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Le Président Macron ouvre la porte à une participation polonaise au programme de char franco-allemand MGCS

En déplacement en Pologne ce 4 février, E. Macron semble prêt à entamer un rapprochement diplomatique et politique avec la Pologne, alors même que Paris et Varsovie sont quelque peu en froid depuis quelques années. Si les sujets militaires sont au cœur des querelles récentes entre la France et la Pologne, ils pourraient cette fois-ci permettre leur réconciliation. Le Président de la République a en effet évoqué la possibilité d’intégrer la Pologne au sein du programme de char de combat futur, le MGCS (Main Ground Combat System), possiblement dans le cadre de la coopération structurée permanente (CSP ou PESCO en anglais) de l’Union Européenne. Une idée intéressante qui soulève néanmoins de nombreuses interrogations.

L’idée d’une participation de la Pologne au MGCS, qui vise à remplacer les chars Leclerc français et les Leopard 2 allemands au cours de la prochaine décennie, n’est pas récente. Elle a en effet été évoquée dès 2016 par l’ancien Ministre de la Défense polonais Antoni Macierwicz, et n’a depuis jamais été abandonnée par Varsovie. L’élargissement du programme MGCS dans le cadre d’un projet PESCO/CSP est d’ailleurs poussé par la Pologne depuis l’année dernière, comme le rapporte Nathan Gain sur Forces Operations Blog en août 2019.

lEMBT un chassis de Leopard 2 equipe dune tourelle de Leclerc Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Présenté en 2018 à Eurosatory, le EMBT présente un châssis de Leopard 2A7 et une tourelle de char Leclerc. Il ne s’agit pas d’un démonstrateur du MGCS, mais d’un symbole de coopération industrielle et de rapprochement entre KMW et Nexter

Déjà, alors que l’Allemagne s’estimait prête à dialoguer avec Varsovie sur ce sujet, c’était très loin d’être une priorité pour Paris. Les autorités françaises devaient en effet avant tout veiller à ce que le rapprochement entre les industriels allemands KMW et Rheinmetall ne conduise pas ce dernier à prendre le contrôle à la fois du programme MGCS et de KNDS, la société commune de KMW et du Français Nexter, sans même parler des risques politiques liés à la forte emprise du Bundestag sur les programmes d’armement communs.

Les récentes déclarations d’E. Macron semblent donc assouplir la position officielle française sur cette question de la participation polonaise au MGCS. Pour Paris, il s’agit d’un geste diplomatique fort destiné à apaiser les tensions entre les deux pays, notamment après des échanges vifs au sujet de l’OTAN, de la Russie, mais également de l’hégémonie américaine sur les contrats d’armement en Pologne. Plus encore, un tel rapprochement serait sans doute vu en France et en Allemagne comme un premier pas permettant l’intégration de la Pologne dans l’Europe de la Défense et l’ouverture de son marché intérieur au détriment des industriels américains.

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La phase de développement du démonstrateur complet de MGCS devrait se terminer en 2028. En plus d’un char de combat (MBT), le MGCS pourrait comprendre un véhicule robotisé opérant de concert avec le MBT.

On peut toutefois s’interroger sur le bien-fondé de l’initiative présidentielle alors même que la Pologne n’a jamais montré la moindre envie de participer aux efforts collectifs de l’Union Européenne en matière de défense. Aujourd’hui encore, la participation de Varsovie dans les projets PESCO est minimale, et la Pologne a même fait pression à de nombreuses reprises pour que le dispositif PESCO soit réduit au seul rôle de complément aux dispositifs de l’OTAN, reprenant en cela le discours tenu à Washington. De fait, l’intérêt porté par Varsovie pour le MGCS, qu’elle souhaiterait voir financer par l’Union Européenne, n’est apparu qu’après que des études aient démontré que la base industrielle polonaise n’était pas en mesure de développer, seule, son propre char de combat.

La question de la fiabilité –et du cynisme affiché– de la Pologne en tant que partenaire au sein d’un programme MGCS géré par un dispositif PESCO peut donc légitimement se poser, surtout à Paris, alors même qu’une des premières décisions prises après l’arrivée au pouvoir du parti « Droit et Justice » a été d’annuler la commande de 50 hélicoptères Airbus Caracal au profit d’appareils américains.

Leopard 2A7 Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Le Leopard 2A7 est considéré comme l’un des meilleurs chars de combat au monde. Largement exporté, son renouvellement devrait offrir de beaux débouchés à l’exportation pour le MGCS.

Néanmoins, sur le papier, une intégration de la Pologne et un élargissement du programme MGCS à d’autres pays européens dans le cadre du dispositif PESCO pourrait bien présenter un certain nombre d’intérêts, y compris pour la France :

  • En premier lieu, l’arrivée de nouveaux acteurs pourrait permettre de rééquilibrer l’ensemble du programme. Si Nexter n’y gagnerait pas forcément en charge de travail, le risque de voir le programme monopolisé par Rheinmetall s’estomperait.
  • Ensuite, si la BITD polonaise n’est pas en mesure de concevoir de A à Z un nouveau char de combat, elle dispose de sérieux atouts que ce soit en métallurgie, en mécanique ou en motorisation. Elle présente aussi, globalement, des coûts de production plus réduits qu’en France ou en Allemagne, sur les pièces de moindre exigence technologique.
  • Enfin, la Pologne représente, à elle seul, un marché interne considérablement plus grand que celui de la France et de l’Allemagne réunies. Alors que ces dernières envisageraient d’acheter moins de 300 véhicules chacune, la Pologne estime son besoin à près de 800 chars de combat, peut-être plus, en remplacement des T-72M1, PT-91 et Leopard 2A4 actuellement en service.

Ainsi, la Pologne permettrait d’augmenter considérablement le marché interne pour le MGCS. Mieux encore, elle pourrait servir d’élément moteur pour le rééquipement d’autres pays d’Europe de l’Est, démultipliant d’autant le potentiel commercial du nouveau char. Pour Paris et Berlin, une telle situation permettrait également de simplifier les accords en matière de règles d’exportation, puisqu’il deviendra moins crucial de rentabiliser le développement du véhicule par le biais de ventes à des pays peu vertueux aux yeux de Berlin.

Char Leclerc francais en manoeuvre Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Malgré un manque de succès à l’exportation, le char Leclerc a su finalement faire ses preuves au combat (Yémen) comme en exercice (notamment dans les pays baltes). L’apport de Nexter au sein du MGCS sera indéniablement valorisé.

Au final, les plus gros problèmes que pourraient poser cette intégration sont bien plus politiques que techniques, l’inclusion de l’Espagne dans le projet franco-allemand SCAF ayant montré la relative souplesse des deux partenaires sur cette question. En premier lieu, alors que la Pologne seule commanderait plus de la moitié des véhicules à construire, comment procéder à la répartition des tâches ? Varsovie acceptera-t-elle de se contenter d’un rôle secondaire sur la conception et la construction des éléments clés du blindé, alors qu’elle en sera de facto le principal utilisateur ? A l’inverse, la France et l’Allemagne seront-elles prêtes à concéder à la Pologne ne serait-ce qu’un tiers, si ce n’est plus de la moitié, de la charge de travail industrielle ?

Ces questions –cruciales– de répartition des tâches mises à part, sera-t-il de l’intérêt de la France d’accorder un rôle majeur à la Pologne au sein d’un programme industriel essentiel pour la sécurité du pays, et le maintien des compétences industrielles, sans exiger de contrepartie politique à cette dernière ? Quel message enverrait, le cas échéant, Paris à ses futurs partenaires et clients de son industrie de Défense si elle concède à la Pologne un important rôle industriel dans le MGCS alors même que Varsovie achète des batteries de missiles Patriot, des chasseurs F-35 ou encore des hélicoptères de combat américains, parfois sans même étudier les propositions européennes ?

Char de combat K2 du Sud coreen Hyundai Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Le char coréen K2 Black Panther sert déjà de base au Altay turc, et Hyundai cherche à étendre encore ses partenariats internationaux, en permettant à des BITD d’acquérir rapidement de l’expérience dans la construction et la conception de blindés lourds.

Dans ce contexte, l’ouverture faite par le président Macron, sans doute en accord avec l’Allemagne, pourrait n’être, avant tout, qu’une manœuvre politique visant à éviter l’achat de 800 chars Black Panther K2 Sud-Coréen. Car si ce contrat était effectivement passé, et ce après avoir acheté 120 châssis de K9 pour leurs canons automoteurs Krab il ya 5 ans, la Pologne développerait un partenariat industriel avec Hyundai Rotem autour de la co-conception et de la co-production d’un dérivé du K2 Black Panther, qui a également servi de base au Altay turc.

Une solution intermédiaire, qui pourrait néanmoins résoudre une partie des problèmes liés à une pleine intégration de la Pologne au MGCS, pourrait dès lors résider dans une double source d’approvisionnement. Les chars coréens, produits localement, pourraient ainsi venir remplacer en priorité les 500 chars de combat d’origine soviétique au cours de la décennie 2020. Par la suite, un MGCS géré au niveau européen pourrait remplacer les seuls Leopard 2 polonais, à raison de moins de 250 exemplaires. Le rôle de Varsovie au sein du programme serait plus équilibré aux yeux de Paris et Berlin, tout en permettant à l’industrie polonaise, rôdée sur la production de K2, d’apporter une plus grande plus-value sur le programme.

Les nouveaux armements du P-8A Poseidon pourraient en faire un bombardier

Dans le cadre d’une demande d’information à l’industrie publiée sur la nouvelle centrale d’achat fédérale en ligne, le commandement des systèmes aériens (NAVAIR) de l’US Navy a dévoilé une partie de ses projets d’extension des capacités opérationnelles de sa flotte d’avions de patrouille maritime P-8A Poseidon. Cela passerait en effet par l’intégration de nouveaux armements sur le Poseidon. Ces armements viendraient considérablement étendre ses capacités militaires, au point d’en faire un véritable bombardier régional, tout en le rendant plus redoutable que jamais pour le combat naval sur et sous l’eau.

Le débat sur l’étendue du spectre opérationnel des P-8A fait rage depuis des années au sein de l’US Navy, la flotte de surface souhaitant que NAVAIR continue de dédier ses Poseidon aux seuls opérations maritime, en soutien de la flotte, tandis que les aviateurs de l’US Navy soutenaient régulièrement l’idée d’une extension des capacités de leur appareil. L’exemple de l’Atlantique 2 français, opérant régulièrement en soutien aux forces terrestres, est d’ailleurs ressurgit à plusieurs reprises dans les discussions publiques autour de ce sujet.

P8 neozelandais Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Comme nombre d’avions PATMAR, le P-8 embarque ses armes à la fois en soute et sous voilure. Il dispose ainsi d’une excellente capacité d’emport permettant d’en faire un bombardier régional ou un appareil de soutien aérien performant.

Avec les nouvelles annonces de NAVAIR, il semblerait donc que les tenants d’un P-8A Poseidon polyvalent aient remporté cette bataille doctrinale, même si les demandes d’information publiées ces derniers jours continuent de mettre en avant, avant tout, des capacités navales. Après tout, bien que le P-8 Poseidon, basé sur le Boeing 737, soit l’avion de patrouille maritime le plus moderne de l’US Navy, il ne dispose pas aujourd’hui de tout l’arsenal d’armement air-mer qui équipait le P-3 Orion qu’il remplace.

Dans les faits, les unités de l’US Navy équipées du P-8A mettent principalement en œuvre le missile anti-navire AGM-84 Harpoon, déjà ancien, et la torpille légère Mk54 optimisée pour la lutte anti-sous-marine (ASM). Ces dernières devraient pouvoir prochainement être équipées d’un kit de voilure HAAWC qui permettra de les larguer à haute altitude sans exposer l’avion tireur. Une variante à longue portée et désignateur infrarouge du Harpoon, le AGM-84K SLAM-ER, est également intégrée sur le P-8A, permettant la frappe de navires mais aussi de cibles à terre. Cependant, contrairement à l’usage sous P-3 Orion, il ne semble pas que ce missile soit mis en œuvre à grande échelle par les Poseidon de l’US Navy.

Aujourd’hui, l’US Navy semble vouloir avant tout muscler le jeu du P-8A Poseidon en matière de combat naval. La priorité serait ainsi d’intégrer le nouveau missile anti-navire AGM-158C LRASM sur l’appareil, en lieu et place du SLAM-ER. Dérivé d’un missile de croisière furtif, le LRASM offrirait un complément haut de gamme au Harpoon, avec une portée de pratiquement 500km, une capacité de discernement de cible automatisée et surtout une meilleure survivabilité face aux systèmes de défense adverses.

P8 Poseidon de lUS Navy largant une torpille lors dun exercice ASM 1 Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Le largage classique de torpilles Mk54 à haute altitude n’offre pas de précision et de réactivité suffisante. A terme, les Mk54 seront donc dotées de kits de planage et de guidage de précision, tout comme les mines et les bombes SDB-II (voire les JDAM) devant être intégrées au P-8A Poseidon.

Le panel de missions navales du P-8A devrait aussi être étendu avec l’intégration de mines planantes de la famille Quickstrike-ER. Dérivées de la famille de bombes Mk80 et équipées du même kit de planage que les bombes JDAM-ER (qui a inspiré le HAAWC évoqué plus haut), ces mines pèsent entre 250 et 1000kg selon la variante. Elles ont démontré une incroyable précision lors de campagnes d’exercices et symbolise parfaitement le nouvel intérêt porté par l’US Navy aux questions d’interdiction maritime, notamment sur le théâtre Pacifique.

Enfin, NAVAIR demande explicitement à ce que les compagnies sélectionnées pour travailler avec Boeing sur l’intégration de nouveaux armements soient en mesure d’intégrer divers armements air-sol sur le P-8A, ce qui constitue une nouveauté en soi. Dans un premier temps, il pourrait s’agir d’intégrer la bombe légère planante SDB-II GBU-53/B StormBreaker. Conçue pour l’attaque saturante de cibles mobiles, elle permettrait au Poseidon de retrouver une capacité de destruction de cibles navales légères (de type vedettes, patrouilleurs ou chalands de débarquement) qui a été perdue avec le retrait du P-3C Orion équipé de missile Maverick. Pour l’heure, le Poseidon n’est ainsi pas capable de détruire une cible navale dans un environnement maritime complexe, avec des navires civiles ou alliés à proximité, à cause du manque de précision du missile Harpoon. Équipé de SDB-II, il retrouverait non seulement cette capacité, mais aussi la possibilité de détruire des cibles d’opportunité portuaires, littorales ou terrestre qu’avait su conserver le P-3C.

AGM 158 JASSM F 16 Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Le LRASM est dérivé de l’AGM-158, ici largué d’un F-16. Conçu comme un missile de croisière, il s’agit d’un armement imposant adapté à la frappe de cibles navales majeures et bien protégées. Il devrait également conserver une capacité de frappe au sol, bien que sa portée soi réduite par rapport au missile de croisière de base.

Mieux encore, les SDB-II sont conçues pour pouvoir contrer certains réseaux de défenses intégrés A2/AD, grâce à leur capacité d’attaque en grappe. En soi, rien n’indiquerait que l’US Navy envisagerait de tels usages si ce n’est que la « liste de vœux » formulée par NAVAIR indique également la volonté d’équiper le P-8A Poseidon du leurre autonome MALD. Conçu pour distraire mais aussi, sur ses dernières variantes, brouiller les réseaux de défense adverse, le MALD est une aide à la pénétration redoutable. D’autant plus que les soutes du P-8A devraient permettre d’en embarquer un grand nombre, ce qui pourrait conférer au P-8A un rôle de soutien aux raids alliés afin de franchir les défenses navales et littorales adverses.

Si tous ces équipements pourraient se justifier pour leur seule utilisation navale ou littorale, l’intégration également souhaitée de l’ensemble de la famille de bombes JDAM (250 à 1000kg) confirme la volonté indéniable de voir le P-8A Poseidon évoluer progressivement vers des missions de frappes et de bombardement. Les JDAM sont en effet conçues pour détruire des ouvrages fixes et non des cibles mobiles telles que des navires.

Avec un tel arsenal, les Poseidon de l’US Navy deviendraient progressivement de véritables bombardiers régionaux polyvalents, capables de réaliser des missions air-sol au même titres que les bombardiers lourds de l’USAF sont aptes à la destruction de cibles navales ou aux opérations de minage. Mieux encore, un tel élargissement des capacités militaires du P-8 pourraient intéresser les clients à l’exportation de l’appareil, notamment l’Australie, la Corée du Sud et le Royaume-Uni.

P8 de la Marine Indienne Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Les P-8I Poseidon de la Marine Indienne sont particulièrement optimisés pour la lutte ASM. Ils pourraient néanmoins profiter d’une partie des nouveaux armements prévus par NAVAIR, notamment l’intégration de mines.

Pour Boeing, il s’agirait là d’un nouvel avantage comparatif sur le marché des avions PATMAR lourd, où le P-1 japonais peine à trouver sa place. A plus long terme, le seul concurrent potentiel du P-8 pourrait donc être le futur avion de patrouille maritime franco-allemand, pour peu que le programme soit mené à terme et que l’option sélectionnée s’avère assez musclée. Lors du dernier salon Euronaval, Airbus exposait ainsi un A320neo MPA capable de missions ASM, de lutte antinavires et de frappe au sol, en remplacement des Atlantique 2. Reste que Français et Allemands pourraient bien opter, comme nombre de pays européens, pour une option moins chère basée sur un Falcon, un Global 6000 voire un avion turbopropulsé.

Et, même en cas de sélection d’une base Airbus à long rayon d’action, un tel appareil ne serait pas prêt avant le milieu de la prochaine décennie. D’ici là, Boeing et son Poseidon auront sans doute déjà raflé une bonne partie des contrats de remplacement des P-3 Orion qui arrivent en fin de vie partout dans le monde.

L’Italie pourrait revendre ses deux dernières FREMM à l’Egypte

Depuis quelques jours, la rumeur court dans la presse italienne, suite aux révélations de Start Magazine, que Fincantieri et l’État italien seraient en négociation avec l’Égypte pour la vente de deux FREMM de la classe Bergamini, prélevées sur les deux derniers bâtiments prévus pour la Marina militare. Une telle vente permettrait à l’Égypte de compléter sa flotte de surface, qui dispose déjà d’une FREMM acquise en France en 2015.

Une telle vente, si les accords sur le financement venaient à être trouvés, viendrait alors s’ajouter à une longue liste de transactions réalisées entre l’Égypte et les constructeurs navals européens depuis le renversement d’Hosni Moubarak en 2011. Outre la FREMM ex-Normandie, désignée localement Tahya Misr, la Marine égyptienne a fait l’acquisition de quatre corvettes Gowind, également conçues par le français Naval Group et en partie construites localement, ainsi que des deux porte-hélicoptères de type Mistral initiallement construits en France pour le compte de la Russie. Alors qu’une option pour deux Gowind supplémentaires était évoquée, Le Caire a finalement décidé l’année dernière d’acheter six frégates légères Meko 200 auprès de l’Allemand TKMS, qui a également construit les quatre sous-marins Type 209 commandés par l’Égypte entre 2011 et 2014. En se tournant vers Fincantieri pour deux nouvelles FREMM, l’Égypte disposerait alors d’un troisième fournisseur d’armement naval majeur en Europe, tandis que l’Italie réaliserait une percée majeure sur le marché naval égyptien pour l’instant sécurisé par les industriels français, allemands et américains.

FREMM Italie Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
La FREMM-GP Carlo Bergamini, tête de classe des FREMM italiennes. On notera la présence sur la plage avant d’un canon de 127mm typique des versions GP, qui devrait permettre à la Marine égyptienne de réaliser un appui feu naval conventionnel en soutien à ses opérations amphibies.

La Marina militare prête à se séparer de deux FREMM ?

A l’instar de la FREMM vendue en 2015 par la France, les deux navires proposés par l’Italie ne seraient pas des bâtiments mis sur cale spécifiquement pour Le Caire, mais bel et bien des navires initiallement prévus pour la Marine italienne. En l’occurrence, il s’agirait de la F598 Spartaco Schergat et de la F599 Emilio Bianchi, respectivement neuvième et dixième FREMM italiennes, et les dernières à être produites dans les chantiers navals de Gênes. La cérémonie de lancement de l’Emilio Branchi a d’ailleurs eu lieu à la fin du mois de janvier, tandis que la Spartaco Schergat finalise ses essais en mer.

Une telle approche serait une nouveauté pour l’industrie navale italienne, qui jusqu’à présent tendait à proposer la construction de nouveaux navires afin de maintenir et d’accroître l’activité de ses chantiers navals, fortement soutenus sur le plan politique. La revente de deux FREMM italiennes serait cependant dans les petits papiers de Rome depuis au moins un an, l’hypothèse ayant été évoquée au Brésil et aurait pu constituer une option pour l’offre italienne en Arabie Saoudite.

Thaon di Revel programme PPA Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Présentés comme des patrouilleurs, les PPA pourront finalement atteindre les 6000t et embarquer le même armement que les FREMM-GP, réduisant l’utilité opérationnelle de ces dernières.

La réduction du format de la flotte de FREMM italienne de 10 à 8 unités qui résulterait d’une telle vente dénoterait ainsi d’une certaine logique de rationalisation industrielle et opérationnelle, qui ne serait pas sans rappeler certains des choix effectués par la Marine Nationale française, qui a également réduit ses commandes de FREMM à huit navires seulement. En effet, les deux dernières FREMM de la classe Bergamini, dont l’entrée en service était attendue pour mars 2020 et avril 2021, sont de type FREMM-GP (Emploi Général), et non pas FREMM-ASW (Anti-Sous-Marin). Optimisées pour l’action vers la terre et le contrôle maritime, ces frégates offrent des capacités importantes mais qui semblent aujourd’hui redondantes avec les autres programmes majeurs de la Marina militare. Cette dernière prévoit en effet de se doter de sept PPA (Patrouilleurs Polyvalents Hauturiers), qui malgré leur nom sont de véritables frégates optimisées justement pour les mêmes missions que les FREMM-GP, et devrait prochainement moderniser sa flotte de porte-hélicoptères d’assaut quand le Trieste entrera en service. En se séparant de deux FREMM-GP, l’Italie dégage ainsi des fonds pour poursuivre ses nouveaux programmes sans pour autant réduire les commandes de FREMM, et donc la charge de travail de ses chantiers navals.

Sur le plan industriel, même si cela ne vaut pas un prolongement de la série de FREMM, une telle (re)vente serait également une bonne affaire pour Fincantieri, dont le carnet de commande militaire est bien rempli. Cela pourrait ainsi augmenter les chances de voir les options pour deux ou trois PPA supplémentaires être levées. Mais une telle exportation serait également utilisée à des fins de communication alors que le design de la FREMM italienne est en compétition pour le programme américain FFG/X.

Égypte : pourquoi opter pour des FREMM italiennes ?

Côté égyptien, l’achat de FREMM italiennes alors même que la vente d’une FREMM française et de deux Gowind supplémentaires était encore évoqué il y a quelques années peut surprendre. Cela répond cependant à une certaine logique, tant politique qu’économique et opérationnelle.

  • En premier lieu, il s’agirait pour l’Égypte d’un achat opportuniste. Comme la FREMM Tahya Misr ou les deux BPC à l’époque des achats en France, les deux navires sont déjà achevés et quasiment opérationnels, et donc disponibles immédiatement sur le marché.
  • Sur le plan opérationnel, l’achat de FREMM-GP pouvant se spécialiser dans la conduite d’opérations spéciales mais aussi dans l’escorte des porte-hélicoptères peut aussi se justifier. La FREMM française et les Gowind continueraient alors de constituer le gros des forces ASM égyptiennes, les Meko 200 pouvant apporter leur soutien sur l’ensemble des missions. Reste qu’une seconde unité ASM lourde offrirait un meilleur équilibre au format naval égyptien.
  • La question du financement, comme toujours en Égypte, est également essentielle ! Avec de nombreux crédits déjà engagés en France suite aux achats de Rafale, FREMM, Gowind et BPC, l’Égypte aurait eu du mal ces dernières années à trouver le soutien financier, en France, pour de nouveaux achats de matériels militaires, conduisant à un certain éloignement entre Paris et Le Caire. Les deux FREMM, dont la vente doit avoisiner les 1,5 milliards €, seront bien plus faciles à financer en Italie, Le Caire y ayant bien moins d’encours qu’en France ou en Allemagne.
  • Enfin, il convient de ne pas négliger la dimension politique de tout achat d’armements militaires. L’achat de navires de premier rangs est un contrat commercial mais également un acte diplomatique fort, permettant au Caire de sceller des alliances durables avec les chancelleries européennes, notamment celles qui peuvent avoir un poids réel sur les dossiers régionaux, notamment sur la question libyenne.
La fregate 22Languedoc22 une des 6 fregates de 1er Rang FREMM Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Les FREMM française, dont une a été vendue en Egypte, présentent des formes plus furtives que leurs homologues italiennes. Elles offrent également d’excellentes capacités ASM et une capacité d’emport de missiles de croisière, qui n’a cependant pas été exportée sur les navires vendus en Egypte et au Maroc.

Les négociations en cours porteraient principalement sur la question du financement, et pourraient s’étaler sur une période de plusieurs mois. L’expérience nous a montré que ce type de transaction peut s’avérer long et fastidieux, et parfois conduire purement et simplement à un échec. Le calendrier de réception des deux dernières FREMM italiennes va cependant sans doute pousser Rome à un aboutissement rapide du dossier.

La FREMM-GP proposée en Egypte

Les FREMM-GP proposées à l’Égypte sont des navires de 144m de long pour 6900 tonnes. Sur le plan technique, les FREMM-GP italiennes diffèrent des FREMM françaises principalement par leur armement et leur suite de capteurs. Leur artillerie se compose d’un canon de 127mm et d’un canon de 76mm, contre un unique 76mm en France. Les FREMM françaises étant exportées sans leurs missiles de croisière, la missilerie principale est donc relativement similaire, avec 16 missiles Aster 15 ou Aster 30 à lancement vertical et près de 8 missiles anti-navires à capacité de frappe à terre secondaire. De base, il s’agit de missiles italiens OTOMAT, bien que rien n’interdise l’installation d’Exocet si l’Égypte souhaite faciliter sa logistique entre la Tahya Misr, ses Gowind et ses nouvelles FREMM-GP. Le radar Kronos est installé plus en hauteur que l’Herakles des FREMM française, permettant de fournir en théorie une couverture basse altitude plus lointaine, mais réduisant la furtivité générale du navire.

Meko200 SAS Mendi F148 Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Frégates légères, mais relativement coûteuses, les futures MEKO 200 égyptiennes devraient apporter des capacités complémentaires aux trois FREMM égyptiennes, qui conserveront un armement plus avancé, notamment en matière de lutte anti-aérienne.

Des torpilles MU90 offrent une autodéfense ASM, tandis que le design italien permet d’embarquer deux hélicoptères au lieu d’un seul, la Marine égyptienne disposant de SH-2G Super Seasprite pour la lutte surface et ASM. Cependant, les FREMM-GP ne disposent pas de l’excellent sonar trempé CAPTAS-4 présent sur les versions ASM de la FREMM mais uniquement du sonar de coque UMS 4110. En lieu et place, les navires pourront mettre en oeuvre des RHIB au profit d’opérations commandos ou de contrôle maritime.

Ces technologies qui pourront détecter un F35 dès 2030

Depuis l’utilisation des F117 lors de la première guerre du Golfe, en 1991, la furtivité est considérée comme la caractéristique essentielle d’un avion de combat, pour être en mesure de faire face aux défenses anti-aériennes modernes d’un adversaire déterminé. Et l’appareil du lieutenant colonel Zelko abattu par une batterie de missiles S-175 (SA-3 dans la classification OTAN), alors qu’il venait d’ouvrir sa trappe de munition le 27 mars 1999 au dessus de la Serbie n’y changea pas grand chose.

La furtivité était devenue le Graal des avionneurs et des état-majors des forces aériennes mondiales. Dès lors, plusieurs programmes reposant sur cette caractéristique furent développés dans le domaine des avions de combat comme les F22 et F35 américains, le Su57 russe ou le J20 chinois, ainsi que des bombardiers stratégiques, allant du B2 Spirit et B21 Raider américains aux futurs HH-20 chinois et Pak-DA russes.

Comme toujours, alors que les technologies pour réduire la Surface équivalente radar d’un avion ne cessaient de progresser, d’autres équipes de chercheurs développaient des technologies pour les contrer et détecter ces appareils en dépit de leur cape d’invisibilité radar supposée. Empiriques au début, ces nouvelles technologies de contre-furtivité atteignent désormais des niveaux de fiabilité rendant possible leur utilisation opérationnelle. En 2030, nombre d’entre elles seront effectivement en service, rendant la furtivité passive employée sur des appareils comme le F35, le Su57 ou le J20, si pas obsolète, en tout cas beaucoup moins performante.

2020 : Le multistatisme

Le multistatisme repose sur la séparation physique de l’émetteur et du récepteur radar. En effet, un avion furtif ne l’est jamais vraiment, et lorsqu’il s’approche en dessous d’une certaine distance d’un radar, il finit par être détecté. Ainsi, pour le F35A, les données publiques estiment qu’un A-3 Sentry serait capable de le détecter à une distance de 30 km, alors qu’il est capable de détecter un Su-30 ou un F-15 au delà de 200 km.

F35 Italien Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
La furtivité du F35 ne sera pleinement effective pendant encore quelques années, après quoi les nouvelles technologies de détection en neutraliseront les bénéfices.

Cependant, en approchant le récepteur radar de la cible, on augmente la portée de détection vis-à-vis de l’émetteur, la puissance du signal diminuant avec le carré de la distance entre émetteur et cible, ainsi qu’entre cible et récepteur. Cette technologie suppose de pouvoir synchroniser et de faire collaborer des emetteurs et récepteurs éloignés, mais permet d’apporter une première réponse sur la base de l’utilisation des technologies radars existantes, pour contrer la furtivité passive. Elle est d’ailleurs expérimentée par de nombreuses forces armées dans le monde, y compris en Europe.

2025 : Les Radars basse fréquence

Un radar est dit de « basse fréquence » lorsqu’il travaille sur des longueurs d’onde des bandes UHF et VHF, également employées par les émetteurs de télévision, des téléphones portables et les radios. La technologie n’est pas nouvelle, les premiers radars comme ceux qui défendaient le ciel du Royaume-Uni en 1940 contre la Luftwaffe étaient des radars VHF. En revanche, ils sont moins précis que les radars haute fréquence qui travaillent sur des longueurs d’onde millimétriques, et non métriques.

C’est la raison pour laquelle les radars militaires ont, peu à peu, pour la plupart évolué vers des bandes de haute-fréquence. Sachant cela, les technologies de furtivité passive, comme celles employées sur les avions de combat comme le F22 et le F35, ont été optimisées pour contrer ces hautes fréquences.

E 2D hawkeye Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
L’avion de détection aérienne avancée embarqué Grumman E-2D advanced Hawkeye emploie un radar AESA en bande UHF permettant de détecter les avions furtifs à de plus grandes distances

Mais un phénomène physique remet les radars UHF et VHF sur le devant de la scène désormais. En effet, la longueur d’onde employée par ces derniers favorise la création d’un phénomène de résonance électromagnétique en réfléchissant les ondes sur les plans horizontaux et verticaux des appareils, comme les entrées d’air ou les stabilisateurs. Cette résonance augmente la puissance du signal renvoyé, permettant de détecter les appareils de beaucoup plus loin. En outre, ces fréquences sont moins sensibles à la dispersion des ondes radars résultant des formes à arrêtes vives des avions furtifs, ainsi qu’à l’absorption par les peintures anti-radar employées.

Avec la modernisation des capacités de traitement du signal, et l’arrivée des antennes actives AESA, la précision des radars basse fréquence s’est grandement améliorée, au point que désormais, certains systèmes de défense antiaérienne intègrent un radar basse fréquence pour contrer les avions furtifs. Cette capacité est déjà en service, et se sera largement répandue d’ici 2030. Des appareils de veille aérienne, comme le E-2D Hawkeye qui sera mis en oeuvre par la Marine Nationale française, le Japon, Israël et l’US Navy, dispose, comme son prédécesseur, d’un radar UHF AESA, offrant des capacités avancées pour détecter les avions furtifs, et diriger les avions de combat pour les intercepter. Le KJ-600 chinois, qui équipera les porte-avions dotés de catapultes TYPE 003 chinois, est sensé disposer des caractéristiques similaires.

2030 : Les Radars Passifs

En 2019, le spécialiste allemand des radars Hensoldt fit sensation lorsqu’il annonça avoir suivi de façon très précise les deux F35 américains envoyés par l’US Air Force pour le salon de Berlin, ceci obligeant Lockheed à conserver les deux avions au sol pendant toute la durée du Salon. Ils ne reprirent l’air qu’à l’issu de l’événement, pour s’en retourner directement aux Etats-Unis. Pour y parvenir, Hensoldt employa un radar passif, le Twinvis.

Le principe du radar passif dérive en quelques sortes de la fusion des deux technologies précédentes, le multi-statisme et le radar basse fréquence, en remplaçant l’émetteur radar par le rayonnement électromagnétique d’origine humaine très présent autour des espaces à forte densité de population. Pour cela, le radar passif détecte les ondes électromagnétiques générées par les émetteurs de la TNT, les antennes sur réseau de téléphone portable, et l’ensemble des rayonnements émis par les très nombreux équipements électromagnétiques en service aujourd’hui, lorsqu’elles sont réfléchies par un avion de combat, furtif ou pas.

Ces rayonnements étant pour la plupart dans les bandes de fréquences UHF et VHF, précisément celles des radars basse fréquence, elles en ont les mêmes caractéristiques pour détecter des avions furtifs. En outre, la répartition des émetteurs est d’une grande densité dans les pays européens. Quel que soit la position du récepteur, il existera dès lors très probablement un ou plusieurs émetteurs très proches de la cible pour augmenter la portée de détection du radar. Enfin, ce type de rayonnement étant « normal » au dessus des ces zones, la cible ignore qu’elle a été détectée, permettant de l’intercepter et de l’abattre sans qu’elle n’essaie de s’échapper.

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Le Twinis de l’allemand Hensoldt a été capable de suivre les 2 F35 de l’US Air Force envoyés en démonstration au Berlin Air Show, sur l’ensemble de leur trajectoire au dessus de l’Allemagne.

Plusieurs pays ont déjà annoncé leur intention de se doter d’un réseau de détection passive, pour assurer la surveillance de leur espace aérien. En 2030, ces équipements seront pleinement fonctionnels. Reste qu’ils nécessitent des conditions particulières pour fonctionner, et ne peuvent être déployées partout, notamment pas en zone désertique, ni en zone océanique. En revanche, pour se prémunir de frappes préventives, qui constituent une des missions prioritaires des avions furtifs, ces radars sont d’une redoutable efficacité.

2020 : Les systèmes de détection infra-rouge

Depuis les années 60, certains avions de combat ont été dotés de systèmes de détection optiques et infra-rouges permettant de détecter et suivre des cibles aériennes, navales et terrestres. Dans le langage aéronautique, on parle d’IRST pour Infra-Red Search and Track. Ces équipements permettent désormais de détecter des cibles aériennes à des distances supérieures à 50 km lorsque les conditions météo le permettent, sans que la cible ne soit consciente de cette détection, le système étant totalement passif.

Les avions russes de la famille Flanker, ou le Typhoon européen, sont ainsi équipés de systèmes réputés très performants. Un IRST offre de nombreux avantages, outre celui d’être passif, notamment de pouvoir donner une image relativement précise de la cible, et donc de l’identifier. En revanche, l’évaluation de la distance, de la vitesse et du cap de celle-ci sont beaucoup plus problématiques, rendant difficile leur utilisation pour contrôler la trajectoire d’un missile air-air et calculer une solution de tir.

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Les chasseurs russes, comme ce Su-35s, mettent en oeuvre d’excellents systèmes de détection infra-rouge IRST, et les équipages s’entrainent régulièrement à les utiliser pour contrer des cibles furtives.

Sans représenter une parade absolue contre les avions furtifs, les IRST offrent toutefois une option supplémentaire pour détecter et engager ces appareils, du sol ou d’un aéronef. Associés à d’autres IRST et d’autres systèmes passifs, comme l’écoute électroniques, ils permettent de neutraliser d’ores et déjà une partie des bénéfices de la furtivité passive.

2025 : La detection par satellite

L’Espace est considérée par la majorité des grandes armées mondiales comme un des enjeux stratégiques de la décennie, et des programmes visant à multiplier les moyens de communication et de détection spatiaux ne cessent d’être annoncés. La détection d’aéronefs par les moyens optroniques et électroniques par satellite est déjà possible aujourd’hui, mais leur petit nombre ne permet pas d’assurer une couverture globale permanente, et donc de suivre les déplacements de ces aéronefs dans la durée. Or, des programmes comme ceux de l’US Space Command, visant à déployer en permanence 1000 satellites de différents types autour de la planète, permettront, entre autres choses, de pallier ce phénomène.

Si la détection optronique est effectivement passive et insensible aux technologies de furtivité électromagnétiques, elle dépend toutefois des conditions météo, et plus particulièrement de la nébulosité. Notons toutefois que plus l’altitude d’un appareil est élevée, moins les phénomènes météo pouvant gêner sa détection par un satellite sont nombreux. En revanche, les ingénieurs développent activement des technologies destinées à neutraliser la détection par des systèmes optroniques, en particulier dans le spectre infra-rouge.

De fait, comme pour les IRST, la détection par satellite ne pourra constituer, à elle seule, une parade contre les avions de combat, furtifs ou non. Mais elle s’avérera complémentaire d’autres systèmes aux périmètres de détection, comme les radars passifs ou les radars basse fréquence, insensibles aux conditions météo, mais dont l’utilisation est également contrainte par d’autres facteurs.

2030 : Les radars quantiques

Après avoir annoncé la création d’un super calculateur quantique en 2016, et d’un EM-Drive en 2017, les ingénieurs chinois ont annoncé avoir développé un radar quantique opérationnel en 2018. Bien qu’il ne soit pas possible d’en évaluer la véracité ni les performances, nombres d’annonces récentes chinoises chinoises de ce type se sont avérées fondées, démontrant que Pékin avait effectivement acquis un important savoir-faire dans ces domaines. Il n’est dès lors pas prudent de considérer cette annonce au seul biais de la désinformation. Et ce d’autant que le Radar Quantique représente, en quelque sorte, le radar ultime pour faire face à tous les aéronefs, furtifs ou pas.

Quantum radar chine Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
La Chine a annoncé il y a deux ans avoir testé avec succès son prototype de radar quantique

Contrairement à un radar classique, qui émet des ondes électromagnétiques réfléchies par la cible et détectées en retour par le récepteur radar pour en déterminant la position et le vecteur vitesse, un radar quantique repose sur le principe d’intrication quantique des photons, selon lequel deux photos peuvent être reliés par un lien « étrange » permettant au premier de reproduire les états du second instantanément, même si les deux photons sont très éloignés l’un de l’autre. Sans entrer dans les explications physiques très complexes de ce phénomène, l’intérêt pour un système de détection est évident. En observant un photon captif, on peut détecter les modifications d’état de son photon intriqué projeté sur une porteuse électromagnétique pour détecter un appareil, et même en reproduire une visualisation très précise à de grandes distances.

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Un radar quantique permet de reproduire une image précise de la cible détectée, permettant ainsi de l’identifier.

Le fait d’utiliser des photons n’en fait toutefois pas un système optronique, le photon étant transporté par une onde électromagnétique, et est donc capable de traverser en partie des nuages et des phénomènes météos. Ce radar n’est pas passif au sens propre du terme, puisqu’il nécessite une porteuse électromagnétique, mais cette porteuse n’étant pas liée à la détection elle même, il n’est pas sensible aux technologies de furtivité passive, et offre de très importantes capacités pour résister aux brouillages.

Surtout, le besoin de puissance est particulièrement bas, rendant ce rayonnement électromagnétique très difficile à détecter, car inférieur au bruit électromagnétique ambiant couvrant une grande partie de la planète. Cette technologie est encore expérimentale, mais la Chine, les Etats-Unis, le Canada et l’Allemagne travaillent activement à la developper. Il est probable que la Russie fasse de même. Avec les tensions internationales qui ne cessent de croitre ces dernières années, on peut raisonnablement anticiper que les premiers radars quantiques seront opérationnels d’ici 2030.

Conclusion

Souvent présentée comme la caractéristique ultime pour un avion de combat, la furtivité passive ne s’avèrera être performante du point de vu opérationnel que sur une période de temps limitée, soit jusqu’en 2030, ou peu après. Elle conservera un intérêt pour réduire les capacités de détection des systèmes mobiles ou aéroportés, mais ne constituera plus un avantage décisif justifiant d’y sacrifier d’autres aspects critiques pour un avion de combat, comme sa manoeuvrabilité, son rayon d’action, sa vitesse, ou son prix.

De fait, les chasseurs comme le F35, conçus d’abord et avant tout autour de cette notion de furtivité passive, et dont les équipements dédiés à cette furtivité ajoutent 4 tonnes à la masse de l’appareil, verront leur intérêt décroitre, au profit d’appareils plus équilibrés, comme c’est le cas du F22 ou comme semble l’être du Su-57 russe. En outre, cela pourrait signer le retour au premier plan des technologies de furtivité active, comme le brouillage électromagnétique, beaucoup plus facile à faire évoluer dans un pod, que l’architecture globale d’un appareil.

Reste que, pour beaucoup de pays ayant déjà fait le choix du F35, la désillusion risque d’être sévère, même si l’appareil disposent d’autres atouts, comme une excellente panoplie de capteurs et de systèmes de communication, associée à une puissante fusion de données. Mais sera-ce suffisant pour compenser les points faibles de l’appareil, comme sa manoeuvrabilité, sa vitesse ou son rayon d’action, sacrifiés sur l’autel d’un avantage transitoire ?

Les vues d’artistes du B-21 Raider de l’US Air Force en disent beaucoup

Le 31 janvier, l’USAF et Northrop Grumman ont dévoilé trois nouvelles vues d’artistes du futur bombardier lourd B-21 Raider, les premières depuis 2016. En réalité, il s’agit du même rendu 3D incrusté dans trois environnements différents. Une présentation assez sobre, qui en dit cependant plus long qu’on ne pourrait le croire sur le nouvel appareil.

Nouveaux détails et confirmations sur le B-21 Raider

L’angle de vue proposé ne révèle toujours rien sur les tuyères de l’appareil, mais confirme cependant la présence d’entrées d’air intégrées au fuselage. Particulièrement simple dans leur design, puisqu’elles ne présentent aucun piège à couche limite ou DSI, elles sont en réalité particulièrement complexes à développer, puisqu’elles entrainent généralement des problèmes d’écoulement d’air et donc de performance des réacteurs. Elles permettent cependant une meilleure intégration des moteurs (a priori deux dérivés sans post-combustion du P&W F135 équipant le F-35), et surtout une furtivité accrue de l’avion. On retrouve également une entrée d’air intégrée au fuselage dans le futur drone de ravitaillement en vol de l’US Navy. Au final, fuselage central, entrées d’air et voilure formeraient un tout encore plus homogène que sur le B-2, permettant de pousser à son paroxysme le rêve d’aile volante de Jack Northrop.

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Whiteman AFB accueille aujourd’hui des B-2A. Elle devrait être une des trois premières bases du B-21 Raider, qui sera sans doute régulièrement déployé à Guam ou à Diego Garcia.

Les trains d’atterrissages principaux ne comprendraient plus que deux roues, contre quatre pour le B-2, et conserveraient le même emplacement général que sur le B-2. Un choix logique qui s’explique par le fait que le B-21 devrait être plus petit d’un tiers, par rapport au B-2, et que les volumes internes seront optimisés pour l’emport d’armement et de carburant. En effet, bien que plus léger que le B-2, le B-21 devrait avoir un aussi bon, voire meilleur, rayon d’action au combat que son aîné. Et si les dimensions générales de l’appareil seront environ 33% plus petites que celle du B-2, la simplification de la forme de son fuselage principal permet d’augmenter proportionnellement la longueur de ce dernier. De sorte que la soute à armement du B-21 Raider pourrait bien n’être plus que 15 à 20% inférieure à celle, déjà fort bien dimensionnée, du B-2 Spirit.

On notera d’ailleurs que cette forme simplifiée de fuselage correspond à la première configuration imaginée par les ingénieurs du B-2, avant que ce dernier ne soit modifié pour améliorer ses performances de pénétration à basse altitude. Ce qui laisse à penser que les performances du B-21 Raider en haute altitude auront été particulièrement soignée, les améliorations en matière d’aérodynamique et de commandes de vol lui permettant de rester performant en pénétration basse altitude. De fait, bien que l’USAF reste discrète sur le B-21, il semble que ce dernier soit conçu pour être plus polyvalent que le B-2A Spirit. Loin d’être un simple « bomber », le B-21 Raider conservera des capacités de « strike » (frappe) héritées du programme LRS-B (voir ci-dessous). Doté d’une avionique plus complète que le B-2, le Raider pourrait ainsi être adapté à la frappe anti-navire, aux missions SEAD avec des missiles antiradiations, voire même des missiles air-air longue portée pour l’autodéfense et l’attaque de multiplicateurs de force adverses comme les avions ravitailleurs ou les avions de veille aérienne. De fait, si le bombardier sera apte à terme à remplir la mission nucléaire, il ne s’agit pas de l’unique priorité pour l’USAF.

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Les premières vues d’artiste du B-21 évoquaient déjà des entrées d’air intégrées au fuselage ainsi qu’une forme générale simplifiée par rapport au B-2A. Les Raider pourraient être utilisés en mode sans-pilote pour certaines missions.

Enfin, le dernier détail particulièrement signifiant des vues d’artistes dévoilée il y a quelques jours résident… dans les arrière-plans. Le B-21 Raider est en effet montré en train d’entrer des hangars sur les bases de Whiteman (Missouri), Ellsworth (Dakota du Sud) et Dyess (Texas). Ces bases hébergeant des B-2A et des B-1B, cela semble confirmer les précédentes annonces faites par l’USAF concernant un remplacement prioritaire de ces deux avions, pourtant les plus récents dans l’inventaire des bombardiers stratégiques de l’USAF. Le B-21 Raider, dont le premier vol est attendu pour la fin 2021 avec une entrée en service initiale en 2025, devrait donc opérer principalement aux côtés des antiques B-52 ! Ce dernier devrait ainsi continuer à servir l’USAF jusqu’à l’horizon 2050, soit près d’un siècle (sic) après son premier vol. Un choix qui se justifie par la rusticité de la plateforme, sa versatilité et ses faibles coûts opérationnels par rapport au B-2 furtif et au B-1B à géométrie variable, mais aussi par la complémentarité qu’il apportera au Raider. L’USAF devrait ainsi continuer à utiliser les B-52 pour les conflits asymétriques, les B-21 se concentrant sur le théâtre Asie-Pacifique, un certain nombre de B-1B et surtout de B-2A devant sans doute rester en service le temps de la transition, qui fera passer le nombre d’escadrons de bombardement stratégiques de l’USAF de 9 à 14.

B-21 Raider : historique et développement

L’origine du B-21 Raider remonte à la fin des années 1990, alors que la vingtaine de B-2A Spirit achetés pour l’USAF arrivaient en fin de production. L’USAF se met alors à envisager l’avenir de sa force de frappe à longue distance en anticipant le remplacement des B-52 et des B-1B mais aussi celui, à plus long terme, des B-2A. Alors que les opérations aériennes s’enchaînent en Afghanistan, que se profile l’intervention en Irak et que le programme F-35 est enfin lancé, l’USAF fait un double constat. D’une part, les bombardiers lourds s’avèrent trop précieux pour qu’on puisse s’en passer dans les conflits asymétriques à venir, leur capacité d’emport et leur endurance en faisant des appareils de soutien aérien aussi efficaces qu’inespérés. D’autre part, avec le renouvellement à venir des flottes tactiques et l’absence de menace de haute intensité immédiate, il est estimé que les flottes actuelles de bombardiers lourds n’auront pas besoin d’être remplacées avant au moins trois décennies.

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Le B-52 devrait rester encore longtemps la bête de somme de l’USAF, devenant l’un des premiers appareils de combat à franchir les 100 ans de service opérationnel

Des réflexions sont alors lancées autour d’un « 2037 Bomber », un concept d’appareil supersonique (ou hypersonique) potentiellement non-piloté, destiné à remplacer tout ou partie des bombardiers stratégiques américains à la fin de la décennie 2030. Pourtant, dès 2006, il apparait que de nouvelles capacités stratégiques allaient être rapidement nécessaires, à la fois pour maintenir des capacités industrielles dans ce domaine, mais également pour répondre aux premiers déploiements de systèmes de défense aérienne à longue portée S-400 en Russie et à la prolifération de S-300 à l’export. Ce projet, désigné officieusement « 2018 Bomber » visait à compléter les B-2 dès le début des années 2020, sans doute en remplaçant en priorité les B-1B, plus coûteux à opérer que les vénérables B-52.

L’USAF concentre alors ses études sur un bombardier subsonique furtif, capable d’embarquer plus de munitions sur de plus longues distances qu’un engin supersonique, et Boeing s’allie en 2008 avec Lockheed Martin pour concevoir un engin capable de répondre aux exigences de l’USAF. Dès 2009, il apparaît que la date de 2018 ne sera pas respectée pour le premier vol, mais le programme prend rapidement une forme plus officielle autour de la désignation LRS-B (Long Range Strike-Bomber, bombardier/avion d’attaque à longue portée). Si l’alliance entre Boeing et Lockheed s’étiole en 2010, Northrop Grumman apparaît rapidement comme l’avionneur le plus solide pour ce projet de bombardier furtif supersonique, misant sur l’expérience acquise sur le programme B-2 et sur l’excellente gestion de ce dernier. Un fait d’autant plus important que l’USAF entend maîtriser au mieux les coûts de développement et d’exploitation de son futur bombardier LRS-B.

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Le design du B-21, plus avancé que celui du B-2, devrait lui offrir des formes simplifiées et une meilleure intégration fuselage/voilure/entrées d’air.

Northrop Grumman est ainsi sélectionné officiellement en 2015, et le LRS-B devient alors le B-21 Raider. Une centaine d’appareils sont initialement envisagés, l’USAF se réservant la possibilité d’en acquérir jusqu’à 200 si le contexte stratégique s’y prête alors, que ce soit pour remplacer le B-52 ou compenser un manque de portée et de puissance de feu de la flotte tactique, majoritairement composée de F-35.

Le premier sous-marin américain équipé de missiles à tête nucléaire tactique à pris la mer

Pendant la Guerre Froide, les deux camps disposaient de missiles et de bombes ayant des charges nucléaires de faible puissance, destinés à être utilisés non pas contre des villes ou des infrastructures industrielles adverses, mais contre des forces militaires. On parlait alors d’armes nucléaires tactiques. La doctrine de l’époque voulait qu’il soit possible de faire usage de ces armes, sans dépasser le seuil déclenchant le feu stratégique, à savoir l’élimination réciproque des adverses avec des missiles balistiques intercontinentaux mettant en oeuvre des charges nucléaires stratégiques de plusieurs centaines de kilo-tonnes.

Déjà à l’époque, de nombreuses voix s’élevées contre de tels scénarios, jugeant qu’il était impossible de présager de la réaction de l’adversaire face à un feu nucléaire, même tactique, si celui disposait également d’armes nucléaires. Récemment, ce sont les chercheurs de Princeton qui mirent en évidence dans des simulations que l’utilisation d’armes nucléaires tactiques entrainerait très probablement une escalade stratégique. Certes, ces théories sont souvent décriées, avec plus ou moins d’objectivité. Mais reste que le franchissement du seuil nucléaire, tactique ou pas, ouvre un champs de possibilité totalement inconnues, car ne pouvant se reposer sur aucune étude statistique, et dont les conséquences pourraient être, au demeurant, cataclysmiques.

La simulation faite par les chercheurs de Princeton offre une perspective bien peu satisfaisante quand à l’utilisation d’armes nucléaire tactiques. A noter que la France, bien que membre de l’OTAN, mais disposant d’une dissuasion autonome, semble préservée des frappes directes, même si les retombées radioactives seront toutes aussi létales à terme.

C’est la raison pour laquelle les armes nucléaires tactiques avaient presque disparu des inventaires des grandes puissances nucléaires. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France éliminèrent ces armes des arsenaux, dont les missiles de croisière Tomahawk emportant une charge nucléaire, et les missiles balistiques Hades français. La Russie, en revanche, maintint des capacités tactiques, notamment avec le missile Iskander et le missile naval Kalibr, mais elles étaient limitées par le respect du traité INF, qui interdisait la détention d’armes balistiques et de missiles de croisière nucléaire d’une portée allant de 500 à 2500 km. Les autres nations nucléaires, comme la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël, eux, maintinrent leurs savoir faire dans le domaine, ainsi que des doctrines d’emploi pour des armes nucléaires tactiques.

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La Russie dispose de nombreux missiles balistiques à courte portée Iskander capable de mettre en oeuvre une charge nucléaire tactique

Avec la sortie du traité INF, les Etats-Unis décidèrent de recouvrir cette capacité, afin de répondre aussi bien à une utilisation potentielle par la Russie, la Chine ou la Corée du Nord, que pour disposer d’une arme capable d’apporter un avantage tactique déterminant sur le champs de bataille, en dépit des risques que cela comporte. Mais en l’absence de vecteurs rapidement déployables, le Pentagone opta pour la transformation de certains missiles balistiques intercontinentaux Tridents, embarqués sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Ohio de l’US Navy, pour les doter de charge nucléaire de 5 kilotonnes W-76-2. Et aujourd’hui, le premier sous-marins mettant en oeuvre ce type d’arme est officiellement en patrouille.

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Rafale français équipé du missile semi-stratégqiue ASMPA nucléaire. Ce missile n’est pas destiné à des frappes stratégiques ni tactiques, mais intervient comme « dernier avertissement » avant que la France ne fasse usage du feu stratégique.

Mais si l’utilisation d’une arme nucléaire tactique ouvre, comme nous l’avons vu, un champs des possibles déjà très inquiétant en usage normal, son utilisation à partir d’un missile balistique intercontinental lancé à partir d’un sous-marin nucléaire l’est encore bien davantage. En effet, les pays comme la Chine et la Russie disposent de moyens pour détecter le lancement de missiles baltiques, et capables de faire la différence entre un missile intercontinental et un missile de portée réduite, et donc probablement tactique. En revanche, ces dispositifs ne sont pas capable de déterminer si la charge emportée est tactique ou stratégique. Les doctrines, en cas de détection d’un feu nucléaire stratégique, sont identiques en Russie, en Chine, aux Etats-Unis ou en France, et reposent sur un tir de riposte pour éliminer le plus rapidement possible les moyens de l’adversaire de frapper à nouveau. En d’autres termes, on n’attend pas de constater la puissance de la charge nucléaire, pour riposter.

On peut dés lors s’interroger quel est l’intérêt d’un tel armement, si ce n’est de créer une arme dont l’utilisation potentielle ne doit surtout pas être considérée, eu égard aux risques afférents. Et la réflexion qui s’applique ici peut également l’être au sujet des bombes nucléaires gravitationnelles B61 d’une puissance allant de 1 à 100 kt, mises en service par les forces aériennes allemandes, néerlandaise, belges, italiennes et turques au sein de l’OTAN, avec le principe de la double clé. La justification de ce feu nucléaire aéroporté, n’ayant quasiment aucune chance de pénétrer le dispositif adverse et donc d’atteindre des cibles stratégiques, est pour ainsi dire inexistant, en dehors du feu tactique dont nous avons vu les limites, et les dangers.

Les forces armées françaises sont aujourd’hui plus sollicitées que jamais

Alors qu’elles entament à peine leur reconstruction capacitaire, après 20 ans de restrictions budgétaires ayant lourdement entamé leur potentiel opérationnel, les forces armées françaises sont soumises, en ce début d’année 2020, à une pression opérationnelle d’une intensité jamais atteinte depuis la première guerre du golfe, en 1991, alors que les armées françaises disposaient de deux fois plus d’équipements et d’hommes qu’aujourd’hui.

Même avec les ambitions affichées de la Loi de Programmation Militaire 2019-2025, cette pression qui ne donne aucun signe d’apaisement, appelle à la ré-évaluation rapide des moyens alloués aux forces armées pour être prêt à faire face aux scénarios probables des années à venir.

Les forces armées françaises déploient 600 hommes supplémentaires pour Barkhane

La ministre des Armées, Florence Parly, a confirmé dimanche 2 février l’envoi de 600 hommes supplémentaires pour renforcer les 4500 militaires français de l’opération Barkhane au Mali et dans la zone sud-saharienne. Les effectifs ainsi déployés par les armées françaises pour la seule opération Barkhane seront proportionnellement égaux à ceux de la division Daguet en Arabie saoudite en 1990 et 1991, lorsque les armées alignaient des 300.000 personnels de carrière et 250.000 appelés. Ces effectifs supplémentaires, majoritairement fournis par l’Armée de Terre, vont permettre d’augmenter la présence française sur un territoire grand comme l’Europe continentale.

Au-delà des effectifs, les matériels subissent une dégradation bien plus rapide du fait de leur projection en opérations extérieures. Ainsi, un blindé ou un hélicoptère envoyé déployés en mission extérieure se détériore plus rapidement dans un rapport de 1 à 3 vis-à-vis d’une utilisation « normale ».

Or, le parc aérien de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre, l’ALAT, mais également celui concernant certaines composantes motorisées comme l’artillerie ou les chars de combat, sont conçus au plus juste pour un emploi de faible intensité. Ainsi, certains types de blindés, comme le Véhicule Blindé Léger, ou VBL, de l’Armée de Terre, ont atteint l’âge du retrait de service de façon prématurée, du fait de leur utilisation importante en Opérations Extérieures, mais leur remplacement n’est toujours pas planifié.

De fait, malgré l’entrée en service de nouveaux matériels, l’armée de terre ne parvient à re-capitaliser ses forces, et même, au contraire, continue de voir son potentiel opérationnel diminuer avec le temps.

Les forces armées françaises font appels aux CH-47 chinook de la Royal air Force au Mali
Les CH-47 Chinook de la Royal Air Force déployés au Mali en soutien de l’opération Barkhane apportent des capacités de mobilité très utiles aux forces françaises.

Les forces françaises sont dans une situation paradoxale dans la région, avec un sentiment anti-français qui se développe rapidement, aidé en cela par des médias souvent manipulés par Moscou, Pékin et des intérêts locaux, alors que les gouvernements, et les forces armées locales, ne parviennent pas à faire face aux forces djihadistes présentes.

Certains pays européens ont également déployé des effectifs et des moyens pour soutenir l’effort français. En particulier, les hélicoptères lourds CH-47 Chinook de la Royal Air Force apportent des capacités d’aéromobilité dont ne disposent pas les forces françaises. L’Estonie a aussi déployé une unité de combat d’une soixantaine d’hommes, une façon pour Tallinn de remercier la France du déploiement de ses forces aériennes et terrestres dans le cadre des opérations de réassurance de l’OTAN.

La Marine Nationale sur tous les fronts

La Marine nationale doit également faire face à une pression opérationnelle très importante, avec la nouvelle mission Européen Maritime Initiative dans le golfe Persique, à laquelle elle participe ainsi que les marines belges, néerlandaises et danoises, afin de protéger les navires de commerce contre des actions offensives, et de jouer le rôle de force d’interposition entre les Marines Iraniennes et celles des monarchies sunnites du golfe.

Parallèlement, elle doit assurer l’escorte du porte-avions Charles de Gaulle lors de la mission Foch qui l’amènera en Méditerranée orientale puis dans l’Océan Indien, des zones navales sous tensions. À cela s’ajoute l’accroissement des tensions autour des territoires outre-mer, la lutte contre les trafics qui s’intensifie, et les exercices de plus en plus réguliers de l’OTAN.

FLF Marine Nationale Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
La FLF Courbet est la première unité navale européenne à rejoindre l’initiale européenne dans le Golfe persique. Elle sera rejoint mi-février par la frégate néerlandaise « De Ruyter »

Malheureusement, ce pic d’activité intervient alors que la Marine Nationale a un format effectif au plus bas. Ainsi, si elle dispose effectivement de cinq nouvelles frégates anti-sous-marine FREMM et de deux frégates antiaériennes Horizon, les quatre frégates T70 encore en service n’ont plus de potentiel opérationnel sérieux, pas plus que n’en ont les cinq frégates légères furtives, ne disposant ni de capacités anti-aériennes efficaces, ni de capacités anti-sous-marines.

Si la dernière frégate FREMM devrait rapidement rejoindre les effectifs dans les mois à venir, les deux frégates antiaériennes de la classe Alsace ne sont pas attendues avant 2021 et 2022. Cela signifie que pendant au moins 1 an 1/2, la Marine Nationale va devoir faire face à une pression opérationnelle exceptionnelle avec seulement 60% de sa flotte de surface combattante théorique à disposition, alors même que le format théorique de 15 frégates est issu d’une appréciation datant d’une période marquée par les « bénéfices de la paix », et n’ayant plus guère de sens aujourd’hui. Il en va de même pour les forces sous-marines, les flottilles outre-mer ou les unités de l’aéronautique navale.

L’Armée de l’Air en surchauffe

L’Armée de l’Air ne déroge pas à cette surchauffe opérationnelle globale des armées françaises. Ainsi, en 2019, les forces aériennes de chasse et de transport ont assumé une pression opérationnelle 30% supérieure à celle prévue par le contrat opérationnel justifiant le format actuel des forces. L’absence de livraison de nouveaux avions de combat Rafale, la modernisation des Mirage 2000-D et le retrait du service des Mirage 2000-C ne fait qu’accroitre cette pression.

Alors que la pression opérationnelle était moins forte qu’aujourd’hui, il manquait déjà 110 avions de combat à la flotte de chasse de l’Armée de l’Air en 2018. Et malgré l’entrée en service des premiers A330 MRTT et de quelques A400M en 2019, cette surchauffe est identique concernant la flotte de transport et de soutien, entrainant une lassitude très sensible auprès des personnels.

lachat de 36 rafale par linde en 2016 avait tourne au scandale politique les opposants au president narendra modi denoncaient deja le role joue par un proche du premier ministre indien Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
la petite centaine de Rafale de l’Armée de l’Air est insuffisante pour répondre à la pression opérationnelle enregistrée ces dernières années, malgré le renfort des 120 mirage 2000 encore en service.

Faut-il une nouvelle Loi de Programmation Militaire ?

La pression opérationnelle actuelle montre les limites de la LPM 2019-2025, dont les effets ne se feront ressentir effectivement qu’à compter de 2023-2024, si tant est qu’elle soit effectivement respectée dans son intégralité. Mais la pression résultante aujourd’hui est conjoncturelle, et de nature assez semblable à celle déjà connue durant les 15 années qui viennent de s’écouler.

Or, si la LPM actuelle permettra effectivement de répondre aux besoins concernant ces engagements asymétriques comme au Mali, ou les missions de basse intensité comme dans le golfe Persique, elle n’apporte aucune réponse aux possibles engagements de plus haute intensité, que ce soit contre des puissances militaires comme la Chine ou la Russie, ou plus probablement contre des proxys équipés par ces derniers.

La LPM 2019-2024 prévoit une phase de mise à jour en 2021, l’occasion probablement d’adapter la planification et les moyens alloués aux besoins effectifs. On comprend pourquoi le Chef d’État-Major des Armées, le général Lecointre, et les chefs d’État-Major des trois armées, ne cessent d’alerter sur la surchauffe opérationnelle actuelle, et sur les besoins urgents qui se profilent.

Mais la prise en étau des finances publiques, avec d’une part la pression venue de Bruxelles sur la maitrise des déficits, et d’autre part l’explosion prévue des déficits sociaux compensés par l’État, risque fort de limiter les marges de manœuvre des militaires et du ministère des Armées, et même de faire peser une importante menace sur l’exécution planifiée de la LPM. À défaut d’un nouveau modèle de financement des équipements et du budget des armées, la surchauffe actuelle risque fort de se transformer en implosion, puis en déclassement pur et simple …

La Pologne commande 32 F35A pour 4,6 Md$ pour remplacer ses Mig-29 et Su-22

C’est officiel. A l’occasion d’une cérémonie qui s’est tenue le 31 janvier sur la base aérienne de Deblin, le ministre de La Défense polonaise Mariusz Blaszczak a signé la commande de 32 avions de combat F35A auprés de l’américain Lockheed-Martin, pour un montant de 4,6 Md$, soit 4,2 Md€. La livraison des premiers appareils interviendra des 2024, et seront destinés à remplacer les Mig-29 et Su-22 hérités du Pacte de Varsovie et toujours en service aujourd’hui dans les forces aériennes polonaises. Celles-ci disposeront donc à terme, d’une force aérienne forte de 48 F16 Block 52+ et de 32 F35A.

La commande polonaise comporte porte sur les appareils, les équipements de maintenance, d’entrainement, un stock de pièces et des armements, ainsi que sur la formation des personnels. En revanche, afin de faire baisser la facture, Varsovie a accepté de renoncer aux compensations industrielles initialement demandées. Il est interessant de constater que le tarif d’acquisition polonais est 14% plus élevé que celui signé par la Belgique, portant sur 34 appareils et systèmes liés pour 3,8 Md€. Cela explique très probablement le manque d’empressement des industriels US pour mettre en place les compensations industrielles promises à Bruxelles, qui ne verront probablement jamais le jour.

Apache AH64 Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
L’AH-64 Apache est considéré comme le favoris de la compétition pour le remplacement des Mi-24 Polonais

C’est le troisième contrat d’armement majeur passé par Varsovie en faveur de sociétés américaines en 2 ans, après une commande de 4,75 Md$ pour acquérir le système antiaérien et anti-missile Patriot en mars 2018, et celle de 414 m$ portant sur 18 systèmes lance-roquettes à longue portée HIMARS en février 2019. Dans les mois à venir, une nouvelle commande importante doit être passée, portant sur 32 hélicoptères de combat destinés à remplacer les Mi-24 encore en service. Les 2 favoris de la compétition sont l’AH-64 Apache de Boeing et le AH-1Z Viper de Bell, deux sociétés américaines elles aussi.

Dans le domaine des armements terrestres, les autorités polonaises semblent favoriser un autre partenaire, à savoir la Corée du Sud. Après avoir commander 120 canons automoteurs blindés K9 en 2014, Varsovie serait sur le point de commander 800 chars de combat K2 Black Panther auprés de Seoul pour remplacer ses chars de combat T64 et T72 encore en service.

K9 artillery Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
La Pologne a acquis 120 systèmes d’artillerie automoteurs de 155mm K9 Thunder sud-coréens

On peut s’interroger sur les raisons du manque d’appétence de la part de Varsovie pour les équipements européens, d’autant que la Pologne ne cesse de frapper à la porte du programme de char de combat de nouvelle génération MGCS franco-allemand. On se rappelle, en effet, l’annulation du contrat portant sur la construction d’une cinquantaine d’hélicoptères de manoeuvre Caracal par Airbus Helicopters, suite à l’élection de la nouvelle majorité nationaliste du parti Droit et Justice à Varsovie en 2016. De même, le système Patriot fut préféré à l’offre européenne SAMP/T Mamba franco-italienne, et ni le Pzh2000 allemand, ni le CAESAR français ne furent retenus face au K9 sud coréen.

Cette appétence pour des systèmes américains ou sud-coréens au détriment de materiels européens est d’autant plus mal perçue en Europe que la Pologne reçoit, chaque année, 12 Md€ d’allocations en provenance de l’Union européenne, alors qu’elle ne contribue qu’à hauteur de 3 Md€ à ce budget. Il est vrais que, parallèlement, Varsovie est le premier bénéficiaire des aides américaines en Europe pour le remplacement des materiels hérités de la période soviétique, avec 2 Md$ reçus chaque année par les autorités polonaises.

Leonardo rachète le Suisse Kopter et son programme d’hélicoptère léger SH09

L’annonce est tombée la semaine dernière, lors du salon Heli-Expo en Californie : le groupe aéronautique italien Leonardo a décidé d’acquérir la société suisse Kopter Group, autrefois connue comme Marenco-Swisshelicopter et aujourd’hui dirigée par un fonds d’investissement détenu par le milliardaire russe Alexander Mamut. Avec un peu plus de 300 salariés, Kopter n’est qu’une start-up comparée au géant italien. Pourtant, cette société suisse particulièrement innovante disposait d’un argument de poids : son nouvel hélicoptère léger SH09, qui devrait donc intégrer le catalogue de Leonardo.

Pour cet achat, Leonardo va débourser au minimum 185 millions $, mais une clause de earn-out de dix ans devrait sans doute conduire le groupe italien à verser des sommes plus importantes (jusqu’à 500 millions de $) sur le succès du SH09 est au rendez-vous. Pour Leonardo, une telle transaction est vue comme une solution alternative au développement en interne d’un nouvel hélicoptère léger monoturbine qui aurait coûté tout autant, mais imposé plusieurs années de développement, là où le SH09 vole depuis 2014 et termine son développement.

kopter sh09 s3 Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Le SH09 de Kopter présente des lignes résolument élégantes, et semble afficher d’excellentes performances pour un appareil de sa catégorie

Une telle acquisition est un fait nouveau pour Leonardo. Héritier d’AgustaWestland, le groupe italien a historiquement développé l’ensemble de sa gamme d’hélicoptères en interne. Cependant, le marché des hélicoptères légers civils et militaires est particulièrement concurrentiel, avec des acteurs historiques comme Airbus (H125, H130), MD Helicopters (MD-600N, MD-902) ou Bell (Bell 407), mais aussi de nouveaux arrivants tel le Chinois Changhe (Z-11), l’Indien HAL (Light Utility Helicopter) voire même le Japonais Kawasaki (avec un OH-1 bien plus spécifique).

De plus, le AW119 Koala qui forme l’entrée de gamme actuelle de Leonardo n’est pas le succès commercial espéré par l’avionneur italien. Dérivé monoturbine de son succès historique A.109, le Koala n’a ainsi jamais réussi à faire de l’ombre au H125 Écureuil de Airbus Helicopter sur le marché de la sécurité intérieure, notamment. Si les monoturbines séduisent avant tout les opérateurs civils, en raison de leurs faibles coûts d’exploitation, des appareils légers comme le AW119 présente sur le papier des qualités intéressantes pour de nombreux opérateurs militaires ou paramilitaires. Il s’agit, notamment, d’excellentes plateformes d’entrainement avancé, reproduisant assez fidèlement et à faible coût le comportement en vol d’hélicoptères biturbines plus lourds. Légers et maniables, ces appareils peuvent aussi servir pour des missions de reconnaissance, pour la protection de sites, pour de la liaison domestique voire pour des évacuations médicales. Ces dernières années, Leonardo a ainsi réussi à décrocher quelques contrats institutionnels et militaires pour son monoturbine avec une poignée d’exemplaires vendus en Israël, en Algérie et au Portugal, principalement pour des missions de liaison et de reconnaissance.

Le plus gros contrat militaire du AW119 est cependant très récent et particulièrement symbolique, puisque Leonardo a réussi à remporter le marché de remplacement des Bell TH-57 Sea Ranger de l’US Navy. Un contrat pour 32 TH-119 IFR a été signé le 13 janvier dernier avec l’US Navy. Les appareils seront dénommés localement TH-73A. Avec cette vente, Leonardo a réussi à couper l’herbe sous le pied à Airbus, qui souhaitait placer une variante du UH-72 qui équipe l’US Army, mais aussi et surtout à évincer l’Américain Bell sur ses terres ! A l’exception de Sikorsky, qui a su placer son H-60 sur certains usages, l’ensemble des forces armées américaines semble ainsi opter pour des productions européennes pour le remplacement des Bell UH-1 monoturbine. L’US Army et la National Guard ont opté pour le UH-72 d’Airbus, la Navy pour le Leonardo TH-119, l’USAF s’est équipé en AW139 construits conjointements par Boeing et Leonardo. De manière plus anecdotique, mais tout aussi symbolique, la NASA a aussi annoncé lors d’Heli-Expo 2020 qu’elle remplacerait ses UH-1 par des H135 d’Aribus.

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Avec le UH-1Y, Bell a choisi d’augmenter les performances mais aussi le poids et le coût de son hélicoptère utilitaire de référence. S’il équipe l’USMC, l’appareil n’a en revanche pas su séduire l’USAF, qui lui a préféré le AW139 de Leonardo

Alors que les faibles commandes du AW119 semblaient condamner à relativement court terme la chaîne d’assemblage de ce monomoteur, le contrat signé avec l’US Navy a quelque peu modifié la planification de Leonardo. En effet, les besoins de l’US Navy portent, à terme, sur près de 130 machines, soit une centaine de plus que les 32 TH-73A déjà commandés, et donnent également une visibilité bienvenue à l’hélicoptère léger de Leonardo sur le marché très concurrentiel des clients étatiques.

Dans un premier temps, donc, le SH09 récemment acquis devrait donc surtout remplir le carnet de commande civil de Leonardo, en remplacement du AW119Kx. En effet, le SH09, qui pourrait ultérieurement changer de désignation pour s’insérer dans la gamme Leonardo, dispose de plus de 70 commandes fermes et d’au moins une centaine d’options, exclusivement auprès d’opérateurs civils.

A plus long terme, toutefois, le potentiel militaire et paramilitaire de l’appareil est indéniable. Comparativement au AW119, le SH09 offre de meilleures performances, que ce soit en terme de rayon d’action ou de charge utile. Mais il dispose surtout de deux caractéristiques techniques qui le rapprochent plus, en terme de design, des productions Airbus que de celles de Leonardo et qui pourraient faire mouche auprès des forces de sécurité ou des militaires. D’une part, il dispose d’une large porte arrière, très pratique pour les évacuations sanitaires. D’autre part, afin de permettre un chargement arrière en toute sécurité, il dispose d’un fenestron en guise de rotor de queue. Ces équipements, typiques des hélicoptères légers d’Aerospatiale/Eurocopter/Airbus, offrent un réel surcroît de sécurité opérationnelle, que ce soit pour l’entrainement des pilotes, l’interaction avec les opérateurs au sol ou la résistance aux dommages.

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Le AW119 pourrait encore connaître une fin de carrière militaire honorable, dans l’US Navy et ailleurs dans le monde. Il reste cependant en perte de vitesse et devrait rapidement céder sa place à un dérivé du SH09.

Dans les années à venir, le SH09 devrait donc rester un hélicoptère civil, accomplissant notamment de nombreuses missions au profit des unités de sécurité civiles, voire des forces de police. A terme, toutefois, il remplacera inévitablement le AW119M dans l’offre militaire de Leonardo, à la fois comme hélicoptère d’entrainement et de liaison et comme appareil de reconnaissance, de surveillance et d’intervention.

Etant donné le potentiel de la plateforme SH09, un tel engin pourrait également servir de base pour le développement d’un drone à décollage vertical lourd, notamment pour un usage naval. Leonardo étudie en effet depuis plusieurs années de telles applications, à travers notamment son UAV très léger AWHero. Si le groupe italien, particulièrement innovant en matière de drones, souhaiter concurrencer le MQ-8C américain basé sur un Bell 407, le SH09 pourrait alors servir de base pour un nouveau système de drones ou, à tout le moins, comme plateforme d’essai pour de tels usages.

Sur le papier, les possibilités du SH09 sur le marché militaire et celui des forces de l’ordre sont assez variées. Reste à voir ce que Leonardo pourra et souhaitera tirer de cette plateforme.

Le Japon lève le voile sur le futur chasseur F-X… et soulève de nombreuses questions

En décembre dernier, le Ministère de la Défense (MoD) japonais changeait le nom de son programme d’avion de combat de « Future Fighter » en « F-X », marquant ainsi symboliquement le début de la phase de développement de ce nouvel avion. D’après nos confrères de Jane’s, le MoD devrait formaliser d’ici la fin de l’année le cadre permettant le développement du F-X en collaboration avec un partenaire étranger. Une première illustration du futur appareil a été dévoilée pour l’occasion, montrant un fuselage rappelant celui du F-22, tandis que la configuration voilure/empennage évoque plutôt le NGF du programme SCAF franco-allemand.

Ce nouvel appareil devrait entrer en service au sein de la JASDF (force d’autodéfense aérienne du Japon) au milieu des années 2030 et remplacer ainsi le F-2A, le dernier chasseur conçu au Japon sur une base de F-16C. Le futur calendrier de développement évoqué par Jane’s devrait permettre de livrer les premiers appareils avant le début du retrait des F-2. Cette insistance sur le remplacement du F-2 interroge cependant sur le rôle que pourrait avoir ce futur avion, et sur l’historique du programme.

fighter jet f 15 japan Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Avec l’arrivée du F-35, le remplacement des F-2 anti-navires apparaît comme bien moins prioritaire que celui des F-15C de supériorité aérienne, en cours de modernisation

Le programme F-X, nouvellement lancé, prend en réalité la suite de l’ATD-X débuté en 2007 et qui visait à concevoir un démonstrateur technologique avancé représentatif de ce que pourrait être un éventuel chasseur F-3. Ce programme ATD-X a été lancé par l’institut de recherche et de développement technologique nippon (TRDI) suite au refus répété de Washington d’exporter le F-22, que Tokyo réclamait désespérément pour remplacer ses intercepteurs et avions de supériorité aérienne F-15 et F-4. En 2016, le TRDI a d’ailleurs fait volé le X-2 Shinshin, un petit biréacteur servant de banc d’essai pour l’industrie aéronautique japonaise. Il incorpore ainsi des réacteurs expérimentaux XF5-1, des tuyères vectorielles, des commandes de vol à fibres optiques ou encore des antennes AESA conformes.

Aujourd’hui, fort de l’expérience acquise avec le X-2 mais aussi avec son programme de recherche i3 Fighter, le Ministère et l’industrie japonaise se sentent prêts à développer un nouveau chasseur japonais. Mais pour quel usage ? En effet, si le remplacement des F-2 est prioritaire, l’origine du programme provient du refus d’exporter le F-22 en remplacement des F-15J. Or, si le F-15J est un appareil de supériorité aérienne, le F-2 est spécialisé dans l’assaut à la mer. En toute logique, le programme F-X devrait donc porter sur le développement d’un engin polyvalent dont la cellule devrait tout de même être optimisée pour les missions de supériorité aérienne.

JapanF35 Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Les nouveaux F-35 commandés par la JASDF ne devraient pas être assemblés au Japon, l’industrie locale ayant eu de sérieuses difficultés avec la première série de F-35, montrant son besoin de collaboration pour son futur appareil

En effet, les F-35 déjà acquis par la JASDF et qui pourraient à l’avenir équiper les futurs porte-avions japonais devraient être capable de reprendre à leur compte une partie des missions antinavire du F-2, alors que leurs qualités dynamiques ne leur permettront jamais de succéder dignement au F-15J. La configuration dévoilée par le MoD japonais semble d’ailleurs confirmée cette orientation. Là où la forme du X-2 semblait se concentrer sur les capacités de combat aérien, la forme de voilure du F-X évoque un avion rapide, de longue allonge, capable d’embarquer le cas échéant sous voilure les nouveaux missiles antinavires supersoniques ASM-3.

Quoi qu’il en soit, cette première illustration pourrait bien ne pas être représentative du futur appareil. En effet, au-delà de son utilité opérationnelle, la question du partenariat industriel est encore loin d’être tranchée. Or, elle aura sans aucun doute un impact gigantesque sur l’allure et les capacités finales de l’appareil. Pour l’instant, le MoD semble analyser les propositions des États-Unis et du Royaume-Uni, et n’entend pas annoncer son choix avant cet été au mieux, et plus probablement la fin de l’année. Pour Tokyo, le choix du partenaire ne sera, dans tous les cas, pas anodin, que ce soit sur le plan diplomatique ou industriel.

F 2 jasdf japan mitsubishi Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Le Mitsubishi F-2, conçu pour la frappe anti-navire, dispose aujourd’hui de capacités de combat polyvalente. S’il est très performant, il s’agit également d’un chasseur particulièrement cher, le Japon n’ayant pu le rentabiliser à l’exportation.

Depuis le début de l’ATD-X, les États-Unis sont vus comme l’option de partenariat la plus probable. Les industriels américains fournissent en effet directement ou indirectement la quasi-totalité des aéronefs militaires de la JASDF, exception faite des avions d’entrainement, de transport et de patrouille maritime conçus localement. L’aviation de combat japonaise actuelle s’articule autour du F-4J et du F-15J pour la défense aérienne ainsi que du F-35 et du F-2 pour l’attaque, ce dernier appareil étant un dérivé direct du F-16 de Lockheed Martin. Face au refus du Congrès d’exporter le F-22 au Japon, et face à l’évidence devant les faibles capacités air-air du F-35, Lockheed Martin a d’ailleurs proposé au Japon de baser son futur chasseur sur un hybride de F-35 et de F-22, tandis que le gouvernement américain validait le transfert d’une partie du code informatique du F-35 pour le futur F-X.

Cependant, l’expérience du F-2 pourrait justement détourner le Japon d’une nouvelle collaboration avec les USA. Bien que conçu au Japon, le F-2 dérive du F-16 et les industriels américains auraient conservé la maîtrise industrielle sur la conception de certains éléments clés de l’appareil, limitant d’ailleurs la possibilité de modernisation de ce dernier, sans même parler des réacteurs qui restent 100% américains. Or, depuis l’époque de la conception du F-2, l’industrie aéronautique japonaise s’est grandement améliorée, réussissant à concevoir l’avion de patrouille maritime P-1, qui n’a rien à envier au P-8 américain, ou encore le cargo C-2 et les options de motorisation associées. Le X-2 Shinshin a depuis encore renforcé la maturité de la R&D aéronautique japonaise, de sorte que Tokyo entend garder la main mise sur la conception de son futur chasseur.

1279px JMSDF P 15512 fly over at Tokushima Air Base September 30 2017 03 Actualités Défense | Allemagne | Alliances militaires
Avec le P-1, le Japon a su montrer sa capacité à développer une cellule originale, avec ses propres moteurs, dessinée spécialement pour un usage militaire exigeant.

L’option britannique apparaît alors comme un challenger plus que bienvenu, articulée autour de BAE Systems et de Rolls Royce. Londres proposerait ainsi une pleine collaboration industrielle entre les deux pays, acceptant le transfert de technologies vers le Japon sans réelle restriction d’usage, notamment sur les moteurs ou l’avionique. De manière générale, les industriels britanniques accepteraient plus facilement de travailler en tant que fournisseurs privilégiés, là où Lockheed Martin souhaiterait conserver un droit de regard sur l’ensemble du programme. Boeing adopterait quant à lui une posture intermédiaire, l’avionneur de Chicago n’étant pas opposé au principe d’une véritable collaboration, mais restant limité par les restrictions imposées par Washington en matière de transferts de technologies.

En tout état de cause, il y a tout de même fort à parier que l’option britannique ne soit qu’un lièvre permettant de mieux négocier un partenariat avec un industriel américain, mais aussi d’appuyer la position diplomatique de Tokyo à l’heure où les discussions s’engagent avec Washington sur la question du partage de coûts de déploiement des troupes américaines sur le sol japonais. En pleine année électorale aux États-Unis, et alors que Donald Trump est réputé pour gérer ses bras de fers diplomatiques comme des négociations commerciales, Tokyo a sans doute tout à gagner à pousser au maximum ses deux options, à la fois du côté de Londres et de Washington.

S’il on pourrait regretter que la France n’ait même pas été envisagée comme une option crédible pour le F-X, alors même que Dassault Aviation a de bonnes relations avec le Japon et que le Brexit pourrait fragiliser l’offre de BAE Systems, on imagine aisément que Dassault Aviation n’apprécie pas l’hypothèse de servir de simple faire-valoir au cœur d’une discussion quasiment unilatérale entre Tokyo et Washington.


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