Sept ans après le retour de la conscription obligatoire, les autorités suédoises viennent d’annonce l’activation du service civil obligatoire pour les jeunes ayant des compétences professionnelles dans le domaine des premiers secours, ou de la production et du transport de l’électricité. En application de la doctrine de Défense Totale lancée en 2017, cette décision, probablement inspirée par le conflit en Ukraine, vise à accroitre la résilience du pays à une éventuelle agression.
Sommaire
À l’instar de la Finlande, la Suède a été, durant toute la guerre froide, fermement attachée à sa neutralité, et à assurer, au besoin, la défense de son territoire, alors que 85 % des jeunes suédois effectuaient, à ce moment-là, un service militaire obligatoire de 11 mois, conférant aux forces armées suédoises un important potentiel opérationnel et défensif.
Suspendu en 2010, le service militaire obligatoire a été réinstauré en 2017 par Stockholm, en grande partie pour palier les difficultés rencontrées par les armées suédoises pour recruter. Ainsi, en 2023, 4 000 jeunes suédois ont effectué leur service militaire obligatoire, représentant 15 % des effectifs des forces armées de pays.
4 000 jeunes suédois ont effectué, en 2023, leur service militaire en Suède. Ils seront 5 000 en 2024, et probablement 6 000 d’ici à 2026.
Face à l’évolution de la menace, les autorités suédoises prévoient de faire croitre ce nombre de conscrits à 6 000 en 2025, et à 10 000 d’ici à 2035, peut-être même au-delà si la situation l’exige. À ce service militaire s’ajoute désormais un service civil, lui aussi obligatoire, qui concerne les jeunes suédois ayant des compétences dans le domaine de la santé, ou de la production électrique.
Santé et électricité : les deux formations visées par le nouveau service civil obligatoire en Suède
Le ministre suédois de la Défense civile, Carl-Oskar Bohlin, vient, en effet, d’annoncer que le service civil, jusqu’ici basé exclusivement sur le volontariat, était devenu obligatoire, à compter du 19 janvier, pour les jeunes ayant une formation avérée dans le domaine de la santé, en particulier aux premiers secours, ainsi que ceux ayant des compétences dans le domaine de la production et du transport de l’électricité.
Comme pour la conscription, si le service civil est considéré comme obligatoire, il ne concerne pas, pour autant, tous les jeunes de 18 à 30 ans, répondant aux critères énoncés. Seuls ceux qui sont appelés par les services concernés, sont dans l’obligation d’y répondre. Le nombre de jeunes concernés dépendra des besoins exprimés par les services de l’État, mais aussi les régions et les municipalités.
Ce mode de fonctionnement permet aux institutions suédoises de s’appuyer sur une base légale et constitutionnelle stable, sans devoir faire face, sur une courte échéance, à un afflux massif de recrues. Une tranche d’âge représente, en effet, dans le pays, autour de 100 000 jeunes chaque année. De fait, avec 4 000 conscrits dans les armées, le taux de conscription n’est à peine que de 4 %, et le taux de service civil sera, très certainement, lui aussi très faible.
La progressivité de la conscription et du service civil suédois, répond ainsi à de nombreux impératifs et contraintes, qu’ils soient opérationnels, politiques et sociaux-économiques, notamment la remontée en puissance progressive des armées suédoises, qui sont passées de 2 bataillons de manœuvre, et 4 compagnies auxiliaires mobilisables en 90 jours en 2010, à 7 bataillons de manœuvre et autant de bataillons auxiliaires mobilisables sous 7 jours en 2019.
Les frappes russes contre la grille électrique ukrainienne ont sûrement influencé le ministère de la Défense civile suédois dans l’élaboration des profils visés par l’activation du service civil obligatoire.
L’objectif visé, à terme, par cette transformation, consiste en 3 brigades (soit une vingtaine de bataillons), et autant de bataillons auxiliaires, mobilisables sous 48 heures, en 2025, soit une évolution opérationnelle d’un rapport 10 avec la situation de 2010. Le budget des armées suédoises sera, lui, passé de 5 Md€ et 1,1% PIb en 1010, à plus de 12 Md€ prévus en 2024, au-delà des 2 % PIB imposés par l’OTAN.
Rappelons cependant qu’à la sortie de la guerre froide, les armées suédoises alignaient 15 brigades et une centaine de bataillons auxiliaires, mobilisables sous 24 à 48 heures, soit plus du double de la Force Opérationnelle Terrestre française en 2024, sans notion de bataillons auxiliaires, pour un pays qui avait une population neuf fois plus réduite que la France aujourd’hui.
Un nouveau pilier de résilience pour la doctrine de Défense Totale suédoise
Cette transformation rapide et ambitieuse de l’outil militaire suédois, constitue l’un des piliers de la doctrine de Défense Totale, mise en œuvre par Stockholm à partir de 2017. La Suède étant dénuée de dissuasion nucléaire, et ne pouvant, jusqu’ici, s’appuyer sur la protection de l’OTAN, cette doctrine a pour fonction d’accroitre la résilience du pays, au travers de ses armées, mais aussi de sa population, de sorte à rendre une éventuelle occupation du pays impraticable.
Pour ce faire, la doctrine prévoit que, même défaites, les armées suédoises poursuivront le combat contre l’envahisseur, avec l’appui d’une population civile formée à cette résistance globale.
L’activation du service civil obligatoire pour les professions de santé et les techniciens de la production et distribution électrique, constitue une évolution de cette doctrine, probablement inspirée par l’observation du conflit en Ukraine.
Les armées suédoises vont devoir faire évoluer leurs infrastructures et leur inventaire pour absorber les 10 000 conscrits par an prévus pour 2035.
En effet, il apparait que la Russie n’hésite pas à frapper les populations et infrastructures civiles, notamment dans le domaine de l’énergie, pour tenter d’affaiblir l’adverse, surtout en hiver.
À ce titre, le ministère de la Défense civile, a précisé que les premières formations d’appelés, effectuant leur service civil, interviendraient à l’automne de cette année. En outre, les deux profils initialement visés, ne constituent qu’un premier pas dans ce sens, d’autres profils de compétence étant destinés à les rejoindre dans les mois et années à venir.
Le modèle de conscription et de service civil suédois peut-il inspirer l’Europe de l’Ouest, et la France en particulier ?
Il autorise, en effet, une montée en puissance progressive, au bénéfice des armées et des services de l’État concernés par la résilience nationale, pour retrouver une masse critique suffisante afin de répondre aux enjeux des engagements symétriques face à un adversaire majeur, comme peut l’être la Russie.
En France, comme dans d’autres pays européens, des voix s’élèvent pour un retour à la conscription. La plupart du temps, cependant, le débat porte sur de nombreuses questions, sauf les questions de défense qui comptent.
Il permet, aussi, aux armées, de concentrer leurs efforts et leurs moyens dans la formation de jeunes sélectionnés pour leur potentiel et leur adaptabilité, au profit de la mission défense, comme les services de santé et de l’énergie le feront avec le service civil, au profit de la résilience nationale.
En outre, même partielle, cette approche augmente sensiblement les effectifs, de sorte à compenser les difficultés de recrutement des armées, tout en étendant la base de réservistes formés, et la représentativité des forces armées dans la société civile.
Enfin, l’ensemble du dispositif militaire comme civil, est conçu en application d’une doctrine de défense nationale claire et bien expliquée aux citoyens, sans se perdre dans certaines considérations hors sujet, comme l’encadrement de certains jeunes en manque de repères sociaux.
De fait, la conscription militaire et le service civil suédois, constituent certainement une excellente source d’inspiration pour les pays européens qui envisageraient un retour à une armée mixte, pour retrouver la masse qui, le plus souvent, leur font défaut dans ce domaine, tout en augmentant considérablement la résilience et la perception de la mission défense au sein de la société civile.
À bien y regarder, on retrouve, ici, l’ensemble des questions qui ne sont jamais abordées dans les débats entourant l’éventuel retour d’un service national obligatoire en Europe de l’Ouest, en France en particulier, et qui, pourtant, devraient être au cœur de celui-ci.
Dans un rapport remis au Congrès américain en 2023, le Pentagone reconnait que l’Armée Populaire de Libération dispose, aujourd’hui, d’un arsenal opérationnel significatif composé de missiles balistiques hypersoniques coiffés d’un planeur hypersonique, une technologie dont les armées américaines ne seront effectivement dotées qu’en 2025, et en quantité échantillionaire.
Cette déclaration peut surprendre, alors que depuis plus de 30 ans maintenant, l’occident, et à sa tête les États-Unis, est présentée comme disposant d’une avance technologique en matière de défense telle, qu’elle suffit, à elle seule, à s’imposer sur l’ensemble de la planète, et à compenser des rapports de force numériques parfois défavorables.
Ainsi, lorsque l’on se penche avec objectivité sur cette supposée supériorité technologique occidentale en matière de défense, élevée depuis presque trois décennies au rang de dogme, ainsi que sur l’origine de cette certitude, il apparait qu’elle est non seulement, fréquemment, discutable, mais encore, parfois, à l’origine de conséquences délétères quant à l’évolution de la puissance des armées occidentales dans un monde en pleine recomposition, plus instable et contesté que jamais.
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Les enseignements biaisés de la guerre du Golfe
Ceux qui ont connu la fin des années 1980, se rappellent certainement qu’à ce moment-là, les forces armées occidentales étaient loin de considérer qu’elles disposaient d’une évidente supériorité, y compris du point de vue technologique, face aux armées soviétiques et du Pacte de Varsovie.
La victoire éclatante de la coalition contre l’Irak en 1991
Certes, et non sans raison, les états-majors occidentaux étaient conscients de certains avantages marqués, comme dans le domaine des forces aériennes. Ce n’était pas tant la supériorité des F-15, F-16, F-18, Mirage 20000 et autres Tornado, sur les Sukhoï et Mig soviétiques, que la puissante flotte de soutien formée d’avions ravitailleurs et d’Awacs, qui agissait comme un coefficient multiplicateur efficace.
L’US Air Force a rapidement pris le contrôle de l’espace aérien irakien lors de l’opération Desert Shield.
Dans de nombreux autres domaines, en revanche, l’avantage perçu était sans contexte donné aux forces soviétiques, comme concernant la défense antiaérienne, l’artillerie ou encore la puissance blindée. Les armées russes disposaient, en effet, d’équipements jugés souvent aussi performants que leurs homologues occidentales, mais disponibles en bien plus grand nombre.
Cette perception a radicalement changé en 1991, avec la guerre du Golfe, qui opposa les armées irakiennes, majoritairement équipées de matériels soviétiques, aux forces occidentales de la coalition.
Présentée alors, et probablement de manière trop hâtive, après une guerre Iran-Irak l’ayant laissé exsangue, comme la quatrième armée du Monde, les forces armées irakiennes ne parvinrent pas à s’opposer à la coalition menée par les États-Unis, et durent quitter le Koweït après quelques semaines de campagne aérienne et quatre jours d’assaut terrestre ayant détruit une grande partie de son potentiel opérationnel.
F-117, Tomahawk, Patriot : les équipements américains ont montré leur supériorité en Irak
La démonstration de force occidentale, et plus spécialement américaine, fut interprétée par beaucoup, y compris par les principaux intéressés, comme la démonstration de la supériorité technologique américaine et occidentale, face à leurs principaux concurrents, les soviétiques.
Le chasseur furtif F-117 Nighthawk a été un des équipements ayant contribué à créer la légende de l’avance technologique occidentale en Irak.
Certains équipements, comme le missile de croisière Tomahawk, le chasseur furtif F-117 Nighthawk, le char M1 Abrams, le véhicule de combat d’infanterie M2 Bradley, ou encore le système anti-aérien et anti-missile Patriot, furent ainsi élevés au rang de mètre-étalon technologique, par la démonstration faite de leur efficacité en Irak.
Alors que Moscou peinait à contenir l’effondrement en cours en Europe de l’Est et le délitement de l’Union Soviétique elle-même, il n’y avait guère de voix pour modérer ces affirmations. Au fil des mois, des années, et d’autres conflits régionaux comme dans l’Ex-Yougoslavie, ce discours a progressivement évolué en certitude, puis en paradigme : l’Occident détenait, de manière incontestable, une avance technologique inégalée en matière d’équipements de défense.
La démonstration en Irak de la supériorité technologique occidentale est un syllogisme
Pourtant, même en 1991, ce discours avait de quoi surprendre. Évidemment, les armées occidentales, menées par les États-Unis, ont largement surpassé les armées irakiennes. Celles-ci étaient bien, par ailleurs, majoritairement équipées de matériels soviétiques (et français). Pour autant, l’affirmation de la supériorité technologique occidentale sur les équipements soviétiques, sur la base de la guerre du Golfe, n’est autre qu’un syllogisme.
Ainsi, ni la doctrine militaire employée par l’Irak, ni le niveau d’entrainement de ses unités, et encore moins la composition de ses forces, n’étaient comparables à ce qui se pratiquait alors en Union Soviétique. Surtout, les armées irakiennes n’employaient alors que des équipements relativement datés de l’arsenal soviétique.
Les T-72 irakiens n’ont pas fait le poids face aux Abrams américains en Irak. Il est apparu ultérieurement que la plupart de ces chars n’avaient pas de dotation complète d’obus, et certains n’avaient que des obus d’exercice dans le magasin.
Ainsi, les T-72 irakiens n’étaient pas comparables aux T-80 qui équipaient les unités russes à la fin des années 80. Dans le ciel, les forces aériennes irakiennes ne disposaient, ni de Su-27, ni de MIG-31, des appareils de supériorité aérienne bien plus performants que les Mig-29, Mig-23 et Mirage F1 irakiens. Par ailleurs, ils ne disposaient pas des mêmes munitions performantes que les forces aériennes soviétiques, comme le nouveau missile de croisière KH-55 qui n’avait rien à envier au Tomahawk américain.
De fait, les armées irakiennes étaient loin d’être représentatives de la puissance militaire et technologique soviétique en 1991, et la victoire alliée contre Bagdad, ne constituait en rien la démonstration d’une éventuelle supériorité technologique militaire occidentale sur l’Union Soviétique.
Des biais successifs pour se convaincre de la supériorité technologique occidentale en matière de défense
Cette perception a été accrue, dans les années 90 et 2000, par l’effondrement du bloc soviétique, et les immenses difficultés économiques, politiques et sociales, rencontrées par la Russie. Celles-ci ont, en effet, considérablement affaibli, pour un temps, l’ensemble de l’industrie de défense russe, comme les armées du pays.
Entre l’absence d’investissements dans l’industrie de défense, un état en perte d’autorité tant sur la scène nationale qu’internationale, et des armées en déliquescence, l’industrie de défense russe fut arrêtée net dans sa progression technologique, comme dans ses livraisons, au début des années 90.
Dans le même temps, les industries occidentales admettaient au service des équipements de nouvelle génération, creusant encore cette perception de suprématie occidentale.
Le Su-27 soviétique est entré en service en 1985, et n’avait rien à envier au F-15 américain.
Cependant, même en 1995, les Su-27 et Su-30 n’avaient guère à envier aux F-15C et F-15E, les S-200 au Patriot, les Mi-28 aux AH-64, les Akula aux Los Angeles, ou les T-90A aux M1A1. Ce sont pourtant bien ces équipements américains qui servir de référence pendant deux décennies, et même au-delà, concernant la puissance technologique défense.
Ce biais a été, par ailleurs, entretenu au travers de plusieurs opérations militaires, analysées avec partialité, là encore, avec comme point de départ une évidente supériorité technologique occidentale, et par voie de conséquence, un manque de performances des équipements russes, que ce soit en Tchétchénie ou en ex-Yougoslavie, ce qui en fait un syllogisme.
Un avantage technologique occidental laissé en friche pendant 20 ans d’errance et de technologisme
Alors que l’industrie de défense russe a été à l’arrêt pendant plus de 10 ans, cette perception de supériorité militaire et technologique occidentale, et l’absence de menace symétrique, amenèrent les dirigeants américains et européens, mais également les états-majors de leurs armées, à s’engager dans des programmes aux ambitions technologiques démesurées, venant même parfois flirter davantage avec la science-fiction qu’avec la DARPA.
La certitude selon laquelle la débauche de technologies avait le potentiel de changer la nature même du rapport de force et de la guerre, se transforma progressivement en un véritable biais technologiste, que l’on a pu observer dans de nombreux programmes outre-atlantique ayant engendré des dépenses considérables, sans qu’ils fassent évoluer la réalité opérationnelle des armées.
Les programmes Zumwalt et LCS ont consommé, à eux deux, presque 50 Md$, sans venir significativement renforcer la flotte de surface combattante de l’US Navy.
Ainsi, l’US Navy dépensa plus de 20 Md$ pour la construction de seulement 3 destroyers de la classe Zumwalt, armés chacun de deux canons de 155 mm sans munition, alors même que la flotte de croiseurs et destroyers de l’US Navy vieillissait, l’obligeant à lancer la construction de nouveaux destroyers Arleigh Burke.
L’US Army ne fut guère plus clairvoyante, avec les programmes FCS, puis GCV, qui fut abandonné en 2014, après 15 ans, sans avoir su concevoir le successeur du M2 Bradley, non sans avoir englouti 20 Md$.
Quant aux forces aériennes américaines, elles entreprirent de concevoir le chasseur bombardier monomoteur F-35 Lightning 2, dépensant pour cela plus de 400 Md$ pour la seule phase de conception.
De fait, en dépit de budgets de recherche et de développement importants, les armées américaines disposent aujourd’hui, en bien des domaines, de technologies de défense héritées de celles développées dans les années 80, sans même disposer d’un avantage numérique significatif face à ses principaux compétiteurs.
Dans le même temps, russes, et surtout chinois, se sont engagés, avec des moyens différents, dans un important effort pour combler le retard technologique face à l’occident, aidés en cela par le manque évident de progrès des industriels américains, mais aussi européens, mus par une certaine forme de mimétisme.
De fait, aujourd’hui, il est très hasardeux de tabler sur un avantage technologique occidental face à ces deux puissances militaires, qui puisse être suffisant pour compenser un éventuel, mais probable, rapport de force défavorable du point de vue numérique.
Armes hypersoniques, défense antiaérienne, guerre électronique…: ces domaines clés dans lesquels Russes et chinois ont pris l’avantage
Dans certains domaines, Moscou, et surtout Pékin, ont même pris une avance technologique sur l’occident sensible, États-Unis compris. C’est en particulier le cas des armes hypersoniques, déjà opérationnelles et déployées en quantité notable, au sein de l’Armée Populaire de Libération, ainsi que des forces armées russes.
Le système BUK assure la défense antiaérienne à moyenne portée dans la défense russe multicouche, entre les S-300/400 à longue portée, et les TOR et Pantsir à courte portée.
Ces deux armées disposent également d’une défense anti-aérienne multicouche, bien plus performante et intégrée, qu’elles ne le sont en occident, y compris dans les armées américaines. Ainsi, en Russie, la défense antiaérienne à longue portée et la défense antimissile balistique, est assurée par les systèmes S-300, S-400 ainsi que les nouveaux S-500 et S-550.
Une seconde couche, à moyenne portée, est assurée par les systèmes Buk et S-350, d’une portée allant de 20 à 120 km. Une troisième couche, à courte portée, est assurée par les systèmes TOR (pour les unités mécanisées) et Pantsir (pour les infrastructures), alors que toutes les unités combattantes russes disposent de systèmes antiaériens portables Strela et de véhicules de protection rapprochée comme le Tunguska ou le Sosna.
Par comparaison, la défense antiaérienne et antimissile américaine se compose d’une couche antibalistique assurée par le THAAD, une couche à moyenne et longue portée assurée par le Patriot, et une couche à courte et très courte portée, assurée par des Manpads, les humvees Avenger, et par les nouveaux M-SHORAD, en cours de déploiement, tous étant équipés du même missile Stinger.
Il est vrai que la doctrine occidentale fait reposer la défense aérienne davantage sur la chasse que les russes. Toutefois, les différences en termes de densité, mais également de complémentarité et de performances affichées des systèmes qui composent cette défense antiaérienne multicouche, sont très significatives.
Les forces armées russes alignent de capacités de guerre électronique dont ne disposent pas les forces armées européennes ou américaines, comme ce Borisoglebsk 2 de spoofing GPS.
D’autres domaines font aussi apparaitre une évidente supériorité technologique russe ou chinoise. C’est notamment le cas de la guerre électronique, domaine dans lequel les unités chinoises disposeraient, de l’avis même du Pentagone, d’une importante avance sur les forces américaines.
Une perception différente du positionnement optimal du curseur technologique
Pourtant, force est de reconnaître que, bien souvent, les équipements occidentaux peuvent encore se prévaloir d’un ascendant technologique objectif. C’est notamment le cas dans le domaine des chars de combat, les Abrams M1A2 américains, comme les Leopard 2A7 allemands, affichant des capacités sensiblement supérieures à celle du T-90M russe ou du T-99A chinois, que ce soit en matière de protection, d’équipements de visée et optronique, et même, d’une certaine manière, de puissance de feu.
Il en va de même dans de nombreux domaines, allant de l’avion de combat au sous-marin nucléaire, en passant par l’hélicoptère d’assaut et les systèmes d’artillerie. Toutefois, dans tous ces domaines, l’avantage technologique consenti par les équipements chinois et russes, apparait comme marginal ou limité, même s’il demeure sensible.
Le T-14 Armata est une tentative russe de prendre l’avantage technologique dans le domaine du char de combat. Pour l’heure, il semble que l’état-major privilégie la production de T-90M et T-80BVM en grande quantité pour intervenir en Ukraine, et non celle du T-14 beaucoup plus onéreux et difficile à produire.
Si la Russie a tenté, un moment, de suivre l’appétence technologique occidentale, avec des programmes comme le char T-14 Armata ou les destroyers Lider, elle est revenue, depuis deux ans, et sous la pression de la guerre en Ukraine, à une approche plus traditionnelle cherchant à trouver le point d’équilibre optimal entre les technologies accessibles et les contraintes de production, y compris le prix.
Il s’agit, pour Moscou, de s’appuyer sur un avantage structurel évident de la Russie sur l’Ukraine, et plus tard, sur l’Europe, à savoir une capacité de mobilisation bien plus importante, susceptible de créer un rapport de force numérique très favorable.
Le fait est, un char T-90M est donné pour être vendu, neuf, aux armées russes autour de 400 millions de roubles, soit 4 m€, là où le Leopard 2A7 est vendu à la Bundeswehr pour 18 m€.
Le Leopard 2A7 coute le prix de 4 T-90M neufs.
S’il ne fait que peu de doutes qu’un Leopard 2A7, comme un M1A2 Abrams, est supérieur à un T-90M, on peut aisément douter que cet avantage perdure contre deux, voire trois chars russes de ce type, et encore moins contre les quatre T-90M qu’il coute.
Il en va de même concernant le Su-35 qui coute trois fois moins cher d’un F-15EX ou qu’un Rafale, ou le sous-marin nucléaire lance-missile Iassen, dont les prix est près de trois fois inférieur à celui d’un Virginia américain.
C’est aussi le cas des équipements chinois. Un destroyer type 052DL est 4 fois moins onéreux qu’un Burke américain, et un char VT4 (version export du T-96), 2,5 moins cher que les chars lourds occidentaux. Là encore, l’objectif visé par l’état-major chinois est d’obtenir le meilleur rapport performances-prix au niveau de la force armée ainsi constituée, et non de l’équipement lui-même, sans que les contraintes en matière de ressources humaines soient aussi importantes qu’en occident.
Conclusion
On le voit, la certitude occidentale, et plus particulièrement américaine, de disposer d’un ascendant technologique marqué sur les forces armées russes et chinoises, s’avère, non seulement, parfois plus que contestable, elle est aussi à l’origine de dérives problématiques en matière de conception des programmes, et de planifications misant, de manière excessive, sur ce même avantage technologique supposé, aux dépens d’autres facteurs clés de la force militaire, comme la masse.
U-20Y qui ravitaille en col un J-20 et un J-16, trois des appareils les plus modernes en service au sein des forces aériennes de l’Armée Populaire de Libération.
Le fait est, cette dérive évidente a permis à la Russie de récupérer du retard qu’elle avait consenti dans les années 90, et à la Chine de venir tangenter les performances technologiques de l’industrie de défense occidentale aujourd’hui, alors qu’elle avait, en 1990, plus de vingt ans de retard dans ce domaine.
Ainsi, aujourd’hui, ces deux pays disposent, dans certains domaines, de compétences technologiques identiques, parfois même supérieures, à celles des industries occidentales, y compris américaines, alors que dans d’autres, l’écart technologique limité en faveur de l’ouest, semble davantage consenti par un arbitrage optimisé, que subit.
Dans tous les cas, il semble, dorénavant, plus que hasardeux de considérer que cet avantage technologique occidental supposé, puisse atténuer, durablement, un éventuel rapport de force numériquement défavorable, que ce soit en Europe face à la Russie, ou dans le pacifique face à la Chine.
La commission du budget du Bundestag a approuvé, le 18 janvier, un budget de 1,3 Md€, pour le développement de systèmes SHORAD de défense antiaérienne à courte portée, intégrés à la défense antiaérienne multicouche en cours de déploiement.
L’étude a été confiée à un consortium formé de trois entreprises allemandes, le concepteur de la tourelle Skyranger 30 Rheinmetall, le spécialiste des radars Hensoldt et Diehl Defence, concepteur du système IRIS-T SLM avec lequel le nouveau système devra coopérer.
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Les Gepard toujours performants en Ukraine
Considéré comme obsolète il y a encore deux ans à peine, le système antiaérien à courte portée autoporté Gepard, en service au sein de la Bundeswehr, a démontré toute son efficacité pour la protection rapprochée contre les drones, les missiles de croisière, voire les aéronefs et les hélicoptères, en Ukraine.
Malgré son âge, Le Gepard allemand se montre particulièrement efficace contre les drones et les missiles de croisière en Ukraine.
À ce jour, 55 systèmes Gepard ont été envoyés par Berlin en Ukraine, oû ils participent activement à la défense antiaérienne, antimissile et antidrone des unités et sites sensibles. Très apprécié des ukrainiens eux-mêmes, la seule faiblesse constatée du Gepard, aujourd’hui, est la grande consommation de ses munitions de 30 mm avec une cadence de tir pouvant atteindre 6 000 coups minute, peu produites en Europe, entrainant des carences importantes dans ce domaine.
La Bundeswehr veut compléter sa défense antiaérienne multicouche par de nouveaux systèmes SHORAD
Le nouveau système, visé par Berlin, aura à sa charge la défense antiaérienne dans une bulle de 3 km, au-delà de laquelle, l’interception pourra être assurée par le système IRIS-T SLM.
Le système IRIS-T SLM est aujourd’hui le pivot de l’initiative European Skyshield lancé en aout 2022 par Olaf Scholz, et rejoint par 18 autres pays depuis.
À ce titre, l’interopérabilité entre ce nouveau système, et le système antiaérien à courte et moyenne portée allemand, est au cœur du cahier des charges exigé par les autorités. La présence de Diehl Defence dans le consortium en charge de ce programme, répond précisément à ce besoin d’interopérabilité.
Le contrat pour ce développement, quant à lui, devrait être signé prochainement, alors que les premiers systèmes opérationnels sont attendus pour 2026 ou 2027. Le nombre de systèmes à livrer à la Bundeswehr n’a pas été divulgué pour l’instant, mais Rheinmetall estime qu’il devrait se situer entre 20 et 30 unités.
Le Skyranger 30 de Rheinmetall comme grand favori
La tourelle antiaérienne Skyranger 30, développée par Rheinmetall, fait office de grand favori pour s’imposer au cœur du nouveau système allemand. Elle peut prendre place sur des véhicules blindés moyens comme le Boxer, ou être déployée de manière fixe pour défendre des cibles d’importance.
Contrairement au Gepard, la tourelle Skyranger 30 n’est armée que d’un unique canon de 30 mm, d’une portée de 3 km qui tire 1 200 obus par minute, libérant chacun, à l’explosion, 160 billes de tungstène.
La tourelle Skyranger 30 développée par Rheinmetall est armée d’un canon de 30 mm, et 2 missiles antiaériens à courte portée, et flanquée de 5 antennes radars à face plane assurant une couverture à 360° ;
Elle peut également mettre en œuvre des missiles sol-air à très courte portée Skynight, Stinger ou Mistral d’une portée de 7 à 8 km, mais rien ne garantit, à ce jour, que cette option soit retenue par la Bundeswehr, qui entend confier l’interception missile à ses Iris-T SLM.
Elle s’appuie, dans sa version actuelle, sur un radar multimission en bande S, développé par Rheinmetall Italia, composé de 5 antennes assurant une couverture à 360°, et capable de détecter et poursuivre un avion à 20 km, un hélicoptère à 12 km, un missile à 8 km, et un drone léger ou une munition d’artillerie à 5 km. La tourelle dispose par ailleurs d’un dispositif infrarouge IRST, d’une caméra thermique et de deux télémètres laser, l’un pour les cibles aériennes, l’autre optimisé pour les cibles terrestres.
Une nouvelle fois, il est probable que la version qui sera retenue par la Bundeswehr, s’appuiera sur un système de senseurs différents, développé cette fois par Hensoldt, comme le Spexer 2000M MkIII déjà proposé en option par Rheinmetall, de sorte à en optimiser l’interopérabilité avec les IRIS-T SLM.
Un important potentiel à l’exportation s’appuyant sur l’initiative European Skyshield
L’intégration du nouveau SHORAD allemand au système antiaérien à moyenne portée Iris-t SLM, lui conférera un important potentiel à l’exportation dans le cadre de l’initiative European Skyshield, annoncée par Olaf Sholz en 2022.
Le système antibalistique ARROW 3 israélien, acquis par Berlin pour 5 Md€, représente le produit fédérateur de l’initiative European Skyshield.
L’Arrow 3 israélien, acquis par Berlin, est conçu pour contrer des missiles balistiques jusqu’au missile de portée intermédiaire. Le Patriot PAC-2 et PAC-3 MSE américain assurent la défense antimissile et antiaérienne à longue portée. Enfin, l’Iris-T SLM allemand, est en charge de la défense antiaérienne et antimissile à courte et moyenne portée.
De fait, le constat fait par la Bundeswehr, quant au besoin de compléter l’IRIS-T SLM par un système SHORAD conçu pour coopérer nativement avec celui-ci, constitue un argument de poids pour convaincre l’ensemble des utilisateurs de l’IRIS-T SLM, alors même que ce dernier constitue le plus petit commun dénominateur de l’initiative European Skyshield, et de ses 19 membres.
Alors que les pertes de blindés de première ligne sont considérables en Ukraine, tant au sein des armées russes qu’ukrainiennes, l’intervention israélienne à Gaza n’a enregistré que des pertes marginales dans ce domaine, alors même que les Merkava et Namer de Tsahal évoluent dans le plus difficile des environnements, en zone urbaine.
L’analyse des raisons de cette survivabilité des blindés israéliens, face à leurs homologues ukrainiens et russes, peut donner des pistes quant à la manière dont l’aide occidentale peut s’orienter pour contenir l’évolution du rapport de force dans ce conflit, voire pour venir à bout du pat défensif constaté depuis un an et demi.
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À la fin des années 2000, il ne restait que peu de spécialistes et de militaires pour continuer à croire dans l’efficacité du char de combat. Les progrès réalisés en matière d’armes antichars, et les difficultés pour les blindés lourds d’évoluer en combat urbain, mises en évidence à Grozny mais aussi dans les territoires palestiniens et même en Irak, avaient semble-t-il convaincu jusqu’aux états-majors de l’obsolescence en devenir de cette arme, qui avait été le mètre-étalon de la guerre froide.
Le retour en première ligne du char et des blindés lourds
De fait, en application des accords russo-américains post guerre froide, et surtout en raison d’une foi inébranlable des gouvernants quant à la fin des grandes menaces symétriques, les flottes de char et de blindés lourds chenillés de première ligne, fondit comme neige au soleil de 1995 à 2020. Le char était jugé trop lourd, trop couteux, et inadapté aux conflits asymétriques auxquels les armées étaient confrontées.
Comme la plupart des armées européennes, l’Armée de Terre française a vu son parc de chars et de blindés lourds chenillés fortement se réduire depuis 1990, pour n’aligner, aujourd’hui, que 200 Leclerc comme seuls blindés chenillés.
Cette perception erronée a radicalement changé ces deux dernières années. En effet, les chars et blindés de première ligne, ont joué, et jouent toujours un rôle central dans le conflit russo-ukrainien, mais aussi, plus récemment, dans le conflit opposant l’Armée israélienne et le Hamas dans la bande de Gaza.
Si ces deux conflits ont remis la force blindée au cœur des préoccupations des planificateurs militaires, il suffit d’observer l’activité commerciale et industrielle à ce sujet depuis 2022 pour s’en convaincre, ces deux théâtres présentent pourtant des tableaux très éloignés quant à leur efficacité au combat, et surtout concernant leur vulnérabilité.
Comment expliquer ces divergences radicales, et dans quelles mesures peuvent-elles fournir les enseignements nécessaires pour améliorer l’efficacité de l’aide occidentale à l’Ukraine, face à la montée en puissance de l’industrie de défense russe ?
Ukraine et Gaza, des théâtres très différents pour les blindés de première ligne
Les chars de combat, comme les blindés de première ligne tels les véhicules de combat d’infanterie, les transports de troupe blindés ou les véhicules de combat et de reconnaissance blindés, jouent un rôle central au sein des armées russes et ukrainiennes, comme dans l’intervention israélienne à Gaza. Cependant, si ces deux théâtres ont seulement quelques points communs, ils ont aussi d’importantes différences.
La plupart des combats menés par Tsahal à Gaza depuis le début de l’offensive se sont déroulés en zone urbaine, considérée comme la plus difficile pour les blindés lourds et les chars.
Ainsi, si en Ukraine, d’intenses combats ont eu lieu en zone urbaine, comma a Bakmut et Avdiivka, un grand nombre d’entre eux eurent lieu en espace ouvert, le long de la ligne d’engagement, dans des conditions très différentes des engagements presque exclusivement urbains auxquels les unités israéliennes sont confrontées à Gaza.
Surtout, la nature même du conflit et des belligérants diffèrent entre les deux conflits. Ainsi, en Palestine, le conflit est de nature asymétrique, opposant une armée conventionnelle israélienne à un adversaire composé majoritairement de forces légères mobiles, mais n’ayant que de faibles moyens lourds, d’aucune artillerie ni d’aviation, mais disposant d’importants moyens antichars, roquettes RPG, missiles antichars et de drones légers.
Le conflit en Ukraine, quant à lui, oppose deux adversaires alignant chacun l’ensemble de la panoplie du combat de haute intensité, y compris d’importants moyens d’artillerie, de drones, de munitions rôdeuses et d’un grand nombre de mines. Les uns, comme les autres, ont largement contribué aux lourdes pertes de chars et blindés lourds de part et d’autre.
La survivabilité des blindés israéliens à Gaza très supérieure à celle des blindés en Ukraine
De fait, on ne peut pas strictement comparer les pertes de blindés durant ces deux conflits, d’autant qu’ils reposent sur des conditions d’emplois de la force armée, elles aussi différentes. Cependant, l’ensemble de facteurs différenciant ne suffisent pas, à eux seuls, à expliquer l’immense contraste observé dans les pertes documentées de blindés de première ligne en Ukraine et à Gaza.
Les offensives blindées en espace ouvert, qu’elles soient russes ou, comme ici, ukrainiennes, ont rarement été couronnées de succès, et ont toujours enregistré de très lourdes pertes.
Si les bilans divergent selon les sources, il est incontestable que les armées russes ont perdu l’essentiel du parc blindé de première ligne dont elles disposaient avant le conflit, soit 3000 chars et 6000 véhicules blindés.
En effet, l’analyse des pertes documentées récentes, montre qu’il s’agit, pour les forces russes, en majorité d’équipements qui n’étaient pas en service en janvier 2022, avant l’attaque russe contre son voisin. Il en va d’ailleurs de même côté ukrainien, même si, là, la proportion de T-64 et de BMP 1 et 2, dans les pertes documentées, reste majoritaire.
De fait, ce conflit a déjà « consommé » au moins 2000 chars et 3000 à 4000 véhicules blindés de première ligne côté russe, contre respectivement 1200 et 2000 côté ukrainien, selon une analyse qualitative par défaut.
Si, à l’étude des documents de perte, nombre de ces destructions sont liés à des mines antichars, des frappes d’artillerie ou, plus rarement, des frappes de drones ou d’aviation, il apparait cependant qu’une majorité d’entre elles resulte soit de tir tendu de canons antichars, soit, le plus souvent, de l’utilisation de munitions antichars, missiles ou roquettes.
À l’inverse, les pertes documentées de blindés israéliens au combat, lors de l’intervention à Gaza, sont particulièrement peu nombreuses, proportionnellement parlant. Israël reconnait la perte d’un Vehicle de transport de troupe blindé Namer, ayant entrainé la mort de 11 soldats, ainsi que plusieurs chars Merkava et Namer endommagés depuis le début du conflit.
Bien que peu documentée, les pertes de blindés israéliens existent à Gaza, comme ici ce char Merkava. On ignore cependant si le char a vraiment été considéré détruit, ou s’il a été récupéré plus tard par Tsahal.
De fait, une fois considérées les pertes russes (comparaison plus pertinente que les pertes ukrainiennes, puisque les forces russes ont été le plus souvent en posture offensive depuis le début du conflit) liées aux armements « symétriques », et en appliquant un facteur de modération pour tenir compte de la différence d’intensité et de durée des deux conflits, ainsi que la différence de format des forces engagées, il apparait que les blindés israéliens peuvent se parer une survivabilité entre 8 et 12 fois supérieures à celle des blindés russes au combat.
Ce, alors même que les engagements de blindés israéliens se tiennent très majoritairement en zone urbaine, considéré comme le plus difficile pour ces équipements par beaucoup. Cette différence de survivabilité peut être en partie attribuée à l’entrainement des forces ou à des équipements plus performants. Pourtant, un équipement présent sur les blindés israéliens, et absent des blindés russes et ukrainiens, en est très certainement la meilleure explication.
Le rôle de l’APS hard kill Trophy dans la survivabilité des blindés israéliens
Cet équipement, c’est le système de protection APS hard kill Trophy, développé par l’Israélien Rafael, qui protège les Merkava 3 et 4, ainsi que les Namer de Tsahal, depuis le début des années 2010.
À la suite de la perte de plusieurs blindés, y compris de chars lourds Merkava 3, lors de l’intervention à Gaza de 2002, Tsahal entreprit d’accroitre la protection de ses blindés en y ajoutant un système de protection actif, dont la fonction serait de détecter les menaces, et de les intercepter, avant qu’elles ne puissent frapper le véhicule.
Deux entreprises israéliennes s’attelèrent au projet. IAI développa le système Iron Fist, alors que Rafael développa le Trophy. Si les deux systèmes sont en service en Israël, c’est le Trophy qui fut choisi pour protéger les Merkava et les Namer, les deux véhicules blindés les plus exposés en première ligne, en particulier en condition d’intervention urbaine.
Le Trophy se compose de trois éléments clés. Un système radar composé de quatre antennes planes assure la surveillance à 360° pour détecter les menaces, missiles ou roquettes. Le calculateur détermine si la menace peut, effectivement, venir frapper le blindé, ou pas. Le cas échéant, il pilote le système d’interception, qui envoie un projectile explosif vers la roquette, pour la faire exploser avant d’atteindre le blindé.
Selon son concepteur, le Trophy afficherait un taux d’interception supérieur à 90 % concernant les menaces jugées actives par le calculateur, lors des essais comme au combat. Ces chiffres ne semblent pas avoir été démentis par les récents engagements à Gaza, même si, comme toujours, l’adversaire fait preuve d’ingéniosité pour tenter de le contourner.
Pour répondre à la menace des drones légers armés de grenade, les Merkava israéliens engagés à Gaza ont rapidement été dotés de la même cage de protection observée, et parfois raillée, sur les chars russes en Ukraine.
Ainsi, le Trophy n’étant pas destiné à intercepter les menaces plongeantes ou verticales, le Hamas a employé, comme en Ukraine, de petits drones armés de grenades pour tenter de frapper les blindés israéliens dont une écoutille était restée ouverte. Depuis, les blindés israéliens ont été dotés, comme en Ukraine, d’une cage de protection verticale, pour éviter ce type de scénario.
Notons que si le Trophy est le seul APS (Active protection System) Hard kill à avoir démontré son efficacité au combat à ce jour, les autres systèmes comparables, comme le Strikeshield de l’allemand Rheinmetall, l’Arena-M russe, ou encore le Diamant français, revendiquent, eux aussi, des taux d’efficacité similaire, lors des essais.
Une solution pour compenser l’évolution défavorable du rapport de force en Ukraine ?
À cela s’ajoute un dernier aspect, tout aussi déterminant. Les APS sont, en effet, relativement économiques. Ainsi, le Trophy dans sa version lourde est annoncé par Rafael à un tarif de 900 000 $. Ceci ne comprend évidemment pas l’installation du système sur un blindé existant, ce qui explique que les factures des rétrofits de Léopard 2 et Abrams présentées ces dernières années, soient largement plus onéreuses.
À l’instar du Diamant français, l’ADS Strikeshield de Rheinmetall n’intercepte pas le projectile, mais le fait détonner avant qu’il ne frappe le blindé. Cette approche permet de concevoir des APS plus légers et simples à intégrer sur un blindé.
Pour autant, la plus-value apportée, pour protéger le blindé lui-même de la destruction, mais aussi, et surtout, pour protéger son précieux équipage, et éventuellement ses non moins précieux soldats transportés, compense très largement les surcouts générés, qui d’ailleurs peuvent être largement atténués lors d’une éventuelle phase d’industrialisation de l’installation des systèmes.
Or, si un blindé de première ligne voit sa survivabilité multipliée par cinq, cela permet non seulement de compenser, potentiellement, un désavantage numérique important, mais cela peut, également, permettre de venir à bout de la supériorité de la posture défensive très nettement constatée en Ukraine depuis le début du conflit.
Ces trois aspects, ainsi que le différentiel de la production industrielle russe face à celle de l’Ukraine et de ses alliés, en particulier en matière de blindés, militent sans équivoque en faveur de l’installation de systèmes hard kill sur les blindés de première ligne occidentaux envoyés en Ukraine.
D’autant qu’une telle initiative pourrait permettre d’accroitre les recrutements des armées ukrainiennes qui aujourd’hui sont à la peine, en présentant un taux de survie au combat très supérieur pour les équipages et troupes embarquées.
La pire des hypothèses, à l’inverse, serait que certains des blindés russes de première ligne, comme les T-90M ou les T-80BVM, comme les véhicules de combat d’infanterie BMP-4 ou le Kurganet-25 à venir, se voient dotés du système Arena-M. L’association d’une force d’assaut à forte survivabilité, et d’une force d’exploitation plus vulnérable, mais massive, pourrait, en effet, venir à bout du pat tactique constaté aujourd’hui.
L’industrie russe dispose, elle aussi, d’un APS Hard Kill, l’Arena-M. Mais force est de reconnaitre que ce n’est pas le plus discret et le moins encombrant du marché.
Que ce soit en raison d’un manque de crédits, des conséquences des sanctions occidentales sur les composants électriques vers la Russie, ou d’un certain manque de clairvoyance de l’état-major qui privilégie la masse à la survivabilité, aucun blindé russe protégé par le système Arena-M n’a été observé à ce jour sur le front. La question est de savoir combien de temps faudra-t-il aux russes pour s’apercevoir de ce point, et pour y répondre ?
Conclusion
On le voit, le système Trophy, et plus globalement les APS Hard Kill, jouent aujourd’hui un rôle déterminant, lorsqu’employés, pour augmenter la survivabilité des blindés de première ligne au combat. Cette démonstration avait déjà été faite en 2011 et 2012 par Tsahal, mais elle l’est encore davantage aujourd’hui à Gaza, dans un engagement d’une tout autre ampleur.
Bien évidemment, un APS n’assure pas une protection invincible, et ne prétend d’ailleurs pas le faire. Les blindés demeurent très exposés en première ligne, par la densité du feu antichar, mais aussi par une artillerie de plus en plus efficace, précise et réactive, par les mines à nouveau employées massivement, ou par les munitions plongeantes. On notera, à ce titre, que les APS les plus récents, comme Strikeshield et Diamant, prennent en compte et traitent ces menaces verticales.
Comment la survivabilité des blindés israéliens à Gaza peut-elle améliorer l'efficacité de l'aide militaire à l'Ukraine ? 27
L’efficacité démontrée à Gaza par le Trophy, apporte également des axes prometteurs pour tenter de faire évoluer positivement le rapport de force en Ukraine, en tenant compte des limites de production de l’industrie occidentale, face à une industrie russe pleinement mobilisée.
Surtout, en multipliant de plusieurs fois la survivabilité des blindés au combat, les APS Hard Kill représentent une probable solution face au pat tactique constaté sur place, avec une posture défensive surpassant de beaucoup l’efficacité de l’attaque aujourd’hui.
L’intégration rapide de systèmes hard kill aux blindés ukrainiens, tout au moins aux blindés occidentaux envoyés en Ukraine, constituerait certainement une des mesures les plus efficaces, du point de vue opérationnel comme budgétaire, pour contenir l’évolution défavorable du rapport de force, voire pour débloquer le verrou défensif qui s’y impose.
À l’inverse, si les chars et VCI russes venaient à en être équipés les premiers, ceux-ci auraient des chances bien plus élevées de percer les défenses ukrainiennes, et d’atteindre leurs terrifiants objectifs stratégiques. La course est donc lancée…
Le Pakistan vient d’annoncer, par l’intermédiaire de publications officielles sur les réseaux sociaux, qu’il disposait de missiles hypersoniques, susceptibles de modeler la géopolitique régionale. Si cette déclaration s’inscrit dans le cycle de tensions qui opposent Téhéran et Islamabad depuis quelques jours, elle laisse surtout les spécialistes perplexes quant à sa véracité.
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Après une attaque iranienne et une riposte pakistanaise, les tensions sont au plus haut entre les deux pays
L’Ababeel pakistanais est un missile balistique de moyenne portée capable d’emporter trois MIRV.
Selon des publications officielles faites sur les réseaux sociaux par le Air Chief Marshal Zaheer Ahmed Baber Sidhu, les forces pakistanaises disposeraient, elles aussi, de capacités hypersoniques, susceptibles de « contrer les menaces en évolution » et de « rééquilibrer la dynamique du pouvoir dans la région« , selon les termes employés.
Il est vrai que le Pakistan dispose de compétences avérées en matière de missiles balistiques, comme démontré il y a quelques mois avec l’entrée en service du missile balistique de moyenne portée Ababeel à carburant solide, capable d’emporter trois têtes nucléaires mirvées.
Les compétences avérées de l’industrie de défense pakistanaise en matière de missiles
Cette performance suppose que les ingénieurs pakistanais sont, en effet, capables de contrôler le vol hypersonique, au-delà de mach 5, ne serait-ce que pour assurer la trajectoire indépendante des MIRV.
Selon Timothy Wright, un analyste militaire du groupe de réflexion International Institute for Strategic Studies, interrogé par le site Defense News, l’Air Marshal Sidhu fait cependant très probablement référence, ici, au missile CM-400AKG, une version export du missile de croisière air-sol ou antinavire de conception chinoise YJ-12.
Le JF-17 Thunder Pakistanais peut emporter le missile air-sol ou antinavire CM400 chinois capable d’atteindre des vitesses hypersoniques, sans pour autant être effectivement qualifiable de missile hypersonique.
Acheté il y a 5 ans auprès de Pékin, le CM-400AKG a été observé sous les ailes de JF-17 Thunder. Le missile supersonique est, effectivement, capable d’atteindre, à certains moments de son vol, des vitesses supérieures ou égales à Mach 5. Cependant, la plupart du temps, il se cantonne à un vol supersonique élevé, autour de Mach 4.
Que sont les missiles hypersoniques et pourquoi sont-ils si importants pour les états-majors ?
Pour autant, entre disposer d’un missile capable d’atteindre des vitesses hypersoniques, et d’un missile hypersonique, il y a, pour ainsi dire, un monde technologique. Un missile est qualifié d’hypersonique lorsqu’il conserve, lui ou le planeur hypersonique qu’il peut transporter, une vitesse hypersonique et d’importantes capacités de manœuvre durant l’intégralité de son vol, en particulier durant la phase de vol hypersonique dans les couches plus basses de l’atmosphère, là où la densité de l’air entraine d’importants dégagements de chaleur.
L’association de ces deux capacités permet alors de rendre le calcul de la trajectoire du missile par les systèmes antibalistiques ou antiaériens, particulièrement complexe ou hasardeux, alors que l’anticipation du point d’impact est indispensable aux systèmes antibalistiques modernes pour procéder à une interception réussie.
La qualification du Kinzhal russe comme un véritable missile hypersonique fait encore débat au sein des spécialistes du sujet.
En d’autres termes, un missile hypersonique n’est pas à l’abri d’une interception, même avec les systèmes antibalistiques existants aujourd’hui. En revanche, ce dernier va devoir envoyer presque autant de missiles qu’il existe de possibilité concernant le point d’impact, rendant celle-ci non seulement plus difficile, mais aussi beaucoup plus couteuse (à 5 m$ le Patriot PAC-3 MSE), avec le risque de vider les stocks de missiles défensifs, et ainsi se retrouver à sec, lors d’une seconde attaque éventuelle.
On notera, à ce titre, que selon les spécialistes du sujet, comme Raytheon et Lockheed-Martin, qui produisent le Patriot PAC-3, la qualité de la formation des servants du système antibalistique, influence considérablement sur son efficacité, en particulier en réduisant le nombre de missiles employés pour réussir l’interception.
Une déclaration qui s’inscrit dans le bras de fer entre Téhéran et Islamabad
Quoi qu’il en soit, la conception de véritables missiles, pouvant être qualifiés d’hypersoniques, semble demeurer, aujourd’hui, hors de portée du savoir-faire des ingénieurs pakistanais.
La seule alternative serait, pour Islamabad, d’avoir obtenu de Pékin l’exportation du missile DF17 qui, lui, parait effectivement répondre à ces critères avec son planeur hypersonique. Toutefois, cette hypothèse est très improbable ou, tout du moins, n’a engendré aucune communication en ce sens.
En revanche, cette déclaration montre, sans équivoque, que les autorités pakistanaises craignent un emballement des tensions avec l’Iran, même si, pour l’heure, il ne s’est agi « que » de frapper des groupes hostiles à chacun d’eux, accueillis par l’autre.
Le DF17 chinois a tous les attributs du missile hypersonique. Remarquez le planeur hypersonique qui le coiffe. En revanche, rien n’indique qu’il ait été exporté au Pakistan.
Ce faisant, le Pakistan signale à son voisin, non seulement, qu’il dispose, comme l’Iran, d’une large flotte de missiles balistiques et de croisière susceptibles de passer les défenses antimissiles de l’adversaire, mais également, que les siens peuvent emporter, au besoin, des armes nucléaires.
Reste à voir, désormais, si le cycle infernal des ripostes et contre ripostes entamé par l’Iran contre plusieurs de ses voisins en Syrie, en Irak et au Pakistan, suite à l’attentat de Kerman du 3 janvier 2024, prendra fin, ou si, au contraire, Téhéran persévèrera dans cette voie.
Il est certain qu’une hausse des tensions entre les deux pays ne répondrait aux objectifs nationaux et régionaux d’aucun des deux. Mais si la logique prévalait dans les relations internationales, cela fait bien longtemps que tous les conflits auraient pris fin.
Le 18 janvier 2024, la commande de 400 missiles de croisière Tomahawk d’une portée de 1 800 km, pour armer les destroyers des forces d’autodéfense navales nippone, a été signée par le ministre de la Défense nippon, Minoru Kihara, et l’ambassadeur américain au Japon, Rahm Emanuel. Ce contrat, d’un montant de 1,7 Md$, amène avec lui un profond changement de doctrine de la part des forces armées japonaises.
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Ces dernières années, Tokyo a dû faire face, simultanément, à l’évolution rapide de deux menaces majeures. D’une part, le Japon est exposé aux tensions sino-américaines, accueillant sur son sol une base navale, deux bases aériennes et une division de Marines américains, susceptibles d’intervenir en soutien à Taïwan, risque de devenir rapidement une cible légitime pour Pékin en cas d’intervention militaire chinoise contre l’ile autonome.
Dans le même temps, la menace nord-coréenne, si elle n’a guère évolué dans ses fondements ces dernières années, s’est considérablement accrue, alors que Pyongyang se dotait de nouveaux missiles balistiques et de croisière, capables d’atteindre le sol japonais et de déjouer certaines des défenses antimissiles déployées, alors qu’ils peuvent être armés d’une tête nucléaire.
Changement de doctrine et hausse considérable des moyens pour les forces d’autodéfense japonaises
Pour répondre à ces menaces, sous l’influence du premier ministre Shinzo Abe puis de son successeur, Fumio Kishida, le Japon a dû entreprendre une profonde et rapide modernisation de ses forces armées, avec, entre autres choses, l’acquisition de nouveaux chasseurs F-35, la modernisation de certaines capacités comme les missiles antinavires Type 12, ou de la flotte avec les sous-marins Taigei et les frégates Mogami.
Avec la transformation des Izumo et Kaga, les forces navales d’autodéfense japonaises vont de doter de leur premier porte-avions depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Toutefois, pour faire face à des capacités majeures de première intention, qui plus est potentiellement nucléaires, la posture exclusivement défensive qui était, constitutionnellement, celle des forces d’autodéfense nippones, n’était plus suffisante. De fait, plusieurs initiatives politiques ont été prises par les autorités du pays, si pas pour amender la constitution, en tout cas pour en faire évoluer son interprétation.
Ceci permit à Tokyo de transformer ses deux porte-hélicoptères d’assaut de la classe Izumo, en porte-avions légers capables d’emporter et mettre en œuvre les avions de combat F-35B à décollage et atterrissage vertical ou court, avec l’assurance donnée que les navires, et les aéronefs mis en œuvre, ne seront employés qu’à des fins de défense « dans la profondeur » des iles japonaises.
400 missiles de croisière Tomahawk pour la Marine japonaise
Arme offensive par excellence, qui trouve sa principale utilisation lors de frappes préventives pour réduire le potentiel de riposte adverse, le missile de croisière ne faisait pas partie de l’arsenal des forces armées japonaises jusque-là, en application de la constitution empêchant celles-ci de porter le feu au-delà de son territoire, dans une posture exclusivement défensive.
Les destroyers Aegis classe Kongo, Atago et Maya de la Marine japonaise, seront armés de missiles de croisière Tomahawk
Les autorités nippones ont dû faire quelques circonvolutions pour contourner cette contrainte, en assurant que les missiles de croisière ainsi acquis, ne seront employés que pour frapper des infrastructures adverses qui s’apprêteraient, de manière évidente, à mener une attaque contre le sol japonais.
Outre les destroyers des classes Kongo, Maya et Atago, ainsi que les deux arsenal ships dont la construction a débuté, il se pourrait que les Tomahawk acquis viennent armer, à l’avenir, les sous-marins nippons de la classe Taigei, alors qu’un système de lancement vertical VLS adapté à ces navires a été présenté en décembre 2023.
Sans livrer de calendrier précis des livraisons, les États-Unis ont promis qu’ils livreront les missiles commandés au plus vite, de sorte à accroitre la sécurité et les capacités de dissuasion collectives, alors que les deux pays, mais aussi la Corée du Sud, l’Australie et plusieurs autres nations alliées, se sont engagés à promouvoir la sécurité et la paix régionale, sous le couvert de la nouvelle stratégie de défense américaine présentée en 2022.
Hausse du budget défense japonais, mais des contraintes RH importantes
Bien que constitutionnellement pacifiste, le Japon est aujourd’hui au cinquième rang des pays dotés du budget de défense le plus important, avec 53 Md$ en 2023. Après que le plafond de verre de l’effort de défense à 1 % du PIB a été brisé l’année dernière, Tokyo s’est engagé à faire croitre ses dépenses de defense pour atteindre 2 % de son PIB en 2027, soit plus de 70 Md$. Le Japon serait alors le quatrième pays dans le classement mondial des dépenses de defense, après les États-Unis, la Chine et la Russie.
Les forces d’autodéfense nippones font face à d’importantes difficultés dans le domaine RH, face à une démographie très défavorable, et à une concurrence féroce du secteur privé dans le recrutement de jeunes talents.
Pour autant, les armées nippones font sont confrontées à de graves difficultés, en particulier dans le domaine du recrutement, alors que la démographie japonaise fait simultanément face à un vieillissement rapide, à une natalité particulièrement faible, et à de fortes tensions liées à une demande non satisfaite sur le marché de l’emploi.
L’arrivée prochaine de ces missiles de croisière qui vont conférer une très importante capacité de frappe ou de riposte à ses forces navales, permettra d’accroitre sensiblement son potentiel dissuasif face à la Chine et la Corée du Nord, sans venir creuser les tensions RH qui touchent les forces d’autodéfense japonaises. Dans le présent contexte, cela valait probablement bien quelques entorses à la constitution.
En seulement quelques jours, les annonces faites par le président français, et le ministre des Armées, ont tracé une doctrine de soutien à l’Ukraine, radicalement différente de celle appliquée jusqu’à présent par Paris, mais aussi par les autres chancelleries européennes.
La France accepte, en effet, de consacrer une partie de la production de sa propre industrie de défense, à l’effort de guerre ukrainien, passant d’une aide ponctuelle de matériels prélevés sur les inventaires des armées, à une aide pérennisée dans la durée. Ce faisant, la France prend sa place dans le bras de fer qui oppose Kyiv et Moscou, avec l’espoir de convaincre les européens de faire même, seule alternative pour contenir la montée en puissance des armées russes.
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Le front en Ukraine toujours actif, mais figé depuis un an et demi
Les premiers mois de l’agression russe contre l’Ukraine ont donné lieu à des progressions rapides, d’abord des forces russes, en particulier dans le sud du pays, puis des armées ukrainiennes, regagnant une partie significative du terrain perdu préalablement, après l’échec de l’offensive russe et l’ordre de repli donné par le général Surovikine, aux forces survivantes, dernières des lignes de défense préparées.
La majorité des équipements envoyés en Ukraine par l’Europe ou les États-Unis, ont été prélevés sur les inventaires des armées.
Cette contre-offensive ukrainienne fut marquée par le retrait des forces russes du nord du pays, permettant aux ukrainiens de dégager Kyiv et Kharkiv, et celui, dans le sud, au-delà du Dniepr, avec l’abandon de la ville de Kherson.
Depuis la fin de cette phase, au début de l’automne 2022, le front a très peu évolué, en dépit d’une grande contre-offensive de printemps lancée par l’Ukraine en mai 2023, puis d’une contre-offensive d’hiver lancé par la Russie depuis le mois de novembre 2023.
À chaque fois, les tentatives de percées, russes comme ukrainiennes, se heurtèrent à des dispositifs défensifs bien préparés, soutenus par d’importantes forces d’artillerie, et protégés par une défense anti-aérienne dense. De fait, toutes les tentatives d’offensive ou de contre-offensive, maintenant que l’ensemble du front est protégé, de part et d’autres, par des infrastructures défensives inexpugnables, se sont conclus par des gains territoriaux marginaux, pour des pertes très élevées.
En d’autres termes, à présent que les deux armées sont retranchées, la situation opérationnelle se rapproche de celle qui s’imposa dans la dernière partie de la guerre de Corée, en 1952, alors que ni les chinois, ni les États-Unis, soutenus par leurs alliés occidentaux, ne parvenaient à obtenir des succès offensifs significatifs, sans y perdre l’ensemble des forces engagées, empêchant de fait toute exploitation mobile ulterieure.
Ce constat n’est pourtant pas surprenant. En effet, depuis le début du conflit, une seule partie du front est restée figée, la ligne de contact entre les deux armées dans le Donbass. À l’image de l’ensemble du front aujourd’hui, celle-ci était, en effet, largement protégée par d’importants dispositifs défensifs, tant du côté russe qu’ukrainien, après 6 ans de guerre dans la région.
L’artillerie ukrainienne parvient à contenir des offensives russes contre des lignes défensives bien préparées.
À ce titre, si l’état-major russe a fait de nombreuses erreurs lors de l’offensive initiale en février et mars 2022, il n’a jamais essayé de percer sur ce front jugé, à juste titre, bien trop difficile.
De fait, aujourd’hui, la conclusion potentielle de cette guerre en Ukraine, dépend plus que jamais de la possibilité, pour l’un ou l’autre des belligérants, de créer un rapport de force très favorable, en s’appuyant sur ses capacités de mobilisation, et ses capacités industrielles.
Dans ces domaines, Moscou dispose d’un avantage potentiel très supérieur à Kyiv, avec une population trois fois plus nombreuse et pleinement docile, et une industrie de défense déjà beaucoup plus importante avant-guerre, et désormais en croissance rapide.
La seule alternative, pour Kyiv, est donc de parvenir à obtenir de ses alliés, les moyens pour contenir l’évolution de ce rapport de force, de sorte que même si les armées russes venaient à tenter une nouvelle offensive, elles ne parviendraient pas à apporter un résultat différent de ces derniers mois.
Une nouvelle doctrine française de soutien à l’Ukraine pour contenir la montée en puissance des armées russes
Jusqu’à présent, les français, comme l’immense majorité des européens, s’étaient contentés de livrer des matériels d’occasion prélevés sur les inventaires de ses armées, ou sur des stocks d’équipements de réserve. Ainsi, les canons Caesar, les VAB, les AMX-10RC, les systèmes Crotale ou la batterie Mamba, envoyés en Ukraine en 2022 et 2023, ont été prélevés au sein des unités françaises.
Nexter a considérablement augmenté la cadence de production de ses canons Canon CAESAR ces deux dernières années.
C’est aussi le cas des chars Leopard 2, Challenger 2, T-72 et PT-91, des véhicules de combat d’infanterie CV90 et BMP1 et 2, ou des batteries Iris-T livrés par différents pays européens.
Toutefois, alors que le conflit s’était installé dans le temps long, il devint évident, à partir de l’automne 2023, que les stocks européens seraient insuffisants pour en venir à bout. Jusqu’à présent, certains industriels, comme l’allemand Rheinmetall, ont annoncé des initiatives pour créer un soutien industriel dynamique vers l’Ukraine. Mais aucun état n’avait pleinement intégré qu’il était nécessaire d’adapter leur production industrielle, Défense, aux besoins dans la durée de l’Ukraine.
C’est pourtant exactement ce que viennent de faire conjointement le président français, Emmanuel Macron, et son ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Leurs annonces sous-tendent, en effet, que Paris est désormais prêt à prendre sa part dans le bras de fer industriel défense entre l’Europe et la Russie, par l’intermédiaire du soutien dynamique à l’Ukraine, et à ses armées.
SCALP, CAESAR, A2SM, Aster… : les annonces françaises de livraisons d’armes à l’Ukraine se sont multipliées ces derniers jours
En trois jours de temps, les annonces se sont multipliées à Paris dans ce domaine. Lors de sa conférence de presse de début d’année, le président français a tracé les lignes de cette nouvelle posture française, ayant pour objectif de créer une dynamique en Europe allant dans la même direction.
La France va livrer 40 nouveaux missiles de croisière SCALP à l’Ukraine.
Ainsi, au-delà des 40 missiles SCALP transférés à Kyiv, qui seront prélevés sur les stocks des forces aériennes françaises, le président a annoncé la livraison de « plusieurs centaines de bombes » aux forces aériennes ukrainiennes.
Il est question, ici, d’une livraison de 50 bombes et kits A2SM par mois qui, s’ils seront probablement, eux aussi, prélevés sur les stocks français pour des questions de fluidité, seront remplacés par la production industrielle française, de sorte que cette promesse est la première s’intégrant dans le temps long.
Deux jours plus tard, c’était au tour de Sébastien Lecornu d’annoncer que la production annuelle française de canons CAESAR, soit 78 canons, pouvaient être livrés à Kyiv en 2024. À ce jour, 6 exemplaires de ces 78 canons ont été commandés (et seront payés) par Kyiv. Paris s’est dit, pour sa part, prêt à financer 12 canons destinés à Kyiv en 2024. Les 60 CAESAR restants devront trouver des sources de financement, on imagine en Europe, pour être livrés.
Le ministre a, par ailleurs, indiqué que sa grande priorité, aujourd’hui, était d’accélérer la production française de missiles sol-air Aster 15 et Aster 30, ceux-là mêmes qui sont employés par la batterie franco-italienne Mamba envoyée en Ukraine. Là encore, il s’agit, pour l’Hôtel de Brienne, d’assurer le soutien dans la durée des équipements fournis, en adaptant sa propre production industrielle aux besoins des armées ukrainiennes.
Les cadences de production de missiles Aster par MBDA doivent être multipliées par deux, selon le ministre des Armées.
Au-delà de cet aspect commercial, on comprend, par ces annonces, que la France s’engage dans une logique radicalement différente de celle suivie précédemment, en s’impliquant, industriellement, dans le bras de fer avec Moscou, pour neutraliser la montée en puissance de l’industrie de défense russe. Pour cela, la France met désormais à disposition de l’Ukraine, une partie de son potentiel industriel défense.
La France saisit une occasion de reprendre l’initiative en Europe en matière de défense
À la fin du mois d’octobre 2023, nous titrions : « Ouragan Trump : les européens ont deux mois pour réagir« . Cet article étudiait la manière dont les Européens devaient faire évoluer leurs propres paradigmes de défense, en particulier dans le domaine industriel, pour anticiper les conséquences d’un retour de Donald Trump à la tête des États-Unis.
En effet, l’ancien président, comme l’ensemble de son clan, ont multiplié les annonces inquiétantes, qu’il s’agisse de la protection américaine de ses alliés européens face à la Russie, et surtout de l’avenir de l’aide militaire américaine à l’Ukraine.
Même au-delà de la gestion du risque d’une baisse, voire d’un arrêt pur et simple de l’aide militaire US à l’Ukraine, lié au retour possible de Donald Trump, l’analyse pointait le fait que l’implication croissante des États-Unis sur d’autres théâtres, allait très probablement engendrer, dans un avenir proche, une telle baisse.
Après sa large victoire dans l’Iowa, Donald Trump est donné super favori des primaires républicaines.
Depuis, les hypothèses posées par cet article se sont trouvées renforcées, faisant croitre les craintes, en Ukraine, mais aussi en Europe, d’une évolution défavorable dans les mois et années à venir.
Dans le même temps, en dépit d’une implication importante dans le soutien militaire à l’Ukraine depuis le début du conflit, Berlin est également en perte de vitesse en matière de leadership européen défense, par son refus de livrer les missiles de croisière Taurus réclamés de longue date par Kyiv.
On constate, à ce sujet, que les annonces françaises sont formatées pour bénéficier d’une exposition accrue, précisément en profitant du contraste avec l’Allemagne, en annonçant la livraison de 40 missiles de croisière SCALP supplémentaires, et en apportant une première réponse, à la possibilité d’une suspension de l’aide américaine à l’Ukraine.
Au-delà de la légitime inquiétude d’une possible victoire russe en Ukraine, il est très probable que, par cette prise de position bien plus volontaire, mais aussi bien plus pertinente et adaptée aux besoins que par le passé, Paris entende reprendre une position dominante pour façonner les évolutions européennes en matière de défense.
Conclusion
On le voit, les annonces faites ces derniers jours par les autorités françaises, ont une portée bien supérieure aux seuls équipements qui seront livrés à l’Ukraine dans les semaines et mois à venir.
Sans surprise, la livraison de Mirage 2000D à l’Ukraine n’est toujours pas évoquée par les autorités françaises.
Il s’agit, en effet, d’un profond changement de paradigme de la part de la France, qui est désormais prête à consacrer une partie de la production annuelle de son industrie de défense, au soutien apporté à Kyiv pour faire face à Moscou. En outre, Paris entend visiblement convaincre ses partenaires européens, de suivre une trajectoire identique.
Un succès français dans ce domaine, pourrait engendrer de profonds changements dans l’évolution prévisible du rapport de force, donc du conflit, en Ukraine, en neutralisant la montée en puissance des armées russes, qui résulte de l’effort colossal de Moscou dans le domaine de l’industrie de défense et des armées.
En d’autres termes, si les européens venaient à suivre l’exemple français, non seulement seraient-ils prêts à temps pour faire face à un éventuel retrait de l’aide américaine à Kyiv, mais ils donneraient aux ukrainiens les moyens de contenir la montée en puissance prévisible des armées russes, et ainsi, de neutraliser les espoirs de Vladimir Poutine au sujet des perspectives de victoire d’une longue guerre.
La production industrielle militaire russe a considérablement augmenté en 2023, et atteindra probablement son rythme de croisière en 2024.
Reste à voir, désormais, comment l’initiative française sera effectivement reçue en Europe, ainsi que les réactions, pas nécessairement positives, de la part de Washington ou de Berlin, qui pourraient y voir une menace sur leurs propres positions.
Une chose est certaine, cependant. La nouvelle doctrine appliquée, pour l’heure partiellement, par Paris, est très certainement la seule qui offre des perspectives, si pas de victoire, en tout cas d’éviter la défaite, pour Kyiv.
Toutefois, pour qu’elle porte ses fruits, il est maintenant indispensable que d’autres pays européens suivent l’exemple français, ou viennent y participer, mais aussi que Kyiv accepte de rester dans une posture défensive, et évite, ainsi, de perdre des hommes et des matériels qu’il sera difficile de remplacer.
Cela fait maintenant près d’une année que plusieurs rumeurs font état de la possible livraison, par la France, de bombardiers tactiques Mirage 200D modernisés à l’Ukraine. Jusqu’ici, aucune confirmation officielle n’a été faite à ce sujet. Mais plusieurs informations récentes, y compris les annonces faites par le président Macron concernant la livraison de missiles SCALP et de bombes A2SM Hammer à l’Ukraine, à l’occasion de sa conférence de presse du 16 janvier, tendent à renforcer la crédibilité de cette hypothèse.
Sommaire
Les avions de combat occidentaux font partie des équipements réclamés à cor et à cri par l’Ukraine depuis le début du conflit. En effet, la centaine de Mig-29, Su-25, Su-24 et Su-27 qui formait les forces aériennes au début du conflit, étaient largement inférieures aux forces aériennes russes, et leur millier d’avions de combat, parmi lesquels des bombardiers Su-34, des chasseurs lourds polyvalents Su-30 et Su-35, ainsi qu’une poignée de Su-57.
Les différentes rumeurs concernant la livraison de Mirage 2000 à l’Ukraine depuis le début du conflit
Les alliés d’Europe de l’Est de l’Ukraine, en particulier la Pologne, ont rapidement répondu aux appels de l’Ukraine en transférant leurs Mig-29 et Su-25 hérités du Pacte de Varsovie. Il fallut, cependant, plus d’un an à Kyiv pour convaincre les occidentaux de suivre l’exemple de Varsovie, et encore une année pour mener les programmes de transformation des pilotes et équipes techniques ukrainiennes sur les F-16 danois et néerlandais, premiers chasseurs occidentaux qui seront mis en œuvre par l’Ukraine dans les mois à venir.
La Suède a lié la livraison de JAS 39 Gripen à l’Ukraine, à son adhésion à l’OTAN.
Il est vrai que les Mirage 2000C, récemment retirés du service, et réclamés par de nombreuses voix, n’avaient, dans les faits, aucun intérêt à aller en Ukraine, ni les forces aériennes ukrainiennes de les employer. Non modernisés depuis plusieurs années, ces appareils, par ailleurs à bout de souffle, ne pouvaient plus employer que les missiles R550 Magic 2 à courte portée et son canon de 30 mm comme armement, alors que leurs systèmes de défense étaient largement obsolètes pour évoluer dans le ciel ukrainien.
Quant aux Mirage 2000-5 encore en service au sein de l’Armée de l’Air et de l’Espace, beaucoup plus capables avec leur radar RDY et leurs missiles MICA IR et EM, les transférer aurait de trop affaibli le potentiel opérationnel français pour répondre efficacement au contrat opérationnel imposé.
Le Mirage 2000D, un chasseur bombardier taillé pour les besoins ukrainiens
Restait donc les avions d’attaque Mirage 2000D, dont 55 exemplaires ont été, ou sont en cours de modernisation, leur conférant des capacités bien plus avancées tant pour accroitre leur survivabilité au combat, que pour employer de nouvelles munitions, y compris le missile air-air d’autodéfense MICA IR, en lieu et place du Magic 2.
Le Mirage 2000D peut emporter un missile de croisière SCALP ER
Il y a quelques jours, le chef d’état-major des forces aériennes ukrainiennes, a évoqué la possibilité que des Mirage 2000D viennent remplacer les bombardiers tactiques ukrainiens Su-24, alors que des A-10 pourraient remplacer les avions d’appui aérien rapproché Su-25, et les F-16 déjà planifiés, les Su-27 et Mig-29 survivants dans les missions de défense aérienne.
Interrogé à plusieurs reprises sur le sujet, tant par les journalistes que par les parlementaires, le ministère des Armées français, quant à lui, s’est toujours montré évasif, même après que le journal le Figaro ait révélé que des équipages et personnels de maintenance ukrainiens étaient en formation sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, ce qui n’a été, depuis, ni confirmé, ni infirmé par Paris.
Dans ce contexte, les annonces faites par le Président de la République française, Emmanuel Macron, concernant l’évolution du soutien français à Kyiv, prennent beaucoup de sens.
40 missiles de croisière SCALP et des centaines de bombes A2SM pour l’Ukraine annoncées par Emmanuel Macron
À l’occasion d’une longue conférence de presse donnée le 16 janvier, le chef de l’État a confirmé que la France allait envoyer en Ukraine, prochainement, 40 missiles de croisière SCALP supplémentaires, ainsi que plusieurs centaines de bombes équipées du système de guidage et de propulsion A2SM Hammer.
Développé par Safran, le kit A2SM, ou AASM pour Armement air-air Modulaire, permet de transformer une bombe lisse en une munition air-sol de précision lancée à distance de sécurité (on parle alors de munition stand-off).
Le kit de guidage A2SM peut être adapté à différent modèle de bombes, allant de 125 à 1000 kg. La bombe lourde Hammer 1000, d’une tonne, fait partie des développements intégrés au programme Rafale F4.
Celui-ci se compose d’un kit de guidage inertiel couplé à un GPS, et éventuellement à un autodirecteur infrarouge ou laser, et d’un kit de propulsion et de plané, permettant à la munition de parcourir jusqu’à 70 km lorsqu’elle est larguée à haute altitude, et jusqu’à 15 km en basse altitude.
Le système de guidage GPS couplé à un système inertiel permet, en outre, à la munition de poursuivre sa trajectoire, même dans un environnement fortement brouillé, tout en conservant une importante précision. L’avion porteur, quant à lui, demeure hors de portée des défenses antiaériennes adverses, tout en menant des frappes de précision, y compris pour des missions d’appui aérien rapproché.
Si l’A2SM ne fait pas partie, a priori, de l’arsenal du Mirage 2000D, elle fait encore moins partie de celui des Sukhoï et Mig actuellement en service en Ukraine, ni des F-16 qui doivent lui être livrés. De fait, l’hypothèse qu’à cette occasion, les Mirage 2000D rénovés se soient vus ajouter la capacité d’emporter les bombes Hammer, représente l’hypothèse la plus probable et logique, concernant l’utilisation à venir de cette munition en Ukraine, comme annoncé par le Président français. (1)
En effet, l’exclusivité Rafale pour cette munition, longtemps exigée par Dassault Aviation pour soutenir commercialement son nouveau chasseur, n’a plus vraiment d’intérêt dès lors que l’appareil a rencontré un tel succès à l’exportation, et que la trajectoire de Rafalisation pour les forces aériennes françaises, est dorénavant inévitable.
L’arrivée de ces munitions de précision, en grande quantité, va certainement jouer un rôle important pour renforcer la posture défensive ukrainienne et frapper la profondeur logistique russe, en particulier alors que les armées de Moscou montrent d’évidents signes de renforcement ces derniers mois, là où les armées ukrainiennes tendent davantage à s’épuiser.
Or, en dehors du Rafale évidemment, le Mirage 2000D est assurément l’appareil le plus apte à tirer pleinement parti de ces deux munitions, surtout si elles sont disponibles en grande quantité.
L’hypothèse du Mirage 2000D en Ukraine plus forte que jamais
À ce faisceau de présomptions, s’ajoute un dernier point, apparu à l’occasion de la présentation de la LPM 2024-2030, et identifié dès ce moment par Meta-defense. En effet, alors que 55 Mirage 2000D seront modernisés d’ici à 2025, seuls 48 d’entre eux apparaissent dans l’inventaire de l’Armée de l’Air prévu par la loi de programmation. Il était alors aisé de spéculer, comme nous l’avions fait alors, que ces appareils pouvaient être destinés aux forces ukrainiennes, qui en avaient déjà grand besoin.
Contrairement au Mirage 2000 monoplace, le Mirage 2000D n’emporte pas de canon interne. Mais il peut emporter un pod canon de 30 mm particulièrement efficace pour les missions d’appui feu.
De nombreux indices pointent donc, aujourd’hui, vers une arrivée prochaine de 6 Mirage 2000D en Ukraine, un appareil restant à Mont de Marsan pour former équipages et personnels de maintenance ukrainiens, concomitamment à celle des F-16C danois et néerlandais.
Ces derniers auront certainement en charge d’assurer la supériorité aérienne, les 2000D, quant à eux, devront mener des frappes de précision efficaces dans la profondeur du dispositif russe, pour éroder son flux logistique et ses capacités de commandement.
Il convient également de garder que sur les 86 Mirage 2000D commandés par l’Armée de l’Air à la fin des années 80, 14 appareils ont été détruits suite à des accidents, et 6 autres sont exposés ou employés pour l’instruction.
Pourtant, l’Armée de l’Air et de l’Espace n’a décidé de ne moderniser que 55 des 66 Mirage 2000D restants. Même en éliminant les appareils les plus anciens ou les plus usés, il est possible que d’autres Mirage 2000D, potentiellement 6 à 8, non modernisés cette fois, ou dont la modernisation serait financée par l’Ukraine, soient livrés concomitamment, ou ultérieurement, aux forces aériennes ukrainiennes, ce qui conférerait aux forces aériennes ukrainiennes la possibilité de mettre en œuvre un escadron complet d’appareils d’attaque.
Une annonce officielle retardée au maximum, comme pour les CAESAR et les SCALP précédemment
Comme ce fut le cas pour les canons CAESAR, les SCALP et bien d’autres équipements, il est probable que l’arrivée des Mirage français en Ukraine ne sera annoncée qu’une fois les appareils déployés et prêts au combat, voire peu après leur premier engagement.
Le Mirage 2000D peut emporter un Pod de désignation laser (Damoclès ou Atlis) pour mettre en œuvre des bombes à guidage laser. Jusqu’à présent, il ne pouvait pas emporter de bombes propulsées A2SM, réservée au Rafale. Mais il s’agit, de loin, du meilleur candidat pour les mettre en œuvre en Ukraine, comme annoncé par le Président français.
Outre une importante plus-value opérationnelle pour les forces aériennes ukrainiennes, les chasseurs français vont également pouvoir recueillir de nombreuses informations sur le dispositif russe, en particulier concernant le spectre électromagnétique, informations qui seront certainement très utiles à Dassault Aviation pour les mises à jour du Rafale et le développement du NGF.
Si l’efficacité au combat des Mirage 2000D n’est plus à démontrer, il conviendra cependant d’observer à quel point les défenses antiaériennes et antimissiles qui protégeront les bases aériennes sur lesquelles l’appareil sera déployé, pourront repousser les très probables frappes de saturation qui seront lancés contre ces aérodromes par la Russie et ses forces aériennes.
Reste, désormais, à attendre l’annonce officielle concernant l’envoi potentiel des Mirage 200D modernisés en Ukraine. Celle-ci pourrait intervenir lors de la visite officielle d’Emmanuel Macron à Kyiv prévue au cours du mois de février, ce après que l’Ukraine a été la première destination du tout nouveau ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, à peine était-il nommé.
(1) : Depuis la rédaction de cet article, le ministère des Armées a indiqué que « les bombes guidées A2SM ont été adaptés à des avions d’origine soviétiques », ce qui laisse supposer qu’un appareil comme le Su-25 ou le Su-24 pourrait transporter et mettre en œuvre le système. Toutefois, considérant le faible nombre d’appareils de ce type encore en état de vol au sein des forces aériennes ukrainiennes, mais également l’absence de possibilité de remplacement par le même type d’appareils, cette déclaration est, pour ainsi dire, étonnante, pour ne pas dire suspecte.
Ce 15 janvier, le leader nord-coréen, Kim Jong Un, a annoncé, un jour après le tir d’essai d’un missile hypersonique, la modification à venir de la constitution nord-coréenne, à l’occasion d’un discours donné devant l’Assemblée Générale du peuple, à Pyongyang.
Pour le dictateur coréen, la Corée du Sud doit désormais être constitutionnellement identifiée comme l’ennemi principal du pays, et toutes les relations bilatérales avec le sud doivent être détruites, comme les accords tacites concernant certaines frontières.
La veille, les autorités nord-coréennes avaient annoncé le premier tir d’un missile balistique de portée intermédiaire à carburant solide, coiffé d’un planeur hypersonique. Si ces allégations doivent évidemment être confirmées, d’autant que la Corée du Nord diffuse fréquemment des fausses informations en matière d’armement, tout indique qu’une dynamique est en cours à Pyongyang, pour un profond durcissement des tensions avec le Sud, sur fond de relations renouvelées avec la Russie, et de dispersion des forces américaines pour répondre aux crises qui se multiplient.
Sommaire
Depuis la fin de la guerre de Corée, en juillet 1953, Pyongyang a très régulièrement agité la menace d’une confrontation militaire avec la Corée du Sud, mais aussi avec les États-Unis. Il s’agissait, le plus souvent, de créer une narration à visée intérieure, pour masquer les immenses difficultés économiques qui touchent le pays depuis cette date, et aggravées, qui plus est, par la comparaison avec un voisin au sud bien plus florissant.
Ce discours martial et belliqueux, qui s’est encore durci après que la Corée du Nord s’est dotée de l’arme nucléaire en 2006, a été entrecoupé par plusieurs périodes d’accalmies apparentes, sans conséquence favorable à moyen ou long terme cependant.
Les tensions et provocations nord-coréennes se multiplient depuis plusieurs mois
Ces derniers mois, il semble que Pyongyang, et son leader Kim Jong Un, ont engagé une séquence d’une rare intensité, avec des provocations et des menaces de plus en plus nombreuses et surtout toujours plus importantes et appuyées, contre Séoul, ainsi que Tokyo et Washington.
En 2010, les bombardements nord-coréens sur l’ile de Yeonpyeong avaient fait quatre morts, et plusieurs dizaines de blessés.
Cette dernière avait déjà subi une agression similaire en 2010, ayant entrainé la mort de deux militaires et deux civils sud-coréens, ainsi que plusieurs dizaines de blessés, alors que deux canons K9 Thunder ont été endommagés. Officiellement, le bilan nord-coréen est nul, mais c’est hautement improbable.
Pour l’heure, et en dépit de plusieurs séquences d’artillerie menées par les armées nord-coréennes, aucune perte n’a été enregistrée dans les armées ou la population sud-coréennes. Les provocations de Pyongyang ont amené les armées sud-coréennes à élever leur niveau d’alerte, sans toutefois déclencher de riposte. Mais cela ne semble guère satisfaire le leader Kim Jong Un.
Celui-ci vient, en effet, d’annoncer, concomitamment à un essai de missile balistique de portée intermédiaire présenté comme doté d’un planeur hypersonique, qu’il avait entrepris de profondément modifier la constitution du pays, pour « répondre aux évolutions internationales et à la menace que représente la Corée du Sud« , pour synthétiser son discours qui fait de la Corée du Sud, son « principal ennemi« .
Une nouvelle constitution nord-coréenne conçue autour de la confrontation avec le sud
Concrètement, la constitution nord-coréenne va être amendée en plusieurs points. D’abord, toutes les connexions, physiques, économiques, politiques et autres, avec la Corée du Sud, seront purement et simplement détruites, et l’ensemble des procédures et canaux de coopération et de communication avec Séoul seront supprimés. Par ailleurs, les lignes de séparation avec le sud, le long de frontière, verront leurs défenses renforcées.
Le dictateur nord-coréen Kim Jong Un multiplie les postures belliqueuses et les annonces martiales contre le sud depuis plusieurs mois.
À ce titre, la nouvelle constitution rejettera l’actuelle frontière nord, en mer Jaune, celle qui fait l’objet des tensions actuelles, alors que Pyongyang va « redéfinir ses frontières ». En outre, Kim Jong Un ajoute que toute incursion sud-coréenne « ne serait-ce que d’un millimètre », à l’intérieur du territoire nord coréen, sera considéré comme une déclaration de guerre, créant de fait un possible casus belli avec le sud qui semble difficile à éviter.
Enfin, le leader nord-coréen a ajouté que les armées nord-coréennes vont continuer à accroitre leur stock d’armes nucléaires, pour se préparer à une confrontation. Et de préciser que si une guerre devait advenir, les armées nord-coréennes ne s’arrêteraient pas avant d’avoir éradiqué la Corée du Sud de la carte, et de l’avoir entièrement conquise.
Pyongyang annonce un tir de missile hypersonique à carburant solide
La veille de ce discours, la Corée du Nord a procédé au tir d’un nouveau missile balistique de portée intermédiaire à carburant solide. Selon les autorités du pays, celui-ci était doté d’une « ogive planante de manœuvre hypersonique« , ce qui est désigné, en occident, par le terme de planeur hypersonique.
Image diffusée par l’agence de presse nord-coréenne pour illustrer le tir d’essai d’un missile IRBM (portée intermédiaire) à carburant solide coiffé d’un planeur hypersonique le 14 janvier 2024.
Rappelons que la technologie des missiles à carburant solide permet de tirer le missile très rapidement, sans procédure de remplissage de carburant, y compris pour les systèmes de lancement mobiles, ce qui réduit le potentiel d’efficacité des frappes préventives, comme celles définies par la première phase de la doctrine trois axes sud-coréenne, prévoyant la destruction au sol des missiles nord-coréens.
Un planeur hypersonique, quant à lui, est un véhicule de frappe destiné à évoluer à des vitesses hypersoniques (supérieures à mach 5) tout en conservant d’importantes capacités de manœuvre dans les couches basses de l’atmosphère, le rendant particulièrement difficile à intercepter par les systèmes antibalistiques actuellement en service.
Là encore, il s’agit pour Pyongyang, par cette annonce, de faire planer le doute sur l’efficacité de la doctrine 3 axes sud-coréenne, dont la seconde phase prévoit, justement, l’interception en vol des missiles et ogives nord-coréens ayant survécu aux frappes préventives de la phase 1.
Deux facteurs extérieurs qui aggravent les risques en Corée
Mises bout à bout, la conjonction des tensions actuelles en mer Jaune, les modifications à venir de la constitution nord-coréennes annoncées par Kim Jong Un, et l’annonce d’un essai de missile balistique à carburant solide coiffé un planeur hypersonique, tracent un schéma pour le moins inquiétant quant à l’avenir de la paix dans la péninsule coréenne.
Lors de sa visite officielle à Moscou en 2023, Kim Jong-Un a passé un long moment auprès des avions de combat Su-57 et Su-35 qui lui ont été présentés. L’arrivée de l’un ou l’autre de ces appareils dans l’inventaire des forces aériennes nord-coréennes constituerait un profond basculement du rapport de force dans la péninsule coréenne.
Deux facteurs extérieurs viennent, par ailleurs, assombrir le tableau et appellent, si pas à donner du crédit aux menaces proférées, en tout cas à faire preuve d’une vigilance accrue, en particulier pour Séoul.
Les nouveaux liens entre Pyongyang et Moscou autour de la livraison de munitions et de missiles aux armées russes en Ukraine
Le premier repose sur l’intensification des relations entre Pyongyang et Moscou. Il y a quelques jours, des débris de missiles balistiques nord-coréens auraient été identifiés dans les décombres de frappe en Ukraine, laissant supposer qu’au-delà des obus d’artillerie de 122 et 152 mm envoyés par la Corée du Nord aux armées russes, pour soutenir leur effort en Ukraine, le pays aurait aussi livré certains de leurs précieux missiles balistiques.
Or, il ne fait absolument aucun doute que Kim Jong Un aura su négocier avec les autorités russes des compensations importantes en échange d’un tel soutien. Aucune information n’a, bien évidemment, été divulguée à ce sujet, ni par Pyongyang ni par Moscou. Cependant, considérant l’état des forces armées nord-coréennes, on imagine aisément que cette négociation a porté sur l’acquisition des avions de combat et de systèmes antiaériens modernes qui lui font défaut aujourd’hui, en particulier pour contrer la doctrine 3 axes du sud.
L’acquisition de chasseurs Su-35 a été annoncée par Téhéran, qui soutient également l’effort de guerre russe en Ukraine.
D’autres hypothèses ont été avancées à ce sujet en matière de compensation pour le soutien nord-coréen à l’effort de guerre russe, comme le transfert de technologies critiques dans le domaine des sous-marins et de leur propulsion, ainsi que des missiles balistiques et hypersoniques.
Il ne s’agit là, bien sûr, que de spéculations, mais de spéculations éclairées, tant ces équipements et technologies pourraient profondément faire évoluer le rapport de force sur la péninsule coréenne.
Rappelons, en outre, qu’il est certainement dans l’intérêt de Moscou de voir les points de tension, voire les conflits, se multiplier aujourd’hui, plus particulièrement lorsqu’ils concernent des alliés proches des États-Unis, de sorte à faire baisser le soutien américain à l’Ukraine.
Le même raisonnement s’applique d’ailleurs à l’Iran qui, elle aussi, transfert des armes à la Russie, notamment des drones d’attaque, et qui, elle aussi, s’est engagée dans une voie de tensions régionales croissantes depuis quelques mois.
La multiplication des crises mondiales qui entraine la dispersion des forces américaines
Le second facteur aggravant est, en quelque sorte, le corollaire du premier, puisqu’il s’agit de la multiplication des points de tensions et de conflits latents dans le monde, en particulier ceux qui touchent les alliés des États-Unis, comme l’Ukraine, mais aussi Israël, Taïwan ou les Philippines.
Les forces armées américaines sont aujourd’hui particulièrement dispersées pour répondre aux différentes crises et conflits qui se sont déclenchés depuis deux ans.
Ces tensions obligent les armées américaines à disperser leurs forces, et à réduire, dans les faits, leur potentiel d’implication et d’intervention en Corée, voire à suivre une posture plus conciliante, précisément pour éviter l’émergence d’un nouveau conflit qui serait très difficile de mener simultanément aux autres.
En effet, entre la guerre en Ukraine qui mobilise déjà une partie de l’industrie de défense américaine, le conflit au Moyen-Orient qui requiert d’importants déploiements de forces, et les tensions sino-taïwanaises qui exigent à conserver des réserves et capacités de réaction rapide significatives, les moyens militaires dont peut disposer le Pentagone pour faire face à un conflit nord-sud en Corée, qui plus est potentiellement nucléaire, seraient nécessairement moindres.
On notera, à ce sujet, que d’une certaine manière, les États-Unis se retrouvent, aujourd’hui, pris au piège de leur propre stratégie qui visait à s’assurer d’une position dominante géopolitique et économique, au travers d’une garantie de sécurité conférée par la puissance militaire US vers l’ensemble de ces alliés. Ainsi, un rapport récent évaluait à 14 000 md$, soit presque une année de PIB, les économies réalisées par les Européens en application des fameux « bénéfices de la paix », avec la garantie d’une sécurité assurée par les États-Unis.
On le comprend, il existe, aujourd’hui, un ensemble de facteurs concordants, qui laissent envisager un durcissement à venir des tensions sur la péninsule coréenne, avec un risque bien réel de conflit, potentiellement nucléaire.
Toutefois, ce risque ne sera à son apogée, qu’une fois que les armées nord-coréennes auront, effectivement, obtenues de Moscou, voire éventuellement de Pékin, les équipements et les technologies lui permettant de contrer la doctrine 3 axes sud-coréenne, seule garantie pour Pyongyang que la supériorité numérique de ses forces, puisse jouer à plein, tout en conservant un potentiel nucléaire intact pour tenir à distance Washington et les occidentaux.
Conclusion
On comprend, dans ce contexte, les immenses efforts consentis par Séoul, pour moderniser ses armées, avec un tempo envié de tous, et un dynamisme industriel qui force le respect.
La Corée du Sud opère 40 F-35A, et a commandé 20 appareils supplémentaires il y a quelques jours. Ces chasseurs sont destinés à jouer un rôle décisif en application de la doctrine 3 axes.
Reste que si Pyongyang venait effectivement à se doter de missiles balistiques à carburant solide, de planeurs hypersoniques, ainsi que d’une flotte de chasse et une défense aérienne plus moderne, la dissuasion conventionnelle sud-coréenne se verrait considérablement affaiblie, ouvrant de nombreuses opportunités pour Pyongyang d’éliminer le problème que représente un demi-frère bien plus riche et attractif, pour le régime du pays.
Surtout, toute nouvelle crise sécuritaire, ou pire, tout nouveau conflit, qui nécessiterait des déploiements de forces US, viendra affaiblir cette posture dissuasive sud-coréenne, et ainsi ouvrir des opportunités, tout au moins perçues, pour le nord.
Dans tous les cas, on peut s’attendre, dans les mois et années à venir, à ce que les tensions en Corée aillent croissantes, et à ce que régime nord-coréen, comme ses armées, multiplient les provocations pour les accroître, avec un risque désormais bien réel, qu’un conflit y émerge.
Les industriels européens en charge du développement de l’intercepteur hypersonique du programme HYDEF, auraient reçu une proposition d’assistance de la part de leurs homologues israéliens, en particulier ceux impliqués dans le développement des systèmes Arrow antibalistiques. Ce faisant, ils laissent penser que le consortium en charge de ce programme, rencontrerait des difficultés, alors que dans le même temps, les développeurs du seul système antibalistique européen, l’Aster Block 1NT, se sont engagés dans un contre-programme annoncé lors du salon du Bourget 2023, l’intercepteur Aquila.
Sommaire
En juillet 2022, la Commission Européenne décida, contre toute attente, de confier la conception du programme HYDEF (Hypersonic Defense) à un consortium européen rassemblant des entreprises allemandes, belges, polonaises, tchèques, suédoises et norvégiennes, emmené par l’Espagne.
L’étonnant arbitrage de la commission européenne pour le développement du programme HYDEF
Le missile Aster 30 et le système SAMP/T Mamba est la seule alternative européenne au Patriot américain.
Berlin accru cette défiance quelques semaines plus tard, lorsque le chancelier Olaf Scholz dévoila, fin aout 2022 à Prague, le lancement du programme European Skyshield, visant à concevoir un bouclier antiaérien et antimissile autour de 3 systèmes : la Patriot PAC américain, l’Iris-t SLM allemand, et le système Arrow 3 antibalistique dont l’Allemagne négociait l’acquisition auprès de Jérusalem.
Là encore, la France et l’Italie étaient exclues de l’initiative, par ailleurs largement plébiscitée en Europe avec 14 pays participants, de même que le système SAMP/T et le missile Aster. Les industriels israéliens, en revanche, se trouvaient, par cette décision allemande, propulsés au pinacle des fournisseurs de systèmes antiaériens en Europe, et en pleine confiance pour étendre leurs parts de marchés sur le vieux continent.
C’est dans ce contexte particulier, que les industriels israéliens viennent de faire une proposition des plus déroutantes à leurs homologues européens engagés dans le programme HYDEF, et par transitivité, à la Commission Européenne.
L’industrie israélienne propose son aide pour developper l’intercepteur hypersonique européen
En effet, selon le site defense-industry.eu, ils auraient proposé de participer au programme HYDEF au travers de transferts de technologies, mais aussi en participant directement au développement du système lui-même. On comprend, au travers de l’article cité, que des contacts auraient déjà été pris avec certains industriels européens à ce sujet.
L’Allemagne a officialisé la commande du système antibalistique israélien Arrow 3 dans le cadre de l’initiative European Skyshield. Des interrogations subsistent quant à l’efficacité de ce système, conçu pour contrer les IRBM iraniens, face aux missiles à trajectoire semi-balistique ou hypersonique russes.
Rappelons qu’effectivement, Israël peut revendiquer une expérience avérée dans le développement de systèmes sol-air efficaces, le pays étant notamment protégé par une défense multicouche constituée des systèmes Arrow 2 et 3 antibalistiques(équivalents au THAAD), du système David Sling à moyenne portée (équivalent du Patriot PAC ou du Mamba), et du système Iron Shield à courte portée, dont la conception est relativement unique dans le monde.
En outre, si aucun système antiaérien israélien, conçu pour contrer les missiles et planeurs hypersoniques, n’est actuellement en service, IAI, le concepteur de l’Arrow 3, développe depuis plus d’un an, maintenant, le système Arrow 4, destiné précisément à contrer les nouveaux missiles balistiques iraniens qui suivent des trajectoires semi-balistiques et disposent de capacités de manœuvre, précisément pour déjouer les systèmes antibalistiques israéliens.
De fait, et en dehors des États-Unis, il ne fait aucun doute que les industriels israéliens font partie des partenaires étrangers les plus à même d’épauler leurs homologues européens dans la conception du système HYDEF. Ce serait toutefois oublier qu’il existe bel et bien, en Europe, un consortium industriel qui, lui aussi, dispose d’une grande expérience sur le sujet.
Programme Aquila : le contre-projet lancé par les concepteurs français et italiens du missile antibalistique Aster Block 1NT
En effet, depuis la douche froide infligée par la Commission Européenne, visiblement plus concernée par un consortium européen élargi plutôt que par l’expérience et les compétences sur le sujet, MBDA et Leonardo ne sont pas restés à bouder, bien au contraire.
À l’occasion du Paris Air Show 2023, MBDA a présenté l’intercepteur hypersonique Aquila, qui sera codéveloppé pendant trois ans avec l’Italie, l’Allemagne et les Pays-Bas.
Ainsi, à l’occasion du Paris Air Show 2023, le missilier européen a présenté le projet Aquila, qui vise justement à concevoir un intercepteur hypersonique. Ce programme prometteur franco-italien avait d’ailleurs été rejoint, avant même sa présentation publique, par les Pays-Bas, mais aussi par l’Allemagne, avec la signature d’une lettre d’intention par ces quatre pays pour developper un ou plusieurs intercepteurs antibalistiques hypersoniques.
La phase d’étude de ce programme, baptisé HYDIS2 pour Hypersonic Defense Interceptor System, va durer 3 ans, et mobilisera, outre les 4 pays cités, une trentaine d’entreprises européennes appartenant à 14 autres pays européens.
En d’autres termes, aujourd’hui, un programme européen parallèle au HYDEF lancé et financé par la Commission européenne, suit une trajectoire autonome, pour developper exactement le même système que leurs homologues européens dont on peut supposer qu’ils rencontrent certaines difficultés, puisqu’ils se sont vus proposer l’aide des israéliens.
Vers une fusion des programmes HYDEF et Aquila ?
Il est probablement temps, pour la commission européenne, de réviser son arbitrage concernant l’attribution du programme HYDEF, et de prendre en compte, en particulier, l’urgence du besoin, mais aussi le manque d’expérience et de compétences des industriels retenus en 2022, comme le démontre la proposition israélienne.
L’intercepteur européen HYDEF doit prendre place dans le système de détection et de suivi européen TWISTER, auquel participe l’industrie française.
Surtout, il doit être absolument clair, pour les décideurs européens, qu’il est hors de question de financer le développement d’une capacité stratégique européenne en s’appuyant sur un pays, certes alliés, mais n’appartenant ni à l’Union européenne, ni à l’OTAN, sur des fonds européens, alors qu’une offre alternative entièrement européenne existe.
Quoi qu’il en soit, la communication israélienne à ce sujet, loin d’ouvrir certaines opportunités comme elle pouvait l’espérer, va très certainement venir durcir les tensions à Bruxelles concernant le programme HYDEF, et affaiblir le bienfondé et la pertinence de l’arbitrage fait par la commission européenne en 2022 à ce sujet.