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Avec le programme QUICKSINK, l’US Air Force va se doter de bombes guidées anti-navires

Si les missiles anti-navires aéroportés, comme le RGM-84A Harpoon, l’AM39 Exocet, ou l’AGM-158c LRASM, ont été conçus pour venir à bout des navires de guerre comme les frégates et le destroyers, et disposent de capacités spécifiques pour contrer les systèmes de défense de ces navires, ils sont en revanche complexes à mettre en oeuvre, et emportent une charge utile explosive relativement faible (entre 150 et 250 kg selon les modèles), en faisant des armes peu adaptées pour venir à bout de grands navires de commerce. Quant à leurs prix élevés, ils les rendent peu pertinents pour prendre à partie des navires plus petits, comme des patrouilleurs lance-missiles. En outre, si les torpilles lourdes constituent jusqu’à présent l’arme de prédilection pour venir à bout des grands navires, celles-ci ne peuvent être mises en oeuvre que par des sous-marins, par nature peu nombreux. C’est précisément pour répondre à ces besoins que le programme Quicksink a été lancé.

Développé par l’Air Force Research Laboratory, Quicksink vise à équiper les systèmes de guidage Joint Direct Attack Munition, ou JDAM, de différents types d’autodirecteurs permettant de viser un navire un mouvement (l’autodirecteur est masqué par un stoker sur l’image d’illustration de l’article). Rappelons que le JDAM est un kit qui transforme une bombe lisse en une bombe guidée planante, permettant de frapper des cibles avec grande précision grâce à une navigation mixte inertielle et GPS à plusieurs dizaines de kilomètres selon l’altitude de largage, y compris par mauvais temps, lorsque le guidage laser est moins efficace. Très économique à l’usage, le kit JDAM coute moins de 30.000$, il est également rapide à produire et souple d’emploi, ceci expliquant qu’il ait été choisi par plus de 35 forces aériennes pour équiper leurs appareils F-15, F-16, F-18 et F-35. Le kit peut équiper différents modèles de bombes, de la Mk82 de 250 kg à la Mk-84 de 1000 kg, et offre une importante souplesse opérationnelle aux armées.

Royal Australian Air Force Boeing JDAM ER2 1024x456 Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Le kit JDAM permet de transformer une bombe lisse classique en munition de précision planante

Cependant, le système de guidage de la JDAM n’était pas adapté pour viser des navires à la mer, par nature mobile. C’est précisément là qu’intervient le programme Quicksink, qui ajoute aux JDAM différents types d’autodirecteurs permettant d’assurer le guidage final de la munition vers sa cible. Alors qu’un missile Harpoon ne peut venir à bout d’un grand navire, deux bombes de 1000 kg, emportant chacune 540 kg d’explosif, y parviendront. De même, une petite bombe Mk82 de 250 kg équipée du système Quicksink peut atteindre et détruire d’un patrouilleur lance-missile à moindre cout. En outre, ce dispositif simplifie considérablement la logistique nécessaire, puisque ce sont les mêmes JDAM qui sont utilisées pour frapper des cibles terrestres et pour prendre à partie des navires, seul l’autodirecteur étant ajouté dans ce cas.

Il est interessant de noter que, dans ce domaine, le français SAFRAN avait une certaine avance sur ses concurrents américains, avec le système A2SM SBU-84 Hammer. À l’instar de la JDAM, l’Armement Air-Sol Modulaire (A2SM) est constitué d’un kit comprenant un système guidage ajouté à un corps de bombe lisse, auquel s’ajoute qu’un dispositif de sustentation propulsif permettant à la bombe d’atteindre des cibles jusqu’à 60 km lorsque larguée à haute altitude, mais également à 15 km lorsque largué à basse altitude. Surtout, contrairement au JDAM, la Hammer dispose d’un guidage inertiel/GPS couplé à un autodirecteur infrarouge pour le controle de trajectoire final, et l’engagement de cibles mobiles. De fait, la SBU-84 Hammer est d’ores et déjà parfaitement capable d’engager des cibles navales mobiles, contrairement au JDAM de série. Seul point faible du système français, son prix de plus de 130.000 € l’unité, 4 fois plus élevé que celui de la JDAM.

Rafale AASM 1000 kg HAMMER Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Comme pour la JDAM/Quicksink, la SBU-84 Hammer peut équiper des bombes de 1000 kg, en faisant une arme particulièrement destructrice contre les grands navires

Pour engager des cibles navales de petites dimensions, la Grande-Bretagne a, pour sa part, développée le missile SPEAR 3, dérivé du missile air-sol Brimstone. D’une masse de 100 kg, ce missile dispose d’un système de guidage radar et infrarouge, lui permettant de prendre à partie des cibles navales ou terrestres mobiles jusqu’à 130 km de distance. En revanche, sa charge militaire de moins de 10 kg ne lui permet pas d’infliger des dégâts significatifs à des navires de tonnage significatif, même s’il dispose de capacités de frappe en essaim pour venir à bout des défenses anti-aériennes de la cible.

Le futur avion de combat de l’US Air Force NGAD coutera « plusieurs centaines de millions de dollars » l’unité

Lancé au début des années 2010 alors que le dernier F-22 sortait des lignes de production, le programme Next Generation Air Dominance visait à concevoir et produire le remplaçant du chasseur de supériorité aérienne de Lockheed Martin à horizon 2030. A partir de 2018, sous l’impulsion du très dynamique Will Roper, alors directeur des acquisitions de l’USAF, le programme évolua pour devenir le pilier d’une nouvelle approche industrielle de conception et de production des avions de combat, représentée par la fameuse Digital Century Series, qui promettait de concevoir des appareils spécialisés, peu onéreux, en série courte et dotés d’une vie opérationnelle relativement réduite, prenant le contre pied absolu des dérives qui donnèrent naissance à des programmes pharaoniques comme le F-22 Raptor et le F-35 Lighting II. Après la victoire de Joe Biden en 2020, Will Roper fut cependant remercié, et l’arrivé de Franck Kendall à la direction politique de l’USAF mit fin à cette approche ambitieuse qui, pourtant, avait l’aval de l’Etat-Major de l’US Air Force elle-même, et de son chef d’état-major, le général Brown.

Interrogé sur le prix à venir du futur NGAD, le secretaire à l’Air Force Franck Kendall a ainsi indiqué le 28 avril que le programme serait sans nul doute le plus cher jamais développé par l’US Air Force, et que chaque appareil couterait « plusieurs centaines de millions de dollars » pour un avion de combat de sixième génération qui apportera des capacités inédites et à très forte valeur ajoutée opérationnelle. De fait, et sans le moindre doute, l’ensemble des aspects originaux qui devaient faire du programme NGAD un programme de programmes, donnant naissance à une famille d’appareils spécialisés, a été éliminé pour revenir à un gestion programmatique traditionnelle pour l’US Air Force mais surtout pour les industriels américains, basée sur des ambitions technologiques démesurées alimentées par les importants crédits que Washington consacre à sa défense.

F22 formation Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Le programme NGAD doit remplacer le F-22 Raptor au début des années 2030

Il est vrai que pour les grands industriels américains, les paradigmes développés par Will Roper en son temps étaient loin d’être populaires. A l’instar de leurs homologues européens, les avionneurs américains se sont en effet parfaitement adaptés aux contraintes issues des tensions budgétaires de la période post guerre froide, privilégiant la réalisation des marges sur les travaux de recherche et de developpement plutôt que sur la production industrielle par nature incertaine. En outre, les dérives technologistes, qui pourtant ont créé d’importantes dérives budgétaires mais également opérationnelles pour de nombreux programmes militaires américains, continuent d’avoir des soutiens importants au Pentagone. De fait, l’arrivée de Franck Kendall au Secrétariat à l’Air Force, connu pour ses positions conservatrices dans ce domaine, ne laissait guère d’espoir de voir les idées originales de Will Roper perdurer après son éviction.

Reste que la stratégie de l’US Air Force s’est appuyée, ces 50 dernières années, sur une répartition High-Low de son parc, c’est à dire associant à un appareil très performant, lourd et par définition, onéreux comme le F-22 ou comme l’était le F-15 avant lui, un appareil plus léger et plus economique pour constituer la masse opérationnelle, rôle tenu depuis la fin des années 70 par le F-16. Par ses prix d’acquisition et de maintenance, le F-35A ne peut prendre pleinement le rôle du F-16 dans ce modèle, raison pour laquelle la Digital Century Serie entendait developper un nouveau chasseur léger monomoteur à la limite entre la 4ème et la 5ème génération. Là encore, Franck Kendall semble avoir renoncé à ce developpement. D’une part, il soutient pleinement les objectifs d’acquisition de l’USAF pour le F-35A à 1.736 appareils comme prévu initialement lorsque l’avion e Lockheed-Martin devait avoir un prix unitaire comparable à celui du F-16, faisant sien les arguments de Lockheed-Martin selon lesquels les prix de possession du chasseur furtif iront diminuant lorsque la pleine production industrielle sera atteinte, c’est à dire aujourd’hui au delà de 2027.

UTAP22 Skyborg Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Le programme Skyborg destiné à concevoir une IA pouvant piloter plusieurs types de drones de combat pour différents types de mission, semble ne plus être une priorité pour l’USAF

D’autre part, lors de cette déclaration, il a indiqué que ce rôle pourrait être rempli par des drones de combat non pilotés. Rappelons que cette approche a déjà été retenue par l’Etat-Major des forces aériennes russes, qui décida de ne pas acquérir le Mig-35 pour remplacer la flotte de Mig-29 qui remplit aujourd’hui, face aux appareils de la famille Flanker (Su-27/30/34 et 35), le même rôle que le F-16 face aux F-15 et F-22, et de se tourner vers le drone S70 Okhotnik B pour cette mission. Mais, de manière surprenant, il est apparu dans le cadre de la préparation du budget 2023 du Pentagone, que l’US Air Force entendait suspendre les financements concernant le programme Skyborg, qui précisément vise à developper une intelligence artificielle évoluée destinée à contrôler les drones de combat du futur, notamment ceux remplissant le rôle de Loyal Wingmen en soutenant les appareils de combat pilotés. En outre, cette approche ne facilitera pas l’uniformisation des équipements dans le camps occidental, entre un appareil haut de gamme hors d’atteinte budgétaire de la majorité des forces aériennes alliées, et des drones conçus pour soutenir cet appareil, ne laissant comme seule alternative que le F-35 dont on connait les limites.

De toute évidence, en prenant le contre-pied intégral des trajectoires suivies ces 5 dernières années, il apparait que la programmation industrielle de l’US Air Force présentée par Frank Kendall tend à devenir aussi chaotique que celles de l’US Navy et de l’US Army, marquées par des changements de cap au grès des changements de dirigeants, et par des programmes caractérisés par des ambitions technologiques excessives, ainsi que des délais et surcouts chroniques. Cette approche est non seulement discutable du point de vue industriel, mais également du point de vue opérationnel, en particulier face à la Chine qui déroule son programme d’équipement et de modernisation de manière parfaitement maitrisée et méthodique. Une chose est certaine, si Washington ne parvient pas à revenir à de plus justes considérations en matière de programmes militaires, et à plus de sérénité dans leur exécution, il est probable que le rapport de force face à la Chine n’ira pas en s’améliorant pour le camp occidental.

Le successeur du missile anti-navire Harpoon sera hypersonique

Entré en service en 1977, le missile anti-navire AGM-184 Harpoon a été produit à plus de 7500 exemplaires par MacDonnel Douglas puis Boeing Defense, et employé par plus d’une trentaine de marines et forces aériennes dans le Monde, ne cédant dans ce domaine qu’au fameux missiles de la famille Exocet conçu par NordAviation/Aerospatiale et entré en service en 1975. Ces deux missiles n’ont pas que partagé des performances et des profils de vol proches, ils ont également en commun une extraordinaire longévité, puisque tant le missile américain que français continuent d’être produits et exportés presque 50 années après leur entrée en service. Pour autant, pour l’un comme pour l’autre, même si les performances des versions modernes Harpoon Block II+ ER et Exocet MM40 Block IIIc n’ont plus guère à voir avec les premiers AGM-184 et MM-38, ils commencent à se montrer vulnérables aux défenses anti-missiles modernes, tant du fait des missiles antimissiles à courte et moyenne portée que des systèmes de protection rapprochée CIWS ou des progrès réalisés dans le domaine du brouillage et des leurres.

Ces deux missiles proposaient initialement une plus-value importante de part leur trajectoire de vol rasant les flots à vitesse subsonique élevée (entre 850 et 900 km/h), ne laissant que quelques dizaines de seconde à la cible pour détecter, engager et tenter de détruire ou de leurrer le missile. Avec les progrès des systèmes de combat, des systèmes de détection et des armes embarquées, ce délais est désormais largement suffisant pour répondre à une telle menace pour un navire moderne (ce n’était pas le cas du Moskva), réduisant de fait l’efficacité potentielle du missile. Pour y répondre, la France et la Grande-Bretagne ont entrepris de developper un nouveau missile anti-navire supersonique conservant les attributs de l’Exocet et de son vol rasant, mais dont le profil furtif, la vitesse supersonique et la trajectoire finale de type pop-up réduiront le délais de réponse à moins de 5 secondes pour le navire ciblé. Les Etats-Unis, de leur coté, ont semble-t-il décidé de se tourner vers une autre approche, celle choisie par la Russie et la Chine, à savoir le missile hypersonique.

3M22 Tsirkon Admiral Gorshkov Frigat Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Le missile russe anti-navire 3M22 Tzirkon présenté comme hypersonique a terminé sa campagne d’essai et doit entrer en service cette année au sein de la Marine Russe

En effet, dans le cadre de la préparation du budget 2023 du Pentagone, est apparu un nouveau programme désigné Offensive Anti-Surface Warfare Weapon (OASuW) et baptisé HALO, visant à concevoir le remplaçant hypersonique du missile Harpoon. L’US navy demande en effet un financement de 92 m$ en 2023 pour engager les travaux concernant ce programme, après qu’un financement de 56m$ lui ait été refusé en 2022 pour ce même projet. L’objectif visé est de permettre de developper un missile anti-navire capable d’évoluer dans un environnement fortement contesté, en haute mer comme en zone littoral, et de déjouer les défenses antimissiles existantes et à venir. La phase de developpement s’étendra jusqu’en 2027, ce qui laisse supposer que le nouveau missile n’entrera pas en service avant la prochaine décennie. Rappelons que le missile anti-navire russe 3M22 Tzirkon doit, quant à lui, entrer en service à la fin de cette année à bord de la frégate Admiral Golovko.

Dans l’intervalle, les armées US ont entrepris de se doter de nouvelles armes anti-navires pour équiper leurs navires, avions de combat et batteries côtières. En 2018, l’US Navy et l’US Air Force ont ainsi admis au service le missile anti-navire AGM-158c Long-Range Anti-Ship Missile (LRASM), un missile emporté par avion Super Hornet ou B1, et potentiellement embarqué dans un silo Mk41. À l’instar du Harpoon ou de l’Exocet, le LRASM évolue à vitesse subsonique élevée, mais sa structure furtive lui permet de s’approcher discrètement de sa cible, avant de fondre sur elle soit à partir d’une altitude moyenne, soit selon une trajectoire rasante. Son électronique embarquée est par ailleurs plus évoluée que celle des missiles plus anciens, et son rayon d’action très supérieure, atteignant 460 km pour la version larguée de Super Hornet. Pour équiper ses nouvelles frégates classe Constellation et ses corvettes LCS classe Independance, l’US Navy s’est tournée quant à elle vers le missile NSM du norvégien Kongsberg, proche en performances des dernières versions de l’Exocet et du Harpoon, mais considéré plus moderne par le Pentagone que ce dernier.

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Entré en service en 2018, le missile AGM-158C LRASM de Lockheed-Martin a un profil furtif permettant de réduire le temps de réaction potentiel de l’adversaire

Reste à voir à quel point il sera effectivement possible d’aller au delà des contraintes physiques liées au vol hypersonique pour concevoir un missile capable effectivement de frapper des cibles navales. En effet, beaucoup d’experts continuent de douter de pouvoir aller au delà de ces contraintes en l’état de la technologie existante, mettant en doute la réalité des capacités hypersoniques des missiles de précision russes sur l’ensemble du vol, et en particulier lors de la phase finale. Aujourd’hui, les missiles anti-navires emploient non seulement un système radar pour localiser les cibles, mais également des systèmes complémentaires, infra-rouge ou laser (LIDAR), pour identifier ses cibles, une capacité indispensable lorsque le missile est tiré à plusieurs centaines de kilomètres de la cible. Or, les contraintes thermiques imposées par le vol hypersonique obligent à employer des coiffes de missiles particulièrement résistantes à la chaleur, et donc peu perméables aux ondes radar et opaques aux infrarouges, ce qui suppose d’autres modes de guidage par nature moins précis. On peut toutefois penser que si les chercheurs américains visent à developper un tel missile, c’est qu’ils disposent de solutions effectives pour y parvenir, mais cela reste à démontrer.

Le Royaume-Uni veut plus de F-35B et d’A400M

Comme la plupart des armées européennes, les forces militaires britanniques subirent le contre-coup des bénéfices de la paix au niveau budgétaire entre le milieux des années 90 et des années 2010. En revanche, de part l’importante participation britannique à la seconde guerre du Golfe, et à la campagne d’Afghanistan, celles-ci érodèrent rapidement leurs réserves opérationnelles, au point d’être au bord de la rupture capacitaire globale au début des années 2010. Si certaines ruptures capacitaires spécifiques eurent bien lieu, comme dans la cas de patrouille maritime ou de la capacité aéronavale embarquée, Londres entreprit dès 2012 d’augmenter ses investissements, de sorte à reconstituer et moderniser les capacités militaires du pays. En 2020, le gouvernement Boris Johnson annonça un plan d’investissement volontaire de sorte à atteindre d’ici 2025 un effort de défense à 2,2% du PIB, soit 60 Md€.

Il faut dire que les chantiers sont nombreux pour les armées britanniques, qui doivent simultanément reconstituer leur parc de blindés, leur artillerie et leur flotte de frégate, tout en finissant les investissements nécessaires pour les nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engin. En outre, Londres doit également moderniser et étendre sa puissance aérienne, avec l’acquisition d’avions de patrouille maritime Boeing P-8A Poseidon, d’avions de controle aérien E-7 Wedgetail, de nouveaux hélicoptères Chinook et Apache, et l’extension de la flotte de chasse et de transport. C’est précisément à ce sujet que, dans le cadre des travaux préparatoires aux investissements de défense à venir, le Secrétaire à la Défense Jeremy Quin a confirmé devant le parlement que de nouveaux avions de combat F-35B et de nouveaux avions de transport A400M Atlas seraient prochainement acquis pour la Royal Air Force.

P8 RAF Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
De 2011 et le retrait des Nimrod, et 2019 et l’entrée en service operationelle des premiers P-8A Poseidon, la Royal Air Force ne disposait plus de capacités de patrouille maritime.

Unique partenaire de Niveau 1 du programme Lighting II, le Royaume-Uni devait initialement commander 138 appareils en version à décollage vertical F-35B pour équiper ses 2 porte-avions, mais également en version terrestre F-35A pour remplacer les Tornado GR Mk4 retirés du service en 2018 pour les missions d’assaut. Toutefois, aprés avoir décidé de s’engager dans le development du programme FCAS et de son avion de combat de nouvelle génération Tempest, Londres revint sur ses engagements, et ne commanda effectivement que 48 F-35B pour armer sa flotte de porte-avions. Sans jamais renoncer officiellement au chiffre de 138 appareils initialement avancé, les autorités britanniques ont alors discrètement fait évoluer leurs positions, et il est désormais question d’une flotte finale de 74 à 80 appareils, tous en version F-38B, de sorte à permettre le financement du Tempest.

Selon Jeremy Quin, Londres aurait désormais provisionné les fonds pour une nouvelle tranche de F-35B qui devraient être officialisée dans les mois à venir, sans pour autant annoncer le nombre d’appareils qui seront commandés. Il est vrai qu’avec seulement 48 appareils, il serait impossible à la Royal Air Force de garantir une disponibilité suffisante pour embarquer 16 à 20 appareils à bord d’un des porte-avions de la classe Queen Elizabeth en permanence, encore moins d’armer les deux navires simultanément. Ainsi, pour armer l’unique PAN Charles de Gaulle, la Marine nationale aligne 42 Rafale M, et ne dispose d’aucune marge de manoeuvre pour étendre son activité. Dans ces conditions, le nombre de 74 à 80 F-35B parfait effectivement cohérent avec la mise en oeuvre de 2 porte-avions, d’autant que l’appareil de Lockheed n’est pas réputé pour sa disponibilité.

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La Royal Air Force aligne déjà 20 A400M pour remplacer ses C-130J Super Hercule

Le Secrétaire à la Défense britannique a également confirmé son intention de commander des avions de transport A400M supplémentaires pour la Royal Air Force, bien que le calendrier et le budget de cette future commande ne sont pas encore établis. La RAF aligne déjà 8 transporteurs lourds C-17A Globemaster III, ainsi qu’une vingtaine des 22 A400M commandés auprés d’Airbus, destinés à remplacer la flotte de 25 C-130J qui sera retirée du service d’ici 2023. Il est probable que les A400M restant à commander permettront d’atteindre une flotte de 25 appareils, soit autant que les C-130J retirés du service, même si l’avion européen offre des capacités de transport bien plus importantes (60 tonnes vs 35 tonnes) que le Super Hercule.

Reste que le format de 74 à 80 F-35B risque fort de faire grincer des dents outre-manche. En effet, le mythique avion à décollage vertical Harrier avait été mis en retraite anticipée en 2010, au prétexte que le format de sa flotte, 79 appareils, était trop restreint, et entrainait des surcouts importants. Pour autant, Londres n’a guère d’autre alternative. Une flotte plus importante nécessiterait en effet des crédits supplémentaires qui handicaperaient d’autres programmes, en particulier le programme FCAS/Tempest qui consomme plus d’un milliard de Livres Sterling par an, alors qu’une flotte plus restreinte ne permettrait pas d’employer à plein potentiel les deux porte-avions de la Royal Navy et que Londres entend peser aux cotés des Etats-Unis non seulement sur la sécurité en Europe, mais également dans le Pacifique.

Après le Japon, la Corée du Sud choisit le SM-6 américain pour contrer la menace hypersonique

Alors que les yeux du monde restent braqués sur la guerre en Ukraine, les tensions sur le théâtre Pacifique demeurent très élevées, et les grandes nations impliquées redoublent d’investissement et d’innovation pour tenter de prendre l’ascendant sur leurs adversaires potentiels. C’est ainsi que, ces derniers mois, les deux Corées se sont livrées à un bras de fer à distance concernant leurs capacités de frappe à longue distance respectives, démontrant successivement l’efficacité de leurs nouveaux missiles balistiques et de croisière, alors que la Chine a également mis en oeuvre de nouvelles capacités dans ce domaine, y compris concernant des armes hypersoniques et à trajectoire semi-balistique. Ces dernières inquiètent désormais les états-majors nippons comme sud-coréens, sachant que les armes anti-balistiques traditionnelles comme le SM-3 du système Aegis américain, et le THAAD, peinent à apporter une réponse efficace pour contrer ces menaces.

Alors que les deux dragons asiatiques ont entrepris de developper des systèmes d’armes comparables à moyen terme, de sorte à équilibrer la réalité de menace vis-à-vis de Pyongyang comme de Pékin, et même de Moscou, ils se sont également tourné vers le seul missile susceptible d’apporter une parade efficace contre des armes de ce type, le missile américain RIM-174 Standard ERAM, également appelé SM-6. Contrairement au SM-3 dédié à l’interception anti-balistique à haute altitude, le SM-6 n’emploie pas d’impacteur cinétique, mais intercepte la menace par sa propre précision et manoeuvrabilité. Cela permet au missile d’être aussi performant contre des cibles aériennes manoeuvrantes, comme les avions de combat, que contre les armes balistiques évoluant à très haute vitesse mais à des altitudes relativement faibles, comme les missiles hypersoniques ou à trajectoire semi-balistique, ceux-là même qui pose problèmes aux SM-3 et aux THAAD. Le SM-6 est à ce point polyvalent qu’il peut même être employé contre des cibles de surface ou terrestre le cas échéant.

Sejong the Great DDG 9912 Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Les destroyers sud-coréen Sejong le Grand du programme KDX-III Batch I sont aujourd’hui parmi les plus puissants navires de combat de surface de la planète

Il n’est donc pas surprenant que Séoul ait annoncé que ses futurs destroyers lourds KDX-III Batch II seraient équipés de ce missile, afin de parfaire la panoplie défensive de la Corée du Sud face à son voisin du nord qui a montré de surprenantes capacités à developper ce type d’armes balistiques et hypersoniques ces dernières années. Le SM-6 prendra donc place aux cotés des SM-2 anti-aériens et des SM-3 anti balistiques au sein des 48 silos verticaux Mk-41 qui équiperont les nouveaux destroyers, offrant une panoplie défensive complète aux bâtiments, et ce d’autant qu’ils emporteront également, outre un canon de 127 mm, 16 silos verticaux K-VLS de conception sud-coréenne accueillant des missiles anti-aériens et anti-missiles K-SAAM (portée 20 km), des missiles anti-sous-marins Hong Sang Eo (Red Shark) et des missiles de croisière TSLM, ainsi que 24 nouveaux silos K-VLS II pour accueillir les nouveaux missiles anti-aériens Cheongung 3 (portée 150 km), ainsi que le nouveau missile anti-navire supersonique en cours de developpement.

Les 3 destroyers KDX-III Batch II, long de 170 m et d’un deplacement en charge supérieur à 10.000 tonnes, entreront en service à partir de 2024, avec un rythme de livraison tous les 2 ans. Ils viendront renforcer les 3 destroyers KDX-I de la classe Gwanggaeto le Grand entrés en service entre 1998 et 2000, plus petits avec une longueur de 135 m et un deplacement de 3900 tonnes, et les 6 KDX-II classe Chungmugong Yi Sun-sin de conception allemande, entrés en service entre 2003 et 2008, longs de 150 m pour un deplacement de 6000 tonnes. Les 3 destroyers lourds KDX-III Batch I de la classe Sejong le Grand sont entrés en service en 2008 et 2012, et étaient bien plus imposants, avec une longueur de 166 mètres et un tonnage en charge de plus de 10.000 tonnes. Dérivés des Arleigh Burke américains, ils en reprennent le système de défense Aegis et son radar SPY-1D, ainsi que 80 silos verticaux Mk-41 pour missiles SM2 et SM3, ainsi que 16 silos K-VLS, en faisant un des navires les plus lourdement armés de ce théâtre avec les Type 055 chinois et les Maya Japonais.

HS 12 Hypersonic vehicle Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis

En 2019, la Corée du Nord procéda a plusieurs tirs d’un nouveau missile baltique à moyenne portée qui posé d’importants problèmes aux systèmes anti-baltiques japonais et sud-coréens, car suivant une trajectoire semi-balistique trop basse pour que les systèmes anti-balistiques comme le SM-3 ou le THAAD ne puissent envisager de l’intercepter. A l’automne 2021, Pyongyang annonça le tir réussi d’un nouveau missile balistique équipé cette fois d’un planeur hypersonique, un système permettant à l’ogive de conserver une vitesse hypersonique mais également une capacité de manoeuvre jusqu’à l’impact, rendant inefficace les systèmes anti-balistiques traditionnels. Plus récemment, c’est la Chine qui fit la démonstration de sa capacité à mettre en oeuvre des missiles balistiques anti-navires potentiellement hypersoniques à partir de ses destroyers Type 055 et de ses bombardiers H-6N à long rayon d’action. La Russie de son coté à déjà fait la démonstration de l’efficacité du missile hypersonique aéroporté Kinzhal, alors que le missile anti-navires hypersonique 3M22 Tzirkhon devait entrer en service cette année à bord de la nouvelle frégate Admiral Golovko.

De nombreux pays occidentaux, dont les Etats-Unis, ont engagé des programmes visant à disposer d’une parade contre ces armes hypersoniques. C’est le cas du programme TWISTER en Europe, mais également du Futur Air-Defense Interceptor américain qui doit remplacer le Patriot à la fin de la décennie au sein de l’US Army. Dans l’intervalle, l’US Navy entend s’appuyer sur les qualités du SM-6 et sur les nouvelles capacités du radar SPY-6 pour traiter cette menace. Aprés l’Australie, le Japon et désormais la Corée du Sud, il est probable que d’autres marines se tourneront elles-aussi vers ce missile, d’autant que plusieurs marines alliées ont fait le choix d’une architecture compatible basée sur le SPY-6 et le lanceur Mk-41 pour leurs nouveaux destroyers et frégates.

La Russie va-t-elle perdre son armée en Ukraine ?

Depuis l’intervention militaire de 2008 en Georgie, la puissance militaire conventionnelle russe avait été un puissant outil au service du Kremlin, tant pour intimider ses voisins que pour ramener la Russie aux premiers plans de la scène géopolitique internationale. Les succès enregistrés en Crimée puis en Syrie, créèrent une aura de puissance qui permit à Moscou de s’imposer à plusieurs reprises en Europe mais également en Afrique. Cette même puissance conventionnelle, adossée à l’immense force de dissuasion de l’arsenal nucléaire russe, explique en grande partie l’attitude parfois timorée des occidentaux en soutien de l’Ukraine lors des premières semaines du conflit, lorsque bien peu estimaient que Kyiv pouvait résister au déferlement des blindés et avions russes, ainsi qu’à leur puissance de feu cumulée.

Deux mois plus tard, la situation est presque totalement renversée. Non seulement les armées ukrainiennes sont parvenues à protéger la capitale Kyiv d’un assaut massif de la part de 4 armées russes, mais les pertes enregistrées par les forces russes, qu’elles soient documentées concernant les materiels, ou estimées concernant les personnels, ont profondément changé le rapport de force sur le terrain, même si les armées ukrainiennes ont, elles aussi, payé un lourd tribu à cette résistance héroïque. Le fait est, si désormais les occidentaux soutiennent plus activement les forces ukrainiennes avec l’envoi d’un nombre croissant de materiels militaires de plus en plus évolués, ils en viennent également à estimer que l’Ukraine peut non seulement résister aux mais armées russes, mais emporter la victoire et priver Moscou d’une part significative de ses forces armées.

caesar Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Le Caesar français offre des performances sensiblement supérieures à celles des systèmes d’artillerie russes, que ce soit en terme de portée, de précision et de mobilité.

Lors de la rencontre qui s’est tenue aujourd’hui sur la base américaine de Ramstein en Allemagne, rassemblant autour du Secrétaire à La Défense américain Lloyd Austin, les représentants d’une quarantaine de pays européens et alliés, ces derniers ont ainsi acté de profondes évolutions concernant le soutien occidental aux armées ukrainiennes. Pour Lloyd Austin, l’objectif de cette aide est désormais d’empêcher la Russie de menacer à l’avenir ses voisins par la puissance militaire, ce qui sous-entend la destruction d’une part suffisamment significative de l’armée russe déployée en Ukraine. Pour y parvenir, les alliés s’engagent dans une occidentalisation progressive des armées ukrainiennes, en fournissant des materiels de plus en plus évolués issus des industries occidentales et non plus des materiels hérités de l’époque soviétique en provenance des anciens membres du Pacte de Varsovie, de sorte à pouvoir accroitre ce soutien sans se heurter aux niveaux de stocks par nature limités des materiels soviétiques en occident.

Un tel changement de paradigmes suppose également un important effort occidental afin de former les militaires ukrainiens, de sorte à pouvoir mettre en oeuvre de manière efficace ces nouveaux materiels. Ainsi, la France a entamé la formation d’une quarantaine de soldats et officiers ukrainiens afin de mettre en oeuvre les systèmes d’artillerie CAESAR que Paris a annoncé prélever sur son stock pour équiper les armées de Kyiv. De même, l’Allemagne va former les personnels ukrainiens à mettre en oeuvre les systèmes d’artillerie sous blindage Pzh-2000 offerts par les armées néerlandaises, alors que de nombreuses informations venues d’outre-Rhin indiquent que Berlin s’apprêterait à autoriser la livraison d’une cinquantaine de systèmes anti-aériens blindés Guepard et à former les équipages ukrainiens pour les mettre en oeuvre. A ce titre, le site oryx dresse une liste mise à jour régulièrement concernant les équipements de défense promis par l’occident à l’Ukraine.

mig 29 Poland Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
la livraison de pièces de rechange aux forces aériennes ukrainiennes pour accroitre son parc de Mig-29 peut permettre aux armées ukrainiennes de gagner le temps nécessaire pour effectuer sa transition vers des équipements aériens et anti-aériens occidentaux

Alors que la campagne initiale nécessitait surtout des armes légères anti-chars et anti-aériennes, des drones et munitions vagabondes, ainsi que des systèmes de vision nocturne pour répondre à l’urgence et à la réalité opérationnelle, l’assaut russe dans le Donbass et le Sud de l’Ukraine s’appuie sur une approche plus traditionnelle de l’action militaire russe, s’appuyant sur l’artillerie et la puissance aérienne davantage que sur l’assaut blindé. Dans ces conditions, l’évolution des livraisons d’armes occidentales pour équiper les défenseurs ukrainiens de systèmes d’artillerie occidentaux, bien plus performants que leurs homologues russes actuellement en service, répond précisément à ce besoin, et permettraient, aux cotés des systèmes de type munitions vagabondes, de frapper les forces russes dans la profondeur de sorte à les priver d’une partie de leur artillerie, qui porte aujourd’hui l’essentiel de leur puissance de feu.

Reste que pour être pleinement efficace, il sera nécessaire de doter rapidement les armées ukrainiennes de nouveaux systèmes anti-aériens, d’autant qu’une majorité des systèmes S-300 qui permirent à Kyiv de tenir à distance les forces aériennes russes, ont été détruits par les missions de suppression menées par la Russie. Or, si apprendre à mettre en oeuvre un CAESAR ou un Pzh-2000 peut ne nécessiter que quelques jours pour des artilleurs expérimentés, déployer et mettre en oeuvre efficacement des systèmes anti-aériens évolués comme le NASAM, le Patriot ou le SAMP/T Mamba, nécessite une formation solide de plusieurs semaines dans le meilleur des cas, un délais identique à celui de la formation des pilotes et personnels de maintenance sur des aéronefs de combat occidentaux. Dans ces conditions, la livraison de pièces de rechange de sorte à remettre en service une partie de la flotte de MIG-29 ukrainien, pourrait permettre d’assurer l’intérim durant cette phase de formation.

Patriot OTAN Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
L’Ukraine a désormais besoin de systèmes anti-aériens à moyenne et longue portée occidentaux pour neutraliser la menace aérienne et les missiles russes

Dans ces conditions, eu égard aux déficiences constatées des forces russes depuis le début de cette guerre, des pertes enregistrées et du soutien de plus en plus important des occidentaux en faveur des armées de Kyiv, il semble de plus en plus improbable que les forces russes parviennent à prendre l’ascendant sur les forces ukrainiennes dans l’Est du pays. Si les nouveaux équipements promis par les occidentaux arrivent rapidement, et si les ukrainiens parviennent à les utiliser au mieux de leurs performances, il est même probable désormais que l’Ukraine prenne l’avantage sur les armées russes déployées dans le pays, en leur infligeant des pertes insupportables impossibles à compenser à court ou moyen terme pour Moscou, avec à terme une possible réorganisation complète dans la proximité immédiate de la Russie, une fois que les régimes Biélorusses, Kazakh et autres, auront perdu le soutien des armées russes.

Pour Washington, et plus globalement pour les occidentaux, il s’agit donc de mettre à profit une situation créée par le Kremlin lui-même, de sorte à redessiner la géopolitique européenne, caucasienne et même au Moyen-orient et en Afrique, en privant Moscou de son outil militaire conventionnel, mais également de l’aura que s’étaient forgées les armées russes ces deux dernières décennies. Reste à savoir, désormais, comment le régime Russe va réagir à cette effondrement de son influence internationale qui se dessine. La tentation de recourir à des armes nucléaires tactiques dans l’espoir de re-créer la crainte de la Russie qui existait avant le 24 février, ne peut être exclue. Mais un tel recours entrainerait sans le moindre doute une mise au ban des nations de la Russie, y compris de la part de ses alliés et partenaires d’importance comme la Chine ou l’Inde. Or, sans le soutien economique de ces pays, le régime de Vladimir Poutine ne pourra espérer perdurer plus que quelques mois, avant un effondrement economique et social du pays dans son ensemble. Sachant que jusqu’à présent, les Etats-Unis ont disposé d’informations pertinentes sur les décisions prises par Vladimir Poutine et son premier cercle, on peut penser que la nouvelle posture occidentale modelée par Washington s’appuie sur la certitude que Moscou n’envisage pas une telle dérive. On ne peut qu’espérer qu’ils ne se soient pas trompés…

Le programme F-35 fait toujours face à des délais et des surcouts importants

Ces derniers mois, le F-35 s’est imposé dans de nombreuses compétitions internationales, y compris en Europe Que ce soit en Suisse, en Finlande, au Canada ou encore en Allemagne, l’appareil de Lockheed-Martin a systématiquement pris le dessus sur ses homologues occidentaux, comme le Super Hornet américain, ou les Rafale, Typhoon et Gripen européens. Paradoxalement, dans le même temps, le Pentagone a annoncé qu’il entendait réduire le nombre des F-35 qui seront acquis d’ici 2025, et ce de manière substantielle. En effet, en dépit de son succès commercial incontestable, l’appareil continue de faire face à des délais importants concernant la mise à disposition de la version Block 4 de l’appareil, considérée par le Pentagone comme la première version pleinement opérationnelle, repoussée désormais à 2029, ainsi que des surcouts cumulés quant aux investissements nécessaires au developpement de cette version.

Une nouvelle fois, c’est le rapport annuel du Government Accountability Office, ou GAO, qui tire la sonnette d’alarme concernant ce programme, comme il le fit à plusieurs reprises depuis son lancement. En effet, selon ce rapport, plus d’un tiers des F-35 qui seront produits, l’auront été avant que la version définitive Block 4 ne soit disponible, ceci entrainant des surcouts importants pour les clients qui devront moderniser rapidement leurs appareils pour atteindre de standard opérationnel. Ceci, cumulé aux effets de plus en plus sensible de l’inflation américaine et mondiale sur le prix final des appareils, mais également le besoin de remotoriser l’appareil, et les délais de livraisons consécutifs de la crise Covid mais également de nombreux problèmes de qualités sur la Supply Chain de Lockheed-Martin, a amené l’US Air Force à sensiblement réduire ses acquisitions pour les prochaines années, ramenées à 33 appareils en 2023, et seulement 29 appareils en 2024, contre 48 en en 2022.

F35 factory Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Les prix relativement bas du F-35 ne peuvent être maintenus qu’avec une production soutenue de la chaine d’assemblage et de son réseau de sous-traitance

Pour l’US Air Force, mais également dans une moindre mesure pour l’US Navy et l’US Marines Corps, il n’y a que peu d’intérêt à s’équiper d’appareils qui ne sont pas en version définitive, alors même que ces armées font toutes face à des défis budgétaires importants, comme l’acquisition de F-15EX pour l’US Air Force afin de renforcer sa posture dans la Pacifique. En outre, le Pentagone a absorbé depuis 2010 une grande partie des surcouts liés au lancement industriel du programme, et entend désormais s’appuyer sur les autres clients et utilisateurs de l’appareil pour maintenir l’activité de la chaine de production. En d’autres termes, c’est indiscutablement le succès à l’exportation du F-35A et B qui permet désormais aux Armées US de lever le pied dans le rythme des acquisitions, en attendant 2029 et la version définitive et pleinement opérationnelle de l’appareil, mais également l’arrivée du NGAD de l’US Air Force et du F/A-XX de l’US Navy…

Livrer des appareils ne disposant pas de leurs pleines capacités opérationnelles supposées n’est, en soit, pas une nouveauté. Ainsi, le Rafale français a été acquis par la Marine Nationale au standard F1 alors qu’il ne disposait que de capacités Air-Air, puis au standard F2 par l’Armée de l’Air dédié aux frappes Air-Sol, de sorte à lancer et maintenir la ligne de production de Merignac. Les capacités multi-rôles n’ont étét effectivement disponibles qu’à partir du standard F3 prés de dix années plus tard, et tous les appareils livrés aux standard précédents ont du être modernisés pour y être portés. De même, les Rafale livrés en Egypte et au Qatar concernant les premières commandes passées par Le Caire et Soha, le furent au standard F3, et les appareils furent par la suite portés au standard F-3R plus évolué et capable de mettre en oeuvre, entre autre, le missile Meteor.

Rafale F3R Marine Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Le Rafale a connu plusieurs versions successives avant d’atteindre son standard actuel F-3R parfaitement multi-missions

En outre, la majorité des surcouts enregistrés concernant le standard Block 4 du F-35 concernent de nouvelles capacités qui n’étaient pas demandées auparavant. Pour autant, selon le GAO, la planification présentée aujourd’hui par l’Industriel ne peut être considérée comme consolidée, car l’appareil fait encore face à de nombreux problèmes, notamment dans le domaine de l’évolution logicielle. D’autre part, les retards importants constatés concernant les simulateurs de vol, et les difficultés technologiques rencontrées dans le developpement du nouveau moteur de l’appareil, vont continuer à faire peser d’importants risques sur les délais et les surcouts du programme. Dans ce contexte, et même si le Pentagone ne remet pas en question, à ce jour, le format final de la flotte de F-35 qui devront être acquis par les Armées américaines, il est interessant de constater que le ralentissement des acquisitions dans les années à venir, compensées par les ventes à l’exportation, permettra de maintenir la production industrielle américaine, tout en décalant le pic d’acquisition au delà de 2029 et l’arrivée supposée du Block 4.

Or, qu’il s’agisse du programme Next Generation Air Dominance, ou NGAD, de l’US Air Force, destiné à remplacer les F-22 et les F-15 américains, ou du programme F/A-XX de l’US Navy destiné à remplacer les Super Hornet à bord des porte-avions, tous deux prévoient une entrée en service entre 2030 et 2035. On peut dès lors penser que par ces annonces, le Pentagone pourrait chercher à maintenir l’attractivité internationale du F-35 en assurant de son intention d’acquérir les 2200 appareils prévus initialement, tout en se préservant un possible basculement de flotte vers les nouveaux appareils en developpement, d’autant que ceux-ci visent un standard technologique dit de 6ème génération basé sur le combat info-centré à l’instar du SCAF et du Tempest européens. Un tel scénario n’est pas sans rappeler le fameux F-104 Starfighter, sensé devoir être commandé à plus de 1000 exemplaires par l’US Air Force, et qui ne fut finalement commandé qu’à 276 exemplaires avant d’être remplacé par le F4 Phantom II, alors même que les alliés des Etats-Unis avaient, pour leur part, acquis plus de 2200 exemplaires d’un appareil retiré du service du début des années 70 par l’USAF.

NGAD next gen air dominance USAF Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
L’arrivée du NGAD à la fin de la décennie pourrait amener l’US Air Force à reconsidérer son volume d’achat prévisionnel de F-35A

Sachant qu’il ne reste désormais que peu de nouveaux clients potentiels à l’exportation pour le F-35, et que ceux-ci ne représentent, comme la Roumanie ou la Grèce, que des volumes relativement limités d’appareils, on peut donc s’attendre à ce que cette bascule en faveur des appareils de nouvelle génération américain intervienne dans un délais relativement réduit, ce d’autant qu’avec le J-35, la Chine disposera elle aussi d’un appareil conçu sur les mêmes paradigmes que l’avion de Lockheed-martin d’ici quelques années, obligeant les forces aériennes US à accélérer leur propre tempo technologique pour conserver l’ascendant technologique dans le Pacifique.

Dès lors, de nombreuses informations pointent simultanément vers une diminution progressive mais relativement rapide des objectifs américains d’acquisition concernant le programme F-35, tout en compensant ces réductions de format par les contrats d’exportation enregistrés récemment, de sorte à maintenir un volume total d’appareils produits identique à celui initialement prévu, soit 2500 appareils. On peut à ce titre penser que Washington pourrait, dans cette optique, se montrer moins regardant quant à ses exigences pour autoriser l’exportation de l’appareil, de sorte à réduire sa propre emprunte, et ce d’autant que les NGAD et F/A-XX s’appuieront sur des bases technologiques et doctrinales différentes. Reste à voir si une telle articulation permettra de maintenir les objectifs actuels en terme de prix d’acquisition et de maintenance des appareils, sachant que les investissements colossaux consentis pour le developpement du Lightning II ont été ventilés budgétairement parlant sur une flotte globale de plus de 2500 appareils produits…

Les enseignements de la guerre en Ukraine : La vulnérabilité des blindés de première ligne

Selon le site Oryx, qui fait référence quant aux pertes documentées par les deux camps depuis le début du conflit, les armées russes ont perdu à ce jour plus de 550 chars lourds, dont plus de la moitié a été détruite par des missiles antichars, des frappes d’artillerie ou par des chars adverses. Le constat est sensiblement le même concernant les véhicules blindés de combat (350 dont 150 détruits) et les véhicules de combat d’infanterie (600 dont 350 détruits), ce qui représente la moitié de l’ensemble des blindés de première ligne déployés par la Russie autour de l’Ukraine avant le début des combats. De fait, en dépit d’un avantage numérique et technologique supposé flagrant, les armées russes ont perdu 25% de leur parc total de blindés d’assaut en deux mois de conflit, et le bilan est comparable pour les armées ukrainiennes, même si les pertes sont proportionnellement moins importantes. Si aucune statistique n’est encore disponible quant aux causes exactes de ces destructions, l’étude des photos documentées concernant les blindés identifiés comme détruits montre qu’une majorité d’entre eux a été détruite par des armes antichars et des frappes d’artillerie, en dépit de leur blindage et des systèmes de protection dont ils disposaient.

Cette vulnérabilité des blindés, y compris des chars lourds, aux systèmes d’arme modernes, n’est pas en soit une nouveauté. Déjà, lors de la guerre du Haut-Karabakh, les forces arméniennes avaient perdu 255 chars dont 146 détruits et 160 blindés de première ligne, soit la moitié de son parc blindé, en seulement 44 jours de combat. On remarque, à ce titre, une évidente cohérence concernant les pertes dans ces deux conflits, en qualité comme en quantité, une fois ramenées sur une même échelle de durée et de format des armées. De fait, la vulnérabilité des blindés constatée en Ukraine n’est en rien une surprise, et ne semble pas être liée à la posture offensive ou défensive des forces ni au rapport de force initial, mais plutôt à l’emploi de certaines technologies et doctrines. En effet, la doctrine employée par les forces azerbaïdjanaises, pourtant à l’offensive lors de la guerre du Haut-Karabakh, peut se rapprocher de celle mise en oeuvre par les forces ukrainiennes contre la Russie, alors que les armées arméniennes, en posture défensive, employaient pour leur part une doctrine et des tactiques héritées de l’époque soviétique, comparables à celles mises en oeuvre par les forces russes en Ukraine.

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Les missiles antichars, munitions vagabondes et frappes d’artillerie dirigées par drone Azeris détruisirent plus de 500 blindés de première ligne arméniens lors des 44 jours de la guerre du Haut-Karabakh de 2020

Il s’agit donc du second conflit qui montre une importante vulnérabilité des blindés de première ligne face aux armes antichars modernes et aux frappes d’artillerie dirigées par drone, ainsi que la vulnérabilité des lignes logistiques sensées approvisionner ces blindés en munitions et carburant nécessaire à la conduite des opérations, puisque dans les deux cas, un nombre important de blindés a été abandonné par leurs équipages après une panne sèche. Et si la qualités des materiels peut être mise en cause, en comparaison des performances des blindés modernes mis en oeuvre au sein des armées européennes et américaines par exemple, il semble toutefois peu probable que ces blindés occidentaux, si employés au sein d’une même doctrine, aient obtenu de meilleurs résultas face aux armées ukrainiennes ou azerbaïdjanaises, le Leopard 2 ou l’Abrams ne résistant pas beaucoup mieux aux missiles antichars modernes que les T72 ou T80, comme en firent l’amère experience les forces turques face aux combattants kurdes en 2019. Il en va de même concernant les véhicules de combat d’infanterie occidentaux vis-à-vis de leurs homologues russes. Il existe, cependant, dans l’histoire récente, un contre-exemple significatif à cette vulnérabilité des chars de combat et blindés de première ligne face aux armes antichars modernes.

Les chars Merkava et les VCI Namer Israéliens déployés face au Hamas dans la Bande de Gaza en 2011 n’enregistrèrent aucune destruction par roquette ou missile antichar, alors que même les palestiniens disposaient de nombreux systèmes de ce type, y compris des systèmes antichars modernes Kornet et Konkurs de facture russe. Les blindés israéliens étaient en effet protégés par le système Trophy de la société Rafael, un système de protection dit « hard-kill » qui détecte et détruit les menaces avant qu’elles n’atteignent le blindé. Ce système a depuis convaincu plusieurs des grandes armées occidentales, les Etats-Unis, mais également la Grande-Bretagne et l’Allemagne ayant annoncé acquérir le Trophy pour protéger leurs Abrams M1A2, Challenger 3 et Leopard 2A7, alors que l’US Army a également décidé d’équiper une partie de ses véhicules de combat d’infanterie Bradley d’un autre système hard-kill israélien, l’Iron Fist. La Corée du Sud, la Turquie, la Chine et la Russie ont par ailleurs choisi de déployer des systèmes équivalents sur leurs propres chars lourds, comme l’Arena M sur le T-90M et l’Afghanit sur le T-14 Armata.

Leopard2 trophy Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
La Bundeswehr a annoncé l’acquisition d’une trentaine de systèmes hard-Kill Trophy pour équiper certains de ses Leopard 2A7

La question des systèmes Hard-Kill a été pour l’heure éludée par l’Armée de terre au sujet de la modernisation de ses 200 chars lourds Leclerc. Toutefois, Thales et Nexter ont présenté en 2021 le programme PROMETEUS, un système Hard-Kill léger destiné, notamment, à protéger les blindés de segment intermédiaire du programme SCORPION comme l’EBRC Jaguar et le VBMR Griffon. La vidéo de promotion diffusée par les deux industriels indique que le système entamera ses essais dynamique dès cette année. Comparable à l’ADS de Rheinmetall dans son fonctionnement, mais également au programme SHARK de Thales datant du début des années 2010, ce système intercepte les missiles et roquettes antichars à très courte portée, de sorte à limiter les dégâts potentiels envers les forces d’infanterie alliées déployées à proximité. Toutefois, à ce jour, la DGA n’a pas annoncé de programme en ce sens, ni de décision en vue d’équiper les Leclerc modernisés de ce type de système, alors même qu’il semble désormais indispensable que les chars lourds comme les véhicules de combat d’infanterie en soient dotés.

Pour autant, les systèmes Hard-Kill existant ne permettent pas de traiter l’ensemble des menaces visant les blindés de première ligne, en particulier pour contrer les munitions arrivant par le haut, comme certains missiles antichars tels le Javelin, mais également les munitions vagabondes et les obus d’artillerie. Or, ces munitions représentent, à l’étude des photos de destruction des blindés russes en Ukraine, presque la moitié des blindés détruits par les forces ukrainiennes, en particulier pour ce qui concerne les VCI particulièrement vulnérables à ce type de frappe car moins blindés que les chars lourds. De fait, au delà des systèmes de protection active des blindés, et en particulier des systèmes Hard-Kill, il semble qu’il soit indispensable, en parallèle, d’assurer une protection contre ces menaces aux blindés déployés, L’US Army a qualifié cette menace sous l’acronyme C-RAM pour Cruise (missile de croisière), Rocket (Roquette d’artillerie) Artillery and Mortar, et développe des systèmes anti-aériens à courte portée basée sur des laser à haute énergie précisément pour les intercepter, le Guardian. Ce sujet spécifique fera l’objet d’un article dédié prochainement.

Raytheon Guardian Stryker USArmy Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Aux cotés des systèmes SHORAD, l’US Army prévoit de déployer ses Stryker Guardian équipés d’un laser à haute énergie en charge de la protection contre les drones, munitions vagabondes et à terme, C-RAM

Quoiqu’il en soit, les pertes catastrophiques enregistrées par les armées russes en Ukraine invitent à reconsidérer la vulnérabilité des blindés de première ligne dans le cadre d’un engagement de haute intensité moderne. Si des solutions existent, comme les systèmes Hard-Kill, et si d’autres sont en cours de developpement, comme le Guardian américain, force est de constater que la puissance blindée ne peut désormais plus être employée selon les mêmes doctrines que durant la guerre froide, tant du fait de l’évolution des armes antichars que de la vulnérabilité des lignes logistiques obligeant à plus de parcimonie quant à leur déploiement. En revanche, s’il peut apparaitre raisonnable de réduire une flotte de chars lourds et de VCI afin d’en accroitre les capacités défensives en les dotants de systèmes hard-kill et d’une couverture C-RAM, il semble désormais très hasardeux de parier sur un parc de blindés de première ligne simultanément réduit et dépourvu de ce type de systèmes de survivabilité, à l’analyse des enseignements des conflits en Ukraine et dans le Haut-Karabakh.

L’US Navy veut supprimer 5 escadrons d’avions de guerre électronique EA-18G Growler

Depuis le retrait des derniers EF-111A Raven de l’US Air Force en 1998, l’US Navy est la seule force aérienne américaine disposant d’une flotte de chasseurs tactiques dédiés à la guerre électronique et la suppression des défenses anti-aériennes adverses, initialement sur EA-6B Prowler, puis, à partir de 2011, sur EA-18G Growler, une version du F/A 18 F Super Hornet spécifiquement pour cette mission. Pour autant, les besoins du Pentagone pour ce type de mission n’ont pas disparu avec le retrait des EF-111A, et les F-16C/D équipés de missiles HARM ne suffisaient pas a assurer les missions d’escorte des forces aériennes en zone contestées. C’est la raison pour laquelle au delà des 9 escadrons embarqués à bord des porte-avions de l’US Navy, celle-ci constitua 5 escadrons dits « expéditionnaires » pour suppléer à ce manque, et opérer à partir de bases terrestres au profit de l’US Air Force et des forces aériennes alliées, notamment en Italie et au Japon.

Désormais, cependant, chaque dollar compte pour l’US navy afin de financer son évolution opérationnelle afin de faire face au défi chinois et, de toute évidence, celle-ci n’a plus l’intention d’assumer des missions qui ne relèvent pas stricto-sensu de ses attributions. C’est ainsi que dans les documents préparatoires au budget 2023 du Pentagone, il est demandé de mettre en sommeil les 5 escadrons expéditionnaires de guerre électronique, et de mettre les 25 EA-18G Growler qui les arment sous cocon d’ici 2025, ceci permettant de libérer plus de 1000 marins et officiers pour d’autres missions, ainsi que plus de 800 m$ sur les années à venir, soit la moitié du prix d’une frégate neuve de type Constellation. Rappelons à ce titre que le Congrès américain avait appelé, en juillet dernier, à ce que l’US Air Force se dote à nouveau en propre d’un appareil de guerre électronique et de suppression des défenses anti-aériennes adverses.

Growler Kosovo Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Depuis le retrait des EF-111A Raven de l’US Air Force, les seuls appareils dédiés à la guerre électronique et la suppression des défenses anti-aériennes (SEAD) américains ont été les EA-6B Prowler puis les EA-18G Growler de l’US Navy. Ici deux Growler au décollage de la base d’Aviron en Italie en 1999 lors de l’intervention de l’OTAN au Kosovo.

Cette proposition, qui doit encore être avalisée par la Maison Blanche et par le Congrès, ce qui est loin d’être acquis, montre toutefois un changement profond de posture de l’US Navy, déjà mis en avant avec la présentation du plan de construction navale jusqu’en 2045 il y a quelques jours. Il semble en effet que l’US Navy n’ai plus l’intention de tenter de « résoudre les problèmes » du Pentagone ou des parlementaires américains, en proposant des modèles complexes et onéreux à mettre en oeuvre. Face à un contrat opérationnel de plus en plus exigent, et des moyens qui, toute proportion gardée, restent limités au regard des ambitions affichées au Capitole, au Pentagone et à la Maison Blanche, l’Etat-Major de l’US Navy pose désormais des arbitrages clairs voire excessifs, de sorte à provoquer, on peut le penser, une prise de conscience au niveau politique quant aux moyens qui seront effectivement nécessaires pour répondre aux enjeux à venir.

Le message de l’US Navy porte également au delà de Washington DC, puisque les EA-18G de l’aéronavale américaine constituent aujourd’hui une des principales composantes en matière de suppression des défense et de guerre électronique pour les alliés des Etats-Unis, y compris dans le Pacifique et en Europe, en dehors de l’Australie qui s’est elle aussi dotée de cette capacité. En effet, en Europe, seuls les Tornado ECR allemands et italiens, pourtant obsolètes, sont aujourd’hui susceptibles de mener ce type de mission au profit des quelques 1800 chasseurs et chasseurs bombardiers de l’OTAN et de ses alliés sur le vieux continent, soit un ratio de 1 appareil de guerre électronique pour 100 avions de combat, là ou l’US Navy met en oeuvre un ratio de 1 pour 10 au sien de ses groupes aériens embarqués. Sachant que d’ici une dizaine d’années, seul un tiers des appareils déployés en Europe seront des avions dits de 5ème génération, soit le même ratio que celui à bord des porte-avions US, le besoin en terme d’avions de guerre électronique pour exploiter pleinement cette puissance aérienne s’élèverait à plus de 150 appareils, là ou seuls 15 Typhoon ECR ont été annoncés à ce jour par Berlin.

typhoon ECR 1 Actualités Défense | Aviation de chasse | Etats-Unis
Les Typhoon ECR vont prendre le relais des Tornado ECR au sein de la Luftwaffe.

De toute évidence, l’US Navy a choisi une posture particulièrement volontaire pour ne pas dire agressive concernant sa planification, tant pour rationaliser ses dépenses et investissements vis-à-vis de son propre contrat opérationnel, que pour susciter certaines prises de conscience au sein de la classe politique américaine comme de ses alliés. Ce choix n’est pas sans rappeler celui fait, il y a deux ans, par le général Berger lorsqu’il prit les reines de l’US Marines Corps, et qui, lui aussi, procéda à certains arbitrages radicaux de sorte à recoller à la mission du Corps, et cesser de disperser les crédits disponibles pour des missions n’appartenant pas à ce périmètre. Dans ce domaine, le retrait des LCS de la classe Fredoom et des croiseurs Ticonderoga, ne sont pas sans rappeler la suppression des régiments de chars lourds et d’une majorité des bataillons d’artillerie de l’US Marines Corps annoncée par le général Berger.

Reste à voir, désormais, comment ce changement de posture sera perçu au Capitole, que l’on sait traditionnellement conservateur en matière de défense, d’autant que les Sénateurs et Représentants américains prennent en considération d’autres facteurs que les besoins opérationnels de leurs militaires dans leurs propres arbitrages. En revanche, pour l’Europe, il va devenir urgent de doter les forces aériennes de leurs propres moyens de guerre électronique et de suppression des défenses anti-aériennes adverses, de sorte à conserver l’avantage procuré par la supériorité numérique et technologique de ses forces sur leurs adversaires potentiels. Outre le besoin mis en évidence par la Guerre Aérienne au dessus de l’Ukraine, et contrairement aux prises de position de l’Hotel de Brienne, le developpement simultané d’une version ECR du Typhoon et de pods de brouillage électronique pour le Gripen Suédois, ouvrent des opportunités de convergence et de synergie importantes sur le vieux continent de sorte à se doter de telles capacités à moindre frais et à court terme, y compris pour les forces aériennes et aéronavales françaises.

L’Allemagne choisit l’hélicoptère lourd CH-47F Chinook pour remplacer ses CH-53G

Après plus d’une année d’hésitations, Berlin a finalement rendu son arbitrage concernant le remplacement de ses hélicoptères de transport lourds CH-53G. Selon la presse allemande, la Ministre de La Défense allemande Christine Lambrecht aurait en effet choisi le modèle proposé par Boeing, le CH-47F Chinook, en lieu et place du CH-53K, pour équiper la Bundeswehr.

Le principal argument en faveur de l’appareil de Boeing est évidemment son prix à l’achat, mais également à la maintenance, Berlin prévoyant d’acquérir 60 appareils pour 5 Md€, alors qu’il n’aurait été possible d’acquérir que 40 CH-53K pour le même montant. En outre, le Chinook est déjà employé par de nombreuses forces aériennes européennes, offrant des synergies possibles en matière de maintenance et de formation pour les armées allemandes.

Enfin, bien que cela ne soit pas évoqué, on peut également penser que l’acquisition de 60 CH-47K construits par Boeing permettra d’aplanir les relations avec le constructeur aéronautique américain après l’annulation de la volonté de commander 45 avions de combat Super Hornet et Growler, pour se tourner vers le F-35A et le Typhoon. À l’instar de l’acquisition des Lightning II et des Typhoon de guerre électronique, les nouveaux hélicoptères de la Bundeswehr seront financés sur le fonds d’équipement de 100 Md€ présenté par le Chancelier Olaf Scholz au lendemain du début de l’offensive russe en Ukraine.

Les CH-47F Chinook allemands remplaceront les CH-53G de la Bundeswehr
Les premiers Ch-53G allemands sont entrés en service au début des années 70, et la flotte peine désormais à maintenir des disponibilités satisfaisantes, alors que les couts de maintenance ont, eux, explosé ces dernières années.

Avec un fuselage long de 16 mètres pour 3,78 m de large, le CH-47F est plus petit que le CH-53K (longueur 22,29 m) et également plus léger, avec une masse à vide de 11 tonnes et une masse max au décollage de 22 tonnes, contre 33 tonnes pour le CH-53K. Les deux appareils ont une vitesse de croisière sensiblement similaire de 170 nœuds et un rayon d’action de 750 km, mais le plafond du Chinook surpasse de beaucoup celui du CH-53K, dépassant les 6000 m d’altitude là où le Super Stallion plafonne à 4500 m.

Si le Ch-53K a une capacité d’emport sous élingue supérieure à celle du CH-47F, la capacité d’emport de personnels est sensiblement la même, de l’ordre de 30 soldats en arme pour les deux appareils. Enfin, les deux hélicoptères peuvent être ravitaillés en vol, une caractéristique indispensable pour les opérations à longue distance modernes.

Reste que la décision de Berlin en faveur de l’appareil américain laisse un arrière-gout d’occasion manquée en Europe. En effet, il s’agissait d’une occasion unique pour que l’Allemagne et la France développent ensemble un hélicoptère super lourd européen, sachant que les Armées françaises, elles aussi, ont, à de nombreuses reprises, fait état d’un besoin dans ce domaine, notamment mis en évidence lors des opérations françaises dans la bande saharienne.

Ainsi, sur la base d’un besoin de 60 appareils pour la Bundeswehr, et de 40 hélicoptères lourds pour les armées françaises, l’enveloppe globale aurait probablement été suffisante pour s’engager dans un développement européen, pour peu qu’Airbus Hélicoptère ait été en mesure de proposer des solutions susceptibles de répondre dans les délais aux deux armées.

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Les forces françaises engagées dans le Sahel ont grandement apprécié l’aide des Ch-47 britanniques et néerlandais pour leurs deplacement sur ce théâtre grand comme l’Europe.

Il est vrai que l’exemple des programmes en coopération actuel, comme SCAF et MGCS, tend à montrer que la coopération européenne de Défense, y compris dans une approche bi ou tri-nationale, n’est pas des plus adaptées lorsque le délai est un enjeu important.

Reste cependant que la commande allemande envers Boeing pourrait constituer une opportunité pour les armées françaises afin de combler un besoin identifié de longue date, de sorte à obtenir des synergies comparables à celles développées dans le cadre de la flotte d’avions de transport C-130J français et allemands mis en œuvre au sein d’une unique escadrille basée sur la base aérienne d’Evreux.

Alors que l’élection présidentielle est désormais passée, et que la coopération franco-allemande en matière de défense est, en quelque sorte, sécurisée, il pourrait être pertinent pour le Ministère des Armées français d’étudier un tel modèle pour palier un besoin capacitaire évident.