Avec 80 hélicoptères de transport lourds CH-53 en service, la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande, dispose de la plus importante capacité de transport héliporté en Europe. Mais les 110 machines commandées en 1971 et livrées à partir de 1973, accusent désormais le poids des années, et ce malgré le programme de modernisation effectué entre 1990 et 2001. C’est la raison pour laquelle, en novembre 2018, le parlement allemand valida le programme « Schwerer Transporthubschrauber« , ou STH, destiné à acquérir entre 45 et 60 nouveaux hélicoptères lourds qui seront livrés entre 2023 et 2029, les CH-53 devant quitter le service en 2030.
Comme en 1971, la compétition oppose aujourd’hui les dernières versions du CH-53 de Sikorsky, et du CH-47 de Boeing. Sikorsky s’est associée à l’allemand Rheinmetall pour ce programme, et propose le CH-53K King Stallion, version ultime de son appareil qui effectua son premier vol en 1964. Mais le nouvel appareil n’a guère plus que le nom et l’apparence en commun avec son illustre ancêtre. En effet, le CH-53K intégre toutes les technologies les plus modernes appliquées aux voilures tournantes, y compris des commandes de vol électriques permettant, entre autre, de considérablement soulager le travail de l’équipage concernant le pilotage, pour se concentrer sur la conduite de mission. Le nouvel appareil proposé par Sikorsky et Rheinmetall est, par ailleurs, optimisé pour s’intégrer dans la chaine logistique allemande, avec la capacité d’embarquer directement les palettes des avions C-130J et A400M en service dans la Luftwaffe, comme dans l’Armée de l’Air française. Cette capacité permet d’accélérer les flux logistiques, surtout lorsque les appareils de transport ne peuvent se poser à proximité des forces.

Conçu à la demande du Marines Corps qui en a commandé 200 exemplaires pour remplacer ses CH-53E, le King Stallion en impose dans tous les domaines, y compris par sa taille. Long de 30 m, son rotor a un diamètre de 24 m, soit la longueur d’un terrain de tennis. L’appareil affiche une masse de presque 16 tonnes à vide, et sa masse maximum au décollage dépasse les 38 tonnes. Il peut transporter, en plus de ses 5 membres d’équipage (2 pilotes, 1 chef d’équipage et 2 mitrailleurs), 37 hommes en armes à une vitesse de croisière de 315 km grâce à ses 3 turbines GE38-A1 développant 2500 chevaux chacune. Les premiers appareils de série, d’un prix unitaire de 121 m$, doivent entrer en service en 2023 dans l’US Marines Corps. Outre l’Allemagne, le Japon et Israel ont déclaré leur intérêt pour cet hélicoptère.
Le programme Schwerer Transporthubschrauber Interesse également la France, puisqu’en décembre 2018, le chef d’Etat-Major de l’Armée de l’Air, le général Lavigne, avait annoncé souhaiter mettre en place une coopération similaire à celle concernant les avions de transport C-130J acquis par la France et l’Allemagne et mis en oeuvre conjointement sur la base d’Evreux. Le général français précisait qu’il s’agirait, en l’occurence, d’un « Evreux Inversé », avec une base allemande et non française. Toutefois, pour l’heure, rien n’indique que cette coopération verra le jour, d’autant que les besoins français, très opérationnels et souvent situés en opération extérieure et notamment en Afrique, risquent de poser problèmes aux autorités allemandes.

Reste que depuis deux ans, de nombreuses voix se sont levées en France pour pointer le handicap représenté par l’absence d’hélicoptères de transport lourd dans l’arsenal militaire français. La force Barkhane déployée au Sahel pallie ce déficit grâce au déploiement d’hélicoptères lourds CH-47 Chinook de la Royal Air Force. Pour autant, il n’y a, à ce jour, aucun programme en France visant à acquérir ou developper un tel appareil pourtant jugé indispensable par de nombreux officiers généraux. Sachant qu’il n’y a qu’une très faible volonté pour developper un tel appareil, même de la part des industriels en dépit d’un marché adressable non négligeable, le programme Schwerer Transporthubschrauber pourrait représenter une opportunité pour, comme le proposait le général Lavigne, mettre en commun des capacités et des compétences (entrainement, maintenance..), tout en bénéficiant d’un volume d’acquisition supérieur, sans qu’il soit nécessaire de devoir faire face aux couts induits par l’exploitation d’une flotte d’appareils trop réduite.














