La question de l’artillerie moyenne sur les navires de surface de la Marine Nationale se pose déjà depuis plusieurs années, au point que la configuration générale des pièces d’artilleries des futures frégates FDI a mis un certain temps avant d’être relativement figée. Aujourd’hui, outre quelques pièces de 100mm armant les frégates et avisos (devenus patrouilleurs de haute mer) les plus anciens, la Marine articule l’artillerie de ses bâtiments autour de deux pièces principales : le 76mm de Leonardo ainsi que le 20mm Narwhal de Nexter, qui sert en complément du 76mm sur les frégates et comme pièce principale sur les nouveaux patrouilleurs.
Néanmoins, depuis l’apparitions des premières vues 3D des futurs ravitailleurs BRF, destinés à remplacer les Bâtiments de Commandement et de Ravitaillement actuels, il semble confirmé que la Marine Nationale s’intéresse désormais à un calibre intermédiaire, puisque les premières illustrations des BRF les montraient dotés de canons de 40mm du suédois Bofors. Depuis deux ans cependant, les industriels français Thales et Nexter ont mené un intense lobbying afin d’imposer une solution nationale sur les BRF.

D’après un article très détaillé de Vincent Groizeleau, il semblerait que cette hypothèse, privilégiée depuis quelques mois déjà, soit bel et bien confirmée et qu’une commande pourrait avoir lieu prochainement. L’article de Mer&Marine précise d’ailleurs que, pour des raisons de rentabilité, le nouveau canon français RAPIDFire Naval ne serait pas intégré aux seuls BRF, mais pourrait aussi couvrir les futurs patrouilleurs océaniques et les bâtiments de guerre des mines. Adapté du canon franco-britannique 40CTA à munitions télescopées, qui équipera notamment les futurs véhicules Jaguar du programme Scorpion, le RAPIDFire Naval devrait offrir une capacité de défense contre des cibles aériennes et de surface à une plus longue portée que le Narwhal actuel. Pour peu que le contrat à venir en couvre le développement, ce canon pourrait également inclure une nouvelle munition air-burst anti-aérienne (A3B) que Thales et Nexter présentée comme capable de contrer certains missiles anti-navires.
Ainsi, le RAPIDFire de 40mm pourrait rapidement supplanter le 20mm Narwhal pour l’autodéfense des unités logistiques mais aussi pour l’équipement des navires de second rang, notamment les patrouilleurs et futurs bâtiments de guerre des mines. Sur de telles unités, le choix du RAPIDFire Naval s’avère parfaitement logique, le canon présentant des capacités d’autodéfense accrues mais aussi une portée et une puissance de frappe supérieure contre des cibles de surface légères voire des cibles littorales. Il pourrait alors venir compléter les missiles antiaériens légers Mistral 3, intégrés sur des lanceurs doubles téléopérés Simbad-RC, voire même le missile antichar MMP, déjà testé récemment par la Marine Nationale pour du tir mer-terre et mer-mer.

Si le 40mm RAPIDFire Naval se présente comme une excellente solution pour les navires de second rang, il pourrait également remplacer avantageusement le Narwhal sur certaines unités majeures. On pense notamment aux porte-hélicoptères amphibies, ex-BPC, qui ont été conçus dès le départ pour l’intégration de pièces de 40mm et/ou de missiles de défense terminale, mais n’ont été équipés qu’en 20mm pour des raisons d’économie. Si le RapidFire fait ses preuves, il pourrait également remplacer à terme les pièces de 20mm du porte-avions Charles de Gaulle mais aussi certaines frégates de premier rang. On pense notamment aux frégates de défense aérienne Horizon qui ont été prévue à la base avec un lance-missile SADRAL sur le toit du hangar mais n’ont finalement reçu aucune défense sur le secteur arrière. Un RAPIDFire pourrait ainsi prendre place lors de la refonte à mi-vie des bâtiments, peut-être au même emplacement que la pièce de 76mm équipant les Horizon italiennes. Enfin, s’il n’est pas trop tard, on peut imaginer que la Marine Nationale demande des mesures conservatoires sur les FDI afin de pouvoir intégrer ultérieurement un équipement de type RAPIDFire sur le hangar hélicoptère, Naval Group proposant une telle option (avec un lanceur RAM ou un canon de 35mm) pour l’exportation.
Au-delà, toutefois, il convient de s’interroger sur l’avenir à donner à cette nouvelle filière que Nexter et Thales se proposent de développer. En effet, aujourd’hui, la France est absente du marché des systèmes CIWS, ces armements navals de défense terminale aptes à détruire aussi bien des vedettes ou zodiacs s’approchant furtivement que des missiles anti-navires à basse altitude. Le RAPIDFire pourrait sans aucun doute fournir une solution intéressante pour de nombreuses marines, y compris la Marine Nationale, notamment en complément du missile léger Mistral 3. Cela demanderait toutefois un investissement substantiel de la part de la Défense française, qui va devoir sans doute batailler ferme pour conserver son budget dans les années à venir, alors même que des équipements similaires sont disponibles sur étagère, qu’il s’agisse du Bofors 40mm, de l’Oerlikon 35mm ou encore du système de missiles RAM américain.

Cependant, un tel investissement qui pourrait dépasser les 200 millions d’euros, pour peu qu’on développe une réelle capacité antimissile, pourrait être rentabilisé de diverses manière. En premier lieu, il convient de considérer l’intérêt opérationnel d’un tel équipement polyvalent, capable de remplacer plusieurs pièces d’artilleries voire de missilerie légères sur certains bâtiments. Ensuite, l’investissement à consentir pour développer un tel équipement se ferait intégralement au profit de la BITD français. Au-delà des questions de retour fiscal, que nous abordons régulièrement chez Meta-Défense, ce nouveau système d’arme pourrait également constituer un futur succès sur le marché de l’exportation, et donc une manne financière pour les industriels et le Trésor français. S’il est confirmé que l’intégration initiale du RAPIDFire Naval ne se limite pas aux seuls pétroliers-ravitailleurs, cela pourrait en simplifier l’exportation auprès des clients de l’industrie navale française. Ainsi, au même titre que les missiles Aster, VL-MICA ou Exocet, le RAPIDFire pourrait devenir la pièce d’artillerie médiane standard des patrouilleurs, chasseurs de mines, corvettes et frégates de Naval Group dont le succès récent n’est plus à démontrer.









