Maj 23/04 : L’information faisant état du prélèvement des Caesar sur la commande marocaine était erronée, le second paragraphe a donc été modifié suite à ces nouvelles informations.
Dans une interview portant essentiellement sur les questions de politique internationale donnée au quotidien regional Ouest-France, le Président Macron a indiqué qu’au delà des efforts diplomatiques menés en coordination avec l’Ukraine pour garder le contact avec le Kremlin, la France avait également accentué son effort pour livrer des armements à l’Ukraine, citant les missiles anti-chars MILAN ainsi que, et c’est une première, des systèmes d’artillerie mobile CAESAR de 155mm, un canon réputé pour sa grande précision, sa portée et sa grande mobilité. De prime abord, cette déclaration paraissait étonnante, puisque la France n’avait jamais évoqué une telle initiative, et surtout que l’Armée de Terre ne dispose aujourd’hui que de 76 canons CAESAR, soit à peine le nombre requis pour remplir son contrat opérationnel vis-à-vis de l’OTAN. On pouvait alors penser que le Président s’était trompé, ou avait confondu avec d’autres materiels comme le missile anti-aérien SATCP Mistral que l’on sait également fournis aux Ukrainiens.
Renseignements pris, il n’en est rien, et la France va effectivement livrer une batterie de systèmes CAESAR à l’Ukraine, « moins de 10 » selon nos sources. Ces canons vont être prélevés sur le stock de systèmes français, sans impacter la dotation des systèmes dans les régiments. Contrairement à ce que nous avions écrit initialement, ces canons ne seront pas prélevés sur les lignes de production Nexter en cours à destination de l’Export, l’Industriel ayant lui même découvert cette décision présidentielle dans la presse. Selon toute probabilité, les systèmes qui seront envoyés en Ukraine seront donc prélevés sur les stocks en régénération de l’Armée de Terre, sans impacter la dotation des régiments, et seront compensés par la suite par une nouvelle commande, probablement dans le cadre de la commande annoncée en début d’année portant sur 33 systèmes CAESAR de nouvelle génération pour remplacer les canons automoteurs AUF1 arrivés en bout de course.
Depuis le début de l’offensive russe, la France a toujours été particulièrement discrète quant à ses livraisons d’armes à l’Ukraine, ce qui d’ailleurs lui a valu des reproches souvent indus de la part de certains chefs d’états d’Europe de l’Est aussi mal informés que péremptoires. Pour autant, Paris s’était jusqu’ici limitée à la livraison de munitions, de carburant, de systèmes de protection et de certains missiles comme le MILAN et le Mistral. De fait, la livraison prochaine de systèmes d’artillerie mobile de la trempe du CAESAR constitue une réelle évolution des positions françaises dans ce conflit, alors que, selon le Président Macron, ce dernier n’a plus eu de contact avec son homologue russe depuis les révélations du massacre de Boucha. Et en livrant des CAESAR, Paris répond très probablement au besoin le plus pressant pour les armées ukrainiennes face à l’offensive russe dans le Donbass, qui tourne à un combat d’artillerie et de puissance de feu, et plus à une tentative de guerre de mouvement comme au début de la guerre.
Même si 8 CAESAR ne changeront pas le cours de la guerre, les capacités de ce système d’artillerie offriront effectivement des options plus qu’interessantes pour l’Etat-Major ukrainien, en particulier pour harceler les unités russes et effectuer des tirs de contre-batterie. Avec son canon de 155mm de 52 calibres (ceci désigne la longueur du tube en fonction du calibre de la munition, soit 8,06 m), le CAESAR a en effet une portée de 38 km avec des obus standards, et de 45 km avec des obus EFRB, surclassant de très loin les portées des systèmes russes comparables, comme le 2S19 Msta-S dont la portée plafonne à 25 km avec obus standards. En outre, le CAESAR est réputé très précis, y compris avec des obus classiques et à grande distance, cette capacité ayant même permis aux batteries françaises déployées en Irak de mener des frappes en zone urbaine en évitant les dommages collatéraux. Enfin, le CAESAR est très mobile, et une batterie peut se mettre en position de tir, tirer 3 salves d’obus et s’en aller en moins de 3 minutes, soit moins de temps qu’il n’en faut pour qu’un tir de contre-batterie puisse être mené.

D’autre part, le CAESAR peut mettre en oeuvre des munitions de précision, comme l’obus M982 Excalibur et l’obus antichar BONUS, des armes conçues pour frapper des postes de commandement, des zones logistiques et des blindés en manoeuvre avec une précision et une puissance de feu dévastatrices. De fait, l’arrivée des CAESAR en Ukraine, mais également des ZUZANA slovaques, des Pzh2000 néerlandais, et des obusiers de campagne M198 américains, peut effectivement conférer aux armées ukrainiennes des capacités complémentaires à celles fournies par les drones et munitions vagabondes livrés par les Etats-Unis, de sorte à frapper les forces russes dans la profondeur de leur dispositif, et ainsi éliminer ses points d’appuis, de logistique et de commandement, afin d’enrayer l’offensive en cours.
Pour autant, tous ces systèmes, et le CAESAR n’y fait pas exception, nécessitent une formation solide à ses opérateurs pour être efficaces, faute de quoi ils risquent forts de se faire éliminer rapidement par l’adversaire. La question est désormais de savoir si et comment cette formation sera effectivement dispensée, et dans quels délais materiels et personnels pourront effectivement rejoindre la ligne d’engagement, alors que l’offensive russe dans le Donbass a déjà débuté. On peut en effet penser qu’il faudra plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour que les batteries ukrainiennes soient pleinement opérationnelles, soit au delà de la fenêtre temporelle perçue de l’offensive actuelle. A ce titre, l’Etat-major ukrainien a annoncé cette semaine la sortie des stocks de reserve de plus d’une centaine de pièce d’artillerie mobile, dont des canons automoteur Msta-S et Akatcia, et des lance-roquettes multiples Grad et Ouragan.

Il est donc probable que l’effort actuel mené par les Européens dans ce domaine, vise non pas à contenir l’offensive dans le Donbass, mais à conférer aux armées ukrainiennes les capacités de soutenir et repousser un éventuel assaut ultérieur des forces russes, voire de mener des opérations pour reconquérir certains territoires perdus en particulier dans le sud du pays. En procédant ainsi, les armées ukrainiennes pourront assurer une transition rapide vers des materiels occidentaux bien plus facile à livrer et à maintenir pour les Européens et les américains, que les équipements de facture soviétique dont elle est dotée actuellement.













