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Le sous-marin nucléaire d’attaque Suffren, futur bras armé de la Marine Nationale, commence ses essais à la mer

Nous l’avons évoqué ces derniers jours : le renouvellement des sous-marins d’attaque français est en bonne marche. D’une part, le Suffren, premier d’une nouvelle classe de sous-marins nucléaire d’attaque, flotte désormais librement et débute en ce moment ses essais en mer. D’autre part, la Marine Nationale a réceptionné ses premières torpilles lourdes de nouvelle génération, qui constitueront l’armement principal de ces nouveaux bâtiments.

Ensemble, la classe Suffren et la torpille F21 vont permettre le remplacement de la classe de sous-marins nucléaire Rubis et des torpilles F17, désormais obsolètes sur bien des points. L’occasion pour nous de revenir sur le programme Barracuda qui a conduit à la création de cette nouvelle classe Suffren.

Suffren soleil Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Le Suffren lors de sa cérémonie de lancement officiel le 12 juillet 2019. Depuis lors, le bâtiment a connu un rechargement en combustible nucléaire, une mise à l’eau, la divergence du coeur du réacteur et ses premiers essais de flottabilité.

Rappel historique du programme Barracuda

Depuis la mise en service des premiers sous-marins lanceurs de missiles nucléaires (SNLE) dans les années 1970, la France a mis en place une politique industrielle visant au maintien du savoir-faire nécessaire à la conception et construction de sous-marins nucléaires, indispensables à la dissuasion. Pour maintenir les compétences dans la durée, il est décidé de commander une classe de sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) entre chaque classe de SNLE.

Ainsi, après six SNLE de classe Le Redoutable, la France a lancé six SNA de classe Rubis, entrés en service entre 1983 et 1993. Quatre SNLE de classe Le Triomphant ont ensuite été lancés entre 1994 et 2008, et le programme de six SNA Barracuda devait prendre la suite afin de remplacer les six Rubis dès le début des années 2010.

barracuda Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
En 2007, peu de temps avant la mise sur cale du Suffren, les lignes générales du bâtiment étaient déjà figées. On constate cependant que la longueur et le déplacement du sous-marin ont depuis lors été revus à la hausse.

Cependant, entre les réductions budgétaires des années 2000, les hésitations conceptuelles et des tentatives de rapprochement européen, le programme a fini par prendre un retard considérable. En 1998, le Barracuda (encore appelé SMAF, pour sous-marin d’attaque futur) devait être un SNA de 4000t en plongée, et son entrée en service était attendue pour 2007, ou 2010 au plus tard. En 2004, le bâtiment avait grossi pour atteindre 4600t et une date de livraison en 2012. Le calendrier et les spécifications techniques glissèrent progressivement pour se stabiliser autour d’une livraison à l’horizon 2020 et d’un design de 99,5m de long pour 5400t de déplacement en plongée.

On notera cependant, non sans ironie, qu’un rapprochement était évoqué avec le Royaume-Uni à la fin des années 1990, autour d’un sous-marin bien plus lourd optimisé pour la lutte anti-sous-marine. Cependant, les Britanniques ne prévoyaient alors pas de mise en service avant 2015, là où le remplacement des Rubis devait être réalisé au plus tard en 2013. Au final, le premier Astute britannique, un SNA de plus de 7800t, est entré en service en… 2010, alors que le Suffren ne sera pas opérationnel avant la fin de l’année 2020 au mieux. On se consolera cependant en se rappelant que le coût unitaire des Barracuda est bien inférieur (35 à 50%) à celui des Astute, que le design du Suffren est mieux adapté aux besoins de la Marine Nationale (notamment pour les évolutions en eaux peu profondes), et que le programme Barracuda a été bien plus profitable à l’industrie nationale française qu’une collaboration à bord d’un programme essentiellement britannique.

Astute submarine Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Sous-marin nucléaire d’attaque de la classe Astute. Avec un déplacement de près de 8000t, une quarantaine d’armes en soute et une vitesse de plus de 30 noeuds, les sous-marins britanniques sont plus optimisés pour la chasse aux sous-marins dans l’Atlantique Nord qu’aux missions de protection et de renseignement menés par les SNA français.

Le Suffren en quelques chiffres

Le Suffren est le premier représentant de six bâtiments de type Barracuda (Suffren, Duguay-Trouin, Tourville, De Grasse, Rubis et Casabianca) devant être livrés avant la fin de la décennie. Long de 99,44m, il déplace 4700t en surface et 5300t en plongée. Sa vitesse maximale dépasse 25 nœuds, et sa profondeur d’immersion est officiellement « supérieure à 350m », indiquant qu’elle dépasse probablement les 400m (en temps de paix) parfois indiqués au lancement du programme. L’autonomie en vivre, de 45 jours sur les Rubis, devrait pouvoir dépasser les 70 jours sur la classe Suffren.

Le diamètre de 8,8m de la coque est imposé par la dimension du réacteur nucléaire, dérivé du K15 des SNLE Le Triomphant. Contrairement à ce qui peut se faire dans l’US Navy, par exemple, le combustible des réacteurs K15 est le même que celui que l’on trouve dans les centrales civiles, ce qui réduit les coûts et améliore la sécurité d’emploi et d’approvisionnement, mais oblige à un rechargement tous les 10 ans.

Suffren en assemblage 840x480 1 Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Suffren en assemblage. Le Suffren, c’est aussi 20km de tuyaux,160km de câbles et surtout 21 millions de lignes de code ! A l’exception de quelques véhicules spatiaux, un sous-marin nucléaire moderne est sans doute l’objet le plus complexe au monde.

Très automatisé, le Barracuda devrait être mis en œuvre par 65 hommes et femmes, soit un peu moins qu’à bord des Rubis pourtant plus de deux fois plus petits. Dès la conception, il a été prévu de pouvoir embarquer une quinzaine de spécialistes, notamment des commandos pouvant opérer à partir d’un sas dédié mais aussi d’un des deux Dry Dock Shelter amovibles conçus par Naval Group pour les Suffren français. Pouvant être placé sur le dos du sous-marin, cet équipement de 15m de long et 43t permet d’embarquer l’équipement des commandos.

La mise en œuvre de spécialistes des forces spéciales a été prise en compte dans le design du sous-marin, non seulement par les réserves de volume interne dédié aux commandos, mais aussi par la conception générale du bâtiment, notamment de ses barres de plongée arrière en X, nettement plus pratiques pour naviguer en eaux peu profondes ou contre le fond.

Le système de combat du sous-marin est le SYCOBS de Naval Group récemment intégré aux SNLE, facilitant les transferts de ressources humaines entre SNA et SNLE. Le SYCOBS centralise les informations en provenance du sonar de proue Thales UMS-3000 couplé à deux antennes de flanc et, dans les années à venir, une traine sonar remorquée. Le Suffren met également en œuvre plusieurs mâts optroniques et électroniques non-pénétrants réalisés par Safran, en remplacement des périscopes traditionnels. De quoi lui offrir une capacité de veille optique, infrarouge, radar et électronique à 360° de jour comme de nuit.

Quels armements pour la classe Suffren ?

Contrairement aux SNLE, les SNA n’embarquent pas de missiles nucléaires mais des torpilles et des missiles conventionnels. En France, leur rôle premier est la lutte antinavire suivie de la lutte anti-sous-marine, afin de protéger les principales unités de la Marine Nationale : SNLE, porte-avions, groupes amphibies. Comme tous les sous-marins, les SNA sont également d’excellentes plateformes furtives pour les missions d’écoute électronique ou de dépose de commandos, comme nous l’avons déjà vu. Ces dernières années, les capacités d’action vers la terre des sous-marins d’attaque se sont considérablement étoffées de par le monde, et la France ne fait pas exception. Cela se ressent sur la configuration d’armement du navire.

F21 torpille lourde Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
La torpille lourde F21 est la plus moderne et sans doute la plus performante de sa catégorie. Les premières unités ont récemment été livrées à la Marine Nationale et au Brésil. Elle est également proposée en Inde (une centaine d’exemplaires) et en Grèce (environ 36 unités)
  • La torpille lourde F21, que nous avons décrite en détail dernièrement, sera l’arme de base du type Barracuda, et l’une des torpilles les plus modernes et performantes du marché. Avec une portée filoguidée de 50km (et a priori supérieure en autoguidage), une vitesse maximale de 50 nœuds et une profondeur opérationnelle dépassant les 1000m, elle sera capable de détruire n’importe quel sous-marin et la plupart des grosses unités de surface en un coup.
  • Le missile antinavire SM-39 Exocet est une arme complémentaire à la F21. S’il n’offre pas la persistance ni le pouvoir destructeur d’une torpille lourde et qu’il ne frappe pas à une plus longue distance, l’Exocet peut néanmoins atteindre sa cible considérablement plus rapidement. De plus, Exocet et F21 peuvent agir de manière complémentaires en fonction des capacités défensives de leur cible, selon qu’elle dispose avant tout d’un armement anti-aérien ou anti-sous-marin.
  • Le MdCN (Missile de Croisière Naval), autrefois appelé Scalp Naval, est un missile d’action vers la terre d’une portée supérieure à 1000km, capable de frapper des cibles durcies de haute valeur avec une extrême précision. Déjà opérationnel sur les frégates FREMM, le MdCN offrira aux SNA français une capacité opérationnelle décuplée. Comme les Exocet, les MdCN sont tirés comme des torpilles à partir de conteneurs étanches.
  • La classe Suffren devrait pouvoir embarquer des mines de nouvelle génération, destinées à remplacer les anciennes FG29 équipant aujourd’hui les Rubis. Particulièrement sensible, cette arme d’interdiction navale est sans doute l’un des secrets les mieux gardé de la Marine Nationale. A priori, les nouvelles mines devraient être plus intelligentes, plus polyvalentes et disposer d’une plus grande autonomie que les FG29.
  • Enfin, à l’avenir, les sous-marins du programme Barracuda pourront mettre en œuvre de nouveaux équipements. Il pourrait s’agir de différents types de drones sous-marins, potentiellement basés sur le D19 de Naval Group, aptes à des opérations de reconnaissance, de déminage ou de renseignement électronique. Des drones aériens ou même des missiles anti-aériens (de type MICA ou MICA-NG) pourraient également être intégrés à des conteneurs étanches.
MICA sous marin Naval Group Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Naval Group n’est pas avare en propositions pour l’équipement de ses sous-marins. En 2013, le groupe s’était associé à MBDA pour proposer une solution de lancement pour missiles anti-aériens MICA et Mistral. L’option reste proposée, même si elle n’a pas encore été financée.

Pour mettre en œuvre cette panoplie, le Suffren dispose de quatre tubes de 533mm. Choix typique de sous-marins français, la mise en œuvre des armes s’effectue par le biais d’un refouloir pneumatique. Ce dernier est bien plus discret qu’une chasse directe par air comprimé, mais légèrement plus bruyant qu’un départ moteur allumé depuis le tube. Cependant, pour des raisons de sureté nucléaire, la Marine Nationale ne procède jamais à l’allumage de la propulsion des torpilles dans le tube. L’autre avantage du refouloir est de faciliter les tirs de torpilles et de missiles à des grandes profondeurs et à des vitesses relativement élevées (surtout pour les torpilles).

Malheureusement, si l’option semble avoir été étudiée au début du programme SMAF/Barracuda, puis régulièrement évoquée sans réelle concrétisation, la classe Suffren ne comprendra pas de tubes de lancement vertical (VLS) pour ses missiles de croisière ou ses missiles antinavires. Techniquement, une telle option aurait sans doute été réalisable, Naval Group la proposant d’ailleurs sur son design de SMX Ocean dérivé du Barracuda. Cependant, au-delà des coûts inhérent à un tel système, la question de la sécurité a sans doute refroidi les ardeurs de la Marine Nationale à ce sujet, puisque l’emplacement le plus probable pour un module VLS aurait été juste à l’avant du compartiment réacteur.

Au final, les Barracuda n’emporteront que 24 armes : 20 en soute et 4 en tubes, dans des proportions torpilles/missiles/mines aujourd’hui inconnues. Si la taille de la soute est doublée par rapport à celle des Rubis, elle reste cependant relativement réduite comparativement à d’autres sous-marins de tonnage plus réduit. Cependant, il semblerait que le volume de la soute à torpille soi suffisant pour un embarquement de munitions supplémentaires, pour peu que le système soit modifié afin de permettre une plus grande densité de stockage. De quoi offrir une certaine marge de manœuvre pour l’évolution future des bâtiments.

Le Barracuda à l’exportation

Le Suffren est le premier bâtiment d’une nouvelle classe de SNA qui prendra son nom au sein de la Marine Nationale. Néanmoins, le nom du programme dont il est issu est BARRACUDA qui, étrangement, ne semble pas être un acronyme contrairement à FREMM, FDI ou encore SCORPION. Barracuda est également le nom commercial utilisé par le concepteur et constructeur du navire, Naval Group, tant sur le marché français qu’international.

Shortfin Barracuda pumpjet Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
L’hélice carénée (pump-jet) est un des points forts du design Barracuda. Elle se retrouvera sur la classe Attack australienne, mais pourrait aussi être proposée par Naval Group pour les futurs sous-marins néerlandais et indiens.

En effet, si la France s’est engagée à ne pas exporter de technologies nucléaires militaires, la gigantesque expertise de Naval Group dans le domaine des sous-marins conventionnels et nucléaires a permis à ses ingénieurs de développer une variante à propulsion conventionnelle du Barracuda. Et même, techniquement, toute une famille de sous-marins conventionnels basés sur le Barracuda français, et dont certaines versions ont été exposés sous formes de concept-ship comme le SMX 3.0 ou le SMX Ocean.

Concevant ses navires et sous-marins de manière modulaire, Naval Group propose un haut degré de personnalisation à ses clients. Cela concerne également la propulsion des sous-marins, qui peut différer selon les usages et besoins opérationnels. Pour la haute vitesse sur de grandes distances, Naval Group proposera un large volume de batteries conventionnelles ou de nouvelle génération (Li-ion), rechargeables par moteurs diesel par exemple. Pour de longues patrouilles en plongée, mais à vitesse réduite, Naval Group proposera son module AIP de seconde génération.

Ainsi, les douze Shortfin Barracuda vendus à l’Australie devraient être équipés uniquement de batteries conventionnelles et non pas d’AIP (même si au moins une partie des bâtiments pourrait être équipée au final de batteries li-ion), l’Australie souhaitant privilégier la vitesse à la durée en plongée. Le modèle proposé aux Pays-Bas, initialement inspiré du SMX Ocean, pourrait comprendre un mix de batteries et d’AIP, permettant aux sous-marins de rejoindre rapidement leur zone d’opération aux Caraïbes, par exemple, où ils pourront alors naviguer à faible vitesse sous AIP.

Scorpene Riachuelo Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Le Riachuelo, premier Scorpène lancé au Brésil. Pour le moment, aucun Scorpène n’a été équipé de propulsion AIP, même si l’option existe et est intégrée sur les Agosta-90B pakistanais. Aujorud’hui, Naval Group propose une solution de seconde génération basée sur le reformage de l’huile diesel et assurant 18 jours d’autonomie sous-marine.

Les éventuels futurs succès à l’exportation de Naval Group devraient cependant aider à clarifier la gamme proposée l’industriel. Pour l’instant, elle s’articule autour du Scorpène d’environ 2000t et du Barracuda/Shortfin Barracuda d’environ 5000t. Les modèles proposés aux Pays-Bas et en Inde semblent reprendre le diamètre de coque, la disposition des senseurs et le propulseur du Barracuda, mais leur déplacement en plongée devrait se situer autour de 3500t. Viendront-ils alors constituer une gamme intermédiaire dans le catalogue de Naval Group ? Ou bien seront-ils la base de l’offre haute de l’industriel, le Shortfin Barracuda australien restant alors une exception liée à la géographie unique de ce pays ?

Conclusion

Quoi qu’il en soit, le dynamisme de Naval Group dans le secteur de l’exportation de sous-marins est sans aucun doute exemplaire en Europe. Aujourd’hui, l’industriel français reste encore au coude à coude avec l’Allemand TKMS, qui s’appuie sur le succès de son Type 209 pour proposer le nouveau Type 214 à l’exportation. Mais Naval Group, fort du haut niveau d’exigence des programmes de sous-marins nucléaires français, est désormais en mesure de proposer une gamme complète de sous-marins de haute performance éprouvés à la mer.

Mieux encore, le groupe français propose ces sous-marins à un rapport qualité/prix particulièrement impressionnant, d’autant plus que l’entreprise n’hésite pas à réaliser des transferts complets de technologies et de savoir-faire, comme on a pu le voir en Inde et en Australie. De quoi promettre encore de beaux succès à l’exportation dans les décennies à venir.

La Russie renforce son dispositif naval en Méditerranée orientale face à la Syrie

Hiers, un raid aérien, officiellement attribué au régime de Damas, a fait au moins 33 tués parmi les soldat turcs, entrainant une réponse rapide d’Ankara, ainsi que la réunion en urgence des ambassadeurs des 29 pays membres de l’OTAN à la demande de la Turquie. Si Moscou semble engagée dans plusieurs initiatives visant à la désescalade, rien n’indique que le Kremlin soit prêt à retenir son allié concernant la reprise de la ville d’Idlib, de même qu’une éventuelle diminution du soutien aérien des forces syrienne.

C’est donc sans surprise que l’on apprend aujourd’hui, par un communiqué de l’Agence Tass, que les deux frégates de la classe Grigorovich Admiral Makarov et Admiral Grigorovich, ont été déployées en Méditerranée orientale, au large de la Syrie. Elles rejoignent donc la frégate Admiral Essen, de la même classe, présente sur place, ainsi que probablement un ou deux sous-marins Kilo ou Antey.

Tir dun missile de croisiere Kalibr a partir dune corvette de la Marine russe Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Le missile Kalibr est un missile de croisière doté d’une portée de 2500 km

Entrées en service entre 2016 et 2017, les 3 navires de la classe Admiral Grigorovich, identifiées par le projet 11356 P/M et par la désignation Krivak IV pour l’OTAN, sont des frégates légères jaugeant 4000 tonnes en charge pour 125 mètres de long. L’armement principal se compose d’un canon de 100 mm A-190 Arsenal, de 24 silos pour missiles anti-aériens 9M317M (système TOR M1) à courte portée, ainsi que 8 silos UKSK pour missiles Kalibr ou Onyx. Contrairement aux frégates Krivak précédentes, les Grigorovich ne sont pas spécialisées dans la lutte anti-sous-marine.

Moscou dispose donc d’une trentaine de missiles Kalibr (24 sur les frégates ainsi que ceux présents sur les sous-marins) en Méditerranée orientale, capables de frapper les forces turcs avec un préavis très court. En outre, en l’absence de protection assurée par les batteries Patriot de l’OTAN, les capacités de défense anti-aériennes rapprochées des forces turques sont faibles, et ne peuvent reposer que sur l’engagement de chasseurs F16 et F4, naturellement exposés aux deux batteries S-400 déployées par la Russie à Hmeimim et Tartous.

Batterie du systeme S400 mise en oeuvre par les forces russes composee de 2 lanceurs et dun radar Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Les forces russes déployées en Syrie sont protégées par deux batteries S-400 et une batterie S-300PMU épaulées par des systèmes TOR M1/M2 et Pantsir S2.

Il apparait donc que les autorités russes positionnent leurs forces de sorte à disposer d’atouts perceptibles dans les négociations difficiles qui s’annoncent avec Ankara. Le président Erdogan ne peut, dès lors, qu’espérer un renforcement de l’OTAN et la mise en place d’une zone d’interdiction aérienne au dessus du nord de la Syrie, pour équilibrer le rapport de force, et donc espérer obtenir une marche arrière du Kremlin. La menace de l’ouverture du flux des migrants sur l’Europe, à nouveau brandit par Ankara, en dit long sur l’enthousiasme des européens à venir assister leur allié turc, dans une situation qu’il a cependant lui même créé. Mais peut-on, et même doit-on, encore parler d’alliance eu égard à la situation ?

En adaptant le missile hypersonique Kinzhal au Su-57, Moscou ouvre de nombreuses opportunités

Déjà évoquée il y a plus d’un an, le developpement d’une version aux dimensions réduites du missile hypersonique balistique Kh-47M2 Kinzhal pour être emportée dans les soutes de l’avion de combat de nouvelle génération russe Su-57, semble avoir, comme pour le 3M22 Tzirkon, franchit un nouveau pas ces dernières semaines. En effet, selon un article de l’agence TASS, le prototype de ce nouveau missile aurait bel et bien était achevé, ouvrant la voie aux tests d’intégration et de mise en oeuvre. Or, un « mini-Kinzhal », mis en oeuvre par le Su-57 étendrait sensiblement les opportunités opérationnelles mais aussi commerciales de la Russie dans les années à venir.

Nous avons largement traité du missile Kh-47M2 Kinzhal et de ses points forts sur Meta-Défense. Rappelons toutefois que ce missile, apparut pour la première sous les ailes d’un Mig31 spécialement modifié en avril 2018, permet d’atteindre des cibles distantes de 2000 km à une vitesse hypersonique évaluée supérieure à Mach 9, tout en conservant une trajectoire balistique et des capacités de manoeuvre importantes, rendant le missile impossible à intercepter par les systèmes anti-missiles actuels, comme le THAAD, le Patriot PAC-3 ou le SM3, tous de facture américaine. Capable d’emporter une charge explosive conventionnelle ou nucléaire, le Kinzhal constitue dés lors un système d’arme redoutable pour frapper les points vitaux d’un adversaire dans la profondeur, comme ses noeuds logistiques, ses postes de commandement, voir ses infrastructures civiles et politiques stratégiques, comme les centrales électriques, les barrages ou les ministères.

Mig31 des forces aeriennes russes equipe du missile hypersonique Kinjhal Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Il faut un Mig31 pour mettre en oeuvre les 7,4 m et les 4 tonnes du missile Kh-47M2 Kinzhal aujourd’hui

Mais si le Kinzhal traditionnel s’avère redoutable pour frapper des cibles stratégiques, une version allégée mise en oeuvre par le Su-57 s’avèrerait tout aussi dangereux contre des cibles d’opportunité à l’échelle tactique. En effet, de part sa furtivité, ses senseurs intégrés, sa capacité à interagir avec le drone S-70 Okhotnik B, et son grand rayon d’action, un Su-57 transportant 2 mini-kinzhal aurait la possibilité de frapper, dans des délais très courts, et tout en restant hors de portée d’une riposte adverse, des cibles transitoires, comme des relais de communication mobile, des batteries d’artillerie ou de défense anti-aérienne, voir les navires de combat, hors de portée d’une action planifiée menée par le binôme Mig-31 Kinzhal.

Les performances de ce mini-kinzhal sont encore inconnues. Les baies d’armement du Su-57 étant longues de 4,7 m pour un peu plus d’un mètre de large, le Kh-47M2, estimé à 7,4 mètres de longueur, devra évidemment subir une importante réduction de ses dimensions, comme de ses capacités, pour pouvoir s’y intégrer. Il est donc probable que la portée de ce nouveau missile sera très sensiblement plus faible que celle du missile original. Mais même si cette portée devait être ramenée à 500 km, elle permettrait toujours au Su-57 de faire feu à une distance suffisante pour éviter la détection. En revanche, ces dimensions réduites entraveront également les capacités concernant la charge militaire, pouvant possiblement empêcher la mise en oeuvre d’une tête nucléaire.

Su 57 et S70 Okhotnik B Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Pour peu que les dimensions des baies d’armement du S-70 Okhotnik soient identiques à celle du Su-57, les capacités opérationnelles offertes par le mini-kinzhal seraient encore plus importantes

En outre, un tel missile, de part son invulnérabilité potentielle aux systèmes anti-missiles modernes, pourrait également représenter un sérieux argument de vente pour le Su-57, tant sur la scène intérieure qu’extérieure. Ainsi, nonobstant le developpement d’une version réduite aéroportée du missiles anti-navire hypersonique Tzirkon déjà évoqué, l’utilisation d’un mini-kinzhal et/ou d’un mini-tzirkon à partir du Su-57 permettrait aux forces aéronavales russes de faire peser un niveau de menace sans précédant contre les navires adverses, renforçant de fait la bulle de déni d’accès autours des côtes ou des forces navales russes. En matière d’exportation, il pourrait également susciter un regain d’intérêt pour les clients de l’industrie aéronautique russe qui souhaiteraient renforcer leurs propres capacités, comme l’Inde, l’Algérie, l’Egypte ou le Vietnam, même si, dans ce cas, la portée du missile devra être limitée pour respecter les traités internationaux.

Pour l’heure, il conviendra d’attendre pour en savoir plus sur les performances exactes de ce nouveau missile, mais également sur son planning de production et sa disponibilité, ou non, sur le marché international, avant de tirer des conclusions. Toutefois, s’il respecte les grandes lignes extrapolées ici, il pourrait, effectivement, représenter un nouvel atout dans les mains de la Russie dans la course aux armements actuelle.

Les Emirats Arabes Unis choisissent le pod de désignation Sniper pour la modernisation de leurs Mirage 2000-9

Lockheed Martin a annoncé hier avoir vendu un nombre non communiqué de pods de désignation laser Sniper Advanced aux Émirats Arabes Unis afin d’en équiper la flotte de Mirage 2000-9 émiratis. Déjà utilisé sur les F-16E/F Block 60 des EAU, le pod Sniper devrait intégrer le Mirage 2000-9, la version la plus évoluée de l’avion de Dassault, dans le cadre de son programme de modernisation.

Côté Français, la nouvelle doit sans doute décevoir Thales qui espérait placer sur le Mirage 2000-9 sa nouvelle nacelle de désignation TALIOS. En France, cette dernière doit en effet remplacer le pod DAMOCLES, qui équipe aujourd’hui les chasseurs français mais également les Mirage 2000-9 émiratis. De fait, DAMOCLES avait même été conçu spécifiquement en collaboration avec les EAU à partir de leurs propres besoins. Désignée localement SHEHAB et financée à 30% par les Émirats, DAMOCLES avait également été intégrée par la suite sur les Tornado et Typhoon saoudiens, confrontés à des besoins similaires à ceux des Émirats Arabes Unis.

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Le Pod Sniper équipe déjà de nombreuses forces aériennes, dont l’US Air Force. Ici, il est monté sous les ailes d’un A10 Thunderbolt II

Par rapport au DAMOCLES, optimisé pour la frappe à longue distance, le pod TALIOS doit introduire des capacités accrues d’identification à courte portée jour/nuit, lui permettant alors de concurrencer le Sniper américain sur son terrain tout en conservant des capacités remarquables à longue distance. En conservant les capacités développées à la base pour les EAU et en élargissant ses performances, Thales pouvait légitimement s’attendre à une commande de TALIOS dans le cadre de la modernisation des Mirage.

Malgré toutes les qualités de TALIOS, les Emirats semblent néanmoins avoir choisi d’optimiser leur logistique avec un unique modèle de pod de désignation laser pour l’ensemble de sa flotte modernisée de F-16 et Mirage 2000. Au-delà des aspects logistiques, toutefois, l’installation de pods Sniper sur le Mirage 2000-9 émirati, après son intégration sur les Rafale du Qatar, montre le changement doctrinal opéré par les forces aériennes régionales, qui troquent des capacités de frappe d’interdiction lointaine contre des moyens de soutien aérien rapproché, mieux adaptés à leurs nouvelles opérations extérieures sur les théâtres libyen et yéménite notamment.

En effet, la particularité du pod DAMOCLES équipant l’Arabie Saoudite et les EAU est d’être équipé de caméras infrarouges particulièrement bien adaptées à un emploi en milieu désertique, par tous les temps, et à très longue distance. Une solution idéale pour frapper vite, loin, et discrètement, y compris à grande distance derrière les lignes ennemies, à partir d’armes de longue allonge comme les bombes planantes Al-Tariq emportées par les Mirage 2000-9. Le pod Sniper américain est, lui, équipé d’une caméra de haute résolution à capteur photographique, qui lui permet de voir des objectifs situés à courte distance avec une bien meilleure précision qu’une caméra infrarouge. Mais un tel dispositif est théoriquement moins efficace à longue distance, surtout de nuit ou par mauvais temps, là où DAMOCLES et TALIOS sont particulièrement efficaces pour les tirs stand-off contre des cibles défendues, terrestres ou navales.

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Le Pod TALIOS de Thales offre une vision très précise des cibles, à courte comme à longue distance, de jour comme de nuit.

De facto, le pod Sniper est plutôt destiné à un usage de soutien aérien aux troupes au sol, puisqu’il permet de très bien distinguer les troupes alliées des troupes ennemies lorsque les belligérants sont au contact. Une utilisation qui n’était pas spécialement envisagée lors de l’acquisition des Mirage 2000-9, mais qui est aujourd’hui essentielle tant en Libye qu’au Yémen. Qu’il s’agisse de l’intégration sous Rafale qataris ou sous Mirage 2000-9 émiratis, le pod Sniper démontre aujourd’hui chez les pays du Golfe une volonté de maîtriser les opérations de soutien aérien rapproché et de contre-insurrection, ainsi sans doute qu’une envie de limiter au mieux les victimes collatérales, suite à certains bombardement dramatiques au Yémen notamment.

De plus, il faut bien voir que le Sniper Advanced améliore substantiellement les capacités du Sniper en basse luminosité et à longue distance, réduisant l’écart avec le TALIOS français. Enfin, disposer d’un même pod pour tous les F-16 et Mirage de la flotte permettra, au-delà de la simplification logistique, une homogénéité dans les performances offertes en mission, quel que soit l’avion déployé.

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Rafale équipé du pod TALIOS

A ces raisons opérationnelles et logistiques doit également s’ajouter la question du prix. Avec plus de mille pods livrés, Lockheed Martin est capable d’offrir un coût unitaire bien plus faible que Thales, dont la production du TALIOS débute à peine. Toutefois, il reste encore possible que les EAU décident d’acquérir un petit nombre de nacelles de désignation TALIOS en complément des Sniper Advanced. Les pods français seraient alors réservés aux opérations d’interdiction jour/nuit, à l’instar des DAMOCLES, permettant à a force aérienne émirati de conserver une capacité de frappe à longue distance contre un ennemi bien défendu, l’Iran pour ne pas le citer.

Avec une diversification des missions effectuées par ses Mirage et F-16, il n’y aurait en effet rien d’étonnant à voir une diversification des équipements et une spécialisation des pods en fonction des missions. Comparativement à ce qui peut se faire sur le F-35, avec son système de désignation intégré, c’est là d’ailleurs tout l’intérêt des pods externes : il est possible de les intervertir en fonction des besoins de la mission afin de toujours avoir le système d’arme le mieux adapté à la situation tactique.

La Turquie en passe d’achever la modernisation du premier sous-marin Agosta-90B pakistanais, malgré l’opposition française

Ces derniers jours, la presse turque et pakistanaise est revenue sur le programme de modernisation des sous-marins pakistanais de type Agosta-90B en cours de refonte en Turquie. La société turque STM, en charge de la refonte du premier bâtiment, aurait ainsi affirmé qu’un premier Agosta-90B modernisé serait lancé d’ici la fin du mois « malgré les sanctions et restrictions » imposées par la France.

La déclaration ne précise cependant pas si ses sanctions et restrictions sont imposées par les autorités françaises ou par Naval Group, le constructeur des Agosta, ni si elles s’exercent sur le client final (le Pakistan) ou sur les industriels turcs en charge de la modernisation. Quoi qu’il en soit, il n’y a cependant rien de bien surprenant à constater le divorce effectué entre Naval Group et la France d’une part et la marine pakistanaise d’autre part. L’attentat de 2002 à Karachi contre les employés de DCN (aujourd’hui Naval Group) avait jeté un froid irrémédiable entre les autorités des deux pays. La vente ultérieure en Inde de sous-marins Scorpène, plus modernes que les Agosta, avait finalement marqué la transition stratégique régionale de Naval Group, qui ne souhaite plus vraiment faire affaire avec Islamabad au-delà des obligations en cours.

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Avec une électronique très moderne et une propulsion MESMA, les sous-marins Agosta B vendus par la France au Pakistan constituaient au début des années 2000 une force sous-marine de premier ordre.

Pour la marine pakistanaise, néanmoins, cette situation n’a fait qu’accélérer le vieillissement de sa flotte de sous-marins, notamment ses deux derniers vieux Agosta-70 qui devraient être prochainement remplacés par des Type-039 récemment vendus par la Chine. Les trois Agosta-90B, cependant, malgré un design de base assez ancien, conservent encore aujourd’hui un excellent potentiel, notamment grâce à leur propulsion AIP leur permettant d’effectuer de longues patrouilles en plongée à vitesse réduite silencieuse. Néanmoins, fabriqués sous-licence localement au début des années 2000, les Agosta-90B commencent à accuser leur âge, notamment sur leurs composants électroniques, leurs capteurs et leur système de combat. Il a donc été décidé en 2016 de procéder à leur modernisation en Turquie, puisque les chantiers locaux s’en voyaient incapables sans l’assistance de Naval Group.

Cette modernisation devrait comprendre le remplacement de la suite sonar, du système de navigation et de contrôle du bâtiment, des périscopes, du mât radar ainsi que de la suite d’écoute électronique. Des contremesures acoustiques devraient également être ajoutées aux bâtiments. Si STM se charge du chantier de modernisation, les principaux équipements électroniques, dont la suite sonar, seront fournis par HAVELSAN. Pour l’instant, un seul bâtiment est en cours de modernisation, mais les trois Agosta-90B devraient à terme être concernés afin de leur permettre d’opérer de concert avec les premiers Type-039 livrés par la Chine.

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C’est le turc STM qui procède à la modernisation des Agosta B pakistanais

Pour le Pakistan, confier la refonte des Agosta à la Turquie présente plusieurs avantages :

  • Une modernisation à coût réduit : de par leur implication dans la construction sous licence de sous-marins allemands au profit de la marine turque, les industriels locaux disposent d’une bonne connaissance des systèmes et procédures en place dans les chantiers navals occidentaux, tout en disposant d’une main d’œuvre meilleur marché qu’en Europe de l’Ouest.
  • Un renforcement des liens diplomatiques et commerciaux avec la Turquie : en quelques années, la Turquie s’est imposé comme un allié de poids pour de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Asie, cherchant à se construire un statut de puissance régionale. Dans ce contexte, le Pakistan est vite apparu comme un allié stratégique, notamment sur les programmes militaires qui offrent régulièrement à l’industrie turque des débouchés à l’exportation. Dans le secteur naval, outre la modernisation des sous-marins, la Turquie a aussi fourni quatre corvettes Jinnah au Pakistan.
  • Eviter de relancer le scandale de l’affaire Karachi : en confiant la refonte des Agosta à la Turquie, plutôt qu’à un industriel européen lié à Naval Group ou concurrent direct de ce dernier (Fincantieri, Navantia, Damen, etc.), le Pakistan conserve une certaine distance qui évite de raviver la flamme du scandale politique lié au drame de l’attentat de Karachi.
  • Conserver une certaine discrétion : les Agosta-90B pakistanais sont a priori à même de mettre en oeuvre des missiles de croisière dotés de têtes nucléaires. Si l’on sait que la France, l’Allemagne ou les pays nordiques refuseraient sans aucun doute de moderniser un outil de dissuasion pakistanais, il semble entendu que la Turquie ne présente pas les mêmes réticences.
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Le Pakistan a acquis la corvette Ada auprés de la Turquie pour moderniser et renforcer sa flotte de surface

L’opération de refonte des Agosta présente également de sérieux avantages pour l’industrie turque, qui cherche à se renforcer aussi bien sur son marché intérieur qu’à l’exportation. De plus, le rayonnement de l’industrie de défense nationale est de plus au cœur de la stratégie régionale de la diplomatie turque.

  • En premier lieu, un tel chantier participe à la volonté turque d’acquérir de l’expérience industrielle. Pour le moment, les chantiers navals et sous-traitants turcs fondent leur expérience en matière de sous-marins sur l’assemblage et la construction sous licence de sous-marins allemands destinés à la marine turque (2 Type 209-1200, 8 Type 209-1400T1, et 6 Type 214 en cours de construction). Cela leur a déjà permis de moderniser les Type 209 les plus anciens, mais aussi de disposer des connaissances nécessaires pour concevoir leur propre design local, le MILDEN, qui devrait prendre la suite des Type 214.
  • Ensuite, la refonte d’Agosta datant du milieu des années 2000 devrait offrir à l’industrie turque une opportunité unique de récupérer des informations sur la conception des systèmes sous-marins français relativement modernes, notamment le module AIP de première génération. Sans que cela ne révèle grand-chose sur l’état de l’art actuel chez Naval Group, cela pourrait offrir à l’industrie turque une expérience complémentaire, venant s’ajouter aux transferts de technologies allemandes.

A court terme, la Turquie et STM souhaitent se positionner en leader de la refonte des sous-marins de type 209, probablement à partir des mêmes sous-systèmes que ceux qui sont intégrés sur les Agosta-90B. A plus long terme, Ankara pourrait proposer son design national à nombre de ses alliés et clients, comme le Pakistan mais aussi certains pays du Golfe. Cela ne sera cependant pas une partie de plaisir, puisque les sanctions actuelles imposées par l’Allemagne pourraient bloquer durablement le programme MILDEN, basé en partie sur des technologies dérivées du Type 214. Pire encore, le temps que l’industrie locale soit mature sur cette question, de nombreux autres acteurs historiques (Naval Group, TKMS, Rubin) ou émergents (Chine, Navantia, Hyundai) auront eu le temps de se positionner, parfois avec des produits bons marchés, comme les Type-039 chinois.

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L’acquisition de sous-marins à propulsion anaérobies Type 039 chinois permettra à la marine Pakistanaise de rester au contact de la Marine Indienne et de ses Kalvari.

Dans tous les cas, il n’est jamais bon pour l’industrie européenne de voir émerger de nouveaux acteurs capables de jouer sur son propre terrain. De quoi ajouter de l’eau au moulin de Hervé Guillou, patron de Naval Group sur le départ, qui rappelait récemment sa volonté de développer un Airbus Naval, une idée intéressante sur le papier mais qui soulève certaines critiques néanmoins.

Premier test du missile hypersonique Tzirkon à partir d’une frégate russe

Parmi les systèmes d’arme modernes en cours de developpement en Russie, le missile anti-navire hypersonique 3M22 Tzikon est probablement l’un des plus susceptibles d’engendrer un basculement technologique à long terme. Donné pour atteindre les 1000 km, le missile évoluerait à Mach 9, ce qui le met virtuellement hors de porté de tous les systèmes anti-missiles existants aujourd’hui qui protégent les bâtiments des marines occidentales. Le programme vient de franchir un grand pas, puisque selon l’agence TASS, la Marine Russe aurait procédé aux premiers tirs de 2 de ces missiles à partir d’un navire, en l’occurrence la nouvelle frégate Admiral Gorshkov.

Le test, portant sur deux missiles tirés contre des cibles à terre, aurait eu lieu au cours du mois de janvier, en mer de Barentz. Le missile aurait, à cette occasion, montré son potentiel à atteindre des cibles éloignées de plus de 500 km. Selon les autorités militaires interrogées par l’agence officielle russe, la prochaine étape consistera à tester le missile à partir d’un sous-marin nucléaire, avant une entrée en service qui devrait intervenir entre la fin de 2020 et le début de 2021.

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Le test du missile 3M22 Tzirkon a été effectué en janvier par la frégate Admiral Gorshkov première unité de la classe du même nom commandée à 8 exemplaires par la Marine Russe

Si l’on ne doute que peu de la vitesse ou de la portée du missile, de nombreux experts restent dubitatifs quand aux technologies employées par les ingénieurs russes concernant son guidage, et notamment sa capacité à frapper des cibles mobiles. En effet, à de telles vitesses, l’échauffement généré sur les zones de friction atmosphérique du missile, et notamment sur le radôme sensé protéger les systèmes de guidage à l’avant du missile, est tel qu’il nécessite des matériaux particulièrement résistants. Or, en général, plus un matériaux est résistant à ces fortes chaleurs, moins il est perméable aux ondes radars, empêchant de fait l’utilisation d’un autodirecteur de ce type. Quand aux fortes chaleurs, elles empêchent naturellement d’utiliser un système de guidage optique ou infrarouge. Et le test effectué en janvier, qui visait des cibles terrestres immobiles, ne permet évidemment pas de lever cette interrogation.

Mais en Russie, en Chine et aux Etats-Unis, la recherche en matière de matériaux et de systèmes de guidage a largement progressé ces dernières années. Ainsi, selon les autorités chinoises, les missiles balistiques anti-navires à longue portée DF-21D et DF26, pouvant atteindre des cibles à 1500 km et 4500 km, et présentés comme un « carrier Killer », un tueur de porte-avions, utilisent un guidage par realignement des coordonnées de frappe via un satellite d’observation. En procédant ainsi, les données de localisation et de visée arrivant en secteur arrière pour le missile, les effets de la température et de la friction de l’air générant du plasma sont atténués, permettant, du moins en théorie de guider le missile.

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Les destroyers et frégates occidentaux, comme ici la frégate horizon Forbin de la Marine Nationale, n’ont pas de missiles capables d’intercepter des armes hypersoniques qui évoluent à Mach 9 comme le Tzirkon

Reste que, pour l’heure, il subsiste de nombreuses questions sur les capacités réelles de ce missile 3M22 Tzirkon. Mais les récentes déclarations russes en matière de technologies de rupture, que ce soit au sujet du missile hypersonique aéroporté Kh-47M2 Kinzhal, de la torpille stratégique Status-6, ou du missile de croisière à propulsion « nucléaire » 9M723 Burevestnik, et dont on connait, au moins en partie, l’état d’avancement des programmes, ne permettent pas de privilégier la thèse de la désinformation. Or, le missile Tzirkon, s’il respecte ses performances annoncées et de part sa capacité à être mis en oeuvre à partir des silos verticaux standards qui équipent déjà les frégates et corvettes russes de dernière génération, comme à partir des sous-marins nucléaires ou non, fera peser incontestablement une menace sans commune mesure dans l’histoire récente sur les flottes occidentales, notamment celles de l’OTAN.

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Le système anti-aérien à longue portée S400 représente un des principaux composants de La Défense anti-aérienne multicouche russe créée pour neutraliser la puissance aérienne de l’OTAN

A l’instar de sa puissance aérienne, la puissance navale de l’OTAN est en effet, numériquement et téchnologiquement, très supérieure à celle de Moscou. Avec le Tzirkon, mais également avec les autres missiles anti-navires comme le P800 Onyx, la flotte russe parvient, si pas à prendre l’avantage, en tout cas à neutraliser cette puissance navale, comme La Défense anti-aérienne multicouche parvient à neutraliser la puissance aérienne occidentale. Ce nouveau système permet donc à l’Etat-Major du général Gerazimov d’étendre sa doctrine visant à neutraliser les forces et exploiter les faiblesses de l’OTAN au volet naval, alors qu’il dispose déjà d’un net avantage numérique sur le plan terrestre, et que la puissance aérienne de l’alliance, qui représente 80% de sa puissance de feu, est neutralisée. Reste à voir combien de temps Moscou, qui fait face à de sévères difficultés financières notamment avec un baril de pétrole à moins de 55$, pourra maintenir cet effort, pour préserver cet avantage dans la durée sans l’aide de la Chine.

La futur hélicoptère de reconnaissance et d’attaque américain est parmi ces 5 modèles

En 1982, en pleine guerre froide, le Pentagone décida de lancer la conception d’un nouvel hélicoptère de reconnaissance et d’attaque léger destiné à remplacer les OH-58 Kiowa de l’US Army, mais également les AH-1 Cobra du Marines Corps, et nombre de UH-1 Huey armés, équipants les 3 armées. Ce fut le programme RAH-66 Comanche confié à Boeing et Sikorsky. Initialement prévu pour être produit à 6000 exemplaires, cet appareil révolutionnaire et furtif, vit sa cible se réduire comme peau de chagrin avec l’effondrement du bloc soviétique, pour finalement ne viser que 600 exemplaires début 2000. Les retards, impasses technologiques et les ambitions excessives eurent finalement raison du programme, qui fut abandonné en 2006, non sans avoir déjà couté plus de 14 Milliard de $.

Outre la perte financière, les armées américaines se retrouvaient surtout sans solution pour remplacer leur flotte d’appareils datant, pour beaucoup, du Vietnam ou du début des années 70. Mais les tensions budgétaires, et le manque de besoin pour ce type d’appareils dans les conflits asymétriques comme en Afghanistan et en Irak, entraina des reports successifs dans le lancement d’un programme de remplacement. Finalement, en 2014, les derniers OH-58 Kiowa furent retirés du service, sans avoir de remplaçant. Et c’est évidemment à ce moment que les tensions mondiales, notamment avec la Russie suite à l’annexion de la Crimée, et la Chine suite à la main mise sur la mer de Chine, débutèrent, et que ces deux pays accélérèrent, tout au moins publiquement, la reconstruction et la modernisation de leurs forces.

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Le programme Comanche fut abandonné après plus de 20 ans et 14Md$ dépensés

Pour y répondre, l’US Army s’engagea dans un programme de refonte technologique globale, inspiré du programme « Big 5 » du début des années 70 qui donna naissance aux équipements qui donnèrent aux forces américaines leur ascendant technologique pendant plus de 30 années : Le véhicule de combat Bradley, le char Abrams, le canon automoteur Paladin ou encore l’hélicoptère de manoeuvre Black Hawk. Ce nouveau programme, désigné par le nom « Big 6 », porte notamment sur la modernisation non incrémentale de la flotte d’hélicoptères de l’US Army, le programme « Futur Vertical Lift ». Initialement, ce programme devait donner la priorité aux appareils destinés à remplacer les Black Hawk, et deux hélicoptèristes américains, Sikorsky et Bell, s’engagèrent dans la conception de deux appareils aux caractéristiques sans commune mesure avec les appareils existants, que ce soit en terme d’architecture comme de performances : le Bell V-280 Valor et le Sikorsky SB-1 Defiant.

Mais avec l’augmentation des risques d’engagements contre des adversaires hautement technologiques, le besoin d’un appareil pour assurer les missions de reconnaissance et d’attaque devint de plus en plus pressant, et en 2018, le Pentagone décida d’avancer le lancement d’un second programme dans le cadre du FVL, le programme FARA pour Futur Attack and Reconnaissance Aircraft. Après une première sélection qui vit notamment le X-2 d’Airbus Helicopter être éliminé sur des motifs bien peu convaincants, l’US Futur Command, en charge des programmes Big 6, sélectionna 5 propositions industrielles pour présenter leur modèle, tout au moins sur le papier. A quelques semaines de la désignation des deux finalistes qui devront présenter un démonstrateur d’ici 2023 et s’engager à livrer les premiers appareils avant 2028, faisons un tour d’horizon des propositions technologiques connues.

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Le Bell V280 Valor participe à la competition FLRAA pour remplacer les UH60 Black Hawk

Les objectifs du programme FARA

Le programme FARA, comme tous les programmes du super programme BIG 6, n’a pas pour objet de faire de l’évolution « incrémentale », mais bel et bien d’apporter simultanément de nouveaux appareils et de nouvelles capacités et doctrines d’emploi, pour être en mesure de s’imposer sur le champs de bataille de demain. La vitesse a été identifiée comme le critère essentiel du programme, avec l’objectif d’atteindre une vitesse de croisière de 180 noeuds, mais avec l’ambition de dépasser les 200 noeuds, soit plus de 360 km/h. La vitesse permet en effet de reduire le temps d’exposition et donc la vulnérabilité des appareils aux défenses adverses, et permet de conserver une très grande réactivité même lorsque les appareils opèrent à partir d’une base éloignée de la ligne d’engagement, afin de se préserver des frappes d’artillerie ou de roquettes adverses. Conséquence induite, le rayon d’action et l’autonomie de l’appareil doivent être adaptés à cet usage.

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Les derniers OH-58 Kiowa ont quitté le service actif en 2015 dans l’US Army

La furtivité n’a pas été retenue comme un facteur clé. En effet, un hélicoptère tire sa furtivité principalement de l’exploitation du masquage terrain, et non d’une réduction de son image radar ou infrarouge. En revanche, l’appareil devra disposer d’importants moyens de détection et de communication, afin de remplir sa mission de reconnaissance armée. Enfin, et contrairement au Kiowa, le FARA sera armé bien au delà du symbolique. Il pourra ainsi mettre en oeuvre un canon de petit calibre, des roquettes guidées, et des missiles air-sol et air-air. A ce titre, les performances du FARA le positionneront à la croisée des chemins entre un hélicoptère de reconnaissance et un avion léger d’attaque, permettant à l’US Army de disposer de cette capacité qu’elle demande depuis plusieurs décennies.

Le Raider-X, l’aboutissement technologique de Sikorsky

Sikorsky est l’un des deux industriels à concourir simultanément pour le programme FARA et le programme FLRAA (Futur Long Range Assault Aircraft) destiné à remplacer les UH-60 Black Hawk. Mais c’est le seul à utiliser la même configuration dans les deux programmes. En effet, comme le SB-1 Defiant, le Raider-X reposer sur l’utilisation conjointe d’un rotor contra-rotatif et d’une hélice propulsive à la queue de l’appareil, offrant notamment de grandes capacités en matière d’accélération et de vitesses de pointe. Sikorsky développe cette configuration depuis 2008 avec le programme X2, puis avec le démonstrateur S-97 Raider, dont le Raider-X proposé est une version dérivée.

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Le Raider-X de Sikorsky est dérivé du démonstrateur S-97 Raider qui effectua son premier vol en 2015

Le Raider-X pourra ainsi, comme l’a montré le S-97, dépasser les 400 km/h en vitesse de croisière, soit le double de la vitesse d’un OH-58 qu’il doit remplacer. Son rayon d’action est lui plus que triplé, et le Raider-X est conçu pour emporter un nombre conséquent d’armements.

Le Bell 360 Invictus, entre conservatisme et stratégie économique

Le Bell 360 Invictus peut se définir comme l’anti-Raider-X. Bell est, comme Sikorsky, l’un des deux finalistes du programme FLRAA. Mais contrairement à ce dernier, la technologie employée sur le V-280, à savoir les rotors basculants, ne pouvait s’appliquer à un hélicoptère léger comme le programme FARA. Pour répondre à l’appel d’offre et se positionner, Bell a donc pris le parti de faire une contre-proposition, à savoir un appareil de conception très classique, avec un rotor sustentateur et un anti-couple caréné, et de porter cette configuration aux limites de performances qu’elle pourra atteindre, à savoir les 180 noeuds de vitesse de pointe. En contre-partie, Bell promet une offre imbattable en terme de prix d’acquisition et d’utilisation, ainsi qu’une réduction sans égale des risques technologiques, permettant de concentrer les développements dans des technologies numériques embarqués, et des effecteurs déportés comme des drones.

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Le Bell 360 Invictus repose sur des technologies éprouvées mais limitées, et ne pourra utiliser que les arguments du prix et des délais pour espérer d’imposer

L’offre de Bell est loin d’être dénuée d’intérêt. En effet, plutôt que de focaliser sur les performances de l’appareil maitre, il propose de faire porter les efforts sur des systèmes embarqués, plus facile à faire évoluer dans la durée, et donc plus performants à terme. Reste qu’évidemment, en dehors de l’argument prix immédiat, cette approche n’a rien d’exclusive, puisque rien n’empêcherait un autre appareil d’utiliser ces mêmes effecteurs, tout en profitant de performances structurelles supérieures. Mais alors que l’US Army, comme les autres branches du Pentagone, se bat pour réussir à financer tous ses programmes essentiels, largement du prix peut effectivement porter, d’autant que rien n’empêcherait, dans ces conditions, l’US Army de diviser le programme FARA en 2, avec une première commande « conservatoire » d’Invictus pour acquérir à nouveau la capacité de reconnaissance armée, rapidement et à moindre couts, tout en finançant le developpement d’un second appareil, destiné à opérer plus tard, mais avec des performances (et un cout) évidemment supérieur.

Boeing l’illusioniste

Boeing, qui reste aujourd’hui encore l’un des principaux fournisseurs d’hélicoptères de combat pour l’US Army avec l’AH-64 Apache et le CH-47 Chinook, a pris le parti de la grande discrétion. Début février, la firme de Seattle publia une vidéo particulièrement énigmatique qui permit, cependant, d’observer quelques caractéristiques de l’offre qui sera dévoilée début mars, selon la direction du groupe. L’appareil prendrait une configuration hybride entre un hélicoptère classique, avec un rotor principal systentateur et un anti couple, et le design de Sikorsky, avec une hélice propulsive, dans une structure qui n’est pas sans rappeler le design de l’Apache haute performance présenté il y a quelques années, et surtout le Cheyenne AH-56 de Lockheed du début de la fin des années 60.

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Pour l’heure, Boeing conserve le mystère sur son appareil, qui fut vaguement aperçu dans une video publiée mi-février

Cette configuration permettra sans le moindre doute de répondre aux attentes de l’US Air Force, toute en limitant les écueils technologiques. En conservant un voile de mystère autour de son modèle, Boeing concentre donc l’intérêt sur la configuration retenue. Mais il pourrait bien s’agir d’un tour de prestidigitation dont la firme à le secret. En effet, lors des deux grands contrats gagnés par l’entreprise, concernant le drone ravitailleur MQ-25 Stingray pour l’US Navy, et l’avion d’entraînement T-7 Red Hawk pour l’US Air Force, les arguments de Boeing ne furent pas technologiques, bien que les deux appareils soient évidemment performants, mais contractuels. Non seulement le leader américain aéronautique proposa un prix très attractif, mais des garantis contractuels sur le respect des délais et des prix, une pratique très peu répondue outre Atlantique jusque là, surtout dans le domaine militaire. Il y a fort à parier, donc, que cette fois encore, Boeing dégaine une offre particulièrement agressive, d’autant que ce contrat pourrait déterminer la pérennité de sa filière hélicoptère.

La vision inaboutie d’AVX

Les deux derniers concurrents du programme FARA, AVX et Kareem, sont considérés comme des challenger, même si les deux sociétés s’appuient sur des alliances fortes. En effet, ni l’une ni l’autre n’ont jamais conçu d’hélicoptere, à fortiori de combat, jusqu’à présent. D’autant que le modèle présenté par AVX, et soutenu par le géant L3 Harris, s’il se veut synthétique, cumule les difficultés technologiques. En effet, non seulement utilise-t-il un rotor contra-rotatif pour la sustentation et l’anti-couple, mais la propulsion est assurée par deux hélices carénées sous forme de fan de part et d’autre du fuselage. Cette configuration implique à la fois une conception délicate et couteuse, surtout pour une société n’ayant aucune experience dans le domaine, mais également un entretien particulièrement complexe.

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La configuration du modèle AVX cumule les difficultés tehcnologiques, en s’appuyant sur un rotor contra-rotatif et deux hélices propulsives carénées

On peu d’ailleurs s’interroger, en voyant le modèle d’AVX, sur les raisons qui amenèrent le Pentagone à éliminer Airbus Helicopter et son E-Racer. D’une simplicité déconcertante, l’appareil dispose en effet d’un rotor principal simple de sustentation, et de deux hélices propulsives, assurant également l’anti-couple par le différentiel qu’elles exercent, et dont la puissance est directement prélevée sur les turbines. L’appareil atteint ainsi sans difficulté les 180 noeuds, avec un ticket d’entrée technologique et budgétaire particulièrement bas. Ceci dit, que le Pentagone ne choisisse pas ce modèle n’est pas moins surprenant que le manque d’intérêt des militaires européens à son sujet…

L’AR-40 de Kareem, une rupture technologique de trop ?

Si le modèle d’AVX pêche de par sa complexité excessive, ce n’est rien vis-à-vis de l’AR-40 de Kareem. La société du concepteur du drone Predator, par ailleurs soutenue par Northrop Grumman et Raytheon, propose en effet un appareil associant la désormais classique hélice propulsive avec un rotor « simple », mais sans adjonction ni d’un anti-couple comme pour Boeing, ni d’un différentiel propulsif comme pour Airbus. En effet, l’anti-couple serait géré directement dans le rotor principal par une gestion différenciée des pales.

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la solutions technologique préconisée par l’AR-40 de Kareem n’a pas encore été testée et démontrée. Elle à très peu de chose d’être retenue par l’US Army dans le cadre du programme FARA

Cette configuration, jamais expérimentée, a peu de chance d’être retenue par l’US Army, tant le risque d’impasse technologique est élevé, et tant les couts d’acquisition comme de maintenance risquent d’être inacceptables. Il est possible, en revanche, qu’un tel programme puisse intéresser le Pentagone et la Darpa, sous la forme d’un démonstrateur, pour en étudier la faisabilité effective.

Conclusion

Alors que les deux finalistes de la compétition FARA doivent être annoncés durant le mois de mars 2020, il apparait désormais probable qu’ils seront sélectionnés parmi les 3 grands hélicopteristes américains, à savoir, Bell, Boeing et Sikorsky. La proposition de Bell n’a d’intérêt que dans un cadre budgétaire très contraint, et pourrait être considérée indépendamment du programme FARA lui-même par l’US Army comme une solution d’attente à moindre cout, alors que la décision se jouerait entre le Raider X de Sikorsky et le mystérieux modèle de Boeing, l’un comme l’autre jouant gros dans cette compétition.

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L’E-Racer d’Airbus helicopter, éliminé par le Pentagone, offrait pourtant une approche technologique à la fois élégante, performante, économique et éprouvée.

Reste qu’avec le programme FLRAA, le programme FARA a permis aux industriels US de faire un bilan technologique à date particulièrement impressionnant, avec une vision des programmes à venir encore loin des considérations européennes. En effet, pour l’heure, sur le vieux continent, les programmes à venir continuent de s’articuler autour de configurations classiques, et avec des performances, si elles sont optimisées, loin d’être au niveau de celles attendues par les appareils américains, alors que, concomitamment, les technologies permettant d’y parvenir existent belle et bien en Europe.

La France devrait enfin recevoir des hélicoptères lourds Chinook

C’est une nouvelle que l’on n’espérait plus, même si le terrain avait été récemment préparé pour une telle annonce : la France devrait enfin s’équiper d’hélicoptères de transport lourds CH-47 Chinook. Ces derniers seraient opérés par l’Armée de l’Air et non pas par l’Armée de Terre, cette dernière ayant en effet récemment rejeté une telle opportunité par la voix du général Bertrand Vallette d’Osia, le patron de l’ALAT (Aviation Légère de l’Armée de Terre).

Dans un premier temps, d’après FlightGlobal qui a révélé la nouvelle, deux Chinook CH-47F pourraient être loués par l’Armée de l’Air, permettant à la fois de répondre à certains besoins urgents en opérations et de tester le concept opérationnel autour de l’emploi de ces nouveaux aéronefs. L’achat d’une flotte dédiée pourrait par la suite être inscrite dans la prochaine Loi de Programmation Militaire après 2025. Dans le cadre de cette nouvelle LPM, l’Armée de l’Air demanderait également une modernisation à un Standard 2 à définir d’au moins une dizaine de H225M Caracal, son plus lourd hélicoptère actuel.

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Les Chinook britanniques sont régulièrement déployés en appui des opérations françaises au Sahel. L’acquisition d’une capacité en propre apparaît comme une évidence depuis près de 20 ans, mais n’a jamais été prioritaire par rapport à d’autres véhicules moins spécialisés, comme le futur H160M Guépard

Le besoin en hélicoptères lourds pour les forces françaises est connu depuis longtemps, mais a récemment été mis en lumière lors des opérations dans la bande sahélo-saharienne. Pour l’opération Barkhane, les hélicoptères Chinook des alliés européens sont aujourd’hui considérés comme essentiels à la conduite des opérations, disposant même d’une couverture régulière sur le site du Ministère des Armées. La situation est si critique que le maintien au Sahel de trois Chinook britanniques et l’arrivée de deux AW101 danois ont été au centre de tous les débats pendant plusieurs mois.

Il faut dire qu’une poignée seulement d’hélicoptères lourds permettent de réaliser de nombreuses tâches logistiques, que ce soit pour transporter des troupes sur un théâtre grand comme dix fois la France ou pour ravitailler véhicules terrestres et autres hélicoptères sans déployer de plot logistique dédié. En somme, le Chinook offre des capacités semblables à celles des avions CASA opérés par l’Armée de l’Air, mais avec toute la souplesse tactique d’un hélicoptère. Sans eux, l’Armée de Terre est contrainte de déléguer une part importante de ses moyens héliportés à des tâches de logistique plutôt qu’aux opérations offensives elles-mêmes. Dès lors, l’hélicoptère lourd répond parfaitement, sur ce type de terrain, à la définition du multiplicateur de force.

CH47 Mali Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Soldats français se préparant à embarquer à bord d’un Chinook au Mali. L’hélicoptère fait déjà parti du paysage militaire français, et il ne devrait pas y avoir de blocage particulier lors de la phase de tests conduite avec deux appareils loués.

Alors que l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne ou encore les Pays-Bas opèrent des hélicoptères lourds, la France en est privée depuis le retrait des derniers Super Frelon de la Marine Nationale en 2010. L’une des raisons évoquées pour expliquer cette absence réside dans l’absence de solution nationale sur le marché. En effet, pour l’heure, les seuls producteurs d’hélicoptères lourds sont américains, russes et chinois, Airbus Helicopters n’ayant aucun appareil de ce type dans sa gamme, faute de programme militaire européen commun. Ceci étant dit, pour un besoin critique qui pourrait ne pas dépasser une douzaine (voire une demi-douzaine) d’appareils, la France n’a par le passé jamais hésité à s’équiper en matériel américain, que ce soit pour les drones (MQ-9 Reaper), les avions-radars (E-2, E-3) ou même le transport aérien tactique (C-130J et KC-130J livrés très récemment).

De fait, le retard pris par la France en matière d’hélicoptères lourds s’explique aussi pour des raisons budgétaires, les Armées devant sans cesse sacrifier certaines capacités pour en privilégier d’autres, mais aussi par des querelles de clochers internes. En effet, qui doit prendre en compte de tels appareils, et donc les financer sur son budget ? L’Armée de l’Air, qui dispose d’une véritable expérience de la logistique en zone de guerre ? Ou l’Armée de Terre qui profite au premier chef des capacités de transport offertes par les CH-47 Chinook alliés au Mali ?

CH53 allemagne Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Le CH-53 équipe aujourd’hui les forces armées allemandes, et aurait pu constituer le socle d’une unité commune franco-allemande. Si sa nouvelle version, le CH-53K, offre une plus grande charge utile que le Chinook, ce dernier dispose cependant d’avantages indéniables, notamment en terme de volume de cabine, de manoeuvrabilité et de coûts d’exploitation.

Pour le patron de l’ALAT, interrogé par Challenge récemment, l’Armée de Terre est « une spécialiste des hélicoptères moyens, des vols tactiques rapides et manoeuvrants. L’hélicoptère lourd ne répond pas à ce besoin. Il est utile pour les acheminements en opérations. Mais ça, ce n’est pas [leur] métier« . Le message est on ne peut plus clair, et montrait déjà que la question avait été tranchée en faveur de l’Armée de l’Air. Depuis quelques mois, l’Armée de l’Air comme le Commandement des Opérations Spéciales (COS) ne cachent en effet plus la logique qui réside derrière une acquisition de Chinook au profit des aviateurs. Non seulement les hélicoptères lourds pourront reprendre une partie des missions dévolue aujourd’hui aux CASA CN-235, mais ils pourraient également ultérieurement remplir des missions d’infiltration/exfiltration au profit des opérateurs du COS, voire mener des opérations de recherche et sauvetage au combat, en complément des H225M Caracal modernisés.

Dans un premier temps, d’après FlightGlobal, deux appareils pourraient être livrés en leasing, sans doute dans la version CH-47F optimisée pour le transport logistique au combat, avec une date de livraison non précisée mais située a priori avant 2025. Après 2025, cependant, pour peu que les essais menés lors du leasing soient concluants, un nombre indéterminé de Chinook pourrait alors être livré à l’Armée de l’Air. Pour épauler les moyens logistiques actuels et apporter un complément aux Caracal dans le soutien aux opérations spéciales, il faudrait probablement un minium de six appareils, même si l’achat de 10 ou 20 Chinook ne serait pas un luxe pour maintenir le tempo opérationnel dans la durée, notamment au profit des forces spéciales. Certains analystes n’hésitaient pas à évoquer un besoin réel autour d’une quarantaine d’exemplaires, à répartir entre l’Armée de l’Air et l’Armée de Terre.

MH 47G Block II Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Conçu pour les forces spéciales américaines et livré à partir de 2021, le MH-57G Block II dispose de nouvelles pâles, d’une capacité carburant accrue, d’une perche de ravitaillement en vol et d’une avionique numérique moderne. Il pourrait constituer une excellente base pour un appareil gréé par l’Armée de l’Air et exploité pour le compte du COS

Tout dépendrait probablement de la version sélectionnée pour la France. Pour l’appui opérationnel et la logistique, le CH-47F très répandu de par le monde serait déjà largement suffisant. Néanmoins, pour appuyer pleinement le COS et répondre aux besoins de l’Armée de l’Air en matière de pénétration du territoire ennemi, un appareil dérivé du MH-47G doté d’une perche de ravitaillement et d’une avionique renforcée pourrait être mieux adapté. Si cette version était sélectionnée et son exportation acceptée, les appareils pourraient alors être livrés au standard Block II, plus légers, plus autonomes et plus performants que les MH-47G actuels.

L’annonce de l’acquisition du Chinook et de la modernisation des Caracal est définitivement une bonne nouvelle pour l’Armée de l’Air comme pour toutes les armées française. Elle pourrait cependant marquer la fin d’une potentielle collaboration évoquée avec l’Allemagne autour de la location d’heures de vol de CH-53 allemands. Cela ne ferme cependant pas la porte à une coopération autour de l’acquisition et de l’exploitation commune d’une flotte d’hélicoptères lourds, même s’il ne serait désormais pas étonnant de voir la France et l’Allemagne se diriger vers l’acquisition d’appareils différents (CH-47 pour la France et CH-53K pour l’Allemagne). Dans tous les cas, on peut sans doute regretter qu’un tel programme n’ait pas été inscrit dans la précédente LPM, afin d’articuler autour de lui l’ensemble des besoins européens et créer au sein d’Airbus Helicopters un hélicoptère lourd capable de concurrencer le CH-47 américain mais aussi le AW101 anglo-italien.

RacerAirbusHelicopters Image Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Le Racer d’Airbus Helicopters est un démonstrateur de ce que pourrait être un hélicoptère médian rapide et à longue endurance. D’une conception simple, il pourrait apporter de nouvelles capacités de projection aux forces françaises, à l’instar de ce qui est proposé aux USA pour le programme FARA

Au-delà de 2040, FlightGlobal évoque également la possibilité d’un nouveau programme venant prendre la suite du HIL Guépard. L’Armée de l’Air, dans la foulée des récentes avancées américaines sur le programme Future Vertical Lift, pourrait être intéressée par l’acquisition d’une nouvelle capacité, celle de l’hélicoptère de haute vitesse, hybride ou convertible. Enfin une chance pour le Racer d’Airbus Helicopters ? S’il reste encore à convaincre les autres armées françaises de l’intérêt d’une telle solution portant plus loin et plus vite, c’est en soi un soulagement de voir les forces françaises évoquer enfin ouvertement une telle capacité. Ce point apparaissait d’ailleurs en troisième position dans le top 10 des programmes de défense qui font défaut à la France, que nous avions publié l’année dernière.

Les rebelles pro-turcs utiliseraient au moins un char T90A capturé à Idlib

L’information à de quoi dérouter. En effet, selon plusieurs observations, les forces para-militaires rebelles pro-turques déployées aux alentours de la ville syrienne d’Idlib, siège d’une confrontation larvée entre le régime de Damas soutenu par la Russie, et les forces coordonnées par Ankara, au moins un char T90A qui aurait été capturé lors des combats, après avoir été abandonné par son équipage syrien. Le T90A représente, en effet, le plus performant des chars de combat en service dans les forces russes, dans l’attente de la version modernisées T90M, et surtout du T-14 Armata. En outre, les services occidentaux n’auraient jamais réussi à mettre la main sur ce char qui équipe encore les unités blindés d’élite russes.

Du coup, l’information, pourtant étayée, est des plus surprenantes. Car il est certain que les autorités turques, et leurs alliés occidentaux, seraient très intéressés de pouvoir observer de prés ce blindé. Or, il serait pour l’heure employé par les forces rebelles, pour lutter contre les forces syriennes fidèles à Bashar Al Assad. Cela montre, quoiqu’il en soit, l’extrême désorganisation qui règne dans ces forces para-militaires, et surtout le contrôle tout relatif que peut avoir Ankara vis-à-vis d’elles.

T90 Algerie Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
L’Algérie met en oeuvre plus de 570 T90-SA livrés entre 2007 et 2016

Cela montre également, sans que ce soit vraiment une surprise, l’impréparation des forces syriennes au combat de haute intensité. S’il est possible de devoir abandonner un char au combat, un équipage entrainé ne le fera jamais sans s’assurer de sa destruction, pour éviter justement ce type de scénario. Mais les effectifs qui forment le gros des forces syriennes sont, pour la plupart, des conscrits intégrés en urgence et faiblement entrainés. Les russes avaient déjà pointé le manque d’entrainement et de performances des équipages et servants des unités anti-aériennes syriennes, qui ne parvenaient pas à exploiter correctement les équipements cédés par la Russie, notamment le Pantsir S1.

Cette anecdote montre également le rôle primordial que continu de jouer l’entrainement et la combativité des forces dans les affrontements modernes. Le meilleur équipement du monde ne vaut que par la qualité de l’équipage qui l’utilise, et le contexte dans lequel il est employé. La Turquie en avait fait la douloureuse experience en 2017 lors de l’entame de l’opération Rameaux d’Olivier, au cours de laquelle elle perdit une dizaine de chars et notamment plusieurs Leopard 2A4, considérés longtemps comme un des tous meilleurs chars de la planète, du fait du manque d’entrainement et de détermination des équipages formés, pour la plupart, de conscrits, et l’emploi d’une doctrine inadaptée, en l’occurence le déploiement de blindés sans infanterie ni artillerie de soutien

T90M russe Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Nouveau canon, nouveau blindage, nouveau moteur et nouvelle optronique, le T90M n’a plus grand chose à voir avec le T90A.

D’une masse au combat de 47 tonnes, le T90 « Vladimir », entré en service en 1994, constitue l’ultime évolution du T72, dont il reprend le châssis, tout en intégrant les systèmes performants du T80, un char haut de gamme mais cher et complexe à mettre en oeuvre du fait de sa turbine à gaz. Le T90 devait donc prendre le meilleur des deux blindés, en vu de produire une version de transition dans l’attente de l’entrée en service d’un char de nouvelle génération. La Russie en acquis seulement 700 exemplaires, dont 400 sont aujourd’hui en première ligne, et seront prochainement portés au standard T90M beaucoup plus performant, et empruntant plusieurs technologies au T-14 Armata, notamment en matière de canon et de protection active.

La livraison des torpilles nouvelle génération F21 de Naval Group a débuté en France et au Brésil

Lors de sa conférence de presse bilan du 21 février dernier, le patron de Naval Group Hervé Guillou, à quelques semaines de la retraite, a tenu à faire le bilan sur son mandat et les résultats du groupe naval français ces dernières années. Au milieu des programmes majeurs de sous-marins et de frégates de Naval Group (tant en France qu’à l’exportation), Hervé Guillou n’a pas manqué de signaler la livraison du premier lot de torpilles lourdes de nouvelle génération F21. Il évoque ainsi « la Livraison du premier lot de torpilles F21, qui est un véritable « game changer » en matière de torpilles lourdes, avec des performances considérablement supérieures à ce qui existe partout ailleurs dans le monde ».

De fait, loin d’être un simple équipement annexe des sous-marins français, les torpilles F21 seront au cœur de leurs capacités de combat. De par leurs performances attendues et leur haut niveau de technicité, elles offriront aux sous-marins d’attaque (SNA) et aux sous-marins lance-missiles nucléaires (SNLE) des capacités tactiques absolument inédites en occident. Des qualités qui ont déjà séduit à l’exportation, puisque la Marine Brésilienne a reçu ses premières F21 en même temps que la Marine Nationale.

F21 SNA test scaled Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
La F21 mesure 6m pour une masse de 1,5t. Une seule de ces torpilles suffit à couler une frégate ou un destroyer, même si la capacité à plonger à plus de 1000m fait aussi de la F21 une redoutable arme anti-sous-marins.

Les F21 sont aujourd’hui produites sur le site de Naval Group à Saint-Tropez/Gassin. Au cours des dernières années, le site a procédé à l’assemblage d’un millier de torpilles légères MU90, conçues en coopération européenne. Si ce programme majeur a offert une immense charge de travail à Saint-Tropez, il a également conduit à la perte de certains savoir-faire sur les éléments conçus et produits par les partenaires européens de Naval Group sur ce programme. Un corolaire désormais bien connu des industriels français participant à des programmes communs.

Néanmoins, sur le programme F21, Naval Group a su transformer cette faiblesse en véritable force. Un temps, la France a en effet envisagé d’élargir la collaboration européenne au domaine des torpilles lourdes, en élaborant une nouvelle torpille (programme Artemis) à partir de la Black Shark de l’Italien WASS, son partenaire sur la MU90. Finalement, Naval Group (alors DCNS) se tourna vers l’Allemand Atlas Elektronik qui fournira le propulseur de la F21, dérivé de la récente torpille DM2A4 allemande. Cette collaboration a permis aux bureaux d’études de Naval Group Saint-Tropez de concentrer leurs moyens sur le développement d’un nouveau système d’énergie et d’une nouvelle tête chercheuse, qui fournissent les capacités réellement différenciantes de la F21.

F21 propulseur Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
L’alimentation en énergie de la F21 est conçue par Naval Group et SAFT, et consiste en une pile à eau de mer pour la version combat et une batterie Li-ion pour les torpilles d’exercices. Ces dernières sont mises en oeuvre directement par Naval Group dans le cadre d’une prestation de service d’entrainement délivrée à la Marine Nationale

Pour alimenter le propulseur, la F21 dispose ainsi d’une pile à eau de mer PB-61 dont le bloc électrochimique fonctionne à l’oxyde d’argent et aluminium. Cette composition permet à la torpille de rester parfaitement inerte avant son lancement, puisque c’est l’introduction d’eau de mer dans la pile qui initie la réaction chimique. Sur les sous-marins nucléaires français, les tubes lance-torpille sont équipés d’un repoussoir pneumatique, qui propulse l’arme jusqu’à une distance de sécurité avant allumage de la propulsion.

En soi, ce type de propulsion n’est pas inédit, puisqu’il se retrouve également sur la Black Shark italienne qui affiche, comme la F21, une vitesse maximale supérieure à 50 nœuds. De la même manière, le filoguidage à l’aide de 50km de fibre optique se retrouve également sur la DM2A4 allemande. La F21 dispose cependant d’une sécurité renforcée, utilisation en conditions nucléaire oblige, et son propulseur optimisé devrait lui permettre de dépasser les 50km d’autonomie en autoguidage et à vitesse réduite. Mais, surtout, les conditions de sécurité drastiques de la Marine Nationale font que la F21 est capable d’être tirée dans tout le domaine de navigation d’un sous-marin nucléaire, y compris à vitesse de déplacement maximale et à profondeur d’immersion maximale ! Des caractéristiques qui expliquent son prix élevé mais lui offrent une souplesse d’emploi absolument inédite.

F21 bobines fibre optique Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Deux bobines placées dans la torpilles et dans le tube de tir fournissent un total d’environ 50km de fibre optique permettant un guidage précis et discret de la torpille. Le système de combat intégré à la F21 est entièrement numérique et apte à réaliser sa frappe en totale autonomie, que ce soit lors de la phase finale d’attaque ou en cas de rupture du fil.

Néanmoins, sur le marché export, ce qui peut faire la véritable particularité de la F21 se situe à l’avant de la torpille. Sa tête chercheure est en effet bien plus qu’un capteur. Comme on nous le confiait lors d’une visite à Saint-Tropez, il s’agit réellement d’un mini-système de combat autonome. Le savoir-faire de Naval Group en matière de conception de sous-marins, de navires de surface et de leurres, de simulation informatique et de systèmes de combat pour sous-marins a probablement permis de faire de la F21 la torpille la plus mortellement intelligente au monde. Totalement autonome lors de la phase finale d’attaque, elle est capable d’identifier sa cible dans un environnement chargé, de reconnaître et ignorer les leurres mais aussi de réattaquer en cas d’échec tant que la pile fonctionne encore !

Pour l’entrainement, la F21 peut être équipée d’un module de propulsion PB-64 équipé de batteries Lithium-ion rechargeables de nouvelle génération, permettant d’effectuer plus d’une centaine de tirs. Cette technologie de batteries équipe également un drone sous-marin développé par Naval Group dans un format torpille : le D19. A terme, Naval Group pourrait ainsi développer un drone polyvalent sur la base d’une F21 d’exercice ou du D19. Récupérable, réutilisable et équipé de fibre, un tel système pourrait servir comme capteur déporté pour un sous-marin –notamment pour reconnaître une côte, cartographier des champs de mine– ou comme « mine pilotée » pouvant frapper jusqu’au cœur des ports adverses. La France reste cependant particulièrement discrète sur ses capacités « d’interdiction navale », même si le remplacement des mines sous-marines FG29 devrait être imminent ou en cours.

D19 cible reco mine 25nds 30h Air Independant Propulsion AIP | Analyses Défense | Consolidation industrielle Défense
Le drone sous-marin D19 est équipé d’une batterie Li-ion qui lui offre une autonomie de 30h et une vitesse maximale de 25 noeuds. Il est aujourd’hui utilisé comme cible d’exercice, mais peut aussi être gréé pour la reconnaissance ou encore l’interdiction navale (« mine autopropulsée »)

Pour l’heure, 93 torpilles lourdes ont été commandées pour la Marine Nationale afin d’équiper les 4 SNLE (classe Le Triomphant) et les 6 nouveaux SNA de la classe Suffren (type Barracuda), ce qui devrait permettre l’emport d’au moins une dizaine de ses armes à bord de chaque bâtiment à la mer. Devant l’obsolescence des F17P Mod2 actuelles, les derniers sous-marins d’ancienne génération (classe Rubis) devraient sans doute embarquer quelques F21. Au moins 6 F21 ont été livrées à la Marine Nationale, et sans doute autant à la Marinha do Brasil pour équiper ses quatre Scorpène en cours de livraison.

La F21 est également en compétition en Inde, qui compte acquérir une centaine de nouvelles torpilles pour équiper ses six Scorpène. Face aux difficultés financières de l’Indian Navy, il n’est cependant pas certains que les capacités de guidage ultra-modernes de la F21 suffisent à convaincre face à la Black Shark ou la DM2A4. En effet, avec 2,5 millions € pièce, la F21 est l’une des torpilles les plus chères du monde, en raison de performances et de normes de sécurités qui, malheureusement pour Naval Group, ne peuvent être valorisées que par une poignée de marines dans le monde.