vendredi, décembre 5, 2025
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Fonds d’investissement, Banque Privée : Comment dynamiser et sauvegarder la BITD sur le sol national ?

Lors d’un précédent article intitulé « Peut-on créer un fonds d’investissement privé pour garantir la souveraineté nationale« , nous avions abordé l’intérêt d’une démarche privée et citoyenne, basée sur un appel à l’épargne, pour préserver les entreprises technologiques critiques estampillées « Défense » sur le territoire national. Cet article a engendré de nombreuses réactions, sur les réseaux sociaux comme LinkedIn, et surtout à l’occasion de contacts directs. Il semble que l’hypothèse soulevée a généré une réelle curiosité, si ce n’est, pour certains, une franche adhésion.

L’actualité récente, et le véto posé par le Ministre Bruno le Maire sur la vente de Photonis, renforce en effet ce constat, car les seules solutions gouvernementales aujourd’hui reposent sur des requêtes du ministère vers Safran et surtout Thales pour se porter acquéreur, sans réelle cohérence industrielle, simplement car ces entreprises ont une activité plus ou moins proche et sont les plus importantes de la BITD nationale. Dans cet article, nous allons détailler une approche qui permettrait effectivement de mettre en oeuvre une solution privée et nationale destinée à répondre à ce besoin précis, mais également aux besoins spécifiques en matière de financement des industries de défense et des armées.

STX SAint Nazaires Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Les chantiers navals de Saint-Nazaire désormais sous contrôle italiens sont les seuls capables de construire un navire militaire de grande taille, comme les porte-hélicoptères d’assaut ou les futurs porte-avions

Pourquoi devoir garder un contrôle nationale des entreprises technologiques critiques de défense ?

La question mérite évidemment d’être posée. En effet, à l’occasion de la conception de la LPM2019-2025 et des programmes de coopération franco-allemands SCAF et MGCS, les autorités ont pris le parti d’accepter la notion de d’interdépendance technologique vis-à-vis de nations européennes alliées, en l’occurence l’Allemagne. L’argument alors mis en avant était que la France n’avait plus les moyens financiers et technologiques pour assumer l’ensemble des besoins de developpement liés aux programmes de défense majeurs modernes. Il y a pourtant deux arguments incontournables en faveur du maintien des compétences sous contrôle national, et les développements et productions industrielles sur le territoire français.

L’autonomie stratégique reste une notion française

Comme l’a montré l’ensemble des réactions hostiles des alliés européens de la France à la proposition du président Macron d’étendre la dissuasion française en Europe, les européens ne sont pas prêts, pour l’heure, à se passer de l’aile protectrice américaine. Et par voie de conséquence, l’extension de la notion d’autonomie stratégique française vers des alliés européens souffre du même constat. D’ailleurs, les nombreuses réserves prises par le Bundestag au sujet des programmes SCAF et MGCS montrent à quel point l’Allemagne ne partage nullement cette vision proposée par le dirigeant français.

Une vue dartiste du programme SCAF Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Le programme SCAF repose sur un partage industriel et technologique entre la France, l’Allemagne et l’Espagne.

La préservation du solde budgétaire des investissements industriels de défense

En second lieux, la préservation d’une base industrielle technologique défense autonome en France préserve l’efficacité de l’investissement d’Etat dans l’industrie de Défense. Rappelons qu’aujourd’hui encore, lorsque l’Etat investi 1 million d’Euro dans l’Industrie de Défense nationale, il enregistre, en moyenne, un retour budgétaire à 5 ans de l’ordre de 1,2 millions d’euro, et de presque 2 millions d’euro à 8 ans en tenant compte des exportations. Or, cette efficacité, unique dans l’écosystème industriel français, est avant tout liée à la chaine de sous-traitance nationale des grandes entreprises de défense. Pour d’autres pays, comme la Suède par exemple, cette efficacité est bien moindre, car en dépit de l’efficacité avérée de Saab dans le domaine, une grande part des composants sous-traités pour les programmes majeurs viennent d’Europe ou des Etats-Unis.

Quels sont les besoins financiers de l’écosystème défense national ?

Pour répondre à ces enjeux, encore faut-il identifier les besoins exprimés par les entreprises de la BITD, mais également les armées, et les instances politiques. Ces besoins se résument en 3 catégories :

  • les besoins d’investissement dans les entreprises, et ce à tous les stades de developpement de l’entreprise. Aujourd’hui, l’essentiel des efforts est porté pour accompagner les entreprises en phase de démarrage, ou en phase pré-industrielle. En revanche, l’accompagnement et les prises de participation au delà de ces phases, évidemment beaucoup plus onéreux, est presque inexistant. C’est précisément le cas de Photonis aujourd’hui.
  • Les besoins de financement des entreprises de défense sont, eux aussi, très importants. Les groupements industriels comme le GICAT sont en permanence sollicité par leurs adhérents pour tenter de trouver des solutions de financement pour leurs R&D, mais également pour financer leurs commandes exports. Bien souvent, les banques refusent tout simplement de s’investir dans les domaines relatifs à la défense
  • Les besoins de financement pour les armées, sous forme de solutions de leasing adaptées aux besoins défense, et contrôlées nationalement.
h160 2 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
La Marine nationale a annoncé sa décision de louer des hélicoptères H160 pour remplacer les Alouette III encore en service, dans l’attente de l’entrée en service du H160M à partir de 2027

Un dernier critère, qui n’est pas relatif aux aspects financiers, est également critique. Il s’agit du besoin de ré-appropriation de l’industrie de Défense dans l’opinion publique du pays. Nous la citons ici car il s’agira d’un effet induit du modèle proposé

Comment faire ?

Dans le précédent article, nous évoquions la pertinence d’un fonds d’investissement s’appuyant sur l’épargne nationale comme solution aux besoins d’investissement, mais il apparait qu’une telle approche ne permettrait de répondre qu’à une partie des attentes, en l’occurence la prise de participations dans des entreprises en phase de developpement. Pour traiter l’ensemble des besoins, il est donc nécessaire d’étendre le modèle.

Le Fonds d’investissement national Défense

Il s’agit d’un fonds d’investissement spécialisé dans les activités de défense, dont la fonction serait de prendre des participations dans les entreprises en phase de développement, dans l’optique de céder l’entreprise une fois les objectifs de croissance atteints. Son rôle est donc à la fois de détecter et évaluer les entreprises et industries de défense en phase de croissance, et de proposer des placements financiers performants à ses clients.

Atelier Rafale Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
La fabrication du Rafale nécessite la participation de 500 entreprises françaises

La Banque Privée d’investissement et d’accompagnement Défense

Le besoin d’une banque privée spécialisée est indispensable pour traiter l’ensemble des besoins identifiées. C’est elle qui peut accompagner les entreprises dans leurs besoins de prêts d’investissement, de fonds de roulement, et de crédits documentaires pour l’exportation, autant de domaines critiques pour les entreprises de défense aujourd’hui. C’est également elle qui peut proposer des solutions de Leasing aux armées, pour la location d’équipements, solution de plus en plus retenues par les forces depuis quelques années.

La banque privée permet également de concevoir des produits d’épargne plus souple que les fonds d’investissements, et notamment des placements éligibles à l’assurance vie. En outre, elle peut emprunter, au prorata de ses fonds propres, sur les marchés financiers internationaux, à des taux particulièrement bas. Dés lors, elle peut mitiger l’épargne des particuliers, par nature plus chère que les marchés, et l’appel aux marchés, pour constituer son offre et sa réserve financière légale.

La Holding industrielle défense

Dernière structure nécessaire, la Holding Industrie Défense assure le contrôle de la Banque Privée d’Investissement et d’accompagnement Défense, et du fonds d’investissement national Défense. Cette structure chapeau apporte les fonds propres initiaux pour la création des deux outils opérationnels, mais permet également de proposer une option de sortie au fonds d’investissement au delà de la période de croissance fixée. En effet, la Holding pourra se porter acquéreur des entreprises sortantes du fonds d’investissement, par un mécanisme de conversion optionnelle de l’épargne en actions via la banque privée, et augmentations de capital de la Holding. Pour conserver la dimension financière des investissements convertis des particuliers, cette Holding devra être cotée, et donc répondre aux exigences des marchés boursiers. Elle devra cependant garantir qu’une majorité des actions soient effectivement détenues par des acteurs privés ou publics nationaux.

ARQUUS SCARABEE DUO OK Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Un des fleurons de la BITD française, Arquus, est sous contrôle suédois

Cette approche globale permet donc de multiplier les sources de financement et d’interaction avec le public, et donc de disposer des volumes suffisants pour se positionner sur des acquisitions stratégiques, comme peut l’être Photonis, voir pour acquérir des entreprises défense passées sous pavillon étranger, comme Arquus.

Les étapes clés de la mise en oeuvre

La mise en oeuvre de telles structures nécessite le respect d’une série d’étapes clés, destinées autant à définir un cadre sécurisé pour son developpement, qu’à créer une dynamique de communication pour fédérer une partie de l’opinion publique en sa faveur.

  1. Etude de faisabilité : l’étude de faisabilité rassemblera une équipe réduite de spécialistes destinée à identifier l’ensemble des besoins et points critiques de la conception et la mise en oeuvre du modèle, ainsi que les solutions pour y répondre.
  2. Phase de conception : une fois les points critiques et les écueils identifiés, la phase de conception permettra de définir un modèle cohérent global, d’identifier les besoins en matière de financement et de recrutement, et de concevoir un planning d’opération.
  3. Phase de communication : un des critères majeurs de succès de ce modèle repose sur l’adhésion de l’écosystème défense, ainsi que d’une partie de l’opinion publique. Cette phase de communication aura pour but de créer la dynamique préalablement citée, mais également d’évaluer les volumes prévisionnels des épargnants ainsi que des besoins de financement et d’investissements présents et à venir
  4. Phase de lancement : Dernière phase de ce planning synthétique, le lancement va convertir les énergies en structure, et les idées en produits. Cette phase débutera par un premier tour de table, indispensable pour atteindre les fonds propres minimum requis pour la création des structures. Elle devra également assembler les équipes, et notamment les équipes de direction, les Status et les interactions entre les entités. Enfin, il sera nécessaire fédérer les soutiens identifiés durant la phase de communication pour les convertir en investissements et financements.
Suffren soleil Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Un pays capable de concevoir un sous-marin nucléaire d’attaque de dernière génération doit être en mesure de trouver les ressources pour un projet destiné à soutenir son industrie de défense

Conclusion

Le modèle ici présenté est très certainement imparfait, et probablement critiquable en bien des points. Il y a en effet des limites à ce qu’il est possible de concevoir et d’identifier lorsqu’il s’agit d’écrire un article de presse, fut-il sur Meta-Défense. Il ne dépend désormais que de vous, qui lisez l’article, d’en faire une réalité. Combien de fois avez vous regretté de voir une entreprise nationale de défense passer sous contrôle international ? Combien de fois avez-vous jugé les décisions politiques dans ce domaine inappropriées ?

Soutenir le developpement de ce projet est simple. Si vos compétences professionnelles et vos savoir académiques vous permettent d’apporter une expertise adaptée, vous pouvez rejoindre l’étude de faisabilité. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez signaler votre soutien, et tenter de porter le message vers votre propre réseau social. Quand aux entreprises, elles peuvent naturellement alimenter la réflexion sur les besoins, et sur les difficultés qu’elles rencontrent. Pour tout cela, n’hésitez pas à me contacter à l’adresse fwolf.metadefense.fr@gmail.com.

Le Gripen E/F présenté par Saab a-t-il la moindre chance au Canada ?

Ce lundi 2 mars, l’industriel suédois Saab a confirmé officiellement sa candidature pour l’appel d’offre canadien visant au remplacement de 88 avions de combat F/A-18 Hornet (désignés CF-188 localement). Pour cela, Saab propose son Gripen E/F, une version modernisée du Gripen C/D également proposée en Finlande pour le remplacement, ici aussi, de F/A-18 Hornet. En soi, l’annonce n’a rien d’une surprise, Saab n’ayant jamais caché son intention de postuler au Canada. Au final, le Suédois sera le seul candidat européen de cette compétition, où il affrontera le F/A-18E/F Super Hornet de Boeing et le F-35 de Lockheed Martin.

En effet, Dassault Aviation avait annoncé son retrait de la compétition fin 2018, arguant d’un contexte déloyal pour cette compétition. Nombre d’observateurs, précédemment déçus par l’absence de proposition de Dassault Aviation en Belgique, avaient alors regretté la décision de l’industriel français, dont le Rafale présentait pourtant de sérieux arguments au Canada. Jusqu’à ce que le consortium européen Eurofighter ne décide à son tour de retirer son offre articulée autour du Typhoon, Airbus déclarant à son tour en septembre 2019 qu’un appareil européen n’aurait aucune chance au Canada face à des candidatures américaines.

Gripen E et GlobalEye de Saab Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Comme en Thaïlande avec Saab 340 AEW&C, Saab tente de pousser un package complet Gripen + GlobalEye en Finlande. Le cadre de l’appel d’offre canadien ne permettra sans doute pas de telles propositions.

La proposition de l’équipe « Gripen Canada »

Malgré les retraits d’Airbus et Dassault, Saab a quand même décidé de tenter sa chance outre-Atlantique. Pour cela, l’avionneur suédois propose son JAS-39E/F Gripen (que nous avons abordé dans un dossier détaillé), sans que le package exact proposé au Canada ne soit précisé. Contrairement à l’appel d’offre finlandais ou, dans une moindre mesure, à celui en cours en Suisse, le Canada ne demande pas une capacité opérationnelle globale mais bien un nombre déterminé d’appareils. En l’occurrence, 65 nouveaux chasseurs doivent remplacer les 88 Hornet actuels, un nombre qui semble clairement taillé sur mesure pour le coûteux F-35.

Sur le papier, Saab pourrait sans doute proposer un remplacement nombre pour nombre des Hornet, voire même l’acquisition en parallèle de quelques avions-radars GlobalEye pour une enveloppe budgétaire égale ou inférieure à celle de l’acquisition de 65 chasseurs F-35. Une telle proposition ne se fera cependant qu’en dehors du cadre fixé par l’appel d’offre, où la plus grande force de Saab se situera alors dans le coût global de son offre, forcément bien plus attractive que toutes les propositions que pourront faire Lockheed Martin et Boeing.

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Pour sa taille, le Gripen E/F dispose d’une bonne capacité d’emport air-air et air-sol. Malheureusement, son autonomie et ses performances globales n’arrivent pas encore au niveau des chasseurs lourds américains et européens

Et pour appuyer ses chances, Saab s’est associé avec plusieurs entreprises canadiennes, l’équipe Gripen Canada, devant permettre l’assemblage et la maintenance des cellules par IMP Aerospace & Defense, le soutien opérationnel de l’avionnique par Peraton Canada et la production du moteur F414 (le même qui équipe, par paire, le Super Hornet) par General Electric Canada.

Le Gripen au Canada : une idée irréaliste ?

On ne va pas le cacher, les chances du Gripen au Canada sont quasiment nulles. Si le Premier Ministre canadien, Justin Trudeau, avait promis lors de sa campagne électorale de ne pas acheter directement le F-35 et de procéder à un appel d’offre « ouvert et transparent », la réalité politique et opérationnelle a rapidement remis l’avion de Lockheed Martin sur le devant de la scène, surtout après la gigantesque brouille commerciale qui avait opposé Boeing au Canadien Bombardier.

CF 18 des forces aeriennes candiennes Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Le CF-188 Hornet constitue aujourd’hui la base de la défense aérienne canadienne. Dans l’US Navy, le Hornet a été remplacé à la fois par le Super Hornet et le F-35, tous deux bien placés sur l’appel d’offre canadien.

Un temps, on aurait pu penser que ce contexte politique allait mettre sur la touche tant le F-35 que le Super Hornet, ouvrant un pont d’or aux avions européens. Il n’en sera cependant rien. Comme le rappelait Dassault Aviation au moment de son retrait, il est quasiment impossible de vendre un chasseur moderne à un membre du réseau Five Eyes, qui regroupe les services de renseignement des USA, du Royaume-Uni, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. La suite électronique des avions de combat modernes participant pleinement au recueil de renseignement, il n’aurait pas été possible d’intégrer le Rafale au réseau Five Eyes, ce dernier refusant de partager ses règles en dehors du cercle. L’Eurofighter Typhoon, par le biais du Royaume-Uni, aurait alors pu avoir sa chance. Mais ce sont cette fois-ci les règles du commandement aérien unifié d’Amérique du Nord, le NORAD, qui l’en auraient empêché, ce commandement ne comprenant que le Canada et… les États-Unis.

Au-delà de ces questions politiques et opérationnelles, qui ont déjà découragé Dassault et Airbus, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence technique du Gripen E/F au Canada. L’appareil est en effet particulièrement léger et semble a priori peu adapté pour la couverture des espaces du Grand Nord canadien. Pour rappel, le Gripen C/D de base était motorisé par un unique moteur RM12, version sous licence du F404 qui équipe par paire les CF-188 Hornet actuels. La version Gripen E/F est dotée d’un unique F414, quand le Super Hornet de Boeing en dispose de deux. Et même si le F-35 est bien un monoréacteur, sa masse maximale au décollage est deux fois supérieure à celle du Gripen E/F !

F 35 Hornet Finland Finnish Air Force Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Vendu en Australie et présenté au Canada, en Suisse et en Finlande, le F-35 entend bien remplacer la majorité des F/A-18 en service dans le monde.

Au final, si le Canada opte pour la meilleure intégration entre sa force aérienne et celle des États-Unis, il optera très probablement pour le F-35A, que l’USAF prévoit toujours d’acheter à plus de 1700 exemplaires. S’ils cherchent une solution à bas coût, sans pour autant transiger sur les exigences de Five Eyes et du NORAD, le Super Hornet sera la solution logique. Il reprend l’armement du CF-188 et une partie de ses équipements logistiques, tout en offrant une sécurité accrue grâce à ses deux moteurs.

Communication, appels d’offre : faire vivre le Gripen E/F coûte que coûte

Pourquoi alors Saab viendrait-il tenter sa chance au Canada ? L’avionneur suédois peut tenter de jouer la carte du prix le plus bas. A l’achat, le Gripen E/F n’est pas beaucoup moins cher qu’un Super Hornet, mais il est bien plus économique à l’usage, pour des performances malheureusement en retrait. Pour l’heure, son seul réel avantage comparatif est le missile METEOR, mais le Super Hornet recevra prochainement l’AIM-120D puis le futur AIM-260.

Au final, Saab cherche sans doute avant tout à occuper le terrain de la communication et de la présence médiatique. Sans clients supplémentaires rapidement, l’avenir de l’avion sera rapidement compromis. Et, après tout, si une nouvelle brouille diplomatique venait à opposer Donald Trump et Justin Trudeau, Saab se verrait alors au bon endroit et au bon moment pour tenter de décrocher un contrat historique.

Les Etats-Unis étudieraient la vente de missiles Patriot … à la Turquie !

Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des Intérêts ! Cette phrase, empruntée par le général de Gaulle à Lord Palmerston, premier ministre britannique sous le règne de la reine Victoria, n’a semble-t-il rarement été aussi adaptée que pour décrire les relations entre les Etats-Unis et son « allié » turc. En visite prés de la frontière syrienne, l’ambassadeur américain en Turquie, David Satterfield, a en effet déclaré que les Etats-Unis étudiaient désormais la possibilité de vendre des systèmes anti-aériens Patriot à Ankara pour assurer et renforcer les capacités de défense sur sa frontière sud, notamment face à l’aviation syrienne et russe, le cas échéant. Si un tel contrat venait à être signé, il marquerait un nième revirement de la part du président turc R.T Erdogan dans ses relations avec Washington et Moscou, dans un délais de seulement quelques années.

En 2013, c’est suite au refus de l’administration Obama de vendre des systèmes Patriot modernes aux forces turques qu’Ankara se retourna vers la Chine, en signant une commande de 3 Md$ pour des systèmes FD2000, l’équivalent chinois du S-300V. Les pressions de la part de l’OTAN finirent par amener les autorités turques à annuler ce contrat, mais à la suite de la tentative de coup d’Etat de 2016 et le regain de défiance de la part du président Erdogan vis-à-vis des Etats-Unis, suspectés d’être derrière cette initiative, Ankara se retourna vers un fournisseur inattendu, Moscou, pour acquérir des batteries de systèmes S-400.

S400 Turquie livraison Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
L’arrivée des premières batteries de S-400 en Turquie avait provoqué l’exclusion du pays du programme F35

Malgré les protestations de Washington et de l’OTAN, le président Erdogan maintint les négociations avec les représentants russes en 2017, et les livraisons intervinrent à partir de l’été 2019. Les Etats-Unis décidèrent alors d’exclure Ankara du programme F35, malgré son importante implication, puisque 8% des pièces de l’appareil viennent de Turquie, et que les forces aériennes turques avaient commandé 100 appareils. Les tensions entre Ankara et Washington étaient alors à leur paroxysme, alors que, concomitamment, le dirigeant turc s’affichait en compagnie de Vladimir Poutine au salon de défense moscovite de septembre 2019, en envisageant l’acquisition de Su-35 et même du futur Su-57 russe.

Lorsque, en octobre 2019, le président américain Donald Trump annonça, sans en évaluer les conséquences, le retrait des forces américains de Syrie de manière unilatérale, le président Erdogan s’est saisi de l’occasion pour déclencher une vaste opération militaire contre les forces kurdes du YPG, alliés des occidentaux contre Daesh, pour créer une « bande de sécurité » de 30 km en territoire syrien, sous le controle des forces turques et des milices islamistes soutenues par Ankara, officiellement afin de protéger le pays contre le terrorisme Kurde et permettre de relocaliser les quelques 3,5 millions de réfugiés présent en Turquie.

FS US en Syrie Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
La situation actuelle dans le nord de la Syrie est la résultante de la décision de retirer les forces spéciales américaines de la zone en octobre 2019

Mais après une période de succès militaires et diplomatiques, et d’actions conjointes avec la Russie et l’Iran dans le cadre des « accords de Sochi » ayant rassemblé les 3 chefs d’Etat pour s’entendre sur la « division de l’influence » en Syrie, la situation s’est rapidement retournée contre le président Erdogan. En effet, les forces de Damas, soutenues par la Russie, entreprirent en fin d’année dernière de reconquérir le nord de la Syrie, et notamment la ville d’Idleb, aux mains des milices pro-turques encadrées par une série de postes d’observation de l’armée turque. Selon Damas et surtout Moscou, il s’agirait de l’application stricte des accords de Sochi, alors qu’Ankara estime devoir conserver la zone sous son contrôle. Les affrontements entre les forces syriennes, toujours soutenues par l’aviation russe, et l’armée turque et leurs alliés, devenaient dès lors inévitables. Et le bilan ne cesse, depuis, de s’alourdir.

Mais si Ankara dispose des capacités militaires suffisantes pour prendre le dessus sur les forces syriennes, par ailleurs très entamées par 9 années de guerre civile, il en irait tout autrement si Moscou décidait d’intervenir plus intensément en soutien de son allié. Les forces russes disposent en effet d’une flotte d’avions de combat sur la base aérienne de Hmeimim, de navires de combat équipés de missiles de croisière en Méditerranée orientale, et surtout d’une défense aérienne globale multicouche déployée dans le pays, reposant sur deux batteries de S-400 et une de S-300PMU2 à longue portée, des batteries de missiles à moyenne portée Buk, et un nombre important de systèmes Tor M1/M2 et Pantsir S1/S2 pour la protection rapprochée. En outre, elles disposent également de nombreux systèmes d’artillerie à longue portée et de guerre électronique présents sur place, suffisant pour renverser le rapport de force face aux forces turques.

Su35s base syrie Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Les forces aériennes russes mettent en oeuvre plus de 20 avions de combat sur la base aérienne de Hmeimim, dont au moins 4 chasseurs lourds Su-35

Dans ces conditions, les systèmes S-400 acquis par Ankara, dont on ignore si ils sont effectivement opérationnels ou non, sont quoiqu’il en soit, inutiles aux armées turques pour tenter de sécuriser le ciel syrien, puisque les armées russes les connaissent parfaitement, et peuvent donc aisément les contrer. C’est la raison pour laquelle la Turquie invoqua, il y a une semaine, l’article 4 de l’alliance atlantique pour convoqué une réunion en urgence des ambassadeurs des membres de l’OTAN, afin de réclamer la mise en place d’une zone d’interdiction de survol au dessus du nord de la Syrie. Parallèlement, Ankara usa de son arme favorite, la menace de relâcher les réfugiés présent sur son sol vers l’Europe, afin d’amener les dirigeants européens à assouplir leurs positions dans ce dossier. Malheureusement pour le président Turc, aucune de ces démarches n’a été couronnée de succès, puisque l’OTAN se contenta d’annoncer le renforcement de La Défense anti-missile de la Turquie, alors que l’Union européenne décida de ne pas céder aux menaces, ni à leur mise en oeuvre.

C’est donc dans ce contexte des plus troublés que Washington a décidé de prendre le contre-pieds de ses alliés, une nouvelle fois, en décidant d’évaluer la possibilité de vendre des Patriot à Ankara, qui s’accompagnera probablement d’une exigence de retrait des S400 russes de l’arsenal turc, position par ailleurs identique pour Washington concernant la vente de Patriot mais aussi de F35. Il s’agit, sans aucun doute, d’une possible porte de sortie pour le président Erdogan, de plus en plus piégé dans une nasse qu’il a lui-même construit. Mais un nouveau basculement comme celui-ci, s’il devait arriver, ne manquerait pas de laisser de profondes marques dans les opinions publiques, aussi bien turques qu’européennes.

Pour ses nouveaux missiles antichars, la Pologne choisit une nouvelle fois un fournisseur américain

Le Département d’État américain a annoncé avoir accordé la vente de 180 missiles anti-char Javelin et environ 80 postes de tir pour la Pologne. En soi, cette vente n’est pas une surprise, puisque la Pologne avait fait une demande en septembre dernier pour l’acquisition auprès du Pentagone de 185 missiles FGM-148 Javelin, soixante postes de tirs ainsi que cinq avions de transport tactique C-130H.

Cette nouvelle vente de matériel militaire américain en Pologne s’inscrit dans la logique de réarmement et de modernisation des forces armées polonaises, notamment les forces blindées et anti-char, qui constituent désormais la première ligne de défense de l’OTAN en cas d’attaque russe depuis la Biélorussie ou Kaliningrad. Néanmoins, cette énième acquisition d’équipement américain en dehors de tout cadre compétitif continue à agacer de plus en plus les chancelleries et industriels d’Europe de l’Ouest.

Estimé à environ 100 millions de $, ce contrat pour l’achat de missiles anti-chars n’est qu’une goutte d’eau par rapport aux montants envisagés pour l’acquisition de 32 chasseurs furtifs F-35 par exemple. Sur le plan symbolique et industriel, néanmoins, il s’agit d’une véritable épine dans le pied pour l’industriel MBDA qui commercialise désormais son missile MMP (Missile Moyenne Portée) et aimerait en faire un nouveau standard pour les forces européennes.

Stryker Javelin gros plan Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Les Javelin commandés par la Pologne devraient équiper des unités de fantassins. Le missile peut néanmoins être intégré à des véhicules, comme ici sur un Stryker américain.

Produit par une joint-venture de Lockheed Martin et de Raytheon, le FGM-148 Javelin a été conçu à la fin des années 1980 et déployé en opérations depuis 1996. Premier missile antichar portable réellement moderne, il dispose d’un guidage infrarouge lui permettant un mode « tire et oublie », et peut attaquer des cibles blindées par le dessus, afin de contourner leurs défenses principales. Relativement polyvalent, il permet d’attaquer bâtiments renforcés mais aussi des hélicoptères jusqu’à une distance de 2km.

Le MMP, quant à lui, a été développé au début des années 2010 à partir d’une demande de l’Armée de Terre française. D’un poids et d’un encombrement équivalent à celui du Javelin, il dispose de capacités offensives largement renforcées, avec une portée de 5km, un guidage TV+IR permettant le « tire et oublie » ou de conserver le contrôle jusqu’à l’impact. Au cours de ses essais, le MMP a démontré des capacités globalement supérieures à ce qui était attendu de lui, tant en terme de facilité de mise en œuvre que de performances et de polyvalence. A tel point que la Marine Nationale envisage désormais de s’en équiper pour ses embarcations légères et la défense de ses frégates, et que l’ALAT pourrait bien l’intégrer à son nouveau drone Patroller.

Bien entendu, de telles performances ont un prix, surtout au moment où le MMP débute sa production, alors que l’effet de série est à son comble sur le Javelin. Ainsi, les premières séries de MMP présentaient un coût unitaire deux fois plus élevé que le Javelin. On peut donc comprendre, dans ce contexte, que la Pologne préfère s’équiper de missiles américains. En réalité, ce qui agace réellement les industriels que les officiels d’Europe de l’Ouest, ce ne sont pas tant les achats de matériels américains en soi (la France s’est elle-même équipé d’un certain nombre de Javelin en attendant le MMP) que l’absence systématique d’appels d’offre et de cadre concurrentiel sur le marché de l’armement en Pologne. De fait, Varsovie ne consulte quasiment jamais les industriels français, italiens ou allemands pour ses acquisitions de défense. Et, quand elle le fait, elle ne se prive pas pour annuler des contrats bien avancés afin d’en faire profiter l’industrie de défense américaine, comme l’avait brutalement démontré l’annulation de la livraison de 50 hélicoptères Caracal en 2016.

MMP RHIB Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Le MMP équipera l’Armée de Terre en remplacement du Milan, mais il pourra également intégrer les embarcations légères ECUME au profit des opérations spéciales, voire les navires de premier rang de la Marine Nationale pour leur auto-protection.

Au fil des années, la Pologne a ainsi régulièrement bafoué le principe et le texte de la Coopération Structurée Permanente (PESCO) européenne, qui prévoit pourtant à son article 16 que les signataires doivent « considérer comme une priorité́ l’approche collaborative européenne pour résoudre les lacunes de capacité́ identifiées au niveau national ». Et l’agacement vis-à-vis de Varsovie ne serait pas à son comble si la Pologne ne tentait pas en parallèle de profiter pleinement de PESCO pour obtenir un rôle majeur dans le développement d’un nouveau char de bataille européen, aujourd’hui porté par le programme franco-allemand MGCS. Programme dans lequel les capacités anti-char du MMP pourraient d’ailleurs jouer un rôle important.

On le voit, si la position stratégique et la taille de son armée de terre confèrent à la Pologne un caractère inévitable dans la construction de toute initiative globale de défense européenne, Varsovie semble encore très loin d’être prête à jouer le jeu de l’ouverture à la concurrence et, surtout, aux industriels européens. Une situation d’autant plus décevante que nombre de grands groupes de défense, comme Airbus ou Naval Group, seraient prêts à collaborer de manière intensive avec des industriels locaux, permettant ainsi leur modernisation et leur inclusion au sein d’un réel tissu industriel européen de défense.

Des échanges d’avions entre le Charles De Gaulle et l’USS Eisenhower renforcent l’interopérabilité des marines françaises et américaines

Décidément, avec la mission Foch, le Groupe Aéronaval français (GAN) ne chôme pas. Parti de Toulon le 22 janvier avec son escorte, le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle a participé pendant trois semaines à l’opération Chammal, le volet français de la lutte contre l’État Islamique au Levant. S’en est suivi une escale très médiatisée d’une semaine dans le port chypriote de Limassol, afin de montrer l’engagement de la France aux coté de Chypre et de la Grèce face aux menaces de rétorsion turques.

Ayant repris la mer le 26 février dernier direction l’Atlantique Nord, la Task Force 473 (désignation OTAN du GAN) a croisé le 2 mars le porte-avions nucléaire américain CVN 69, le USS Dwight D. Eisenhower, et son escorte. Prévue de longue date, la rencontre devait initialement durer une semaine. Elle semble cependant avoir été avancée de quelques jours et écourtée en raisons des impératifs qui appellent chaque porte-avions de part et d’autres du détroit de Gibraltar. Les échanges qui ont alors eu lieu entre les marines françaises et américaines ont montré le très haut niveau d’interaction existant aujourd’hui entre elles.

Rafale M Foch Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Depuis le début de la mission Foch, les Rafale M ont réalisé des frappes au Levant, le standard F3R y effectuant sa première mission de combat. Mais les avions ont également mené des exercices avec des forces aériennes amies, notamment en Egypte et en Israël.

Sur le plan symbolique, voir le Charles de Gaulle et l’USS Eisenhower naviguer de concert est toujours particulièrement évocateur. Alors tous deux officiers généraux, Charles de Gaulle et Dwight D. Eisenhower, surnommé Ike, se sont rencontrés pour la première fois en 1943 à Alger. Malgré quelques inévitables tensions diplomatiques, les deux hommes ont rapidement appris à se connaître, se respecter et s’estimer. En septembre 1959, quand le Président De Gaulle accueille le Président Eisenhower à Paris, la flotte française de Méditerranée vient de quitter le commandement intégré de l’OTAN et les tensions diplomatiques entre les deux pays sont au plus fort. Pour autant, une amitié sincère semble avoir uni les deux chefs d’état, au-delà de leurs agendas diplomatiques respectifs. Ce symbole, et l’idée qu’il véhicule, est aujourd’hui on ne peut plus fort pour les marines françaises et américaines, qui collaborent à un niveau unique au monde quelles que puissent être l’état des relations diplomatiques entre leurs gouvernements respectifs.

En effet, c’est presque devenu une opération de routine désormais, mais l’ensemble des aéronefs des groupes aéronavals français et américains peuvent opérer indistinctement sur n’importe quel porte-avions de ces deux pays. Ainsi, ces derniers jours, deux Super Hornet américains sont venus se poser sur le Charles de Gaulle, et quatre avions français Rafale et Hawkeye ont fait de même sur le CVN 69. L’US Navy a attendu 2014 pour permettre à son premier Super Hornet d’apponter sur le Charles de Gaulle, dont la piste est bien plus petite que celle des CVN américains. Les Rafale et Hawkeye français opèrent quant à eux depuis 2007 sur les porte-avions américains, et sont même capables désormais d’y établir durablement leurs quartiers lorsque le Charles de Gaulle est en indisponibilité.

Psara Hydra Charles De Gaulle Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Frégate grecque Psara de la classe Hydra (type Meko 200) participant à l’escorte du GAN français. Deux bâtiments grecs se sont pour le moment succédés aux côtés du Charles de Gaulle, participant au rapprochement naval entre les deux pays.

Les échanges actuels permettent donc de maintenir une continuité dans cette interopérabilité, tout en s’inscrivant pleinement dans le cadre de la mission Foch du GAN, qui vise notamment à approfondir les interactions entre le GAN et les marines alliées. Au départ de Toulon, le GAN comprenait le porte-avions, un sous-marin nucléaire, le pétrolier-ravitailleur Var, la FREMM Auvergne, la FDA Chevalier Paul, la frégate grecque Spetsai, de la classe Hydra, et la frégate furtive légère Surcouf, qui restera en Méditerranée orientale dans le cadre des mesures de réassurance françaises. Au fil des longs mois que durera la mission Foch, le GAN intègrera différentes unités françaises et alliées qui viendront compléter ou remplacer les navires de l’escorte initiale.

Côté français, outre le Surcouf, différents pétroliers-ravitailleurs et FREMM sont déjà intervenu au profit du GAN ce dernier mois, tout comme la frégate ASM La Motte-Picquet, pour l’un de ses derniers faits d’arme. Côté allié, le destroyer USS Ross de type Arleigh Burke a intégré le GAN dans la nuit du 8 au 9 février, et la frégate grecque Spetsai semble avoir été remplacée par la Psara. A priori, la frégate belge Leopold I devrait aussi avoir rejoint la TF 473 et devrait y rester partie intégrante pendant au moins deux mois. Au fil du périple qui emmènera le GAN jusqu’en Atlantique Nord et en Baltique pour une série d’exercices, les bâtiments allemands, portugais, espagnols et italiens devraient également être intégrés plus ou moins longuement à l’escorte du porte-avions.

Surcouf canal de Syrie Foch Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
La frégate Surcouf a participé à l’opération Foch du départ de Toulon jusqu’à l’escale à Chypre. Alors que le GAN part en Atlantique, elle restera cependant en Méditerranée orientale dans le cadre de la présence française dans cette zone.

Pour l’heure, la vision des deux porte-avions français et américains côte à côte rappelle tout autant le haut niveau de respect mutuel entre ces deux marines que le fossé capacitaire qui les sépare toujours. Certes, de par ses qualités opérationnelles, le Charles de Gaulle est le seul porte-avions non-américain à pouvoir prendre la tête d’opérations aériennes alliées complexes. Une capacité impressionnante pour un navire de moins de 45.000t, quand l’USS Eisenhower en déplace plus de 100.000. Ainsi, alors que le porte-avions américain embarque actuellement près de 70 avions et hélicoptères, le Charles de Gaulle ne met en œuvre pour la mission Foch que 18 Rafale, 2 Hawkeye et 3 hélicoptères.

C’est 12 Rafale de moins que ce que le CDG avait embarqué lors de l’exercice Fanal 2019, mais il faut bien voir que l’Eisenhower peut aussi étendre son groupe aérien à plus de 90 appareils si le besoin s’en fait sentir. Le ou les remplaçants du Charles de Gaulle, aujourd’hui connus sous l’acronyme PANG, pourraient bien diminuer un peu l’écart entre les porte-avions français et américains, cependant. Si aucune configuration définitive ne semble avoir été figée, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que le ou les futurs porte-avions français déplacent entre 60.000t et 80.000t. De telles dimensions seraient nécessaires pour pouvoir opérer les futurs chasseurs du programme SCAF, a priori plus gros et plus lourds que les Rafale, ce qui permettrait incidemment aux porte-avions français d’adopter enfin les mêmes catapultes de 90m que leurs équivalents américains.

Eisenhower CDG Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
L’USS Eisenhower, à droite, est plus de deux fois plus lourd que le Charle De Gaulle, à gauche. Sur le plan conceptuel et doctrinal, les deux bâtiments sont pourtant particulièrement proches, conférant à la Marine Nationale un statut unique parmi les alliés.

Quels que soient les choix techniques qui seront fait pour le PANG, la Marine Nationale sera certaine d’au moins conserver son rang, voire même de le renforcer si elle opte pour deux PANG. En effet, les porte-aéronefs britanniques, espagnols et italiens sont dotés de tremplins, ne permettant une interopérabilité qu’avec les avions de l’US Marines Corps, là où le choix de la catapulte permet à la Marine Nationale d’opérer tous les avions de l’US Navy. Et ce sans même mentionner l’intégration de destroyers américains et alliés au sein de l’escorte, une nouvelle fois démontrée lors de la mission Foch.

Pour penser plus loin l’interopérabilité, peut-être peut-on espérer voir un jour des aéronefs américains et surtout européens intégrer pleinement le GAN français, sur toute la durée d’un déploiement. Une telle opportunité relève pour l’instant du vœu pieux, mais un PANG de grande dimension couplé à un SCAF navalisable réalisé dans un partenariat européen rendrait une telle hypothèse parfaitement réaliste. Encore faudrait-il que la volonté politique suive et que les décisions en ce sens soient prises rapidement dans le cadre du programme SCAF.

En attendant le FARA, l’US Army commande de nouveaux hélicoptères légers UH-72 Lakota.

Des sources officielles américaines nous apprennent aujourd’hui qu’un contrat d’environ 120 millions de dollars avait été attribué à Airbus Helicopters USA pour la construction de 15 nouveaux UH-72A Lakota, version construite sous licence de l’hélicoptère biturbine léger H145. Ces 15 nouveaux appareils viendront s’ajouter aux quelques 412 UH-72 Lakota déjà produits à Colombus (Mississippi) pour les besoins de l’US Army, qui est aujourd’hui le principal opérateur mondial d’hélicoptères de la famille EC145/H145.

Bien qu’il soit réservé à des tâches utilitaires et quasiment jamais déployé en dehors du territoire américain (à l’exception de quelques exercices EVASAN en Allemagne, notamment), l’UH-72 est aujourd’hui au cœur des capacités héliportées de l’US Army. Au-delà de ses missions de transport, d’observation et de liaison, c’est également l’hélicoptère-école de base de l’Army. Avec plusieurs programmes majeurs de renouvellement en cours, tant pour ses hélicoptères de manœuvre que ses hélicoptères de combat, l’US Army cherche aujourd’hui à étoffer sa flotte de Lakota afin de renforcer les capacités d’entrainement de ses forces et de libérer ses hélicoptères de transport Blackhawk pour les opérations extérieures.

UH72 Army National Guard Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
UH-72A de l’Army National Guard. Les Lakota constituent aujourd’hui le gros des appareils de la garde nationale, intervenant régulièrement en cas de catastrophes naturelles ou industrielles.

Sélectionné en 2006 dans le cadre du programme Light Utility Helicopter, le H145 était encore appelé EC145, et Airbus Helicopters USA se nommait alors EADS North America. Le groupe européen s’était alors allié à Sikorsky dans le but de réaliser ce qui s’apparentait alors à un hold-up : remporter un contrat majeur de l’US Army sur les terres mêmes des hélicoptéristes américains Bell et MD Helicopters dans le but de remplacer les centaines de UH-1 Huey et OH-58A/C encore utilisés par l’US Army et la garde nationale américaine.

Face à l’appareil européen, pourtant, Bell n’a pu proposer que son modèle 210 et son Bell 412LUH, des versions améliorées du Huey mais qui n’apportaient pas de réelle rupture par rapport au UH-1. Avec son MD900 Explorer, MD Helicopters disposait d’une machine moderne et bien conçue, mais a priori trop coûteuse à l’usage. Ne restait donc que l’EC145 d’Eurocopter et le AW139 italien. Doté d’une porte de chargement arrière et d’une empreinte logistique plus faible, c’est donc l’EC145 qui a été acheté à raison de 345 exemplaires.

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La Navy utilise cinq UH-72A pour son école de pilotage. Le gros de ses hélicoptères-écoles seront cependant remplacés par des monoturbines AW119 Koala de conception italienne, moins chers à l’usage.

Depuis, l’usine de Colombus a été amenée à répondre à des demandes supplémentaires, comme c’est encore le cas aujourd’hui, et a également livré quelques appareils à la Thaïlande. Ces commandes régulières, comme celle pour les 15 nouveaux appareils, vise certes à répondre aux besoins de l’US Army mais aussi à maintenir en activité l’usine de Colombus. On le sait, les commandes d’équipements militaires américains sont déterminées aussi bien par les impératifs opérationnels que par les impératifs électoraux, l’implantation d’usines dans un maximum d’Etats clés étant au cœur des stratégies de tous les grands groupes de défense implantés aux USA. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si cette commande de nouveaux appareils a été initialement annoncée par les Sénateurs du Mississippi.

Pour Airbus Helicopters Inc. et son usine de Colombus, la commande est en effet bienvenue. Si l’UH-72 est toujours considéré comme l’hélicoptère le plus économique de l’US Army, tant à l’achat qu’à l’entretien ou à l’heure de vol, l’appareil n’a pas réussi à convaincre l’US Navy qui lui a préféré récemment le monoturbine italien AW119 de Leonardo pour remplacer ses hélicoptères d’entrainement. En 2018 déjà, Leonardo avait remporté un marché pour 84 hélicoptères logistiques au profit de l’USAF. Opposé au UH-72, c’était alors l’AW139, candidat malheureux à l’appel d’offre de l’Army en 2006, qui avait alors été sélectionné.

MH 139 Grey Wolf sujet Boeing Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Boeing/Leonardo MH-139, basé sur le AW139 de Leonardo. Le UH-72 avait été proposé à l’USAF, mais cette dernière préféra un AW139 bien plus lourd et coûteux mais aussi plus performant.

Néanmoins, si les enjeux industriels et politiques sont bien réels, le maintien à minima de la chaîne de production de Colombus répond aussi à un besoin stratégique pour l’US Army. Les besoins en nouvelles montures sont bien réels. Ces dernières années, les Lakota ont été intensivement utilisés dans des missions de secours suite aux incendies de Californie ou aux Ouragan qui, réchauffement climatique oblige, se multiplient au large des côtes américaines, n’en déplaise au locataire actuel de la Maison Blanche. Au quotidien, les UH-72 interviennent également pour la surveillance des frontières, et complètent en cela les effectifs du Homeland Security et de l’US Coast Guard. En augmentant le nombre de Lakota en service, l’US Army et la garde nationale économise autant de potentiel de vol pour leurs UH-60 Blackhawk qui vont devoir durer le temps que les différents programmes du Future Vertical Lift soient lancés.

Pour certains observateurs, une chaîne de production active pour le Lakota serait également une sécurité en cas de nouvel échec du programme FARA de renouvellement des OH-58D/F Kiowa Warrior. Il faut dire que le remplacement des Kiowa Warrior semble maudit, après les échecs successifs des programmes d’hélicoptères RAH-66 Comanche (2004), Bell ARH-70 Arapaho (2006) et Armed Aerial Scout (2013), et la famille d’hélicoptères H145M à laquelle appartient le UH-72 est aujourd’hui de plus en plus crédible sur le marché des hélicoptères de reconnaissance armés.

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Un dérivé du Lakota basé sur l’EC145 T2 et doté d’un rotor de queue de type Fenestron avait été proposé à l’US Army dans le cadre du programme AAR, qui a été annulé en 2013. Aujourd’hui, les ambitions du programme FARA ne permettront pas aux soumissionnaires de se baser sur un appareil commercial existan.

Il y a, cependant, très peu de chances pour que cela se produise. D’une part, l’US Army semble avoir appris de ses (nombreuses) erreurs et le Future Reconnaissance and Attack Helicopter présentera sans doute un bon équilibre entre innovation et maturité technologiques. La proposition de Boeing, que nous avons récemment présenté en détail, reste exemplaire de ce point de vue-là. D’autre part, il convient de voir que si les forces américaines sont prêtes à acheter massivement des appareils commerciaux européens pour les opérations au-dessus du sol américain, comme l’évacuation sanitaire, la sécurisation de sites sensibles ou la logistique légère, elles semblent toujours mettre en avant des solutions conçues et produites intégralement aux États-Unis pour leurs appareils de première ligne. Ici aussi, l’exemple du programme FARA est exemplaire : bien qu’Airbus Helicopters dispose d’un démonstrateur considérablement plus avancé que les propositions d’AVX et de Kareem et soit prêt à le produire intégralement aux États-Unis, l’US Army a choisi de ne pas donner suite au Racer d’Airbus.

 Encore une fois, l’enjeu est politique et industriel. Des hélicoptères utilitaires européens légers, déjà largement répandus dans le domaine civil, ne mettent pas réellement en danger l’avenir de Sikorsky ou de Bell s’ils sont achetés par les armées américaines à des fins utilitaires. Par contre, financer sur l’argent fédéral américain le développement d’une version opérationnelle et militaire de l’Airbus Racer, cela reviendrait à faciliter considérablement l’acquisition d’une version 100% européenne du même appareil par les forces françaises ou allemandes.

FARA Boeing 1 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Proposition de Boeing pour le programme FARA. Conceptuellement, on est bien plus proche du RAH-66 Comanche que du ARH-70 basé sur un Bell 407 commercial. Pourtant, Boeing propose une approche à la fois novatrice et économique.

Alors qu’en basant le futur des opérations héliportées sur des appareils conçus aux USA obligera les nations européennes à acheter américain ou à payer elles-mêmes le développement d’un Racer militarisé lorsqu’elles voudront moderniser leurs forces. En somme, en gardant la main mise sur les futurs hélicoptères de référence pour le combat et la manœuvre militaire, les industriels américains espèrent sans doute réitérer le succès du Chinook, notamment, qui ne connait toujours pas d’équivalent européen malgré l’expérience d’Airbus et de Leonardo dans le domaine.

Qu’est-il réellement arrivé aux F-35 déployés en Finlande ?

Dans un précédent article, nous sommes revenus sur les propos du Responsable du programme H-X finlandais, Lauri Puranen, qui commentait les problèmes rencontrés par le F-35 dans le cadre de l’évaluation opérationnelle menée par la force aérienne finlandaise dans le cadre de la compétition HX-Fighters. Il confirmait alors ce que nombre d’observateurs et de « spotters » avaient révélé : quatre appareils étaient attendus sur la base aérienne de Pirkkala, mais seulement deux sont arrivés.

Pire encore, l’un de ces deux appareils aurait connu une avarie non détaillée l’empêchant d’effectuer ses vols d’essais, l’avion n’étant réparé qu’à temps pour son trajet retour vers les USA. Difficile sur ce dernier point de critiquer la conception du F-35 sans connaître les détails de la panne en question. Après tout, une panne peut arriver à n’importe quel appareil, le Super Hornet en aurait d’ailleurs rencontré une lors de son évaluation HX, et c’est justement pour cela que deux appareils sont systématiquement dépêchés par chaque compétiteur.

Par contre, le passage de quatre à deux F-35 déployés est bien plus révélateurs des problèmes encore rencontrés par le F-35 mais surtout par l’USAF, qui doit gérer de gigantesques soucis techniques et opérationnels avec ses deux programmes les plus structurant pour sa capacité opérationnelle future : l’avion de combat F-35 de Lockheed Martin et le ravitailleur en vol KC-46 de Boeing.

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Les deux F-35 déployés en Finlande. Si l’un deux est rapidement tombé en panne, on ne sait pas à quel point il a quand même pu participer aux essais, notamment pour démontrer les capacités de communication et de partage de données.

Déploiement des F-35 vers la Finlande : retards et avions non déployés

Dans un premier temps, l’arrivée des F-35 en Finlande prévue avant le 8 février a été retardée de quelques jours en raison d’une tempête en Atlantique Nord. Officiellement, les quatre F-35 prévus étaient « bons pour le départ », mais le temps ne se prêtait pas à un voyage sûr. Surtout, les ravitailleurs attendus pour accompagner les 4 F-35A jusqu’en Finlande semblaient, eux, indisponibles ou en tous cas incapables de voler dans de telles conditions météo, les vieux KC-135 accusant de plus en plus leur âge.

Le 10 février, quand les conditions météorologiques ont été plus favorables, le convoi Lockheed Martin s’est mis en branle, sauf qu’il ne comportait alors à la dernière minute plus que deux F-35A au lieu des quatre prévus initialement. La raison justifiant cette réduction par deux du nombre de F-35 déployés reste encore mystérieuse et est, dans tous les cas, symptomatique des problèmes rencontrés aujourd’hui par l’US Air Force.

F 35 finland Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
F-35 en Finlande. Malgré les déboires techniques rencontrés, l’appareil aurait quand même permis de démontrer l’adéquation entre les données techniques fournies par Lockheed Martin et la réalité opérationnelle. Reste qu’un taux de disponibilité aussi faible fait tâche sur la candidature de l’appareil.

Plusieurs cas possibles ont été évoqués par les analystes et commentateurs tant Finlandais qu’Américains :

  • Officiellement, c’est le manque de disponibilité des ravitailleurs en vol qui aurait limité la taille de la petite armada déployée pour les essais. Ainsi, un seul KC-135 aurait fait le voyage jusqu’en Scandinavie avec les deux F-35, l’avion-cargo C-17 les accompagnant n’ayant théoriquement pas besoin de ravitaillement en vol pour un trajet transatlantique. Si c’est vrai, cela démontrer qu’il y a un problème critique dans le format et la disponibilité de la flotte de tankers américains, alors même que les plus vieux KC-135 et KC-10 doivent sortir du service actif et que le nouveau KC-46 –dont le développement prend du retard– n’est toujours pas à même d’être déployé en opérations extérieures.
  • La justification officielle pourrait cependant servir d’excuse pour tenter de cacher un problème de disponibilité des F-35 dévolus aux tests. Après tout, l’évaluation s’est déroulée sur une semaine, et le fait qu’un des deux appareils dépêchés sur place ait connu des problèmes techniques aurait dû justifier l’envoie d’au moins un troisième appareil dès lors qu’un ravitailleur aurait été disponible. D’autant plus que le KC-135 envoyé avec les deux F-35 aurait pu se charger de faire l’aller-retour pour « récupérer » un autre appareil. Au-delà de ça, l’USAF dispose encore de plusieurs centaines de ravitailleurs, même si la flotte est vieillissante, et elle n’a historiquement jamais refuser d’épauler un déploiement commercial, surtout au profit de son principal fournisseur Lockheed Martin.

F-35 et KC-46 : un couple maudit ?

Dans tous les cas, le déploiement en Finlande aura au moins souligné la dépendance des F-35 en ravitailleurs en vol dont la disponibilité et les capacités sont de plus en plus critiques. En effet, si un seul KC-135 a suivi les deux F-35 jusqu’au bout de leur voyage, il y avait bien deux ravitailleurs au départ des États-Unis. L’un d’eux a fait demi-tour au-dessus de l’Atlantique a priori en raison des conditions météorologiques, sans qu’il ne soit précisé s’il était déployé en tant que « spare » au cas où le premier ravitailleur rencontre un problème, ou s’il servait de nécessaire complément pour maintenir les réservoirs des F-35 pleins au début du voyage.

KC 46 F 35 USAF Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Le KC-46 de l’USAF ne devrait pas présenter de capacités de ravitaillement bien supérieures à celles du KC-135 qu’il remplace, alors que le F-35 est bien plus gourmand qu’un F-16 ou un F/A-18.

Même en étant généreux avec les chiffres, toutefois, si une paire de F-35 nécessite systématiquement un ravitailleur entier pour un simple déploiement transatlantique, on comprend rapidement que la crise des ravitailleurs de l’USAF risque de durer très longtemps, d’autant plus que le nouveau KC-46 n’offre pas plus de capacités de transfert de kérosène que le vieux KC-135, contrairement au KC-10 Extender (dont le retrait aurait été avancé pour financer les nouveaux KC-46) ou au Airbus KC-330 MRTT, que l’USAF avait initialement préféré au KC-46 de Boeing.

Alors que l’US Air Force organise le renforcement de ses capacités dans le Pacifique, considérablement plus étendu que l’Atlantique, qu’attendre du couple F-35/KC-46. Le premier est terriblement gourmand en carburant, tandis que le second dispose d’une capacité de transfert particulièrement faible pour un vecteur sensé être stratégique. Alors que le F-35 est toujours dans l’incapacité d’emporter des réservoirs externes, on comprend un peu mieux les récents achats de F-15X, un avion qui n’est pas furtif comme le F-35 mais qui dispose d’une autonomie compatible avec des opérations de haute intensité en Asie-Pacifique, même si l’USAF ne dispose que de KC-135 et KC-46 pour le soutenir.

Pourquoi déployer quatre appareils pour une évaluation technique ?

Indépendamment de la question du ravitaillement en vol, qui découle fondamentalement du choix d’une plateforme trop petite (mais « Made in USA ») par l’USAF, les déboires des deux F-35 arrivés en Finlande interrogent sur la fiabilité de l’appareil. En effet, comme en Suisse l’année dernière, Lockheed Martin prévoyait de déployer quatre chasseurs, alors que tous les concurrents n’en ont déployés que deux. Pourquoi un tel choix ?

L’une des explications avancées concerne le système d’arme ultra-connecté du F-35 et l’absence de version biplace pour les vols de démonstration. Avec quatre appareils, trois avions pourraient ainsi voler pendant qu’un pilote finlandais (ou suisse, précédemment) reste au sol dans le cockpit du 4e appareil, observant directement les capacités de communication entre appareils. D’autres analystes avancent que la version actuelle du système de combat du F-35 ne serait optimisée que pour des patrouilles de quatre appareils, ni plus ni moins, imposant un tel déploiement pour démontrer tout le potentiel de l’appareil.

F35 Ravitalleur F16 pays Bas Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
F-35 et F-16 accompagnant un ravitailleur lourd KC-10 Extender. L’USAF possède une petite flotte de ces appareils de haute capacité, qui pourraient être idéalement couplés au F-35. Mais leur remplacement par un ravitailleur lourd comme l’Airbus A330MRTT ne semble plus prévu aujourd’hui.

Cependant, d’autres analystes soupçonnent un problème intrinsèque de fiabilité sur le F-35, aggravé par le système de gestion logistique ALIS qui ne permet pas aux techniciens déployés de réparer facilement un problème pourtant identifié. En plus de l’appareil devant resté au sol avec un pilote local à bord, il faudrait alors un F-35 supplémentaire pour assurer la disponibilité du déploiement…

Enfin, il reste la possibilité que le déploiement d’un ravitailleur, d’un avion-cargo C-17 et de pas moins de quatre F-35 lors de chaque campagne d’essais soit partie intégrante de la communication de Lockheed Martin, qui souhaite que son appareil soit omniprésent. L’un dans l’autre, cependant, les déboires en Finlande ont éraillé le discours officiel de l’avionneur américain.

Si un unique F-35 disponible a pu démontrer toutes les qualités de l’appareil, comme l’affirme Lockheed, pourquoi alors en déployer quatre en temps normal, si ce n’est au moins en partie pour contrer tout problème de disponibilité ? Et si quatre appareils sont réellement nécessaires, comment croire qu’un seul avion en état de vol a pu démontrer toutes les « remarquables capacités de 5e génération » de l’avion? La transparence qui semble à l’oeuvre dans le processus de sélection HX devrait nous offrir dans les mois à venir d’intéressantes analyses sur les capacités opérationnelles réelles des avions en compétition.

Le Responsable du programme H-X finlandais évoque les faibles performances du Gripen et du F-35 lors des tests

Interviewé par le site finlandais Kauppalehti, le responsable du programme H-X s’est exprimé avant-hier sur la compétition HX Challenge qui oppose le Rafale français, les F-35 et F/A-18E américains, le JAS-39E Gripen suédois et le Typhoon européen pour le renouvellement des chasseurs F/A-18 de la force aérienne finlandaise. Ces derniers mois, les avions se sont succédés en Finlande afin de vérifier, par un programme d’essais en vol, que leurs caractéristiques opérationnelles correspondent bien à celles qui ont été annoncées par les constructeurs. Des évaluations sur la logistique et les capacités militaires adaptées aux modes opératoires finlandais devraient suivre plus tard dans l’année.

Entre autres questions générales, Lauri Puranen a tenu à répondre à des questions plus incisives sur certains compétiteurs. Si le Rafale, le Typhoon et le Super Hornet n’ont pas été évoqués une seule fois par l’intervieweur, le Gripen de SAAB et le F-35 de Lockheed Martin semblent cristalliser l’attention des analystes finlandais. Et Lauri Puranen n’a semble-t-il pas jugé bon d’être tendre avec les compétiteurs, en particulier le F-35 américain.

F18 finland Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
La compétition HX vise à remplacer les F/A-18 Hornet finlandais. Bien que plus petit et léger, le Gripen E conserverait de sérieuses chances grâce à son avionique avancée et à son couplage aux avions-radars GlobaEye proposés par SAAB.

A propos du Gripen en Finlande

Actuellement, deux compétitions se déroulent parallèlement en Europe : en Suisse et en Finlande. Les mêmes avions s’y opposent, à l’exception du Gripen E, version modernisée du Gripen C suédois, qui a été éliminé en Suisse à cause de son manque de maturité technologique. En Finlande, le petit avion suédois est vu comme un des favoris en raison de son prix, de la proximité géographique du fournisseur et de la proposition de SAAB d’inclure deux avions-radars dans leur offre pour le contrait HX. Néanmoins, là-bas aussi, l’avancement du programme pose question.

Interrogé sur spécifiquement sur cette question, Lauri Puranen a répondu que « Le Gripen est le plus récent des chasseurs en compétition et encore au stade de prototype. Il lui manque des systèmes, mais tous les candidats ont des développements en cours. Peut-être le Gripen en a-t-il plus que les autres ». Un commentaire somme toute assez diplomatique vis-à-vis de SAAB, qui tranche avec la manière dont l’avionneur avait été évincé de la compétition suisse.

Gripen E et GlobalEye de Saab Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Comme le F-35, le Gripen a du affronté des conditions météorologiques sévères lors de ses essais en Finlande. Le prototype de Gripen E et le démonstrateur Gripen Demo ont cependant pu réaliser tous leurs vols, y compris ceux en compagnie du GlobalEye.

Il faut dire que le package proposé par SAAB a de quoi séduire sur le papier, notamment en raison du système d’arme de l’avion et de son interaction avec l’avion-radar GlobalEye, que nous avons récemment exploré en détails. Il n’empêche que le doute persiste sur la capacité à livrer un appareil pleinement opérationnel dès 2025, autrement dit « demain » à l’échelle d’un programme aéronautique militaire.

Le F-35 va devoir encore convaincre

Les propos au sujet du Gripen ne cachent pas une éventuelle inquiétude au sujet de l’avancement du programme. Mais ils restent particulièrement affables comparativement au commentaire du ministère de la défense sur le F-35. Alors qu’il était interrogé sur les surprises au sens large que pouvaient rencontrer une phase de démonstration comme celle qui se termine en Finlande, Lauri Puranen a immédiatement évoqué le seul F-35 : « Un exemple de ce qui a pu mal tourné est que nous attendions au départ quatre F-35. Finalement, seulement deux appareils sont arrivés en Finlande, et l’un des deux a souffert d’une avarie technique. Tous ses vols n’ont pas pu être réalisés, et l’autre appareil a dû réaliser l’ensemble des vols d’essais. »

En finnois, le ton du commentaire sur le F-35 est moins acerbe que ne le laissent penser les outils de traductions automatiques vers le français ou l’anglais, ce que nous avons essayé de retranscrire dans cette traduction. Néanmoins, on ne peut manquer d’observer que le F-35 semble pour l’instant avoir fait une assez mauvaise impression en Finlande, même si Lockheed Martin s’est empressé d’assurer que l’unique F-35 en état de vol a pu démontrer « les remarquables capacités de 5e génération pour toutes les missions d’essais planifiées requises pour respecter les conditions du HX Challenge ».

premier F35 Rpyal Norvegian Air Force Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Déjà acheté par la Norvège et le Danemark, le F-35 est vendu par Lockheed Martin comme une solution toute aussi scandinave que le JAS-39E Gripen du Suédois SAAB. Son coût opérationnel, sa maintenance et sa disponibilité continuent cependant de soulever de sérieuses questions.

Difficile d’interpréter cette sortie du responsable du programme H-X, tant à propos du Gripen E que du F-35. Par le biais de cette interview, Lauri Puranen a pu tenter d’envoyer un message clair à SAAB et Lockheed Martin, leur précisant qu’ils devraient redoubler d’efforts pour conserver une chance dans les prochaines phases du HX Challenge, qui devraient entre autre se pencher sur les questions de maintenance et de disponibilité. Ses déclarations pourraient aussi servir un but politique en Finlande même, en rappelant aussi bien aux militaires qu’aux législateurs que les critères techniques ne pourront pas être balayés de la main sur l’autel d’une sélection purement diplomatique.

Un tel choix avait été fait par la Suisse en 2011 en faveur du Gripen, avant que des fuites ne viennent révéler que l’appareil avait fini bon dernier de la compétition technique, ce qui avait participé au rejet de cet achat par référendum en 2014. Or, la compétition technique finlandaise semble encore plus transparente que les évaluations suisses. Si Lockheed Martin veut l’emporter, il lui faudra donc jouer à la loyale et ne pas prendre cette évaluation à la légère en espérant remporter uniquement sur des critères politiques et sur les belles promesses (pourtant illusoires sur certains points) de la supposée cinquième génération : furtivité, fusion de donné, capacités de communication. Le Suédois SAAB, de son côté, va devoir redoubler d’efforts s’il veut rester en course dans une des compétitions où il a le plus de chances de briller, comme nous l’avions établi l’année dernière.

SAAB et Lockheed restent au cœur des débats finlandais

Est-ce que toute publicité, même mauvaise, est bonne à prendre ? On pourrait légitimement se poser la question suite à cette interview de Lauri Puranen. Le Gripen y est décrit comme manquant de maturité, et le F-35 semble avoir accumulé les déboires, en partie dus à des causes extérieures imprévisibles, comme nous le décrivons dans notre article dédié à ce sujet. Pour autant, les deux appareils centralisent encore une fois l’attention de la presse économique et de la presse spécialisée finlandaise. Comme si le choix final devait se porter nécessairement sur le « régional de l’étape » ou sur « le seul avion de 5e génération de la compétition ».

Le Rafale lors des tests en Finlande Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Le Rafale est un habitué de la Finlande, d’où il effectue régulièrement des campagnes de qualification par temps froid. L’appareil français, très polyvalent, a tout pour se distinguer lors des essais en vol. Il lui manque cependant les nécessaires relais d’opinion et de communication locaux qui ne peuvent être confiés aux seuls services diplomatiques du Quai d’Orsay.

Pourtant, Boeing afait de belles avancées en proposant un certain nombre d’avions de guerre électronique EA-18G Growler parmi son package de F/A-18E/F Super Hornet, et en rappelant la communalité logistique entre le Hornet classique en service en Finlande et le Super Hornet proposé, se positionnant alors comme la solution « raisonnable » de cet appel d’offre. L’Eurofighter Typhoon et le Rafale de Dassault Aviation restent cependant vus pour beaucoup en Finlande comme des challengers, faute d’une campagne de communication agressive et taillée sur mesure pour convaincre le public. Or, dans des démocraties habituées à la transparence, comme en Suisse et en Finlande, il s’agit aujourd’hui d’un enjeu essentiel qu’il convient de ne pas négliger, surtout pour un avion comme le Rafale qui a tout pour remplir l’ensemble des objectifs de la force aérienne finlandaise. Si Helsinki a logiquement tapé du poing pour s’opposer aux campagnes de lobbying qui ciblaient directement les membres du comité HX, il reste une marge gigantesque pour mettre en place une campagne de relations publiques en faveur d’une solution européenne.

Avec le turboréacteur WS-10, l’industrie aéronautique militaire chinoise devient autonome

Apparues il y a quelques jours sur twitter, des photos montrant un chasseur léger chinois J10C aux couleurs de l’APLAF équipé du moteur de facture locale WS-10 constitue une étape bien plus importante qu’il n’y parait pour l’industrie aéronautique militaire du pays. Certes, le moteur WS-10 n’est pas nouveau, et il équipé déjà des chasseurs comme le J-11B, certains J-15 et J-16. Mais le manque de fiabilité du moteur obligeait jusqu’à présente les autorités chinoises à ne l’employer que sur des appareils bimoteurs, les monomoteurs, comme le J-10 qui constitue aujourd’hui la colonne vertébrale des forces aériennes de l’APL avec près de 500 exemplaires en service, restaient eux fidèles aux moteurs de facture russe, et notamment au turboréacteur AL-31 qui équipent notamment les Su-30 et Su-35 des forces aériennes du Kremlin.

Il faut dire que le developpement d’un moteur performant est considéré comme la phase la plus complexe et délicate dans la conception d’un avion de combat. Et jusqu’à présent, seules 5 entreprises dans le Monde, à savoir les américains Général Electrique et Pratt&Whitney, le britannique Rolls-Royce, le français Safran et le russe NPO Saturn, disposaient d’un tel savoir-faire. Pour les pays ayant l’ambition de developper leur propre capacité industrielle pour atteindre une certaine forme d’autonomie stratégique, il s’agit donc d’une étape critique mais également complexe et risquée, tant les écueils sont nombreux. Deux pays ont entrepris un tel developpement ces dernières années, l’Inde avec le moteur Kevari, et la Chine avec les moteurs WS-10 et WS-15.

J11B 01 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Les J-11B, reconnaissables à leur radôme noir, sont propulsés par deux WS-10 en lieux et places des AL31F qui équipent les J-11A.

Le Kevari indien, qui devait propulser initialement l’avion de combat Tejas, n’a pas donné satisfaction, le moteur ayant des performances très en dessous des critères escomptés, obligeant les autorités indiennes à se retourner vers l’américain General Electric et son F404 pour le Tejas Mk1, puis le F414 pour l’hypothétique Tejas Mk2.

La Chine rencontra elle aussi de nombreuses difficultés dans la mise au point de son WS-10, pourtant dérivé du moteur CFM56 construits par General Electric et Safran, et dont la Chine acquis plusieurs exemplaires dans les années 80. Les premiers exemplaires de WS-10 furent ainsi produits à la fin des années 90, mais il faudra atteindre le début des années 2010 pour observer les premiers appareils militaires équipés de ce moteur. Et il faudra encore une dizaine d’année pour que le moteur soit suffisamment fiable pour équiper le J-10 monomoteur. Les performances exactes du WS-10 restent peu documentées. Le moteur offrirait une poussée de 12 à 14 tonnes avec post-combustion, et des performances comparables au moteur AL-31F en terme de puissance et de durée de vie, soit une poussée à sec de 7,5 tonnes et un cycle de vie de 4000 heures. Mais pour le Pakistan, qui s’est vu proposer le moteur WS-13 pour équiper ses chasseurs JF-17 block III par Pékin, la fiabilité des moteurs chinois, et leur durée de vie, restent toujours inférieures à celles des moteurs russes.

JF17 bombe laser Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Le Pakistan a décliné l’offre chinoise d’équiper ses JF17 Block III du moteur WS-10, préférant rester fidèle au Saturn AL-31F russe, un peu moins performant, mais plus fiable.

La Chine développe également, concomitamment, le moteur WS-15, destiné à équiper des appareils lourds comme le J-20. Développant 10,5 tonnes en poussée sèche, et 18 tonnes avec la post combustion, ce moteur permettra au nouveau chasseur furtif chinois d’atteindre un régime de super-croisière, c’est à dire un régime supersonique en palier sans faire usage de la post-combustion, qui consomme en moyenne 3 fois plus de carburant que la poussée « sèche ». Mais son developpement semble rencontrer encore davantage de difficultés que le WS-10, et pour l’heure, rien n’indique une prochaine entrée en service du moteur, jugé encore trop « instable » selon certains spécialistes. Mais avec la récente acquisition du motoriste ukrainien Sich, nul doute que l’industrie chinoise comblera une grande partie des blancs auxquels elle fait encore face.

Safran M88 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
La technologie d’un moteur comme le M88 de Safran qui propulse le Rafale français reste aujourd’hui un des savoir-faire les moins diffusés dans le monde, bien en deçà, par exemple, de celui des missiles balistiques ou des armes nucléaires. Il peut en revanche être comparé à la conception d’un sous-marin nucléaire, car ce sont les mêmes pays qui sont capables de produire les uns comme les autres.

Quoiqu’il en soit, avec l’entrée en service du WS-10 sur J-10, la Chine rejoint officiellement le club des nations capables de concevoir un moteur pour avion de combat performant et fiable. Il devrait également amener des pays comme la France et la Grande-Bretagne à protéger les savoir-faire de leur entreprises nationale Safran et Rolls-Royce dans ce domaine de pointe, notamment dans le partage industriel qui peut s’effectuer au sein des programmes européens SCAF et Tempest, dans l’espoir d’en faire baisser les couts pour les finances publiques.

Boeing dévoile sa proposition pleine de promesse pour la compétition FARA

Boeing était le dernier des 5 entreprises autorisées à concourir pour la sélection initiale du programme FARA, pour Futur Attack and Reconnaissance Aircraft, à ne pas avoir officiellement présenté son concept. C’est par l’intermédiaire d’une vidéo et d’une rubrique sur le site Boeing que cette présentation publique a été faite ce mardi 3 mars. Sans grandes surprises vis-à-vis de nos déductions précédentes, Boeing se positionne sur un segment intermédiaire entre l’Invictus 360 de Bell et le Raider-X de Sikorsky, avec une offre qui se veut attractive, du point de vue technologique, mais aussi du point de vue budgétaire.

Commençons par présenter ce que la firme aéronautique de Seattle dévoile aujourd’hui. Le modèle, sobrement nommé « Boeing FARA », repose bien, comme nous l’avions supposé, sur une architecture unique parmi les 5 concurrents, avec un rotor principal à 6 pales, une hélice propulsive de petite taille sur la queue, et un rotor anti couple déporté vers le haut en amont de cette dernière. Cette configuration, très proche de celle proposé pour le « Super Apache », a le mérite de la simplicité, puisque la puissance de l’hélice propulsive est directement captée sur l’unique turbine, à l’image de ce qui se pratique pour les rotors anti-couple traditionnels des hélicoptères. Dès lors, l’appareil aura effectivement une vitesse supérieure à un hélicoptère comme le Bell 360 Invictus, mais sans la complexité du rotor contra-rotatif du Raider-X.

Le second point est lié à la motorisation du « Boeing FARA », présentée comme monoturbine dans la documentation accompagnant la video. Or, l’économie d’une turbine va avoir un impact très important sur le prix de l’appareil, qui pourrait même s’avérer au final moins cher à l’achat que le très traditionnel Invictus. Boeing fait donc le choix de marquer la différence entre un appareil de reconnaissance et d’attaque, se voulant un appareil léger et économique, et un hélicoptère de combat lourd, conçu pour encaisser les coups, et nécessitant, de fait, une motorisation puissante et redondante.

Le troisième point de différentiation de l’appareil de Boeing est son architecture « furtive ». Si l’appareil ne peut encaisser les coups, il doit pouvoir les éviter. En examinant la video, on constate que tout est conçu sur ce modèle pour réduire les surfaces présentées, l’appareil apparaissant d’ailleurs plus compact que les autres concurrents. On remarque également que l’évacuation des gaz d’échappement est masquée de part et d’autre de l’appareil, comme les prises d’air, deux points révélant les objectifs de furtivité de ses concepteurs. Surtout, les pilonnes d’armement appariassent comme étant déployables, permettant à la fois de réduire la surface radar ainsi que la trainée de l’appareil en configuration lisse. Enfin, il apparait que Boeing souhaite privilégier l’évolutivité de son appareil, comme de son interface, et faciliter sa maintenance, notamment en zone opérationnelle. Tout du moins est-ce ainsi présenté dans les points clés du modèle sur le site dédié du constructeur.

FARA Boeing 1 Analyses Défense | Budgets des armées et effort de Défense | Communication institutionnelle défense
Cette image permet de constater à quel point le Boeing FARA est compact.

Dès lors, et sans surprise, il apparait que Boeing a imaginé un appareil conçu spécifiquement pour la mission des FARA, plutôt que pour mettre en oeuvre une technologie ou une configuration particulière. Cette approche permet au constructeur de proposer une conception incluant des performances élevées, une faible prise de risque technologique, mais également, très probablement, des tarifs particulièrement agressifs. Ceci explique d’ailleurs probablement pourquoi Boeing a reporté au maximum la présentation de son modèle, et ne pas laisser ainsi à ses compétiteur le temps d’adapter leur modèle ou leur offre pour tenter d’être aussi compétitif soit au niveau du prix, soit des performances, que son propre hélicoptère.

Il serait, dès lors, surprenant que Boeing ne fasse pas parti des 2 constructeurs sélectionnés pour construire et présenter un prototype, décision qui doit être prise par l’US Army avant la fin du mois de Mars. Et quelque soit l’adversaire qui lui sera opposé, ce dernier aura beaucoup de mal à se positionner, comme lui, simultanément sur les prix sur les performances. Sans préjuger de la décision finale du Pentagone, il apparait toutefois que le modèle « Boeing FARA » est, aujourd’hui, en bien des points le favori de la compétition.