération baptisée « Bouclier du Printemps » lancée en représailles de la mort de ses 34 soldats il y a quelques jours.

Coté syrien, on admet la destruction d’un Su-24 et d’un avion d’entrainement et d’attaque L-39, par ailleurs difficiles à nier eu égard aux videos publiées montrant leur destruction. On revendique en revanche la destruction de 6 drones de combat. L’Observatoire Syrien des droits de l’homme annonce pour sa part un bilan de 19 soldats syriens tués par les frappes turques.

https://youtu.be/FiraKSne9jY
Video de la destruction d’un des Su-24 Syriens publiée par la chaine qatari Al Jazeera

La Russie, quand à elle, continue de tenter de faire baisser la pression, par des contacts répétés au plus haut niveau entre les des deux états. Mais Moscou n’entend toutefois pas reculer face à Ankara. Outre le déploiement de plusieurs frégates équipées de missiles de croisière Kalibr en Méditerranée occidentale, des rapports indiquent également l’arrivée de Su-34 supplémentaires sur la base aérienne de Hmeimim, des appareils bien plus performants que les Su-24 syriens ou même russes. En outre, les autorités russes ont, de manière indirecte, menacé d’intervenir contre les avions de combat turcs si ceci devait continuer à intervenir au dessus d’Idlib.

Le déploiement de Su-34 n’est pas anodine, au delà des performances intrinsèques supérieures de l’appareil vis-à-vis du Su-24. En effet, le Su-34 n’est en service que dans les forces aériennes russes, alors que les Su-24 sont en service aussi bien dans les forces russes que dans les forces aériennes syriennes. Dès lors, si un Su-24 russe venait à être détruit, il serait relativement aisé de présenter l’incident comme une erreur d’identification, ou de manière plus triviale, de déclarer que l’appareil perdu était syrien et non russe. On peut d’ailleurs s’interroger sur le regain d’activité observé des forces aériennes syriennes alors que, jusqu’ici, le soutien aérien et les frappes au bénéfices des forces syriennes étaient très majoritairement assurées par les forces russes, les forces aériennes syriennes ayant été sévèrement affaiblies par les 8 ans de guerre civile.

Bombardier Su24 des forces aeriennes russes Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Les forces aériennes russes mettent également en oeuvre prés de 150 Su-24

On le comprend, les autorités russes, si elles continuent de privilégier, tout au mois publiquement, les approches visant à une désescalade dans la région, se prépare visiblement à devoir assumer une campagne aérienne bien plus intense face à la Turquie, et renforce de fait ses forces pour y être prête. Il s’agit probablement aussi bien d’anticiper un possible échec des négociations ou une escalade incontrôlée des engagements, que pour disposer des meilleurs arguments de négociation si la voie diplomatique était privilégiée.

A noter, pour conclure, la déclaration toute en nuance de l’OTAN à l’occasion de la réunion d’urgence des ambassadeurs de l’alliance provoquée par l’invocation de l’article 4 par la Turquie. En effet, le communiqué de l’Alliance suite à cette réunion peut être interprété comme un soutien franc vis-à-vis de la Turquie. Mais comme souvent, le diable se situe dans les détails. Ainsi, dans ce communiqué, après les déclarations de forme sur le soutien de l’alliance vis-à-vis de son allié, et l’appel à la fin des affrontements, l’Alliance a annoncé qu’elle renforcerait prochainement les capacités de défense turques.

Le siege de lOTAN a Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le soutien apporté vendredi par l’OTAN à la Turquie semble tout relatif, et loin d’être au niveau des attentes du président Erdogan

Ill n’est en revanche pas fait état de la mise en oeuvre une zone d’interdiction aérienne au dessus du nord de la Syrie, comme le réclame les autorités turques. Il n’est, en effet, question que de déployer des défenses anti-missiles, et non anti-aériennes, une différence subtile mais de taille, dans la mesure ou la Syrie ne disposerait, théoriquement, que d’une trentaine de missiles sol-sol Scud et de 18 SS-21, des systèmes obsolètes qui, par ailleurs, n’ont jamais été employé durant toute la durée de la guerre civile, même lorsque le régime était le plus menacé. Cela laisse planer de sérieux doutes sur leur disponibilité. Quand à la Russie, elle aurait déployé au moins deux missiles balistiques Iskander, qui malheureusement ont un profil de vol semi-balistique les mettant hors de portée des systèmes anti-missiles de l’OTAN.

Dès lors, les annonces faites par l’Alliance sont très loins de répondre aux attentes d’Ankara, et ce malgré la menace de la vague migratoire lâchée sur l’Europe brandie une nouvelle fois par le président Erdogan. Il apparait donc qu’en dépit des annonces et rodomontades répétées du président turc, ce dernier se retrouve plus que jamais isolé sur le plan diplomatique, interrogeant sur ses capacités à maintenir dans la durée une telle pression tout azimut.

Lockheed envisage de se tourner vers la Pologne pour baisser le prix du F35

L’exclusion du programme F35 de la Turquie, qui avait commandé 100 appareils et assurait la fabrication de 5% des pièces, met à mal les objectifs de baisse des prix pour les lots 14 et 15 présentés il y a quelques mois comme la concrétisation de la stratégie tarifaire du programme d’avion furtif américain. Comme nous l’avions déjà abordé, le constructeur américain peine à trouver des industriels aux Etats-Unis comme dans les autres pays partenaires du programme, pour remplacer ces pièces d’origine turque très compétitives en matière de prix. Pour y parvenir, Lockheed Martin envisagerait, désormais, de se tourner vers Varsovie, pour bénéficier de prix de revient inférieur, et compenser les effets de l’exclusion d’Ankara.

Cette annonce ne manque pas d’ironie. En effet, si les autorités Polonaises ont en effet annoncé commander 32 F35A il y a quelques semaines, elles avaient également accepté de renoncer à toute forme de compensation industrielle, de sorte à baisser le prix global ramené ainsi à « seulement » 4,6 Md$. Mais la Pologne a des atouts importants à faire valoir dans ce domaine, au delà de sa grande fidélité à Washington en matière de politique de défense et d’acquisition d’équipements. En effet, avec un salaire moyen brut de 5000 zlotys , soit un peu moins de 1200 € par mois, elle est également, et de loin, la nation offrant la plus grande attractivité pour représenter une alternative à la Turquie, et son salaire moyenne inférieur à 500 € par mois.

F35A Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
La Pologne a commandé, début février 2020, 32 F35A pour un montant de 4,6 Md$, afin de remplacer les Mig-29 et Su-22 encore en service dans ses forces aériennes

Mais une telle annonce ne pourra être officialisée sans un grand effort de diplomatie, d’autres pays ayant commandé l’appareil américain attendant toujours la mise en oeuvre des compensations industrielles promises. C’est le cas, par exemple, de la Belgique, qui il y a peu s’inquiétait justement de l’absence de progrès dans ce domaine. Mais il est vrais qu’entre un salaire moyen presque trois fois supérieur à la Pologne, et un prix d’acquisition unitaire de ses F35 plus de 15% inférieur à cette dernière, Bruxelles n’a guère d’argument à faire valoir, alors que Lockheed doit impérativement faire baisser le prix de revient de son appareil pour respecter ses engagements, et ses marges, notamment vis-à-vis du Pentagone.

Quoiqu’il en soit, pour les autorités polonaises, il s’agirait d’une manne inespérée pour amortir les importantes dépenses en matière de défense consenties par le Pays depuis quelques années, notamment en acquérant des systèmes Patriot et Himars américain, ou les canons automoteurs Krab conçus et construits en partenariats avec la Coréen du Sud et la Grande-Bretagne. De fait, la Pologne est un des rares pays en Europe a effectivement respecter l’engagement OTAN de dépenser 2% de son PIB pour son effort de défense. Le ministre de La Défense polonais, Mariusz Blaszczak, avait ainsi présenté il y a une année le plan visant à faire croitre le budget des armées à 44 Md€ en 2026, faisant alors jeu égal avec l’Allemagne malgré un PIB plus de 6 fois inférieur à cette dernière.

Comment les armes hypersoniques ont-elles changé les données de l’action militaire moderne ?

Cette semaine encore, les armes hypersoniques ont représenté une partie non négligeable de l’actualité technologique Défense mondiale. En Russie, les ingénieurs ont annoncé avoir réussi le premier tir du missile 3M22 Tzirkon à partir de la frégate Admiral Gorshkov, alors que le developpement d’une version mini du missile aéroporté Kh47M2 Kinzhal a été entamée en vu de pouvoir le mettre en oeuvre à partir des soutes du nouveau chasseur de 5ème génération Su-57. Aux Etats-Unis, c’est l’US Army qui présenta un modèle réduit de son Long Range Hypersonic Weapon, un missile hypersonique à lanceur terrestre qui doit effectuer son premier test en 2023.

Dans cet article, nous allons étudier les raisons pour lesquelles les grandes armées mondiales, aux Etats-Unis, en Chine, en Russie et en Europe, s’engagent aussi intensément dans le developpement de ces systèmes, ainsi que les enjeux technologiques et défis à relever pour y parvenir, afin de comprendre comment les armes hypersoniques ont-elles changé les données de l’action militaire moderne.

Hypersonique, c’est à dire ?

Un système est dit « hypersonique » lorsqu’il est capable d’évoluer et de maintenir une vitesse supérieure ou égale à Mach 5, soit 6.174 km/h, ou encore 1.715 mètres par seconde. Cette vitesse était déjà atteinte et même dépassée par la majorité des missiles balistiques, qui ne sont pourtant pas qualifiés d’armes hypersoniques. En effet, les missiles balistiques traditionnelles, comme leurs ogives, n’évoluent pas à cette vitesse, et se contentent de suivre leur trajectoire balistique. C’est également à ces vitesses qu’apparaissent des phénomènes physiques de dislocation moléculaires des gaz ambiants générant un Plasma caractéristique, créant de nombreuses défis technologiques que les ingénieurs de chaque pays doivent relever.

Les systèmes existants et à venir

Si les recherches concernant la conception de missiles et même d’aéronefs hypersoniques ont été entamées il y a plusieurs années, voir décennies, comme le programme Hypersonic technology Vehicle ou HTV-2 de la DARPA qui effectua son premier vol en 2010, c’est l’entrée en service surprise du missile Kh-47M2 Kinzhal russe en 2018 qui provoqua l’emballement mondial autour de ces technologies, notamment en occident qui accuse aujourd’hui un certain retard dans le domaine.

Le Kinzhal est un missile aéroporté dérivé du missile semi-balistique sol-sol à courte portée Iskander, en service dans les forces russes depuis 2006. Capable d’emporter une charge conventionnelle de 500 kg, ou une charge thermonucléaire, le Kinzhal peut atteindre des cibles à 2000 km à une vitesse de Mach 10, selon une trajectoire semi-balistique avec une précision évaluée à quelques mètres, en faisant une arme de première frappe très préoccupante pour l’OTAN. La mise en oeuvre ce missile de plus de 7 mètres et d’un poids de 4 tonnes est confié initialement à l’intercepteur lourd Mig-31 spécialement modifié pour emporter un unique missile. Prochainement, les bombardiers à long rayon d’action Tu-22M3M Backfire pourront également le mettre en oeuvre, à raison de 4 missiles par appareil, avec une portée étendue du missile estimée à 3000 km.

Tu22M3 Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
une fois modernisés, les 60 bombardiers supersoniques à long rayon d’action russes Tu-22M3M Backfire pourront emporter jusqu’à 4 missiles Kinzhal portant chacun à 3000 km avec une précision de quelques mètres

Le Kinzhal n’est pas le seul programme russe s’appuyant sur des vitesses hypersoniques. Le missile Tzirkhon 3M22 est ainsi un missile naval à vocation anti-navire dont la portée annoncée est de 1000 km et la vitesse de l’ordre de Mach 10. Dans le domaine des armes stratégiques, Moscou a également annoncé l‘entré en service du planeur hypersonique Yu-74 Avangard. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un planeur emportant une tête nucléaire et capable de manoeuvrer tout en conservant une vitesse de Mach 20 lors de la ré-entrée dans l’atmosphère et jusqu’à la détonation de la charge nucléaire. Les premiers missiles stratégiques intercontinentaux russes équipés du planeur Avangard sont entrés en service à la fin de l’année 2019, alors que le missile Tzirkon entrera en service, lui, d’ici la fin de 2020.

La Chine n’est pas en reste dans ce domaine, avec le programme de planeur hypersonique Wu-14, dont les caractéristiques restent inconnues mais probablement inférieures à l’Avangard russe, avec une vitesse de l’ordre de Mach 10. Mis en oeuvre par le nouveau missile DF-17 qui peut atteindre une cible distante de 2500 km, le Wu-14 serait capable de planer à 60 km et à Mach 10 sur prés de 1400 km selon le renseignement Américain.

missile DF17 70eme anniversaire Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le missile DF-17 a été présenté pour la première fois lors de la parade célébrant les 70 ans de la création de la république populaire de Chine en 2019

L’occident est en retard dans ces domaines. Les Etats-Unis ont lancé, avec une fébrilité perceptible, plusieurs programmes de missiles et planeurs hypersoniques depuis 2018 et l’entrée en service du Kinzhal dans les forces russes. L’US Air Force a ainsi entrepris le developpement de deux programmes, dont un a été récemment annulé, alors que l’US Army développe son propre programme, et que la DARPA en supervise deux autres. L’Inde développe pour sa part, en partenariat avec la Russie, une version hypersonique de son missile de croisière antinavire Brahmos, utilisant la technologie du Scramjet, technologie qui sera probablement au coeur du missile ASN4G, qui remplacera le missile supersonique ASMPA utilisé pour la composante aérienne de la dissuasion française, alors que parallèlement, Paris a entamé le developpement de son propre démonstrateur de planeur hypersonique.

Les atouts des armes hypersoniques

Si la majorité des grandes nations militaires investissent avec précipitation depuis 3 ans dans les technologies hypersoniques, c’est évidemment que les atouts dont disposent ces systèmes en font des armes exceptionnelles. Et celui qui en disposera détiendra de fait des capacités opérationnelles, mais également diplomatiques, bien supérieures à celui qui en sera dépourvu.

Invulnérabilité face aux défenses actuelles

La caractéristique la plus connue, et reconnue, des armes hypersoniques est leur capacité à déjouer les systèmes de défense anti-aérien et anti-missiles actuels. En effet, les missiles hypersoniques vont trop vite pour pouvoir être interceptés par les systèmes spécialisés dans l’interception d’avions de combat ou de missiles de croisière, et qui généralement plafonnent autour de Mach 3,5 ou Mach 4. Dans le même temps, leur trajectoire semi-balistique et leur capacité de manoeuvre les mettent hors de portée des systèmes anti-missiles balistiques, comme le système THAAD ou le SM3 du système Aegis américain. En d’autres termes, aujourd’hui, aucun système n’est en mesure d’intercepter un missile hypersonique.

THAAD missile launch in 2005 1 Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le système antimissiles THAAD américain n’est pas capable d’intercepter des missiles suivant des trajectoires non prévisibles, comme le Kinzhal.

Diminution du délais de réaction

Mais la vitesse de ces missiles engendre une autre difficulté pour la cible, et ceux en charge de la protéger. En effet, dans le cas du missile Tzirkon anti-navire par exemple, le délais entre la détection de la menace et l’impact est à ce point court que les systèmes actuels, pour tenter de leurrer le missile par exemple, comme les procédures de commandement qui encadrent leur mise en oeuvre, ne sont plus adaptés. Et même lorsque de nouveaux missiles anti-missiles capables de prendre en compte ces menaces arriveront, le délais de réaction sera à ce point réduit que la décision d’ouvrir le feu ne pourra qu’être déléguée à un système hautement automatisé et probablement pourvu d’une intelligence artificielle, avec les risques que l’on connait.

Vue dartiste du missile antinavire hypersonique russe Tzirkon Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Les missiles hypersoniques parcourent plusieurs kilomètres à la seconde, réduisant de façon importante le temps de réaction de la cible ou de ceux qui doivent la défendre

Un défis technologique

Les atouts des armes hypersoniques sont incontestables, mais les défis technologiques à relever pour les concevoir le sont, quand à eux, tout autant. A l’instar des difficultés rencontrés par les pionniers de l’aviation lorsqu’ils durent franchir le mur du son, les vitesses hypersoniques engendrent un ensemble des phénomènes physiques rendant très complexe le developpement de systèmes fiables et performants évoluant à ces vitesses

Le mur de chaleur

Le terme « mur de chaleur » est, en fait, un abus de langage, car les phénomènes qu’il recouvre ne forment pas une barrière physique, comme dans le cas du mur du son. Ils sont en effet proportionnels à la vitesse, et apparaissent en réalité à partir de vitesse supérieures à Mach 3. Il s’agit d’une limite imposée par la résistance des matériaux à la chaleur dégagée par les frottements de l’air sur la coque et les arrêtes du mobile. Elle n’est donc pas figée à une certaine vitesse, comme dans le cas du mur du son, puisque la technologie des matériaux évolue en permanence.

Le guidage encore délicat

Cette forte chaleur dégagée par les frottements engendre deux phénomènes qui entravent les possibilités de guidage d’une arme hypersonique. Le premier est très simple, et repose sur l’opacité aux technologies de guidage traditionnelle des missiles, comme l’utilisation d’un radar de guidage ou d’un autodirecteur infrarouge, du fait des matériaux utilisés pour résister aux fortes chaleurs dégagées. Cette contrainte se porte en général sur la face frontal du missile, là ou la chaleur est la plus forte, et malheureusement là ou se situent en général les systèmes de guidage.

DF26 missile Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Pour contrôler la trajectoire du missile balistique antinavire DF-26, les ingénieurs chinois utiliseraient un un satellite pour envoyer les correction de trajectoire en secteur arrière au missile

Le second phénomène, également conséquence de ces très fortes chaleurs, se caractérise par l’apparition d’un Plasma entourant le corps du missile. Les impacts à grande vitesse entre les molécules atmosphériques et le missile entraine l’élévation de la température et la dissociation des molécules, générant un plasma ionisé entourant le mobile. Or, ce plasma est lui aussi très réfractaire à certaines ondes électromagnétiques, notamment aux ondes radios, utilisées, par exemple, pour contrôler le missile à distance.

Les moteurs hypersoniques aérobies

Si les deux premiers phénomènes semblent avoir trouver des solutions, puisque la Russie comme la Chine ont annoncé que leurs armes hypersoniques étaient guidées, et pouvaient, par exemple, atteindre un navire en mouvement, le troisième phénomène pose aujourd’hui encore d’importants problèmes . Les technologies utilisées pour la propulsion des aéronefs ou des missiles de croisière à haute vitesse supersonique, comme l’ASMPA français, utilisent un moteur appelé statoréacteur. Contrairement aux moteurs fusées, qui équipent par exemple les armes balistiques, le statoréacteur utilise l’air atmosphérique comme comburant pour la combustion du carburant et produire ainsi la poussée souhaitée.

Or, avec des carburants traditionnels, comme le kérosène, la vitesse de défilement de l’air à l’interieur du statoréacteur doit rester subsonique, et la température inférieure controlée, pour maintenir une combustion controlée. Ceci limite la vitesse maximale de ces véhicules à Mach 3,5, limite au delà de laquelle la technologie employée ne permet plus de ralentir le flux d’air suffisamment et ou les effets du mur de chaleur entravent le contrôle de la combustion. Les missiles hypersoniques actuels emploient un moteur fusée, qui emporte simultanément carburant et comburant, et contrôle ainsi la combustion. Mais l’utilisation de l’air atmosphérique permet de se passer de cette charge de comburant, et donc de concevoir des systèmes beaucoup plus légers aux performances accrues.

la technologie SABRE Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense | France
Le groupe BAe développe le moteur SABRE, un Scramjet utilisant un refroidisseur permettant de refroidir et ralentir l’air pour maintenir une combustion maitrisée

La solution à ce problème réside dans le Superstatoreacteur, également appelé Scramjet. Plusieurs approches différenciées sont utilisées pour résoudre ce problème, comme l’utilisation de l’hydrogène liquide comme carburant, beaucoup plus explosive que le kérosène, ou encore l’utilisation de nouvelles technologies pour dépasser le seuil de Mach 3,5 tout en conservant une vitesse intérieure du flux d’air subsonique, et donc, potentiellement, utiliser toujours des carburants traditionnels, et moins dangereux que l’hydrogène, comme le kérosène. Reste que ces moteurs sont pour l’heure très complexes d’utilisation, et très « traumatisants » pour leurs organes internes. Ainsi, un scramjet ne peut fonctionner qu’au delà d’une vitesse très élevée (contrainte commune au statoréacteur), et nécessite donc une alternative propulsive pour l’atteindre. De plus, les Superstatoreacteurs testés jusqu’à présent, aux Etats-Unis, en Russie, en Chine ou en Inde, n’ont que très rarement survécu à leur propre test. Très prometteuse, la technologie des Scramjet est encore loin d’être fiable, même si l’annonce faite en octobre dernier par BAe au sujet de son moteur Sabre semble ouvrir des voies interessantes.

Conclusion

S’il est clair que les armes hypersoniques sont appelées à devenir des systèmes clés dans les arsenaux militaires des grandes nations mondiales, il apparait également que la Russie, et dans une moindre mesure la Chine, ont acquis en la matière une avance technologique considérable sur les occidentaux, et notamment sur les Européens. Dans ce domaine, comme dans celui des armes électromagnétiques, le décrochage des européens, et de la France, semble net et marqué, même si des annonces récentes montrent que la prise de conscience politique a bien eu lieu. Toutefois, et comme dans le cas des avions de combat ou du remplaçant du char Leclerc, il semble que les ambitions des européens, et des français, se portent au delà des années 2040, alors que la réalité operationelle et technologique nous indique que pendant les 10 à 20 années qui arrivent, la Russie, la Chine, ou leurs alliés, disposeront d’équipements sensiblement plus performants que ceux en service dans nos armées, tout du moins dans certains domaines clés.

Dans ces conditions, les appels du Président Macron à plus d’indépendance stratégique européenne apparaissent bien peu convaincants, l’Europe, France y compris, ayant visiblement renoncé à pouvoir assumer sa propre défense sans le recours à la protection américaine dans les 20 années qui viennent.