jeudi, décembre 4, 2025
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European Patrol Corvette : le Portugal dans la coopération structurée permanente ?

La modernisation de la marine portugaise (Marinha Portuguesa ou Armada Portuguesa) découle d’un processus politico-militaire débuté en 2005 mais contrarié par les crises financières, économiques et des dettes souveraines (2007 – 2009) alors que la flotte de surface vieillissait inexorablement. La Coopération Structurée Permanente (CSP ou PErmanent Structured COoperation (PESCO) en anglais) European Patrol Corvette apparaît comme l’une des rares opportunités pour le Portugal de pouvoir lancer un programme de bâtiments de surface afin d’accélérer sa remontée en puissance en matière de lutte anti-sous-marine.

La flotte russe de la Baltique pourrait elle-aussi recevoir des sous-marins 636.3 Improved Kilo

Contrairement aux Etats-unis, à la Grande-Bretagne ou la France, la marine russe n’a jamais abandonné l’utilisation de sous-marins diesel-électrique au profit d’une flotte entière nucléaire. Elle dispose aujourd’hui de 17 sous-marins classiques, 11 modèles 877 Kilo, et 6 projet 636.3 Improved Kilo servant dans la flotte de la Mer Noire. Elle a commandé, en 2017, 6 nouveaux exemplaires de 636.3 en cours de construction, et qui seront livrés entre 2019 et 2021 à la flotte du Pacifique.

Visiblement, l’Amirauté russe semble très satisfaite de son modèle, puisque selon l’Agence Tass, au moins deux officiels des chantiers navals Amiralty de Saint-Petersbourg, qui fabrique le submersible, auraient confirmé que les autorités militaires du pays seraient proches de commander une nouvelle série de 636.3, à destination de la flotte de la Baltique, celle-ci n’étant pas, aujourd’hui, équipée de submersibles autre que 2 projet 877 Kilo datant des années 80, et prochainement retirés du service. L’amirauté n’a, comme souvent, pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Il faudra toutefois attendre une confirmation officielle de la commande, sachant qu’en Russie, il est fréquent que les industriels anticipent de trop les futures décisions du ministère de la Défense.

Lancement du Krasnodar, 4eme unité projet 636.3 destinée à la flotte de la Mer Noire, en 2015, aux chantiers navals de Saint-Petersbourg.

Il faut dire que le 636.3 ne manque pas d’arguments pour séduire. Jaugeant 2350 tonnes en surface, et 4000 tonnes en plongée, il emporte 18 torpilles et missiles anti-navires mis en oeuvre par 6 tubes lance -torpilles, et 4 lanceurs pour missiles de croisière Kalibr-PL, dotés d’une portée de 2500 km. Capable d’atteindre une vitesse de 20 noeuds en plongée, et une profondeur de 300 mètres, il a une autonomie de 7.500 miles en surface ou au schnorchel, et de 400 miles en plongée à 3 noeuds. Surtout, le submersible est réputé particulièrement silencieux lorsqu’il est en plongée à basse vitesse sur batterie, au point d’être très difficile à détecter par les sonars passifs en service actuellement dans l’OTAN. En outre, le bâtiment est économique, puisqu’il est vendu, à l’exportation, à 250 millions de $, laissant penser qu’il ne couterait que 150 à 200 m$ aux forces russes. En d’autres termes, la flotte russe peut financer 4 à 6 sous-marins 636.3 pour le prix d’un unique SNA de la classe Antey. Pour des forces comme la flotte de la Mer Noire, ou de la mer Baltique, le modèle est parfaitement adapté, et apporte, à moindre frais, des atouts opérationnels non négligeables.

Si la commande était avérée, cela enverrait, en revanche, un bien mauvais message au sujet de la classe Lada, le modèle sensé prendre le relais des 636.3 depuis 2010, mais dont seulement 2 exemplaires sur 12 ont effectivement été achevés à ce jour, et dont seul le prototype, le Saint-Pertesbourg, est effectivement entré en service en 2010 dans la flotte du Nord. Les deux autres exemplaires commandés, le Kronshtadt et le Velikiye Luky, ont était ramenés en cale sèche suite à de profondes modifications apportées au modèle en 2013 et 2015. Ces deux navires, une fois terminés, doivent rejoindre la flotte de Baltique. Les Lada, sensés initialement mettre en oeuvre une propulsion AIP, ont du être équipés d’une propulsion diesel-électrique conventionnelle face aux difficultés rencontrés par les ingénieurs russes pour concevoir une propulsion anaérobies efficace.

Le Saint-Petersbourg, prototype de la classe Lada, est le seul exemplaire de cette classe à être effectivement en service dans la flotte russe

Il est possible, de fait, que l’annonce d’une nouvelle commande de 636.3 Improved Kilo à destination de la flotte de la Baltique, signifie la fin du programme Lada sous sa forme actuelle, et l’annulation des 2 exemplaires en commande. Moscou a en effet proposé à New Delhi, dans le cadre du programme P75i portant sur 6 sous-marins AIP, le co-developpement d’une nouvelle classe de submersibles de ce type, ce après avoir annoncé être parvenue à concevoir une propulsion AIP effective. Eu égard aux nombreuses difficultés rencontrées par le programme Lada, et aux performances avérées du 636.3, cette décision semblerait plus que raisonnable, surtout considérant les contraintes financières de la Marine Russe.

Dassault et Thales vont moderniser les mirage 2000-9 des Emirats Arabes Unis

Avec 68 exemplaires commandés, les Emirats Arabes Unis ont été le plus important client à l’exportation du mirage 2000 de Dassault. Qui plus est, les appareils ont été livrés entre 1998 et 2009 au standard -9, un standard parfaitement polyvalent, équipé du radar RDY-2 (comme les 2000-5 grecs) plus performant que le RDY du -5 équipant la France ou Taiwan, du systeme de traitement EMTI, et d’une capacité étendue d’emport de munitions, allant du missile air-air MICA au missile anti-navire Exocet, en passant par les bombes à guidage laser et le missile de croisière Black Shaheen (SCALP-EG). En tout état de cause, les mirage 2000-9 émirati représentent aujourd’hui la version la plus performante et la plus aboutie du chasseur léger de Dassault.

Selon Michel Cabirol de latribune.fr, Dassault Aviation aurait signé, il y a quelques jours, un contrat portant sur la modernisation de cette flotte, pour un montant de 200 à 300 millions d’euros, et dont l’annonce sera probable faite à l’occasion du salon Dubaï Air Show qui débute ce dimanche 17 novembre. Les contours de ce contrat ne sont pas encore connu, ni s’il appelle des contrats complémentaires avec d’autres acteurs, comme Thales (Radar RDY-2), Safran (Turboreacteur M53), ou MBDA (missile MICA NG, SCALP ..).

En négociation depuis deux ans, plusieurs pistes avaient été évoquées pour la modernisation des 2000-9 emirati, en appliquant des technologies Rafale à l’appareil léger, comme par exemple le remplacement de l’antenne du RDY-2 par une antenne active AESA, l’extension des modes radars disponibles, l’augmentation de la poussée du réacteur M53 à 11 tonnes et l’amélioration de sa maintenance, l’emport des missiles Meteor et Mica NG, de la nacelle TALIOS, ainsi que la modernisation du cockpit.

Parfaitement polyvalent, le mirage 2000-9 est aussi efficace dans les missions Air-Air que dans les missions Air-Sol/surface.

Les forces aériennes émirati ont à plusieurs reprises exprimé leur satisfaction au sujet des performances et de la fiabilité de l’appareil français. Ils furent engagés en 2011 aux cotés des forces occidentales contre les forces Libyennes, et en 2014 contre des groupes islamiques armés dans ce même pays, ainsi qu’en Syrie contre Daesh. Depuis 2015, l’appareil a été à plusieurs reprises utilisé pour frapper les forces Houthis au Yemen, un mirage-2000 s’étant écrasé à cette occasion suite à une panne moteur en 2016, tuant les deux membres d’équipage.

Cette nouvelle commande intervient quelques mois après celle de 2 corvettes Gowind 2500 en juin 2019 à Naval Group pour un montant de 750 m€. En revanche, elle semble bien condamner, pour un temps au moins, les espoirs de Dassault Aviation et du groupement Rafale, qui espéraient y vendre le fleuron aéronautique national en remplacement des 2000-9.

Le Pentagone et l’OTAN craignent que les programmes PESCO ne respectent pas les standards de l’OTAN

A l’occasion du sommet industriel de l’OTAN, le secrétaire à La Défense adjoint David Norquist s’est ouvertement inquiété des initiatives européennes autour de la Coopération Permanente Structurée européenne de Défense, le PESCO, ne respectent pas les « standards de l’OTAN », car ne laissant pas aux entreprises n’appartenant pas à l’Union européenne la possibilité de participer aux appels d’offres. Et d’ajouter que ce manque de coopération pourrait mener à la duplication des efforts de developpement au sein de l’OTAN. Ces propos ont certes été nuancés par Ellen Lord, la responsable des acquisitions du Pentagone, qui préfère parler de complémentarité entre l’Alliance Atlantique et l’Union européenne. En d’ajouter, qu’en revanche, le niveau d’investissement des pays européens en matière de Défense reste encore bien trop faible, pointant comme toujours du doigt, et non sans raisons, l’Allemagne à ce sujet.

On est toutefois en droit de s’interroger sur les « Standards de l’OTAN » auxquels faisait référence David Norquist. En effet, il semble bien que ce dernier assimile les standards de défense américains avec ceux de l’alliance atlantique. Certes, comme nous l’avons vu récemment, les Etats-Unis représentent aujourd’hui 80% de la puissance militaire globale de l’OTAN, en valeurs numériques. Mais ce chiffre suppose que ces derniers puissent consacrer l’ensemble de leurs forces militaires à La Défense de l’Europe, ce qui est plus qu’improbable avec la menace chinoise dans le Pacifique. Si, en revanche, nous considérons que les Etats-Unis sont aujourd’hui contraints de concentrer 50% de leurs forces sur le théâtre Indo-Pacifique pour contrer la Menace chinoise, nord-coréenne et Iranienne, et en gardant une réserve de 30% des forces pour La Défense ultime du territoire, il ne reste donc guère plus de 20% des forces américaines potentiellement attribuables à La Défense européenne, ramenant la représentativité des Etats-Unis dans l’OTAN à 16%, soit au même niveau que la France et l’Allemagne réunies. La sur-représentativité des Etats-Unis est de fait une question très discutable, tout comme l’est la prérogative supposée à définir les standards technologiques de l’alliance elle même.

Les officiels américains semblent convaincus que les standards technologiques américains doivent s’imposer à l’OTAN, et donc aux membres de l’Alliance. Nul doute en ce cas que le PESCO leur pose problème.

En outre, le secrétaire à La Défense adjoint semble oublier, ou feindre de le faire, que le PESCO est justement conçu pour réduire la dépendance des états européens aux technologies américaines, et donc pour retrouver une certaine forme d’autonomie stratégique, qui permettrait aux européens de pouvoir, si besoin, se désolidariser des positions américaines, pour agir en totale autonomie, sans risquer de se voir privée d’une partie de ses forces. En d’autres termes, David Norquist semble s’alarmer aujourd’hui de la raison d’être constitutive du PESCO, alors qu’elle avait clairement été établie comme telle depuis son lancement.

Enfin, rappelons que ces dernières années, les Etats-Unis n’ont pas hésité à user de la législation ITAR, permettant d’interdir l’exportation de technologies américaines embarquées dans des équipements conçus à l’étranger, pour prendre une position favorable sur certains marchés de Défense internationaux. Ce fut, par exemple, le cas en Egypte pour entraver une nouvelle commande d’avions Rafale français, en empêchant l’exportation de missiles de croisière aéroportée SCALP qui employaient quelques composants américains.

Les critiques acerbes et les menaces répétées des officiels américains concernant le PESCO semble attester, aujourd’hui, de l’efficacité croissante de cette initiative européenne, avec, en ligne de mire, la possibilité de rééquilibrer au sein de l’OTAN la maitrise des standards technologiques entre européennes et américains. Quoiqu’il en soit, il semble bien que la déclaration de David Norquist en a dit beaucoup plus sur la perception américaine de la maitrise technologique dans l’OTAN, qu’il n’a voulu effectivement en dire ….

La France propose un « Pack Rafale » à la Colombie

La France propose un Pack Rafale complet aux autorités colombiennes pour s’imposer face à la forte concurrence de Lockheed-Martin.

Les forces aériennes colombiennes ont lancé, il y a 2 ans, un processus visant à remplacer leurs avions de combat Kfir acquis auprès d’Israël dans les années 80. Jusqu’à présent, 3 offres avaient été retenues par Bogotá, à savoir le Typhoon d’Eurofighter, le Gripen NG de Saab, et le F-16 Block 70 viser de l’indétrônable Lockheed-Martin.

Mais Paris semble désormais avoir mis les moyens pour s’imposer dans cette compétition américaine avec le Rafale de Dassault. En effet, selon le site infodefensa.com, la France aurait proposé une offre articulée autour de 12 avions Rafale, identifiés par le site comme F3, mais s’agissant plus probablement de F3R, incluant une offre de financement globale et de transfert de technologie « ITAR-Free », c’est-à-dire indépendante de la législation ITAR américaine, que l’on sait très contraignante aujourd’hui.

Cette offre se positionne, par ailleurs, au bon moment, puisque les autorités comme les médias spécialisés colombiens émettent des doutes sur les trois offres existantes.

Ainsi, la pérennité du Typhoon parait réduite du fait des programmes Tempest et SCAF, et des couts qu’ils induisent. Le Gripen est également accompagné d’une offre de financement générale attrayante, en faisant jusqu’ici le candidat préféré des autorités colombiennes.

Ceci dit, les atermoiements brésiliens, seul client export de l’appareil, qui a récemment annoncé un ralentissement des livraisons en cours et l’étalement du programme jusqu’à 2026, ainsi que les incertitudes liées au devenir même de ce programme suite aux élections à venir dans ce pays, mettent désormais ces mêmes autorités en position de défiance.

Quant au F-16 Block 70, même si les forces colombiennes ont une grande habitude de travailler avec leurs homologues américaines, les difficultés liées au transfert de technologies, à la norme ITAR.

Un pack rafale pour le colombie
Le Rafale présente l’intérêt de très faiblement dépendre de composants américains susceptibles d’être soumis à la réglementation ITAR.

De fait, en proposant un Pack Rafale complet « type FMS » accompagné d’une offre de financement et de transfert de technologies, la France (et non les industriels) prend de cours ses trois compétiteurs, en répondant point par point aux interrogations et inquiétudes du gouvernement colombien.

Reste que l’Amérique du Sud est un marché complexe, et que la France n’y a plus vendu d’avions de combat (neufs) depuis les mirage 2000 brésiliens et péruviens. Quoi qu’il en soit, dans ce dossier, l’approche française est remarquable, et visiblement, remarquée…

European Patrol Corvette : la Bulgarie dans la coopération structurée permanente ?

Les Forces Navales de la République de Bulgarie (FNRB ou Voennomorski sili na Republika Bǎlgariya) bénéficient d’efforts politiques dans l’optique de pouvoir assurer la souveraineté sur ses eaux (mer territoriale et zone économique exclusive) et d’en sauvegarder la sûreté des atterrages (guerres des mines). Le renouvellement de la flotte de surface composée de trois frégates et quatre corvettes devait débuter dès 2007. La European Patrol Corvette portée par la Coopération Structurée Permanente (CSP ou PErmanent Structured COoperation (PESCO) en anglais) apparaît comme le moyen idoine de faire aboutir le projet.

Un think tank américain propose des conclusions discutables au sujet de La Défense aérienne helvétique

Mandaté par le Parti socialiste suisse, le Think tank américain Acamar Analyse et Consulting a présenté ses conclusions quand au programme visant à moderniser les capacités aériennes et anti-aériennes du pays en cours mené par la Département fédéral de La Défense (DDPS). La vision proposée par Michael Unbehauen, ancien officier de l’US Air Force qui dirige le Think Tank, est toutefois étonnante, pour ne pas dire contestable, comme le sont les conclusions qui en découlent.

Un postulat de départ erroné

En premier lieu, le postulat de départ avancé par l’analyse n’est autre que l’absence de menace à courts ou moyens termes pour la Confédération Helvétique. Il est vrais que le pays s’est trouvé épargné des grands conflits du XXeme siècle, grâce à une position de neutralité absolue, et des relations privilégiées avec nombres d’industriels allemands. Rien cependant ne permet d’en faire un postulat, notamment lorsque l’on considère les risques d’embrasement qui mèneraient effectivement la menace à proximité du pays.

Les forces aériennes helvétiques doivent remplacer conjointement leurs F18 et leurs F5

Ainsi, il pourrait être tentant, pour un adversaire de l’OTAN, d’utiliser l’espace aérien helvétique pour mener des opérations de pénétration du dispositif défensif de l’Alliance. Et si les forces aériennes suisses ne sont pas en mesure de s’y opposer, ce seront les forces de l’OTAN qui devront sécuriser ce ciel, faisant du pays .. une cible. En outre, l’économie Suisse est aujourd’hui sensiblement intriquée avec celle de ses voisins, dont 3 sont membres de l’OTAN. Le pays peut donc être pris pour cible pour neutraliser, par exemple, des voies de communication, des sources d’approvisionnement, ou plus globalement, des cibles à forte valeur pour l’un de ces mêmes voisins. Sans même parler de menace directe sur le pays, présupposer d’une absence de menace est révélateur soit d’un manque de vision globale, soit d’un manque d’objectivité.

Il est probable que le format et l’architecture retenue pour assurer l’ensemble de ses missions par les forces aériennes suisses, prend en compte ces menaces étendues, et pas uniquement une vision limitée aux menaces directes à courts et moyens termes.

Le périmètre de la mission mal défini

Dans l’approche proposée par le Think Tank américain, le périmètre considéré est limité aux missions de défense aérienne, ce qui est loin de représenter le périmètre d’une force aérienne globale. Rappelons que la Suisse n’appartient à aucune alliance de Défense, afin de garantir son statut de neutralité. Il n’est donc pas possible de concevoir une force aérienne dont les seules missions seraient limitées à La Défense aérienne, sans tenir compte des autres missions de cette force, comme l’appui des forces au sol, la suppression des défense, la reconnaissance, ainsi que des missions temps de paix, comme la police du ciel, et l’entrainement des pilotes.

Les missions d’une force aérienne dépassent largement le cadre de la seule défense aérienne

De fait, les critiques portées par le Think Tank américain concernant le format de la force aérienne par le DDPS sont, là encore, plus que contestables. Contrairement à des pays comme les pays de l’Est de l’Europe, qui savent pouvoir immédiatement s’appuyer sur la force aérienne de ses voisins de l’OTAN pour assumer le spectre global des missions, les forces aeriennes helvétiques doivent, elles, être en mesure d’assurer l’ensemble des missions pouvant être ordonnées par les autorités militaires, et donc disposer des appareils capables d’assurer ces missions sans entraver les capacités de défense aérienne indispensable, ainsi que des pilotes entrainés pour mener ces missions. Tout cela nécessite une certaine « épaisseur stratégique », et ne peut nullement se satisfaire d’un montage associant une vingtaine de chasseurs et autant d’appareil d’entrainement.

La spécificité défensive suisse ignorée

De part la géographie du pays, les forces suisses disposent d’opportunité défensive différentes de celles de la majorité des pays européens. Comme elles le firent pendant la guerre froide, l’Etat-Major helvétique pourrait être tenté par un déploiement de ses forces sur le territoire en petites unités pouvant agir indépendamment, de sorte à limiter les risques de destruction par des frappes préventives. Ce point avait d’ailleurs été mis en avant dans l’analyse des 10 critères pour évaluer le meilleur appareil pour les forces aériennes helvétiques. Pour pouvoir mettre en oeuvre une telle stratégie, qui renforcerait très sensiblement les capacités de riposte helvétique, et donc accroitrait le message dissuasif du pays face à un éventuel agresseur, il est également nécessaire de disposer d’une force aérienne ayant une certaine épaisseur.

Quel serait le format le plus adapté pour les forces aériennes helvétiques

Sans disposer des objectifs stratégiques et tactiques des forces helvétiques dans leur stratégie défensive, il est hasardeux de proposer une réponse ferme à cette question. Toutefois, il est possible de proposer une raisonnement éclairé. Ainsi, pour une force aérienne moderne, il faut en moyenne 3 fois le nombre d’appareils estimés nécessaires pour assumer les missions de combat à chaque instant, un tiers des appareils étant en maintenance, et le second tiers étant utilisé pour l’entraînement sur avion d’arme des équipages. De fait, si le pays veut pouvoir disposer de 4 appareils en mission de combat aériens (et police du ciel), 6 appareils en missions de soutien et de suppression, et 2 appareils pour les missions de reconnaissance, un minimum de 36 appareils est requis.

Les appareils modernes ayant une durée de vie de 50 années aujourd’hui, il est nécessaire de prendre en considération l’attrition des aéronefs (1/10 ans), et d’ajouter une marge de sécurité de 10% pour prendre en compte les phases d’immobilisation importante, comme dans le cas des modernisations de la flotte. Nous arrivons donc à une flotte de 45/46 appareils, ce qui est beaucoup plus proche des estimations du DDPS que de celles du Think tank américain.

Les appareils qui seront acquis par la Confédération Helvétiques seront en service pendant 50 ans, et devront donc pouvoir évoluer dans le temps pour s’adapter à la menace

La solution préconisée dans le rapport américain, repose sur le remplacement d’une partie des avions d’armes par les avions d’entraînement m-346 italien. Si l’appareil est certes performant pour un avion de sa catégorie, il n’est en aucun cas capable d’assumer des missions de combat de haute intensité, comme celles que nous avons abordé. En outre, les avions d’arme sont conçus aujourd’hui pour évoluer avec la menace, domaine dans lequel un appareil d’entrainement est beaucoup plus limité.

Disposer d’une flotte d’appareil d’entrainement n’est en rien une mauvaise chose, au contraire, il ne faut cependant pas espérer remplacer l’experience acquise par les équipages sur avion d’arme par de l’entrainement sur ce type d’appareils. Il est en effet possible d’améliorer la formation avec ce type d’appareil, en permettant aux équipages de voler davantage à moindre cout, mais il n’est pas raisonnable de remplacer le minimum d’heure d’entraînement annuel des pilotes sur avion d’arme (180 à 200 hdv/an) par des heures de vol sur ce type d’aéronef.

Il est d’ailleurs étonnant de voir le m346 apparaitre dans ce rapport sensé être impartial, car il existe de nombreux autres aéronefs d’entraînement et d’attaque ayant des performances similaires voir supérieures aux M346, qui pourraient eux aussi être listés comme alternative. On peut raisonnablement se demander si le but de cette analyse n’était pas de tenter, sans grande finesse, de positionner l’appareil italien en Suisse.

Conclusion

Il apparait de ce qui précède que les conclusions proposées par Acamar Analyse et Consulting ne sont pas étayées par une analyse factuelle objective des besoins réels de la force aérienne helvétique. Il est d’ailleurs étonnant de confier à un Think tank extérieur le soin de porter jugement sur les recommandations de ses propres forces aériennes, qui connaissent parfaitement le cadre opérationnel dans lequel elles évoluent. Les partis politiques suisses seraient avisés de les écouter en priorité, et de comprendre les raisons de leurs recommandation, plutôt que de chercher à contrer leurs conclusions sur la base d’analyses incomplètes.

D’autres pays neutres modernisent aujourd’hui leurs forces aériennes. La Suède reste basée sur une format de 100 appareils de combat pour la Flygvapnet, et les forces aériennes finlandaises ont provisionné 10 Md€ pour remplacer leurs F18, leur permettant d’acquérir entre 42 et 55 appareils. Plutôt que de faire l’article du M346 à Singapour, il eut été plus pertinent de s’interrogé sur les raisons qui ont mené ces pays, dont le PIB de 256 Md$ (Finlande) et de 538 Md$(Suède) sont très inférieures à celui de la Suisse (679 Md$), à consentir à de tels investissements pour la modernisation de leurs forces aériennes…

PS : Un article très interessant, complémentaire, tout aussi critique, et émanant d’un site helvétique écrit pas un ancien militaire spécialisé dans La Défense anti-aérienne

European Patrol Corvette : la Grèce dans la coopération structurée permanente ?

Le projet franco-italien European Patrol Corvette a reçu l’aval du Conseil européen le 12 novembre 2019 et est donc intégré à la troisième vague des Coopérations Structurées Permanentes (CSP ou PErmanent Structured COoperation (PESCO) en anglais). Paris et Rome espère qu’un ou plusieurs autres États membres s’y joignent. En raison des difficultés de la reconstruction de sa flotte de surface vis-à-vis de la tenue du format (13 frégates) pour soutenir la comparaison avec la Turquie (16), il se présente une rare opportunité pour Athènes d’intégrer un programme profitant à l’effort militaire européen.

Les Européens vont developper leur solution antimissile pour contrer les menaces émergentes

Parmi les nouveaux programmes annoncés dans le cadre du PESCO, le programme de coopération structurée de l’Union européenne, le programme TWISTER, pour TIMELY WARNING AND INTERCEPTION WITH SPACE-BASED THEATER SURVEILLANCE, est incontestablement le plus ambitieux du point de vu technologique. Mené par la France, en cooperation avec la Finlande, l’italie, les Pays-bas et le Portugal, TWISTER vise à developper une solution antimissile destinée à contrer les menaces dites émergentes, à savoir les menaces ne pouvant être traitées aujourd’hui par les systèmes anti-missiles existant, de sorte à proposer une base européenne pour le programme de défense contre les missiles balistiques de l’OTAN.

Nous avons déjà à plusieurs reprises fait état de ces menaces émergentes, qu’il s’agisse de missiles conçus pour évoluer en déjouant les standards d’interception actuels, comme le missile Iskander, les armes hypersoniques comme le missiles Kinzhal, ou les véhicules de rentrée atmosphérique hypersonique manoeuvrant, comme l’Avangard russe, dont les deux premiers exemplaires sont en cours d’installation. Ces systèmes d’armes ont été conçus pour répondre au Bouclier Anti-Missile déployer par l’OTAN, notamment en Roumanie, Pologne et sur des bâtiments en mer du Nord, considéré par la Russie comme une menace vis-à-vis de l’équilibre des forces de dissuasion (oubliant au passage que la Russie, elle aussi, a développé et déployé de nombreuses technologies antimissiles balistiques).

Avec le Kinzhal, la Russie dispose d’une arme portant à plus de 2000 km et capable de pénétrer les systèmes anti-missiles occidentaux

Le monopole des Etats-Unis sur la defense antimissile a été, il y a peu, amoindri par l’entrée en service du missile Aster 30 capable d’intercepter des missiles balistiques de courte portée, et par l’entrée prochaine en service de l’Aster Block1NT, conçu pour intercepter des missiles de portée intermédiaire allant jusqu’à 1500 km. Mais l’Aster, pas davantage que le Patriot PAC-3, le THAAD, ou le SM3 américain, n’est capable d’intercepter un missile comme le Kinzhal, et encore moins un véhicule hypersonique comme l’Avangard.

Les Etats-Unis, comme la Russie, et avec le soutien de ce dernier, la Chine, ont entamé des travaux pour tenter de contrer ces menaces émergentes. C’est au tour donc des européens de s’engager dans cette voie, avec la société MBDA pour diriger le programme, au sein du PESCO, avec pour objectif une entrée en service d’ici 2030.

Le THAAD américain est aujourd’hui le principal système de défense anti-missile balistique occidental

Après le programme European Patrol Corvette, et le programme EAE de guerre électronique, le programme TWISTER est le troisième programme de grande envergure appartenant aux 13 nouveaux programmes annoncés par le PESCO le 12 novembre. Au delà du nombre croissant de programme, c’est avant tout la portée même des programmes, et leur ambition, qui démontre à quel point le PESCO a rapidement su se positionner comme l’élément fédérateur central de la coopération industrielle européenne. Non seulement permet-il de faciliter les financements, mais il permet à des états qui, jusqu’ici, n’auraient pas pu participer à d’ambitieux programmes comme ceux-ci, de s’y joindre, et de participer, à leur échelle, à son développement. En outre, il permet de developper des approches inclusives, comme dans le cas de l’EPC. On pouvait nourrir des réserves quand aux chances de succès véritables du PESCO. Force est de constater qu’aujourd’hui, ces réserves sont, pour la plupart, levées. Espérons que la dynamique créée ne sera pas entravée par des éléments perturbateurs extérieurs, comme, par exemple, une intrusion excessive de Washington dans les affaires européennes.

European Patrol Corvette : nouvelle coopération structurée permanente cherche partenaires

Les projets retenus dans le cadre de la troisième vague des Coopérations Structurées Permanentes (CSP ou PErmanent Structured COoperation (PESCO) en anglais) dévoilés ce mardi 12 novembre comprennent le lancement de la European Patrol Corvette portée depuis 2018 par Paris et Rome. Ce programme sera la première réalisation de Naviris, société commune à Fincantieri et Naval group. D’autres pays pourraient éventuellement le rejoindre.