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L’US Navy donne la priorité au remplaçant du F/A-18 Super Hornet dans sa planification à moyen terme

S’exprimant la semaine dernière à l’occasion du symposium annuel de la Surface Navy Association, le Chef des Opérations Navales ou CNO, l’amiral Mike Gilday, a précisé la priorisation donnée aux grands programmes à venir, sur la période 2025-2040.

Ainsi, pour le CNO, le premier équipement majeur qui entrera en service, probablement au tout début de la prochaine décennie, sera le remplaçant du chasseur bombardier F/A-18 Super Hornet, désigné sous le code programme F/A-XX et issu du programme Next Génération Air Dominance ou NGAD version US Navy (et différent du NGAD de l’US Air Force).

Suite à quoi, entreront en service les destroyers DD(x) qui prendront le relais des destroyers Arleigh Burke Flight III sur les lignes de production des chantiers navals américains, et enfin, au-delà du milieu de la décennie 2030, les nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque SSN(X), en lieu et place des SNA de la classe Virginia actuellement en production.

On sait bien peu de chose sur le programme NGAD de l’US Navy, le sujet étant marqué du sceau du secret par le Pentagone, y compris concernant sa dimension budgétaire depuis trois ans.

Au-delà de l’arrivée des drones ravitailleurs furtifs MQ-25 Stingray, qui doit atteindre la pleine capacité opérationnelle en 2025, et qui doivent permettre aux Super Hornet et F-35C Lighting II des groupes aériens embarqués américains d’étendre sensiblement leur autonomie et rayon d’action opérationnel, ce programme repose sur un nouveau chasseur bombardier présenté comme appartenant à la future 6ᵉ génération, comme le NGAD de l’US Air Force et les FCAS européens, ainsi que la flotte de drones de combat et autres Remote Carrier qui caractérisent cette nouvelle génération.

L’appareil au cœur de cette ambition, le programme F/A-XX, devrait quant à lui disposer des attributs de cette nouvelle génération, à savoir une furtivité passive et active étendue, un système de combat numérisée hautement coopératif ainsi que des performances améliorées, notamment en termes de rayon d’action et de capacité d’emport, vis-à-vis des appareils de génération précédente.

Le remplacement des F/A-18 Super Hornet est une priorité pour l'US navy
Le drone furtif ravitailleur embarqué MQ-25 Stingray soit atteindre sa première capacité opérationnelle d’ici à 2025. Il permettra de libérer une partie des Super Hornet du groupe aérien embarqué à bord des porte-avions US dédié à cette mission.

Ce nouvel appareil, ainsi que son environnement opérationnel et ses drones, permettront à l’US Navy de considérablement accroitre les performances et capacités de ses groupes aéronavals, ou Carrier Group, en étendant la portée efficace, mais également la discrétion, la densité et l’efficacité des moyens aériens déployés.

Cette configuration répond aux simulations autours d’un potentiel conflit autour de Taïwan avec l’Armée Populaire de Libération, chacune d’entre elles ayant montré que l’ensemble des bases aériennes américaines et alliées dans le pacifique occidental, à Guam comme au Japon, seront massivement frappées de manière préventive par les forces chinoises, les rendant inopérantes sur une durée importante.

Dans cette hypothèse, les Carrier Groups et les groupes aériens qui les arment, constitueront donc la principale force de riposte américaine à court terme pour contenir l’offensive chinoise. Ce scénario qui n’est pas sans rappeler celui qui fut à l’origine de la base narrative du livre « Tempête Rouge » de Larry Bond et Tom Clancy, publié en 1986, qui prit pour hypothèse la perte de l’Islande par l’OTAN dans un conflit face à l’Union Soviétique et le Pacte de Varsovie.

En outre, l’arrivée des nouveaux chasseurs F/A-XX permettra de sensiblement renforcer la bulle de protection autour du porte-avions, et ainsi le déploiement d’autres systèmes comme des frégates et avions de patrouille maritime, de sorte à neutraliser toutes les menaces ou capacité de localisation de l’adversaire, potentiellement employée pour déclencher des frappes à longue portée contre le porte-avions lui-même.

De fait, alors que l’US Navy et le Pentagone estimaient il n’y a de cela que quelques années qu’une réduction de la flotte de porte-avions lourds pouvait être envisagée, y compris pour n’envisager que 6 à 7 de ces navires à terme, celui-ci est redevenu en quelques années la pièce maitresse présente et à venir de la puissance militaire américaine, du fait du durcissement des tensions avec Pékin autour de Taïwan, mais également des tensions et crises parallèles face à la Russie, la Corée du Nord ou encore l’Iran.

Une conclusion qu’il conviendrait probablement de prendre en considération dans la planification militaire française, seul pays disposant des savoir-faire technologiques et militaires pour construire et mettre en œuvre de tels navires en dehors des États-Unis.

La production de destroyers des chantiers navals américains doit passer de 1,5 à 3 navires par an pour respecter la planification de l’US Navy

Au-delà du programme NGAD et du F/A-XX, l’US Navy entend également développer le destroyer DD(x) qui remplacera les unités de la classe Arleigh Burke les plus anciennes lors de la prochaine décennie.

Le développement de cette nouvelle classe de destroyer n’en est encore qu’à ses débuts, mais l’on sait déjà que le navire devrait être de l’ordre de 40% plus imposant que les Burke, soit un déplacement de 13.500 tonnes. Il devra mettre en œuvre la propulsion électrique intégrée développée pour les destroyers de la classe Zumwalt, le système de combat Aegis Baseline 10 ainsi que le nouveau radar SPY-6, de sorte à disposer de capacités anti-aériennes et anti-missiles balistiques avancées.

Les dimensions supérieures du navire permettront d’accueillir non seulement un grand nombre de missiles, mais permettront également d’accueillir les nouveaux systèmes d’armes en cours de conception, comme des armes à énergie dirigée, des drones à longue portée et des missiles hypersoniques.

Le navire sera également onéreux, le Congrès l’estimant à 3,4 Md$ aujourd’hui, soit 10% de plus que les Burke Flight III, mais offrira des capacités sensiblement accrues, au point que comme le Type 055 chinois, le DD(x) pourrait fort bien avoir davantage les attributs d’un croiseur que d’un destroyer.

Le programme SSN(X) de sous-marin nucléaire d’attaque à venir sera, lui aussi, plus imposant que les SNA de la classe Virginia, avec un déplacement en plongée se situant entre les 7800 tonnes des Virginia et les 9.100 tonnes des Sea Wolf.

Ils seront, selon les informations disponibles, plus performants que les Virginia, notamment en termes de vitesse et de plongée, et seront spécialisés, comme le Sea Wolf, dans la chasse aux sous-marins et aux unités navales adverses (on parle alors de Hunter Killer), davantage que dans la frappe vers la terre comme les Virginia.

Il est toutefois très probable qu’à l’instar des Virginia, ils seront dotés de tubes de lancement verticaux pouvant mettre en œuvre des missiles de croisière ou anti-navires, en particulier les nouveaux missiles hypersoniques en cours de développement pour l’US Navy.

Plus économique et polyvalent que les Sea Wolf, les Sea de la classe Virginia sont également moins rapides et performants dans le rôle de Hunter Killer.

Reste pour le CNO, au-delà des ambitions des programmes à venir, la priorité aujourd’hui pour l’US Navy est d’accroitre les capacités de production et de réparation de ses navires par l’industrie navale américaine.

Lui comme le secrétaire à la Navy, Carlos del Toro, ne cessent en effet de mettre la pression sur les chantiers navals américains, y compris publiquement, alors qu’ils doivent passer d’une production de 1,5 à 3 destroyers chaque année pour respecter la planification en cours, mais également de 1 à 2,7 sous-marins nucléaires d’attaque par an.

Dans le même temps, ils devront parallèlement produire les 6 porte-avions de la classe Ford restant à construire, les 9 LHA de la classe America, les 20 frégates de la classe Constellation ainsi que les 12 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Columbia sur cette même période, pour ne citer que les principales unités, et ce tout en maitrisant les dérapages en matière de couts et délais traditionnels de l’industrie américaine ces 30 dernières années.

Plus que les performances des nouveaux programmes de l’US Navy à venir, il ne fait guère de doute que ce sera ce volet industriel qui déterminera la réalité du rapport de force entre Washington, Pékin et Moscou dans les années à venir.

La British Army veut accélérer le renouvellement de son artillerie

Les enseignements de la guerre qui se déroule en Ukraine depuis bientôt une année sont nombreux, et portent sur la presque totalité de l’action militaire. Mais le plus flagrant, ou plutôt celui qui engendre le changement de posture le plus rapide au sein des armées européennes depuis cette date, n’est autre que le rôle central qui revient à nouveau à l’artillerie dans ce type d’engagement. Alors que les forces aériennes ukrainiennes et même russes ont été neutralisées par l’omniprésence de la défense anti-aérienne, que ls stocks de munitions de précision tendent à s’épuiser bien plus vite que l’adversaire, et que l’emploi des drones offre de nouvelles opportunités pour détecter et frapper les forces adverses, les capacités des nouveaux systèmes d’artillerie ont en effet fait de cette arme le pivot de l’action tant sur la ligne de front que dans la profondeur du dispositif de l’adversaire.

Malheureusement pour les armées européennes, l’artillerie a été, précisément, l’une des armes les plus négligées ces 3 dernières décennies pour les armées occidentales, avec une diminution bien plus rapide du nombre de tubes que des forces à soutenir, mais également des stocks de munition ainsi que des capacités de production industrielles. Ainsi, alors que l’Ukraine tire chaque jour 3000 obus de 155/152mm, la production quotidienne conjointe des européens et des américains dans ce domaine n’atteint pas la moitié de ce volume. De même, l’Armée de terre française, qui pourtant a une tradition quasi-séculaire de l’emploi de l’artillerie, ne dispose aujourd’hui que d’une centaine de « tubes » (canons et obusiers) en service, dont une trentaine de canons automoteurs AuF1 datant de la guerre Froide, et seulement 59 canons CAESAR après avoir fait don de 18 exemplaires à l’Ukraine. En terme d’artillerie à longue portée, elle ne peut s’appuyer que sur 7 Lance-roquettes unitaires effectivement opérationnels, équivalents aux HIMARS, pour soutenir une force pouvant potentiellement atteindre une division.

En Ukraine, les tubes occidentaux de 52 calibres comme le Caesar français ou le Pzh2000 allemands, ont montré des performances et une survivabilité sensiblement supérieures aux tubes plus courts, notamment aux systèmes de 39 calibre comme le M109 américains.

La situation est sensiblement la même pour la plupart des armées européennes, tout comme c’est le cas pour la British Army. En effet, celle-ci n’aligne, aujourd’hui, qu’un parc théorique de 89 canons automoteurs AS-90, un obusier de 155mm chenillé sous casemate de 39 calibre, dont la portée n’excède pas 25 km; ainsi qu’une centaine d’obusiers légers tractés L118 de 105 mm ne portant au mieux qu’à 20 km, des équipements à la fois moins performants et considérablement plus vulnérables que les systèmes modernes comme le Caesar ou le Pzh2000 armés de tubes de 52 calibres, et atteignant 40 km, voire plus de 50 km avec des obus spécialisés. La seule capacité moderne en devenir à ce jour pour la British Army repose sur la modernisation de ses 29 systèmes lance-roquettes multiples Guided Multiple Launch Rocket System (GMLRS), pour leur permettre d’atteindre des cibles jusqu’à 150 km d’ici 2025. Pour le Secrétaire à la Défense Ben Wallace, s’exprimant devant le parlement britannique le 16 janvier, il est désormais urgent de moderniser à marche forcée cette artillerie indispensable sur les champs de bataille modernes de haute intensité.

Pour cela, le ministre britannique entend exécuter le programme Mobile Fires Platform destiné à remplacer les AS-90 de la British Army sur la présente décennie et non, comme planifié jusqu’à présent, viser une première capacité opérationnelle en 2032. En outre, alors que Londres a promis la livraison de 30 AS-90 dans les semaines et mois à venir à Kyiv, soit presque la moitié de ses systèmes effectivement en service, Ben Wallace entend faire l’acquisition d’une solution intérimaire permettant une transition efficace vers le Mobile Fires Platform program, ainsi que pour remplacer, à court terme, les AS90 et les L118 jugés, à juste titre, dès à présent obsolètes.

La British Army emploie encore une centaine d’obusier léger de 105 mm tractés L118, en dépit de la vulnérabilité de ces systèmes handicapés par une portée et une mobilité réduites

Déjà, plusieurs fabricants de systèmes d’artillerie, comme le français Nexter avec le Caesar, l’allemand Rheinmetall avec le Pzh2000, ou encore le suédois Bofors avec l’Archer, ainsi que le désormais omniprésent K9 Thunder sud-coréen, avaient fait savoir à Londres qu’ils étaient intéressés pour proposer leurs systèmes à la British Army. Mais l’annonce de l’accélération du programme Mobile Fires Platform pourrait ouvrir de nouvelles opportunités, notamment pour la France qui souhaitait developper le programme Common Indirect Fire System ou CIFS avec Berlin, avant que l’Allemagne ne se retire lentement du projet. Or, pour l’Armée de Terre auraient de nombreuses opportunités de collaboration avec la British Army, qu’il s’agisse de developper un automoteur chenillé de 155mm/52 calibre mieux adapté aux terrains meubles que le CAESAR, un système lance-roquette à longue portée de nouvelle génération pour remplacer les LRU/GMLRS voire les HIMARS de transition, ainsi que pour developper une version « légère » du CAESAR sur blindé 4X4 armé d’un tube léger de 105 mm, tout en offrant, bien évidemment, le très efficace, mais également très économique CAESAR Mk2 comme solution intérimaire à la British Army.

Alors que la coopération industrielle et stratégique avec la Grande-Bretagne a été désignée au même niveau que la coopération franco-allemande dans ce domaine dans un récent communiqué de la présidence française en amont des voeux aux armées qui auront lieux vendredi 20 janvier sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, il est probable que l’ouverture faite le 16 janvier par Ben Wallace devant le parlement britannique sera saisie au bond par la France, mais également par d’autres acteurs désireux de s’imposer sur ce marché compétitif. L’excellente tenue des Caesar au combat Ukraine, ainsi que leur rapport performances-prix sans concurrences en Europe, et les évidentes convergences en matière de besoins, plaideront, on peut l’espérer, en faveur d’un tel partenariat.

Le président Erdogan fait monter les enchères pour l’adhésion de la Suède à l’OTAN

l y a de cela quelques jours, le président Joe Biden annonçait publiquement qu’il attendait du Congrès américain d’accepter l’acquisition de 40 nouveaux chasseurs F-16V Viper, ainsi que 80 kits de modernisation fin de permettre aux forces aériennes turques de porter une partie de sa flotte de F-16 C/D vers ce nouveau standard sensiblement plus performant, notamment du fait du radar AESA AN/APG-83. Il s’agissait, pour la Maison Blanche, d’obtenir du président Erdogan qu’il retire son veto au sujet de l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, suite à la demande faite par ces pays après l’agression russe contre l’Ukraine. On aurait pu penser que ce geste fort de la part de l’exécutif américain, alors que la Turquie demeure sous le joug de sanctions américaines suite à l’acquisition par Ankara d’une batterie antiaérienne à longue portée russe S-400, aurait suffi à amadouer le dirigeant turc. Il n’en fut rien.

En effet, le lendemain même de l’annonce présidentielle américain, le présidant Erdogan annonçait qu’il n’autoriserait pas l’adhésion de la Suède à l’Alliance Atlantique, sauf si Stockholm consentait à extrader 130 réfugiés kurdes ainsi que des opposants turcs vers la Turquie. Pour le président turc, ces réfugiés sont en effet identifiés comme des terroristes et doivent de fait être livrés à la justice de son pays. En outre, la formulation employée par R.T Erdogan, « Il faut commencer par extrader 130 terroristes… », laisse supposer que cette injonction n’est que la première d’une longue liste, pouvant porter sur d’autres membres de l’OTAN, qui eux aussi abriteraint des réfugiés accusés de terrorismes par Ankara. Rappelons à ce titre que la seule demande d’extradition officielle transmise par Ankara à Stockholm jusqu’ici, portait sur Bulent Kenes, l’ancien rédacteur en chef de Today’s Zaman daily, accusé par Ankara d’appartenir au parti politique du prédicateur Fetullah Gulen, opposant à Erdogan réfugié aux Etats-Unis, et accusé par ce dernier d’être à l’origine de la tentative de coup d’état de 2016.

Le F-16V emporte le nouveau radar AESA AN/APG-83

Il est naturellement impensable pour Stockholm de livrer 130 réfugiés à la justice turque, d’autant plus si les dossiers d’accusation transmis par Ankara sont des plus réduits, comme ce fut le cas pour Bulent Kenes dont la demande d’extradition a été rejetée par la Cours Suprême suédoise. De fait, il ne fait aucun doute qu’en formulant une exigence de cet ordre, le président Erdogan sait pertinemment qu’il sera impossible aux autorités suédoises d’y répondre favorablement, même partiellement. De fait, en prenant une telle posture, ce dernier doit également anticiper qu’il bloquera entièrement le processus d’adhésion suédois à l’OTAN, ce dans une période des plus tendues en Scandinavie alors que la Russie multiplie les provocations et les démonstrations de force, et que la demande d’adhésion des deux pays scandinaves devait dès le départ obtenir une réponse favorable et un processus d’adhésion extrêmement raccourcie pour éviter toute mesure de rétorsion de la part de Moscou. Dès lors, que veut exactement Erdogan en agissant ainsi ?

On ne peut qu’émettre des hypothèses pour répondre à cette question. En premier lieu, on peut penser qu’en mettant en avant de tels arguments, le président turc entend maintenir la pression sur Washington, et surtout sur le Congrès américain, pour obtenir la validation de la livraison des F-16V et des kits réclamés pour moderniser ses forces aériennes. E effet, plusieurs parlementaires américains influents, sénateurs comme représentants, républicains comme démocrates, ont d’ores et déjà annoncé leur hostilité vis-à-vis de ces livraisons d’armement vers Ankara, d’autant que le président turc a, à plusieurs reprises ces derniers mois, menacé la Grèce et Chypre. Toutefois, la posture de l’exécutif turc tendrait davantage à radicaliser un Congrès déjà majoritairement opposé à la livraison de ses avions de combat modernes à la Turquie, plutôt qu’à le faire fléchir, même en tenant compte de la requête de Joe Biden. De même, il est très improbable que le durcissement des positions turques puisse favoriser l’extension de la levée des sanctions américaines à d’autres matériels au delà des F-16.

la surenchère du président Erdogan risque fort de durcir les positions du Congrès américain

Une autre hypothèse serait que le Président turc espère effectivement obtenir la soumission de la Suède, et l’extradition des 130 réfugiés réclamés. Si tel était le cas, ce serait supposer que le président Erdogan et ses conseillers auraient une compréhension totalement erronée du fonctionnement d’une démocratie robuste et apaisée comme la société suédoise. Car même si l’exécutif suédois venait à accepter une requête à ce point déraisonnable, et que le parlement ne provoquait pas la chute de ce gouvernement (deux hypothèses successives déjà hautement improbables), de telles procédures prendraient des années à être instruites par la justice suédoise qui est, rappelons le, totalement indépendante comme il se doit, et il est donc impossible que les exigences turques soient satisfaites, sans même parler des délais que prendraient de telles procédures incompatibles avec l’agenda d’adhésion a l’OTAN du pays.

De fait, ne pouvant obtenir satisfaction de la part de Stockholm, ni du Congrès américaine quant aux demandes d’exportation de F-16, le seul objectif potentiel qui subsiste pour expliquer la surenchère systématique du président Erdogan, serait d’obtenir l’annulation effective des candidatures suédoise et finlandaise à l’OTAN. Or, de prime abord, la Turquie n’a aucun intérêt à s’opposer à ces adhésions, sauf à vouloir déclencher une crise politique au sein de l’Alliance Atlantique, voire d’entrainer son implosion. Rappelons en effet que si un pays peut quitter l’alliance atlantique à sa guise, il n’existe dans les textes aucun cas ni aucune procédure pour suspendre ou exclure un membre, même en ayant l’aval de l’ensemble des autres membres. De fait, en jouant l’opposition systématique, Ankara peut provoquer la paralysie de l’OTAN, alors même que celle-ci fait face à la plus grande crise sécuritaire depuis la crise des Euromissile en 1983. En outre, en forçant la Suède, et peut-être la Finlande, à retirer leur candidature, Erdogan en fait des cibles de choix pour Moscou, même si des engagements de défense existent au sein de l’UE, et que le Etats-Unis se sont engagés à protéger les deux pays lors leur adhésion. Européens et américains avaient également garanti la sécurité de l’Ukraine auparavant …

La base aérienne d’Incirlik est une des plus importantes bases de l’OTAN. Elle accueille notamment 39ème escadre de la 3ème Air Force et la 521ème escadre de mobilité aérienne de l’US Air Force.

Reste une dernière hypothèse qui ne peut être écartée. En agissant ainsi, Erdogan souhaite peut-être provoquer une réponse forte des européens et des américains, avec par exemple le retrait des forces US de la base aérienne d’Incirlik, sensée abriter certaines des bombes nucléaires de la dissuasion partagée de l’alliance. En provoquant une telle réaction occidentale, Erdogan pourrait alors engager le retrait de la Turquie de l’OTAN en conservant le soutien de l’opinion publique, jusqu’il y a peu majoritairement favorable à l’Alliance. Suite à quoi, le président turc aurait éliminé les derniers moyens de pression des occidentaux sur la conduite de ses politiques intérieures et extérieures, avec à la clé certains rapprochements stratégiques, comme avec la Russie et la Chine, deux pays qui, eux aussi, ont des ambitions extraterritoriales et tolèrent mal l’omniprésence occidentale qui les entravent. Notons au passage qu’un retrait de la Turquie de l’OTAN ferait certainement les affaires d’Athènes, qui pourrait alors s’appuyer pleinement sur la protection offerte par l’Alliance face à la menace turque.

Il apparait, dès lors, que les hypothèses potentiellement valides pour expliquer la posture excessive d’Ankara en s’opposant à l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, et en surenchérissant systématiquement sur des demandes de plus en plus éloignées du champ du possible, semblent indiquer une volonté de nuire, voire de créer un contexte favorable pour quitter l’Alliance Atlantique, tout en construisant une narrative acceptable par son opinion publique. Dans ce contexte, il revient aux alliés, américains comme européens, non seulement de ne pas céder aux exigences du président Erdogan, ce qui ne ferait que l’inviter à formuler d’autres exigences tout en construisant son image d’homme fort capable de faire plier l’occident, mais également d’anticiper un probable retrait, à relativement court terme, de la Turquie de l’Alliance, ou d’une paralysie de celle-ci par l’action d’Ankara. En outre, il est également indispensable de renforcer les capacités de dissuasion de Stockholm et d’Helsinki, en amont ou en substitution d’une adhésion à l’OTAN, de sorte à prévenir toute action opportuniste de Moscou. Enfin, il est probablement temps, désormais, de ne plus considérer la Turquie comme l’allié fiable qu’elle fut pendant des décennies.

La France doit-elle racheter les hélicoptères Tigre et NH90 Taïpan australiens ?

Les forces armées australiennes mettent aujourd’hui en oeuvre 22 hélicoptères de combat Tigre ARH dérivé du standard HAD de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre (ALAT) française, ainsi que 41 hélicoptères de manoeuvre NH-90 MRH désignés dans le pays sous le nom de Taipan. D’importants problèmes de disponibilités ont amené l’Etat-major australien a annoncé, il y a tout juste 2 ans, l’acquisition de 29 hélicoptères de combat AH-64E Guardian pour remplacer ses Tigre à compter de 2025, ainsi que son intention de remplacer ses Taipan qui, eux aussi, souffraient d’une mauvaise organisation de la chaine logistique, entrainant d’importants problèmes de disponibilité et de couts. C’est à ce sujet que la Major Général Jeremy King, Chef d’Etat-Major de l’Armée de terre australienne, a confirmé hier qu’en dépit des efforts produits par la France et Airbus Hélicoptères pour convaincre Canberra de conserver sa flotte NH90 en service, l’armée australienne se dotera, à partir de 2025, de 40 hélicoptères UH-60M pour un montant de 2,8 Md$ australiens, soit 1,8 Md€ pour remplacer ses appareils.

Au delà des raisons, il est vrai parfois liées aux exigences australiennes elles-mêmes lors de l’attribution des contrats Tigre et Taipan, ayant conduit au retrait des deux appareils européens, pour les remplacer par des hélicoptères américains, et de l’interrogation bien légitime de certains observateurs défense australiens au sujet de la pertinence de se doter de Black Hawk alors que l’US Army entamera dans la seconde partie de la décennie leur remplacement par le V-280 Valor à rotors basculants, offrant des performances notamment en terme de vitesse et de rayon d’action beaucoup plus importantes, et de fait mieux adaptées à la réalité du théâtre Pacifique; il convient, en France, de s’interroger sur l’opportunité que représenterait la mise à disposition sur la marché de 22 hélicoptères Tigre et 41 hélicoptères NH-90, tous deux proches dans leur configuration des appareils mis en oeuvre au sein de l’ALAT, suffisamment pour armer, à moindre frais, 2 régiments d’hélicoptères de combat supplémentaires.

Les 22 Tigre ARH australien seront remplacés par 29 AH-64E Gardian à partir de 2025

Entrés en service entre 2004 et 2010, les 22 Tigres ARH australiens sont en effet des appareils récents, disposant encore d’un très important potentiel, et comme dit précédemment, relativement proches, dans leur configuration, du standard Appuis Destruction HAD en cours de déploiement au sein de l’ALAT, avec notamment la mise en oeuvre du missile antichar AGM-114 Hellfire 2 à guidage laser, des roquettes de 70mm et un canon de GIAT de 30mm. En outre, du fait des difficultés de mise en oeuvre du schéma logistique australien, ces appareils ont en moyenne relativement peu volé, et conservent donc un important potentiel de vol. Il en va de même pour les 41 NH-90 MRH, encore plus récents car entrés en service à partir de 2010, et qui se rapprochent des NH-90 TTH Caïman entrés en service à partir de 2011 au sein de l’ALAT. En outre, une partie des Taipan australien ont été adaptés pour les opérations spéciales, avec notamment une mitrailleuse gatling M134D Minigun de sabord sur support rétractable et un système de déploiement de corde lisse.

Pour l’heure, il est plus que probable que Canberra proposera ses appareils sur le marché de l’occasion, ce qui pourrait, potentiellement, représenter un réel intérêt pour le développement de l’ALAT. Celle-ci n’aligne en effet, à ce jour, que 67 hélicoptères de combat Tigre qui doivent tous être porté au standard HAD d’ici 2027, et dont une partie seulement pourrait être portée ultérieurement au standard Tigre III en cours de développement entre la France et l’Espagne, ainsi que 58 hélicoptères de manoeuvre NH90 Caïman et 16 appareils encore en commande, devant être livrés d’ici 2027. Elle ne pourra, du fait des commandes en cours, remplacer l’ensemble des hélicoptères de manoeuvre SA330 Puma et AS-352 Cougar encore en service, soit une cinquantaine d’appareils, même s’il est prévu de remplacer une partie de ces appareils par les 80 H-160M Guépard qui doivent entrer en service à compter de 2026, ces derniers devant avant tout remplacer les quelques 85 hélicoptères légers SA-342 Gazelle et les 18 AS-555 Fennec encore en service.

Les 74 NH-90 TTH Caïman commandés par la France ne pourront remplacer l’ensemble des Puma et Cougar encore en service au sein de l’ALAT

En outre, au delà des configuration proches des appareils australiens avec leurs homologues de l’ALAT, et du potentiel encore élevé des machines, il est probable que Canberra peinera à trouver des débouchés sur le marché de l’exportation de ses appareils d’occasion. En effet, entre les réticences de la Bundeswehr à intégrer le programme Tigre III, et les retraits anticipés des flottes de NH90 annoncée par la Belgique, la Norvège et la Suède, ces deux appareils souffrent d’un défaut d’image évident sur la scène internationale, défaut qui entravera sans le moindre doute les chances de Canberra de trouver preneur. De fait, il est plus que probable que les prix demandés par les autorités australiennes pour ses machines seront très en deçà des couts d’acquisition de matériels équivalents neufs. Alors que la réorganisation des procédures de maintenance des flottes Tigre et NH90 entreprise lors de la précédente Loi de Programmation Militaire a permis de sensiblement accroitre la disponibilité de ces appareils, et que l’augmentation du format de la flotte agira également sur cette disponibilité en réduisant l’impact immédiat des phases de modernisation, la décision de Canberra de se séparer de ses deux hélicoptères européens pourrait effectivement constituer une réelle opportunité pour les armées françaises pour conserver son format opérationnel.

Reste que le futur de l’aérocombat fait aujourd’hui débat à la vue des enseignements de la guerre en Ukraine. En effet, en dépit d’un avantage numérique et technologique considérable dans ce domaine, les hélicoptères des forces armées russes ont été pour ainsi dire neutralisé depuis le début du conflit par la densité des défenses anti-aériennes basse-couche ukrainiennes. C’est ainsi que, de manière documentée, les armées russes ont perdu depuis l’entame du conflit 75 appareils, dont une cinquantaine d’hélicoptères d’attaque Ka-52, Mi-28 et Mi-35, et plus d’une vingtaine d’hélicoptères de manoeuvre Mi-8 et Mi-17. De fait, le rôle de chasseur de char des hélicoptères de combat, comme le Ka-52 Alligator russe mais également l’AH-64 Apache américain ou le Tigre français, semble désormais appelé à s’étioler, cette mission étant de plus en plus assurée par des drones et des munitions vagabondes, éventuellement lancée par un ces mêmes hélicoptères de combat. En revanche, le rôle critique de l’hélicoptère de manoeuvre, que ce soit pour mener des opérations d’assaut ou pour assurer le flux logistique des forces, apparait plus que jamais d’actualité.

Les armées russes ont perdu au moins 31 hélicoptères de combat Ka-52 Alligator depuis le début du conflit en Ukraine

Il convient en outre de pondérer ces considérations par les enseignements d’autres théâtres d’opération, comme en Afrique où les NH-90 mais également les Tigre, par leur allonge et leur puissance de feu, ont joué un rôle déterminant dans l’appui des forces françaises déployées en Opération Extérieures. Enfin, et comme le montre le programme FARA de l’US Army, ce n’est pas tant l’hélicoptère de combat qui doit évoluer pour répondre aux enjeux présents et à venir du champ de bataille à haute intensité, que leurs systèmes embarqués et leur armement, de sorte à leur conférer l’allonge suffisante dans les frappes pour assurer leur sécurité. Ces besoins sont, en partie tout du moins, au coeur des évolutions planifiées pour le programme Tigre III, qui disposera entre autre de missiles antichars à longue portée Akeron et de systèmes embarqués offrant à l’équipage une bien meilleure perception de leur environnement.

De fait, il semble pertinent d’évaluer l’opportunité pour la France de se porter acquéreur des 22 Tigre ARH et des 41 NH-90 MRH australiens, afin de densifier l’effort de modernisation de l’ALAT. Et ce d’autant qu’en procédant ainsi, il serait possible d’atténuer le déficit d’image engendré par les retraits annoncés des appareils australiens, mais également belges, suédois et norvégiens, en particulier si, dans le même temps, les armées françaises parviennent par l’action conjuguée des reformes et d’une extension de la flotte, à atteindre des taux de disponibilité satisfaisants. L’exportation d’hélicoptères miliaires comme civils représentant une activité industrielle critique pour le pays, un tel effet induit serait probablement des plus bienvenu pour garantir l’attractivité des modèles assemblés à Marignane dans les années à venir.

La chasse embarquée française est-elle menacée par la prochaine loi de programmation militaire ?

Afin de répondre aux enjeux sécuritaires imposés par les évolutions géopolitiques et technologiques, en particulier l’émergence de nouvelles menaces militaires significatives y compris en Europe, le président Emmanuel Macron a annoncé, peu après sa ré-élection, qu’une nouvelle Loi de programmation militaire serait conçue pour être présentée au premier trimestre 2023, et votée dans la foulée par le Parlement, probablement avant la coupure estivale. Au delà d’une revue stratégique des plus obscures, mélangeant dans ses conclusions des objectifs stratégiques, de moyens et de coopération, il est depuis très difficile d’obtenir de la part du Ministère des Armées comme des Etats-Majors, des informations sur le contenu de cette nouvelle LPM qui couvrira la période 2024-2030. Au mieux pense-t-on savoir désormais que le budget alloué aux armées sur cette période atteindrait 410 Md€, soit 58,5 Md€ par an en moyenne.

Mais il est certains aspects de cette LPM à venir qui apparaissent d’ores et déjà définis, comme le renforcement de l’artillerie et des capacités de frappes à longue portée, de la défense anti-aérienne et des capacités de manoeuvre, en réponse aux enseignements issus de la guerre en Ukraine. Ainsi, selon le blog Blablachars, toujours très bien informé dans son domaine, il semblerait que l’Armée de Terre envisagerait de se doter de nouveaux véhicules de combat d’infanterie chenillés basés sur la plate-forme suédoise CV90 et la tourelle CT40 qui équipe déjà l’EBRC Jaguar, de sorte à disposer d’un des meilleurs VCI du moment, alliant mobilité, protection et une puissance de feu remarquable. De même, l’Armée de l’Air semble bien destinée à disposer, dans les années à venir, d’une défense anti-aérienne renforcée, avec l’arrivée de nouvelles batteries SAMP/T Mamba disposant entre autre de capacités anti balistiques avancées depuis l’arrivée du missile Aster Block 1NT.

Le PANG était incontestablement l’attraction principale du salon Euronaval 2022. Ici de gauche à droite, l’Amiral Vandier, Chef d’Etat-major de la Marine, Emmnuel Chiva, DGA et Sebastien Lecornu, ministre des Armées.

Mais au delà de ces « bonnes nouvelles potentielles », et en dépit d’un budget qui sera une nouvelle fois considérablement accru pour atteindre un effort de défense supérieur à 2,25% du PIB, il semble que des arbitrages sévères soient également envisagés, comme le retrait avancé des Mirage 2000 de l’Armée de l’Air, de sorte à libérer des capacités humaines et budgétaires pour répondre aux objectifs définis. Et dans ce domaine, l’hypothèse qui revient le plus souvent dès lors que l’on s’adresse à des personnes dites « proches du dossier », n’est autre que l’annulation du programme de porte-avions de nouvelle génération PANG, voire de la suppression pure et simple des capacités de chasse embarquée de l’aéronautique navale, pour les remplacer par des capacités basées sur des drones et de projection de puissance aérienne à longue portée traditionnelle. Si pour l’heure, aucun arbitrage ferme n’a été fait à ce sujet, un tel abandon constituerait une rupture profonde des moyens militaires à disposition des armées françaises pour peser dans des crises au delà de ses bases aériennes nationales ou alliées.

Le programme PANG est effectivement un programme très onéreux. A lui seul, le porte-avions de nouvelle génération, équipé d’une propulsion nucléaire et de catapultes électromagnétiques, couterait entre 8 et 10 Md€ à construire selon les sources, soit le prix de plus de 3 PAN Charles de Gaulle (hors inflation). A cela, il convient d’ajouter les surcouts liés à la conception spécifique d’une version navale du Next Génération Fighter du programme SCAF pour armer ce navire, et les surcouts sur chacun de ces appareils. Ainsi, un Rafale M coute en moyenne 15% plus cher qu’un Rafale C monoplace de même version. Enfin, un navire comme un porte-avions de 70.000 tonnes coute cher à armer avec un équipage de 2000 hommes. En outre, le navire n’aura qu’une disponibilité effective de 50 à 60% du temps, dans le meilleur des cas, du fait de l’absence d’un second bâtiment, tout en s’inscrivant dans une enveloppe budgétaire d’acquisition capacitaire de l’ordre de 15 md€ hors escorte, soit le prix de 80 Rafale, 8 A330MRTT, 400 VCI lourds et 2 frégates supplémentaires. Bien évidemment, aucun système d’arme ne peut, à proprement parler, remplacer les capacités uniques d’un porte-avions, en particulier pour ce qui concerne l’escorte océanique ou la projection de puissance à longue distance. Mais il ne fait guère de doute que dans une planification budgétairement contrainte, le bénéfice opérationnel ramené aux couts d’acquisition, de possession et de mise en oeuvre du porte-avions et de son groupe aéronaval embarqué, est scruté au microscope.

Le Rafale M est aujourd’hui l’un des très rares appareils pouvant être mis en oeuvre à partir d’un porte-avions offrant des performances similaires aux appareils basés à terre

Des alternatives semblent être étudiées dans le cadre de la LPM. Ainsi, certains échos font état de la possibilité de doter l’aéronautique navale de la version à décollage et atterrissage court et vertical du F-35, le F-35B, pour armer les porte-hélicoptères d’assaut et leurs successeurs, dans une approche proche de celle mise en oeuvre par le Japon, l’Italie, l’Espagne ou la Corée du Sud. (Je laisse un moment à ceux qui viennent d’avoir des palpitations en lisant cette phrase). Une telle solution permettrait certes de conserver certaines capacités d’escorte et de projection de puissance navale, mais il est très peu probable, dans une telle hypothèse, que l’aéronautique navale puisse conserver son rôle au sein de la dissuasion française, l’adaptation du F-35B au missile ASMPA ou à son successeur, étant des plus improbables. Elle permettrait toutefois d’accroitre l’interopérabilité avec les marines européennes disposant d’une capacité similaire, comme la Royal Navy ou les forces navales italiennes et espagnoles.

Une autre alternative serait, comme nous l’avons déjà abordé, de se doter non pas d’un PANG de 75.000 tonnes armé de SCAF, mais de porte-avions plus légers et beaucoup moins onéreux, s’appuyant sur la démonstration faite par le Rafale M pour employer les systèmes de Skijump. A l’instar des porte-avions légers de la classe Invincible de la Royal Navy dans les années 70, il serait alors possible de construire, dans la même enveloppe budgétaire, 2 voire 3 de ces navires, de sorte que la disponibilité effective serait suffisante pour intégrer une posture permanente, y compris dans le domaine de la dissuasion. En outre, alors que les drones de combat et autres Remote Carrier sont appelés à faire profondément évoluer la réalité de la guerre aérienne dans les années à venir, les versions à venir du Rafale, conçues pour contrôler ces drones, seront parfaitement adaptées aux besoins de la guerre aéronavale moderne, offrant des capacités bien supérieures que celles que pourraient fournir des F-35B sur PHA, tout en préservant l’autonomie stratégique française, et le savoir-faire envié de beaucoup concernant l’emploi de la chasse embarquée.

Les porte-avions de la classe Invincible permirent à la Royal Navy de préserver sa chasse embarquée à moindre cout. Ils jouèrent un rôle critique lors de la guerre des Malouines en 1982

Quoiqu’il en soit, au delà des arbitrages et solutions alternatives, il est inconstatable que le renoncement, même partiel, à une capacité aussi structurante que la chasse embarquerait, constituerait une évolution critique des moyens militaires à disposition de la France impactant à la fois ses capacités à agir de manière autonome et son rang sur la scène internationale. En outre, s’il est aisé et rapide de se priver d’un tel outil pour libérer des moyens budgétaires vers des besoins jugés plus urgents, il est indispensable de garder à l’esprit que re-acquerir une telle capacité, même après seulement quelques années, est à la fois très onéreux, long et complexe. Les britanniques peuvent largement en témoigner. Dès lors, il serait probablement plus qu’indispensable qu’une telle décision ne soit pas prise sans qu’un vrai débat, à la fois parlementaire et public comme c’est le cas aux Etats-Unis, ait effectivement lieu. Et de se rappeler que pour le Général de Gaulle, par ailleurs pris récemment en référence par le Ministre des Armées pour préparer les esprits à des arbitrages difficiles dans le cadre de la LPM à venir,  » On ne construit pas une grande nation en fabricant des porte-clés, mais en fabricant des porte-avions ».

Les premiers Su-35se russes devraient arriver dès la fin de l’hiver en Iran

Si les industries de défense iraniennes ont réalisé, ces dernières années, d’immenses progrès dans certains domaine, comme c’est le cas des drones mais également des missiles baltiques et de croisière, et des systèmes anti-aériens, les armées de Téhéran restent souvent, selon les domaines, faiblement équipées avec des matériels obsolètes hérités de l’époque du Sha de la fin des années 70. C’est notamment le cas des forces aériennes qui, en dehors de chasseurs chinois et russes acquis dans les années 90, mettent en oeuvre des avions F5, F4 et F-14 de presque 50 ans. De fait, l’annonce faite par les autorités iraniennes ce dimanche par l’intermédiaire de l’agence de presse Tasnim, selon laquelle les premiers Su-35se acquis auprès des russes arriveront dès le mois de mars dans le pays, constitue une évolution majeure à venir des capacités opérationnelles de leurs forces aériennes, et un bouleversement potentiel du rapport de force régional.

Selon le communiqué de presse citant Shahriar Heidari, membre du parlement et de la commission des affaires étrangères iraniens, les premiers Su-35se, sans préciser leur nombre ni le volume global de la commande adressée à la Russie, seront en effet livrés dès les premiers mois de la prochaine année, qui intervient le 20 mars dans le calendrier perse, pour la fête de Norouz. Selon les sources, la commande iranienne, obtenue en compensassion de la livraison de drones de frappe longue distance Shahed 136 et, semble-t-il, de missiles balistiques, employés par Moscou contre les infrastructures civiles ukrainiennes, porterait sur 24 à 30 appareils, qui pourraient être préalablement les Su-35se acquis par l’Egypte avant que Le Caire n’annule sa commande sous pression de Washington.

De tous les chasseurs polyvalents russes, le Su-35s s’est incontestablement montré le plus efficace en Ukraine

Long de presque 22 mètres pour 15,3 mètres d’envergure, le Su-35se est un chasseur lourd monoplace bimoteur, ultime version de la famille des Flankers dérivée du Su-27 initial. L’appareil est particulièrement imposant, avec une masse à vide de 19 tonnes, et une masse maximale au décollage de 35 tonnes, et dispose de fait d’une importante capacité d’emport, avec 11,5 tonnes de carburant interne et 12 points d’emport sous les ailes et la cellule. L’appareil dispose donc d’une grande autonomie, avec un rayon d’action de 1.600 km, mais également de performances élevées grâce à ses deux turboréacteurs Saturn AL-41 ayant chacun une poussée de presque 9 tonnes à sec, et de plus de 14 tonnes avec la post-combustion. Il dispose en outre d’un puissant radar Irbis-E à antenne active PESA, d’un IRST (détecteur infrarouge) OLS-35 et d’une suite de défense électronique Khibiny-M, et peut mettre en oeuvre de nombreuses munitions air-air et Air Sol/surface, en faisant un appareil polyvalent à la fois performant et évolué, capable de tenir tête efficacement à la presque totalité des avions de combat occidentaux.

Si, comme nous l’avions déjà abordé, une vingtaine ni même une trentaine de Su-35se iraniens ne peuvent bouleverser, à eux seuls, le rapport de force régional, ils peuvent cependant, selon les armements livrés par Moscou, ouvrir de nombreuses opportunités opérationnelles à Téhéran, multipliant de fait sensiblement ses capacités militaires. Ainsi, armés de missiles R37M à très longue portée, ceux-là même qui ont fait leur preuve en Ukraine y compris, et c’est une surprise, en abattant des avions de chasse ukrainiens, les Su-35se iraniens auraient la possibilité de repousser les avions de soutien comme les Awacs, avions de renseignement électronique et surtout ravitailleurs de ses opposants, y compris des forces aériennes israéliennes, celles-ci ayant reçu pour mission de mener un raid préventif contre les infrastructures nucléaires du pays, par exemple. Armés de missile air–surface anti-navires comme le Kalibr ou le KH-31/59, les appareils iraniens pourraient profiter de leur autonomie pour menacer efficacement l’ensemble du traffic maritime dans le Golfe persique mais également en Mer d’Oman. Enfin, avec un rayon d’action de 1.600 km, les Su-35se iraniens auraient la possibilité d’atteindre toutes les capitales régionales, y compris Jerusalem, alors que Téhéran semble proche de se doter d’armes nucléaires, sans toutefois pouvoir les miniaturiser suffisamment pour armer ses missiles balistiques.

Le missile air-air à très longue portée (donné à 400 km) R-37M a démontré son efficacité en Ukraine, y compris contre des chasseurs comme le Mig-29 ou le Su-25.

De fait, il ne fait aucun doute que l’arrivée des Su-35se en Iran, mais également des munitions et systèmes attenants, sera scrutée par de nombreux services de renseignement, de sorte à en évaluer précisément la menace, et le cas échéant, de mener les actions nécessaires pour s’en prémunir. Notons également que si l’arrivée de Su-35se a été rendue publique, rien n’exclut que les accords entre Téhéran et Moscou se limitent à ces avions de combat, Moscou ayant tout intérêt à créer d’autres points de tensions pour relâcher la pression occidentale en Ukraine, et plus particulièrement sur un théâtre contrôlant 35% de la production et le transport d’hydrocarbures de la planète. Loin de rééquilibrer les forces en présence en Extreme-orient, cette livraison, par ailleurs contraire aux sanctions décidées par le Conseil de Sécurité de l’ONU, va donc très probablement durcir les tensions sur ce théâtre, et venir menacer directement les sources d’approvisionnement en carburant des Européens comme des chinois.

F-16V contre adhésions à l’OTAN, les Etats-Unis vont céder au chantage du président Erdogan

Depuis l’annonce de la candidature de Stockholm et Helsinki à l’OTAN suite à l’agression russe contre l’Ukraine et le regain de tensions en Europe engendré par celle-ci, la Turquie exploite autant que possible les statuts de l’Alliance Atlantique, qui exige qu’une nouvelle adhésion reçoive l’aval de l’ensemble de ses membres, pour tenter de faire lever tout ou partie des sanctions imposées par le Congrès américain mais également par les Européens suite à l’acquisition d’une batterie anti-aérienne S-400 auprès de Moscou et l’opération militaire contre les Kurdes en Syrie. Prétextant un soutien des capitales scandinaves à des ressortissants kurdes considérés par Ankara comme des Terroristes du Parti de travailleurs kurdes, Ankara s’est en effet systématiquement opposé à cette adhésion, alors même que les requêtes officielles envoyées par les autorités turques à leurs homologues suédoises et finlandaises portaient sur des réfugiés dont le lien avec le PKK était loin d’être établi.

Pour autant, sauf à faire imploser l’alliance dans un moment hautement critique, les chancelleries occidentales, y compris Washington, se trouvent depuis plusieurs mois sans solution pour outre-passer l’opposition turque. Et de fait, l’adhésion suédoise et finlandaise étant considérée comme stratégique par Washington, Joe Biden a officiellement demandé au Congrès d’autoriser l’exportation des 40 F-16V et des 80 kits de modernisation pour transformer 80 des F-16 C/D en service au sein des forces aériennes turques vers ce standard, de sorte à obtenir la levée du veto du président Erdogan dans ce dossier. On ignore, à ce jour, si d’autres demandes turques ont également été intégrées à cette demande, comme l’autorisation d’équiper le nouveau chasseur T-FX de réacteurs F-110 de General Electric, les hélicoptères T-129 Atak de turbines Rolls-Royce-Honeywell LHTEC CTS-800, voire d’amener l’Allemagne à lever les sanctions sur les moteurs PTU et transmissions RENK du char Altay.

La Grèce sera autorisée à acquérir 20 F-35A par Washington pour compenser la modernisation des forces aériennes turques

L’arrivée de 120 F-16V en Turquie n’ira pas sans bouleverser le rapport de force au Moyen-Orient, dans le Caucase mais surtout en Mer Egée, face aux forces aériennes grecques qui, pour leur part, alignent 80 de ces chasseurs, ainsi que 24 avions Rafale F3R, aux cotés d’appareils F-16 C/D et Mirage-2000-5 plus anciens. Pour faire bonne mesure, Washington a donc annoncé autoriser la vente de 20 F-35A aux forces aériennes grecques, de sorte à, selon la perception américaine, rétablir un rapport de force favorable en faveur d’Athènes. Au passage, les industriels américains comme Lockheed-Martin vont pouvoir signer 8 Md$ de contrats, 4 Md$ pour les F-16V et les kits turcs, et 4 Md$ pour les F-35A grecs. Reste qu’en cédant au bras de fer engagé par le président Erdogan, même afin d’intégrer la Suède et la Finlande à l’OTAN, les Etats-Unis ouvrent une dangereuse boite de Pandore.

En premier lieu, au travers de ses nombreux discours et mais également des ses initiatives militaires et géopolitiques prises ouvertement depuis 2016, le président Erdogan a montré qu’il savait se saisir de la moindre opportunité dans les rapports de force pour prendre l’avantage contre ses adversaires. Ce fut le cas en Libye en déployant militaires et paramilitaires turcs en dépit de l’embargo sur les armes mis en place par l’OTAN pour contenir la guerre civile, en Syrie en frappant directement les forces kurdes alliées des Etats-Unis et de la France face à l’Etat islamique, en multipliant les provocations et les menaces sur la Grèce, allant jusqu’à menacer de frapper Athènes de missiles balistiques, et dans le Caucase en soutenant l’offensive de l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabakh, et en soutenant les tensions et les combats depuis. De fait, une évolution, même faible, du rapport de force avec la Grèce pourrait inciter le président turc à engager des actions militaires en Mer Egée, à Chypre ou en Thrace orientale, alors que la Grèce est membre de l’UE et qu’elle peut s’appuyer sur un accord de défense avec la France.

Les Rafale grecs jouent aujourd’hui un rôle déterminant pour dissuader Ankara d’un aventurisme militaire en Mer Egée ou à Chypre

En second lieu, la vente des F-16V américains à la Turquie sera sans le moindre doute présentée à l’opinion publique turque, et perçue par celle-ci, comme une victoire du Président Erdogan sur la scène internationale, crédibilisant de fait son action et ses pulsions belliqueuses dans un pays où le sentiment nationaliste reste très vivace. Cette « victoire » va très probablement permettre à l’AKP et au président Erdogan de redorer leur blason terni par des résultats économiques désastreux avec une inflation à plus de 75% et l’effondrement de la Livre turque, alors que ce dernier était au coude-à-coude avec l’opposition kémaliste dans les sondages et que des élections générales doivent intervenir cette année. En d’autres termes, en cédant à Erdogan aujourd’hui, Joe Biden confère à ce dernier un argument majeur pour s’imposer lors des élections à venir.

Enfin, pour peu que le package de levée de sanctions dépasse le seul cadre des F-16V, ce qui est probable, la décision de l’exécutif américain permettra à l’industrie de défense turque de retrouver la dynamique qui était la sienne avant 2020, lui permettant de poursuivre le développement de nombreux programmes nationaux comme le char Altay, l’avion TFX, les destroyers MILGEM etc.. Considérant l’immense effort produit dans ce domaine par Ankara en application des ambitions du président Erdogan, il est probable que la levée des sanctions occidentales permettra aux industries turques de poursuivre leurs efforts jusqu’à atteindre l’autonomie stratégique, et ainsi être en mesure de produire des équipements majeurs en grande quantité sans que les occidentaux puissent s’y opposer. Au delà de l’instrumentalisation politique de ces succès vis-à-vis de l’audience nationaliste de l’opinion publique du pays, il convient de se demander quelle sera l’attitude d’une Turquie militairement très puissante, alors qu’elle se relevée déjà belliqueuse sans cela ?

Faut-il lancer en urgence une capacité de production du char E-MBT de KNDS face à la Russie ?

La guerre en Ukraine a, depuis son entame fin février 2022, non seulement démontré que les combats de haute, voire très haute intensité, c’est-à-dire une confrontation de deux belligérants armés de toutes la panoplie des armes militaires modernes, pouvaient à nouveau survenir en Europe, mais que, contre toute attente, un tel conflit pouvait durer, et même durer très longtemps. Les nombreux enseignements de cette guerre influencent depuis plusieurs mois les planifications des armées occidentales, et européennes en particulier, avec un regain d’intérêt pour les systèmes d’artillerie, les chars et l’ensemble des systèmes lourds, mais également vis-à-vis des drones, des munitions vagabondes, des systèmes anti-aériens et de guerre électronique. Surtout, toutes les armées européennes (ou plutôt les politiques qui gouvernent à leurs capacités) ont pris conscience que le dimensionnement de leurs forces, toutes technologiques qu’elles puissent être, est très insuffisant, qu’il s’agisse d’hommes, de systèmes d’armes et de munitions.

Ces dernières semaines, les gouvernements européens semblent engagés dans une dynamique accrue visant à accroitre et alourdir le soutien militaire accordé à Kyiv. En effet, si les européens sont parvenus à trouver les solutions de contournement vis-à-vis du gaz et du pétrole russe, ces derniers ont également mis en oeuvre des solutions palliatives vis-à-vis des effets des sanctions occidentales qui ont un temps lourdement handicapé les capacités industrielles militaires du pays. De fait, Moscou est désormais capable de s’engager dans un conflit de longue haleine, visant à éroder les capacités militaires ukrainiennes et par transitivité de leurs alliés européens, sachant que de son coté, le pays peut s’appuyer sur une production industrielle suffisante et sur une population des plus docile pour reconstruire à relativement court terme des unités de manoeuvre. En conséquence, les européens rivalisent désormais d’annonces pour apporter à Kyiv les chars lourds, véhicules de combat d’infanterie, engins blindés de reconnaissance, systèmes d’artillerie et anti-aériens à moyenne et longue portée réclamés par les autorités ukrainiennes dans le but de préparer une offensive de printemps qui se veut décisive pour mettre fin à cette guerre d’ici la fin de l’été.

La France dispose de 220 chars Leclerc en service, dont 200 doivent être modernisés, et d’une cinquantaine de chars en réserve pouvant potentiellement être remis en état.

Mais dans le domaine des chars lourds, les européens font face à une contrainte majeure. En effet, à l’exception d’une ligne de production faible capacité en Allemagne pour le Leopard 2, il n’existe plus aucune capacité de production industrielle susceptible de compenser les blindés lourds qui pourraient être transmis à l’Ukraine. En d’autres termes, si les industriels européens savent remplacer les chars légers, les systèmes d’artillerie ou les systèmes anti-aériens transmis à Kyiv à relativement court terme, de l’ordre de quelques années maximum, de sorte à redonner aux armées européennes les moyens de résister, le cas échéant, à une agression, il n’existe pas de solution comparable concernant les chars lourds, au point que tous les chars Leopard 2, Leclerc ou Challenger 2 qui pourraient être envoyés en soutien des armées ukrainiennes, viendraient nécessairement se faire au détriment à moyen voire long terme des capacités opérationnelles présentes en Europe, à l’exception du cas des chars sud-coréens K2 acquis par la Pologne. Dans ce contexte, il pourrait être pertinent de s’interroger sur la mise en oeuvre en urgence d’une capacité de production franco-allemande autour du char E-MBT de KNDS dans le cadre du programme MGCS, précisément pour combler cette défaillance.

Présenté lors du salon Eurosatory 2021, l’EMBT est un démonstrateur technologique avancé développé par la coentreprise KNDS rassemblant l’allemand Krauss-Maffei Wegmann à l’origine des Léopard 2, et le français Nexter qui a conçu le Leclerc, deux des meilleurs chars lourds du moment. Long de 10,5 mètres pour 3m85 de large et 3m65 de haut, ce blindé affiche une masse au combat de 61 tonnes. Il est protégé par un blindage composite avancé ainsi que par un système de protection actif évolué incluant le système hard-kill Trophy MV israélien. La caisse est dérivée de celle du Leopard 2, avec un moteur V12 de 1500 cv construit par l’allemand MTU et une transmission Renk automatique avec 5 marche avant et autant de marche arrière, lui permettant d’atteindre 65 km/h sur route, et lui conférant une excellente mobilité potentielle en tout terrain grâce à un rapport puissance-poids de presque 25 cv par tonne.

La Pologne a commandé 180 chars K2 Black Panther pour remplacer les T-72 livrés à l’Ukraine, et prévoit de produire 600 de ses chars sur son sol dans les années à venir.

Mais c’est la tourelle du E-MBT qui a attiré l’attention lors du salon Eurosatory 2022. En effet, proche de l’architecture du Leclerc, elle accueille à son bord le tireur et le chef de char, offre une vétronique très évoluée, ainsi qu’un puissant armement. Le démonstrateur embarquait en effet le canon de 120mm à âme lisse CN120-26 de Nexter, mais selon KNDS, celle-ci est également en mesure d’accueillir des tubes plus imposants, comme l’Ascalon de 140 mm en développement chez Nexter. Outre le canon principal, la tourelle dispose d’un tourelleau de 30 mm ARX 30 à fort débattement pour les engagements urbains ainsi que pour contrer les drones et munitions vagabondes, ainsi qu’une mitrailleuse 7,62mm à disposition du chef de char. Parfaitement numérisé, l’EMBT offre une parfaite perception de leur environnement opérationnel à son équipage de 4 hommes : le pilote, le tireur et le chef de char traditionnels des chars disposant d’un système de chargement automatique, ainsi qu’un 4ème opérateur faisant office d’officier système d’arme pour la mise en oeuvre des drones, missiles et autres systèmes.

De fait, même s’il n’existe encore qu’au stade de démonstrateur, l’EMBT propose toutes les qualités attendues d’un char de combat moderne destiné à évoluer sur le champs de bataille entre 2025 et 2045, date à laquelle le programme MGCS doit être en mesure de produire le char de nouvelle génération attendu par la France et l’Allemagne, ainsi que par plusieurs armées européennes. Développé de manière équilibré par KMW et Nexter, ce programme serait par ailleurs en mesure de s’appuyer sur une commande mixte de la Bundeswehr et de l’Armée de terre afin de créer la masse critique suffisante pour justifier de la mise en oeuvre d’une capacité industrielle à fort rendement, tout en offrant aux autres armées européennes le moyen de s’équiper du blindé à relativement court terme, soit pour remplacer des chars obsolètes, soit pour compenser l’envoi de chars vers l’Ukraine (et plus probablement les deux).

La Grande-Bretagne a annoncé l’envoi de 14 chars Challenger 2 en Ukraine, mais ne dispose d’aucune capacité pour compenser les blindés cédés.

Dans une telle hypothèse, en effet, le potentiel de re-exportation vers l’Ukraine à court terme des Leclerc, Challenger 2 et Leopard 2 actuellement en service au sein des armées européennes, serait de fait démultiplié, puisqu’une solution de remplacement efficace et disponible là encore à court terme, serait alors disponible, avec un char conçu pour contrer la puissance militaire russe et dérivée dans les 20 prochaines années, y compris pour faire face à l’affluence de drones et munitions vagabondes ou intelligentes sur le champs de bataille. Mieux encore, une telle initiative inciterait probablement Moscou à lancer effectivement la production de T-14 Armata, un char que l’on sait beaucoup plus cher que les modèles traditionnels russes, de sorte à mettre encore davantage sous pression les finances publiques du pays.

On le comprend, une telle hypothèse ferait largement sens pour répondre à la situation actuelle, permettant non seulement de libérer un grand nombre de chars pour soutenir Kyiv, tout en modernisant à marche forcée les capacités blindées lourdes des armées européennes, mettant de fait sous pression la Russie et la narrative du Kremlin. Qui plus est, sur la base d’une initiative franco-allemande autour de KNDS, elle pourrait aisément intégrer d’autres acteurs, en particulier les britanniques, italiens et espagnols, mais également les pays scandinaves, baltes et d’Europe de l’Est, pour donner une réelle impulsion à une réponse européenne coordonnée en matière de capacités militaires. Elle ne sera pour autant pas simple à mettre en oeuvre. D’une part, en Allemagne, il est plus que probable que Rheinmetall tentera de proposer son KF-51 Panther comme solution nationale à une telle alternative. D’autre part, le partenariat industriel entre Varsovie et Séoul au sujet des chars K2 et canons automoteurs K9 vise également à produire une capacité industrielle à horizon 2025-2027, et l’émergence d’une solution franco-allemande donnera probablement lieu à de sévères bras de fer dans ce domaine. Reste qu’elle mérite sans le moindre doute d’être étudiée par Paris et Berlin à court terme, alors que les deux pays sont engagés dans la refonte de leur propre effort de défense, et sont activement sollicités pour répondre aux besoins des armées ukrainiennes.

Sans surprise, Berlin se défausse sur Washington au sujet des Leopard 2 vers l’Ukraine

En annonçant, en début de semaine, l’envoi d’une compagnie de chars Leopard 2 vers l’Ukraine dans le cadre d’une « alliance internationales de contributeurs », le président Polonais, Andrzej Duda, savait pertinemment qu’il mettrait dans un grand embarras l’Allemagne, qui n’avait nullement donné son accord à ce sujet, alors que cette autorisation est requise dans le cadre des accords d’exportation de matériels militaires. Pour le président Polonais, il s’agissait, une nouvelle fois après l’épisode des Mig-29, de flatter son image en Europe de l’Est et en Ukraine, au détriment de son voisin allemand, par ailleurs une cible relativement facile car déjà sujet de nombreuses critiques depuis le début du conflit. Ce dernier savait en effet pertinemment que Berlin ne pourrait donner son accord facilement, d’autant que l’opinion publique allemande est majoritairement hostile à l’envoi de chars lourds allemands en Ukraine, et qu’une telle démarche représenterait une nouvelle rupture avec la position traditionnelle allemande en cas de conflit.

Ce qui était prévisible ne tarda pas à arriver. En effet, sur les réseaux sociaux, la Pologne et le président Duda étaient célébrés comme des parangons de vertu et de courage, alors que les considérations assassines envers l’Allemagne, qui tardait à donner son accord, fusaient de toute part. Rappelons pourtant que les Leopard 2 polonais ont été acquis auprès de Berlin suite au basculement vers l’ouest de l’Europe de l’Est, à des tarifs exceptionnellement bas, afin de remplacer les matériels soviétiques les plus anciens et renforcer les capacités défensives du pays. Et lorsque Varsovie annonça l’envoi de T-72 puis de PT-91 en Ukraine, Berlin proposa de les remplacer, comme pour d’autres pays, par un transfert de chars Leopard 2, ce que Varsovie refusa car les blindés proposés par l’Allemagne étaient au standard A4 et non au dernier standard A7+, considérablement plus onéreux.

Olaf Scholz a conditionné l’autorisation de livraison de Leopard 2 vers l’Ukraine, à la livraison de chars américains Abrams aux armées de Kyiv

Quoiqu’il en soit, pour se sortir du piège tendu par le président Duda, Olaf Scholz a annoncé qu’il accepterait le transfert de chars Leopard 2 vers l’Ukraine, notamment ceux détenus par ses clients comme la Finlande, la Pologne et d’autres, uniquement après que les Etats-Unis auraient annoncé l’envoi de chars lourds Abrams vers le pays. En effet, si Duda se sent en position de force, probablement à tort d’ailleurs, vis-à-vis des pays européens, il n’a jamais osé défier les Etats-Unis en annonçant la réexportation de matériels américains vers Kyiv, comme il ne l’a pas fait, lui comme l’ensemble des pays de l’Est prompts à critiquer l’Allemagne, au sujet des missiles antichars israéliens SPIKE, largement en service dans ces armées et qui auraient incontestablement apporté une plus-value importante aux défenseurs ukrainiens. En effet, Jerusalem s’oppose à l’envoi de matériels de ce type vers l’Ukraine, pour ne pas provoquer de durcissement des positions russes en Syrie ou dans le Caucase.

Il convient de remarquer que la position exprimée par l’exécutif allemand est conforme à celle suivie depuis le début des combats en Ukraine. En effet, Berlin a systématiquement attendu que les Etats-Unis prennent l’initiative de l’envoi d’un nouveau type d’équipements pouvant potentiellement amener Moscou à durcir les tensions avec l’OTAN, comme ce fut le cas pour les armes antichars, les véhicules blindés légers, les canons automoteurs, les systèmes antiaériens et plus récemment, les véhicules de combat d’infanterie. Et force est de constater que cette posture a longtemps été celle des autres pays européens, y compris de la Grande-Bretagne, et n’a donc rien d’exceptionnelle. Même les polonais, tchèques et autres baltes, n’ont transmis que des équipements autorisés par Washington, qu’ils soient de facture occidentale ou soviétique. Étonnamment, ce sujet pourtant important, n’a jamais fait l’objet de critiques acerbes de la part du président Duda.

Le T90M produit par l’usine Uralvagonzavod est plus performant que les chars T72B3 et T-80U principalement employés lors du début des combats en Ukraine

Pour l’heure, Washington n’a donné aucun signe en faveur de l’envoi de chars Abrams vers l’Ukraine, les officiels américains jugeant sur la scène publique que le moment n’était pas venu pour cela. La remontée en puissance de l’industrie militaire russe, et notamment de la production de blindés comme le chars T-90M et les véhicules de combat d’infanterie BMP-3 et BMP-2M, pourrait finir de convaincre l’exécutif et le Congrès américain, d’autant que les capacités de remplacement des matériels d’origine soviétique perdus par les forces ukrainiennes tendent à s’épuiser, et que les blindés produits par l’industrie russe aujourd’hui sont plus performants que ceux employés jusqu’ici sur le front. Alors que l’offensive, ou contre-offensive ukrainienne de Printemps en préparation fait de plus en plus figure de bataille décisive pour éviter l’enlisement définitif du conflit, la fenêtre de temps utile pour livrer ces blindés lourds occidentaux, Abrams américains, Leopard 2 allemands, Challenger 2 britanniques ou encore Leclerc français, se réduit dramatiquement chaque jour.

Reste à savoir, désormais, si l’enlisement du conflit, en envoyant des moyens suffisants pour bloquer l’offensive russe comme des VCI Bradley et Marder, des systèmes d’artillerie Archer, Paladin, Caesar, Pzh2000 et Himars, et le renforcement de la défense anti-aérienne et antimissile avec la livraison de Patriot, Mamba, Iris-T SL et autres Crotale, mais sans livrer les systèmes requis pour mener une offensive efficace comme des chars lourds modernes, ne constitue pas une stratégie assumée, visant à éroder, et donc neutraliser, la puissance militaire et géopolitique russe, permettant de se concentrer sur la Chine, alors que le régime de Vladimir Poutine ne semble pas donner de signe de faiblesse en dépit des défaites et pertes considérables. Si une telle stratégie se ferait au détriment des ukrainiens eux-mêmes, elle permettrait en revanche de rester en permanence sous le seuil d’emballement et ses risques associés, en attendant que le régime russe s’effondre sur lui-même. La décision américaine de livrer, ou pas, des chars Abrams, sera en ce sens riche d’enseignements à ce sujet.

A320Neo vs Falcon10X, qui sera le remplaçant de l’Atlantique 2 pour la Marine Nationale ?

Après l’échec du programme MAWS franco-allemand, le Falcon10X de Dassault Aviation et l’A320Neo d’Airbus Defense and Space sont en lice pour remplacer les avions de patrouille maritime Atlantique 2 de la Marine nationale.

La conception d’un remplaçant des avions de patrouille maritime allemands P-3C Orion et de leurs homologues français Atlantique 2 faisait partie, en 2017, des accords franco-allemands destinés à donner une impulsion majeure à l’idée d’Europe de la Défense, aux côtés d’autres programmes comme SCAF pour les avions de combat et MGCS pour les chars lourds. Désigné Maritime Airborne Warfare System ou MAWS, ce programme connu toutefois un développement contrarié, notamment lorsque Berlin annonça, en 2021, l’acquisition de cinq avions de patrouille maritime P-8A Poseidon de l’Américain Boeing pour remplacer ses Lockheed P-3C les plus anciens.

Depuis, le programme est à l’arrêt, France et Allemagne estimant qu’il est du ressort de l’autre de le débloquer, sans jamais donner l’impulsion nécessaire pour y parvenir. En outre, dans le cadre de l’enveloppe de 100 Md€ annoncée le 27 février par Olaf Scholz devant le Bundestag pour moderniser la Bundeswehr, une commande de 7 P8 supplémentaire était initialement prévue, même si l’on ignore désormais, du fait de l’étalement du programme et de l’influence de l’inflation, si cette hypothèse sera maintenue.

Quoi qu’il en soit, pour la France, il était indispensable de prendre les devants, car les 18 Atlantique 2 en cours de modernisation au standard 6, ne pourront continuer à assurer leur mission stratégique au-delà de la prochaine décennie.

C’est la raison pour laquelle la Direction Générale de l’Armement française a annoncé, le 12 février, avoir attribué à Dassault Aviation ainsi qu’à Airbus Défense & Space, un contrat d’étude de 10,9 millions d’euros pour mener une étude concurrentielle pour le remplacement des Atlantique 2 français au cours de la prochaine décennie, le premier sur la base de l’avion d’affaire de nouvelle génération Falcon10X, et le second sur une évolution de l’avion de transport civil moyen courrier A320Neo.

Chacun des industriels dispose désormais de 18 mois pour mener cette étude, et proposer le système d’arme le plus performant et le plus économique, mais également les évolutions technologiques en matière de systèmes de détection, de communication, d’engagement coopératif et de combat les plus pertinentes pour répondre aux besoins à venir de la Marine Nationale.

l'A320Neo et le Falcon10X sont en lice pour remplacer l'atlantique 2
Les 18 Atlantique 2 modernisés de la Marine Nationale devront être remplacés au cours de la prochaine décennie

En outre, les modèles technologiques et économiques proposés par les avionneurs devront permettre l’intégration de nouveaux partenaires, notamment européens, ce qui suppose un partage industriel que l’on sait complexe à mettre en œuvre, surtout s’il doit être suffisamment souple pour le faire efficacement de manière itérative ou successive, et non globale lors du lancement du programme.

Cette dernière contrainte montre que Paris garde la porte ouverte pour que Berlin puisse rejoindre le programme, et avec lui d’autres partenaires européens. En revanche, cette annonce met définitivement fin au programme MAWS, au sens d’une coopération globale ab-initio entre Paris et Berlin à ce sujet, et de constater que sur les 6 programmes de coopération franco-allemands annoncés en 2017, seuls deux restent actifs, les programmes SCAF et MGCS, alors que MAWS (patrouille Maritime), CIFS (artillerie nouvelle génération), MAST-F (Missile antichar longue portée) et Tigre III (hélicoptère de combat) sont soit abandonnés, soit à l’arrêt depuis plusieurs années.

Quoi qu’il en soit, l’avenir de la patrouille maritime française se jouera désormais entre la Falcon10X de Dassault Aviation, et l’A320Neo d’Airbus, deux appareils à la philosophie tant technique que commerciale radicalement différente, et qui disposent chacun d’atouts propres à faire valoir.

Rappelons que la Patrouille Maritime, sous commandement de la Marine Nationale, couvre de nombreuses missions, allant de la lutte anti-sous-marine à l’aide de bouées sonar et de torpilles aérolarguées, à la lutte anti-surface avec d’importants moyens de détection radar, électroniques et électro-optiques, ainsi que des missiles anti-navires comme l’AM39 Exocet et son remplaçant, le FMAN. Ils participent ainsi activement à la protection des espaces maritimes, mais également des déploiements navals français comme dans le cas du Groupe Aéronaval ou des Groupes Amphibies, et jouent un rôle critique en matière de dissuasion en protégeant l’entrée et la sortie des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins dans leurs phases les plus vulnérables.

Enfin, les appareils disposent de nombreux moyens d’écoute et de guerre électronique, et ont la capacité de mettre en œuvre des munitions air-sol guidées, leur permettant de soutenir au besoin les forces au sol, notamment lors des déploiements en Afrique.

L’A320Neo d’Airbus DS

Pour répondre aux missions présentes et à venir de la patrouille maritime française, Airbus DS s’appuie sur son nouvel avion de transport civil moyen courrier A320 Neo. La transformation d’avions de transport civil pour les missions de patrouille maritime n’est pas une nouveauté.

Ainsi, dans les années 60, le P3 Orion américain qui remplaça le P2 Neptune, fut une évolution du L-188 Electra civil, alors que le Nimrod britannique était pour sa part dérivé du de Havilland Comet et que l’Ilyoushin Il-38 Doplhin soviétique s’appuyait sur l’avion de transport Il-18.

Cette approche est encore largement employée aujourd’hui, avec le P-8 Poseidon dérivé du 737-800 de Boeing qui remplace le P-3 au sein de l’US Navy. Toutefois, si la plupart des avions de patrouille maritime de génération précédente, comme l’Orion, le Dolphin ou l’Atlantique, s’appuyaient sur une configuration bi ou quadri-turbopropulseurs, les nouveaux appareils dont se rapproche l’A320Neo, comme le P-8 américain ou le futur Tu-214 russe, emploient une configuration biréacteur.

Airbus DS propose depuis plusieurs années la conversion de l’A320 Neo en version de patrouille maritime désignée MPA

Cette nouvelle approche permet notamment aux appareils d’évoluer à des vitesses considérablement plus élevées, notamment lors des transits vers les zones de patrouille, mais également de mettre en œuvre des appareils plus imposants, donc emportant plus de carburant et de charge utile.

Ainsi, un P-8A Poseidon de l’US Navy a une vitesse de croisière de plus de 800 Km/h contre 600 km/h pour le P-3C, et une capacité de patrouille à 2500 km de 4 heures, contre 3 heures à 1400 km pour son prédécesseur.

En outre, grâce aux progrès réalisés en matière technologies d’aérolargage, le P-8A peut mener ses patrouilles et mettre en œuvre ses bouées sonar et même larguer une torpille à moyenne altitude, là où le P3 comme l’Atlantique doit évoluer à basse et même à très basse altitude pour cela, engendrant une consommation accrue de carburant et une exposition plus importante aux éléments, notamment aux embruns marins, obligeant les appareils à prendre une « douche » après chaque mission pour retirer le sel sur la cellule comme dans les moteurs.

L’arrivée des drones aérolarguées permettra à ces appareils de maintenir une station élevée, tout en menant des explorations électromagnétiques à très basse altitude pour détecter les variations du champ magnétique terrestre que provoque la masse métallique d’un sous-marin en plongée.

De fait, l’A320Neo s’inscrit clairement dans les pas du P-8A Poseidon américain, tant en termes de performances que de profil de mission. En outre, comme l’appareil américain basé sur le Boeing 737-800, il pourra s’appuyer sur l’importante flotte d’appareils civils pour en réduire les couts de maintenance et d’évolution.

Avec les turboréacteurs de nouvelle génération comme le LEAP codéveloppé par General Electric et Safran, il disposera par ailleurs d’une autonomie accrue, et d’une meilleure disponibilité. Enfin, si le savoir et l’expérience d’Airbus DS en matière de conception d’avions de combat reste à démontrer, le succès de l’A330 MRTT, tant du point de vue des performances que commercial, lèvent tous doutes quant au bon déroulement probable d’un tel programme.

Seul bémol à mettre en avant, le retour industriel budgétaire pour l’état autour de ce modèle, serait en partie ventilée hors de France, comme c’est le cas pour les avions civils d’Airbus, tout au moins pour ce qui concerne les éléments de l’appareil lui-même, puisqu’on peut supposer que l’électronique et l’optronique embarquée seront, quant à elles, produites intégralement en France. Toutefois, cette dimension européenne peut également constituer une plus-value pour convaincre d’autres partenaires de se joindre au programme.

Le Falcon10X de Dassault Aviation

Contrairement à Airbus, Dassault aviation propose un appareil conçu non pas sur la base d’un avion de ligne, mais d’un jet d’affaire, en l’occurrence le dernier-né de la gamme à Falcon, le Falcon10X. Il faut dire que, dans ce domaine, l’avionneur français n’en serait pas à son coup d’essai, puisque la presque totalité de sa gamme de jet d’affaire Falcon a été adaptée aux missions de patrouille ou de surveillance maritime.

Aujourd’hui encore, la Marine nationale met en œuvre 19 Falcon 10M, Falcon 50M et Falcon 200M Gardian, ces derniers bientôt remplacés par des Falcon 2000 albatros, que ce soit en métropole ou outre-mer, pour des missions de surveillance maritime, mais également de transport et d’entrainement, et les Falcon de Dassault Aviation évoluent au sein d’une trentaine de forces aériennes ou navales.

Au fil des années, ils se sont taillés auprès des pilotes, mais également des équipes de maintenance, une solide réputation de performances, d’efficacité et de robustesse.

L’Aéronautique navale va recevoir 12 Falcon 2000 Albatros de surveillance maritime pour remplacer les Falcon 50 et 200 Gardian actuellement en service

En outre, au-delà de la famille Falcon, Dassault Aviation est également le seul avionneur européen à avoir l’expérience de la construction d’un appareil de patrouille maritime dédié, en l’occurrence l’Atlantique 2, entré en service au début des années 90 pour remplacer l’Atlantic, lui-même conçu par le français Breguet racheté par Dassault au début des années 70.

L’Atlantique 2 est aujourd’hui le seul avion de patrouille maritime européen ayant été conçu spécifiquement pour cette mission, et dispose de capacités et performances remarquables dont aucun des appareils de sa génération n’est doté. Ce savoir-faire exclusif en matière de patrouille maritime avec l’Atlantique, et de surveillance maritime avec la gamme Falcon, constitue un des arguments les plus mis en avant par Dassault aviation pour soutenir son appareil dans la compétition française.

Pour autant, le Falcon10X présenté par l’avionneur français dispose également de nombreux atouts propres. Plus compact que l’A320Neo, il est également plus économique à l’achat, même si l’écart de prix n’est pas considérable.

En revanche, l’appareil de Dassault offre des performances uniques, avec une vitesse de croisière de Mach 0,9 et une distance franchissable de 13.000 km, ce qui lui permettrait théoriquement de mener une patrouille de plus de 5 heures à 3000 km de sa base de départ avant de revenir.

Long de 33 mètres, il propose une tranche tactique de 19 rangées, comparable à celle de l’Atlantique 2. En revanche, du fait de ses dimensions plus réduites, des questions subsistent à son sujet concernant la capacité d’une éventuelle soute à armement face au P-8A ou à l’A320Neo, plus longs et plus volumineux. Il reviendra à Dassault de répondre à ces questions lors de la phase d’étude.

Le Boeing P-8A Poseidon n’a pas simplement offert des performances accrues face au P-3C Orion qu’il remplace, mais également une nouvelle approche de la mission de patrouille maritime.

Du point de vue commercial, le Falcon10X, par son avantage tarifaire, sa structure plus compacte et ses performances supérieures, pourrait apparaitre comme une alternative attractive non seulement vis-à-vis de l’A320NEO, mais également face au P-8A Poseidon américain, à l’image des Mirage III face aux F4 Phantom II américains dans les années 60.

En outre, Dassault a montré, au travers du programme Neuron, sa capacité à intégrer dynamiquement des partenaires européens dans un programme complexe. En revanche, l’avionneur français ne dispose pas de l’assise européenne d’Airbus DS, et les tensions avec ce dernier et l’Allemagne autour du programme SCAF ces derniers mois, pourraient avoir érodé la confiance de certains partenaires potentiels européens pour collaborer avec lui.

Pour autant, grâce à sa structure nationale, il offre très certainement un meilleur retour budgétaire que son compétiteur, le contrat devant lui être attribué, si tant est qu’il soit propulsé par des moteurs Safran.

Conclusion

On le voit, les deux appareils, et les deux industriels qui les présentent, disposent d’atouts à faire valoir pour prendre la relève de l’Atlantique 2 français. Au-delà des performances spécifiques de chacun des appareils, mais également des solutions technologiques embarquées qui seront proposées et qui pourront, éventuellement, s’avérer décisives, l’arbitrage de la DGA et du Ministère des Armées sera, de toute évidence, conditionné par des considérations européennes, selon que le potentiel de coopération du programme sera avéré ou non.

On ne peut qu’espérer, aujourd’hui, que ces aspects ne seront pas surévalués par les décideurs français, et que l’avis de la Marine Nationale sera, quant à lui, apprécié à sa juste valeur dans ce dossier.