Que n’avons nous pas entendu au sujet de la configuration bimoteur du drone Euromale. Selon de nombreux commentateurs, cette configuration n’avait aucun avantage, et de nombreux inconvénients, en premier lieu desquels l’augmentation du prix de l’appareil. Pourtant, depuis quelques mois, plusieurs drones MALE bimoteurs ont fait leur apparition au travers le monde, comme l’Altair russe, le TB001 chinois ou le Aksungur turc. Pour chacun de ces appareils, leurs concepteurs choisirent cette configuration pour améliorer les performances, et notamment la charge utile emportée, ainsi que la sécurité de l’appareil.

Le constructeur chinois Chengdu, qui a conçu notamment les avions de combat légers J10, et le chasseur furtif J20, vient d’entamer les tests d’un nouveau drone lourd, présenté pour être à vocation logistique, et doté cette fois de 3 moteurs thermiques, un sous chacune des potences en mode traction, et un en position arrière en mode propulsion. Cette configuration de moteurs est désignée par le terme « Push-Pull » en aéronautique.
Le nouveau drone est dérivé de la famille TB Scorpion, un drone bimoteur bi-poutre déjà en service dans l’APL, et aurait des performances remarquables selon son concepteur, avec une masse maximum au décollage de 3,2 tonnes, une autonomie de 35 heures, un plafond de presque 10.000 m et une vitesse de croisière de 300 km/h. Cette configuration prédispose l’appareil aux missions de transport logistique, notamment par sa capacité à évoluer en altitude avec une lourde charge, permettant d’anticiper sur utilisation sur les hauts plateaux himalayens. En outre, toujours selon le constructeur, l’utilisation de moteurs à piston, et non de turbopropulseurs, permet de réduire le prix à l’achat et à l’utilisation de l’aéronef, mais également d’en étendre la durée de vie opérationnelle.

Non contente d’avoir déjà ravie la première place aux Etats-Unis concernant le nombre de drones MALE exportés depuis quelques années, la Chine semble continuer à massivement investir dans cette technologie qu’elle juge stratégique. Ainsi avait elle, à l’occasion du défilé pour le 70ème anniversaire de la création de la République Populaire de Chine, présenté deux nouveaux modèles de drones de combat en service dans l’Armée Populaire de Libération, le GJ-11 furtif et le WZ-8 supersonique, deux appareils sans équivalents occidentaux aujourd’hui. Fin octobre 2019, elle présentait la maquette d’un nouveau drone lourd de transport logistique, un appareil de 22 tonnes identifié comme le FL2, alors qu’au mois de septembre, nous apprenions que le drone de combat furtif Sharp Sword allait être mis en service sur les porte-avions à tremplin de la Marine Chinoise, là encore une première mondiale. Elle a même développé un drone cible furtif pour entrainer pilotes et servant de systèmes anti-aériens à combattre ce type d’appareils.
Aux Etats-Unis, outre la famille des drones MALE Predator/Reaper/Gardian et des drones HALE Hawk, l’US Navy développe son drone ravitailleur MQ-25 Stingray destiné à accompagner les avions de combat lancés de ses porte-avions en zone d’engagement pour en étendre l’autonomie et le rayon d’action, alors que l’US Air Force accélère ses programmes de drones de combat léger comme le XQ-58A Valkyrie. Coté russe, les efforts sont mis sur le developpement de drones MALE de facture locale, comme l’Altaïr, et sur le drone de combat S70 Okhotnik, destiné à opérer de concert avec le Su-57, et qui doit entrer en service dès 2025. La Turquie s’est positionnée avec les drones Bayraktar récemment exportés en Ukraine, et avec le drone MALE bimoteur Aksungur en developpement. Même l’Arabie saoudite, avec l’aide des Etats-Unis, de la Corée du Sud et de l’Ukraine, s’est lancée dans le developpement d’un drone de bombardement bimoteur.

L’Europe est la grande absente de ce marché. A l’exception notable de l’Italie, qui tente tant bien que mal de proposer une offre européenne dans le domaine des drones MALE, ni la France, ni la Grande-Bretagne, ni l’Allemagne ou l’Espagne, quatre grandes nations aéronautiques, n’ont été capables de s’y positionner efficacement. Et lorsqu’enfin une initiative européenne tentait de remédier à cet état de fait, des considérations budgétaires contestables et un manque évident d’intérêt de la part des industriels semblent la condamner. Pourtant, les industriels européens étaient plutôt en avance dans le domaine des drones, et notamment des drones de combat furtif, avec les programmes Neuron et Taranis.
Mais ni la France, ni la Grande-Bretagne n’ont su transformer ces développements très prometteurs en systèmes opérationnels, alors même que le besoin pour ce type de drones pour l’élimination des défenses anti-aériennes adverses n’a, lui, fait que se renforcer durant la dernière décennie. Les industriels semblent convaincus de pouvoir concevoir des drones furtifs avancés à l’occasion des programmes SCAF et Tempest, et même avant, mais le manque de retour d’expériences opérationnelles s’avérera, quoiqu’il en soit, un sérieux handicap. Handicap que n’auront pas les chinois, c’est certain !













