Lors des essais, le système hard-kill Iron Fist de l’israélien Elbit n’a pu protéger les Bradley de l’US Army qu’à 70% des cas.
Entrés en service au début des années 2010 pour protéger les chars Merkava et les véhicules de combat d’infanterie Namer des forces armées israéliennes, les systèmes de protection actifs hard-Kill Trophy et Iron Fist des Israéliens Raphaël et Elbit, se sont montrés d’une très grande efficacité lors des interventions armées dans les territoires occupés palestiniens, et interceptant des dizaines de roquettes antichars RPG, mais également de missiles Konkurs et Kornet tirés par le Hezbollah iranien. Le fait est, aucun blindé israélien ne fut perdu lors des opérations militaires du début des années 2010, du fait d’un tir de munition antichar.
Cette efficacité n’a pas échappé aux armées occidentales, en particulier de l’US Army, qui décida dès 2015 d’équiper une partie de ses chars lourds Abrams, de ses véhicules de combat d’infanterie Bradley et même de ses véhicules de transport de troupe blindés Stryker, de ces systèmes.
Toutefois, si le Namer et le Merkava Mk4 avaient été spécialement adaptés pour recevoir ces systèmes, l’intégration du Trophy sur le char M1A2, et plus encore du système hard-kill Iron Fist ne protège les Bradley américains que dans 70% des cas sur le Bradley, fut très complexe. Ainsi, lors des tests en 2018 des premiers Bradley équipés de l’Iron Fist, il apparut rapidement que la disposition des systèmes de détection et des systèmes d’interception, permettait de ne couvrir que 50% du périmètre vulnérable du blindé.
En d’autres termes, alors que l’intégration de l’Iron Fist coute plusieurs millions de dollars par unité, soit sensiblement le prix d’un Bradley, ce système n’était capable d’intercepter qu’un projectile antichar sur deux tirés contre lui. Ce faible résultat entraina une nouvelle phase d’étude pour tenter de positionner de manière plus efficace les radars assurant la détection des menaces, et des tourelleaux qui tirent les munitions d’interception.
Selon l’US Army, l’objectif a été atteint. En effet, les derniers essais menés en septembre 2022 ont montré que désormais, le système Iron Fist couvrait 70% du périmètre entourant le Bradley M2A4, grâce aux efforts conjoints de Elbit et de General Dynamics Ordnance and Tactical Systems qui assure la maitrise d’œuvre du programme. Ainsi, les détecteurs et effecteurs ont été déplacés sur le blindé, un nouveau système de contre-mesures électroniques a été installé alors que le logiciel du système a été profondément modifié pour donner naissance à une nouvelle version dénommée Iron Fist Light Decoupled.
Pour autant, les financements pour transformer une première brigade mécanisée, en dotant ses Bradley de l’Iron Fist, ne sont pas encore libérés par l’US Army, qui poursuit ses essais, notamment concernant l’adaptation du système Trophy Light sur l’APC Stryker. Et cela n’est guère surprenant.
En effet, l’intégration d’un APS (Active Protection System) à un blindé déjà en service, apparait comme un exercice des plus ardus, mais également des plus onéreux. Ainsi, le Trophy qui équipera les Abrams Américains, mais aussi les Leopard 2A7 allemands, ne coute qu’un peu plus de 1 m$ par unité. Son intégration, en revanche, coute plusieurs millions de $/€ par véhicule, sans que ce montant puisse être réduit pour une procédure qui se veut complexe et presque artisanale.
Le plus souvent, ce cout équivaut à plus de 50% du prix du blindé lui-même, au point qu’il est parfois préférable de concevoir une nouvelle tourelle, comme ce fut le cas du Merkava MkIV, pour intégrer nativement l’APS, plutôt que de tenter d’y intégrer le même APS aux forceps, ce d’autant que, comme le montre l’exemple du Bradley, cette intégration forcée se fait parfois au détriment de l’efficacité même du système.

Dans le même temps, comme dit précédemment, l’emploi d’un APS, et en particulier d’un APS équipé d’un système Hard-Kill, peut accroitre considérablement la survivabilité d’un blindé au combat. Ainsi, il apparait que les T-90M russes engagés en Ukraine, ont une survivabilité sensiblement accrue face aux missiles ukrainiens que les autres chars mis en œuvre par les armées russes, du fait de l’efficacité de son APS, même si rien n’indique à ce jour que ces chars sont effectivement équipés du système hard-Kill Arena-M qu’il doit théoriquement mettre en œuvre.
Qui plus est, les nouveaux systèmes, comme l’évolution du Trophy israélien, ou l’ADS de Rheinmetall, ont démontré qu’ils étaient non seulement capables d’intercepter les missiles et roquettes tires contre le blindé, mais également les drones, munitions rôdeuses et missiles à trajectoire plongeante comme le Javelin, offrant une couverture très efficace contre une vaste panoplie de menaces.
De fait, entre les couts excessifs de leur intégration à un blindé existant et les effets négatifs de cette même intégration sur les performances du système, on peut s’interroger sur la pertinence des procédures engagées des deux cotés de l’Atlantique pour équiper une partie du parc de blindés lourds de ces systèmes. Dans ce contexte, il est peut-être préférable de développer une nouvelle génération de blindés, spécialement dessinée pour intégrer le plus efficacement possible ces systèmes, quitte à s’appuyer sur des plateformes existantes.
C’est notamment l’axe choisi par General Dynamics Land System avec la série X présentée lors du salon AUSA 2022, avec une nouvelle version du char Abrams s’appuyant sur les points forts du M1A2, mais dessinée pour intégrer les nouvelles évolutions technologiques cruciales que sont l’intégration native d’un APS hard Kill (le Trophy israélien) aux côtés d’une propulsion hybride électrique, d’une nouvelle vétronique et d’un système de chargement et une conduite de tir de nouvelle génération, permettant de ramener l’équipage à 3 membres.
Reste à voir, désormais, quels seront les arbitrages de l’US Army dans ce domaine. En effet, en 2015, lorsque la décision fut prise d’équiper une brigade de Bradley du système Iron Fist à horizon 2025, les menaces étaient diffuses en matière d’engagement de haute intensité. Il apparait à présent que les risques sont importants de devoir engager bien davantage que ce format dans des conflits majeurs, là où précisément les APS seraient les plus efficaces.
Dans ce contexte, les couts de transformation des blindés existants en volume suffisant, par ailleurs destinés à être remplacés à moyen terme, comme le Bradley et l’Abrams, seraient à ce point important que leur remplacement pur et simple par des blindés de nouvelle génération intégrant, comme l’Abrams-X, ces systèmes, se pose naturellement, et de manière d’autant plus insistante que d’autres problématiques, concernant le dimensionnement de l’outil productif industriel, se posent parallèlement.
Dans ces conditions, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que les Bradley équipés d’Iron Fist soient sacrifiés au profit d’une accélération / densification du programme OMFV qui doit justement remplacer ces véhicules dans les années à venir.




















