lundi, décembre 8, 2025
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Le Japon veut des « options » face aux nouvelles capacités balistiques nord-coréennes

Jusqu’il y a peu, Tokyo s’appuyait pleinement sur son bouclier anti-missile, et notamment sur ses 8 destroyers lourds AEGIS des classes Kongo, Atago et Maya, pour neutraliser la menace balistique venant de Corée du Nord. Mais les performances démontrées ces derniers mois de la technologie de Pyongyang, qu’il s’agisse de missiles à trajectoire semi-balistiques capables d’évoluer sous le plancher des systèmes anti-balistiques, ou des nouveaux systèmes dotés de planeurs hypersoniques, ont largement mis à mal ces certitudes, au point d’amener les autorités nippones à considérer des options qui jusqu’ici n’étaient pas même imaginées. Le 23 octobre, à la suite du dernier essai de missile tactique SLBM par Pyongyang, le premier ministre japonais, Fumio Kishida, a déclaré publiquement que désormais, Tokyo allait envisager toutes les options pour neutraliser cette menace.

Parmi les options citées, outre l’amélioration des capacités du bouclier anti-missile nippon, figure pour la première fois l’hypothèse de se doter de capacités de première frappe, comme des missiles balistiques ou de croisière hypersoniques de moyenne portée, capables de frapper les sites de lancement nord-coréens avant que ceux-ci puissent mettre en oeuvre leurs propres armements. Il s’agirait, en fait, d’une doctrine calquée sur celle mise ne oeuvre en Corée du Sud, raison pour laquelle Séoul développe à bride abattue, ses propres systèmes balistiques, qu’ils soient terrestres ou navals. Reste que la mise en oeuvre d’une telle capacité constituerait un profond changement de doctrine pour les forces d’autodéfense japonaises, qui jusqu’ici s’interdisait de disposer d’armes de « première frappe » et de capacités de projection de puissance.

Maya destroyer lancement Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Les capacités du bouclier anti-missile nippon reposent principalement sur les 8 destroyers lourds AEGIS des classes Kongo, Atago et Maya mis en oeuvre par les Forces Navales d’auto-défense du Japon

Mais il semble que l’augmentation des tensions et des menaces venues de Corée du Nord, mais également de Chine et même de Russie, aient fini par convaincre les autorités nippones de devoir revenir sur leurs paradigmes post-deuxième guerre mondiale. A ce titre, le Parti libéral démocrate du premier ministre Fumio Kishida a intégré, dans l’optique des élections législatives à venir, l’augmentation de l’effort de défense nippon de 1% aujourd’hui, à 2% sur la mandature, soit 100 Md$ en 2030, faisant du Japon la troisième puissance militaire en terme de budget à ce moment. Eu égard à la très faible natalité du pays (1,38 enfant par femme) et à sa démographie, même si le budget venait à croitre à ce niveau, il est très peu probable que les effectifs des forces d’autodéfense dépassent le niveau actuel de 250.000 hommes. Dans ce contexte, l »augmentation des capacités balistiques et de riposte, très onéreuses mais peu gourmandes en ressources humaines, prend naturellement tout son sens.

Nexter négocierait un très important contrat avec l’Arabie saoudite

Ces dernières années, les industries de défense françaises n’ont pas été très heureuses dans leurs tentatives d’exportation auprés de Riyad, le royaume saoudien s’étant le plus souvent tourné vers d’autres partenaires européens ou vers l’allié américain pour ses contrats d’armement. Mais selon les réseaux sociaux saoudiens, il semblerait que cette période de vache maigre, soit sur le point de prendre fin. En effet, le groupe Nexter, spécialiste français des armements terrestres et des véhicules blindés, négocierait une très importante commande avec les autorités saoudiennes en ce moment même.

Selon les informations ayant filtré dans le royaume, Riyad aurait demandé à Nexter une proposition portant sur 118 obusiers légers de 105 mm 105LG, 153 blindés TITUS, et surtout 147 système d’artillerie mobile de 155mm CAESAR et 112 CAESAR en version lourde et blindée 8×8, version déjà commandée par le Danemark et la République Tchèque. Il n’est pas précisé si tous les équipements sont susceptibles d’être commandés, ou s’il s’agit d’une demande comparative entre les systèmes 105LG+TITUS, CAESAR et CAESAR 8×8. Quoiqu’il en soit, le simple fait que cette négociation existe constitue une très bonne nouvelle pour l’industriel français qui, il y a un an, voyait le Qatar abandonner les négociations pour l’acquisition de VBCI 2 pour se tourner vers le Boxer allemand.

Le Titus de Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Le Titus de Nexter peine jusqu’à présent à s’exporter, seuls la République Tchèque ayant commandé 62 véhicules en 2017 et l’Arabie saoudite pour tracter des obusiers de 105mm 105LG en 2016

Une chose est certaine, le CAESAR, et sa version lourde CAESAR 8×8, continuent d’attirer des utilisateurs potentiels. l’Arabie saoudite avait été le premier client export de ce système aussi mobile que précis, avec deux commandes de 76 exemplaires en 2006, puis de 52 unités ultérieurement. Outre la France et l’Arabie Saoudite, 6 autres pays ont déjà commandé le Camion Equipé d’un Système d’ARtillerie, la Thaïlande en 2006, l’Indonésie en 2012, le Liban en 2014, le Danemark en 2017 et 2020, le Maroc et la Republique Tchèque en 2020. Il s’agit, à ce jour, incontestablement du système d’artillerie de ce type le plus efficace et le plus exporté du moment, notamment face à l’Archer britannique ou le Brutus américain. On ne peut qu’espérer que les ONG et médias traditionnellement hostiles à l’exportation d’armes françaises vers Riyad, ce qui n’a pour seul effet que d’affaiblir l’industrie de défense et le poids diplomatique de la France dans le Royaume, seront plus discrètes qu’à l’accoutumée.

Les Armées chinoises expérimentent des armes conçues pour détruire les ports

Afin de contrer la montée en puissance des armées chinoises, le Pentagone a pris le partie de s’appuyer sur des unités plus petites, plus mobiles et mieux interconnectées via la désormais bien connue doctrine Joint All-Domain Command et Control, ou JADC2. Cette doctrine permet notamment de réduire les risques de frappes massives contre de grands rassemblements de forces, tout en conservant une très importante capacité de concentration de feu et de coordination des forces. Mais celle-ci souffre d’une faiblesse, une logistique bien plus éclatée, et donc lourde et complexe. Ainsi, sur un théâtre comme le Pacifique Occidental, chacun des détachements US ayant pris position sur une des milliers d’iles qui peuplent cette zone, devra être en mesure de recevoir des munitions, des vivres et des équipements, le plus efficace étant de s’appuyer sur le réseau de nombreux ports civils déjà présents.

C’est précisément pour contrer cette stratégie que l’Armée Populaire de Libération a expérimenté, selon le site anglophone du Parti Communiste Chinois, des armes sous-marines spécialement conçues pour détruire les infrastructures portuaires comme les quais de chargement. Le but de ces essais était de récolter les données liées à l’utilisation de ces armes, dont al nature exacte n’a pas été révélée, de sorte à pouvoir en optimiser la puissance et position pour obtenir le résultat souhaiter, comme la destruction d’un quai en eau profonde par exemple, et ainsi handicaper la chaine logistique US. « Si nous employons des méthodes discrètes, comme des explosions sous-marines, nous pourrons détruire le potentiel militaire de notre adversaire », selon le capitaine Zhao Pengduo, commandant adjoint du Programme de Test de la Démolition Navale des Ports, selon l’interview diffusée par la Chine CCTV 7.

HSU 001 UUV Drone China Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Pékin a dévoilé le drone sous-marin HSU001 lors de la parade de 2019 – Le drone semble pour l’heure conçu pour les opérations de renseignement.

L’utilisation d’une explosion sous-marine pour détruire des infrastructures navales et sous-marines n’a rien d’innovant. En revanche, la diffusion d’un reportage publique sur de tels essais laisse supposer que Pékin pourrait disposer de systèmes susceptibles de pouvoir infiltrer les ports de la ceinture pacifique, pour y déposer d’importantes charges explosives et les détruire. On pense naturellement aux drones sous-marins comme le comme le HSU-001 déjà en service depuis au moins 2 ans pour mener ces missions de sabotage. En communiquant sur la finalité plutôt que sur le moyen, Pékin fait ainsi peser une menace diffuse mais perceptible sur l’ensemble des infrastructures portuaires de la zone, un moyen supplémentaire de faire pression sur ses voisins, et leurs alliés, dans ce qui pourrait apparaitre comme une nouvelle extension de la notion de déni d’accès.

Comment la Marine chinoise a-t-elle surpris le monde ?

par Noam Hakoune

Dans un précédent article, nous avons mis en lumière les contraintes géographiques qui pèsent sur le développement naval et maritime de la Chine. De cette analyse, il résultait que la Chine était dans une situation complexe et à certains égards problématique. Mais la géopolitique est autant une affaire de géographie que de matériel. Et sur ce dernier point, force est de constater que la Chine surprend et semble se plaire à défrayer les chroniques des analyses occidentales. 

Le primat de la surprise au centre de la culture stratégique chinoise

Dans un discours de décembre 1990, alors que la Chine a amorcé son retour dans l’ordre libéral international, Deng Xiaoping formulait la ligne de conduite de sa politique diplomatique, et l’axiome que ses prédécesseurs suivraient avec succès. Il suggérait : “faire profil bas et attendre son heure”.[1] Deng Xiaoping ne mentionnait jamais aucune volonté d’hégémonie et avisait ses successeurs de faire de même, arguant qu’il ne fallait pas imiter la diplomatie soviétique, alors dans ses dernières heures. Ce goût pour la surprise, directement puisé dans l’Art de la guerre de Sun-Tzu, irrigue depuis toute la pensée stratégique chinoise et les successeurs de Deng ont sagement suivi ses conseils. 

Deng xioping Takeo fukuda 1978 Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Le relation avec l’occident de la Chine étaient à l’image de cette célèbre accolade entre Deng et le premier ministre Fukushima en 1978

Les intenses relations commerciales dans l’industrie de défense entre les Etats-Unis et la Chine ont largement profité à la Chine, qui put monter en compétence dans le domaine dans la seconde moitié des années 1980.[2] Le choc provoqué par l’écrasement des manifestations place Tian An Men freina abruptement ces relations. Mais toute la décennie 1980 a été caractérisée par de nombreux transferts de technologie. A titre d’exemple, d’importants accords ont été signés en 1987 avec l’installation d’une usine d’artillerie de gros calibre, la modernisation de l’avionique des chasseurs F-8 interceptor et la vente de torpilles Mark 46.[3] Ces ventes ont été réalisées lorsque Deng dirigeait le Parti Communiste Chinois, ce qui laisse croire que sa célèbre citation n’était pas moins un conseil qu’un bilan.

Il quitta le pouvoir en 1992, mais demeura une figure de référence pour les stratèges chinois. Si certains se posent la question de savoir quand arrivera “l’heure” à laquelle la Chine cessera de faire profil bas, la multiplication des exercices militaires et le perfectionnement de l’appareil militaire chinois ne trompent pas : l’heure est bel et bien dépassée. 

Le tournant manqué des années 1990 : biais de confirmation et suppression des voix dissidentes

Au sortir de la guerre froide et de la guerre du Golfe, les démocraties libérales pensaient posséder la domination militaire complète, autant dans le domaine de la supériorité aérienne que dans celle de leurs flottes. Le coup de force entre les marines américaine et chinoise au moment des élections taïwanaises de 1996, suivi par le recul de la flotte chinoise, conforta le sentiment des américains. Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, trois navires chinois sont venus amicalement aborder les côtes américaines en 1997. Le réchauffement des relations semblait à l’ordre du jour. 

Burke destroyers Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
A là sortie de la Guerre Froide, les occidentaux, Etats-Unis en tête, étaient persuadés d’avoir une suprématie aérienne et navale absolue et inébranlable. A peine 20 ans plus tard, cette certitude est largement erronée par la nouvelle puissance militaire chinoise

Cet évènement souleva des inquiétudes chez certains spécialistes américains et notamment Richard Berstein et Ross H. Monroe. Respectivement journaliste et universitaire, ils publièrent en 1997 the coming conflict with China, précédant de 20 ans l’ouvrage de Graham Allison. La manière dont cet ouvrage a été reçu par une partie de la diplomatie américaine est ici particulièrement intéressante. La très influente revue Foreign Policy décrivait le livre comme “ pessimiste”, “négligeant les intérêts communs qu’auraient les États-Unis à maintenir la paix dans la région”.[4] Similairement, The National Interest insista sur les failles en termes de raisonnement économique de l’ouvrage. 

Pire encore, Ross H. Monroe perdit son poste de directeur du programme Asie de l’Institut de Recherche en politique étrangère de Philadelphie. Pour se défendre, il arguait que Alexander Haig, secrétaire d’Etat et influente voix dans la conception politique étasunienne, était responsable de son éviction.[5] Berstein, second auteur de l’ouvrage, suspectait même Alexander Haig de collusion avec des milieux industriels favorables à la Chine, et désireux de maintenir la bonne réputation de la Chine.[6]

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Publié en 1997, The Coming Conflict with China de Richard Berstein et Ross H. Monroe fut ignoré et même décrédibilisé par une partie de l’establishment américain.

L’accueil réservé à l’ouvrage relève parfaitement d’un biais de confirmation de la part des élites américaines. Haig et l’intelligentsia étasunienne se sont obstinés à voir la Chine comme un simple acteur économique. Or, il est rare qu’une puissance économique, qui plus est, ancien empire multimillénaire, reste bornée à des considérations de croissance et de niveau de vie. Il y eut donc aux États-Unis et en Occident plus généralement un manque de prospective quant aux possibilités géopolitiques que la croissance économique chinoise offrait au Parti Communiste Chinois. En 2001, quatre ans plus tard, la Chine intégrait l’OMC, raflant toujours plus de marchés, et bâtissant toujours plus le formidable arsenal dont elle dispose aujourd’hui. Les voies dissidentes, à l’instar de Monroe, furent mises au placard et l’on décidait d’écouter ce qui allait dans le sens d’un apaisement avec la Chine, au détriment d’une analyse objective des faits. 

Le culte du secret comme élément clé de la surprise stratégique 

Le rapport d’août 2021 sur la modernisation de la flotte chinoise précise qu’il n’y a que peu ou pas de chiffres disponibles sur le développement quantitatif et qualitatif de l’appareil militaire chinois. 11 ans plus tôt, le Pentagone alertait pourtant sur le cruel manque de transparence des chinois. [7] Toujours aujourd’hui, sur des éléments aussi significatifs que le budget de la défense, le SIPRI estime que les chiffres officiels du gouvernement chinois sont inférieurs aux dépenses effectives. Le think-tank évalue le budget chinois pour l’année 2020 à 252 milliards de dollars, tandis que les chinois annonçaient un budget de 183 milliards.[8]

Chinese Shipyard Launches 1st Type 054 AP Frigate for Pakistan Navy 1 Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Les 1200 chantiers navals chinois sont tous potentiellement mobilisables pour soutenir l’effort de défense du pays. Même sans cela, Pékin produit déjà chaque année 3 fois plus de croiseurs, destroyers et frégates que les Etats-Unis, le Japon, la Corée du sud et l’Australie réunis.

Ce culte de l’opacité est un élément déterminant dans l’analyse du développement naval chinois. Si les marines européennes et américaines sont promptes à exprimer leurs failles, retards, lacunes, dans le cadre des mécanismes de la vie démocratique et médiatique, ce n’est pas le cas en Chine. Ce voile sur une grande partie des activités de développement naval confère un avantage stratégique aux analystes chinois, qui eux n’ont guère besoin de chercher l’information, mais n’ont plus qu’à ajuster correctement le flux d’information de leurs adversaires démocratiques. 

Tout laisse à croire que les autorités américaines et européennes ont été surprises de l’envolée militaire chinoise, se trouvant dans une posture de réaction aux avancées chinoises. Jusqu’à aujourd’hui, les éléments de langage restent les mêmes et les autorités politiques et militaires occidentales restent persuadés que les chinois doivent “rattraper” les occidentaux, américains en tête. [9] D’ailleurs, le nom donné à l’évaluation annuelle menée par le Congrès américain sur la marine chinoise est lourd de sens : “Chinese Naval Modernization”. L’élite politique américaine semble continuer de croire que la marine chinoise est en voie de modernisation. Un changement de paradigme est convenablement indispensable pour pouvoir convenablement modifier notre posture à l’égard du rival chinois. Les récents propos de l’Amiral Vandier, Chef d’Etat Major de la Marine, confirment bien que l’effet de surprise n’est pas uniquement l’apanage des américains. En juillet 2021, il déclarait lucidement : “le niveau de la marine chinoise est au-delà de ce que nous imaginions”. [10]

Type 003 carrier Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Le nouveau modèle de porte-avions chinois Type 003 permettra à Pékin de disposer d’une capacité aéronavale avancée et globale.

Sur un plan technique et industriel, la construction de navires chinois est paradoxalement davantage libéralisée qu’aux Etats-Unis ou en Europe. Dit autrement, les 1200 chantiers navals chinois peuvent être potentiellement utilisés pour participer à la construction (ou la modernisation) de la flotte de guerre chinoise. La fusion des acteurs privés et publics est d’ailleurs une des priorités de Xi Jinping. Il est donc difficile de suivre tous les développements industriels et technologiques de la marine chinoise. Très concrètement, entre le 24 mai et le 2 juin 2020, les composants préfabriqués de la coque du porte-avions Type 003 ont été déplacés vers une cale sèche située à l’ouest de Jiangnan pour y être assemblés. Les images satellite du 20 mai révèlent que quelques jours auparavant, la même cale sèche était utilisée pour construire l’un des porte-conteneurs à propulsion GNL commandés par la société française CMA CGM.[11]

Additionné aux biais de confirmation des décideurs politiques et militaires occidentaux, ce culte du secret, couplé à une industrie de masse plus que performante ne pouvait que contribuer à surprendre le monde entier. 

L’exemple symptomatique : le développement de la flotte de sous-marins chinois

Le sous-marin nucléaire de première ligne de la marine chinoise, la classe Shang, est généralement considéré comme ayant un niveau de discrétion similaire à celui du Victor III soviétique. Ce modèle a pourtant pris la mer pour la première fois à la fin des années 1970. Ce point n’est pas négligeable. En effet, le Victor III était le principal sous-marin que les Soviétiques ont déployé avant de réaliser des percées technologiques dans le domaine de l’acoustique, qui ont conduit au sous-marin nucléaire super silencieux Akula, entré en service au milieu des années 1980. L’Akula a été le premier sous-marin soviétique (puis russe) à ne pas pouvoir être détecté par la chaîne de microphones sous-marins des États-Unis, mieux connue sous le nom de Système de surveillance sonore, ou SOSUS.13 Les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de classe Jin souffriraient également d’un faible niveau de discrétion, supposément dues aux larges compartiments à missiles à l’arrière du sous-marin.14 Or, les Etats-Unis ont récemment déployé un SOSUS dans la région, entravant les capacités de manœuvre de submersibles chinois.15

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Le Sous-Marin Nucléaire Lanceur d’Engins Type 08IV Changzheng 18 lors de son admission au service actif aux cotés du porte-hélicoptères Type 075 Hainan et du destroyer lourd Type 055 Dalia le 23 avril 2021

En revanche, l’arrivée prochaine du type 095 risque de changer la donne. Tout laisse à croire que le savoir-faire accumulé des chinois leur permettra de réduire drastiquement le niveau sonore de leurs sous-marins.17 Certaines sources estiment qu’il rivalisera avec les sous-marins américains de classe Virginia.18 La longueur d’avance des occidentaux et russes en la matière sera probablement très vite de l’histoire ancienne. En outre, rappelons que la Chine dispose d’une flotte de submersibles extrêmement importante, puisqu’elle est composée de presque 60 submersibles, qu’ils soient nucléaires ou conventionnels.19 Astucieusement placés, ces sous-marins peuvent être aussi redoutables que discrets et leur nombre important garantit à la Chine une indéniable maîtrise de ce qui passe sous les mers.  

Dans le domaine spécifique des sous-marins, la Chine peut indéniablement surprendre les occidentaux, et ne manque d’ailleurs pas de le faire. Par exemple, en octobre 2019, la marine chinoise présentait un sous-marin mystère, sans qu’aucune information préalable à la présentation de ce submersible. C’est probablement le seul pays au monde capable de construire un sous-marin de taille normale sans qu’aucun détail ne soit divulgué.[12] La Chine peut aussi moderniser sa flotte de sous-marins conventionnels, offrant au monde entier encore plus d’occasions de subir la surprise stratégique et de réagir au lieu d’agir. 


[1]https://thediplomat.com/2017/10/xi-jinping-thought-vs-deng-xiaoping-theory/

[2] Chinese Arm Sales and US – CHina military relations – ASIAN SURVEY june 1989

[3] Chinese Arm Sales and US – CHina military relations – ASIAN SURVEY june 1989

[4] https://www.foreignaffairs.com/reviews/capsule-review/1997-05-01/coming-conflict-china

[5] https://archive.org/details/the-weekly-standard-1997-03-31/page/n3/mode/2up?q=%22Munro%22

[6] http://www.booknotes.org/Watch/80193-1/Richard-Bernstein

[7] https://www.reuters.com/article/us-usa-china-pentagon-idUSTRE52O5PX20090325

[8] https://chinapower.csis.org/military-spending/

[9]https://www.theguardian.com/world/2021/sep/21/xis-army-from-hiding-and-biding-to-building-chinas-dream

[10]http://www.opex360.com/2021/07/24/amiral-vandier-le-niveau-de-la-marine-chinoise-est-au-dela-de-ce-que-nous-imaginions/

[11] https://www.csis.org/analysis/chinas-opaque-shipyards-should-raise-red-flags-foreign-companies

[12]https://www.forbes.com/sites/hisutton/2019/10/09/china-navy-new-mystery-submarine/?sh=4287c17f55ac

Les pilotes et navigateurs de la chasse américaine seraient plus exposés aux risques de Cancer

Piloter un avion de combat est incontestablement un « métier à risque ». Mais si tous les pilotes acceptent de devoir mettre leur vie en jeu lors de mission de combat, ainsi que l’inévitable part de risque d’accidents, bien peu savent que cette profession les expose à un risque accrue de developper certains cancers, comme le cancer de la prostate, des testicules ou un mélanome. C’est ce qui ressort d’une étude menée aux Etats-Unis sur l’ensemble des personnels pilotes et navigateurs ayant effectués plus de 100 heures de vol sur avion d’arme entre 1970 et 2004 par le 711ème escadron des performances humaines du Air Force Research Laboratory, et dont les conclusions sont incontestablement problématiques.

En effet, sur cette période, les 34,679 personnels navigants répondant aux critères ci-dessus ont eu 29% de chances supplémentaires de developper un cancer des testicules, 24% de developper un mélanome et 23% de chances, ou plutôt de malchance, supplémentaires de developer un cancer de la prostate que les 411,998 officiers de l’US Air Force ayant servi durant cette même période, et n’appartenant à cette catégorie. Les risques sont mêmes plus élevés que la moyenne de la population pour ces 3 types de Cancer, alors même que le personnels navigants ont, en règle général, un bien meilleure hygiène de vie que l’américain moyen. Cette étude appelle désormais à une étude causale, pour déterminer les raisons de cette sur-exposition à certains types de cancer (et pas à d’autres comme el cancer du cerveau par exemple), comme peuvent l’être par exemple la sur-exposition aux ultra-violets à haute altitude, ou aux rayonnements électromagnétiques produits par les systèmes de bord, comme le radar, les radios ou les systèmes de brouillage.

Radar F 16 APG83 Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Les avions de combat modernes emportent des radar, systèmes de communication et de brouillage très puissants, l’équipage évoluant de fait dans bain électromagnétique intense pouvant avoir des répercussions à terme sur leur santé.

Parallèlement, La Defense Health Agency mène depuis un an, sous l’égide du Congrès, une étude similaire mais étendue à l’ensemble des armées américaines, ainsi que des spécialités relatives à la mise en oeuvre des avions, y compris les avions de transport et les personnels de maintenance. Des études préalables montrèrent notamment l’apparition de certains clusters de cancer pour les personnels servant à bord de F-15E Strike Eagle, mais également de C-130 Hercule. L’étude du 711th Wing, quant à elle, montra une surreprésentation des cancers de la prostate, de la peau, du cerveau, du colon et du rectum chez les pilotes de F-100 Super Sabre, le premier chasseur supersonique de l’USAF. Les premiers résultats de cette étude élargie sont attendus pour la fin de l’année 2021, notamment par les associations de personnels navigants des 4 corps des Armées américaines, à l’origine des alertes et pressions sur les parlementaires américaines pour qu’elle soit menée.

Il faut dire que de telles affirmations tombent très mal pour les armées américaines, et par transitivité pour l’ensemble des armées du bloc occidental, qui toutes peinent à recruter leurs personnels, surtout ceux ayant le profil requis pour mettre en oeuvre leurs aéronefs. Non pas que le sujet soit particulièrement ignoré des navigants eux-mêmes, qui depuis longtemps avaient déjà remarqué, par exemple, qu’ils avaient beaucoup plus de chance d’avoir des filles de des garçons. Mais dans un contexte de tension en matière de recrutement et de ressources humaines, une telle mise en cause pourrait naturellement décourager une partie des candidats, voire même amener certains navigants à écourter leurs propres carrières. Une telle mise en cause amènerait également les armées à devoir considérer certains types de cancer comme un risque professionnel, même au delà de la période de service, ce qui pourrait nécessiter d’étendre certaines lignes budgétaires à l’avenir.

F35 Pilot Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Si l’étude de l’US Air Force met en avant des risques de cancer de la prostate ou des testicules, c’est très probablement parce qu’entre 1970 et 2004, le nombre de femmes pilotes de chasse ou NOSA était trop bas pour avoir une quelconque représentativité statistique. Il est malheureusement probable que, dans le futur, les femmes exerçant ces métiers soient elles aussi exposées à des risques accrues.

Car il ne fait aucun doute que l’étude menée par le 711ème escadron de l’US Air Force, comme celle en cours auprés de la DHA, auront des répercussions bien au delà des Etats-Unis, notamment en Europe, ou le problème du risque professionnel indirect est souvent ignoré des commissions en charge d’étudier ce type de dossiers. Sur la base des conclusions de ces études outre-atlantiques, Il pourrait d’ailleurs être pertinent de mener une étude similaire en Europe et non pas par pays, afin de disposer d’une base statistique plus étendue et donc incontestable, ne serait-ce que pour rendre justice et assister les anciens personnels navigants faisant face à cette maladie, mais également pour mettre en oeuvre des parades efficaces afin de protéger les équipages d’aujourd’hui pour ne pas être les malades de demain.

Pékin et Moscou durcissent le ton dans le Pacifique avec une démonstration de force navale autour du Japon

Ces derniers mois, les Etats-Unis, et leurs alliés, ont multiplié les exercices navals de grande ampleur dans le Pacifique, parfois à proximité de la Mer de Chine ou de Taïwan, ce qui à plusieurs reprises provoqua la colère de Pékin. Jusqu’à présent, les réponses navales chinoises furent limitées au déploiement de petites flottilles composées le plus souvent d’un destroyer Type 052D et d’une frégate de lutte anti-sous-marine Type 054A, accompagnés d’un navire de ravitaillement. Dès lors, l’exercice massif rassemblant 5 navires chinois, dont un croiseur Type 055, et 5 navires russes, dont deux destroyers anti-sous-marins de la classe Udaloy, autour du Japon ces derniers jours, sonne comme une nouvelle étape dans l’escalade des tensions dans cette zone déjà très tendue.

Le 18 octobre, une flotte composée du croiseur Type 055 Nanchang, du destroyer Type 052D Kunming, des frégates anti-sous-marines Type 054A Binzhou et Liuzhou, et du navire de ravitaillement Dongpinghu Type 903A, fit jonction avec une flotte russe composée des destroyers anti-sous-marins de classe Udaloy Admiral Panteleev et Admiral Tributs, de deux frégates project 20380 Steregushiy Hero de la Fédération de Russie Aldar Tsydenzhapov and Gromkiy et du navire de renseignement Marshal Krylov de la classe Marshal Nedelin, pour franchir la passe de Tsugaru et contourner par l’est l’archipel nippon en faisant route vers le sud-ouest.

Type 055 Nanchang Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Le croiseur Type 055 Nanchang participa pour la première fois à un exercice international au sein de la flotte sino-russe qui contourna le Japon

C’est la première fois qu’un tel rassemblement de force navale sino-russe est observé, qui plus est à proximité des cotes japonaises, les forces nippones dépêchant plusieurs destroyers et des avions de patrouille maritime pour suivre la flotte le long de son parcours. C’est également la première fois que Pékin déploie un de ses nouveaux croiseurs Type 055, des navires de plus de 12.000 tonnes emportant plus d’une centaine de silos verticaux et disposant d’une puissance de feu comparable à celle des plus imposants navires occidentaux comme les destroyers Arleigh Burke américain ou Seijong the Great Sud-coréen, au sein d’un exercice multi-national. Le message porté par ce déploiement de force est dès lors parfaitement limpide, puisque si les Etats-Unis peuvent s’appuyer sur de puissants alliés dans le Pacifique, comme le Japon, la Corée du Sud et même l’Inde, Pékin et Moscou font désormais cause commune sur ce théâtre.

Il ne se passe d’ailleurs plus un jour, désormais, sans que des exercices, déploiements de forces, essais de nouveaux armements ou déclarations ne viennent envenimer les tensions entre la Chine, la Russie et le camps occidental dans le Pacifique occidental. Ainsi hiers, dans une interview donnée à la chaine d’information CNN, le président Biden a répété sa determination à protéger Taîpei en cas d’attaque venue du continent, ne laissant désormais plus guère d’espace de manoeuvre à la diplomatie américaine pour tenter de minimiser la portée de cette déclaration comme ce fut le cas il y a quelques semaines. Rappelons que pour Pékin, Taïwan est considéré comme une province sécessionniste appartenant de fait à la République Populaire de Chine, et que sa réintégration, y compris par la force si nécessaire, est considérée comme une affaire purement intérieure, à propos de laquelle aucun pays, y compris les Etats-unis, n’ont droit au chapitre. En outre, toute intervention militaire d’un pays tiers pour soutenir l’indépendantisme taïwanais est et sera considéré par Pékin comme une atteinte à sa propre intégrité territoriale, et donc comme un Casus Belli.

CNN Biden Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Le 21 octobre, le président Joe Biden réitéra sur CNN sa détermination à soutenir militairement Taïwan si celle-ci venait à être attaqué par Pékin

En quelques semaines, en effet, la situation est passée d’une tension palpable mais diffuse sur la base de positions floues des protagonistes, entre les revendications de Pékin au sujet de Taïwan mais dans un cadre qui se voulait pacifique, et les Etats-Unis qui simultanément reconnaissaient la notion de « Chine unique » héritée de la guerre froide et qui soutenaient les capacités défensives de Taïpei, à des positions tranchées, avec d’une part Pékin, prêt à rattacher militairement l’ile au continent, qui entraine ses armées à cette mission de manière quasi-quotidienne, et qui renforce son dispositif militaire à proximité de l’ile, et d’autre part les Etats-Unis de plus en plus clairs dans leur intention de protéger l’ile, et qui rassemblent autours d’eux une coalition élargie pour faire face à Pékin si nécessaire.

Dès lors, chacun désormais cherche à montrer sa puissance, et à rassembler ses éventuels alliés, notamment pour tenter de faire pression sur certains adversaires potentiels et les amener à prendre des postures neutres si le conflit devait débuter. Dans ce contexte, le déploiement de navires russes à proximité d’Hawaii ou d’une flottille chinoise à proximité des cotes d’Alaska, n’ont pour objet que de répondre aux déploiements américains en Mer de Chine et dans la Passe de Taïwan. En revanche, le déploiement de forces sino-russes autour de l’archipel nippon avait non seulement pour objet de démontrer la proximité et l’interopérabilité des deux forces navales russes et chinoises, et donc de complexifier l’équation stratégique dans le Pacifique pour les planificateurs occidentaux, mais également de faire pression sur Tokyo et sur l’opinion publique japonaise, de sorte à obtenir son retrait du dispositif américain destiné à soutenir la défense de Taïwan le cas échéant.

Malabar2021 Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
L’exercice Malabar 2021 rassembla des navires américains, australiens, japonais et indiens, dont 3 porte-aéronefs, dans le Golfe du Bengal pendant une semaine à compter du 11 octobre 2021

Comme le soulignait le commandement américain du théâtre pacifique il y a quelques mois, alors que la situation était pourtant moins intense qu’elle ne l’est aujourd’hui, il apparait désormais plus que probable que, dans un avenir relativement court, il était alors fait référence à 2027, une telle confrontation aura lieu, en l’absence d’une événement inattendu susceptible de rebattre les cartes en profondeur. Et si les Etats-Unis venaient effectivement à soutenir Taïpei militairement dans son effort pour empêcher une annexion militaire venue de Chine, les chances que cette crise régionale évolue en conflit majeur sont désormais importantes. Quant à l’implication possible de la Russie, mise en lumière par cet exercice conjoint, elle implique de fait pleinement les Européens dans ce théâtre, même s’il se situe aux antipodes de la planète. En tout état de cause, la situation sécuritaire internationale aujourd’hui, n’a probablement rien à envier à celle qui prévalait aux pires heures de la Guerre Froide, la seule différence étant que l’immense majorité des opinons publiques semble ne pas en avoir conscience.

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Au bord du gouffre, le turc BMC signe un partenariat avec la Corée du Sud pour motoriser le char Altay

Star incontesté du salon Eurosatory 2018, le char de combat lourd turc Atlay et son fabricant, BMC, ont connu depuis de nombreuses difficultés, suite aux sanctions européennes consécutives à l’intervention turque en Syrie, et aux provocations d’Ankara face à la Grèce en Méditerranée orientale. En effet, le programme phare de l’industrie de défense turque se trouvait, dès lors, privé de composants indispensables à sa réalisation, la transmission et le moteur turbo-diesel fournis par les allemands RENK et MTU, et l’acier composite servant au blindage du char de facture française. Depuis, la ligne d’assemblage du char mise en place par BMC était à l’arrêt, mettant l’entreprise au bord du dépôt de bilan, par manque de solution alternative.

Cette solution semble avoir été trouvée in-extremis à Séoul, puisque selon les autorités turques, un partenariat stratégique aurait été signé avec le ministre sud-coréen des programmes d’acquisition de Défense ou DAPA, Kang Eun-ho, pour fournir à Ankara les packs propulsifs nécessaires à la réalisation de la tranche T1 qui devait initialement intégrer des composants européens. L’Altay turc, déjà conçu avec l’aide de Seoul sur la base du K2 Black Panther, recevra donc le moteur diesel V12 Infracore DV27K de l’entreprise Doosan, et la transmission S&T Dynamics EST15K, identiques à ceux qui doivent équiper la tranche 3 de Black Panther. Il est probable qu’une solution similaire concernant l’alliage composite destiné au blindage de l’Altay ait été trouvé, ceci permettant à BMC d’entrevoir une porte de sortie pour relancer la production des Altay à destination des armées turques mais également du Qatar.

tank k2 chernaya pantera 07 Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
L’Altay bénéficiera du pack propulsif du char K2 Black Panther, bien qu’étant 10 tonnes plus lourd que ce dernier.

Selon les déclarations recueillies par le site Defenseturk.net, les ingénieurs sud-coréens ont du remplacer plusieurs composants des moteurs Doosan et de la transmission S&T Dynamics, afin de contourner l’embargo européen sur la Turquie, ceci expliquant probablement le délais entre l’annonce initiale du partenariat survenue en mars 2021, et sa signature. Mais cette annonce, s’il s’agit incontestablement d’une nouvelle inespérée par l’industriel et par R.T Erdogan très impliqué dans le programme, n’ira pas sans poser de sérieuses réserves quant à la fiabilité du char turc. Rappelons en effet que l’industrie sud-coréenne a, elle aussi, longtemps peiné pour tenter de developper un groupe propulsif indigène, obligeant la DAPA a s’appuyer sur une solution MTU/RENK pour le lot 1, et sur une solution mixte avec un moteur sud-coréen Doosan et une distribution allemande RENK pour le second lot. Seul le troisième lot est sensé recevoir une solution de facture locale.

En outre, l’Altay est considérablement plus lourd que le K2 Black Panther, 65 tonnes en configuration de combat, contre seulement 55 tonnes pour le char sud-coréen. Dès lors, le moteur Doosan et la distribution S&T Dynamics risquent de beaucoup souffrir de cette différence de masse, non seulement en limitant les performances tout-terrain du char avec un rapport puissance-poids de 23 cv par tonne pour l’Altay contre 27 cv par tonne pour le K2. Surtout, la transmission S&T Dynamics avait déjà montré d’importants problèmes de résistance lors des essais sur K2, et même si ces problèmes ont été réglés depuis semble-t-il, on peut raisonnablement s’interroger sur sa capacité à résister aux 10 tonnes supplémentaires de l’Altay dans la durée.

Altay Leopard2 Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Comme solution d’attente, BMC avait proposé de monter la tourelle de l’Altay sur un châssis de Leopard 2.

Reste que, pour l’heure, l’urgence pour BMC et pour le président Erdogan, est de remettre en fonction la ligne de production de l’Altay. En effet, le contrat pour la construction du char turc est sévèrement contesté à Ankara, dans la mesure ou l’entreprise en charge du developpement initial (depuis remplacée par BMC), Otokar, n’avait aucune experience dans la conception de véhicules blindés (étant spécialisé dans la conception d’autobus), et que le principal argument ayant pesé lors de l’attribution du marché, était les liens qui unissaient son CEO et le président turc. Rappelons que parallèlement, BMC Power développe un nouveau moteur BATU V12 de 1500 cv pour équiper le second lot de char Altay, ainsi qu’une nouvelle suspension hydropneumatique. Mais comme l’a montré l’exemple sud-coréen, ce type de technologie est particulièrement complexe à developper, surtout sans le soutien d’un pays très expérimenté comme peuvent l’être l’Allemagne, la France ou la Grande-Bretagne.

L’OTAN à l’offensive face à la Russie et aux aspirations européennes de défense

Après la débâcle américaine en Afghanistan de cet été, plusieurs dirigeants européens remirent au gout du jour la volonté de se doter, au sein de l’Union européenne, d’une capacité militaire opérationnelle d’intervention propre, complémentaire de l’Alliance Atlantique, lui permettant d’agir de manière indépendante des Etats-Unis si le besoin se faisait sentir. Pendant un temps, Washington et l’OTAN ne réagirent pas, ou très peu, face à cela, l’image de l’allié américain ayant été écornée. La crise franco-américaine au sujet des sous-marins australiens vint apporter de nouveaux arguments aux piliers d’une autonomie stratégique européenne, France en tête, les Etats-Unis ayant clairement fait la démonstration qu’ils suivaient un agenda propre, dans lequel les européens n’étaient pas considérés comme des partenaires et des alliés situés sur pied d’égalité avec Washington.

Pour autant, la riposte américaine était à l’oeuvre en coulisse, et ces premiers effets se sont faits ressentir ces derniers jours, en premier lieu par la voix de la ministre allemande de La Défense sur le départ, Annegret Kramp-Karrenbauer, déjà à la manoeuvre il y a juste un an pour fusiller les aspirations françaises d’Autonomie Stratégique dans un article publié sur le site Politico en marge des élections présidentielles américaines. La ministre, par ailleurs candidate privilégiée pour prendre la suite de Jens Stoltenberg au Secrétariat Général de l’Alliance Atlantique, a une nouvelle fois publié, dans ce même Politico, un vibrant plaidoyer en faveur d’une OTAN forte et d’un rapprochement accru des Européens envers les Etats-Unis.

Annegret Kramp Karrenbauer Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
La ministre allemande de La Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, est considérée comme la dauphine probable de Jens Stoltenberg comme Secrétaire Générale de l’Alliance Atlantique.

Selon elle, vouloir mener des opérations militaires entre Européens sans le soutien des Etats-Unis est incontestablement « la mauvaise direction à prendre« , et les Européens devraient davantage se demander comment renforcer l’Alliance, et leur participation à celle-ci, plutôt que de viser des ambitions qu’elle qualifiait déjà il y a un an de fantasme. Sans ironie, elle appelle d’ailleurs l’Allemagne a accroitre ses dépenses de défense pour atteindre le niveau de 2% de PIB exigé par l’OTAN en 2025, minimisant le fait que son propre gouvernement avait annoncé qu’il n’entendait pas atteindre cet objectif à cette date, notamment sous la houlette du très rigoureux ministre des finances Olaf Scholz prochain chancelier de la coalition SPD, Verts et FPD qui prendra la suite d’Angela Merkel en décembre. En outre, la ministre allemande a, de manière indirecte, condamné dans ce dernier article l’attitude de la France dans le dossier Australien, estimant qu’il s’agissait d’un contentieux purement commercial, et que Paris avait sur-réagi face à Washington.

La seconde offensive, plus insidieuse, est venue du sommet des ministres de la Défense qui s’est tenue hiers à Bruxelles, et qui donna lieu à un engagement d’une grande partie des membres de l’Alliance, ceci comprenant notamment l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne ou encore la Grèce, à accroitre les capacités défensives de l’OTAN face à la menace russe, en renforçant les capacités anti-missiles et anti-aériennes déployées. Le diable se logeant dans les détails, le communiquer publié par ces pays cite explicitement le renforcement de ces capacités grâce au système Patriot (cité en premier) et SAMP/T (l’Italie faisant partie des signataires), ainsi qu’en étendant le parc des avions de « 5ème génération » déployés en Europe, notamment pour renforcer l’efficacité de la dissuasion nucléaire de l’OTAN. Nul référence au système anti-balistique TWISTER développé par l’Union européenne dans le cadre du Pesco, qui pourtant devrait focaliser l’attention de l’Alliance pour contrer les armes hypersoniques, et nul référence à des avions de combat « modernes », tant on sait que pour Washington, les avions de 5ème génération se limitent au seul F-35.

endo atmospherirc missile twister Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Le programme européen Twister développe, dans le cadre du PESCO, un système anti-missiles destiné à intercepter les menaces présentes et à venir, notamment les missiles et planeurs hypersoniques.

On notera également l’association forte faite dans le communiqué, entre « avion de 5ème génération » et « dissuasion nucléaire ». Il s’agit, sans le moindre doute, de l’annonce d’une nouvelle action de lobbying et de pression venant de Washington vis-à-vis de Berlin, à l’occasion du changement de gouvernement, pour revenir sur le choix du F/A 18 Super Hornet et du EA-18G Growler pour assurer les missions de suppression des défenses adverses et surtout la participation allemande à la mission de dissuasion de l’OTAN, pour entrer dans le rang, comme les Pays-Bas, l’Italie et la Belgique avant elle, et choisir d’acquérir le F-35A. Rappelons que la décision allemande en faveur du Super Hornet et du Growler face au F-35A, en partie en raison des inquiétudes françaises sur les conséquences d’une telle acquisition sur le programme SCAF, avait été sévèrement critiquée par l’OTAN.

Il faut donc s’attendre, dans les mois à venir, à une reprise en main ferme de la part de Washington de la question européenne, alors que dans le même temps, les Etats-Unis sont de plus en plus contestés dans le Pacifique par la puissance militaire chinoise. Le rôle de l’Allemagne dans cette stratégie apparait comme central, notamment une fois Angela Merkel écartée, et les déclarations d’Annegret Kramp-Karrenbauer dans Politico sonnent désormais comme un avertissement sur le basculement en cours à Berlin, en faveur d’un rapprochement accru avec l’allié américain. Reste à voir, désormais, comment et jusqu’ou ce basculement s’opérera, et s’il mettra en danger les grands programmes de coopération européenne dans le domaine, comme SCAF ou MGCS, que l’on sait dans le collimateur du SPD depuis plusieurs mois.

Les armées françaises s’engagent dans le Social Warfare, mais avec un bras dans le dos

La ministre des Armées, Florence Parly, et le Chef d’état-major des Armées, le général Thierry Burkhard, ont présenté conjointement hiers la nouvelle doctrine de lutte informatique d’influence, ou L2I puisque tel est l’acronyme consacré par la communication officielle, afin de détailler les futures actions des armées françaises dans ce domaine ö combien critique, et dont nous nous sommes à plusieurs reprises fait l’écho sur Meta-Défense. Conforme à la nouvelle base-line de l’état-major des Armées, « Gagner la guerre avant la guerre », il s’agit là de se positionner et d’agir sur la sphère informationnelle numérique, et en particulier sur les reseaux sociaux, pour contrer les actions hostiles dans ce domaine soit des adversaires directs des armées, comme les groupes terroristes, soit de compétiteurs étatiques engagés pour affaiblir ou neutraliser l’action des armées, comme, bien qu’ils n’aient jamais été nommés, la Russie et la Chine.

Concrètement, sous l’égide du nouveau Commandement de la Cyberdéfense créé en 2017, des équipes composés de spécialistes des réseaux sociaux, d’informaticiens mais également de linguistes, de psychologues et de sociologues, vont assurer une veille active pour identifier les actions menées sur la sphère informationnelle, notamment dans le cadre des opérations exterieures, et pour activer des actions visant à les contrer. Cette plongée dans le conflit asymétrique est parfaitement assumée par l’Etat-Major et l’Hotel de Brienne, tout en s’interdisant toute action qui irait à l’encontre des législations nationales et internationales, comme par exemple l’ingérence dans les processus électoral, et en faisant un fort distinguo entre les opinions individuelles exprimées librement et les actions de manipulation de l’opinion organisées par un groupe terroriste ou un compétiteur, qu’il soit étatique ou non.

VBCI Mali Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Les forces françaises déployées au Sahel sont régulièrement visée par des médias étrangers dans le but de mobiliser l’opinion publique malienne contre cette intervention, pourtant exécutée à la demande des autorités maliennes.

Pour y parvenir, des recrutements seront lancés dans les années à venir, visant des profils hautement qualifiés pour renforcer les quelques 4000 cyber-combattants qui oeuvre au Commandement de la Cyber-Défense. Toutefois, aucun plan précis concernant ces recrutements n’a été pour l’heure dévoilé, pas plus, d’ailleurs, que de méthodologie pour agir face à ces groupes d’influence souvent très expérimentés et disposant d’importants moyens, notamment médiatiques. Mais la prise en compte de cette problématique, aux plus hauts sommets des Armées, est incontestablement une excellente initiative, tant il devenait évident que l’action même de nos armées, notamment en Opération Extérieure et comme pour nos alliés américains, souffrait de cette absence, et des assauts répétés des compétiteurs de la France, comme on peut le voir aujourd’hui au Mali, et précédemment en République Centre-Africaine. En revanche, la Ministre des Armées a, dans sa déclaration, édicté certaines limitations qui, s’il est possible de les comprendre du point de vue éthique, vont considérablement amoindrir l’efficacité de l’action de ces équipes.

En premier lieu, il apparait, dans le discours donné, que l’action portera en grande majorité sur les réseaux sociaux. Or, en observant la sphère informationnelle sur laquelle intervient par exemple un pays comme la Russie, à la manoeuvre pour largement décrédibiliser les armées françaises en Afrique, celle-ci déborde très largement du seul cadre des Réseaux Sociaux, et plus particulièrement des Réseaux sociaux occidentaux sur lesquels l’action publique nationale peut avoir une influence; Ainsi, les équipes russes travaillent simultanément sur des médias dits d’information, comme Sputnik et Russia Today, qui agissent à 90% comme des médias traditionnels avec une certaine propension au sensationnalisme pour capter de l’audience, et en second lieu, sur les réseaux sociaux pour faire « fructifier » la base captive et ainsi étendre la portée des messages. La Chine va plus loin, en contrôlant une partie de la production médiatique internationale, y compris dans le domaine du cinéma et des jeux vidéos, pour renforcer la portée de ses messages d’influence intérieurs comme extérieurs.

Sputnik fr Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Les médias russes en langue française comme Sputnik ou RT sont employés pour constituer un socle élargi dans l’opinion publique afin d’accroitre l’efficacité des messages au profit de la Russie.

En d’autres termes, agir sur la seule base des réseaux sociaux constitue, en soit, une limite forte à l’efficacité de l’action menée, s’il n’est pas possible de s’inviter dans l’opinion publique du pays par l’intermédiaire d’un média quelconque, y compris non numérique. Dès lors, ce n’est pas tant de Lutte Informatique d’Influence dont il devrait être question ici, mais de lutte d’influence sociale, ou Social Warfare comme nous l’avions dénommé dans un précédant article. Dans ce dossier, les termes « Informatique » ou « Cyber » attachés à la doctrine et au commandement de tutelle, apparaissent donc comme des entraves conceptuelles fortes dans la latitude des actions potentielles à mener.

Mais le point le plus critique abordé par Florence Parly dans son allocation est incontestablement l’interdiction faite à ces équipes d’agir sur le sol national. Or, l’opinion publique française est une cible de choix, et de longue date, pour les actions de Social Warfare hostiles, menées alternativement par des groupes islamistes et leurs soutiens, ainsi que par des officines d’Etat, en particulier venant de Russie, de Chine, de Turquie ou encore d’Algérie. Les équipes françaises pourront certes détecter et demander la suppression de certains comptes et contenus véhiculants des informations dangereuses pour la Nation via la plate-forme PHAROS, mais elle s’interdit de mener des actions d’influence sur l’opinion publique française, alors que celle-ci est déjà largement ciblée de l’étranger par ailleurs.

Gilets jaunes drapeau russe Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
et ça marche ….

On voit, naturellement, le dilemme éthique qui est à l’oeuvre ici, puisque les armées françaises ont un devoir de neutralité absolue dans le débat national. En outre, mener des actions offensives de ce type sur le sol national peut entrer en conflit avec le cadre légal national stricte, faisant de celui-ci un sujet relevant davantage du couple police-justice, que des armées elles-mêmes. Toutefois, on ne peut ignorer dans dans ce domaine, que l’action entreprise par le nouveau service sera largement affaiblie sur le sol national, alors même que la résilience de l’opinion publique française comme européenne apparait aujourd’hui comme un sujet majeur pour faire face aux crises qui se profilent dans un avenir de plus en plus proche.

On le comprend, l’action annoncée par la Ministre des Armées, et le Chef d’Etat-major, ne peut se résumer à elle-même pour être pleinement efficace, et doit dès lors s’intégrer dans une doctrine d’état étendue, rassemblant de nombreux autres acteurs notamment de la Justice, de la Police mais également des affaires étrangères, voire une composante purement civile dans le domaine des médias, pour être en mesure de faire jeu égal avec les moyens déployés par Pékin, Moscou ou Ankara. Car il se joue, ici, une guerre, certes avant la guerre, mais dont l’enjeu n’est ni cyber, ni informatique, mais bel et bien social, quant à la protection, et non la manipulation, des opinions publiques nationales et internationales. On notera, à ce titre, qu’une fois cette distinction faite, l’applicabilité de l’action à mener dépasse également largement le seul domaine de la Défense, et recouvre tout aussi bien des aspects industriels, culturels et commerciaux, domaines que l’on sait souvent la cible des actions d’influence exterieures.

Les forces aériennes chinoises mettent en oeuvre d’anciens chasseurs transformés en drones face à Taïwan

La République Populaire de Chine a produit, entre les années 50 et 80, près de 8500 avions de chasse dérivés de modèles soviétiques, comme le Shenyang J-5 dérivé du Mig-17 produit à 1800 exemplaires, le Shenyang J-6 et le Nanchang Q-5 dérivés du Mig-19 produits respectivement à 4500 et 1300 exemplaires, ainsi que le Chengdu J-7 dérivé du Mig-21 et produit à plus de 2400 exemplaires. Une partie de ces appareils, notamment des Q-5 et des J-7, sont toujours en service au sein des forces aériennes de l’Armée Populaire de Libération, mais une majorité de ces appareils ont été mis en reserve. Cette mine d’appareils, dont beaucoup sont potentiellement en condition de reprendre l’air avec une phase d’entretien, semble destinée à être mise à profit par l’Etat-Major chinois dans des versions sans pilote, transformant ces agiles et rapides chasseurs, certes obsolètes en bien des aspects, en drone de combat.

Ainsi, le Commandement du Théâtre Oriental de l’Armée Populaire de Libération, a récemment publié des photos montrant l’entrée en service de deux chasseurs biréacteurs supersoniques J-6 transformés en drone. En outre, les numéros de série des appareils masqués sur les clichés laissent à penser que ce modèle était déjà en service au sein des forces aériennes chinoises. Or, dans le même temps, des clichés satellites pris le 15 septembre de la base aérienne de Liancheng, située face à Taiwan, ont montré une très importante concentration de J-6, plus de 50 appareils que les analystes estiment être des versions drones J-6W, laissant supposer que cette transformation est avant tout destinée à être employer lors d’une éventuelle attaque de l’ile indépendante par l’APL. Rappelons que dans le même temps, plusieurs bases aériennes située à proximité de la passe de Taïwan, ont vu leurs capacités d’accueil et de défense sensiblement accrues.

J 6 Drone base Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
le 15 septembre 2021, la base aérienne de Liancheng, située à 350 km de Taiwan, abritait une cinquantaine de chasseurs J-6 probablement en version drone.

Entré en service en 1962, le J-6 a été le premier chasseur supersonique de série des forces aériennes de l’Armée Populaire de libération. Long de seulement 12,5 m (hors sonde pitot) pour une envergure de 9 mètres, l’appareil affichait une masse à vide de 5,2 tonnes, et une masse maximale au décollage de 8,8 tonnes. Ses deux moteurs Wopen WP-6A, production local tu Turmansky RD-9, offraient une poussée unitaire de 2,6 tonnes à sec et de 3,3 tonnes avec post-combustion, conférant à l’appareil un excellent ratio puissance-poids pour l’époque, et ainsi une grande manoeuvrabilité, notamment en vitesse subsonique élevée grâce à ses ailes à forte flèche. En revanche, le J-6 n’avait qu’une vitesse maximale de Mach 1,45, et son rayon d’action était limité à 640 km avec réservoirs supplémentaires, bien en deçà des performances du Mig-21 et du J-7 qui lui succédèrent. L’armement de l’appareil, composé de 3 canons de 30mm alimentés à 70 coups chacun, et de missile AA-2 Atoll, en faisait un chasseur performant pour son époque, mais en deçà des appareils plus modernes et plus polyvalents comme le F-4 Phantom américain, ou le Mig-21 soviétique. Les derniers J-6 furent retirés du service à la fin des années 90 dans les unités de combat de la PLAAF.

L’utilisation de chasseurs d’ancienne génération en version drone offre de nombreuses opportunités à l’Armée Populaire de Libération, si celle-ci devait mener une offensive contre Taïwan. En effet, de part leurs caractéristiques de vol, il serait très difficile à la défense anti-aérienne taïwanaise de distinguer des chasseurs drones J-6W d’un chasseur bombardier J-16 ou d’un chasseur polyvalent J-10C, l’APL pouvant ainsi amener Taïwan à gaspiller un grand nombre de leurs précieux missiles sol-air et air-air à longue portée contre des appareils considérés comme « consommables ». En outre, contrairement à des drones cibles qui pourraient éventuellement jouer un rôle similaire, les chasseurs dronisés peuvent, eux, emporter de l’armement, comme des bombes gravitationnelles y compris de précision avec guidage GPS, pour frapper les défenses taïwanaises si la défense anti-aérienne refusait de les engager. Un chasseur comme le J-6 pourrait également faire office de « loyal wingman » pour les chasseurs pilotés de l’APL, c’est à dire un drone ailier emportant des senseurs ou de l’armement étendant les capacités offensives et défensives de l’appareil piloté.

Q 5 Nanchang Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Le Q-5 est une version destinée à l’attaque du J-6. Les forces aériennes et aéronavales chinoises alignent encore 350 de ces appareils, alors que plus de 1000 ont été placés en reserve.

Toutes ces hypothèses supposent toutefois que la conversion des chasseurs en drones soit téchnologiquement aboutie, intègre de puissants outils de communication, et à minima une intelligence artificielle évoluée capable d’assumer les fonctions de pilotage et d’une partie des fonctions de conduite de mission. C’est précisément la mission du programme Skyborg de l’US Air Force, qui vise à developper une intelligence artificielle capable d’être intégrée à différents types d’aéronefs, pour assurer ces fonctions de pilotage, de conduite de mission et de mise en oeuvre des senseurs et armements, sans que cela nécessite un opérateur à poste pour piloter l’aéronef. En revanche, on ignore, tout du moins dans le domaine public, l’état d’avancement des programmes similaires au Skyborg développés en Chine, même si l’on peut supposer, eu égard au dynamisme dont font preuve les industriels et les armées chinoises dans ces domaines, que Pékin dispose en effet déjà d’une base technologique solide dans ces domaines. A ce titre l’avionneur d’état chinois CASC a présenté son drone FH-97, un clone du XQ-58A Valkyrie de la société Kratos, pilier du programme Skyborg, lors du salon aéronautique de Zhuhai de cette année.

Une chose est certaine, si les ingénieurs chinois sont effectivement parvenus à intégrer de telles capacités à des chasseurs obsolètes mais disposant de capacités aéronautiques encore performantes, et si ces solutions technologiques sont budgétairement pertinentes face à d’autres approches comme la production de drones modernes, on peut s’attendre à ce que le nombre de ces appareils augmente rapidement dans les mois et années à venir, surtout dans l’optique d’une opération militaire sur Taïwan. L’ile n’est en effet qu’à 350 km des cotes chinoises, soit largement à portée des chasseurs d’ancienne génération comme le J-6. Ces appareils pourraient également être mis à profit sur le front occidental sino-indien, alors que New Delhi et Pékin renforcent conjointement leurs dispositifs défensifs sur le plateau du Ladakh. On notera enfin que cette même approche pourrait fort bien s’appliquer aux véhicules blindés, domaine dans lequel Pékin dispose là aussi d’un immense parc avec prés de 20.000 chars moyens Type 59 et Type 69 en réserve.

Le drone Skybord de Boeing dans le programme loyal wingman Budgets des armées et effort de Défense | Corée du Nord | Défense anti-missile
Le drone XQ-58A Valkyrie est l’un des piliers du programme américain Skyborg destiné à concevoir une IA capable de piloter différents modèles de drone et d’assurer plusieurs types de mission, y compris celle de Loyal Wingmen.

On comprend, dans ces conditions, les inquiétudes soulevées par l’ancien chef de la production logicielle du Pentagone, Nicolas Chaillan, lors de sa démission fracassante au début du mois d’octobre, après avoir publiquement averti que la Chine serait bientôt en mesure de prendre l’ascendant technologique sur les Etats-Unis en matière d’Intelligence Artificielle si Washington ne réagissait pas promptement et massivement en renforçant les recherches dans ce domaine. Et si Pékin comme Moscou sont indiscutablement plus discrets que les Etats-Unis ou les Européens dans leurs avancés, un nombre croissant de rapport et de source estiment qu’ils ont largement rattrapé ces dernières années, leurs retards en matière d’Intelligence Artificielle et de Machine Learning, avec une courbe de progression bien plus rapide que celle des occidentaux. L’entrée en service de ces chasseurs des années 60 transformés en drones face à Taiwan, est une des nombreuses indications que ces inquiétudes sont parfaitement fondées.