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Le programme d’avion de reconnaissance armé léger US pourrait renaître grâce aux forces spéciales

Depuis 2001, les campagnes aériennes des forces occidentales se sont articulées principalement autour de mission d’appui aérien rapproché (CAS) et de contre-insurrection (COIN), conduisant les forces aériennes à négliger de plus en plus le haut du spectre opérationnel, qui leur fait aujourd’hui défaut. Ironiquement, cependant, les coûts des opérations militaires de longue durée en Afghanistan, en Irak ou en Afrique, conjugués à des baisses continues des budgets militaires depuis les années 1990, n’ont pas permis de développer de nouveaux moyens réellement adaptés à la conduite des opérations CAS/COIN. Aux États-Unis comme en Europe, les armées de l’air s’articulent ainsi autour d’avions tactiques médians modifiés peu à peu pour la conduite d’opérations asymétriques, des machines à tout faire qui ne sont réellement capables d’exceller ni en CAS ni en combat de haute intensité.

Deux décennies après la première expression de besoin, et onze ans après le lancement du programme, l’USAF a décidé de mettre fin à son programme d’acquisition d’avions de reconnaissance et d’attaque légers LAAR (Light Attack/Armed Reconnaissance) ou LAS (Light Air Support), à l’occasion de la publication du budget prévisionnel du Pentagone pour l’année fiscale 2021. Le même document, toutefois, précise que le commandement des forces spéciales américaines USSOCOM réclame pour 2021 un budget de 100 millions de $ pour l’achat de cinq avions (sur 75 prévus) du programme « Armed Overwatch », la variante du SOCOM du programme LAAR. Un budget qui devra toutefois être encore validé par le Congrès.

AT6B wolverine Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Le AT-6 Wolverine est proposé par Textron/Beechcraft. Il s’agit d’un appareil dérivé du PC-9 suisse d’entrainement

Dans les faits, l’annulation du LAAR et le lancement effectif de Armed Overwatch acte le fait que le programme d’acquisition d’avions d’attaque léger est transféré de la direction de l’USAF vers le SOCOM. Organisation interarmes, le SOCOM déterminera les besoins opérationnels et se chargera de la sélection de l’avion, même si les 75 appareils envisagés resteront mis en œuvres et pilotés par des aviateurs de l’USAF. Des rencontres entre le SOCOM et les industriels sont prévues pour début mars, mais les compétiteurs semblent a priori déjà connus.

D’une part, Armed Overwatch va consulter les deux candidats du programme LAAR/LAS, Sierra Nevada Corp. (associé à Embraer) et Textron, qui proposaient respectivement le A-29 Super Tucano et le AT-6 Wolverine, tous deux dérivés d’avions d’entrainement turbopropulsés. D’autre part, l’USSOCOM pourrait s’intéresser à d’autres options, comme le AT-802 Longsword de L3 Aerospace Systems, un dérivé d’avion d’épandage agricole dont des variantes ont été exportés aux Emirats Arabes Unis. En attendant la sélection de l’USSOCOM, un petit nombre de A-29 et de AT-6 ont été commandés pour évaluation par l’USAF, qui devrait partager ses résultats avec le SOCOM. Pour les deux favoris, SNC et Textron, une commande de 75 exemplaires pourrait ouvrir la voie à d’autres contrats, y compris avec les forces américaines. Reste que les moyens du SOCOM sont sans commune mesure avec les ambitions autrefois affichées par l’USAF, qui prévoyait une première commande de pas moins de 300 exemplaires.

Le A29 Super Tucano de Ambraer remporte un important succes international pour les forces aeriennes reduites comme en Afghanistan ou au Liban Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Le A-29 Super Tucano du brésilien Embraer est un véritable succès à l’exportation, ayant notamment séduit de nombreux pays africains pour la conduite de missions CAS, COIN et ISR

Le changement de situation autour du programme LAAR/LAS est représentatif de plusieurs problèmes structurels au sein de l’USAF. Il convient en effet de préciser que, en 10 ans, la force aérienne américaine a changé d’avis à de multiples reprises à propos du renouvellement ou du renforcement de sa force d’attaque au sol en lançant –parfois simultanément – les programmes OA-X, R/A-X, AT-X ou encore A-X2, ou encore en faisant évoluer OA-X vers le programme LAAR/LAS tout en conservant une option ultérieure pour un OA-X (ou A-X2) plus lourd capable de remplacer les A-10… ou pas.

Cette cacophonie programmatique retranscrit une réalité douloureuse pour l’USAF : elle ne sait pas quoi faire de ses avions d’attaque. Alors que le faible nombre de A-10 n’a permis de réalisé qu’environ un quart des missions des CAS/COIN entre 2001 et 2015, ce qui devrait militer pour une flotte complémentaire de LAAR plus légers, l’USAF n’a de cesse depuis plus de 10 ans de réclamer le retrait anticipé de tout ou partie de la flotte de A-10 afin de libérer du budget pour le développement et l’acquisition du F-35, un « vrai » chasseur aux yeux de l’USAF. De fait, un avion d’attaque dérivé d’un appareil d’entrainement turbopropulsé a bien du mal à entrer dans la culture des aviateurs américains, qui restent attachés depuis les années 1950 aux jets supersoniques de supériorité aérienne et d’interdiction. Dans un tel contexte, il n’y a rien d’étonnant à voir que l’USAF cherche à reléguer la gestion du LAAR/LAS à l’USSOCOM afin de se concentrer sur des jets de hautes performances.

Cette situation soulève cependant deux problèmes principaux. D’une part, comme cela est évoqué depuis quelques années, il conviendrait sans doute pour les forces américaines de permettre à nouveau à l’US Army d’opérer des avions armés à voilure fixe. Après avoir longtemps milité pour conserver la mainmise sur les avions armés, tandis que l’Army gérait les hélicoptères de combat, l’USAF pourrait bien voir l’Army récupérer une partie de ses missions de CAS… ce que l’US Army serait prête à faire nonobstant une hausse de budget au détriment de l’USAF. Etant donné la situation, confier le programme à la structure interarmées SOCOM apparaît alors comme un bon compromis bureaucratique, tout en apportant une solution opérationnelle à un réel besoin des forces spéciales US.

A10 sur piste sommaire Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Quatre fois plus lourd qu’un Super Tucano, le A-10C constitue toujours le fer de lance des escadrons d’attaque de l’USAF. Si le Congrès a longtemps sauvé cet appareil de la retraite anticipé, l’USAF ne semble plus vouloir son retrait définitif, mais milite néanmoins pour une réduction de la flotte, rendant le besoin en LAAR/LAS d’autant plus critique.

D’autre part, cette situation complexe souligne encore une fois le problème causé par les coûts gigantesques du programme F-35 et, surtout, par la rigidité intrinsèque qu’il impose sur la stratégie des moyens de l’USAF. Politiquement, l’USAF reste ainsi cantonnée à son objectif –hautement discutable– d’acheter environ 1700 F-35A, toute réduction drastique des commandes de cette branche armée risquant de faire exploser encore une fois les coûts du programme et de faire fuir des clients export. Pourtant, à travers la commande d’un petit nombre de F-15X ou encore ce transfert de compétences vers l’USSOCOM, on constate que les opérationnels au sein de l’USAF et du Pentagone cherchent des solutions pour contourner ce carcan imposé par l’avion de Lockheed Martin et ses soutiens politiques, y compris au sein de l’USAF.

Au final, cette situation n’est pas sans rappeler les débats intenses qui ont vu s’affronter, dans les années 1970, les tenants d’une USAF articulée autour de ses seuls avions de supériorité aérienne (F-4, F-15) opposés à une « jeune école » qui a su imposer à la fois le chasseur léger F-16 et l’avion d’attaque A-10. Deux avions qui sont devenus, dans les décennies à venir, le fer de lance des escadrons d’attaque américains. Il faut dire que le directeur des acquisitions de l’US Air Force, Will Ropert, ne cache pas son ambition de simplifier radicalement les futurs programmes de l’USAF, en privilégiant des cellules plus simples, plus économiques et plus spécialisées. Reste qu’il faudra, pour cela, abattre un nombre gigantesque de blocages politiques qui empêchent toute réduction majeure des commandes de F-35, pourtant indispensable à la mise en œuvre de cette nouvelle vision de l’USAF.

Rome en passe de s’imposer au Caire sur les décombres de la coopération franco-égyptienne de Défense

En début de semaine dernière, la presse italienne révélait que l’Egypte serait en cours de négociation pour l’acquisition des deux dernières frégates d’emploi général FREMM-GP italiennes, la F598 Spartaco Schergat et la F599 Emilio Bianchi. Dans notre analyse du sujet, nous évoquions les logiques industrielles, diplomatiques et opérationnelles que pouvait sous-tendre un tel achat, tout en rappelant que de telles négociations sont par définitions longues et incertaines.

Pourtant, le weekend dernier, la twittosphère défense italienne s’est emballée à nouveau en évoquant un potentiel méga-contrat de pus de 9 milliards d’euros qui serait en négociation entre Rome et Le Caire, en plus des deux premières FREMM, à propos de navires supplémentaires, d’avions de combat et même d’un satellite. Dans le détail, l’Egypte négocierait pour l’acquisition de quatre frégates supplémentaires, pour vingt patrouilleurs à construire sous licence, mais aussi pour deux escadrons d’Eurofighter Typhoon, un nombre indéterminé d’avions d’entrainement M346 ainsi qu’un satellite. L’information aurait initialement été publiée dans la version écrite du journal économique Il Sole 24 Ore, en complément des informations déjà publiées par Start Magazine, et resterait pour le moins parcellaire.

FREMM Italie Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Avant d’envisager un méga-contrat de plus de 9 milliards d’euros, il conviendra déjà pour l’Egypte de consolider l’achat des deux dernières FREMM italiennes.

Pour l’heure, aucune confirmation ni aucun démenti n’aurait été apporté par les autorités italiennes ou égyptiennes, y compris pour la vente des deux FREMM prévues pour l’Italie. Si de telles négociations étaient confirmées, quelques doutes persisteraient donc sur les équipements pouvant intéresser l’Egypte.

Les quatre frégates évoquées en plus des deux FREMM seraient probablement, d’après de nombreux analystes italiens, quatre FREMM optimisées pour la lutte anti-sous-marine (ASM), qui pourraient même venir s’ajouter à la commande de deux FREMM-ASM supplémentaires pour la Marina Militare en lieu et place des deux FREMM-GP revendues en Egypte. En tout état de cause, cependant, de telles affirmations ne tiendraient pour l’heure que de la rumeur. En effet, s’il y aurait une certaine logique à voir l’Italie revendre deux FREMM-GP pour acheter deux FREMM-ASM supplémentaires, à l’heure où la menace sous-marine s’accroît en Méditerranée, imaginer un prolongement de la ligne des FREMM italiennes pour six unités apparaît tout de même plus complexe. A l’heure actuelle, les chantiers navals italiens assemblent et lancent une nouvelle classe de navires, les PPA, dont la version « full » n’a pas grand-chose à envier sur le papier aux FREMM-GP italiennes, tout en offrant une architecture système et un système de combat plus moderne que celui des FREMM.

Thaon di Revel programme PPA Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Présenté comme un patrouilleur hauturier, le PPA dispose du volume, de l’équipement et de l’armement d’une frégate légère. A l’exportation, une variante optimisée pour la lutte ASM pourrait représenter un sérieux concurrent pour les FDI et autres MEKO.

En toute logique, la Marina Militare et Fincantieri auraient sans doute plus intérêt à pousser à la levée d’option sur les trois derniers PPA, couplé éventuellement à la transformation de deux FREMM-GP déjà livrées en FREMM-ASM, plutôt qu’à relancer une nouvelle série de 6 FREMM dont le réseau de sous-traitants s’est déjà massivement réorienté vers la production de PPA. De plus, les éléments publiés par Il Sole 24 Ore évoquent uniquement des négociations pour quatre « frégates ». Or, avec plus de 4500 tonnes au compteur, les PPA peuvent aussi être considérés comme des frégates à l’exportation, même si ce sont des « patrouilleurs » en Italie. Dans les faits, toutes les options pourraient être ouvertes en fonction des besoins affichés par les Egyptiens. Ainsi, si les PPA présentent des capacités anti-aériennes et anti-balistiques renforcées, à l’instar des futures FDI françaises, les FREMM restent des plateformes ASM mieux optimisées, mais aussi plus coûteuses.

Pour les autres équipements évoqués, les 20 patrouilleurs à construire sous licence ne seraient sans doute pas des PPA, justement, mais probablement des navires plus petits et abordables, sur le modèle des Falaj-2 de 550t vendus aux Emirats Arabies Unis. Enfin, sur le volet aérien, 24 Eurofighter Typhoon sont évoqués, l’avion ayant déjà été acheté dans la région par l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweit et Oman. Une ou deux douzaine de M346 pourraient aussi rejoindre les forces égyptiennes qui manquent effectivement d’un avion d’entrainement avancé.

Corvette qatar Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Outre des patrouilleurs aux EAU, l’Italie a également placé des corvettes au Qatar. De fait, entre ses corvettes, ses PPA et les FREMM, Fincantieri dispose de nombreuses plateformes pouvant être qualifiées de « frégates » par la presse économique.

Que ce soit pour les navires ou les avions, un tel contrat, s’il était signé, ferait sans doute grincer de nombreuses dents en France. Depuis 2011, Paris et Le Caire vivaient en effet une véritable lune de miel en matière d’exportation d’armement, l’Egypte ayant acquis une FREMM, quatre corvettes Gowind, deux porte-hélicoptères auprès de Naval Group ainsi que 24 avions de combat Rafale de Dassault. Un rapprochement commercial entre l’Italie et l’Egypte serait ainsi d’autant plus douloureux que des options étaient en passe d’être levées pour au moins deux corvettes supplémentaires et une douzaine de Rafale, au moins. Malheureusement, méga-contrat italien ou pas, il semblerait que l’idylle entre Paris et Le Caire soit définitivement reléguée au passé. Comme le raconte en détail Michel Cabirol pour La Tribune, le divorce avec l’Egypte aurait été acté lors de la visite d’E. Macron en Egypte il y a tout juste un an. Sans s’être concerté avec son homologue égyptien, le maréchal Abdel Fattah Sissi, E. Macron aurait fait une leçon de morale à l’Egypte sur la question des droits de l’Homme en plein conférence de presse. Un geste qui n’aura sans doute en rien arrangé la situation des populations opprimées locales, mais qui aura mis un arrêt brutal à la relation privilégiée entretenue depuis 2011, et précipité Le Caire auprès de l’autre grand acteur industriel du bassin méditerranéen : l’Italie.

Si la situation diplomatique a peu de chances de s’améliorer pour la France, rien n’est joué non plus pour les éventuelles propositions italiennes. Les besoins opérationnels de l’Egypte sont réel : une partie de sa flotte est vieillissante et Le Caire développe sa présence navale en Méditerranée et dans la Mer Rouge afin de défendre ses intérêts gaziers et de lutter contre les ambitions turques dans la région. Dans le cadre d’un renouvellement de ses équipements les plus anciens, il pourrait dès lors être effectivement intéressant de disposer d’une flotte cohérente de plusieurs frégates, corvettes et patrouilleurs dotés d’armements et de systèmes de combat communs. La France étant hors-jeu, et l’Allemagne ne disposant pas du même catalogue que Fincantieri, une solution italienne pourrait sembler cohérente.

Rafales B des forces aeriennes egyptiennes Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
La levée d’option pour 12 Rafale a longtemps été assujetti à la livraison de missiles SCALP, bloqués par la réglementation ITAR américaine. Il semble désormais que, SCALP ou pas, une commande de Rafale supplémentaire ne soit plus la bienvenue au Caire.

Reste que la question du financement d’un tel achat ne sera pas évidente. Pour les deux premières FREMM d’occasion, évaluées entre 1,2 et 1,5 milliards, l’équivalent italien de la Caisse des dépôts et consignations aurait accordé une garantie à hauteur de 500 millions d’euros. Mais quid de la solvabilité de l’Egypte pour un contrat à 9 ou 10 milliards d’euros ? Au final, la liste d’équipements évoquée par la presse italienne pourrait ne rien être d’autre qu’une liste de courses dans laquelle l’Egypte viendrait piocher au fil des années et des ouvertures de lignes de crédit.

Ainsi, même si tous les rêves les plus fous de l’industrie italienne ne viennent pas à se réaliser en Egypte, une partie au moins pourrait se concrétiser, notamment dans le domaine des patrouilleurs légers. Sur le plan aéronautique, par contre, si les 24 Eurofighter Typhoon permettraient à l’Egypte de se séparer de certains de ses plus anciens escadrons, ils viendraient complexifier encore sa chaîne logistique qui doit déjà gérer des aéronefs français, américains, russes et chinois. Mais à moins de lever les sanctions diplomatiques qui bloquent désormais la levée d’option pour des Rafale supplémentaires, Le Caire risque bien de ne pas avoir d’autres choix.

Pour remplacer les Bradley, l’US Army change radicalement de méthode !

L’US Army, au même titre que l’US Navy et l’US Air Force, a aligné de nombreux échecs ces dernières années en matière de pilotage industriel des nouveaux équipements. Le dernier en date concerne le remplacement des véhicules de combat d’infanterie M2/M3 Bradley, entrés en service dans les années 80, annulé faute de combattant il y a deux mois, après que Rheinmetall ait été évincé suite à un problème logistique pour présenter son Lynx, et le Griffin de General Dynamics peu après pour ne pas avoir les performances requises. Comme il s’agit de la troisième fois en 11 ans que le programme de remplacement des Bradley se conclut par un échec, l’US Army, par la voix du général John Murray, a décidé de changer radicalement de méthode pour relancer le programme.

Fini donc les ambitions excessives, et les exigences arbitraires et parfois antinomiques entre elles, comme celles qui accompagnaient le programme OMFV précédemment, et qui firent jeter l’éponge à la grande majorité des industriels. Cette fois, l’US Army veut donner la main aux industriels eux mêmes pour proposer le meilleur équipement au meilleur prix et dans les meilleurs délais, sans qu’aucun de ces trois paramètres ne soit défini précisément. A eux désormais de proposer leur propre approche de ce que doit être un véhicule de combat d’infanterie du futur, avec pour seule contrainte de devoir être en mesure de respecter leurs propres planning, modèles et budgets.

lynx ifv Rheinmetall Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Rheinmetall et Raytheon présentaient le Lynx lors de la compétition OMFV, qui fut éliminé faute de n’avoir pu présenter le prototype à temps car bloqué par des tracasseries administratives

Evidemment, l’US Army pose tout de même quelques exigences, mais elles sont extrêmement généralistes, comme l’obligation de pouvoir utiliser les routes et les ponts, notamment les ponts mobiles en service dans l’OTAN, de pouvoir charger et décharger des effectifs d’infanterie sous le feu par l’arrière, d’être transportable par air, mer et voie ferrée, d’avoir une létalité compatible avec l’utilisation dans un environnement de haute intensité ou encore d’avoir la réserve de puissance nécessaire pour évoluer et donc voir sa masse augmenter, pour ne citer que les principaux points (au nombre de 7). En outre, deux points optionnels sont précisés, concernant la possibilité de s’intégrer dans un environnement de simulation, et d’avoir une charge de maintenance allégée. Et c’est tout ! Pas de notions de prix, de masse, de capacité de transport, de calibre des armes, de protection minimale, ni même de délais ne sont évoquées dans le document émis par l’US Army, si ce n’est une date limite de dépôt des candidatures fixée au 28 février 2020.

Après quoi, le programme se déroulera en 5 phases successives. En premier lieu, sur la base des retours des industriels à la demande initiale, l’US Army entend affiner ses critères de sélection, en donnant plus de matière et de cadre aux 7 critères requis et aux 2 critères optionnels. Elle procédera ensuite à la présélection de 5 offres, et financera la conception d’un modèle digital et d’une étude de faisabilité, qui servira potentiellement à éliminer certaines offres jugées inadaptées (trop de délais, couts excessifs..) ou jugées trop risquées technologiquement. Les participants restant pourront alors concevoir un prototype pour valider les performances et les capacités de leur modèle, prototypes qui seront évalués de manière compétitive par l’US Army, avant de désigner le vainqueur et d’entamer la production de série.

SIKORSKSY FARA Forest MEDIA APPROVED October 2019 1 1024x576 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Sikorsky propose le modèle Raider X pour la compétition FARA, qui n’existe pour l’heure que sous forme numérique.

La nouvelle approche américaine, par ailleurs très proche de celle retenue par le programme Futur Attack Reconnaissance Aircraft ou FARA appartenant lui-même au programme Futur Vertical Lift, consacre le retour à une gestion plus pragmatique des programmes industriels de défense par l’US Army, après des décennies d’ambitions démesurées et d’échecs répétés. Elle n’est pas sans rappeler la méthodologie préconisée par Will Roper, en charge des acquisitions de l’US Air Force, dont nous avons plusieurs fois parlé sur Meta-Défense. Il s’agit, plutôt que de vouloir piloter les programmes au sein même des armées, de s’appuyer sur l’experience et les technologies maitrisées des industriels, quitte à financer, d’autre part, des programmes de démonstrateurs qui, eux, servent au developpement technologique pur.

Il est interessant de constater que ce modèle était celui largement préconisé par Eric Trappier, le dirigeant de Dassault Aviation, depuis de nombreuses années. Pourtant, une fois le programme SCAF lancé, le constructeur français s’est lancé dans un modèle tout autre, à savoir l’intégration des développements technologiques au sein même du programme, avec le risque de voir apparaitre des effets non désirés sur les délais, les couts ou la fiabilité des technologies elle-mêmes. Ce choix n’est pas tant celui de l’industriel, que celui imposé par le politique, qui refuse de dissocier les financements des programmes, et qui peinent à accepter la notion de risque technologique, sur la base d’une ambition excessive en matière de maitrise des budgets qui, au finale, risque de se retourner contre les Etats comme contre les industriels, comme ce fut le cas avec le programme A400M.

A400M piste sommaire Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Les difficultés et retards rencontrées lors du developpement du programme A400M étaient en parti liées à la méthodologie employée, intégrant des développements technologiques avancés au coeur même du programme lui-même, notamment concernant les moteurs TP400

Espérons donc que ce profond changement de méthode de la part des armées américaines entrainera une prise de conscience en Europe, pour revoir la méthodologie retenue pour les grands programmes en cours, comme le SCAF ou le MGCS, dont on ne connait pas les capacités, mais dont on a déjà défini le calendrier, et le budget, alors même que nous sommes dans une phase de profond bouleversement des lignes de temps en matière de technologies de défense dans le Monde. Rien ne garantit, en effet, que la vision qui est la notre aujourd’hui des besoins en matière de supériorité aérienne ou de blindés lourds soit en adéquation avec la réalité du champs de bataille de 2045. En revanche, il est clair que si un conflit devait survenir en 2030 ou 2035, nous, européens, serions sévèrement désavantagés dans ces domaines, si pas téchnologiquement, en tout cas numériquement, face à plusieurs adversaires potentiels. En ce sens, la méthodologie nouvelle appliquée par l’US Army est pleine de bon sens, et d’inspiration.

Le Secrétaire à La Défense US dévoile sa stratégie pour une flotte de 355 navires en 2030

Comme nous l’avons déjà plusieurs fois traité sur Meta-Defense, l’US Navy peine à définir son plan de construction de navires pour les années à venir, prise en étau entre le besoin de renouvellement de plusieurs grandes classes de navires, comme les porte-avions de la classe Nimitz, les sous-marins nucléaires d’attaque Los Angeles, et les croiseurs de la classe Ticonderoga, les limites budgétaires imposées par le congrès (et surtout par la dette publique américaine dépassant le Produit intérieur brut), et la volonté politique du président Trump de constituer pour 2030 une flotte de 355 navires pour conserver l’avantage sur la flotte chinoise en developpement rapide. Et de fait, l’US Navy ne parvient pas à définir son plan de charge industriel, par ailleurs souvent amendé par les sénateurs eux-mêmes sur la base de considérations économiques locales au profit de l’emploi, qui ne cesse d’être reporté depuis plusieurs mois.

Dans un article du 24 janvier 2020, nous avions identifié qu’une des solutions applicables pour l’US Navy reposait sur l’abandon de son format actuel reposant sur une prédominance de navires lourds, comme les porte-avions, les croiseurs et les destroyers, pour revenir à un format plus distribué, articulé autour de navires de plus petit tonnage soutenant un nombre plus restreint de grandes unités. Et c’est précisément ce que veut mettre en oeuvre Mark Esper, le Secretaire à La Défense américain !

SSN 790 South Dakota Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Admission au service actif du SSN 790 South Dakota de la classe Virginia.

Dans une interview donnée au site américain Defensenews.com, ce dernier insiste sur l’objectif stratégique de 355 navires dès 2030 voulu par le président Trump, et propose, comme solution, d’inverser la structure actuelle du format de l’US Navy de 2 grands navires pour 1 petit bâtiment, et de préciser que plutôt que d’avoir 100 croiseurs et destroyers pour 50 frégates et corvettes, il fallait disposer de 100 frégates et corvettes pour 50 croiseurs et destroyers (soit à peu de chose prés, exactement ce que nous disions dans l’article du 24/01..). En outre, Mark Esper, s’il reconnait l’intérêt des navires dépourvus d’équipage, n’en fait pas la solution ultime pour augmenter le format de l’US Navy.

En effet, il propose une approche basée sur des navires armées optionellement d’un équipage, ou disposant d’un haut degré d’automatisation et d’un équipage réduit. Cette dernière option semble, en effet, plus réaliste que celle visant à produire un nombre important de navires de haute mer entièrement autonomes, qui risquerait rapidement de faire face à des problèmes de disponibilité et de maintenance. En revanche, limiter l’équipage aux fonctions qu’il est impossible de déléguer soit à des personnels déportés, soit à des intelligences artificielles et des solutions robotiques, semble plus pertinent dans la durée. En effet, rien n’oblige, pour peu que l’on ait l’assurance de conserver une liaison de donnée fiable et sécurisée, de piloter la tranche tactique du navire, l’armement de la passerelle ou celui de l’aéronef embarqué, à partir d’un poste de commandement à terre, à l’instar des pilotes de drones MALE aujourd’hui.

FREMM Aquitaine Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
La Marine Nationale avait initialement jugé que les FREMM pouvaient être armées par un équipage de 100 personnes, mais dû se raviser face à l’épuisement rapide des personnels

En revanche, les procédures de maintenance des moteurs du navire ou de l’aéronef comme les interventions sur les semi-rigides pour inspection d’un navire, ne peuvent être assurées que par des militaires présents à bord, en l’état des capacités robotiques et informatiques actuelles. Par ailleurs, en réduisant sensiblement l’équipage opérationnel, on en réduit également les besoins de service, que ce soit pour l’alimentation, la sureté, ou la médecine de bord. Cette approche représente probablement la prochaine étape visant à réduire encore davantage la taille des équipages sur les navires de la taille d’une frégate ou d’une corvette, pour atteindre un équipage permanent à bord de 40 ou 50 personnes, contre 120 en moyenne aujourd’hui, et plus de 200 pour un destroyer.

Toutefois, pour mettre en oeuvre de telles fonctionnalités, encore faut-il les developper, et les tester. La Marine Nationale en a fait la douloureuse experience lors de l’entrée en service des frégates FREMM de la classe Aquitaine, qui devaient initialement avoir un équipage d’une centaine de personnels. Il apparut rapidement que la charge de travail pour la conduite des opérations sur le navire avec un équipage aussi réduit était excessive, et entrainait l’épuisement rapide des personnels, obligeant à revenir à un format plus satisfaisant de 125 personnels à bords, soit tout de même une hausse de 25%. Or, entre les délais nécessaires pour developper les technologies voulues, ceux nécessaires à la construction des nouveaux navires, et ceux indispensables aux tests et à l’entrainement des équipages, le délais de 10 ans semble particulièrement optimiste pour atteindre le format de 355 navires en 2030, comme l’exige le président.

lcs fire naval strike missile Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Même équipées de missiles antinavires, les navires du programme Littoral Combat Ship ne disposent pas de la puissance de feu et des capacités d’autodéfense suffisantes pour évoluer dans un environnement de haute intensité

En outre, les redéploiements technologiques et industriels, qu’une telle évolution entrainerait nécessairement, risquent de déplaire fortement aux sénateurs américains, toujours bien plus enclins à protéger leur électorat que les besoins de la Défense US face à la montée en puissance chinoise. Enfin, dans la période de transition jusqu’au lancement éventuel des nouvelles classes de navires disposant de ces technologies, il y a fort à parier que le format de l’US Navy continue à se contracter, comme ce sera le cas en 2020. La seule alternative pour maintenir ce projet reposerait sur l’annulation ou le report d’un ou plusieurs grands navires, comme un porte-avions de la classe Ford, ou un porte-hélicoptère de la classe América, et des dernières corvettes inutiles du programme LCS, pour financer l’accélération et l’extension du programme de frégates FFG/X, quitte à devoir arbitrer en faveur de 2 modèles, plutôt que d’un seul, tout en prenant en considération l’évolutivité avérée en faveur de l’automatisation et/ou la déportation des fonctions du bord, et la diminution du format de l’équipage embarqué.

Reste donc à voir si l’écosystème industriel, politique et militaire américain sera prêt à accompagner Mark Esper dans ce projet raisonnable, mais empiétant sur de nombreuses plates-bandes. Il s’agit là, pourtant, de la seule alternative viable actuellement proposée à la diminution progressive du format de l’US Navy, avec un décrochage numérique important vis-à-vis de la Marine chinoise qui atteindra 450 navires en 2030. A moins, évidemment, que la solution ne vienne d’une augmentation substantielle des budgets militaires, dans une course perdue d’avance qui ne serait pas sans rappeler l’effort incontrôlé de Moscou dans les années 80 pour rester au niveau des Etats-Unis, et qui provoqua sa chute …

Avec le Missile de Croisière Naval, MBDA et Naval Group font front commun en Inde

Selon le site indien spécialisé www.livefistdefence.com, le groupe européen MBDA et le français Naval Group aurait proposé aux autorités indiennes le missile de croisière MdCN dans le cadre du programme P75i portant sur la conception et la construction de 6 sous-marins à propulsion anaérobies pour la Marine Indienne. Cette annonce était attendue, puisque le principal compétiteur du groupe français, les bureaux d’étude Rubin de Saint-Petersbourg, avaient proposé de leur coté la mise en oeuvre de missiles de croisière Kalibr à partir du modèle proposé basé sur la classe Lada. Cette annonce marginalise encore davantage les autres offres présentées dans le cadre de ce programme face aux offres de Naval Group et de Rubin, ni l’Allemagne, ni l’Espagne et ni la Corée du Sud ne disposant de tels missiles de croisière à longue portée et changement de milieux.

Ce n’est pas la première fois que les deux groupes font front commun. En Pologne notamment, ils présentèrent une offre très similaire de sous-marins d’attaque dérivés du modèle Scorpene mettant en oeuvre le missile MdCN, et la fonctionnalité est également mise en avant dans la compétition néerlandaise. A noter qu’en Pologne, l’Allemand TKMS avait tenté lui aussi de proposer le MdCN, mais MBDA refusa la demande, le missile MdCN étant d’origine française et sous controle d’exportation de Paris.

MBDA MdCN Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Test de lancement du missile MdCN à partir d’un tube lance-torpille immergé

Dérivé du missile de croisière aéroporté SCALP, le MdCN mesure 6,50 m de long, pour une envergure de 2,85 m une fois les aile déployées, et une masse de 1,4 tonnes au lancement. Sa portée, confidentielle, dépasserait largement les 1000 km, et le missile affiche une précision métrique grâce à son radar d’acquisition doublé d’un autodirecteur infrarouge pour la trajectoire finale. Il vole à 800 km/h en trajectoire rasante, et dispose d’un profil radar de très faible observabilité, lui permettant de frapper des cibles très défendues, voir des systèmes de défense antiaériens. A l’instar du missile anti-navire SM39 Exocet, il est lancé à partir d’un tube lance-torpille lorsque le sous-marin est en plongée, préservant la discrétion de ce dernier. La Marine Nationale en a commandé 200 exemplaires pour équiper les 6 frégates FREMM de la classe Aquitaine, à raison de 16 missiles par navire, et les 6 sous-marins nucléaires d’attaque en construction de la classe Suffren, à raison de 4 à 6 missiles par bâtiment.

A noter que si le MdCN venait à être embarqué sur les submersibles du programme P75i, ils pourraient également l’être, à moindre frais, sur les 6 exemplaires de la classe Kalvari, augmentant d’autant les capacités de frappe de la flotte sous-marine indienne.

Kalibr cruise missile Kilo SSK loading Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Le missile de croisière Kalibr 3M14K est lui aussi à changement de milieux, et lancé à partir d’un tube lance-torpille en plongée

Alors que traditionnellement, la Russie limitait son offre export de missiles de croisière à la gamme Club-S (pour les sous-marins), ayant une portée limitée à 300 km, il est probable que dans le cas présent, il s’agisse bel et bien du missile 3M14K Kalibr qui est proposé, celui mis en oeuvre par la Marine Russe à bord de ses submersibles, et dont la portée atteint 2500 km. En effet, l’Inde, comme la Russie et la France, est signataire du traité Missile Technology Control Régime qui interdit l’exportation de missiles ayant une portée supérieure à 300 km, mais qui autorise les membres du traité à collaborer pour developper conjointement des missiles de portée supérieure.

Outre les missiles de croisière « propriétaires », les sous-marins du programme P75i devront également embarquer des silos verticaux pour mettre en oeuvre le missile de croisière supersonique Brahmos de facture russo-indienne. Cette capacité n’est pas définie comme obligatoire dans le programme, mais comme souhaitée. Ce missile de 3 tonnes et de 8 mètres, atteint une vitesse supérieure à Mach 3, mais a une portée limitée, pour l’heure, à 600 km. S’il est capable de cibler des objectifs terrestres, il reste à prédominance anti-navire, notamment pour prendre à parti les unités navales majeures comme les porte-avions, les destroyers, les navires d’assaut ou les pétroliers ravitailleurs.

Brahmos NG vs Brahmos Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Le Missile Brahmos (en haut) a des dimensions dépassant largement celles des missiles de croisière comme le MdCN ou le Kalibr, et nécessite des silos de lancement verticaux pour être mis en oeuvre à partir d’un submersible.

Dans le marché extrêmement concurrentiel des sous-marins d’attaque à propulsion conventionnelle ou AIP, le partenariat autour du MdCN entre Naval Group et MBDA semble devenir un des arguments différenciants forts et récurrent de l’offre française. Cela pointe l’intérêt de disposer d’une BITD[efn_note]Base Industrielle et Technologique de Défense[/efn_note] globale capable de concevoir et produire l’ensemble des équipements de défense, sans reposer sur des arbitrages extérieurs pouvant influencer sur la concrétisation d’une commande majeure. On se rappelle, dans ce domaine, le veto posé par les Etats-Unis, sur la base de la réglementation ITAR, sur un composant intégré au missile SCALP, qui fit échouer une extension de commande de 12 Rafale équipés des dits missiles en Egypte, en 2018. L’objectif de Washington dans ce dossier était clairement de nuire au contrat français, dans l’espoir de favoriser une offre américaine, ou celle d’un allié européen plus conciliant que la France. Depuis, Paris et les grands acteurs industriels français de Défense se sont engagés dans une démarche « ITAR-Free », visant à éliminer tous les composants susceptibles d’entrer un jour dans la réglementation ITAR de leurs équipements.

Le F35 ne parvient pas à résoudre ses problèmes logiciels selon le Pentagone

Dans un rapport publié par le Operational Test and Evaluation Office du Pentagone, le testeur en chef Robert Behler porte un jugement critique et pour le moins problématique concernant la procédure d’évolution et de correction de bugs concernant le système F35, qu’il s’agisse du système embarqué comme du système ALIS. En effet, selon lui, les développeurs en charge de ces missions ne parviennent pas à corriger et faire évoluer les programmes sans générer, à leur tour, un important nombre de malfunctions, ceci expliquant le nombre de bugs identifiés dans ce programme varie peu depuis plusieurs années, malgré les efforts et les crédits considérables qui lui sont alloués.

Deux raisons principales sont identifiés par le OTEO pour expliquer cela. En premier lieu, les délais donnés pour corriger et implémenter les nouvelles fonctionnalités, par tranche de 6 mois, sont jugés trop courts pour pouvoir en évaluer les effets sur l’ensemble du système, et amènent à découvrir ces mauvais fonctionnements directement dans les unités opérationnelles. En second lieu, l’ambition du programme, et notamment l’intégration des technologies de simulation du Joint Simulation Environment, ajoute une complexité importante et capte une part significative des budgets de developpement, alors même que le programme noyau n’est pas stabilisé.

F22 Raptor Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Le système informatique embarqué du F35 repose sur 8 million de lignes de code, 4 fois plus que celui du F22 raptor.

Selon plusieurs experts, la raison de ces difficultés est à chercher dans la structure même du programme F35, et non dans des facteurs conjoncturels. En effet, ce dernier repose sur plus de 8 millions de lignes de code, 4 fois plus que pour le F22 Raptor, développées par un grand nombre d’acteurs différents. Il se pourrait bien que le programme noyau ait atteint les limites de modélisation d’un programme aussi ambitieux et se voulant évolutif, ainsi que les limites de l’esprit humain à pouvoir manipuler de tels modèles. Ceci expliquerait les retards glissants du programme, et les immenses difficultés rencontrées par le constructeur pour parvenir à une version stabilisée et mature, permettant au Pentagone de passer le programme en pleine production opérationnelle. Pour rappel, en octobre 2019, le Département de La Défense a annoncé qu’il reportait une nouvelle fois cette échéance à janvier 2021, et non novembre 2019 comme prévu.

Ce constat a d’ailleurs largement influencé par méthodologie et la réflexion de Will Ropert, le directeur des acquisitions de l’US Air Force, qui n’a de cesse que de chercher à revenir vers une conception plus rationnelle, plus agile et plus appliquée des futurs avions de combat américains. En outre, il remet largement en question deux paradigmes centraux du programme F35, à savoir l’extreme polyvalence et la recherche de très grandes séries. En effet, le nouvel homme influant de l’US Air Force préconise de revenir à la conception d’appareils plus spécialisés, ayant une durée de vie plus courte, et produits en de plus petites séries, dans l’esprit de la Century Série, du nom des 6 appareils conçus au milieux des années 50, allant du F100 Super Sabre au F106 Delta Dart.

Maquette JHXX Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
La Chine devrait présenter dans les années à venir le remplaçant du chasseur bombardier JH-7, identifié pour l’heure JH-XX, un appareil spécialisé dans l’attaque et reposant sur des technologies de 5ème génération

En réalité, aucun des appareils produits dans cette série ne fut particulièrement une réussite, même si le F100 Super Sabre et le F104 Starfighter se sont bien exportés. Mais le retour à une conception plus spécialisée, et plus éclectique, aurait probablement beaucoup de sens eu égard au dynamisme de l’aéronautique chinoise et même russe, adversaires désormais désignés des Etats-Unis pour les années à venir. En effet, cette approche est exactement celle retenue par la Chine, qui présente un nouvel appareil de combat tous les 6 à 7 ans depuis une vingtaine d’année, avec des appareils spécialisés, allant du chasseur léger J10 au chasseur lourd J20, en passant par le chasseur polyvalent J16 et le bombardier tactique JH-7. Dans la décennie à venir, il est plus que probable que Pékin présentera le remplaçant du JH-7 mais également celui du J10, de sorte à maintenir une gamme élargie, gage de flexibilité opérationnelle, mais également commerciale sur les marchés extérieurs.

La question concernant le F35 reste donc aujourd’hui entière. Lockheed assure que l’appareil est à la fois le plus performant et le plus polyvalent des avions de combat existant, et que tout est fait pour résoudre les problèmes en cours. L’US Air Force, pour sa part, ne semble pas modifier son ambition d’acquérir les 1700 appareils prévus dans les années à venir. Quand aux clients à l’exportation, ils se pressent pour acquérir l’avion américain, tant pour satisfaire Washington que dans l’espoir de disposer du meilleur système d’arme existant. Mais si le programme ne parvient pas à résoudre, de manière définitive et massive, les malfunctions existantes, sans en créer d’autres, il se pourrait bien que l’édifice F35 finisse par s’effondrer sous le poids de ses propres ambitions, tel un château de cartes monté trop haut. Et dans un tel cas, cela laisserait les occidentaux très affaiblis face aux programmes chinois et russes, parfaitement maitrisés. Une situation qui ne serait pas sans rappeler celle des années 60 avec le F104 Starfighter, de Lockheed lui aussi.

Avec le standard F4, le Rafale devient un avion de combat digital de nouvelle génération !

Entré en service au début des années 2000, d’abord dans la Marine Nationale puis dans l’Armée de l’Air, le Rafale est aujourd’hui le fer de lance des forces aériennes françaises, et il le restera encore pour quelques décennies, plusieurs dizaines d’appareils restants à livrer, sans même parler des commandes supplémentaires à venir. Cette longévité, le Rafale la devra d’une part à la fin de la Guerre froide, qui a stoppé le rythme habituel de renouvellement des avions de combat, mais aussi et surtout à sa conception même, qui lui permet d’être mis à jour régulièrement, de manière incrémentale, sans modification structurelle majeure.

Depuis un an, l’Armée de l’Air et la Marine commencent ainsi à mettre à jour leur flotte de Rafale au standard F3R, qui comporte une nouvelle antenne radar active (RBE2 AESA) de Thales, le missile aérien à très longue portée METEOR ou encore la nacelle de désignation laser de nouvelle génération TALIOS, qui corrige enfin les gros défauts du pod Damocles pour les tirs à courte portée. En janvier 2019 cependant, alors même que les premiers Rafale F3R étaient livrés, la Ministre des Armées lance officiellement le développement d’un nouveau standard majeur du Rafale, le F4.

Le Rafale F3R Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
L’architecture ouverte du standard F4 devrait simplifier l’intégration de nouvelles capacités, sans attendre le F5. Cela pourrait concerner un nouveau missile nucléaire, des roquettes à guidage laser, voire l’ouverture du Point 3 sous voilure pour des MICA supplémentaires.

Alors que le standard F3R apportait surtout au Rafale de nouveaux capteurs principaux et une plus longue allonge en combat aérien, le standard F4 se focalisera sur des capacités physiquement plus subtiles, mais capables de révolutionner les opérations aériennes françaises : la numérisation du système d’arme, la connectivité et le combat collaboratif en réseau. L’objectif affiché est ainsi d’aller concurrencer le F-35 sur ses terres, en offrant des capacités de mise en réseau, de fusion de données et de connaissances de la situation tactiques similaire au chasseur américain. Mieux encore, la conception modulaire du Rafale et de son architecture informatique feront du standard F4 un système évolutif en soi. Concrètement, la nouvelle architecture numérique du F4 pourra servir de base pour une implantation aisée et rapide de nouvelles fonctionnalités et armements, ouvrant la porte à des mises à jour régulières de l’appareil et facilitant le développement de futurs standard F5 et F6.

Un double standard F4

Jusqu’à présent, la conception évolutive du Rafale faisait que tout appareil –à partir du standard F2– était capable d’évoluer simplement vers de nouveaux standards. Une fois ses logiciels et ses calculateurs mis à jour, un Rafale livré en standard F2 pouvait bien se voir équipé d’une antenne radar AESA et des DDM-NG (détecteur de départ missile) prélevés sur un Rafale F3R en réparation, par exemple. Afin de préparer l’évolution du combat aérien dans les deux prochaines décennies, il a été décidé par les industriels en charge du projet (Dassault Aviation, Thales et Safran) que les nouveaux avions livrés directement au standard F4 bénéficieraient d’améliorations physiques et de mesures conservatoires qu’il ne sera pas possible d’intégrer aux Rafale déjà livrés sans de lourdes et coûteuses modifications de la cellule.

Spectra Rafale Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Par rapport au F3R, la suite de guerre électronique SPECTRA devrait être fortement améliorée, tant au niveau du hardware que du software.

Les nouveaux appareils seront ainsi livrés au standard F4.2, avec l’ensemble des modifications du F4 et les mesures conservatoires pour l’implantation future de nouveaux équipements. Il peut s’agir de simples ouvertures prévues dans le fuselage, de câblages spécifiques, de disposition pour l’installation d’antennes conformes ou encore d’antennes de guerre électronique plus larges. Les appareils actuellement en service seront modernisés au standard F4.1, avec l’ensemble des mises à jour logicielles et autant de modifications matérielles que possibles, dans la limite des volumes et dimensionnements existants.

Le standard F4 permettra ainsi d’améliorer la connectivité, les capacités d’engagement et le maintien en condition opérationnelle (MCO) de l’ensemble de la flotte, tout en permettant à une cinquantaine de cellules de pouvoir intégrer par la suite de nouveaux équipements qui restent encore à définir aujourd’hui.

Communication, connectivité et interface

Alors que le F-35 marque le nouveau standard OTAN en matière de communications et de liaisons de données, il était hors de question pour la France de se retrouver hors-jeu dans le cadre des opérations en coalition. Le standard F4 va ainsi permettre au Rafale de renouveler complétement ses moyens de communication, sans perdre pour autant ses capacités actuelles (L16, liaison Rover, etc.) :

  • Les chasseurs seront équipés de la radio logicielle CONTACT (UHF/VHF) qui équipera également les unités de l’Armée de Terre et de la Marine et permettra le partage d’une image opérationnelle commune.
  • En plus de la L16, les Rafale recevront une liaison de donnée tactique intra-patrouille sécurisée et directionnelle, à l’instar des systèmes équipant le F-22 ou le F-35.
  • Les appareils pourraient recevoir une antenne SATCOM cryptée compatible avec les satellites Syracuse IV. Il n’est pas précisé si cette modification concernera les seuls F4.2 ou également les F4.1.

L’ensemble de ces communications seront gérées par un serveur dédié capable d’assurer le chiffrement mais également la protection cyber de toutes les données émises ou transitant par le Rafale. Sur le papier, cette nouvelle suite « com » offrira des possibilités inédites au Rafale. Il pourra agir comme relai de communication pour les troupes au sol, ou bien encore recevoir par satellite une mise à jour en temps réel de la situation tactique sur zone alors même qu’il n’a pas encore quitté l’espace aérien métropolitain. De manière général, que ce soit au sein d’une patrouille ou sur un théâtre d’opération, le pilote disposera d’une vision tactique inédite, complète et à jour, et de moyens de communication directs aussi bien avec les autres acteurs sur le terrain qu’avec les centres décisionnels de théâtre ou en métropole. On peut cependant regretter que des capacités de détection multistatique n’aient pas été intégrées sur F4, a priori pour des raisons de coûts et de délais, alors même que l’ensemble des briques technologiques l’autorisant (antennes AESA, liaisons de données intra-patrouille, puissance de calcul) seront disponibles.

F35B et Typhoon RAF 1 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Avec le F4, le Rafale rattrape largement son retard sur le F-35 en matière de connectivité et de travail en réseau. Il continuera, de plus, à agrandir l’écart technologique face au Typhoon, notamment en matière de MCO, de capacités d’engagement et de fusion de données.

La fusion de données étant déjà très avancée sur le Rafale, il a été choisi de ne pas modifier en profondeur l’interface du cockpit, qui recevra cependant des écrans plus grands et, potentiellement, un viseur de casque très attendu par les pilotes. On peut sans doute se féliciter de voir que Dassault et Thales n’ont pas souhaité suivre Lockheed Martin, SAAB ou Boeing dans la mise en œuvre d’une interface articulée autour d’un unique écran tactile. Si de tels systèmes sont très vendeurs sur une plaquette commerciale, leur pertinence au combat est tout de même questionnée par de nombreux ergonomes, certaines forces armées tendant à effectuer un retour en arrière sur ces questions.

Engagement : capteurs et armements

Pour booster les capacités d’engagement du Rafale au-delà de ce qu’apporte déjà le F3R, le standard F4 va surtout comporter des modifications logicielles du radar qui se voit doté d’un mode de détection et de poursuite de cibles terrestres mobiles (GMTI) ainsi que d’une résolution améliorée (ultra-HD) dans ses fonctions d’imagerie. Les calculateurs plus puissants du Rafale permettront d’affiner le traitement du signal et de mieux entrelacer les modes, rendant le Rafale encore plus efficace dans des environnements tactiques complexes. A la suite de demandes faites par les clients export du Rafale, notamment l’Inde, l’optronique intégrée du Rafale sera portée au standard OSF-NG et retrouvera alors une capacité de détection infrarouge IRST perdue avec le passage à l’OSF-IT. De quoi renforcer ses capacités de détections face à des avions furtifs, que le MICA-NG IR sera à même d’intercepter discrétement.

Enfin, le système de guerre électronique SPECTRA sera doté d’antennes GaN et de nouveaux algorithmes lui permettant d’opérer avec plus d’agilité et de précision sur une plus large bande de fréquences. Certaines rumeurs évoquent même une capacité de travail dans les ondes millimétriques, ce qui pourrait lui permettre de contrer directement les autodirecteurs de certains missiles.

Alors que le F3R incorporait le missile air-air longue portée METEOR et intégrait la GUB-16 à guidage laser et la bombe AASM Bk.3 et Bk.4, le F4 devrait permettre de moderniser le reste de l’arsenal du Rafale :

  • Les missiles de croisière SCALP seront ainsi rénovés et reconditionnés par MBDA avant de leur redonner 10 à 15 ans de potentiel opérationnel.
  • Le Rafale F4 devrait également intégrer un AASM de 1000kg en remplacement de la GBU-24 actuelle.
  • Enfin, le F4 va intégrer le tout nouveau missile de combat aérien MICA-NG, qui viendra compléter le METEOR pour le combat à courte et moyenne portée. S’il conserve l’aspect extérieur du MICA actuel, le MICA-NG sera bien un nouveau missile capable d’embarquer un autodirecteur radar AESA ou bien un autodirecteur infrarouge doté d’un nouveau capteur matriciel, permettant au missile de mieux résister au brouillage et aux leurres. Surtout, le MICA-NG disposera d’un nouveau propulseur à double impulsion lui conférant une portée améliorée d’au moins 30% mais surtout une capacité de manœuvre terminale, pour plus de létalité.
La drone de combat Neuron lors dun vol dessais avec un Rafale 1 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Les premières fonctionnalités F4 arriveront en 2022, pour une mise en service complète en 2025. D’ici à 2030, le Rafale F4 pourrait intégrer de nouvelles capacités, y compris en matière de travail collaboratif.

Disponibilité et soutien opérationnel

Conçu pour être régulièrement déployé en Afrique ou à bord de porte-avions, le Rafale est un appareil relativement facile à entretenir. Contrairement au F-35, dont la maintenance est centralisée dans le système unique ALIS (qui devrait être remplacé par le système simplifié ODIN), le MCO du Rafale fait appel à la fois à des systèmes numériques de restitution technique et de gestion logistique (HARPAGON) et à des méthodes de maintenance conventionnelles. De quoi permettre un bon équilibre entre maîtrise des coûts et débrouillardise de terrain, malgré le haut niveau technologique de l’appareil.

Sur le standard F4, la chaîne logistique du Rafale va être mise à jour, toujours dans une optique d’amélioration incrémentale, afin de préparer l’arrivée de solutions logicielles de maintenance prédictive, qui se baseront sur les centaines de capteurs répartis sur la cellule de l’appareil mais aussi, désormais, dans les nouveaux MICA-NG. Les FADEC (systèmes de régulation numériques) des réacteurs M88 seront également très largement modernisés, avec de nouveaux calculateurs permettant d’engranger des quantités considérables de données. Ces données permettront d’améliorer le MCO des moteurs mais aussi d’accélérer le développement du futur réacteur du programme SCAF.

rafale f5 f6 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Une présentation de l’Armée de l’Air en novembre dernier fait état d’un futur standard F5, voire d’un F6, permettant d’opérer le Rafale au-delà de 2050 en attendant le SCAF. Ainsi, les capacités dont disposeront les Rafale F4.2 à leur mise en service seront amenées à se renforcer tout au long de la décennie en cours. Source: Gareth Jennings sur Twitter

Conclusion

Avec le standard F4, les forces armées françaises se préparent à l’arrivée d’un avion de combat pleinement digital, intégré aux futurs systèmes de combats info-centrés et particulièrement évolutif. Les évolutions F4 seront intégrées progressivement sur les 28 derniers appareils de la précédente commande, prévus pour être livrés à partir de 2022, tandis que les 30 nouveaux appareils annoncés en 2019 seront livrés au standard F4.2 à compter de 2027. Entre temps, les appareils aujourd’hui opérationnels seront portés progressivement au standard F4.1, la modernisation des Rafale se faisant sans discontinuer et avec un très faible impact sur la disponibilité des appareils, conception modulaire oblige.

Ainsi, le Rafale F4 permettra à l’Armée de l’Air et à la Marine de jouer à jeu égal face au F-35 ou au Super Hornet Block III, mais aussi de présenter des capacités guerrières plus solides face aux Su-35, Su-57 et autres J-20. Ce nouveau standard offrira aussi une proposition de valeur unique sur le marché de l’export, en permettant au Rafale de rester au meilleur niveau technologique sans transiger sur les performances dynamiques ou les coûts de mise en œuvre.

Après la Grèce, l’Espagne pourrait rejoindre le programme de Corvette européenne franco-italien

Dévoilé le 12 novembre 2019 par la France et l’Italie pour intégrer le Programme de Coopération Permanente Structurée Européen, ou Pesco, le programme European Patrol Corvette a pour objet de concevoir un navire de combat de 3000 tonnes, c’est à dire une frégate légère ou un corvette lourde. Pour Rome, qui envisage d’en commander 8 unités, il s’agit de remplacer les corvettes des classes Commandante, Cassiope et Minerva, alors que pour Paris, le besoin identifié concerne avant tout le remplacement des 6 Frégates de Surveillance de la classe Floreal. Il s’agit également du premier programme de coopération de Naviris, la joint-venture entre le français Naval Group et l’Italien Fincantieri, un projet présenté comme stratégique par les deux groupes européens.

Ce programme est susceptible de répondre à de nombreux besoins identifiés en Europe, et la Grèce, qui devra remplacer ses patrouilleurs lance-missiles de la classe La Combattante III âges tous de prés de 40 ans, rejoignit rapidement le programme. C’est désormais au tour de l’Espagne de s’y intéresser, si l’on en croit un article publié par le site DefenseNews.com, et qui se fait l’écho d’une source industrielle, afin probablement d’alléger l’effort nationale déjà largement sollicité par le renouvellement des frégates et des bâtiments logistiques, la construction des sous-marins S80, le remplacement des F18 et le programme SCAF.

PC 21 Guaiqueri 14 de Mayo 2011 Foto Capitan Ted Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Navantia propose déjà une corvette de 2500 tonnes, l’Avant 2000, acquise notamment par l’Arabie saoudite

L’arrivée de l’Espagne, et donc de Navantia, apportera sans le moindre doute une forte crédibilité au programme, ainsi qu’une plus grande portée internationale. Les chantiers navals Navantia ont, en effet, brillé dans plusieurs grandes compétitions industrielles ces dernières années, notamment en concevant les 3 frégates anti-aériennes Hobart de la Marine Australiennes, ainsi que le programme de corvettes saoudiennes qu’espérait le français Naval Group. En revanche, comme toujours dans ce cas, se posera la question du partage industriel, notamment en matière de conception, avec un troisième grand groupe européen naval rejoignant la masse peu extensible des travaux concernant cette corvette. Il faudra également clarifier le positionnement de la nouvelle corvette dans l’offre commerciale des 3 groupes européens, puisque comme Naval Group avec les Gowind 2500, l’European Patrol Corvette et ses 3000 tonnes se retrouvera au coude à coude avec les Avante 2000 du constructeur espagnol, celles là même qui furent choisies par Ryad en juillet 2018.

L’European Patrol Corvette vise à concevoir un modèle de navires offrant une très grande modularité, ainsi qu’une importante flexibilité de conception, permettant de répondre à de nombreux besoins, allant de la lutte anti-sous-marine ou anti-surface à la protection de souveraineté. Contrairement aux Floréal de la Marine nationale, il ne sera pas question de construire les nouveaux navires en respectant les normes civiles, et si la mission de protection des espaces de souveraineté outre-mer des nouvelles corvettes restera inchangée, on peut espérer des capacités de combat renforcées. L’absence de capacités anti-sous-marine et anti-aérienne au delà de la simple autodéfense des Floréal avait été, à plusieurs reprises, identifiée comme n’étant plus adaptée aux enjeux sécuritaires modernes.

corvette espagne Descubierta Vencedora F36 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
En rejoignant l’EPC, Madrid cherche probablement à réduire les couts pour remplacer ses corvettes de la classe Descubierta datant de la find es années 70

Pour la Marine Espagnole, ou Armada Española, l’objectif sera probablement de remplacer les corvettes de la classe Descubierta (4 navires) entrées en service à partir de 1975, ainsi que peut-être des patrouilleurs de haute mer des classes Serviola (4 navires) et Chilreu (4 navires), entrés en service respectivement en 1991 et 1992. Même si cela devait se limiter aux Descubierta, cela porterait le nombre de corvettes à construire à plus d’une vingtaine, justifiant pleinement la coopération entamée au niveau européen, d’autant que le Portugal et la Bulgarie pourraient eux aussi y voir un intérêt.

Avec l’augmentation des besoins en matière de protection polyvalente rapprochée, il est d’ailleurs possible de voir ce nombre de navires rapidement augmenter. Ainsi, La Marine nationale a pour l’heure fait le choix de remplacer ses derniers avisos A69 déclassés patrouilleurs hauturiers par des patrouilleurs hauturiers dans le cadre du programme BATSIMAR. Mais le nombre de navires de combat de surface, aujourd’hui limité à 15 frégates de 1er rang et 6 frégates de surveillance, sera très insuffisant pour effectuer l’ensemble des missions requises. Notamment, il sera nécessaire de redonner des capacités de surveillance et de protection anti-sous-marine des cotes françaises, sans qu’il soit nécessaire d’y consacrer les quelques frégates de 1er rang déjà lourdement sollicitées. Dès lors, à l’instar de la Chine avec les Type 056, il pourrait être pertinent pour Paris de commander une série de corvettes à vocation anti-sous-marine pour renforcer la composante surface de sa flotte, et libérer des espaces pour l’emploi des frégates, telles qu’étaient utilisées dans les années 80 et 90 les 17 avisos A69 de la classe d’Estienne D’Orves.

L’épidémie de coronavirus présente-t-elle un risque mondial ?

A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’épidémie de coronavirus a déjà fait près de 600 morts, dans l’immense majorité en Chine continentale, et environ 30000 personnes seraient infectées. Bien plus virulente que SRAS en 2002, cette épidémie n’est cependant pas encore qualifiée de pandémie par l’OMS, qui évoque cependant une épidémie à foyers multiples. Au-delà des aspects sanitaires, cette épidémie a déjà de sérieux impacts sur l’économie chinoise, comme nous l’avons déjà abordé. Cependant, même si les foyers épidémiques hors de Chine restent peu nombreux, la période d’incubation de 14 jours pourrait réserver de très mauvaises surprises, et les impacts sanitaires, économiques, diplomatiques et sécuritaires pourraient très rapidement dépasser les limites du continent asiatique.

Sur le plan purement médical, le coronavirus continue d’alerter les autorités du monde entier. Déclenchant des pneumonies sévères, ce coronavirus n’a été identifié qu’en toute fin d’année dernière, un délai trop court pour permettre d’en connaître toutes les caractéristiques, d’autant plus que ce dernier évolue au fil des mutations. Pour l’heure, les autorités chinoises affichent une mortalité autour de 1 ou 2%, soit sensiblement équivalent à la grippe usuelle. Néanmoins, ces chiffres sont obtenus en comparant le nombre de décès au nombre de personnes contaminées à l’instant T. Or, avec une période d’incubation située autour de 14 jours, il conviendrait de comparer le nombre de décès survenus dans deux semaines sur la totalité des personnes contaminées aujourd’hui. En somme, la communauté médicale manque pour le moment de recul et de temps. Il apparaît néanmoins que, pour le moment, 2019-nCoV s’avère mortel avant tout pour les mêmes populations à risques que la grippe ou les pneumopathies classiques, à savoir les nourrissons, les personnes âgées et les personnes qui souffrent de déficience respiratoire, par exemple. La dangerosité de ce nouveau virus proviendrait donc avant tout de sa virulence, de sa facilité de contagion –virus aéroporté– et de sa période d’incubation asymptomatique relativement longue.

en 2003 la pneumopathie sras Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Comme le SRAS en 2003, le coronavirus est un virus aéroporté qui touche principalement les voies respiratoires. Les régions densément peuplées d’Asie sont particulièrement propices à l’émergence de foyers épidémiologiques.

Hors de Chine, la pression sélective exercée sur le coronavirus dans diverses régions du monde pourrait conduire à différentes mutations locales aux effets pathologiques variés. De fortes inquiétudes pèsent notamment sur l’Afrique, qui pourrait être extrêmement vulnérable en cas d’épidémie de coronavirus. Pour l’heure, aucun cas de nCoV n’a été déclaré sur le continent, et l’Afrique est resté relativement épargnée par les épidémies venue de Chine ces dernières décennies (H5N1, SRAS, etc.). Cependant, l’OMS a appelé les dirigeants africains à une vigilance toute particulière, la Chine ayant investi massivement sur le continent africain ces dernières années, avec des voyages fréquents de salariés et d’administrateurs chinois vers des succursales et sous-traitants situés en Afrique. Or, l’Afrique ne dispose en tout et pour tout que de deux laboratoires capables de faire face à une épidémie régionale, un à Dakar et l’autre en Afrique du Sud, et l’infrastructure sanitaire de la plupart des pays du continent serait totalement débordée par une épidémie de pneumopathies.

Pour un certain nombre de dirigeants africains, la question de la réaction face au coronavirus est donc particulièrement sensible politiquement. Au-delà de la question des rapatriements, qui demande des moyens logistiques que la plupart des pays africains n’ont pas, il convient de ne pas froisser les sensibilités de Pékin, énorme investisseur régional, mais aussi de ne pas insister sur les déficiences des infrastructures de santé, qui peinent déjà à gérer les crises sanitaires purement locales, comme le paludisme, le choléra voire ponctuellement la peste ou Ébola. Dans son ensemble, le continent africain apparaît donc comme particulièrement vulnérable à une éventuelle épidémie locale de coronavirus, qui pourrait rapidement dépasser les services de santé et entrainer des crises économiques mais aussi des troubles politiques assez sérieux.

sars sras 2002 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
En 2002-2003, l’Afrique avait été globalement épargnée par l’épidémie de SRAS. Le nCoV actuel se répand cependant nettement plus vite que ce qui avait pu être constaté en 2003, rendant difficile d’évaluer l’évolution de l’épidémie.

Sur le plan sécuritaire, une épidémie en Afrique pourrait également contraindre certains dispositifs internationaux à limiter leurs interactions avec les populations ou les forces de l’ordre locales, s’ils ne sont pas tout bonnement rapatriés. Le cas échéant, cela pourrait notamment concerner les déploiements de l’Union Africaine, de l’ONU ou encore des troupes françaises et européennes déployées notamment dans le cadre de l’opération Barkhane. Si, pour l’heure, rien n’indique que la situation pourrait évoluer dans ce sens, une telle hypothèse doit cependant être envisagée et anticipée, d’autant plus que certains de ces détachements pourraient servir à accompagner et renforcer d’éventuels secours internationaux, comme ça a pu être le cas lors des épidémies d’Ebola par exemple.

Pour l’heure, le manque de recul et de connaissances ne permet de faire aucune prédiction fiable sur l’évolution mondiale de l’épidémie. Par le passé, les recommandations de l’OMS, les mesures sanitaires locales et l’affaiblissement naturel du virus avaient permis de contenir les épidémies de SRAS, de MERS et de H5N1. Le coronavirus 2019-nCoV pourrait ainsi parfaitement s’affaiblir au fil des mutations, et l’épidémie s’estomper d’elle-même d’ici quelques semaines, quelques mois tout au plus. A l’inverse, des mutations locales pourraient s’avérer plus virulentes face à des systèmes immunitaires ou des systèmes de santé peu adaptés pour le contrer.

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Les déploiements militaires occidentaux –mais aussi chinois depuis quelques années– pourraient être perçus à la fois comme un risque pour la propagation du virus, mais également comme des moyens de coordination des secours en cas d’épidémie sur le continent africain, notamment.

Dans tous les cas, l’exemple de l’industrie de la défense chinoise montre que le coronavirus n’a pas besoin d’être plus mortel, dans l’absolu, qu’une grippe saisonnière pour faire de gros dégâts, notamment à l’économie. Un risque de pandémie pourrait ainsi réduire les échanges internationaux, provoquer la fermeture temporaire de nombreuses entreprises et réduire les déplacements de population, entrainant un ralentissement de l’économie et augmentant les risques de crises économiques et sécuritaires. Comme pour le SRAS ou le H5N1 avant lui, il semble donc préférable « d’en faire trop » de manière préventive plutôt que d’avoir à gérer les éventuelles conséquences catastrophiques d’une pandémie –ou d’une simple peur panique de pandémie.

Le président E.Macron pose les bases d’une stratégie de défense française renouvelée

Le discours qu’a prononcé ce matin le président français Emmanuel Macron devant les stagiaires de l’Ecole de Guerre, était attendu par la communauté Défense nationale, mais également européenne. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ces attentes étaient justifiées. En effet, dans un discours d’un peu plus d’une heure d’une incroyable densité, le président français a dressé un bilan réaliste mais inquiétant de l’avenir de la sécurité internationale, en Europe comme dans le Monde, et tracé les grandes lignes de la position française, que ce soit en matière de dissuasion, de défense de l’Europe, d’intervention sur les théâtres extérieurs, et du rôle de la France dans les instances internationales.

En choisissant l’Ecole de Guerre, lieu ou sont formés les officiers français, mais également de nombreux officiers étrangers, pour acquérir le savoir, savoir-faire et savoir-être indispensable pour devenir officier supérieur et peut-être officier général, le président Macron a fait une référence appuyée au Général de Gaulle, référence qui ne fut pas veine tant les positions exprimées font écho à celle de ce dernier. En effet, loin des paradigmes appliqués par le président en début de mandat, la nouvelle stratégie qu’il entend appliquer repose avant tout sur une souveraineté nationale retrouvée, capable de fédéder tout ou parti des Européens par l’exemple mais également par les capacités concrètes des forces françaises, dans un élan visant à redonner à l’Europe l’autonomie stratégique nécessaire pour rester maitresse de son propre destin.

Le retour des conflits inter-états et des menaces majeures

La première partie du discours présidentiel constituait une analyse objective de l’état du monde et des relations internationales aujourd’hui, et dans les années à venir, avec la prédominance de la compétition sino-américaine pour la suprématie militaire, technologique et économique mondiale, le retour des guerres par états proxy, l’accélération rapide des programmes d’armement et l’augmentation toute aussi rapide des risques de conflits de haute intensité dans laquelle la France et l’Europe pourrait être impliquées.

Char Leclerc francais en manoeuvre Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Le retour des risques de conflits inter-étatiques marque le retour du besoin d’une force conventionnelle capable de participer à des engagements en haute intensité

Ce bouleversement géostratégique est, selon le président, la conséquence de la profonde crise du multilatéralisme mondial hérité de la fin de la guerre froide, avec la déconstruction méthodique des outils alors créés pour assurer la paix et la déconfliction des crises internationales. Si le président français a évidemment pointé le risque posé par le réarmement russe et la montée en puissance chinoise, il a également, sans le nommer, visé l’attitude de D.Trump dans cette évolution, en faisant notamment référence à la fin du traité INF concernant les armes de portée intermédiaire russes et américaine, mais également les menaces portées par le président américain sur le traité New START concernant la limitation du nombre d’armes stratégiques qui prendra fin en 2021, comme sur le traité Ciel Ouvert permettant aux nations signataires de surveiller les moyens dont disposent les autres membres.

L’Europe dans le déni

Le président français a également mené une charge sévère contre l’Europe et ses membres, jugeant que de nombreux pays européens évoluaient désormais dans une forme de déni, en refusant d’assumer eux-mêmes les dépenses indispensables pour assurer leur propre défense, et en s’en remettant aux Etats-Unis pour cela. S’étonnant des difficultés européennes pour garantir le budget du Fond Européen de Défense, il a pointé les risques inhérents à cette soumission intégrale de nombreux européens aux Etats-Unis, et notamment sur les risques d’escalades non maitrisés que cela peut entrainer sur le sol européen. Au delà de La Défense du territoire européen, Emmanuel Macron a également appelé à des moyens suffisants pour renforcer les options d’intervention des européens dans le monde pour préserver les intérêts vitaux de l’Union européenne et de ses membres.

bundestag allemand Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Le Bundestag allemand a souvent montré plus d’empressement à préserver les équilibres budgétaires que les capacités défensives du pays, conduisant à un affaiblissement marqué des capacités militaires allemandes

Balayant l’opposition entre l’OTAN et l’Europe de La Défense, le président français a rappelé que les Etats-Unis eux-mêmes appelaient au renforcement des moyens militaires européens pour rééquilibrer l’effort de défense dans l’alliance. En revanche, il a intégré dans cet effort de défense la nécessité de peser sur les négociations internationales, de developper sa propre base industrielle et technologique de défense, et d’être en mesure de soutenir des positions propres et même alternatives dans ces négociations entre les 3 grandes puissances militaires mondiales : les Etats-Unis, la Chine et la Russie.

La dissuasion française comme pilier de La Défense européenne

Après avoir rappelé les fondements de la dissuasion française, purement défensive, et basée sur la certitude que le France usera de ce moyen si ses intérêts vitaux étaient menacés sans notion de riposte graduée, le président français s’est ensuite attaqué à un des dogmes les plus sensibles en France, en proposant aux pays européens qui le souhaitent d’ouvrir des discussions sur l’extension de la dissuasion française en Europe. A ce titre, le président a souligné que désormais, nombre d’intérêts vitaux français reposaient sur des intérêts vitaux européens, laissant planer le doute sur l’utilisation possible de la dissuasion française pour protéger ces intérêts européens.

Un Rafale F3 de la composante aerienne de la dissuasion francaise equipe dun missile ASMPA Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Le président français a ouvert la porte à des discussions avec les Etats Européens intéressés au sujet de la portée de la dissuasion nucléaire française

Rappelant que la France avait respecté l’ensemble de ses engagements sur les questions nucléaires, avant un arsenal ramené à moins de 300 ogives nucléaires, Emmanuel Macron a ouvert la porte à l’émergence d’une doctrine européenne de défense stratégique, basée sur la dissuasion française, dissociée de la stratégie nucléaire de l’OTAN, dont la France ne fait pas partie. Il a également rappelé que la France était parfaitement opposé à l’utilisation des armes nucléaires comme des armes de champs de bataille, une référence appuyée alors que le premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins américain mettant en oeuvre des armes tactiques vient de prendre la mer.

Le retour du besoin d’une force conventionnelle puissante

A plusieurs reprises, le président Macron fit référence au retour à court terme des risques de conflits conventionnels de haute intensité, nécessitant de disposer d’une force militaire capable d’y participer, et de gagner. Et si la France disposera toujours de la dissuasion en dernier recours, la force conventionnelle est désormais, selon lui, une part intégrante de cette dissuasion, tant pour neutraliser un adversaire que pour faire apparaitre ses réels ambitions.

Canon Automoteur CAESAR francais en Irak Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Budgets des armées et effort de Défense
Les forces armées conventionnelles françaises sont organisées autour des capacités de projection d’un corps expéditionnaire, et non autour de possibilité d’engagements lourds en Europe

Ce point, plusieurs fois abordé durant le discours, marque également un profond changement dans la doctrine française employée depuis une dizaine d’années, et notamment depuis la publication du Livre Blanc sur La Défense et la Sécurité Nationale de 2013, qui entérinait une défense nationale basée sur la dissuasion nucléaire pour le risque majeur, et une force conventionnelle organisée autour d’un corps expéditionnaire pour les missions de faible intensité ou en coalition.

Le contrôle des infrastructures stratégiques françaises et européennes

Enfin, le président français a tenu à mettre l’accent sur la nécessité, pour la France comme pour l’Europe, de disposer du contrôle sur l’ensemble des infrastructures stratégiques comme les infrastructures portuaires, énergétiques ou numériques, y compris sur les sujets comme le Cloud, la 5G et les systèmes d’exploitation. Là encore, il pointe simultanément les abandons de souveraineté vis-à-vis de la Chine qui fit l’acquisition du port grec du Pirée ou l’aéroport de Toulouse, mais également la dépendance accrue des européens au gaz russe, ainsi que la dépendance aux systèmes d’exploitation et aux infrastructures numériques américaines.

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En avril 2016, la compagnie chinoise Cosco a racheté le port autonome du Pirée en Grèce pour moins de 300 m€

La Défense au coeur de la campagne présidentielle de 2022 ?

La multitude de points abordés par le président Macron contraste avec la durée du restante du mandat présidentiel, alors que son contenu laisse penser qu’il mettra probablement ces questions de défense au coeur des sujets majeurs de la campagne présidentielle pour les élections de 2022. Emmanuel Macron a, à ce titre, rappelé qu’il avait été le premier en 30 ans à consacrer l’augmentation du budget des armées, et a assuré que la trajectoire de la Loi de Programmation Militaire ne souffrirait d’aucune modification ou baisse. Il a également montré aux miltaires, et plus particulièrement aux chefs d’Etat-Major, que leurs inquiétudes avaient été entendues, et qu’elles étaient même partagées au plus haut sommet de l’Etat.

Reste à voir, désormais, si ce discours aura la stature d’un discours réellement fondateur d’une nouvelle impulsion pour un accroissement des moyens et des ambitions nationales de défense, ou si le constat objectif fait par Emmanuel Macron n’entraînera aucune inflexion sensible dans la trajectoire de renforcement actuellement suivie. Car, pour être en adéquation avec le discours tenu, la première mesure politique à prendre serait l’entame de travaux visant à définir un nouveau Livre Blanc, et de remettre en question les formats issus de celui de 2013 et confirmés par la Revue Stratégique de 2017. Car dans la LPM actuelle, les forces conventionnelles françaises, qu’elles soient terrestres, navales ou aériennes, souffrent d’un manque sévère d’épaisseur pour assumer un engagement haute intensité, dont le président prédit l’apparition des 2021…