Le système de défense anti-aérien 9K317M Buk-M3, identifié par l’OTAN comme le Viking, est la dernière évolution du système Buk entré en service en 1979 pour remplacer les SA-6 Gadfly qui s’avérèrent très efficaces, notamment lors de la guerre du Kippour en 1973. Ce nouveau système, capable de suivre et intercepter simultanément 36 cibles dans un rayon de 70km et à une altitude pouvant atteindre 35 km, et destiné à assurer la protection à l’échelon divisionnaire des forces russes, ou à renforcer les défenses de sites sensibles, comme les postes de commandement, centre de communication, base logistique.
Le Buk-M3 représente la couche intermédiaire de La Défense globale anti-aérienne russe, position qu’il partage avec les nouveaux S350. Il intervient entre les systèmes de défense de zone spécialisés dans l’interception à moyenne et haute altitude et à très longue portée, comme le S400 et le futur S500, et les systèmes de défense à courte portée, comme les systemes TOR M2 et le SOSNA, qui, eux accompagnent les unités au contact, dont la portée reste inférieure à 20 km.
La Défense à courte portée est assurée par le système TOR M2, qui accompagne les unités motorisées des forces russes
Selon le fabriquant Rosoboronexport, le nouveau missile 9R31M serait capable d’intercepter n’importe quelle cible évoluant entre 15m et 35 km d’altitude, à une vitesse pouvant atteindre 3000 m/s, ce qui inclus donc les missiles balistiques dont la portée serait inférieure à 200 km, comme notamment, les munitions MGM-140 ATACMS qui équipent les lance-roquettes multiples américains, ou encore les missiles de croisières JASSM, Tomahawk ou MdCN occidentaux. Toujours selon le constructeur, le PK (pourcentage kill), qui indique les chances de destruction d’une cible, serait égal à 95% contre les aéronefs, 70% contre les missiles balistiques, et 80% contre les missiles de croisière.
Les Systèmes Buk-M3 remplacent les Buk-M1 et M2 progressivement dans les bataillons et brigades anti-aériennes des forces armées russes depuis 2016. Aujourd’hui, au moins 5 brigades ont été transformées sur le nouveau système.
Avec un PIB de 60 Md$, la Bulgarie rencontre, comme de nombreux pays européens, de grandes difficultés pour moderniser sa force aérienne, aujourd’hui équipée d’une quinzaine de Mig29 et de 14 Su-25 hérités du pacte de Varsovie. Malgré les réticences de son président, Roumen Radev, ancien pilote de chasse et major général des forces aériennes bulgares, le parlement a validé une commande de 8 F16V auprés de Lockheed-Martin il y a quelques semaines, une flotte évidemment trop restreinte pour assurer autre chose que la police de ciel, et même dans cette mission, le format reste trop réduite, ce que savait pertinemment le président Radev, et qui justifiait son véto présidentiel.
Pour palier cette faiblesse, il semble que les forces aériennes bulgares se soient rapprochées du constructeur sud-coréen KAI au sujet de son avion d’entraînement et d’attaque supersonique T50 Golden Eagle, construit avec le soutien technique de Lockheed Martin. Ayant effectué son premier vol en 2002, et son entrée en service en 2005, le T50 est proposé en 3 versions : une version d’entrainement T50, une version d’attaque TA50 et une version de combat aérien FA50. Les versions varient essentiellement dans l’emport d’équipements spécialisés, comme un dessinateur laser pour le FA50, ou un radar Doppler à impulsion israélien EL/M-2032 sur la version de combat aérien FA50.
Les forces aériennes bulgares doivent remplacer leurs Mig29 considérés comme dangereux pour leur pilotes
En outre, le Golden Eagle est un appareil performant, atteignant la vitesse de Mach 1,5 et un plafond de 14.500 m, le rendant parfaitement apte à remplir les missions de police du ciel, surtout dans sa version FA équipée d’un radar performant. Il dispose de cockpits modernes multi-écrans, et peut mettre en service, outre son canon de 20mm embarqué, des missiles air-air AIM-9X sidewinder ou AIM-120 AMRAAM, les missile air-sol AGM-65 Maverick, et plusieurs types de bombes guidées ou non, et notamment la JDAM, le WCMD et la GBU12. Propulsé par un unique réacteur F404, réputé pour sa fiabilité, il peut emporter jusqu’à 3700 kg d’armements et de réservoirs additionnels sur ses 7 points d’emport, lui conférant un rayon d’action de combat de 900 km.
Mais c’est surtout par son prix que le Golden Eagle interpelle, avec un tarif Fly Away allant de 21 m$ pour la version d’entrainement, à 30 m$ pour la version de combat aérien. Un prix inférieur de moitié à celui du F16V, qui autoriserait Sofia à dimensionner une flotte de chasse cohérente, complémentaire à sa micro-flotte de F16V, dès lors dédiée pour des missions bien précises, notamment au sein de l’OTAN. Pour alléger le cout de cette flotte sur les finances publiques, ainsi que son entretien, les autorités bulgares envisageraient même de placer une ligne de production de l’appareil sur son sol avec, à la clé, un transfert de technologie.
Dans sa version FA50, le Golden Eagle peut emporter une vaste panoplie d’armement air-air et air-sol
L’initiative de Sofia pourrait, à ce titre, ouvrir la voie à plusieurs pays européens membres de l’OTAN, et qui partagent les caractéristiques économiques de la Bulgarie, comme les pays Baltes, la Slovénie, la Croatie, ou encore la Hongrie. En construisant une force aérienne composée en partie d’avions de « 1er rang » comme le F16V, le Gripen, le Typhoon ou le Rafale, c’est à dire conçus pour évoluer au sein de forces aériennes coalisées, et en partie d’avions moins évolués, mais également beaucoup moins chers et capables de prendre en charge une grande partie des missions de paix, ces pays pourraient dès lors maintenir un format suffisant pour justifier de l’existence d’une force aérienne de chasse.
Alors que plusieurs clichés, qu’ils soient pris de satellites ou de riverains passionnés, montrent que les travaux concernant le nouveau porte-avions chinois, alternativement désigné Type 002 ou Type 003, avancent rapidement, une série de clichés satellites du groupe CSIS montre que depuis le début de l’année 2019, les chantiers navals Jiangnan, à proximité de Shanghai ou sont construits les porte-avions Type 003 et le LHD Type 075 récemment lancé, ont entamé d’importants travaux visant à disposer d’une immense zone de travaux à quai dans le prolongement des bassins ou sont construits ces géants de mers. Comme le signal Reuters, il est fort probable que ces travaux soient destinés à accueillir la production accélérée de ces chantiers navals, de sorte à disposer d’une véritable « Usine à Porte-avions » pour reprendre les termes employés par un des experts interrogés.
Et l’hypothèse relevée ici fait beaucoup de sens, dans la mesure ou, après avoir assuré sa protection côtière par des unités de faible à moyen tonnage comme les corvettes et les frégates, elle peut désormais concentrer ses efforts sur la production d’unités de fort tonnage, incluant les destroyers Type 052D, les croiseurs Type 055, les LHD Type 075, et donc, les portes-avions à venir. On notera d’ailleurs que c’est après avoir modernisé une partie de ces mêmes chantiers navals de Jiangnan, que la production de destroyers Type 052D et de croiseurs Type 055 a pu être accélérée, au point d’atteindre aujourd’hui un rythme de lancement évalué entre 8 et 10 navires chaque année.
Les modifications apportées au chantier naval de Jiangnan permirent déjà d’augmenter sensiblement la production de destroyers Type 052D et de croiseurs Type 055
Ces travaux montrent également que, même si dans leur discours officiel, les autorités chinoises ne font pas état d’une volonté affichée défier les Etats-Unis, elles préparent leur outil industriel pour être en mesure de le faire à moyen terme. Le bassin actuellement construit et capturé par les objectifs du satellite, a des dimensions permettant d’accueillir 4, peut être même 5 navires majeurs. Cela laisse supposer d’au moins un lancement par an, entre les LHD, les porte-avions, et éventuellement les bâtiments logistiques de haute mer.
Plus que jamais, l’hypothèse d’une marine chinoise alignant une douzaine de porte-avions, et 18 à 20 navires d’assaut, semble accessible à horizon 2040, soit 10 ans avant l’objectif de faire jeu égal avec les Etats-Unis en 2050 annoncé par Xi Jinping. Reste à savoir si l’occident, y compris les Etats-Unis, pourront réagir à temps face à ce constat. Rien n’est moins sûr ….
A l’instar de la Corée du Sud, les autorités turques ont investi considérablement dans le developpement de leur industrie de Défense depuis plusieurs années, de sorte à atteindre, le plus rapidement possible, une certaine forme d’autonomie stratégique concernant les équipements de Défense. De nombreux programmes ont vu le jour, en matière de blindés avec le char Altay, de navires de combat avec le programme MILGEM, d’avions de combat avec le TFX ou encore d’hélicoptères avec le T129. C’est au tour désormais des sous-marins de focaliser les efforts d’Ankara, qui vient d’officialiser le programme MILDEN, destiné à concevoir et construire, à l’horizon 2035, une nouvelle classe de sous-marins AIP de facture locale.
Pour ce faire, et comme ce fut le cas en Corée du Sud avec le programme avec la classe Dosan Ahn Chang-oh également appelée KS-III, l’amirauté turque compte s’appuyer sur les transferts de technologies liés à la construction en cours des 6 sous-marins Type 214 de la classe Reis. En 2011, Ankara attribua à TKMS un contrat évalué à 2,5 Md$ pour la construction de 6 sous-marins AIP de type 214 destinés à remplacer les 6 unités de type 209 de la classe Atilay encore en service dans la Marine Turque. Parmi les exigences d’Ankara, figurait d’importantes modifications visant à utiliser des technologies et équipements en provenance de l’industrie de Défense locale, avec, à la clé, un important transfert technologique.
Les sous-marins de la classe Reis sont destinés à remplacer les 6 sous-marins de la classe Atilay entrés en service entre 1975 et 1989
Si la construction de la classe Reis a pris du retard, la construction de la première unité n’ayant débuté qu’en 2015, et ne devrait s’achever qu’en 2021, il semble que l’Amirauté turque ait suffisamment confiance désormais dans les capacités de sa propre industrie pour entamer le developpement de son propre modèle, qui sera destiné à remplacer les 8 sous-marins Type 209 en service dans la Marine Turque de la classe Preveze et Gür, entrés en service entre 1994 et 2007, de sorte à maintenir une flotte de 14 sous-marins modernes.
Comme ce fut le cas avec, par exemple, les F16 en service dans les forces aériennes turques, l’industrie turque est également monté en compétence dans le domaine des sous-marins en assurant la maintenance, et surtout la modernisation, des sous-marins Type 209 en service dans sa flotte. Cela permit notamment à Ankara de proposer à Islamabad la modernisation des sous-marins Agusta acquis dans les années 90 auprés de la France, mais que Paris refuse de moderniser désormais. De fait, les autorités turques savent pouvoir compter sur au moins un futur client probable pour sa nouvelle classe de sous-marins AIP, comme ce fut le cas pour les corvettes Ada du programme MILGEM, et des hélicoptères T-129 Attak.
Avec l’arrivée des sous-marins sud-coréens, turques, espagnols, mais aussi chinois et probablement indiens sur le marché international, et en dépit de l’augmentation sensible de la demande constatée, les 3 grands constructeurs européens, TKMS, Kockum et Naval Group, vont devoir redoubler d’inventivité pour réussir à positionner leurs modèles lors des compétitions internationales. Pour Naval Group, qui n’a pas le luxe de pouvoir s’appuyer sur des commandes nationales en matière de sous-marins à propulsion conventionnelle, la marche risque d’être très difficile, nonobstant les savoir-faites hérités des programmes de SNA et de SNLE français. Plus que jamais, et malgré les antagonismes parfois sévères qui peuvent subsister entre les groupes européens, la consolidation de l’offre à l’échelle européenne semble être la seule alternative pour survivre à la guerre de l’offre qui se profile dans les années à venir dans le domaine de la construction navale de Défense.
Deux articles publiés aujourd’hui par le site économiques lesechos.fr mettent l’accent sur les difficultés que rencontre la coopération franco-allemande de Défense. Dans le premier article d’Anne Bauer, il est avant tout question des divergences de position sur les questions de Défense au niveau politique et culturel, la France restant une nation qui se sent la responsabilité d’intervenir, alors que l’Allemagne, après la seconde guerre mondiale, n’envisage qu’un aspect purement défensif pour ses forces, ceci engendrant des divergences sensibles quand à la conception du programme MGCS de chars et blindés lourds à venir. Le second article, complémentaire au premier, est également écrit par Anne Bauer accompagnée de Ninon Renaud, traite des difficultés de coopération industrielle entre les deux pays sur les programmes de Défense, et notamment sur les arbitrages concernant le partage industriel entre les industriels français et allemands.
Si, en effet, les programmes de coopération industrielle de Défense sont aujourd’hui menacés, en tout cas en terme de délais, par les atermoiements politiques en Allemagne, ce n’est pas tant du fait de différences de perception entre les deux pays, que d’une structuration des programmes éminemment instable. Ainsi, dans l’article « la coopération industrielle franco-allemande pourrait-être structurellement instable« , article du 12 décembre 2018, nous pointions les risques que faisaient porter sur l’ensemble des programmes MGCS, SCAF, EuroMALE, CIFS et MAWS, le partage industriel à l’échelle globale, comme mis en oeuvre aujourd’hui, et qui, précisément, engendre des difficultés sur le SCAF liés avant tout au programme MGCS.
L’E-MBT, un châssis de Leopard 2 doté d’une tourelle de Leclerc, préfigure les bénéfices d’une coopération positive entre industriels allemands et français
En outre, là encore, comme nous l’avons déjà abordé, les difficultés dans les négociations autours de ces programmes sont la conséquence d’une charge de travail trop limitée pour alimenter les 2 Bases Industrielles et Technologiques Défense, ou BITD. Jusqu’ici, la France et l’Allemagne construisaient indépendamment leurs blindés, et la France ses avions de combat. De fait, le partage industriel, sur des programmes aussi déterminant et dimensionnant que les avions de chasse et les blindés chenillés lourds, va laisser des pans industriels entiers, des deux cotés du Rhin, sans programme majeur pour justifier de leur existence. Naturellement, chaque pays, chaque industriel, et beaucoup de représentants politiques, vont tenter de « tirer la couverture » pour préserver au maximum les savoir-faire et les emplois industriels qualifiés, créant la situation que l’on voit aujourd’hui au Bundestag. On peut d’ailleurs se pourquoi personne ne rechigne aujourd’hui ouvertement en France, et en conclure que c’est probablement que les accords négociés sont relativement favorables à la BITD française. C’est en tout cas une position souvent mise en avant à Berlin.
Pour ces questions, la réponse ne peut venir que par deux axes. L’axe national repose sur la mise en oeuvre de programmes complémentaires aux programmes franco-allemands, destinés à préserver les compétences et emplois industriels, tout en étendant les capacités opérationnelles des armées, et l’offre à l’exportation. C’est, par exemple, le cas d’un programme de chasseur léger de 5ème génération que la France pourrait développer, comme nous l’avions déjà abordé. Le second axe transpose les programmes nationaux à l’echelle de la coopération franco-allemande, en passant de programmes de systèmes, aux programmes de programmes, c’est à dire en travaillant sur des gammes d’appareils et d’équipements, plutôt que sur des équipements individuels.
Le programme SCAF est aujourd’hui ralenti du fait des difficultés entourant le MGCS –
Dans l’exemple du SCAF, cela signifierait un programme reposant sur au moins deux, voir trois aéronefs spécialisés aux performances différentes, ainsi que des drones de combat accompagnant ces aéronefs. Pour le programme MGCS, il s’agirait de developper toute la gamme blindée, allant du char de combat au véhicule de reconnaissance sur roue, ainsi que les systèmes SHORAD, les systèmes à énergie dirigée, les différents systèmes d’artillerie, et les drones terrestres qui les accompagnent. Plutôt que de travailler à 20 ans sur un programme unique, cette approche permettrait de travailler à l’échelle d’une génération de matériel sur un cycle de 30 années, et permettrait d’intégrer plus de partenaires européens tout en envisageant sereinement le partage industriel.
Au niveau de la conception même de la fonction de Défense, un changement de paradigme dans les relations franco-allemandes pourrait inverser la donne, et faire des faiblesses actuelles, une force pour demain. Pour cela, il suffirait de passer d’une vision cherchant à déterminer le plus petit dénominateur commun entre les deux armées, afin de concevoir une base de coopération, à la recherche du plus grand commun multiple, en envisageant les différences doctrinales comme des forces complémentaires. Dans cette hypothèse, si les forces allemandes se spécialiseraient dans la Défense du territoire européen, notamment face à une possible offensive russe contre l’OTAN, pendant que les forces françaises, traditionnellement plus enclin à la manoeuvre et plus « légères », assureraient le volet mobilité du dispositif et la projection de puissance. De fait, plutôt que de créer des frictions de bords entre les deux armées cherchant à occuper le même espace avec des doctrines différentes, chaque armée disposerait de missions propres à l’échelle d’une « Super Armée » , dont il conviendra d’optimiser la coopération globale pour concevoir le dispositif défensif le plus efficace et le plus dissuasif, sans pour autant renoncer à leurs spécificités ni à leur capacité à agir de manière indépendante si besoin.
L’un des objectifs de la coopération industrielle franco-allemande est de ne plus revoir deux pays européens dépenser deux fois d’énormes montants pour developper deux fois le même avion, ou presque. Malheureusement, avec le Tempest et le SCAF, nous en prenons le chemin.
On comprend, ainsi, que les difficultés que rencontre aujourd’hui le couple franco-allemand dans sa volonté de construire une coopération efficace en matière de Défense, sont la résultante de modèles de coopération datés, hérités de la guerre froide et n’ayant plus, aujourd’hui, de matérialité. Le franchissement de cette étape critique serait, par ailleurs, un pas très important vers l’émergence d’une identité européenne de Défense, capable de se positionner indépendamment des Etats-unis sur les sujets internationaux à propos desquels il est de plus en plus nécessaire, désormais, de disposer d’une crédibilité militaire pour être entendu.
Certes, des progrès sont à faire, tant en France, qui devra probablement redéfinir sa relation avec la dissuasion pour parvenir à faire émerger une défense européenne, mais aussi en Allemagne, qui devra admettre que la Défense est devenue une composante indispensable de la crédibilité politique sur la scène internationale. Mais en procédant de cette manière, il serait effectivement possible de créer, dans ce dossier, un jeu à somme positive entre les acteurs, ou 1+1 n’égalerait pas 2, mais 3 !
A partir de 2015, l’US Army engagea un programme destiné à assurer la protection rapprochée de ses infrastructures sensibles contre les menaces aériennes, allant de l’aéronef au drone en passant par les missiles de croisière, les roquettes et les obus de mortier. Le programme, identifié comme Indirect Fire Protection Capability ou IFPC, que l’on prononce « If Pick », est à la fois la conséquence de la recrudescence des attaques à la roquette et par drone sur les théâtres de basse et moyenne intensité, comme en Afghanistan ou en Irak, et de la menace de voir un conflit contre une nation technologique apparaitre à nouveau.
A partir de 2016, l’US Army Aviation and Missile Research, Development, and Engineering Center , ou AMRDEC, entama la conception du Multi-Mission Launcher, ou MML, un systèmes de lancement capable de lancer plusieurs types de missiles surface-air simultanément, et qui sera, pendant longtemps, le pilier du programme IFPC Increment 2-Intercept, c’est à dire la dimension missile surface-air du programme, qui par ailleurs disposera d’un système de défense laser à haute énergie, d’un système micro-onde pour éliminer les essaims de drones, et d’un CIWS.
Le système israélien Iron Dome assure l’intérim pour l’US Army en attendant le IFPC, et a également largement inspiré la conception du MML
Plusieurs types de missiles ont été testés à partir du MML, comme le Sidewinder AIM-9X, qui a par ailleurs été retenue pour être l’un des missiles du IFPC Inc-2I, mais aussi le Hellfire et le Stinger. L’US Army confia finalement, en 2018, à Lockheed-Martin avec le Miniature Hit-to-kill Missile ou MHKM, et à Raytheon, qui présente le SkyHunter, version locale du Tamir israélien, et le Accelerated Improoved Intercepter Initiative, ou AI3, un contrat pour concevoir et proposer le second missile qui équipera le système. Il est probable que le match se jouera entre le MHKM et le SkyHunter qui sont des missiles de très petites dimensions, moins de 2 mètres pour moins de 3 kg, particulièrement économiques, entre 15 et 20.000 $ pièce, alors que le AI3, dérivé du Sidewinder AIM-9M, est une version économique du Sidewinder, un missile dont le prix avoisine les 400.000 $, et dont les performances sont assez proches de celles du AIM-9X déjà sélectionné. A la clé de cette compétition, se trouve un contrat de 2,6 Md$.
Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, c’est le MML qui est remis en cause, et même éliminé du paysage par l’US Army. En effet, il semble que les postulats pris pour le concevoir ne donnent pas satisfaction, et ne permettent pas de répondre à l’ensemble des besoins du programme IFPC Inc-2I, selon la déclaration officielle de l’US Army, sans que l’on sache précisément de quelles caractéristiques il est question. On peut toutefois déduire des propos du Général Brian Gibson, en charge du programme, que désormais, l’option de lancement verticale pourrait être privilégiée.
Le TOR M2 est un système de protection rapproché contre aéronefs, drones, missiles et roquettes, disposant de 16 missiles prêts à tirés intégrés à la tourelle du blindé.
Cette décision ne semble pas remettre en question le planning du programme, qui doit fournir avant la fin de 2023, un premier système opérationnel, faute de quoi le Pentagone fera l’acquisition de batteries Iron Dome israéliennes supplémentaires, en plus des 2 batteries déjà acquises pour assurer l’intérim. Mais cette solution ne serait pas du gout de l’US Army, qui veut faire du IFPC un programme global, intégrant l’ensemble des systèmes et des moyens de détection pour protéger un périmètre, et ne plus céder à l’empilement de systèmes, comme c’est aujourd’hui le cas.
On comprend, entre le programme IFPC, et le programme IM-SHORAD, que l’US Army fournit aujourd’hui d’importants efforts pour pallier sa faiblesse dans le domaine de a Défense antiaérienne et anti-drone rapprochée, afin de se mettre au même niveau que la Russie ou la Chine (et de le dépasser, espèrent-ils). En revanche, on comprend moins pourquoi cette problématique reste ignorée en Europe…
La munition air-sol GBU-39 Small Diameter Bomb est une bombe légère planante et guidée, destinée à détruire des objectifs variés, allant des positions renforcées aux blindés, en limitant les dégâts et pertes collatérales. D’une masse de 129 kg, elle dispose d’un système d’ailettes qui se déploient après le largage permettant d’atteindre des cibles distantes jusqu’à 110 km, ou 75 km pour les cibles mobiles. Dérivée en plusieurs variantes, elle emporte différentes charges militaires de nature et de puissance différente selon la mission et la cible, ainsi que d’un guidage pouvant être inertiel couplé au signal GPS, laser ou radar.
Un des intérêts de la GBU-39, et de sa trajectoire planante, est de pouvoir manoeuvrer à proximité de l’objectif pour, par exemple, attaquer par la cible un angle d’attaque approprié. C’est précisément pour cela que Boeing, qui s’est associé au Suédois Saab pour l’occasion, a développé une version sol-sol de cette munition, en associant un propulseur fusée à la GBU-39 afin de fournir l’altitude et la vitesse initiale lui permettant d’atteindre des cibles jusqu’à 130 km. L’ensemble est embarqué dans un conteneur de lancement autonome, ou dans un tube de lancement M26 équipants les lance-roquettes M270 ou HIMARS.
Lancement d’une GLSDB lors des tests d’octobre 2019 en Norvège contre un cible navale distante de 130 km
Les tests de la Ground Launched Small Diameter Bomb, ou GLSDB, débutés en 2015, ont montré des capacités prometteuses en matière de portée comme de précision, ainsi que de souplesse d’utilisation. En effet, la GLSDB peut aisément entre emportée et mise en pauvre à partir d’ un véhicule ou d’un navire, offrant un regain de puissance de feu à un cout relativement faible au regard des performances. De fait, elle pourrait, dans des délais relativement courts, combler certaines déficiences auxquelles l’artillerie américaine fait face aujourd’hui, dans l’attente de l’entrée en service des nouveaux systèmes de tir indirect, un des grands programmes en cours de l’US Army.
Reste que, si les GLSDB ont une portée et une précision interessantes, elles ont également, comme toutes les munitions planantes, une faiblesse notable, leur faible vitesse. En effet, une bombe gravitationnelle planante évolue entre 250 et 300 noeuds, la rendant vulnérable aux systèmes de défense rapprochée, comme par exemple le Pantsir ou le Tor M2 russes. Pour contrer cette vulnérabilité, les attaques aériennes mettent en oeuvre plusieurs GBU-39 simultanément, réduisant sensiblement la probabilité qu’un CIWS puisse toutes les éliminer, et donc empêcher la destruction de la cible qu’il devait protéger. Il faudra probablement envisager une procédure similaire pour les GLSDB, dès lors que l’adversaire emploiera des systèmes de protection rapprochée. En outre, les procédures d’identification et désignation de cibles devront être adaptées à une utilisation terrestre ou navale, très différentes de celles faites à partir d’un aéronef.
La GBU-39 comme la GLSDB sont des menaces que les CIWS comme le Pantsir S2 russe peut intercepter
Il n’empêche qu’avec la GLSDB, l’US Army pourrait disposer d’une solution intérimaire interessante et bon marché pour rapidement augmenter sa puissance de feu dans la profondeur du dispositif de l’adversaire. Sa capacité à être mise en oeuvre à partir de conteneurs de lancement autonome permet également de disperser ces vecteurs, et donc d’en réduire la vulnérabilité. Surtout, cela permettrait aux forces américaines de disposer des bénéfices du soutien aérien rapproché, sans pour autant disposer de ce soutien aérien, quelqu’en soit la raison.
Il faudra cependant attendre une éventuelle une commande du système par l’US Army, qui, nous le savons, fait actuellement face à de nombreux programmes de modernisation, tous plus couteux les uns que les autres, et pourtant tous aussi indispensables. Malgré ses qualités indiscutables, il n’est donc pas acquis que l’Armée américaine se porte acquéreur du système d’arme de Boeing et Saab.
Ces dernières années, les armées américaines se sont faites une spécialité des programmes lancés en urgence pour combler une défaillance operationelle importante. Ce fut le cas de la modernisation des canons automoteurs M109 Paladin, du renforcement des capacités de combat du blindé Stryker, des frégates FFG/X, des missiles hypersoniques et du programme FARA, pour ne citer que les plus marquants. Mais l’une des défaillances les plus flagrantes des forces américaines, et avec elles de toutes les forces armées terrestres occidentales, consistait en l’absence de protection aérienne rapprochée pour les unités combattantes, à l’exception des missiles portables, comme le Stinger américain, ou le Mistral Français. Marqués et conditionnés par 20 années de conflits de basse intensité, du Kosovo à l’Afghanistan, en passant par l’Irak et le Mali, les forces armées occidentales avaient tout simplement mis de coté l’hypothèse d’un engagement contre un adversaire qui, lui, disposerait d’une force aérienne. La Russie et la Chine, mais aussi l’Iran ou la Corée du Nord, amenèrent les américains à reconsidérer leurs paradigmes.
C’est précisément pour pour cela qu’en 2017, l’US Army lança le programme IM-SHORAD, pour Initial Manoeuvre Short Range Air Defense, un système mobile permettant d’assurer la protection rapprochée des forces terrestres. Le programme fut confié à General Dynamic qui monta sur un blindé Stryker A1 une tourelle anti-aérienne fournie par l’italien Leonardo, et qui met en oeuvre 4 missiles anti-aériens Stingers, 2 missiles anti-aériens et anti-chars Hellfire, un canon de 30 mm, et un lance grenades / fumigène M299, l’ensemble étant controlé par un radar Sentinel et un système de visée Electro-optique. Ainsi pourvu, l’IM-SHORAD peut engager les aéronefs, hélicoptères et drones adverses dans une bulle de 5 km l’entourant, et les blindés jusqu’à 4 km. L’US Army a commandé 144 exemplaire de l’IM-SHORAD, le premier devant être livré en 2020, le dernier en 2024. C’est le premier exemplaire du IM-SHORAD qui a été présenté à Washington lors du salon AUSA 2019.
Les systèmes Pantsir S2 et TOR M2 ont assuré la protection rapprochée de la base aérienne de Khmeimim ou stationne les aéronefs russes face aux attaques par drones et roquettes
Si le besoin est effectivement urgent pour l’US Army, l’IM-SHORAD ne constitue, toutefois, qu’une solution d’intérim en attendant de disposer de nouveaux systèmes plus performants. En effet, le blindé américain est loin de s’approcher du niveau de protection offert par les systèmes SHORAD russes, comme le Tunguska pourtant ancien, le système TOR M2 ou le Pantsir S2. Ainsi, le 2K22 Tunguska M1, version évoluée d’un blindé entré en service en 1984, emporte 8 missiles 9M311-M1 d’une portée de 10 km, à guidage sur faisceau controlé par le radar 3D Doppler à impulsion 1RL144M , et 2 auto canons de 30 mm, et est monté sur un châssis chenillé assurant au blindé une grande capacité tout terrain. Le TOR M2, dernière version du système TOR, ne dispose pas de canon, mais emporte 16 missiles 9M338 d’une portée de 16 km, guidés par un ensemble radar Scrum Half (dénomination OTAN), et, là encore, monté sur une blindé chenillé. Le Tor M2 a semble t il donné grande satisfaction aux forces russes déployées en Syrie dans la protection de la base Khmeimim face aux attaques par drones et roquettes. Enfin, le système Pantsir S2, déjà présenté, associe 2 canon de 30 mm à 16 missiles 57E6M-E d’une portée de 30 km (40 km sur la version SM), controlé par un couple associant un système radar capable de détecter ses cibles à 40 km, et un système electro-optique. Le Pantsir n’est pas destiné à accompagner à proprement parler les forces terrestres, mais à protéger les infrastructures contre les missiles de croisières, bombes, obus et roquettes, ainsi que contre les drones, aéronefs et hélicoptères. Il reste cependant très mobile, monté sur un camion 8×8 Kamaz.
On le voit, face aux systèmes de protection rapprochée de facture russe, l’IM SHORAD fait pauvre figure. Mais il reste, au jour d’aujourd’hui, le seul systeme de ce type en occident, à l’exception du Biho sud-coréen. Les armées de l’OTAN ont longtemps négligé cette dimension en ayant l’assurance de disposer de la supériorité aérienne face à n’importe quel adversaire. Mais avec l’entrée en service de systèmes comme le S400 et du S500 à venir et d’appareils comme le Su35 et bientôt du Su57, et surtout avec les nouvelles systèmes de drones et de missiles guidés, non seulement n’a t elle plus l’assurance de disposer à tout moment de cette supériorité aérienne, mais surtout, même en l’ayant, elle est loin d’assurer la protection des forces terrestres contre des frappes venues du ciel. De fait, pour les forces armées européennes, il est désormais impératif de disposer le plus rapidement possible d’un tel système.
Les armées françaises et allemandes n’ont plus de systèmes anti-aériens à courte-portée mobile depuis le retrait des Roland 2
Malheureusement, aucun programme, ni national, ni européen, n’a pour l’heure été annoncé en ce sens. L’Allemagne avait déclaré vouloir prendre la direction d’un tel programme, mais aucune confirmation, ni aucun programme officiel ne sont venu corroborer cette annonce pour l’heure. Dans un système de Défense, la capacité défensive de l’ensemble est déterminé par ses défaillances les plus sévères. Il ne sert à rien de developper un MGCS et un SCAF, si, parallèlement, les forces terrestres ne disposent d’aucune protection rapprochée contre des nuées de drones et de missiles de croisière….
Voilà une information qui a de quoi laisser perplexe. Les autorités pakistanaises ont annoncé avoir terminé la première phase du programme AZM, destiné à concevoir simultanément un Drone MALE, une système de défense anti-aérien longue portée, de nouvelles munitions et un avion de combat de 5ème génération. Selon le compte rendu annuel du Ministère de La Défense Pakistanaise, le projet Azm, signifiant « engagement sincère », et qui a débuté en juillet 2017, aurait mené à bien la première des 4 études préalables prévues, destinée à définir le niveau de menaces auquel le nouveau système de systèmes devra faire face dans le futur, et d’en déduire les performances de chacun des éléments pour assurer aux forces aériennes pakistanaises de conserver la supériorité militaire.
Pour y parvenir, les autorités pakistanaises veulent s’appuyer sur le complexe aéronautique du pays qui, s’il n’est pas très connu hors de ses frontières, a accumulé beaucoup d’experience au fil des années, notamment dans la modernisation des appareils en service, ainsi que dans sa collaboration avec le chinois Chengdu dans la conception du JF-17. En particulier, ce complexe s’est fait une spécialité dans le Retrofit et la régénération du potentiel d’appareils anciens, comme les mirage III et V français, ou encore le F-7 chinois, en déconstruisant et reconstruisant à neuf les appareils et en y intégrant de nouveaux équipements avioniques et systèmes d’arme à chaque passage.
Le JF-17 Thunder est incontestablement une réussite de la coopération technologique entre le Pakistan et la Chine
Mais ce projet sera tout sauf simple pour l’industrie Pakistanaise, qui ne dispose pas de certains savoir-faire critiques, comme la conception de turbo-réacteurs par exemple. Même si ce n’est pas abordé pour l’heure par les autorités d’Islamabad, le pays aura très certainement besoin de s’appuyer sur un partenaire technologique, comme il le fit pour le programme JF-17. Deux hypothèses semblent aujourd’hui se distinguer. En premier lieu, la Chine, avec qui elle a développé le JF-17, et qui est son principal partenaire et allié politique de poids aujourd’hui. Cette dernière dispose notamment du programme FC-31 Gyrfalcon, un chasseur de 5ème génération plus léger que le J20, mais qui n’a pas pour l’heure sû convaincre en raison de performances décevantes du premier prototype. Un second prototype a vu le jour et pourrait bien relancer l’intérêt pour l’appareil, a priori destiné au marché export par Pékin.
Le second partenaire, et probablement le plus interessant pour Islamabad aujourd’hui, serait la Turquie, et son programme TFX. Comme le Pakistan, la Turquie veut developper son propre programme de chasseur de 5ème génération, de sorte à atteindre un statut d’autonomie stratégique. En outre, les dirigeants des deux pays font cause commune sur de nombreux sujets, le Pakistan ayant été un des très rares pays à avoir ouvertement soutenu l’action militaire turc dans le nord de la Syrie. Enfin, durant ces dernières années, les forces pakistanaises sont devenues les principaux clients de l’industrie de Défense turque, en commandant, notamment, des corvettes de la classe Ada, et des hélicoptères de combat T-129. Mais pour son programme TFX, Ankara a également, comme Islamabad, besoin de partenaires technologiques, notamment sur l’épineux problème des moteurs.
La tentation de rejoindre le programme TFX turc est certainement grande à Islamabad
Pour l’heure, le programme est conçu avec l’assistance technique des anglais BAe et Rolls Royce, qui incontestablement ont les compétences pour amener le TFX à son terme. Mais les récentes tensions entourant l’intervention turque en Syrie contre les Kurdes pourraient bien mettre à mal ce partenariat. Dans ce cas, les autorités turques pourraient être tentées de se tourner vers Moscou. Toutefois, si le Pakistan était partenaire du programme, cela risquerait fort de provoquer la colère de New Dehli, qui a déjà menacé d’annuler le contrat d’assistance technologique à la construction de ses pétroliers ravitailleurs aux chantiers turques Anadolu du fait de la construction des corvettes Ada pour les forces pakistanaises. Or, l’Inde reste, de loin, le premier client de l’industrie de Défense russe, et Moscou entend bien préserver ce marché indispensable à son effort de Défense. Dès lors, et en l’absence de solution occidentale, il ne resterait à Ankara que Pekin pour combler les blancs technologiques, ce qui ne serait probablement pas pour déplaire aux Pakistanais.
Ce programme Pakistanais est le 3ème programme de chasseur de nouvelle génération porté par des industrie aéronautiques émergentes, avec la Corée du Sud, et la Turquie. Ils seront confrontés aux productions américaines (F35), russes (Su57), chinoises (FC31), mais en se positionnant sur un segment traditionnel des européens comme Dassault Aviation avec les Mirages, des américains comme General Dynamics avec le F16, et des russes comme Mig avec le Mig29. Or, ces appareils représentent aujourd’hui la plus grande part des flottes de chasse mondiale, que ce soit dans les pays occidentaux comme asiatiques, africains ou américains. En concentrant tous les programmes occidentaux sur le segment des appareils moyen+ polyvalents, à l’image du Typhoon et Rafale aujourd’hui, ou du SCAF et Tempest demain, l’industrie européenne n’abandonne-t-elle pas le marché mondial à ses concurrents émergents, oubliant que c’est lorsque les Etats-Unis firent de même avec la Série Century, que les Mirage de Dassault purent s’imposer dans plus de 13 pays ?
Nous pourrions dire que les choses évoluent comme prévues dans le conflit qui oppose la Turquie aux forces Kurdes dans le nord de la Syrie. Comme prévue car à peine le Congrès est-il revenu de sa retraite annuelle que le Président Trump a effectué un renversement de position dont lui seul à le secret. Ainsi, alors que Dimanche il ordonnait aux forces présentes dans la région de se retirer, et livrant les kurdes à eux mêmes, le voilà qu’il a ordonné, prenant donc de vitesse le Sénat, des sanctions contre 3 ministres turques, donc les ministres de La Défense et de l’interieur, l’élévation de 50% des droits de douanes sur l’acier turc importé aux Etats-Unis, et un embargo sur les armes, soit, à peu de chose prêt, exactement ce que voulaient promulguer les parlementaires américains. Dans le même temps, il a dépêché son Secrétaire à La Défense, Mark Esper, pour demander à l’OTAN de prendre des sanctions contre Ankara, alors que le conflit a déjà fait, selon l’ONU, plus de 160.000 déplacés, dont 70.000 enfants.
Comme prévue également puisque l’offensive Turc semble désormais marquer le pas face aux forces Kurdes, reconstituées et re-organisées, qui ont pu rassembler semble-t-il prêt de 60.000 hommes pour faire face aux forces de leur adversaire. Selon l’agence Tass, les forces kurdes auraient mené une violente contre-offensive contre les forces régulières turques et les milices paramilitaires qui les accompagnaient dans la ville de Ras al-Ayn, qu’ils auraient fini par reprendre dans un combat de rue acharné. Il semble bien que les kurdes aient été surpris par les déclarations du président Trump qui donnèrent le départ à l’attaque turque, et qu’ils n’avaient donc pas mobilisé leurs forces prêt de la frontière avec la Turquie, ceci expliquant la progression rapide des colonnes d’Ankara les premiers jours. Mais une fois les fois rassemblées, et réorganisées, elles ont pu reprendre le combat avec l’efficacité qu’on leur prête, pour obliger les éléments turcs à se retirer de Ras al-Ayn, mais également à marquer le pas face à Kobane.
Les forces américains quittant la Syrie, ont parfois croisé les convois de forces kurdes ou syriennes se dirigeant vers la zone des combat
Comme prévue car la Russie semble manoeuvrer pour être le grand vainqueur de cette crise, en déployant, selon le Washington Post, des forces entre les lignes turques d’un coté, et celles de la nouvelle alliance entre le gouvernement Syrien et les Kurdes de l’autre. En procédant ainsi, sans prendre officiellement partie, Moscou indique à Ankara qu’il entend bien renouer avec le statu quo sur la frontière. Parallèlement, il semble que les diplomates russes tentent de négocier un accord entre Syriens et Kurdes pour garantir une zone de sécurité le long de la frontière turque, ce afin de donner au président Erdogan une porte de sortie honorable à ce conflit engagé sur de très mauvaises bases. En outre, l’Alliance de fait entre le gouvernement Syrien et les Kurdes Syriens pourrait permettre la négociation d’un statut satisfaisant concernant la population kurde de Syrie, tout en assurant l’unité territoriale du pays, et en mettant fin aux prétentions turques sur le nord du pays.
Comme prévue, enfin, car la tentative de mettre en place une réponse à l’échelle européenne avec un embargo strict sur les armes vis-à-vis de la Turquie a été bloquée par l’opposition de la Grande-Bretagne qui, si elle n’apparait pas aujourd’hui comme un exportateur important de systèmes d’armes vers Ankara, en comparaison de Rome ou Madrid par exemple (qui étaient toutes deux prêtes à valider l’embargo), une telle décision condamnerait la participation de BAe et de Rolls-Royce au programme TFX, avec, potentiellement, des effets sur le programme Tempest à la clé.
Les forces kurdes ont pu mobiliser leurs réserves pour faire face à l’attaque venue de Turquie
La suite des événements dépendra avant tout de la determination du président Erdogan à vouloir poursuivre à tout prix cette offensive, par crainte de perdre la crédibilité et le fort soutien populaire qu’il a retrouvé dans l’opinion depuis le début de l’opération militaire. S’il ne peut, naturellement, céder aux menaces américaines, il peut en revanche saisir la porte de sortie qu’à entre-ouverte Moscou, pour justifier d’un accord garantissant la sécurité de ses ressortissants face au PKK qui n’aurait, de fait, pas de lien territorial direct avec les kurdes du YPG. Ceci dit, même si cette hypothèse se vérifiait, ce qui serait probablement le meilleur des cas envisageables aujourd’hui, les tensions qui sont nées entre les pays européens, les Etats-Unis et Ankara, ne pourront être effacées rapidement, si tant est qu’elles puissent l’être à moyen terme.
PS 15/10/19 à 20:30 : tout va décidément très vite dans ce dossier. Les britanniques ont annoncé suspendre à leur tour les exportations d’armes vers la Turquie. Quand à la Chine, elle semble, selon le JDD, s’aligner sur les positions de Moscou dans ce dossier. A suivre …