mercredi, décembre 3, 2025
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Brésil – Pérou : échange sous-marins contre bâtiment amphibie ?

Le Brésil souhaite céder deux à quatre sous-marins de la classe Tupi (Type 209/1400), le cinquième devant demeurer au service jusque dans les années 2030 en plus des quatre S-BR (Scorpène – Brasil). L’Argentine est sur les rangs pour l’achat de deux sous-marins. Mais le Péru, également cité depuis septembre, semble pouvoir bénéficier lui aussi d’un accord politique fondé sur l’échange d’une paire de sous-marins contre un Transport de Chalands de Débarquement (TCD) péruvien de classe Makassar.

Le Plano de Articulação e Equipamento da Marinha do Brasil (PAEMB) de 2009 est la déclinaison navale de l’Estratégia Nacional de Defesa (18 décembre 2008). Le PAEMB couvre la période 2009 – 2030 avec des prévisions pour les efforts à produire sur la suivante (2030 – 2047). L’exécution des programmes navals est confiée à la Diretoria de Gestão de Programas Estratégicos da Marinha (DgePEM). Les deux principaux programmes du PAEMB sont les PRograma de Obtençao de meios de SUPerfície (PROSUPER) et PROgrama de desenvolvimento de SUBbmarinos (PROSUB).

PROSUPER portait l’ambition de construire localement quatre Navios de Propósitos Múltiplos (NPM) ou Navires à Usages Multiples en français : c’est-à-dire de grandes unités amphibies polyvalentes. À cette fin, le Brésil montrait de l’intérêt pour plusieurs bâtiments de ce type dont la famille de Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC 140 à BPC 240).

Le NAM Bahia, ex Sirocco de la Marine Nationale, est en service dans la marine brésilienne depuis 2015

Le Brésil se manifestait pour postuler à l’acquisition du deuxième TCD de la classe Foudre, à savoir le Siroco (1996 – 2015) dès 2014. Le Chili, acquéreur du Foudre (1990 – 2011) possédait une option sur le Siroco mais ne pouvait l’exercer faute du budget nécessaire. Le Portugal, aussi intéressé, ne pouvait pas non plus. C’est la marine brésilienne qui l’acquis sous le nom de NAM Bahia (2015). Ce TCD (ou Landing Platform Dock (LPD) en anglais) peut accueillir dans de bonnes conditions 450 hommes de troupe (900 pour une courte période), environ 200 blindés et véhicules (dont 22 chars de bataille), 4 hélicoptères H225M et jusqu’à 8 chalands. L’achat de l’ex-HMS Ocean (1998 – 2018) en juillet 2018 au Royaume-Uni constitue le premier des quatre Navios de Propósitos Múltiplos (NPM) visés par le PAEMB. Rebaptisé PHM Atlântico, ce porte-hélicoptères de 21 500 tonnes à pleine charge dépourvu de radier peut accueillir 830 hommes de troupe, 40 véhicules blindés et jusqu’à 18 hélicoptères.

Ces deux bâtiments récemment acquis complètent les NDCC (Navio de Desembarque de Carros de Combate) Mattoso Maia (bâtiment de débarquement de chars, 8700 tonnes) et l’Almirante Sabóia (bâtiment de soutien amphibie, 7700 tonnes) dont les premières admissions au service actif remontent, respectivement, à 1970 dans l’US Navy (classe Newport) et 1967 dans la Royal Navy (classe Round Table). Âgés de 49 et 52 ans, ils restent à remplacer. Le NDCC lmirante Sabóia doit être désarmé en janvier 2020. C’est dans cette perspective que prend place les négociations entre le Brésil et le Péru. Le vice-président brésilien, en l’absence du chef de l’Etat Jair Bolsonaro car en déplacement à l’étranger jusqu’au 31 octobre, s’est rendu à Lima le 23 octobre pour la négociation d’accords militaires.

Le sous-marin S-32 Timbira de Type 209/1400 sera remplacé par un des quatre sous-marins Scorpene brésiliens

Cette cession des sous-marins brésiliens S-32 Timbira (1996) et S-33 Tapajó (1999) issus de la classe Tupi (Type 209/1400) permettraient de soutenir l’admission au service des quatre S-BR (Scorpène BRasil) et de maintenir le S-34 Tikuna (2007 – 2037 ?), un Type 209/1400 Mod, jusque dans les années 2030. Ce projet de cession écarte, de facto, les projets de modernisation de deux des quatre sous-marins et donc toute augmentation du format de la sous-marinade qui demeurera autour d’une moyenne de cinq à six sous-marins. Le Péru se déclare intéressé par cette cession pour remplacer ses deux plus vieux sous-marins de Type 209/1100, c’est-à-dire les Islay (1975) et Arica (1975). Ses quatre autres sous-marins de Type 209/1200 sont à peine plus jeunes : entrés en service entre 1980 et 1983.

En échange de la paire de sous-marins brésiliens, le Péru propose le BAP Pisco (2018), c’est-à-dire un TCD du type Makassar construit sous licence par SIMA (Servicios Industriales de la Marina S.A) entre 2013 et 2018, année de son admission au service actif.L’intérêt du Brésil serait double car cette unité amphibie (10 900 tonnes, 450 hommes de troupe, 24 blindés et 18 camions, 2 chalands et un hangar pour 1 hélicoptère) permettrait idéalement le remplacement du NDCC lmirante Sabóia qui doit être désarmé en janvier 2020. Le groupe amphibie brésilien, rajeuni et à la valeur opérationnelle augmentée, serait en mesure d’embarquer environ 2100 hommes de troupe, plus 312 blindés et véhicules dont 66 chars de combat et 22 hélicoptères.

Mais ce serait plutôt le remplacement du bâtiment-école NE Brasil (sous-classe des corvettes de classe Niterói) de 3355 tonnes entré en service en 1986. Dans cette optique, le TCD de type Makassar chilien servirait, à l’instar de l’ancien croiseur porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, pour sa mission principale de bâtiment-école et ponctuellement viendrait renforcer le groupe amphibie brésilien. Afin d’atteindre les objectifs du PAEMB (4 unités amphibies majeures et 1 bâtiment-école), la marine brésilienne pourrait alors arguer qu’il reste à acquérir deux grandes unités amphibies afin de pourvoir au remplacement du NDCC Mattoso Maia mais aussi pour délivrer le TCD de type Makassar versé en tant que bâtiment-école. Les options restent ouvertes selon les opportunités qui se présenteront sur le marché de l’occasion. Le Péru mettait sur cale le 14 décembre 2017 le frère-jumeau du BAP Pisco : le BAP Paita. Sera-t-il lui aussi proposé

L’US Air Force lance l’acquisition d’avions d’attaque légers AT-6 et A-29

L’US Air Force a annoncé qu’elle allait procéder à l’acquisition de 2 à 3 appareils d’attaque légers AT-6 Wolverine de Textron, et autant d’A-29 Super Tucano d’Embraer, dans les mois à venir. Les A29 Super Tucano, qui seront acquis avant la fin de l’année 2019, sont destinés à la conception par l’Air Force Special Operations Command d’un programme d’instruction de l’US Air Force pour l’emploi d’avions d’attaque légers par ses alliés, basé à Hurlburt Field en Floride. Les AT-6, qui seront acquis dans les premiers mois de 2020, iront à la base de Nellis dans le Nevada, pour developper et tester les tactiques opérationnelles et les standards pour améliorer la coopération et l’interopérabilité avec les forces aériennes alliées. Selon le chef d’Etat-Major de l’US Air Force, le général David Goldfein, l’objectif est d’évaluer comment un avion d’attaque léger pourrait être utile aux alliés et partenaires de Etats-unis, et de créer ainsi une offre globale, accessible aux pays à l’économie faible, efficace et garantissant le rôle fédérateur des Etats-Unis dans ce domaine.

Deux aspects sont particulièrement notables dans cette annonce. En premier lieu, elle intervient quelques semaines après l’offensive de l’US Army qui avait demandé à récupérer les avions d’attaque légers pour soutenir ses forces qui sont toujours engagées en Afrique et au Moyen-orient, et qui bénéficieraient grandement d’un soutien aérien léger de ce type, alors que l’US Air Force venait d’annoncer la fin au programme d’avion d’attaque léger qu’elle menait depuis 2014. Cette annonce permet donc à l’US Air Force de garder la main sur cette composante, en assurant les volets essentiels de définition des doctrines et des standards, ainsi que la formation aux forces qui en ont besoin.

Le Super Tucano d’Embraer a montré d’excellentes capacités en matière de soutien aérien rapproché en Afghanistan et au Liban.

En second lieu, il n’est à aucun moment évoqué l’hypothèse d’une flotte d’avions d’attaque légers au sein de l’US Air Force dans les annonces faites. L’ensemble des décisions annoncées ne concerne que l’assistance à des pays tiers pour renforcer leurs capacités à déployer de telles forces. Rappelons que ce type de programme a donné de très bon résultats, que ce soit au Liban, en Afghanistan et dans plusieurs pays africains, les avions légers comme l’A29 apportant l’appui feu nécessaire aux forces engagées au sol, tout en bénéficiant d’une autonomie sur zone importante, et d’un rapport performances/prix pour ce type de mission sans conteste imbattable.

Il apparait clairement que l’US Air Force agit, dans le cas présent, dans le seul but de garantir le périmètre de ses prérogatives, et d’interdire à l’US Army de récupérer une partie des appareils à voilure fixe destinés au soutien aérien rapproché. Son inaction avait déjà créé une brèche il y a quelques mois lorsque le commandement des opérations spéciales avait obtenu l’autorisation de mettre en oeuvre ses propres appareils de soutien aérien légers, par délégation de l’US Air Force. Il n’était donc pas question qu’une chose pareil se produise une nouvelle fois avec l’US Army, disposant de moyens et d’appuis politiques bien plus importants.

Avec le retour des notions de blocs, l’US Air Force anticipe la prolifération de systèmes MANPAD comme le système 9K38 Igla-1 russe, identifié comme le SA-18 Grouse par l’OTAN

En revanche, elle reste opposée à la mise en oeuvre d’une flotte, même limitée, d’appareils d’attaque légers, qu’elle juge inadaptée à la majorité des conflits potentiels à venir. En effet, si un A29 ou un AT6 peuvent encore avoir une utilité indiscutable en Afghanistan ou au Liban, des théâtres n’ayant que de très faibles menaces anti-aériennes, le retour des oppositions de blocs, notamment face au couple sino-russe, entrainera très probablement la mise en oeuvre de plus en plus commune de ce type d’armement, même dans des conflits de type anti-insurrectionnels. Or, face à des missiles anti-aériens légers MANPADS, comme les 9K34 Gremlin ou 9K38 Grouse russes, un appareil léger comme l’A29 ou l’AT6 peut s’avérer très vulnérable. C’est par ce raisonnement, loin d’être absurde, que l’USAF justifie son refus d’investir plus avant dans une flotte d’avions d’attaque légers, jugeant que les moyens qui y seraient alloués auraient plus d’efficacité dans d’autres programmes, comme le F35.

La Turquie serait proche d’un accord pour acquérir 36 chasseurs Su35s russes

Il y a seulement deux années, une telle déclaration aurait au mieux fait sourire, au pire provoqué un vent de panique dans l’OTAN. Selon le quotidien turc Sabah proche du Parti de la Justice et du Developpement du président R.T Erdogan, les autorités turques seraient proches de la signature d’une commande de 36 avions de combat lourds Su35 auprés de Moscou. Pour l’heure, le montant, le calendrier ou le périmètre de cette hypothétique commande ne sont pas révélés. Mais il s’agirait, sans le moindre doute, d’un nouveau coup de semonce de la part d’Ankara vis-à-vis de l’OTAN, et une dernière tentative pour amener Washington à changer sa position concernant l’embargo sur le F35 appliqué à la Turquie après l’acquisition de batteries de S400 russes.

La semaine dernière, déjà, plusieurs articles étaient publiés pour faire état de probables commandes supplémentaires turques, notamment de systèmes S400 auprés de la Russie, alors que la dernière livraison de la première commande doit intervenir au mois de novembre cette année. Alors que Moscou et Ankara sont parvenus à prendre entièrement la main sur le conflit Syrien, suite au retrait américain, et en dépit d’une opposition européenne malheureusement atone, l’axe russo-turc sort renforcé de la crise syrienne, alors que le schisme entre occidentaux et turcs n’a jamais été aussi profond.

La dernière livraison de S400 à la Turquie doit intervenir au mois de novembre 2019

De fait, l’annonce du quotidien turc, reprise par l’agence de presse russe TASS, n’a aujourd’hui rien de surprenant, et peut même être qualifiée de prévisible. Elle intervient, qui plus est, alors que les positions entre l’administration Trump, favorable à la levée des sanctions contre Ankara, et le Congrès, qui souhaite au contraire un renforcement de ces dernières, vont probablement générer d’importants affrontements à Washington, en pleine campagne pour les élections présidentielles de 2020. Cette annonce est également destinée aux européens, qui ont fait savoir qu’ils soutiendraient Chypre dans le différent qui l’oppose à Ankara au sujet de l’exploitation des gisements de gaz découverts à proximité de l’île. De toute évidence, RT Erdogan a fait le choix de la provocation et du passage en force, notamment vis-à-vis des européens, conforté par le déroulement des événements en Syrie.

L’acquisition de Su35 par la Turquie avait été évoquée depuis plusieurs mois, comme une alternative au refus de vendre des F35A par les Etats-Unis, suite à l’acquisition des systèmes S400 russes par l’armée turque. En aout 2019, à l’occasion du salon MAKS 2019, le président Erdogan avait rencontré le président Poutine pour se faire présenter l’appareil, ainsi que le Su57, le futur avion de combat furtif des forces aériennes russes, qui entrera bientôt en service, mais dont la production en série n’a pas encore démarrée. En achetant deux escadrilles, 36 appareils, de Su35s, la Turquie pourrait dés lors entamer le remplacement des appareils les plus anciens en service dans ses forces aériennes, comme les F4 Phantom 2, dans l’attente du Su57 et, à partir de 2026, du TFX qui doit remplacer les F16 turcs. A noter que l’article turc fait également état d’une coopération industrielle entre les deux pays, ce qui laisse présager une coopération à long terme, notamment sur les deux programmes de 5ème génération Su57 et TFX. On remarque, d’ailleurs, qu’un TFX turco-russe compléterait parfaitement le Su57 sur le marché international, pour proposer une gamme complète d’appareils de nouvelle génération.

Le président Poutine a présenté le Su57 et le Su35 au président Erdogan à l’occasion du salon MAKS 2019

Le Su35, dernier représentant de la famille des Flanker initiée par le Su27, est un chasseur lourd, atteignant une masse maximum au décollage de 36 tonnes, et de grandes dimensions. L’appareil, s’il est multi-rôle, est toutefois spécialisé dans la Défense aérienne, notamment grâce à son radar Irbis-E, souvent considéré comme le plus performant des radars PESA en service sur un chasseur dans le monde. Avec ses deux moteurs 117S à flux vectoriel, il atteint une vitesse de Mach 2,3 à haute altitude, et un plafond de 19.000 m, avec une impressionnante vitesse ascensionnelle de 18.000 m / min. Les 11,5 tonnes de carburant interne lui confèrent un rayon d’action de combat de 1600 km, très supérieur à celui des appareils occidentaux, tout en emportant 8 tonnes d’armement et d’équipement sur 12 points d’emports. Il dispose, en outre, d’une Optique de Secteur Frontal OLS-35 considérée comme très performante, et d’une suite de guerre électronique efficace renforcée par le pod L175M Khibiny-M. Enfin, l’appareil peut emporter un grand nombre de missiles air-air, air-sol, anti-navire et anti-radiation, dont les Wympel NPO R77 à moyenne portée (type AMRAMM), le R73 pour le combat aérien rapproché, ou le missile de croisière 3M54 Kalibr.

L’information d’aujourd’hui doit être considérée avec les réserves d’usage dans l’attente d’une éventuelle confirmation officielle, même si de nombreux faisceaux pointent déjà vers cette hypothèse crédible. Toutefois, si elle venait à l’être, cela renforcerait encore davantage la trajectoire centripète de la Turquie vis-à-vis de l’occident, et de l’OTAN. Cela ferait également peser un regain de menace sur Athènes et Chypre, ainsi que sur Sofia, Tbilissi, Kiev et Bucarest, qui dépendent d’un accès des forces occidentales au Bosphore pour garantir leur sécurité en mer Noire. Il est possible que l’OTAN reste figée face à une telle annonce, il reviendra donc à Bruxelles, ou Paris le cas échéant, d’y répondre en renforçant, plus que symboliquement, les capacités défensives des iles grecques, de Chypre et de la Thrace orientale, afin de marquer sans le moindre doute l’engagement des européens à garantir l’intégrité territoriales de ses membres.

La crise syrienne a-t-elle entamée la crédibilité de la Défense européenne ?

Le volte-face de Washington sur le dossier syrien et son ambiguïté à l’égard de l’offensive turque ont jeté, une fois de plus, le trouble sur les relations transatlantiques. Certains membres de l’Alliance, au premier chef desquels la France, s’interrogent sur le « mode de fonctionnement » de l’Organisation. Son secrétaire général, Jens Stoltenberg, se refuse à condamner la Turquie, au risque de froisser un allié stratégique : condamnons les actes, mais pas les auteurs.

UN PARTENAIRE STRATÉGIQUE MAIS INSTABLE

La Turquie a constitué, dès les premières années d’existence de l’Alliance, un maillon essentiel de la sécurité collective. Son adhésion en 1952 a permis de consolider un verrou essentiel de la défense otanienne sur le flanc sud de l’URSS puis d’endiguer ces dernières années – autant que faire se peut – la menace djihadiste aux portes de l’Europe. Pourtant, à travers son initiative militaire, la Turquie déséquilibre dangereusement le contexte sécuritaire dans le Nord-Est de la Syrie, portant ainsi directement atteinte à la sécurité du continent européen, raison d’être de l’OTAN. Pour Olivier Breton, directeur d’étude à l’EHESS, la Turquie est « comme un loup dans la bergerie » et son maintien au sein de l’Alliance se doit d’être débattu, au risque de la pousser dans les bras de Moscou.

L’AMBIGUÏTÉ DE WASHINGTON ÉGRATIGNE L’ALLIANCE

Toutefois, le rôle des Etats-Unis est également à blâmer. En jouant leur propre carte sur le dossier syrien, et en ayant fait peu de cas des Kurdes du PYD qui se sont battus cinq années durant contre l’État Islamique, ils ont donné à la Russie le meilleur rôle : elle s’est imposée en médiatrice numéro une tout en parvenant « à imposer aux Forces Démocratiques Syriennes l’acceptation d’une Syrie unifiée sous le contrôle de Bashar al-Assad, et ce sans devoir se brouiller avec la Turquie ». Pour Nicolas Gros-Verheyde, journaliste spécialisé dans les questions de défense européenne, ce qui se passe aujourd’hui est « hors de proportion ». Il paraît en effet inédit qu’un membre ait – avec l’aval d’un autre – lancé une opération militaire, sans concertation commune au préalable, dans une zone d’importance pour l’Alliance.

L’EUROPE NE PARLE PAS D’UNE MÊME VOIX

Certains partenaires européens sont échaudés par cette situation de fait, à l’instar de la France qui, par la voix de son ministre des affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, a questionné la pertinence du « lien transatlantique » en soulignant que sur « une trentaine de pays acteurs principaux de cette coalition. Deux pays ont semé le trouble dans la solidarité de cette coalition : il nous faut en tirer des conclusions ensemble ». Côté allemand – dont on sait pourtant l’attachement profond à l’OTAN – le ton se veut également dur et à la ministre allemande de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer de déclarer que « nous sommes confrontés au fait qu’un pays, la Turquie, notre partenaire de l’OTAN (…) a annexé un territoire en violation du droit international, que des populations sont expulsées, et nous ne pouvons pas laisser les choses en l’état ».

Mais la confusion règne dans les rangs de l’Alliance. Certains dénoncent ouvertement l’intervention turque (France, Allemagne , Pays-Bas) tandis que d’autres prônent la modération par crainte d’un regain de l’afflux migratoire (Italie, Grèce) ou par souhait de ne pas s’aliéner un allié à l’heure du Brexit (Royaume-Uni).

DE LA PLACE DE L’EUROPE

L’OTAN traverse une période de troubles probablement sans commune mesure et une remise en question se veut nécessaire si ce n’est indispensable : elle peut être désormais empêchée de l’intérieur. Mais présumer de la disparition de l’OTAN paraît encore plus insensé que les actions unilatérales de l’administration Trump. Dans un scénarii où les Européens souhaiteraient prendre leur indépendance sécuritaire immédiatement, ces derniers se retrouveraient rapidement confrontés à de puissants obstacles, un challenge de taille s’ils venaient à ne pas hériter des structures de commandement de l’Alliance. Qui plus est, financièrement et politiquement, les Européens ne pourraient pallier aux dépenses injectées par les Etats-Unis.

L’Europe doit aujourd’hui se questionner sur son propre rôle dans la défense collective du continent et sur son désir – ou non – d’ériger un véritable pilier européen au sein de l’Alliance. Voilà pour l’idéal, la réalité quant à elle, est tout autre. Bien que l’Allemagne ait fait une proposition audacieuse – créer une zone de sécurité sous contrôle international à la frontière entre la Syrie et la Turquie – aucun des pays européens ne s’est clairement et distinctement prononcé en faveur de l’envoi de troupes dans la région. Or, au regard de l’état de délitement de la garantie de protection américaine, si les Européens ne sont pas en capacité de gérer certains troubles et désordres à leurs périphéries, personne ne le fera à leur place.

DE « L’AUTONOMIE STRATÉGIQUE »

Ainsi, la déflagration politique au sein de l’institution transatlantique pourrait s’avérer être sans précèdent. Il en va de la crédibilité de l’OTAN : est-elle aujourd’hui la meilleure garante de la défense européenne ? N’est-il pas déraisonnable de lier artificiellement la sécurité collective du continent à un Etat dont les intérêts stratégiques divergent sensiblement des nôtres ? La crédibilité de l’Alliance est compromise et le président français Emmanuel Macron, qui avait mis en sourdine ses exhortations à l’Europe-puissance et qui avaient tant irrité les partenaires européens deux ans auparavant, s’est à nouveau engouffré dans la brèche: « Le Proche et le Moyen-Orient est une région stratégique et de voisinage pour l’Europe (…) nous devons y rebâtir une autonomie stratégique et capacitaire de l’Europe (…) nous ne pouvons plus être les partenaires minoritaires d’autres, même si ce sont nos alliés ».

Un instant de raison conduirait à penser que sur cette mission de sécurité collective, les Européens devraient être en capacité de définir leur contribution et leur fonction dans cette tâche. Et que pour les autres missions, il y a urgence à réfléchir à la manière dont ils doivent s’organiser pour les réaliser en cas de défaillance de l’OTAN. Mais en amont, ils devraient s’intéresser à ce que signifie leur propre contribution dans leur propre sécurité, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union. Enfin, faisant son retour à la télévision russe, le dossier syrien a été l’occasion pour nombre de présentateurs de plaisanter sur la solidarité transatlantique, à l’instar de Dmitri Kisselev qui officie sur la première chaîne de l’État : « Au vu de la façon dont les Américains ont trahi les Kurdes, les Polonais ont de bonnes raisons d’être inquiets ».

Axel Trinquier – Questions de défense européenne

Naval Group entame la construction de la première FDI pour la Marine Nationale

La Ministre des Armées, Florence Parly, s’est rendue à l’arsenal de Lorient pour la cérémonie marquant le début de la construction de la première Frégate de Défense et d’Intervention de la Marine Nationale, ce 24 Octobre. Ce premier navire d’une série de 5, a reçu le nom de baptême « Amiral Ronarc’h », du nom de l’amiral Pierre-Alexis Ronarc’h, qui commanda la brigade des fusillés marins de Lorient lors de la bataille de Dixmude, en 1914, pour arrêter l’avancée allemande et protéger Dunkerque. Les 4 autres navires de la classe recevront également des noms d’amiraux de la Marine nationale s’étant distingué durant le 20ème siècle, comme l’Amiral Louzeau, premier commandant du Redoutable, l’Amiral Castex connu pour son analyse des évolutions du combat naval moderne, l’amiral Nomy qui reconstitua l’aéronavale française après la 2ème guerre mondiale, et l’amiral Cabanier, qui commandait le sous-marin Rubis dans les Forces Françaises Libres.

Présentation des points clés de la frégate de défense et d’intervention

La presse ne manque pas de superlatif pour qualifier les futures FDI de la Marine Nationale. Il est vrais que le navire a de nombreux atouts, comme son radar Sea Fire 500 de Thales, premier radar à antenne active à entrer en service dans la Royale, ses 16 missiles Aster 30 anti-aériens à longue portée, parfaits complément du Sea Fire, ou encore sa suite sonar composée du Kingklip Mk11 et du sonar à profondeur variable CAPTAS-4, faisant du bâtiment un escorteur polyvalent incontestablement efficace. La Marine Hellénique ne s’y est pas trompée, Athènes ayant signé une lettre d’intention pour l’acquisition de 2 FDI Belh@rra et ayant dépêché le vice-amiral Nikolaos Tsounis, chef d’Etat-Major de la Marine Hellénique, pour participer à la cérémonie du 24 octobre.

Une image de synthèse de Naval Group montrant la FDI Belh@rra équipée de 4 Sylver pour 32 silos missile

Mais l’horizon n’est toutefois pas uniquement bleu pour la nouvelle frégate française. En effet, bien que disposant d’un budget confortable de 4 Md€ pour concevoir et construire les 5 navires, les vieux réflexes qui ont torpillé l’efficacité de la Marine Nationale par le passé ont rapidement fait leur retour. Ainsi, si le navire emporte bien 16 missiles Aster pour la protection longue portée, il ne dispose d’aucune capacité à plus courte distance, ou de protection rapprochée, à l’inverse de la majorité des navires de combat modernes. Ainsi, les frégates 22350 Admiral Gorshkov emportent 24 silos pour ses missiles anti-aériens 9M96M longue portée et 9M100 à courte portée, ces derniers étant rassemblés en lot de 4 par silo, ainsi que d’un systeme Kashtan anti-missile rapproché.

Les frégates Admiral Gorshkov emportent 24 silos anti-aériens et 16 silos longs pour missiles de croisière et anti-navire

Non pas que la FDI ne puisse emporter ces équipements, Naval Group assure que son modèle peut recevoir 2 systèmes de 8 silos Sylver supplémentaires, dont au moins un Sylver 70 pouvant recevoir 8 missiles de croisière MdCN, comme les frégates FREMM. De même, l’ajout d’un système de protection antimissile rapproché CIWS serait possible, au niveau de la superstructure arrière. Mais ces options, que l’on peut pourtant juger aujourd’hui indispensables lorsque l’on observe la dégradation rapide des relations internationales, et la prolifération rapide des systèmes anti-navires, ont été « reportées » à de prochaines évolutions, comme ce fut le cas, il y a 25 ans, avec les frégates légères furtives, sur lesquelles l’emplacement pour un sonar de coque était réservé mais inutilisé.

En outre, les deux premières FDI de la Marine Nationale ne seront pas dotées de leur panoplie de guerre électronique complète, ouvrant une nouvelle brèche dans la vulnérabilité de ces navires, pourtant classées « frégates de 1er rang ». La Marine nationale a toujours justifié l’absence de CIWS sur ses navires modernes, comme les frégates anti-aériennes Horizon ou les frégates anti-sous-marines FREMM, par l’efficacité des systèmes de guerre électronique embarqués, capables de déjouer les missiles et radars modernes, et donc assurer la sécurité du navire. Mais par mesure d’économie, les 2 premières FDI, et selon certains, l’ensemble de la classe, ne recevra pas ces équipements lors de leur entrée en service, et devront les recevoir « à l’occasion d’une modernisation ultérieure », laissant le navire sans autre défense que ses 16 missiles anti-aériens Aster pour faire face à toutes les menaces, sur l’ensemble de la durée de la mission.

Thales et Nexter conçoivent conjointement le CIWS RapidFire employant le canon CT40 de 40 mm franco-britannique employé notamment par l’EBRC Jaguar

Les exemples récents, comme l’annexion de la Crimée par la Russie, ou le lancement des opérations turques en Syrie, montrent qu’aujourd’hui, les tensions peuvent très rapidement évoluer, et qu’il est illusoire de penser que les armées pourraient avoir le temps d’adapter leur moyens pour être en mesure de répondre à la menace. Comme l’avait indiqué l’Amiral Prazuck en commission Défense de l’Assemblée Nationale, le temps n’est plus loin celui ou un navire français sera visé par un missile anti-navire adverse. Il faut espérer que l’adversaire ne dispose que de peu de missiles, s’il s’attaque à une FDI …

Comme la France, la Chine abandonne la conception Bullpup de ses fusils d’assaut

En 1995, les forces de l’Armée Populaire de Liberation commencèrent à percevoir un nouveau fusil d’assaut, le QBZ-95, un modèle qui amenait 2 grandes évolutions au niveau des armes légères chinoises. La première était au niveau de la munition de 5,8 mm x 42, un nouveau calibre exclusivement chinois, conçu pour concurrencer le 5,56 x 45 OTAN et le 5,45 x 39 russe. Comme les deux calibres occidentaux et russes, le 5,8 x 42 était conçu pour réduire le recul lors du tir, notamment vis-à-vis du calibre 7,62mm en service jusque là, et donc rendre la visée plus facile, notamment en tir en rafale. Avec un projectile en acier de 4,15 g, et un dégagement énergétique de 1900 joules, la munition chinoise a des performances très similaires à celle de l’OTAN, même si les autorités chinoises assurent qu’elle est plus précise et efficace à moyenne portée, et qu’elle déploie un pouvoir d’arret supérieur.

La seconde innovation du QBZ-95 était sa conception même, qui prenait une architecture dite « Bullpup » ou compacte, le chargeur et la chambre de combustion étant déplacées à l’arrière du fusil et des organes de visée. Comme le Famas français ou le L85 britannique, cette architecture permet de concevoir des armes légères de petite dimension, mais conservant la longueur de canon d’un fusil d’assaut ou d’une carabine, comme le M16 ou la M4.

Le QBZ-95 a été construit à plus de 3 millions d’exemplaire pour l’APL. Cependant, il n’a jamais été exporté et son calibre n’est employé que par l’APL

Mais en Chine aussi, les limitations du Bullpup finirent par ne plus compenser ses avantages. En particulier, le canon est souvent paré désormais d’organes de visé supplémentaires ou d’accessoires variés comme un lance-grenade, une viseur laser, une micro-camera, alors que ces ajouts sont difficiles voir impossible sur un Bullpup. Avec l’arrivée de nouveaux matériaux plus légers et plus résistants, cette architecture semble, désormais, ne plus avoir l’ascendant face à une architecture standard. Et, comme la France qui a décidé de remplacer ses FAMAS par des HK416 allemands, les forces chinoises ont décidé de remplacer leurs QBZ-95 par un nouveau modèle, le QBZ-191, apparut publiquement lors de la parade miliaire pour le 70ème anniversaire de la création de la république populaire de Chine.

De conception classique, le QBZ-191 est livré en 2 modèles, la carabine équipée d’un canon de 267 mm (10,5 pouces), et le fusil d’assaut, avec un canon de 368 mm (14,5 pouces). Un rail d’accessoire parcours la longueur du canon, et une poignée amovible peut être déployée en 4 positions. Le sélecteur de tir au niveau du pouce permet de passer du tir au coup par coup au tir automatique, donné pour atteindre 750 coups minute. Comme sur le QBZ-95, il n’y a pas de mode de tir « 3 par 3 », l’APL ne considérant par cette option comme utile. Le QBZ-191 conserve le calibre 5,8 x 42 de son prédécesseur, et peut d’ailleurs employer les chargeurs de celui-ci. Il est donné pour avoir une portée de 600 m, et une grande précision jusqu’à 300m, grâce à une optique de visée comparable au « point rouge » largement employé par l’OTAN.

Comparaison des munitions 5,8×42 chinoise, 5,45×39 russe et 5,56×42 OTAN (de haut en bas)

Le QBZ-191 semble être destiné à être décliné en plusieurs versions, allant du fusil d’assaut à la mitrailleuse légère, en passant par la carabine et le fusil de précision. Une nouvelle munition, de même calibre mais plus puissance que la 5,8 x 42 serait en cours de fabrication, pour permettre d’atteindre un portée supérieure pour la mitrailleuse et le fusil de précision. Reste que, comme pour le 5,56 x 45 de l’OTAN, on peut s’interroger sur l’efficacité de cette munition face aux protections balistiques qui se généralisent de plus en plus. Dans ce contexte, le choix de l’US Army et du Marines Corps, avec les programmes NGSW R/AR et la munition XM1186 de 6,8mm, semble judicieux, même s’il oblige à de profondes ruptures avec l’existant.

Le bombardier Tu-22M3M modernisé effectue ses premiers vols

Durant la guerre froide, la capacité des membres européens de l’OTAN à résister à une attaque du Pacte de Varsovie dépendait de la vitesse et de la régularité avec lesquels les renforts en provenance des États-Unis et du Canada pouvaient arriver.

Et comme durant la Seconde Guerre mondiale pour l’Allemagne, l’Union Soviétique déploya d’importants efforts pour tenter de couper cette ligne de vie transatlantique. Pour cela, la Marine soviétique appliqua la même stratégie que la Kriegsmarine de l’amiral Doenitz, en employant une importante flotte de sous-marins, et des bombardiers à long rayon d’action, destinés à harceler et couler les convois alliés dans l’Atlantique.

À partir du milieu des années 70, les services de renseignement occidentaux identifièrent un nouvel appareil qui pouvait, potentiellement, représenter une menace mortelle contre ces convois : le bombardier naval à long rayon d’action Tupolev 22 M2 Backfire-B, suivit en 1983 par le Tu22M3 Backfire C.

Le nouvel appareil rompait avec les performances des appareils précédents, comme le Tu-16 Badger, en étant capable d’emporter jusqu’à 6 missiles Kh-15 ou Kh-22 en soute, plus éventuellement 4 sous les ailes, et en atteignant une vitesse de pointe de Mach 1,65.

Construits à presque 500 exemplaires, les Backfire B et C étaient en mesure de porter des attaques susceptibles de saturer les défense anti-aérienne des navires et avions d’escorte des convois navals dans l’Atlantique, même face au nouveau système anti-aérien AEGIS des croiseurs Ticonderoga conçus pour répondre à ce type de menace, et les missiles AIM-54 Phoenix à longue portée des F14 Tomcat de l’US Navy.

Les croiseurs AEGIS Ticonderoga et les destroyers Arleigh Burke qui suivirent, furent conçu pour résister aux attaques de saturation menées par les Tu22M2/3 Backfire de l’aéronavale soviétique

Avec l’effondrement du bloc soviétique, et les grandes difficultés économiques auxquelles dut faire faire la Russie entre 1990 et 2010, la flotte de Backfire russe fut ramenée à sa portion congrue. Il ne reste aujourd’hui que 63 Tu-22M3 en service dans la Marine russe.

Les autres républiques de l’Union Soviétique qui disposaient de Tu-22M, comme l’Ukraine ou la Lettonie, ferraillèrent leurs appareils. Mais, avec le retour des tensions entre la Russie et l’OTAN, la problématique qui donna naissance au Backfire 50 années auparavant refit son apparition, et en 2014, le ministère de La Défense russe lança la modernisation de 30 des 60 appareils encore en service, vers le standard Tu-22M3M.

Le nouvel appareil voit ainsi son avionique profondément modernisée, bénéficiant des travaux de modernisation des bombardiers stratégiques Tu-160M2, avec notamment un nouveau radar PESA NV-45, un système de navigation satellite GLONASS, un cockpit multi-écrans moderne, une nouvelle suite de guerre électronique et un nouveau calculateur de bombardement SVP-24-22.

En outre, il peut emporter 3 missiles anti-navire à longue portée Kh-32, version améliorée du Kh-22, d’une portée de 600 à 1000 km selon l’altitude de lancement, et atteignant une vitesse de Mach 4.6 avec une trajectoire finale plongeante, le rendant particulièrement difficile à intercepter par les missiles anti-aériens et anti-missiles équipant les bâtiments d’escorte occidentaux. Le Tu-22M3M pourra également emporter jusqu’à 4 missiles hypersoniques Kh-47-M2 Kinzhal pour attaquer des infrastructures fixes.

Tu-22M3M
Le Tu22M3M peut emporter jusqu’à 3 missiles Kh32 antinavires à longue portée

Les Tu-22M3M modernisés voient également leur potentiel de vol rétabli, de sorte qu’ils pourront servir pendant 15 à 20 ans encore dans les forces russes. Le premier exemplaire modernisé a d’ores-et-déjà effectué une vingtaine de vols de test, et sera bientôt rejoint par un second appareil. La première unité de Tu-22M3M devrait être déclarée opérationnelle en 2021.

La Russie veut le départ des forces « étrangères » de Syrie alors que D.Trump veut annuler les sanctions contre la Turquie

Même dans leurs prédictions les plus défavorables, il est peu probable que les stratèges militaires occidentaux aient pu prévoir une conclusion aussi pitoyable de l’épisode Syrien de la guerre contre l’Etat Islamique. En effet, la logique qui a amené le président Trump à retirer les forces américaines de la frontière turc-syrienne, entrainant l’intervention des forces armées turques, puis des forces syriennes et russes pour « sécuriser » la bande de 30 km occupées par les Forces Démocratiques Syriennes du YPG, arrive désormais à son terme. Et quel terme !

Le Président Américain a ainsi annoncé qu’il entendait lever les sanctions prises contre la Turquie, notamment en matière d’armement, puisque « Le pays avait mis fin à son offensive comme l’exigeaient les Etats-Unis ». Dans la foulée, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a immédiatement indiqué qu’il entendait reprendre la coopération militaire avec la Turquie, et notamment renforcer à nouveau, comme le demande Ankara, la Défense anti-aérienne du pays. Le président américain a par ailleurs développé ses positions sur le sujet, en expliquant que l’intervention américaine dans la région avait créée beaucoup plus d’instabilité et de menaces qu’elle n’en avait éliminée (ce qui n’est pas fondamentalement faux), et qu’une fois Daesh éliminé, il était donc nécessaire pour les forces US de se retirer et de ne pas être impliquées dans des conflits jugés « intérieurs ». Ce discours s’adresse naturellement à la branche protectionniste et isolationniste de l’opinion publique américaine, qui constitue une bonne part de l’électorat du président aujourd’hui.

le président D.Trump a annoncé vouloir lever les sanctions mise en oeuvre contre la Turquie suite à l’offensive contre les forces kurdes dans le nord de la Syrie

Du coté russe, conscients de la victoire incontestable remportée, on exige désormais le retrait immédiat de « toutes les troupes étrangères présentes illégalement sur le sol Syrien« , rappelant que les forces étrangères autorisées à le faire par le gouvernement Syrien « légitime » étaient les forces russes. Ce message s’adresse plus particulièrement aux forces françaises, restées au coté des kurdes pendants l’assaut turc, ainsi qu’aux forces américaines qui, si elles avaient quitté la ligne de front kurde avant l’attaque déclenchée d’Ankara, avaient toutefois maintenu des forces pour assurer la « sécurité » des installations pétrolières syriennes en zone kurde. Il faut noter toutefois que cette revendication russe a été portée par Dmitry Peskov, le porte-parole du Kremlin, et non par Vladimir Poutine lui-même, permettant, comme souvent dans la diplomatie russe, de conserver un axe de négociation notamment avec les européens dans ce dossier.

La diplomatie européenne est, quand à elle, atone depuis quelques jours, ne parvenant pas à définir un axe de communication commun à la fois raisonnable diplomatiquement, et acceptable par les opinions publiques européennes. Reste à voir si, dans les semaines qui viennent, elle parviendra à créer un consensus suffisamment fort pour faire valoir une position qui ne serait pas strictement alignée sur Washington.

Les navires de forage turcs, escortés par des batiments militaires, continus d’effectuer des sondages gaziers dans une zone que l’Union européenne estime appartenir à Chypre

Il semble que coté Turc, ce qui est perçu politiquement comme une grande victoire, aussi bien sur les kurdes que sur les européens, n’ait fait que renforcer la determination des autorités du pays à défier l’Union européenne. Ainsi, les navires de forage turcs ont mené des opérations de sondage en zone chypriote, escortés par des bâtiments de la marine turque, alors même que l’Union européenne, et la France en particulier, avaient mis en garde Ankara contre ce type d’action. L’absence de réponse forte aux multiples provocations turques ne plaident certainement pas en faveur d’une attitude réservée et conciliante des autorités turques. Il est donc plus que probable que, dans l’avenir, Ankara continu d’ignorer les positions européennes, voir américaines, que ce soit vis-à-vis du gaz chypriote, comme des iles grecques de la mer Égée, dans un scénario qui n’est pas sans rappeler celui des années 30.

La Marine de Bahrein devrait recevoir une seconde frégate O.H Perry de l’US Navy

En septembre 1996, la petite Marine Royale du Bahrein, un état insulaire de 1,5 million d’âmes du Golfe Persique situé entre l’Arabie saoudite et le Qatar, faisait l’acquisition d’une frégate de la classe O.H Perry de l’US Navy, la FFG-24 Jack Williams, entrée en service en 1981, et retirée du service quelques mois plus tôt. Avec ce navire de 124 m rebaptisé RBNS Sabha, et équipé d’un canon de 76mm, de deux tubes lance-torpilles ASM triples, d’un lance-missile armé de missiles anti-aériens Standard et de missiles anti-navires Harpoon, et emportant un hélicoptère de lutte -anti-sous-marine, elle entrait dans une nouvelle dimension, n’ayant jusque là opéré que des patrouilleurs lance-missiles légers.

Le Département d’Etat vient d’autoriser la vente d’une seconde frégate O.H Perry, la FFG-49 Robert G. Bradley, et a transmis le dossier au FMS pour accord et exécution. Entrée en service dans l’US Navy en juin 1984, le Bradley est une des dernières frégates de la classe Perry construites, et n’a été retirée du service qu’en 2014 par l’US Navy, qui a placé le navire sous cocon depuis. C’est une frégate allongée, avec une longueur de 138 m pour 4100 tonnes, mais comme toutes les Perry en service dans l’US Navy après 2004, le lanceur de missile Mk13 a été démonté et remplacé par un autocanon de 25mm Mk38, le missile anti-aérien SM1 Standard ayant été retiré du service. Le contrat de vente, incluant selon le communiqué, un soutien à la maintenance du navire et des missiles, est estimé à 150 m$, ce qui permet de penser que, d’une manière ou d’une autre, le navire recevra à nouveau des missiles anti-aériens, probablement indispensables pour évoluer dans le Golfe Persique aujourd’hui.

FFG-49 Robert G. Bradley – remarquez le lance missile Mk13 encore présent sur la plage avant

Ce contrat représentera la 22ème frégate de la classe O.H Perry, sur 51 construites pour l’US Navy, transférée par les Etats-Unis vers une Marine alliée, dont la Pologne, l’Egypte, la Turquie et le Pakistan. L’Ukraine pourrait également se porter acquéreur de 2 de ces frégates, pour tenter de contenir l’expansion russe en Mer Noire et en Mer d’Azov; mais pour l’heure, aucune annonce officielle n’a corroboré cette hypothèse.

Il est interessant de remarquer que lors de leur mise en service, les frégates O.H Perry ne coutaient que 122 m$ pièce à l’US Navy. Il apparait que la dévalorisation du navire après 30 ans de service a donc été compensée par l’augmentation globale des prix des équipements de Défense, de sorte que le navire a pu maintenir une valeur financière absolue sensiblement égale. En d’autres termes, le navire n’aura couté à l’US navy que l’équivalent du prix des intérêts d’emprunt de son prix d’achat, soit en moyenne 2,5% par an sur la période 1985/2015, soit à peine 3 m$ par an. De quoi ouvrir des perspectives interessantes pour la conception d’un modèle économique d’acquisition des équipements de Défense prenant en compte une valeur de revente optimum…

L’industrie de Défense russe séduit les pays africains

A l’occasion du forum Russie-Afrique qui s’est tenu à Sochi du 23 au 25 octobre, plusieurs pays africains ont annoncé de nouvelles commandes d’équipements de Défense de facture russe. Ainsi, le Nigeria a confirmé une commande de 12 hélicoptères de combat Mi-35 pour renforcer les 12 appareils déjà commandés (dont 6 sont déjà livrés), dans le combat qui oppose l’armée nigérianne et Boko Haram. Dans le même temps, le Cameroun s’est déclaré acquéreur d’un nombre indéterminé de systèmes de défense anti-aérien et anti-drone Pantsir S1, pour assurer la protection rapprochée des bâtiments clés de l’Etat et des infrastructures critiques, notamment contre de possibles attaques par drones, que l’on sait de plus en plus employée par les forces insurrectionnelles africaines.

Au total, la société russe Rosoboronexport, qui couvre la majeure partie des exportations d’équipements militaires russes, a déclaré que les prises de commande en provenance de 20 pays africains représentait un tiers des 14 Md$ du portfolio de l’entreprise. La situation est toutefois assez inégale, puisque deux pays, l’Algérie et l’Egypte, représentent à eux seuls une très grande part de ces commandes en matière de Chiffre d’affaire (plus de 70% selon nos estimations).

Le Cameroun a commandé un nombre indéterminé de systèmes Pantsir S1

On remarque également que les industries russes mettent en avant des équipements rustiques et économiques en Afrique, en proposant le Mi35, version évoluée du vénérable Mi24 Hind, plutôt que le Mi28 ou le Ka52, plus performants, mais également plus couteux et complexes à entretenir. De même, c’est le Pantsir S1 qui est proposé au Cameroun, et non le Pantsir S2, qui dispose de missiles et d’un système de détection plus évolués. En fait, l’offre proposée par Rosoboronexport aux pays africains, à l’exception notable des deux principaux clients algériens et égyptiens, est composée principalement d’équipements rustiques et peu couteux, comme le chasseur léger d’entrainement et d’attaque yak130 ou le chasseur léger Mig35. Ces équipements sont à la fois performants dans le contexte d’utilisation africain, et très économique, un Mig35 ne dépassant pas les 25 m$, soit le tiers du prix d’un F16 Block 70+.

Si les armes légères constituent toujours le socle des exportations d’armes russes vers les pays africains, grands consommateurs de ce type d’équipement, et de munition, il apparait que l’industrie de Défense russe est parvenue à structurer une offre globale d’équipement que l’on peut qualifier « d’entrée de gamme », même si certains sont très performants, adaptés aux besoins et aux moyens de nombreux pays africains. Alors que la Chine prend chaque année davantage pied sur le marché africain des équipements de Défense, la Russie est donc déterminée à ne pas céder ses parts sur le continent qui, selon les projections existantes, représente le plus grand potentiel de croissance démographique dans les décennies à venir avec, malheureusement, les risques de conflit qui l’accompagne.