La marine royale australienne (Royal Australian Navy (RAN) est engagée dans un vaste plan de modernisation tous azimuts qui touche également ses capacités de guerre des mines. L’ensemble des bâtiments devaient être remplacé au sein du programme SEA 1180 portant la fourniture de 20 patrouilleurs qui accueilleraient des systèmes de mission modulaires dont un conçu pour la guerre des mines. Finalement, le gouvernement issu des élections de mai 2018 étudie de nouvelles options et devrait se décider au profit de l’une d’entre-elles à la fin de l’année 2019.
Le premier Su-57 de série prêt à être livré aux forces russes
Selon une déclaration du vice-ministre de La Défense russe Alexei Krivoruchko, le premier Su-57 de série serait prêt à être livré aux forces russes. Cette livraison devrait intervenir avant la fin de l’année 2019. 2020 verra la livraison d’un nouvel appareil, la production allant croissant lors des années suivantes. Pour rappel, la Russie a passé commande de 76 Su-57 pour un montant total de 170 Md de roubles, amenant le prix unitaire de l’appareil à un peu plus de 31 m€.
Long de 20 m pour 14m d’envergure, le Su-57, désigné par l’OTAN depuis peu comme le Felon, est un chasseur lourd ayant une masse à vide de 18 tonnes et une masse maximum au décollage de 35 tonnes, comme le Su-35. Les appareils de série seront propulsés par deux turboréacteurs izdeliye 30 à poussée vectorielle, d’une poussée sèche de 108 KN, et de 176 KN avec post-combustion. L’appareil conservera un rapport poussé-poids supérieur ou égal à 1, même à pleine charge au décollage. Il atteint une vitesse maximale de Mach 2 à haute altitude, et une vitesse de super-croisière (sans post-combustion) de Mach 1,6 à haute altitude. L’avion emporte jusqu’à 7 tonnes de carburant interne, lui conférant un rayon d’action de 3500 km sans réservoir supplémentaire, et de 1500 km en super-croisière.

La détection est assurée par un radar Sh121 AESA basée sur le N036 Byelka, capable de détecter des cibles jusqu’à 400 km selon le constructeur Tikhomirov NIIP, de suivre simultanément jusqu’à 60 cibles, et d’en engager 16. Le radar est composé d’une antenne principale dans le nez, et d’antennes AESA secondaires latérales offrant une très grande capacité de détection angulaire à l’appareil. Il est également équipé d’un systeme optronique multi-spectral 101Ks Atoll, couvrant les fonctions d’IRST et de détecteurs d’alerte sur les spectres infra-rouge et ultra-violet, ainsi que concernant la visée laser, ainsi que d’une suite de guerre électronique L401 Himalaya.
Le Felon peut emporter une vaste panoplie de missiles et de munitions, que ce soit dans ses soutes ou sur ses 6 points d’emports extérieurs. Il pourra notamment mettre en oeuvre le missile air-air à très longue portée R37M destiné à éliminer les avions de soutien, comme les Awacs ou les avions ravitailleurs. Il peut également mettre en oeuvre de nombreuses munitions Air-Sol, sont des missiles de croisière Kh59, des missiles anti-navires Kh35, ou des missiles antiradars Kh-58.

L’appareil est conçu pour évoluer de concert avec le drone de combat S70 Okhotnik B, qui doit entrer en service d’ici 2024 selon les autorités russes. Le drone furtif de 20 tonnes assurera aussi bien des missions d’effecteur/détecteurs déportés, à l’instar du Remote Carrier su programme SCAF, que des missions de Loyal Wingman, selon le concept développé par les Etats-Unis. L’Okhotnik-B a été conçu pour avoir des performances cohérentes avec celles du Su-57, notamment en terme de rayon d’action. Selon les autorités russes le Su-57 présenterait une Surface Equivalente Radar de l’ordre de 0,5m2 en secteur frontal, soit une furtivité très inférieure dans l’absolue à celle du F35 ou du F22. L’avion russe pourra cependant compenser ce handicap par l’utilisation de ses détecteurs infrarouges à longue portée, et par la coopération native avec l’Okhotnik-B, qui représente un avantage non négligeable à moyen terme.
Le programme Su-57 a souvent été jugé de façon inadéquate par la presse défense anglo-saxonne, qui a plusieurs fois annoncé son échec, et même son arrêt. En réalité, le Felon est un appareil conçu par et pour les forces russes, et répond parfaitement aux doctrines d’emploi et d’engagement de celles-ci. Ainsi, l’appareil n’a pas négligé sa manoeuvrabilité, ni son autonomie ou sa survivabilité (bi-moteurs) sur l’autel de la furtivité, et l’association de ces 3 critères permettront aux forces russes de mettre en oeuvre un appareil puissamment armé, disposant de réserves de carburant significatives même à grande distance, dans nécessiter de bidons extérieurs altérant la furtivité, ou de ravitaillements en vol, jugés trop vulnérables.
Quoiqu’il en soit, la conception d’un tel appareil, et sa production en série, représente un tour de force pour un pays ayant le PIB de l’Italie. Loin d’être désarmés ou désavantagés face aux appareils occidentaux, le Su-57 apporte une vision différenciée de la notion de puissance aérienne, basée sur des frappes ciblées pour éliminer les points d’appuis de l’adversaire, tout en étant mis en oeuvre à partir de bases reculées. En ce sens, le Su-57, certes plus rustique, pourrait être qualifié d' »Anti-F35« , tant les paradigmes ayant donné naissance aux deux appareils divergent. Mais si le prix unitaire du Felon est bien de 31 m€ comme annoncé, et que les performances sont elles aussi au niveau des annonces, on peut se demander quel serait, en fait, l’appareil le plus abouti.
Emmanuel Macron ouvre-t-il une porte pour un rapprochement franco-russe ?
« L’OTAN est en état de mort cérébrale ». C’est par cette phrase lourde de sens que le président français a jugé, dans une interview donnée au quotidien britannique « The Economist », l’incapacité de l’OTAN à répondre aux écarts de positions très marqués entre les Européens, Washington et Ankara, notamment au sujet de la crise syrienne.
Emmanuel Macron porte également une charge que l’on peut qualifier de « peu diplomatique » contre la décision unilatérale du président américain de retirer ses troupes du nord de la Syrie, action ayant été perçue par le président turc comme un accord tacite pour déclencher l’opération militaire contre les kurdes du YPG qui, selon le dernier décompte, aura couté la vie à près de 500 combattants kurdes qui, jusque-là, se battaient au côté des forces américaines et françaises pour neutraliser Daech.
Mais si les positions exprimées par le président français focalisent le débat médiatique en Europe, notamment dans les pays les plus proches de l’OTAN, c’est avant tout l’ouverture faite vers Moscou qui apparait comme étant la plus riche de conséquences potentielles.
En effet, sans pour autant se montrer particulièrement tendre avec les dirigeants russes, le président Macron a appelé Moscou à se rapprocher de ses partenaires européens, si la Russie ne voulait pas devenir, à plus ou moins long terme, un satellite de Pékin.
Il est vrais qu’en intensifiant les relations commerciales et militaires avec la Chine, le Kremlin risque fort de se mettre dans une situation de dépendance économique, stratégie dans laquelle Pékin excelle. Et de voir, petit à petit, les marqueurs de l’indépendance de la Russie, qui font aujourd’hui la fierté du pays, passer sous le contrôle direct ou indirect des autorités chinoises.
Déjà, dans plusieurs Oblasts de Sibérie orientale, la population russe est inférieure en nombre à la population de métayers chinois, exploitant les terres agricoles délaissées par les russes qui, pour beaucoup, préfèrent migrer vers la Russie « Européenne » au delà de l’Oural.
La France est par ailleurs assez légitime pour porter un tel discours puisqu’avec l’Allemagne, elle est le pays qui investit le plus dans l’économie russe chaque année, avec de nombreuses entreprises nationales très présentes dans le pays, comme le groupe Auchan, Renault ou la Société générale.
En outre, le statut de nation nucléaire et de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unis de la France donne du poids aux propos du président.
Surtout, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle, car abordé dans la même interview par Emmanuel Macron, entre la volonté de prendre des distances vis-à-vis de la tutelle américaine pour la France et l’Europe, et le risque de mise sous tutelle de la Russie, lorsqu’il parle de l’alliance sino-russe.
La communauté de destin, mais également de volontés de continuer à peser dans le monde de demain, sert donc de socle à cette ouverture faite à demi-mots par le président français.
Evidemment, cette approche est loin d’être évidente ou acquise d’avance. Les réactions en Europe concernant le jugement du président Macron contre l’OTAN, jugé « intempestif » par la chancelière allemande, montrent que l’unanimité politique dans l’Union est loin d’être acquise, loin s’en faut.
Mais ce sont surtout les réactions en Russie qui portent intérêt puisque, même si l’ouverture n’est pas mentionnée, elles sont unanimement positives à Moscou quand au propos du président rapporté par « The Economist ». En outre, le retour à une vision communautaire et historique de l’Europe exprimée lors de l’interview, plutôt qu’à une vision purement économique, est en phase avec le positionnement politique du chef du Kremlin.
Reste à voir quelles seront les suites données à ces déclarations en France, en Europe, et à Moscou. Il semble évident que le président français est désormais ouvert à une discussion approfondie avec Moscou pour imaginer une troisième voie, européenne, qui intégrerait la Russie au rang qui doit être le sien.
Il semble également probable que l’idée d’une prise de distance de la France vis-à-vis de l’OTAN est posée. Si elle est encore loin d’être actée, elle peut servir de socle de discussion avec le Kremlin pour avancer vers cette troisième voie, si Moscou est prêt à revenir à une vision européenne, comme c’était le cas que début des années 2010.
Une chose est certaine, il serait regrettable de ne pas approfondir le sujet, que ce soit à Paris comme à Moscou. De telles discussions ne pourront émerger que des avancées positives, soit vers un rapprochement effectif, soit vers la baisse des tensions entre la Russie et les pays européens.
La Ministre allemande de La Défense tourne le dos au Soft-Power de Berlin
La ministre de La Défense allemande, Annegret Kramp-Karrenbauer, à l’occasion d’une allocution aux universités de la Bundeswehr le 5 novembre à Munich, a présenté un plan capacitaire très ambitieux pour les forces armées du pays, qui rencontrent de très importants problèmes au niveau opérationnel ces dernières années. Ce n’est pas tant dans le domaine budgétaire que les annonces ont tranché, puisque l’objectif d’une dépense Défense à 2% du PIB est reporté à 2031. En revanche, la ministre propose à Berlin une vision pragmatique de l’utilisation des forces armées dans le futur, rompant radicalement avec la doctrine du Soft-Power mise en oeuvre par l’Allemagne depuis 20 ans maintenant.
Ainsi, selon Me Kramp-Karrenbauer, l’Allemagne devra, dans le futur, utiliser ses forces armées pour défendre ses intérêts dans le monde, que ce soit dans le Pacifique pour garantir la liberté de navigation face à la Chine, ou au coté des forces françaises en zone Sahel pour lutter contre le terrorisme (exemples donnés par la ministre dans son discours). Plus question, pour la ministre, de se limiter aux missions d’assistance et d’encadrement auxquelles les forces allemandes sont en générale cantonnées, en grande partie du fait du Bundestag, le parlement allemand, qui craint plus que tout de devoir gérer des pertes dans les rangs allemands. Pour cela, la ministre propose la création d’une structure sur le modèle du National Security Council américain, capable de grandement accélérer les décisions et procédures concernant l’engagement des forces, sans toutefois démunir le Bundestag de ses prérogatives en matière de décision finale.
Il s’agit d’une importante évolution conceptuelle concernant l’emploi de la force armée pour Berlin, même si, pour l’heure, la proposition de Me Kramp-Karrenbauer n’a pas été avalisée fermement par la Chancelière Merkel. Mais les exemples récents concernant les difficultés à l’emploi de la force armée par le gouvernement allemand plaident en faveur d’un profond changement de paradigme. Ainsi, lorsque fut proposée la création d’une force navale européenne, indépendante de la Task Force américaine, dans le Golfe Persique, pour protéger les navires commerciaux sans faire porter de pression supplémentaire sur Teheran, la Marine allemande n’avait, tout simplement, aucun navire de disponible pour cette mission, du fait d’une importante indisponibilité technique de la flotte. En outre, très souvent, Berlin est mis de coté dans les opérations militaires coalisées, du fait même des difficultés législatives et conceptuelles du pays à utiliser la puissance militaire.
Depuis quelques années, Berlin ambitionne de devenir le pivot de la construction de La Défense européenne, de part sa prédominance économique et industrielle, ainsi qu’en raison de sa position géographique privilégiée, l’Allemagne partageant ses frontières terrestres avec pas moins de 9 pays européens. Mais la conception jusqu’ici avancée restait profondément imprégnée de la doctrine du Soft Power employée par la diplomatie allemande depuis 20 ans, selon laquelle le pays pouvait assurer une position d’acteur mondial sur la seule base des relations commerciales et des aides aux états.

Or, l’émergence de gouvernements classés autoritaires et nationalistes, que ce soit en Chine, en Russie ou en Turquie, met à mal l’efficacité de cette stratégie, et redonne la priorité au rapport de force militaire dans les relations internationales en zone sensible. L’incapacité diplomatique allemande vis-à-vis de la Turquie, alors même qu’elle abrite la plus grande communauté de la diaspora turque, a probablement servit de révélateur dans une partie de la classe politique du pays, et permet l’émergence de conception plus « traditionnelle » du rapport de force entre états. Reste à voir, considérant l’instabilité chronique, notamment sur les questions de Défense, de l’alliance CDU-SPD qui gouverne aujourd’hui le pays, si le plan présenté par me Kramp-Karrenbauer dépassera le statut de la bonne intention, ou s’il s’enlisera, comme c’est souvent le cas à Berlin, dans les méandres des calculs de politique intérieure.
Une chose est certaine, tant que l’Allemagne n’acceptera pas de changer en profondeur sa propre conception de l’emploi de la force armée, notamment en mission extérieure, l’influence internationale du pays ira décroissante dans un monde qui, lui, se radicalise rapidement. Le Japon de M. Abe semble, de son coté, être parvenu à tourner la page de l’héritage de la seconde guerre mondiale, pour être en mesure de tenir son rang face à la montée en puissance chinoise.
Le renouvellement du groupe de guerre des mines absent du plan de modernisation des Forces Navales Roumaines (2017 – 2026)
Les Forces Navales Roumaines (FNR ou Forțele Navale Române (FNR) bénéficient d’un plan de modernisation (2017 – 2026) composé de trois actes principaux que sont l’acquisition de corvettes, de sous-marins et la modernisation de deux frégates. Même si cela n’est pas explicité dans la programmation navale roumaine, Bucarest pourrait avancer rapidement sur le dossier du renouvellement de sa composante de guerre des mines en raison de l’âge avancé des bâtiments et du caractère obsolète des matériels employés.
SSN(X) : concevoir le meilleur sous-marin nucléaire d’attaque du monde
Tango Bravo, Futur Attack Submarine, Improved Virginia, SSN(X), New SSN : ce sont les différents avatars depuis 2004 de l’idée que la marine des États-Unis (United States Navy (USN) s’est faite successivement du Sous-marin Nucléaire d’Attaque (SNA ou Ship Submersible Nuclear (SSN) qui succèdera au dernier Virginia dans les chantiers navals américains. Au fur et à mesure que les années passent, l’US Navy ne souhaite plus prolonger la série des SSN de classe Virginia mais entamer une nouvelle série de ce type de bateaux et qui comprendrait le remplacement des SSN de classe Seawolf. Ce futur programme repose sur une belle promesse : concevoir le meilleur SSN du monde pour le XXIe siècle.
L’Eurofighter fait peau-neuve : Airbus DS en opération charme outre-Rhin
A l’occasion de son Trade Media Briefing 2019 à Manching (Allemagne) qui s’est tenu en début de semaine, Airbus DS a rassemblé la presse spécialisée pour une revue complète de ses activités de défense. Outre le dévoilement d’un projet d’aéronef furtif, la compagnie a évoqué les prochaines évolutions capacitaires de l’Eurofighter EF-2000, un chasseur qui, pour Airbus DS, doit impérativement se mettre au niveau des standards actuels tout en servant de socle aux futurs développement du Système de Combat Aérien Futur (SCAF)
L’EUROFIGHTER ECR/SEAD : UNE SOLUTION PALLIATIVE AUX CARENCES DE LA LUFTWAFFE
Annoncé lors du Bourget en juin 2019, l’avionneur européen a présenté ce mardi son Typhoon ECR /SEAD (Electronic Combat Role/Suppression of Enemy Air Defenses), une variante de l’Eurofighter dédié à la guerre électronique et à l’attaque contre les défenses aériennes au sol. Cette nouvelle déclinaison a pour finalité première d’opposer un concurrent crédible au E/A-18G Growler de Boeing dans le cadre du remplacement des Tornado ECR de la Luftwaffe qui, après 40 ans de bons et loyaux services, sont à bout de souffle.
Cette nouvelle configuration de l’Eurofighter ne fait que répondre a un besoin croissant des Etats européens en la matière – une évolution naturelle du Typhoon – eu égard à son déploiement sur les théâtres d’opérations libyen, syrien et irakien. Par ailleurs, l’emploi de l’Eurofighter a sensiblement évolué au cours de la décennie. Initialement conçu pour remplir des missions de suprématie aérienne (Air-Air), le Typhoon a du progressivement pallier à la mise en retraite de nombre de Tornado ECR – aussi bien italiens, qu’allemands et britanniques – et ainsi remplir des missions d’appui aérien pour lesquelles il n’était absolument pas « désigné ».

Avec une telle configuration, nul doute que la firme européenne espère faire pencher la balance en sa faveur pour la future commande de la Luftwaffe en remplacement des Tornado. À ce jour, l’avionneur européen proposerait aux autorités allemandes 85 Eurofighter ECR/SEAD, dont 45 avec « capacités stratégiques » (comprendre « à capacité nucléaire ») et 40 avec capacité de brouillage offensif. D’après Kurt Rossner, responsable du département « Air Combat » chez Airbus DS, cette déclinaison est intimement lié aux industriels allemands et formerait une étape cohérente et logique dans la roadmap capacitaire de l’Eurofighter. Airbus ambitionne également un second contrat avec la Luftwaffe au premier trimestre 2020 portant, quant à lui, sur la modernisation de 38 Eurofighter EF-2000 de la tranche 1, des modèles livrés à l’orée des années 2000.
UN ENJEU POLITIQUE ET INDUSTRIEL
L’appel d’offres lancé par le gouvernement allemand pour remplacer d’ici à 2030 l’ensemble de ses Tornado est éminemment politique. Outre le consortium européen Eurofighter GmbH, Boeing et son F/A-18 Super Hornet – et sa déclinaison pour la guerre électronique E/A-18 Growler – sont toujours en lice après l’élimination du F-35A de Lockheed Martin en janvier 2019. Néanmoins pour le gouvernement allemand, il s’agit de remplacer un avion capable d’emporter des charges nucléaires – à savoir la bombe gravitationnelle américaine B-61 – dans le cadre du partage nucléaire de l’OTAN. Or, ni l’Eurofighter ni le Super Hornet ne sont habiletés à transporter une charge nucléaire américaine.
Ainsi, l’Allemagne se trouve face à un véritable dilemme politico-militaro-industriel opposant deux options qui, chacune, ont des désavantages majeurs. Soit les autorités allemandes cèdent aux vélléités de la Luftwaffe et choisissent de commander un nombre réduit de F-35A pour mener à bien leurs impératifs nucléaires mais une telle décision reviendrait à clouer au pilori la coopération franco-allemande et les programmes afférents (SCAF, MGCS) ; soit l’Allemagne procède à un achat exclusif d’Eurofighter tout en se lançant dans un processus de certification de l’appareil pour assumer les missions nucléaires mais cela prendrait, d’après le Pentagone, 4 à 5 ans, ce qui sous-tendrait un maintien en service des Tornado d’ici à 2030. Cette deuxième solution serait très favorable à l’industrie allemande mais la contrepartie demeurerait un MCO très coûteux au vu de l’âge avancé des Tornado.

Le sujet divise outre-Rhin avec une partie de la classe politique qui privilégierait une solution européenne incarnée par l’Eurofighter tandis que la Luftwaffe pencherait en faveur d’un appareil de manufacture américaine. Un choix cornélien donc, qui va peser de manière significative sur les orientations politiques, industrielles mais aussi capacitaires de l’Allemagne pour les prochaines décennies à venir.
UN CHOIX QUI RENFORCERAIT LA CRÉDIBILITÉ DU SCAF
Le choix d’une solution made in Germany par les autorités allemandes irait indéniablement dans le sens de l’Europe. En premier lieu, l’enjeu industriel est de taille : les commandes de l’Eurofighter ont actuellement une visibilité de 4 à 5 ans et ce, uniquement grâce au grand export. En effet, le cahier de commandes arrive en bout de course en Europe car sur les 487 avions commandés par l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Grande-Bretagne, 481 ont été d’ores-et-déjà été livrés. Outre l’aspect industriel, il s’agit de maintenir une chaîne de production dispatchée dans quatre pays européens, avec nombre d’emplois à la clé.
Enfin, tout comme le Rafale, l’Eurofighter est voué à tenir un rôle central dans le développement du Système de Combat Aérien Futur (SCAF) et plus globalement, du partenariat franco-germano-espagnol. En effet, la logique de développement du SCAF se voulant incrémentale, sa concrétisation nécessitera l’acquisition de briques technologiques indispensables à la maturation du projet. Or, autant le Rafale que l’Eurofighter, ainsi que leurs futurs standards, constitueront des étapes importantes, des données d’entrées dans la réflexion en cours sur le SCAF, avec lequel ils seront totalement interopérables : ils poseront les premières briques technologiques de connectivité incontournables pour le combat collaboratif de demain.
Axel Trinquier – Questions de défense européenne
Lutte contre les mines navales par petits fonds : l’Airborne Mine CounterMeasures de l’US Navy
La participation de la marine des États-Unis (United States Navy) à la quarante-septième édition de l’exercice BALTOPS (BALTic OperationS) s’est notamment illustrée par la mise en œuvre pour la première fois dans cet exercice de l’Airborne Mine CounterMeasures (AMCM) par l’Helicopter Sea Combat Squadron Two Eight (HSC 28). Il s’agit de l’une des rares solutions opérationnelles de lutte contre les mines navales par petits fonds (0 – 15 mètres).
Airbus DS propose une version du Typhoon pour l’élimination des défenses anti-aériennes
Le Tornado ECR est aujourd’hui le seul appareil en Europe spécialisé dans les missions de suppression des défenses anti-aériennes de l’adversaire, ou SEAD. Les forces aériennes italiennes en mettent encore 5 en oeuvre, au standard ECR A-200, alors que la Luftwaffe en possède encore 35 au standard ECR, dont 28 sont encore en service. Dans l’optique du remplacement de la flotte des 85 Tornado en ligne dans la Luftwaffe, dont les 28 ECR, Airbus DS présente aujourd’hui une version du Typhoon spécialisée dans cette mission, identifiée pour l’heure comme le Typhoon ECR/SEAD.
La nouvelle version proposée par Airbus DS emporte deux pods de brouillage positionnés sur les pilonnes médians sous les ailes de l’appareil, ainsi que 3 bidons supplémentaires de 2000 l en position ventrale, et sur les pylônes intérieures, nécessitant la modification du schéma d’alimentation de l’appareil pour connecter ces pilotes au réseau carburant. L’appareil emportera en outre le missile SPEAR-EW présenté par MBDA il y a quelques mois, comme étant part du programme Tempest. Etat donné la nouvelle commande de missiles HARM passée par la Luftwaffe cette année, on peut également supposer que l’appareil pourra en être doté. Eu égard à la charge de travail très importante pour les missions SEAD, il est plus que probable que le Typhoon ECR/SEAD soit une version biplace.
Les investissements proposés par Airbus DS pour concevoir la version guerre électronique du Typhoon pourraient également représenter une bonne base de travail pour la dimension Rafale/Typhoon du SCAF. Comme nous l’avions évoqué dans cet article, l’Armée de l’Air, comme la Marine Nationale, ont cruellement besoin d’une version du Rafale spécialisée dans cette mission, afin de neutraliser les défenses anti-aériennes adverses le cas échéant. Or, les Pods de brouillage et les missiles Spear-EW peuvent constituer un socle commun pour une version européenne des capacités de brouillage, de sorte à pouvoir équiper simultanément des Typhoon et des Rafales spécialement modifiés. Une telle initiative représenterait un « Quick Win » dans le programme SCAF qui a désespérément besoin de symboles forts pour avancer. En outre, pour la France, il représenterait un potentiel significatif en matière d’exportation, notamment vers l’Egypte et l’Inde.
Cela rendrait également très difficile la sélection du F18 E/F pour remplacer les Tornados allemands, même en désolidarisant les dossiers. Les avancées technologiques seraient intégrées au « pot commun » technologique du SCAF, et la France deviendrait, indirectement, un acteur essentiel du dossier, de sorte à soutenir le Typhoon dans cette compétition.
Avant tout, cela permettrait aux forces aériennes françaises de se re-attribuer une capacité perdue depuis le milieu des années 90, et aujourd’hui absolument indispensable dès lors que l’on envisage d’intervenir au delà des missions contre-insurrectionnelles. Le système Spectra qui protège le Rafale, comme le système Pretorian qui protège le Typhoon, sont certes performants, mais face à des défenses aériennes solides, ils se retrouveraient rapidement dépassés. A noter par ailleurs que le standard F4 du Rafale prévoit la conception d’un tel pod de brouillage. Il serait, dès lors, cohérent de fusionner les besoins et les réponses à y apporter, au sein du programme SCAF.

