mercredi, décembre 3, 2025
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BAE réalise une percée technologique concernant les moteurs hypersoniques

Si le vol hypersonique est aujourd’hui accessible grâce à des moteurs fusées, qui contrôlent la combustion qui procure la poussée en emportant la carburant et le comburant simultanément, les moteurs capables de fonctionner à de telles vitesses en utilisant l’air atmosphérique comme comburant restent encore à developper. Et le problème est loin d’être simple, car la vitesse et la température optimales pour le fonctionnement des stato-réacteurs, ne permettent pas de dépasser une vitesse de Mach 3,5.

La société Reaction Engine, filiale d’investissement de R&D du groupe britannique BAE, en partenariat avec le motoriste Rolls Royce, a annoncé avoir réalisé une percée significative lors des tests de son moteur SABRE, pour Synergetic Air-Breathing Rocket Engine. Dans une telle configuration, qui n’est pas celle d’un statoréacteur, le problème principal provient de la température de l’air entrant dans le réacteur, qui atteint 1000° Celsius à une vitesse de Mach 5, ne permettant pas de controller la combustion du mélange Air-Carburant qui assure la poussée. Or, sans contrôle, le système peut rapidement devenir instable, et exploser, ce qui est loin de représenter une solution d’avenir pour le transport aérien.

Vision synthétique de la technologie SABRE

Les ingénieurs britanniques et américains collaborant sur le SABRE ont mis au point un pré-refroidisseur, positionné en amont de la chambre de combustion et qui permet de réduire la température de l’air atmosphérique en diffusant une puissance énergétique de 3,8 MW, de sorte à permettre une combustion air-carburant régulée et controlée. Pour ce faire, le « Pre-cooler » est constitué de près de 42 km de microtubes agissant comme des échangeurs air-air permettant à l’air de se refroidir à la température voulue en 1/20 ème de seconde, sans créer, semble t il, de phénomène de pompage, ou équivalent.

Les tests les plus récents ont permis de valider l’efficacité du dispositif à une température de 420° c , correspondant à une vitesse de Mach 3,3. Mais les ingénieurs du programme sont confiants sur le fait que cette technologie permettra d’atteindre des vitesses de Mach 5, et donc une température de fonctionnement de 1000°. Reste à voir si elle permettra effectivement de developper des moteurs efficaces permettant d’atteindre et dépasser le seuil hypersonique de Mach 5 pour des aéronefs, ce qui n’est pas encore acquis.

Les installations de test du moteur SABRE

En effet, pour qu’un tel moteur soit efficace, il faut qu’il puisse être employé par un appareil allant d’une vitesse de décollage au sol, à une vitesse hypersonique à haute altitude, et inversement. Or, l’échangeur thermique de Reaction Engine semble pouvoir être, par sa conception, sensible à des phénomènes extérieurs, comme notamment l’humidité de l’air ou la poussière atmosphérique, qui peuvent colmater les micro-canaux à faible vitesse et basse altitude. Le fait que les tests aient été faits en zone semi-désertique (cf photo) n’y est certainement pas étranger.

La Grande-Bretagne et les EAU vont commander 24 hélicoptères lourds CH47 Chinook

Selon le secrétaire à l’US Army, Ryan McCarthy, les armées britanniques seraient proches de commander 14 nouveaux hélicoptères lourds Boeing CH47 Chinook, et les Emirats Arabes Unis, 10 exemplaires, deux commandes cruciales pour maintenir la chaine de production de l’hélicoptère américain. En effet, depuis 2018, l’US Army estime avoir déjà suffisamment de CH47 modernes pour ses besoins, alors que Boeing et les représentants politiques des états ou sont assemblés les appareils, font pression pour maintenir la commande de l’US Army au niveau des 64 nouvelles unités dans les années à venir.

Si ces commandes venaient à se confirmer prochainement, cela permettrait à l’US Army de réduire cette commande de 28 unités, pour rediriger ces crédits vers les nouveaux programmes stratégiques, comme le programme Futur Vertical Lift, qui permettra de remplacer les hélicoptères UH-60 Black Hawk et les OH-58 Kiowa (déjà retirés du service depuis 2014). Pour financer ces nouveaux programmes, l’US Army doit en effet réaliser 31 Md$ d’économie sur prés de 186 programmes d’ici 2024. Mais comme souvent, des arbitrages aussi radicaux engendrent des effets néfastes sur l’industrie de Défense, et sur l’ensemble de l’écosystème qui en dépend, notamment au niveau local.

L’Allemagne veut acquérir 60 hélicoptères lourds pour remplacer ses CH53

Les 14 chinook britanniques iront rejoindre les 60 exemplaires déjà en service dans la Royal Air Force en remplacement des unités les plus anciennes qui datent des années 80, et les 10 appareils destinés aux forces Emirati rejoindront les 19 hélicoptères déjà en service, et les 5 commandés. L’Allemagne considère également la possibilité d’acquérir 60 appareils pour remplacer ses hélicoptères lourds CH53 Super Stallion, et Israel souhaite acquérir 20 unités supplémentaires pour renforcer sa flotte d’hélicoptères lourds CH53 modernisés au standard Yas’ur.

Le programme Futur Vertical Lift prévoit le remplacement des hélicoptères lourds CH47 de l’US Army à partir de 2035, par le programme JMR-Heavy (Joint Multi-Role Heavy). Mais Boeing tente de reporter ce programme, considérant que le CH47 comme suffisamment performant pour les décennies à venir. Toutefois, les positions défendues par Boeing risquent de se voir rapidement érodées par les nouveaux modèles en test pour le programme FLRAA (Futur Long Range Assault Aircraft) qui voit s’affronter le SB1 Défiant de Sikorsky et le V280 Valor de Bell, et qui semblent imposer un nouveau standard, notamment de vitesse, pour l’aéromobilité.

Sikorsky présente le Raider-X pour le programme FARA, un hélicoptère qui dépassera les 200 noeuds, et imposera un nouveau standard de vitesse pour l’aérocombat

La division hélicoptère de Boeing, qui pourtant produit l’AH 64 Apache et le CH47 Chinook, deux piliers de la doctrine d’aérocombat de l’US Army, semble en perte de vitesse face à Bell et Sikorsky dans les programmes FLRAA et FARA (Futur Attack Reconnaissance Aircraft) qui forment aujourd’hui le programme FVL. Si la société de Seattle a pu se rapprocher de Sikorsky pour le SB1 Défiant du programme FLRAA, dérivé du S97 Raider de Sikorsky, elle n’a pour l’heure pas présenté de modèle pour la compétition FARA, laissant libre court aux spéculations.

Entre les difficultés entourant le Boeing 737 MAX sur le marché civil, les défaites sur les compétitions militaires majeures qui donneront naissance aux F22, F35 et B21, les contre-performances et délais du KC-46, et le manque d’inspiration sur les programmes d’hélicoptère FVL, Boeing semble bien faire face à une conjonction de facteur pouvant menacer jusqu’à sa propre existence. Ce n’est probablement pas en menant des actions juridiques contre Airbus, ou en organisant des campagnes de lobbying au sénat américain pour forcer l’US Army à acheter des CH47 dont elle ne veut pas, que le géant aéronautique parviendra à reprendre la main sur ses productions, son marché, et son destin …

Les Frégates Admiral Gorshkov marquent le renouveau de l’industrie navale et de la Marine Russe

Après une construction qui aura pris prés de 10 ans, la frégate Admiral Kasanotov, première unité de série du projet 22350 de la classe Admiral Gorshkov, a entamé ses essais à la mer pour la Marine Russe, avant une entrée en service qui doit intervenir avant la fin de l’année. Après prés de trois décennies de vaches maigres et de difficultés, l’entrée en service prochaine de la nouvelle frégate marque le retour de l’industrie navale militaire russe sur le marché des unités de haute mer, et permet à la Marine Russe d’entamer le renouvellement de ses navires hérités de la période soviétique.

Avec un jauge de 5.400 tonnes en charge pour 135 m de long, la frégate Admiral Kasanatov se positionne entre les frégates de classe Krivak et Neutrashimy, respectivement 3600 et 4400 tonnes, et les destroyers Sovremenny de 6600 tonnes. Si sa construction a été longue, le navire qui entrera bientôt en service sera particulièrement bien équipé. En terme d’armement, la frégate dispose, outre de son canon de 130 mm, de 16 silos longs pour mettre en oeuvres des missiles anti-navires Onyx, des missiles de croisière Kalibr, ou le missile hypersonique anti-navire Tzirkon qui doit entrer en service l’année prochaine. A cela s’ajoutent 24 silos pour les missiles anti-aériens du système Poliment-Redut, couvrant plusieurs types de missiles allant du 9M96M d’une portée de 120 km, au missile 9M100 d’autodéfense à courte portée contre les aéronefs, drones et missiles, et qui peut être « quad pack », c’est à dire assemblé par 4 missiles dans une seule cellule du silo.

Gros plan sur les silos de lancement de la plage avant du système Poliment-Redut de la frégate Admiral Gorshkov.

La frégate emporte également 2 tubes lance-torpilles quadruples de 330 mm pour les torpilles légères Paket NK de lutte anti-sous-marine et anti-torpille, ainsi que 2 systèmes de protection anti-aérienne rapprochée CIWS Kashtan. La détection est assurée par un radar Furke-4 5P-27 couplé au radar aérien Poliment 5P-20K disposant de 4 antennes AESA sur le mat intégré, ainsi que par un sonar d’étrave Zorya M et d’un sonar tracté à profondeur variable Vinyetka pour la détection acoustique des sous-marins. La guerre électronique n’est pas négligée, avec la suite Prosvet-M et de nombreux lance-leurres radars et infrarouges. De façon anecdotique, les frégates 22350 sont équipées d’un système non létal pour créer des illusions sensorielles. Elles emportent, enfin, un hélicoptère moyen Ka-27, ainsi que différents drones de reconnaissance et de renseignement.

Bien qu’officiellement destinées à la lutte anti-sous-marine, on constate que les frégates 22350 disposent d’une panoplie de systèmes d’arme complète, capable d’assurer la protection multi-domaine d’une unité majeure ou d’une zone. Ainsi, le Système Poliment-Redut, version navale du nouveau systeme S-350 qui entre également en service dans les forces armées russes pour la protection des sites sensibles, est un système évolué de défense anti-aérienne, tandis que les missiles anti-navires et de croisière emportés permettent de tenir à distance n’importe quelle unité navale, ou de mener des frappes à terre.

Le missile Kalibr équipe de nombreuses corvettes de la Marine Russe, permettant de contourner les restriction du traité INF, désormais abandonnés par les Etats-Unis et la Russie.

La classe Admiral Gorshkov est destinée à devenir le pivot de la flotte hauturière russe dans les années à venir. Alors qu’elle ne devait compter initialement que 4 unités, la construction de deux nouvelles unités a été entamée en avril 2019 pour une version étendue, qui emportera 24 missiles Kalibr/Onyx/Tzirkon au lieu de 16 sur les 4 premières frégates. Ces navires sont attendus pour 2024 et 2025 par la Marine Russe. Parallèlement, le ministère de La Défense russe a annoncé la commande de 2 unités supplémentaires de la version étendue, dont la construction sera entamée en 2020, et la livraison est escomptée pour 2026 et 2027.

A partir de 2021, la Marine Russe entamera la construction des frégates du projet 22350M « Super Gorshkov », version allongée et alourdie des frégates 22350 Admiral Gorshkov (d’ou le nom), qui atteindront les 7000 tonnes, et emporteront plus d’armements et des systèmes plus performants. Au moins 8 unités de cette nouvelle classe doivent être commandées sur la GPV 2019-2027, le plan pluriannuel d’équipements des forces russes. Les croiseurs (ou destroyers lourds) de la classe Lider, un moment présentés comme imminents par les organes de communication officiels russes, ne seront pas commandés avant 2025. Si les frégates 22350/M sont appelées à remplacer les frégates Krivak, Neutrashimy, et les destroyers Sovremenny, les Lider seront, eux, destinés à remplacer les destroyers anti-sous-marins Udaloy, ainsi que les croiseurs Slava et Kirov, tous des navires conçus et construits durant l’époque soviétique.

Les destroyers lourds Lider seront commandés à partir de 2025 et n’entreront pas en service avant le début de la prochaine décennie

On comprend, dès lors, en quoi les frégates Admiral Gorshkov, outre leurs capacités opérationnelles qui semblent très satisfaisantes mais qui restent à démontrer en mer, marquent un véritable tournant pour l’industrie navale militaire russe qui retrouve, après 30 années, ses capacités à concevoir et fabriquer des navires majeurs destinés à la haute mer. Avec la fin du traité INF, et donc de l’interdiction de déployer des missiles de croisière à longue portée à partir de lanceurs terrestres, le recours massif à des corvettes armées de tels missiles va probablement diminuer pour la Marine Russe, qui va pouvoir rediriger ses investissements vers le renforcement de sa flotte de haute mer et de sa flotte sous-marine, pour entamer une modernisation trop longtemps reportée.

Avec les LHA classe America, l’US Navy renoue avec les porte-avions légers

Il y a quelques jours, le porte-aéronefs d’assaut USS America, première unité de la classe éponyme, a appareillé du port militaire de San Diego pour relever l’USS Wasp en mission dans le Pacifique occidental. Pour la première fois, le navire emporte à son bord 13 F-35 B du corps des Marines, ainsi que des hélicoptères V-22 Osprey et AH-1 Super Cobra, permettant d’utiliser le navire non plus en sa qualité de porte-aéronefs d’assaut, comme l’ont été les LHD des classes Wasp et Tarawa pendant des décennies, mais comme un porte-avions léger.

De manière standard, les 8 LHD de la classe Wasp en service dans l’US Navy emportent à leur bord 6 à 10 avions de combat Harrier II, remplacés depuis quelques années par des F-35 B Lightning 2 qui entrent progressivement en service dans l’US Marines Corps. Comme le Harrier, le F-35 B peut décoller et atterrir verticalement, ou sur une course de décollage très courte, grâce à sa tuyère orientable et à un soufflante d’équilibrage et de contrôle située en arrière du cockpit. De fait, contrairement aux F-35 C en service sur les porte-avions de la classe Nimitz et Ford, le F-35 B n’a besoin ni de catapulte pour décoller, ni de brins d’arret pour apponter.

Les capacités de décollage et d’atterrissage vertical ou court du F35B lui confère des capacités uniques pour être déployé à partir de porte-aéronefs et porte-hélicoptères ne disposant ni de catapulte, ni de brins d’arrêt

Cette technologie n’est pas sans contrainte, puisque le F-35 B n’emporte que 6,3 tonnes de carburant au décollage, soit 25% de moins que le F-35 A, réduisant son autonomie de prés de 30%, alors qu’elle n’est pas précisément le point fort de l’appareil de Lockheed. En outre, pour pouvoir décoller du pont d’un LHD, le F-35 B est limité en matière d’emport d’armement. Mais même si le l’appareil reste 50% plus cher que la version A utilisée à partir de base terrestre, et 25% plus cher que la version C embarquée sur porte-avions classiques, il n’en représente pas moins une alternative interessante pour renforcer la capacité de projection de puissance de l’US Navy.

En effet, les 11 LHA de la classe America, qui doivent remplacer les LHD de la classe Tarawa déjà retirés du service et les 8 LHA de la classe Wasp, ne coutent que 2,5 Md$ à la construction, là ou un porte-avions de la classe Ford coute plus de 12 Md$. Chaque navire peut emporter, en configuration porte-avions léger, jusqu’à 20 F35B, au prix de la diminution du nombre d’hélicoptères à son bord. Certes, les F-35 B n’ont pas les performances des F-35 C embarqués sur les porte-avions Nimitz ou Ford, et ne peuvent être soutenus par des avions radars E-2D Hawkeye ou des drones ravitailleurs MQ-25 Stingray, mais ils conservent leurs attributs de furtivité et de capacité d’engagement coopératif, capables d’apporter une importante capacité d’engagement aéronaval à une flotte amphibie ou de surface.

Les porte-avions d’escorte de la classe Casablanca jouèrent un rôle méconnu mais déterminant pour la reprise des iles japonaises tenues par les japonais dans le pacifique

Cette capacité est très semblable à celle qu’avait développé l’US Navy durant la seconde guerre mondiale avec les porte-avions d’escorte. Les navires de la classe Casablanca, construits à 50 exemplaires entre 1942 et 1944, participèrent à l’escorte des convois dans l’Atlantique comme à l’appui des forces expéditionnaires américaines pour la stratégie des « sauts de puce » dans le Pacifique contre le Japon. Ces porte-avions d’à peine 11.000 tonnes n’emportaient qu’une flotte de 28 avions, souvent composée d’un escadron de chasseurs FM2 Wildcat et un escadron de bombardier-torpilleurs TBF Avenger. Ils permirent de libérer les grandes unités de la classe Essex des missions d’escorte et d’appui, pour se concentrer sur la destruction de la flotte japonaise et des défenses des îles fortifiées, comme les atolls de Makin, de Tarawa ou d’Iwo Jima.

De nos jours, pour faire face à la Marine chinoise, qui dispose déjà de plus de navires de combat que l’US Navy, et qui est engagée dans une phase de modernisation et d’extension rapide, l’utilisation des LHA en configuration de porte-avions légers représenterait, dès lors, un apport interessant pour multiplier les capacités d’engagement sur un théâtre aussi vaste que l’océan pacifique.

Les forces d’autodéfense japonaises ont commandé 42 F35B pour être employés à partir de ses deux porte-hélicoptères d’assaut de la classe Izumo

Cette évolution permise par le F-35 B n’a pas échappé à plusieurs alliés des Etats-Unis, qui peuvent ainsi remplacer les Harrier qui équipent leurs porte-aéronefs, comme pour l’Italie, ou transformer leurs navires d’assaut porte-hélicoptères en porte-avions légers, comme c’est le cas du Japon, tous ayant déjà commandé des F35B. D’autres pays, comme le Royaume-Uni, et plus récemment la Corée du Sud, ont développé ou prévoient de developper une classe de porte-aéronefs à tremplin spécialement conçue pour mettre en oeuvre le F35B. De fait, alors qu’en 2010, il n’y avait que 14 porte-aéronefs emportant plus de 10 appareils à voilure fixe dans le monde, dont 10 étaient en service dans l’US Navy, ils seront plus de 34 en 2030, et seuls 14 d’entre-eux seront dotés de catapultes. Une croissance qui en dit long sur l’intérêt que représente les porte-avions légers pour les marines modernes.

Les Européens ont été « surpris » par le revirement américain en Syrie

Comme le rapporte Michel Cabirol dans un article paru sur le site latribune.fr, le ministre français des affaires étrangères n’a pas caché son agacement, lors de son audition devant le sénat, face au revirement unilatéral de position des Etats-Unis en Syrie, qui a donné le feu vert au président Turc R.T. Erdogan pour engager l’opération militaire contre les forces Kurdes. Selon Jean-Yves Le Drian, les européens, y compris la France, ont été surpris par un tel changement de position de Washington et du président Trump, dont les répercussions engagent aujourd’hui la sécurité de l’ensemble des pays de la zone moyen-orientale ainsi que des pays européens. Selon le ministre français, les autorités américaines avaient pourtant donné des assurances aux Européens, ainsi qu’aux membres de la coalition anti-Daesh, et l’annonce soudaine du retrait des forces américaines de la zone d’engagement probable a donc pris de court l’ensemble des acteurs, européens y compris.

Toujours lors de cette audition, JY Le Drian a jugé que le retrait américain avait bénéficié avant tout à la Russie, à la Syrie de Bashar al Assad, et à l’Iran, qualifié du bien peu diplomatique patronyme de « parrains d’Astana » et les conséquences de cette décision entameront les relations des occidentaux avec les pays du Moyen-Orient, notamment vis-à-vis de l’Arabie saoudite et d’israël, qui pourraient bien décider d’agir, eux aussi unilatéralement, pour assurer leur sécurité face à l’Iran, sans tenir compte des appels à la retenu venant de Washington et des capitales européennes. En guise de conclusion, le ministre français s’est interrogé sur la fiabilité de l’engagement des Etats-Unis à assurer la sécurité collective, au point de porter préjudice au lien transatlantique.

l’offensive turque en Syrie a été déclenchée suite au retrait des forces spéciales américaines engagées aux cotés des forces kurdes dans le nord de la Syrie

Le jugement sans appel du ministre des affaires étrangères français pose pourtant plus de question qu’il n’apporte de réponse. En effet, il montre à quel point les Européens, dont les Français, se sont mis eux-même en situation de très forte dépendance vis-à-vis de l’action américaine pour assurer leur propre sécurité, et la préservation de leurs intérêts. Si les Etats-Unis sont des alliés fiables et de longue date des pays européens, ils n’en demeurent pas moins qu’ils ont un agenda qui leur est propre, et une lecture des priorités différentes de celle des européens. En pleine course pour un second mandat, Donald Trump ne veut certainement pas voir des soldats américains tués ou blessés par un conflit entre Turcs et Kurdes, le tout pour un conflit en Syrie dont on ne voit pas vraiment comment il pourrait bien se terminer pour les alliés des occidentaux.

Ce constat doit, également, et sans délais, amener à engager une réflexion réaliste sur les besoins en terme de moyens militaires en France et en Europe, afin de pouvoir assurer la protection du territoire européen, des européens eux-mêmes, de leurs intérêts, et ce sans dépendre d’une décision ou de moyens en provenance de Washington. Rappelons à ce titre que la principale menace pour les Etats-Unis dans les décennies à venir sera représentée par la Chine, et non la Russie, comme nous l’avions déjà abordé à plusieurs reprises ici même. Or, pour être en mesure de neutraliser la menace d’un pays de 1,5 milliard d’individus, et dont le PIB devrait rattraper celui des Etats-Unis d’ici 2040, Washington aura besoin d’y consacrer toutes ses ressources, ne pouvant plus, par conséquent, assurer la protection des Européens comme ce fut le cas pendant 70 ans.

Les forces françaises, comme l’ensemble des forces européennes, ne sont pas dimensionnées pour assurer seules la protection du territoire et des intérêts dont elles ont la charge. Pourtant, l’Europe est plus peuplée, et aussi riche que les Etats-Unis.

20 ans est un temps court lorsqu’il s’agit de profondément changer le format, l’organisation et les moyens d’une force armée, d’autant plus lorsqu’il s’agit de le faire à l’échelle multi-nationale. Si JY Le Drian appelle les Russes à « prendre leurs responsabilités » en Syrie face au sénat français, il serait avant tout impératif d’appeler les européens à prendre leurs propres responsabilités en matière de Défense, et à la France, en tant que nation nucléaire et membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unis, de montrer l’exemple, et engageant un plan ambitieux et méthodique pour amener le format des forces armées nationales à un niveau cohérent avec la réalité des besoins et des menaces.

L’US Army renforce la résistance de ses unités au brouillage GPS

L’accès au signal GPS est devenu un des enjeux majeurs de la guerre électronique que se livrent les unités sur un champs de bataille. Il permet non seulement de se repérer dans l’espace, mais également de collaborer de façon précise avec les autres unités, une donnée indispensable alors que l’engagement multi-domaine s’impose au coeur de l’action militaire moderne. En revanche, l’extraordinaire potentiel offert par la précision du signal GPS a créé, au fil du temps, une véritable dépendance des unités militaires modernes à sa réception.

Très tôt, les forces russes ont compris qu’en empêchant les forces occidentales d’accéder à ce signal GPS, elles pouvaient profondément détériorer leur efficacité opérationnelle. Non seulement les unités auront de plus grandes difficultés à se déplacer et se positionner, mais elles ne pourront pas collaborer aussi précisément avec les unités de soutien, comme l’artillerie, ou l’aviation.

En outre, nombres de systèmes d’arme de précision, reposent sur ce même signal pour frapper leurs cibles. Elles développèrent alors simultanément de puissants brouilleurs mobiles pour saturer les bandes de fréquence employées par les satellites GPS, et empêcher les récepteurs embarqués de déterminer leur position, ainsi que des systèmes de « Spoofing » qui, en introduisant un signal transportant une information de temps erronée sur les fréquences GPS, altèrent la capacité des récepteurs à déterminer leur position de manière précise, entrainant une forme de « dérive » de plusieurs kilomètres dans l’information de positionnement.

Les forces russes disposent d’une imposante panoplie de systèmes de brouillage électromagnétique, pouvant brouiller aussi bien les communication que le signal GPS

Ces systèmes de brouillage russes ont montré leur efficacité lors des récents exercices des forces armées russes s’étant tenu à proximité des frontières occidentales, notamment lors de l’exercice Zapad 2017, à proximité des pays baltes, mais également lors de l’exercice Trident Juncture 2018 de l’OTAN, durant lequel une bonne partie des pays baltes et de la péninsule scandinave furent privés de signal GPS.

Les forces occidentales, et notamment américaines, s’emploient depuis à trouver des parades à ces deux formes de brouillage. C’est ainsi que les véhicules blindés Stryker du 2nd régiment de Cavalerie US ont été équipés du système MAPS, pour Mounted Assured Position Navigation en Timing System, destiné à détecter les brouillages et engager les parades nécessaires. Ainsi, lorsqu’un brouillage est détecté, l’antenne du MAPS va couper la facette exposée au signal, et tenter de détecter une signal valide sur les satellites détectés par les 6 autres facettes de l’antenne.

Les Stryker seront progressivement tous équipés du système MAPS pour contrer les effets du brouillage du signal GPS

La résistance au spoofing sera intégrée, elle, à la prochaine version du MAPS, qui entrera en service courant 2020. Il s’agira, très probablement, d’un horloge atomique embarquée capable de maintenir une précision temporelle suffisante pour détecter une tentative de spoofing, et pour préserver une indication de positionnement suffisamment précise pour les actions militaires, dans le temps que dure ce brouillage. Une fois le brouillage terminé, le système pourra alors se re-calibrer précisément avec les données temporelles transmises par les satellites.

L’US Army prévoit d’équiper plus de 20.000 véhicules du système MAPS d’ici à 2028. Elles prévoient également d’équiper également les forces débarquées du système DAPS qui, s’il n’est pas équipé comme MAPS de systèmes anti-brouillages, utilise cependant le nouveau signal codé GPS-M, ayant un niveau d’encryption plus évolué, et donc plus difficile à faire dériver par spoofing, pour un certain temps du moins.

Si les véhicules pourront effectivement palier en partie les effets du brouillage du signal GPS, le problème souche également les systèmes d’arme de précision, comme les obus d’artillerie à guidage GPS, ou les bombes guidées à l’instar de la bombe A2SM française, ou de la JDAM américaine, qui équipe les arsenaux occidentaux. Dans le cadre d’un conflit contre une nation technologique, comme la Russie ou la Chine, une grande partie des réserves de munition, mais également des tactiques et doctrines militaires employées depuis deux décennies, risquent fort de se retrouver neutralisées par le brouillage adverse. On comprend pourquoi le sujet est au coeur des préoccupations des états-majors occidentaux aujourd’hui.

Les premiers chars Abrams américains reçoivent leur système de protection actif Trophy

La prolifération des systèmes anti-chars fait peser, aujourd’hui, une importante menace sur les blindés modernes, qu’ils soient ou non opposés à des adversaires technologiquement avancés. Les forces armées israéliennes furent parmi les premières à juger ce risque comme susceptible d’entraver l’efficacité de l’action menée par un groupement blindé. C’est en 2007 que les premiers systèmes de protection actifs Trophy, conçus par les sociétés Raphael et Elda Systems, furent installés sur les chars Merkava Mk III et Mk IV, ainsi que sur les transports de troupe blindés Namer, des forces armées israéliennes. Selon les dires des autorités israéliennes, le système n’a jamais été mis en défaut depuis, et a, à plusieurs reprises, intercepté des roquettes et missiles anti-chars employés contre les blindés hébreux, notamment des missiles 9M133 Kornet et 9M113 Konkurs.

Les chars Merkava disposaient déjà d’un système Soft-kill, détectant les menaces et engageant, si besoin, des contre-mesures adaptées, comme un brouilleur électromagnétique, un brouilleur laser, des leurres infra-rouges ou le déploiement d’un fumigène de masquage. Le Trophy est, lui, un systeme Hard-Kill, qui intercepte le missile ou la roquette à distance de sécurité grâce à une munition directionnelle envoyée contre lui. Selon Raphael, le Trophy a été utilisé plus de 500.000 heures cumulées en opération par les unités de l’armée de terre israélienne.

Gros plan sur les détecteurs du Trophy flanquant la tourelle du Abrams

Ce même système Trophy a été sélectionné par l’US Army pour équiper un certain nombre de chars de combat Abrams de l’US Army et du Marines Corps, pour un commande de 193 m$ attribuée à Raphael en partenariat avec l’Italien Leonardo, ce qui représente entre 150 et 200 chars, le Trophy ayant un tarif de 900.000 $. Cette solution temporaire, dans l’attente de l’arrivée du système Modular Active Protection System de facture locale, commence donc à être mise en oeuvre, avec la livraison par Raphael et Leonardo du premier Kit Trophy à l’US Army pour installation.

Un second système de protection active, dénommé Iron Fist, conçu par l’israélien IMI, et qui équipe également les APC Namer israéliens, a été déclaré vainqueur d’une compétition organisée par l’US Army, en vu de protéger les véhicules de combat d’infanterie Bradley M2/3 d’une brigade blindée, soit 138 véhicules blindés. Il s’agit, là encore, d’une solution temporaire, dans l’attente de l’entrée en service du remplaçant du Bradley qui sera lui aussi, équipé du système MAPS. En revanche, ni le Trophy, ni l’Iron Fist, n’ont pu être qualifié pour équiper les Stryker américains, les installations étant jugées trop contraignantes et trop lourdes pour le blindé de 15 tonnes.

Gros plan sur l’APS Afghanit qui équipe les T14, T15, Kurganet 25 et Boomerang russes de nouvelle génération, qui entreront en service à partir de l’année prochaine.

De nombreux pays effectuent, eux aussi, la conversion de leur parc blindé lourd vers des systèmes de protection actifs, comme les Pays-bas et l’Allemagne. La Russie a intégré un APS (Active Protection System) à l’ensemble des versions modernisés et de nouvelle génération de ses chars et blindés lourds, comme le T14/15 Armata et le Kurganet 25 qui disposent du système de protection actif Afghanit, mais également le T72B3M, le T80BVM et le T90M, qui entrent aujourd’hui en service à hauteur de 150 à 200 chars par an dans les forces russes, et qui sont équipés du système Arena-M ou Afghanit. Les chars chinois sont également dotés de ce type de protection.

En dépit de son aspect désormais indispensable, aucun APS n’est prévu dans la modernisation en cours des 200 chars Leclerc en service dans l’Armée de terre française. Les nouveaux EBRC Jaguar et VBMR Griffon ne sont, eux, dotés que de systèmes Soft-Kill, destinés à brouiller d’éventuels missiles les ayant pris pour cible. Un arbitrage difficile à justifier à la vue de l’évolution rapide des menaces, que ce soit en matière de combat dits de « haute intensité », avec des missiles anti-chars de plus en plus performants en service en grand nombre dans un grand nombre de forces armées, mais également sur les théâtres de moindre intensité, eu égard à la prolifération des systèmes anti-chars performants dans les mains de forces non conventionnelles.

Pékin muscle son discours au sujet de Taïwan

A l’occasion de l’inauguration du forum de Pékin Xiangshan, le ministre de la Défense de la République Populaire de Chine, Wei Fenghe, a tenu un discours musclé au sujet de la volonté du pays de retrouver son unité, et de ramener Taiwan au sein de « la mère patrie », comme il l’avait déjà fait aux rencontres de Shangri-la au mois de juin . Selon lui, et comme cela était établi dans le nouveau Livre Blanc chinois, toutes les initiatives exterieures visant à soutenir les « sécessionnistes » ne font qu’aggraver la situation, et éloigne les chances d’une solution pacifique d’une trajectoire historique inéluctable. « Nous ne pouvons perdre un pouce du territoire légué par nos ancêtres », a-t-il précisé, en insistant encore une fois sur le fait que Taïwan était une affaire intérieure pour la Chine Populaire, et qu’elle ne tolérera pas d’interférence exterieure.

Ce discours n’a rien de nouveau; il est répété en boucle depuis une dizaine d’année par Pékin, et surtout depuis l’arrivé au pouvoir de Xi Jinping, qui a fait du retour de Taiwan dans le giron national un des marqueurs forts de son action politique. Toutefois, et malgré des annonces de plus en plus appuyées de la part des autorités chinoises, la situation n’a guère évoluée pour Pékin sur ce sujet, au contraire !

Les forces navales chinoises se renforcent rapidement, notamment dans le domaine aéronaval. Ici le porte-avions Type 002, premier navire de ce type intégralement conçu et construit en Chine

En effet, jusqu’en 2016, avec le pivot à l’Est du président Obama, Washington comme l’ensemble des occidentaux avaient largement diminué leur soutien à Taïpeï en matière de Défense, notamment en refusant à plusieurs reprises des licences d’exportation d’armement. Mais avec la confrontation croissance, tant sur le plan économique que diplomatique, entre les deux puissances mondiales, et notamment depuis l’arrivé au pouvoir de D.Trump, les Etats-Unis ont profondément changé de position, en autorisant, en peu de temps, la vente de materiels terrestres, dont 108 chars M1A2 Abrams, et de 66 F16V, aux forces taïwanaises. Parallèlement, Washington a décidé d’accorder son soutien au programme de sous-marins conventionnels lancé par les autorités taïwanaises, quitte à devoir aller chercher les technologies manquantes en Europe, en Corée du Sud et au Japon. De fait, plutôt que de se dégrader, les capacités d’autodéfense de l’ile indépendante de Taiwan sont en passe de se renforcer sensiblement, ce qui n’incitera pas Taipei à la négociation avec Pekin.

Dans le même temps, les capacités militaires chinoises ont, elles-aussi, connu une importante augmentation, en qualité comme en quantité. Ainsi, comme nous l’avons abordé à plusieurs reprises, la flotte chinoise est en pleine mutation, passant d’une force navale d’autodéfense à une flotte de haute mer avec d’importants moyens de projection de puissance aptes à mener des assauts amphibies de grande ampleur. Dans le même temps, les forces aériennes chinoises, comme les forces terrestres, amphibies et spatiales, ont été très largement modernisées, au point de faire peser désormais un niveau de challenge important aux forces américaines présentes dans la région. Elles peuvent, en outre, s’appuyer sur un réseau de bases défensives disséminées en mer de Chine, souvent en dépit du droit international, et disposant d’importants moyens de déni d’accès.

Le F35 est un des piliers de l’effort de défense américain pour contenir la puissance militaire chinoise dans le Pacifique

La puissance militaire américaine, si sa reconstruction a été entamée plus tardivement qu’en Chine, est également en pleine mutation, avec l’entrée en service de nouveaux navires de guerre, de nouveaux avions de combat, et le remplacement programmé ou la modernisation de la majorité des systèmes d’arme en service. Mais les armées américaines peinent encore à définir leur format et leur planning, créant de nombreuses incertitudes sur les délais d’entrée en service des nouveaux équipements. En outre, elles semblent incapables, malgré un budget pharaonique, de s’aligner sur la productivité de l’industrie de Défense chinoise, et d’ici 2040, au plus tard 2050, les forces armées chinoises seront au même niveau que les forces armées américaines, et ce dans la grande majorité des domaines.

De fait, malgré le discours de Pékin qui essaie de présenter une alternative pacifique pour la réunification entre Taiwan et la Chine Populaire, cette hypothèse semble de plus en plus improbable, nonobstant la farouche opposition de la population insulaire elle-même. par ailleurs renforcée dans ses convictions du fait des tensions que connait Hong-Kong. Dans l’opposition de plus en plus intense qui oppose Pékin à Washington sur la scène internationale, Taiwan pourrait bien jouer un rôle similaire à celui que joua Berlin pendant la Guerre Froide.

Les occidentaux, notamment les européens, ont pour la plupart cédé aux pressions de Pekin pour ne plus fournir d’équipements de Défense à Taiwan. C’est le cas, notamment, de la France qui était pourtant un partenaire clé de La Défense de l’île.

Mais là ou Berlin pouvait s’appuyer sur un bloc continental européen pour renforcer l’action américaine, rien ne garantit que les puissances alliées des Etats-Unis dans la région, comme le Japon, la Corée du Sud ou l’Australie, fassent preuve de la même unité et de la même détermination que les membres de l’OTAN. Surtout, la détermination soviétique à s’emparer de Berlin était toute relative, notamment du fait du rôle modérateur que jouaient les autorités d’Allemagne de l’Est, mais également de la Pologne, de la Hongrie, ou de la Tchécoslovaquie dans ce domaine. Les autorités chinoises, en revanche, disposent d’un pays à la fois uni, militairement et économiquement en pleine croissance, et dont la démographie procure une résilience bien supérieure à celle de n’importe quel pays dans le monde. De fait, Taiwan pourrait bien devenir, dans les années à venir, le point de convergence de l’ensemble des ambitions et positions des deux grandes puissances mondiales, chacune guettant dans le regard de l’autre le moindre signe de vacillement, que ce soit dans sa determination comme dans ses moyens militaires.

En conséquence, les Etats-Unis, même soutenus de grandes nations militaires alliées régionales, n’auront guère d’autre choix que de concentrer l’immense majorité de leur effort de Défense pour contenir la puissance militaire et les ambitions chinoises dans le Pacifique, l’Océan Indien, au Moyen-Orient et en Afrique, laissant bien peu de moyens disponibles pour renforcer La Défense de l’Europe, le cas échéant. Même distante de prés de 10.000 km, la crise Taïwanaise qui se dessine, et qui va cristalliser une grande partie des tensions internationales dans les décennies à venir, a donc une influence déterminante sur la sécurité des pays européens. Il serait vraiment temps qu’en hauts lieux s’effectue une prise de conscience des bouleversements géopolitiques en cours, et des effets qu’ils auront sur la sécurité des européens eux-mêmes, à moins de vouloir, coute que coute, réitérer les erreurs commises en France dans les années 30, et qui conditionnèrent, en grande partie, le drame qui se joua durant la seconde guerre mondiale.

Terres rares, drones légers, le DoD anticipe l’intensification des tensions avec la Chine (et la Turquie …)

A l’occasion de la conférence internationale sur la coopération de Défense COMDEF 2019, la sous-secrétaire à La Défense en charge des acquisitions, technologie et de la logistique du Département de La Défense américain, Ellen Lord, a précisé la stratégie en cours au sujet de plusieurs dossiers cristallisant les inquiétudes des industriels occidentaux, et notamment au sujet de l’approvisionnement en minéraux extraits des terres rares, aujourd’hui très majoritairement produits par l’industrie minière chinoise.

Ainsi, Ellen Lord a précisé que le président Trump avait autorisé le Departement de La Défense à puiser dans les réserves du Titre III de la loi sur La Défense de la production, pour entamer des investissements visant à garantir ces approvisionnements, notamment en Australie, dont le sous-sol contient beaucoup de ces précieux minéraux et métaux. Les autorités australiennes attendaient avec impatience cette décision, et avaient prévenu Washington qu’en l’absence de réaction de leur part, les risques de voir la production australienne de terres rares tomber aux mains d’entreprises chinoises, et donc du pouvoir politique de Pékin, étaient grands.

Ellen Lord a tenu à préciser la position des Etats-unis sur la question de l’approvisionnement en minéraux et métaux extraits de terres rares, sous la menace d’un embargo chinois

Mais les terres rares ne sont pas les seules à susciter l’inquiétude à Washington du fait de l’hégémonie chinoise. Les drones légers, comme les quadcoptères qui sont légions dans le commerce, sont également identifiés comme un domaine sensible par le DoD. En effet, aujourd’hui, ces drones sont presque exclusivement conçus et fabriqués par les usines chinoises, alors qu’ils sont de plus en plus utilisés par toutes les branches de l’économie du pays. Les autorités américaines craignent, à l’instar de l’affaire entourant les smartphones Huawei, que les productions chinoises puissent être détournées à des fins de renseignement par Pékin. Le DoD va donc, là encore, procéder à des investissements sectoriels, aux Etats-Unis comme chez ses alliés, visant à voir émerger une offre alternative sûre, susceptible de prendre le relais des drones légers chinois sur le marché US comme occidental, si les conditions l’exigeaient.

On comprend, dans l’allocution d’Ellen Lord, que le Departement de La Défense anticipe, à plus ou moins court terme, une aggravation des tensions entre les Etats-Unis et la Chine, et l’application par cette dernière de l’embargo sur les terres rares dont elle a menacé Washington. Mais elle révèle également la grande défiance qui s’instaure désormais entre les deux pays en matière de technologie, même concernant les équipements à usage essentiellement civil. Ceci dit, cette défiance réciproque est dans la parfaite continuité de l’évolution des positions des deux pays depuis une dizaine d’années, et le rôle de plus en plus prépondérant que Pékin veut jouer dans le monde, au détriment de Washington.

Pour l’heure, le Département de La Défense reste ferme sur l’exclusion de la Turquie du programme F35

A l’occasion de cette conférence, Ellen Lord a également fait un point sur la Turquie, et notamment sur l’exclusion de cette dernière du programme F35. Selon ses dires, cette exclusion serait actée et définitive, et le DoD s’emploie désormais à remplacer les fournisseurs d’équipements et de technologies turques appartenant au programme F35, par d’autres fournisseurs, aux Etats-Unis ainsi que dans les pays partenaires du programme. Cependant, les positions exprimées par le président Trump sont beaucoup moins fermes, et peuvent encore être soumises à variation, notamment dans le cadre des négociations engagées en vue de mettre fin à l’offensive turque dans le nord de la Syrie. A noter toutefois que moins de 24 heures après l’accord de cesser le fin signé par RT Erdogan et Mike Pence, le vice-président Américain, obtenu en promettant l’évacuation des forces kurdes de la bande de 30 km jouxtant la frontière turque, des sources indiquent la reprise de l’avancée des forces turques.

L’anticipation dont fait preuve le Département de la Défense américain met en lumière l’absence d’anticipation des Européens dans ces domaines pourtant stratégiques. Il semble pourtant évident que si la Chine venait à mettre les Etats-Unis sous embargo concernant les extraits des terres rares, cet embargo aurait de grandes chances d’être étendu aux pays européens, qui eux aussi, ont des industries qui en dépendent cruellement. De même, la main mise chinoise sur les drones légers touche aussi bien les européens que les américains. Sur de tels sujets, c’est bel et bien à l’Union Européenne, et non aux pays membres, de prendre des initiatives, ou tout au moins d’alerter ses membres sur les risques encourus. Il semble que, comme souvent, l’Europe préfère feindre l’insouciance, quitte à minimiser la portée et l’utilité des initiatives américaines dans ces domaines. Il n’est pas acquis que ce soit l’attitude la plus adéquate considérant la trajectoire d’évolution de la situation politique internationale depuis une dizaine d’années.

Raytheon présente son radar LTAMDS qui assurera la détection à 360° des menaces aériennes pour l’US Army

Si le système Patriot était incontestablement un des meilleurs systèmes de défense anti-aérienne et anti-missile au début du siècle, sa conception souffre aujourd’hui d’un défaut qui s’avère rédhibitoire face aux nouvelles menaces. En effet, le radar du système Patriot n’est capable de détecter ses cibles que dans un arc de 120° lui faisant face. Si pendant longtemps, cette limitation n’avait que peu d’importance, eu égard aux limitations en matière de trajectoire des missiles balistiques et missiles de croisière, il en va tout autrement aujourd’hui, comme l’a montré l’attaque des terminaux pétroliers saoudiens il y a un mois. En effet, un missile de croisière, ou un drone, peut désormais manoeuvrer pour s’approcher de la cible sans entrer dans le code de détection du Patriot, avant qu’il ne soit trop tard pour intervenir. De même, les nouveaux missiles balistiques, comme l’Iskander, peuvent manoeuvrer lors de leur vol balistique et terminal, de sorte à, là encore, rendre la détection et l’interception impossible par les systèmes existants.

Le radar LTAMDS de Raytheon, dont la maquette grandeur nature a été présentée lors du salon AUSA 2019 consacré aux équipements terrestres, apporte une réponse à ce besoin. Il dispose en effet d’une antenne principale de grande dimension, destinée à couvrir l’axe principal de pénétration balistique, et de 2 antennes secondaires, couvrant les 2 arcs de 120° complémentaires, plus petites, mais parfaitement capables de détecter les menaces allant des aéronefs aux drones et missiles de croisière. En outre, ces antennes actives utilisent de modules Gallium Nitride (GaN), et non les modules Gallium Arsenide (GaAs) employés jusqu’ici par la majorité des radars AESA. Grâce à une excellente conductivité, les modules GaN sont beaucoup plus efficaces que les modules GaAs, ce qui permet aux antennes secondaires du LTAMDS d’être deux fois plus performantes que l’antenne principale du système Patriot aujourd’hui.

L’architecture AIAMD pour assurer le partage des informations entre l’ensemble des acteurs du théâtre est un des exemples de l’importante que prend l’engagement multi-domaine dans les armées modernes

Raytheon a reçu un budget de 383 m$ pour livrer les 6 premiers exemplaires du LTAMDS, acronyme pour Low Tier Aircraft Missile Defense System, retenu par l’US Army pour être la première pierre de son futur système IBCS, assurant la détection et l’interception anti-missile des forces américaines, dans une architecture globale intégrant l’ensemble des détecteurs et effecteurs de l’US Army, mais également de l’US Air Force, de l’US Navy, et des alliés engagés, en faisant un des premiers systèmes initialement conçu pour l’engagement multi-domaine. A ce titre, le LTAMDS est destiné à devenir la brique élémentaire de ce nouveau réseau ouvert, et en cela, il devra définir l’ensemble des protocoles de communication, d’échange et de sécurité, du programme AIAMD, pour Army Integrated Air and Missile Defense, l’un des 31 programmes majeurs que l’US Army a identifié et qu’elle veut mettre en oeuvre dans les 16 années à venir.

Le programme AIAMD fait lui même parti du super programme Air and Missile Defense, un des volets des « Big 6« , identifiants les 6 axes de modernisation stratégiques identifiés par l’US Army, et intégrant également le Long Range Precision Fire (LRPF), le Futur Vertical Lift (FVL), le Next Generation Combat Vehicle (NGCV), le volet Network (N) ainsi que le volet Soldier Lethality (SD). L’US Army espère, par l’intermédiaire de ces « Big 6« , réitérer ce qu’elle fit à la fin des années 60 avec le programme « Big 5 », qui donna naissance au char M1 Abrams, au véhicule de combat d’infanterie M2 Bradley, au M109 Paladin, et aux hélicoptères Black Hawk et Apache; équipements qui donnèrent un avantage technologique et tactique aux forces terrestres américaines pendant les 30 années à venir vis-à-vis de l’ensemble de ses adversaires potentiels.