Après Bell, avec le Bell 360 Invictus, c’est au tour de Sikorsky, et de son partenaire Lockheed, de présenter le Raider X, retenu pour le programme d’hélicoptères de reconnaissance et d’attaque FARA appartenant au super programme Futur vertical Lift de l’US Army. Sans surprise, le constructeur qui présente le SB1 Defiant face au V280 Valor de Bell pour le remplacement des hélicoptères Black Hawk, propose, pour la compétition, un modèle à rotor contrarotatif et hélice propulsive dérivé du prototype S97 Raider, lui même dérivé du démonstrateur X2 qui experimental cette configuration entre 2008 et 2011.
Sans surprise car le S97 Raider est un appareil de classe 5 tonnes capable de transporter, outre l’équipage de 1 ou 2 pilotes, 6 personnels ou 500 kg de charge utile, qui fut conçu initialement dans l’idée de remplacer les OH-56 Kiowa, ce qui est justement l’objet du programme FARA. Mais le nouvel hélicoptère de Sikorsky ne sera pas le S97 Raider, mais le Raider X, une version optimisée pour apporter, selon les dires de ses concepteurs, la plus grande valeur ajoutée sur le champs de bataille, au moment le plus critique.
Le S97 Raider sert de modèle de base pour la conception du Raider X
Et d’arguments, la technologie au coeur du modèle de Sikorsky, par ailleurs non dévoilée car elle ne serait pas totalement définie, ne manque pas. En premier lieu, la vitesse, qui est assurément le point fort de cette technologie associant rotor contrarotatif de sustentation et hélice propulsive, le S97 ayant démontré qu’il pouvait soutenir une vitesse de croisière de 220 noeuds (410 km/h) et une vitesse maximale de 240 noeuds (440 Km/h). Rappelons que l’US Army exige une vitesse de minimale de 180 noeuds pour le programme FARA, et qu’il s’agit de la vitesse maximale du Bell 360. Cette vitesse élevée du modèle de Sikorsky permet, en outre, de ne pas devoir optimiser au maximum le profil aérodynamique de l’appareil, permettant, entre autre, de mettre l’équipage cote à cote et non en tandem, facilitant grandement le travail coopératif, et d’emporter des personnels et éventuellement du fret dans la cabine, chose impossible avec le Bell 360.
Il est probable que la compétition FARA se jouera entre ces deux constructeurs, et ces deux appareils aux concepts très divergents. Aux performances de pointes et au potentiel d’évolution du modèle de Sikorsky, Bell réplique par le modèle ultime d’hélicoptère léger en configuration traditionnelle, bénéficiant des acquis de 70 ans de developpement dans ce domaine. Ainsi, Bell assure que son Invictus sera plus fiable, plus facile à entretenir, et plus performant et manoeuvrant à faible vitesse que son concurrent, et surtout, moins cher à l’achat comme à l’usage. Sikorsky, de son coté, est confiant dans les performances de son modèle, et dans sa capacité à justifier l’écart de prix par un écart de capacités opérationnelles significatif, et que le rotor composite et les commandes de vol électrique du Raider X offriront une manoeuvrabilité et une réactivité supérieures à celles des concepts traditionnels.
Le Bell 360 Invictus sera le principal adversaire du Raider X dans la compétition FARA
En outre, les concepteurs du Raider-X assurent que le prix de l’appareil sera sous la barre de 30 m$, limite fixée par l’US Army pour ce programme. Enfin, avec le S97 Raider qui aligne les vols et les performances depuis 2015, et le SB1 Defiant qui, s’il prit plus de temps à concevoir que le V280 Valor, est désormais en test, Sikorsky dispose de tous les savoir-faire pour réduire sensiblement les risques technologiques, un des points clés lorsqu’il s’agit d’évaluer une technologie de rupture.
L’arbitrage concernant le programme FARA sera donc complexe, entre un appareil de conception traditionnelle optimisée et proposé à 15 m$ par Bell, mais ne disposant que d’une faible évolutivité, et un appareil beaucoup plus performant, évolutif et polyvalent, mais dont le prix se situera selon toute probabilité en 25 m$ et 30 m$ selon Sikorsky. L’US Army, qui est par ailleurs engagée dans de nombreux autres programmes pour moderniser sa force blindée, son artillerie, ses capacités de défense anti-aérienne pour ne citer que les principaux, devra non seulement prendre en compte les critères et paramètres du programme FARA, mais également ceux des autres programmes, pour prendre sa décision. Une chose est certaine, rien n’est joué d’avance dans cette compétition …
Symbole des progrès réalisés par l’industrie aéronautique chinoise ces dernières décennies, le chasseur furtif J-20, du constructeur Chengdu Aircraft Corporation, devrait prochainement passer en production de série, permettant d’augmenter le rythme des livraisons aujourd’hui faible de l’aéronef. Il pourra, alors, remplacer les appareils les plus anciens en service dans l’APL, et notamment l’intercepteur J-8 de Shenyang, entré en service en 1984, et dont prés de 250 exemplaires resteraient en service à ce jour au sein des forces aériennes chinoises.
Le J-20 a effectué son premier vol en 2011, et est entré en service en 2017, avec des appareils de pré-série qui servaient aussi bien pour des missions opérationnelles que pour des tests avancés en conditions réelles. Long de 20 m pour 13 m d’envergure, c’est un appareil imposant de 36 tonnes de la classe Mach 2+, doté d’un rayon d’action de combat de 2000 km, d’un plafond de 20.000 m, et de deux grandes soutes pour armements internes, pouvant accueillir différents types de missiles air-air, dont les récents PL15 et PL21 à long rayon d’action, ainsi que des bombes et missiles guidés, et de deux petites soutes latérales destinées à accueillir des missiles d’auto-défense comme le PL10. Il est propulsé par deux réacteurs russes AL-31 FM2 de 145 KN de poussée unitaire, qui seront remplacés par des Xian WS-15 à poussée vectorielle de facture chinoise, produisant une poussée de 180 KN avec PC, et dont la poussée sèche est suffisante pour ouvrir la super-croisière au J20, dès que le moteur sera disponible et fiable.
Cette photo met en évidence les deux grandes soutes à munitions contenant des missiles PL15 à long rayon d’action, ainsi qu’une des soutes latérales, de laquelle émerge un missile PL10 d’autodéfense rapprochée.
Le J20 dispose d’une avionique évoluée, même si les informations précises sur le sujet sont difficiles à valider. Il emporterait, ainsi, un radar AESA, peut être- le KLJ-5, ayant entre 1800 et 2200 récepteurs, d’une suite optronique couvrant l’ensemble des 360° entourant l’appareil, en spectre visible et infra-rouge, d’une fusion de données et d’un cockpit organisé autour de deux grands écrans multifonctions, 3 écrans spécialisés, un collimateur tête haute holographique et un casque de visée.
La furtivité du J20 fait débat selon les experts, bien que les autorités chinoises soutiennent que l’appareil a une furtivité comparable à celle du F22 Raptor américain. Ainsi, des Su30 MKI indiens seraient parvenus à détecter le J20 à « plusieurs dizaines de kilomètres », sans que l’on sache si, à ce moment, l’avion chinois était ou non équipé d’une lentille Luneburg destinée à augmenter sa réflexion radar pour la sécurité des vols.
Le programme J-20 n’aurait couté, selon les autorités chinoises, que 4,4 Md$ en matière de recherche et développement, un montant qui impressionne par sa faiblesse, considérant que Chengdu concevait pour la première fois un appareil de cette génération, furtif qui plus est. Le prix unitaire estimé de l’aéronef, en configuration Fly Away Condition, est lui estimée entre 30 m$ et 50 m$, soit un prix comparable à celui annoncé pour le Su-57 russe, mais très inférieur aux productions occidentales. Ainsi, chaque F22, un avion comparable au J20, aura couté la bagatelle de 360 m$ à l’US Air force, et la majorité des appareils polyvalents occidentaux, du F15 au F18 en passant par le Rafale, le Typhoon, et le F35, coutent aujourd’hui entre 70 et 100 m$.
Dérivé du Mig21 et du Mig23, le J8 de Shenyang est un intercepteur entré en service au début des années 80 dont 250 exemplaires sont encore utilisés dans les unités de second rang de l’APL
A ce tarif, et considérant les besoins de l’APL en matière de remplacement de ses 300 J-7 et 250 J-8 encore en service, il est probable que la production annuelle de J20 viendra s’aligner sur celle du J16 et du J10, soit entre 20 et 25 appareils par an, l’équivalent d’un escadron. Comme la Russie, la Chine ne va pas pour autant cesser de produire des appareils de génération précédente, notamment le chasseur léger J10C et le chasseur polyvalent J16, de sorte à aligner un grand nombre d’appareils dotés de caractéristiques différentes. Selon les dernières spéculations des experts aéronautiques, la mission prioritaire des J20 pourrait être l’élimination des appareils de soutien, comme les Awacs, les ravitailleurs, les avions de renseignement électronique ainsi que les avions de patrouille maritime. A ce titre, le nouveau missile PL15 à longue portée qui équipe le J20, pourrait s’avérer être une menace redoutable pour les appareils occidentaux.
Rappelons que, selon plusieurs sources informées, la Chine devrait prochainement révéler, outre le futur bombardier stratégique HH-20 destiné à prendre le relais des H6 actuellement en service, un nouvel appareil d’attaque, qui remplacera le JH7 datant de la fin des années 80, et qui sera, lui aussi, de 5ème génération et furtif. Il est loin désormais, le temps ou la Chine n’était bonne qu’à copier des équipements russes ou occidentaux… très loin !
Emboîtant le pas aux gouvernements néerlandais et allemand, la France a annoncé, ce samedi 12 octobre, sa décision de suspendre «tout projet d’exportation vers la Turquie de matériels de guerre susceptibles d’être employés[efn_note]Communiqué conjoint du Ministre de l’Europe et des affaires étrangères et de la Ministre des Armées, 12 octobre 2019[/efn_note] » en Syrie. Dans les faits, ce sursaut européen devrait vraisemblablement rester sans effet sur le bon déroulé de l’opération turque.
Débutée
6 jours auparavant, l’offensive de l’armée turque dans le
nord-est de la Syrie se poursuit. Ayant d’ores-et-déjà provoqué
le déplacement de 100.000 personnes fuyant les combats, la Turquie
de Recep Tayyip Erdogan mène une opération militaire dont
l’objectif premier vise à neutraliser les combattants kurdes du
PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) – considéré comme
terroriste par Ankara – et ceux du YPG (Unités de protection du
peuple) – branche
armée du PYD (Parti de l’union démocratique) syrien.
Or, les Kurdes syriens ont tenu un rôle crucial dans la lutte contre l’État Islamique et ses membres désormais détenus en nombre par les autorités kurdes, dont 2.000 djihadistes étrangers, pour certains originaires d’Europe. Alertant à maintes reprises contre une résurgence de l’État Islamique (EI) si l’offensive turque venait à se concrétiser, les Kurdes ne disposent pas d’effectifs suffisants pour à la fois combattre les forces armées turques et maintenir en captivité 10.000 combattants islamistes et leurs proches. À cet égard, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a confirmé l’information selon laquelle une centaine de femmes et d’enfants de l’EI – de nationalité étrangère – se seraient enfuis du camp de Aïn Issa[efn_note]OSDH, « The pro-Turkey factions kill more citizens north of Al-Raqqah and more families of ISIS members flee Ayn Issa Camp », 13 octobre 2019[/efn_note], dans le nord de la Syrie, situé a proximité des combats entre forces kurdes et turques.
Pour les Etats européens qui ont soutenu les milices kurdes dans leur combat contre l’EI – à l’instar de la France et du Royaume-Uni qui ont déployé des forces spéciales sur le théâtre syrien – la situation est critique et le retrait américain pose la question du maintien de leurs forces. Un conseil restreint de défense s’est par ailleurs tenu à l’Elysée ce dimanche soir[efn_note]Laurent LAGNEAU, « Washington retire ses forces spéciales de la Syrie ; M. Macron réunit un conseil restreint de défense », in Opex360.com, 13 octobre 2019[/efn_note] et Paris devrait, dans les prochaines heures, prendre des mesures « pour assurer la sécurité des personnels français militaires et civils présents dans la zone»[efn_note] »Offensive turque en Syrie. La France annonce des mesures imminentes pour protéger son personnel en Syrie », in Ouest-France, 13 octobre 2019[/efn_note]. Au regard de la situation, plusieurs pays européens ont pris la décision de suspendre leurs exportations d’armements vers la Turquie, à l’instar de la Norvège, des Pays-Bas, de l’Allemagne et de la France. Toutefois, cette première salve de mesures relève plus de la symbolique que d’une véritable mesure de rétorsion à l’encontre de l’économie turque.
En effet, il convient de souligner la réalité suivante : l’Europe exporte peu de matériels militaires vers la Turquie. Cette dernière étant une importante productrice d’armements, les Européens exportent de facto du matériel répondant à des besoins capacitaires turques bien précis. Le plus gros du matériel français utilisé par la Turquie se résume à des hélicoptères Cougar (Airbus), des missiles MILAN et Eryx, ainsi que des avions de surveillance Meltem (Thalès) qui ne sont pas utilisés pour l’offensive au nord de la Syrie. Ankara ne figure même pas dans les 20 premiers clients de Paris, soit un montant de 461,7 millions d’euros entre 2009 et 2018. Bien loin des 11,3 milliards d’euros dépensés par Riyad sur la même période. Autant dire dérisoire, à peine un client.
Hélicoptère AS532 Cougar CSAR de l’Armée turque, en camouflage gris
Chez notre voisin allemand, les proportions sont tout autres. La Turquie est l’un des plus importants acheteurs d’armes allemandes. Elle possède notamment plus de 350 chars Leopard 2A4 fabriqués par le groupe bavarois Krauss-Maffei Wegmann (KMW) et exportés depuis 2005 vers la Turquie[efn_note]Cecile BOUTELET, « L’embarrassant succès des armes made in Germany », in Le Monde, 27 février 2018[/efn_note]. Berlin avait déjà utilisé le biais de ces chars pour faire pression sur Ankara deux ans auparavant, bloquant alors le programme de modernisation desdits chars turcs[efn_note] »L’Allemagne fournit à nouveau du matériel militaire à la Turquie », in Nemrod-ecds.com, 2017[/efn_note]. Toutefois, bien qu’étant un fournisseur important d’Ankara, les volumes restent raisonnables, soit 250 millions d’euros pour l’année 2018 et 180 millions d’euros sur les quatre premiers mois de 2019.
De plus, l’industrie d’armement turque est considérée comme une base industrielle et technologique de défense (BITD) émergente, à l’instar de celle de l’Inde, du Brésil ou bien encore de la Corée du Sud. Elle commence à fabriquer des matériels de manière autonome et parvient même à les exporter. Cette dynamique peut s’expliquer par une volonté turque de se désengager d’une forme de dépendance à l’égard d’un matériel américain qui demeure encore prégnant au sein des forces armées du pays. Ainsi des sanctions économiques émanant de Washington[efn_note]AFP, « La Turquie s’expose à des ‘sanctions infernales’ venues de Washington », in Le Point, 10 octobre 2019[/efn_note] seraient bien plus à même de faire pression sur les autorités turques même si cette option paraît, à l’heure actuelle, peu plausible.
Mais bien que faisant souvent appel à des partenaires étrangers pour les équipements les plus importants (avions de combat, sous-marins, hélicoptères), la politique actuelle d’Ankara donne régulièrement la priorité à un maître d’oeuvre de nationalité turque pour les programmes d’armements. À titre d’exemple, l’avionneur Turkish Aerospace Industry – épaulé par BAE Systems – est à la tête du programme du futur avion de combat national de 5e génération, le TF-X[efn_note]Fabrice WOLF, « Les ambitions turques dévoilées avec la maquette du TF-X », in Meta-Défense, 16 juin 2019[/efn_note] (pour Turkish Fighter Experimental). Ce chasseur de combat a pour ambition déclarée de remplacer la flotte de F-16 turque – de manufacture américaine – forte de 250 appareils. Qui plus est, le pays mène, depuis le milieu des années 1980, une politique industrielle de défense et de modernisation ambitieuse de ses forces armées, un véritable modèle de développement fondé sur une volonté d’autonomie stratégique. En effet, par une politique d’offset – formidable levier pour acquérir des compétences et établir des entreprises – mais aussi une politique de financement de la R&D couplée à une incitation au développement de sa BITD, Ankara s’est attachée à créer une base industrielle nationale qui, bien que connaissant encore certains déficits capacitaires, porte aujourd’hui ses fruits en lui conférant une assise stratégique et politique plus solide sur le plan militaire[efn_note]Sofia LEFEEZ, « L’INDUSTRIE DE DÉFENSE TURQUE : un modèle de développement basé sur une volonté d’autonomie stratégique », Institut des Relations Internationales et Stratégiques, Avril 2017[/efn_note]. Ainsi, il n’est pas surprenant que les forces armées du pays soient équipées à hauteur de 60 % par la BITD nationale[efn_note] »La Turquie produit 60% des équipements de son armée », in Anadolu Agency, 15 septembre 2015 [/efn_note].
Ainsi, à la lumière de ces développements et au regard du volume d’exportation en armements en provenance d’Europe vers la Turquie, les sanctions économiques décidées par Paris, Berlin, La Haye et Oslo n’auront aucun impact concret et ne freineront aucunement l’offensive turque. A y regarder de plus près, la réponse la plus pertinente réside probablement dans la suspension des exportations turques vers l’Europe. Le marché intérieur de la Turquie pouvant difficilement absorber plus de matériels issus de la production nationale, les industriels turques cherchent à accroître leurs parts de marchés dans les pays étrangers, notamment en Occident[efn_note] »Turquie : exportations records de l’industrie de la défense et de l’aéronautique », in Etablissement de la Radio et Télévision de Turquie, 7 octobre 2019[/efn_note]. Cibler la BITD turque et ses avancées dans le domaine technique et commercial constituerait dès lors une réponse plus forte à l’encontre d’Ankara. Pour l’heure, la réplique européenne reste minimaliste mais surtout disparate, principalement dirigée vers une opinion publique bien plus concernée par ce qui se passe en Syrie qu’au Yémen.
Axel Trinquier – spécialiste des questions de défense européenne.
La situation ne cesse d’évoluer en Syrie, suite au lancement d’une action militaire turque de très grande ampleur dans le nord de la Syrie, pour repousser les forces kurdes du YPG au delà d’une bande de 30 km le long de la frontière. Ainsi, plusieurs témoignages, parfois accompagnés de vidéos, font état d’exécutions sommaires de militants kurdes, militaires et civils, capturés par les milices paramilitaires qui accompagnent les forces régulières de l’armée turque. En outre, il semble que le régime turc n’apprécie guère la contestation, avec l’arrestation d’internautes ayant un peu trop ouvertement signifié leur opposition à l’intervention en cours dans le pays.
Mais ce sont probablement les déclarations du général kurde Mazloum Kobani Abdi, qui commande les forces démocratiques syriennes menées par les forces kurdes, qui augurent du plus profond bouleversement en cours. En effet, selon la chaine d’information CNN, le général kurde aurait demandé à William Roebuck, le représentant de la coalition venu le rencontrer, de retirer les forces occidentales qui « les avaient abandonné pour se faire massacrer », afin qu’il puisse demander à « une autre puissance militaire présente dans la région » de prendre le contrôle de l’espace aérien au dessus de la Syrie. Et d’ajouter « soit vous faites cesser ces bombardements, soit vous vous retirer pour que les russes puissent le faire ». Une menace qui prend beaucoup de poids alors que le Pentagone a confirmé avoir retiré plus de 1000 hommes de ses forces spéciales présentes dans le nord de la Syrie aux coté des Kurdes.
le General kurde Mazloum Kobani Abdi a envoyé un message clair à Washington
Ce retournement de situation a, semble-t-il, pris par surprise la diplomatie américaine, qui n’a pu que demander à son interlocuteur de « ne pas prendre de décision dans la précipitation ». Reste que si effectivement, le régime syrien et la Russie venaient à prendre La Défense des forces kurdes, les conséquences pourraient être très importantes, dont la rupture des négociations de Défense entre Ankara et Moscou ne serait qu’un des aspects visibles.
Reste à voir quelles seront les réponses apportées, tant par Washington que par Moscou, à ces déclarations. Le retour du Congrès américain lundi pourrait bien entrainer un changement de position radical de D. Trump dont lui seul à le secret. De son coté, Vladimir Poutine pourrait y voir l’occasion de renforcer la position russe en Syrie et au Moyen-Orient, ainsi que dans les opinions publiques, notamment européennes, à un moment critique dans les négociations pour alléger les sanctions européennes contre l’économie russe. Nul doute que les téléphones doivent beaucoup sonner dans les différentes chancelleries de l’ensemble des acteurs de la crise Syrienne aujourd’hui …
PS : cela n’aura pas tardé, les autorités syriennes et kurdes sont parvenues à un accord, et l’armée régulière syrienne déploie désormais ses troupes pour stopper l’offensive turques, et reprendre les territoires capturés. Le position officielle de Moscou, qui soutien activement le gouvernement syrien, n’est cependant pas encore connue.
L’Union Européenne et le Japon ont signé le 27 septembre,
lors du EU-Asia
connectivity forum, un partenariat stratégique. Celui-ci promeut un commerce international juste, des
pratiques de financement répondant aux standards internationaux, des règles environnementales
et sociales soutenables. Et, comprend toutes les dimensions de la connectivité,
notamment le digital, le transport et l’énergie.
Jean-Claude Juncker et Shinzo Abe ont rappelé que cet accord
représente un rejet du protectionnisme et un soutien à un système commercial
basé sur des règles. L’UE et le Japon deviennent ainsi les porte-drapeaux du
libre échange et les gardiens des valeurs universelles.
L’UE et le Japon avaient signé un accord de libre échange en juillet 2018[efn_note]JEFTA Japan-EU Free Trade Agreement[/efn_note]. Entré en vigueur en février 2019, il représente la zone de libre échange la plus conséquente au monde avec 630 millions de personnes. Et, constitue une réponse à la crise du multilatéralisme qui menace l’OMC. Le partenariat stratégique signé le 27 septembre approfondit les liens économiques des deux cosignataires mais revêt surtout un caractère politique et géostratégique : il s’agit d’une contre attaque au projet des nouvelles routes de la soie.
Jean-Claude Juncker, Président de la Commission Européenne et Shinzo Abe, le Premier Ministre japonais lors de la cérémonie de signature
Le projet de connectivité
EU-Asie impliquera nécessairement de sécuriser les routes commerciales. A
ce titre, 35% des biens exportés par l’UE vers l’Asie transitent par l’océan
indien et pacifique. Alors que la marine chinoise se prépare à croiser en haute
mer et donc au-delà de la mer de Chine méridionale, l’UE et le Japon justifieront
leur présence sur ces océans où la Chine pousse ses pions.
Il s’agit également
de contrer la stratégie d’influence de la Chine en proposant un projet
concurrent à celui des nouvelles routes de la soie. Un projet salvateur pour
certain pays mais qui alloue parfois un statut de vassal aux partenaires
chinois : certains pays peu solides financièrement s’endettent vis-à-vis de la
Chine pour financer des infrastructures.
Ces pays récipiendaires, croulant sous le fardeau de la dette (détenue par les banques chinoises) ne peuvent qu’accepter toutes les requêtes du gouvernement chinois, y compris de concéder des appuis logistiques pour sa flotte (cf. situation du Cambodge). Et, ces travaux d’infrastructure sont souvent réalisés par des entreprises chinoises et conduits par des ouvriers chinois. Cette manière de procéder est peu vertueuse : ce procédé ne permet pas de transferts de savoir-faire ou de technologies.
Les nouvelles routes de la soie ne sont donc pas si séduisantes que cela pour les petits pays négociants avec le géant chinois. Et, le projet UE-Japon constitue une alternative tout à fait louable. Cette contre offensive stratégique séduira ainsi certains pays car plus équitable, soutenable et vertueuse sur le volet du financement. Compte tenu de la production de navires militaires chinois avec les caractéristiques que l’on connaît, la marine chinoise possède des ambitions de projection en profondeur.
Il est nécessaire de lui damer le pion et d’éviter qu’elle ne trouve des points d’appui. A ce titre, le projet de connectivité UE-Asie sous l’égide de l’Union Européenne et du Japon constitue une stratégie d’endiguement. Contrer l’OPA[efn_note] Offre Publique d’Achat : consiste à prendre le contrôle d’une société cotée en bourse de manière parfois hostile[/efn_note] de la Chine sur le reste du monde, il était temps !
A l’occasion de la 5ème exposition consacrée aux hélicoptères, qui s’est tenue le 10 octobre à Taijin, en Chine populaire, le groupe d’Etat AVIC a présenté un nouveau modèle d’hélicoptère ayant l’aspect d’une soucoupe volante, le Super Great White Shark, ou Super Grand Requin Blanc. Au delà de son allure pour le moins surprenante, les performances attendues pour le prototype, dont le premier vol est escompté pour 2020, laisse l’observateur encore plus perplexe : vitesse de pointe de 650 km/h, plafond pratique à 6000 m, taux de monté de presque 3000 pieds par minute, et pour couronner le tout, une visibilité radar réduite. On peut, évidemment, suspecter une communication visant à induire en erreur les occidentaux, mais il est vrais que les dernières annonces chinoises jugées peu crédibles en occident, comme les capacités anti-navires des missiles DF-21D et DF-26, invitent à plus de précaution.
Long de 7,60 m et haut de 2,85 m, le Super Great White Shark est présenté comme un modèle d’hélicoptère armé destiné aux opérations de combat, à l’instar du Z-10 chinois et de l’AH-64 Apache américain. L’équipage de deux hommes est placé au centre de l’appareil, qui est sustenté par deux rotors contrarotatifs de 4,9 m de diamètre, entourant la cabine et carénés, donnant à l’appareil cet aspect de soucoupe volante. La propulsion horizontale serait assurée, elle, par deux turboréacteurs intégrés à la structure. Enfin, l’ensemble est recouvert d’un revêtement absorbant les ondes radars, de sorte à accroitre la furtivité de l’hélicoptère.
L’hélice propulsive qui équipait le AH-56 Cheyenne en 1967 a refait son apparition sur le nouveau SB1 Defiant de Sikorsky
Le fait est, ce type de conception n’est, en fait, pas nouvelle du tout. A l’instar de la propulsion « nucléaire » utilisée par le nouveau missile de croisière Burevestnik russe, et expérimenté puis abandonné par les Etats-Unis dans les années 60, et notamment par l’Avrocar, un prototype conçu à la fin des années 50 par Avro Canada, qui ne parvint jamais à atteindre les spécifications attendues, et qui fut rapidement abandonné par l’US Air Force. Mais il est vrais qu’avec l’arrivée de nouveaux matériaux, et de nouvelles technologies, des concepts qui s’étaient révélés décevant auparavant, parviennent aujourd’hui à maturité et donnent lieu à des productions de série, en particulier dans le domaine des hélicoptères. Ainsi, le principe des rotors basculants, dont le premier prototype, le Bell XV-3, effectua son premier vol en 1953, ne sera employé avec succès qu’à partir de de 1989, et le premier vol du V-22 Osprey. De même, l’hélice propulsive équipait déjà le Lockheed AH-64 Cheyenne en 1967, mais il faudra attendre 2019 pour voir un tel dispositif équiper un autre appareil américain, le SB1 Defiant de Sikorsky et Boeing.
En outre, les travaux sur les « automobiles volantes », très en vogue ces dernières années dans les salons de l’innovation, ont permis de réaliser d’importants progrès en matière d’hélice carénée et de soufflante, alors que plusieurs modèles de turboréacteurs de petite dimension ont également été développés, là encore avec le marché des voitures volantes et des drones en ligne de mire. Dès lors, ce qui était inaccessible technologiquement il y a encore quelques années, peut aujourd’hui se trouver réalisable.
Difficile d’imaginer comme un tel profil pourrait atteindre les 650 km/h comme annoncé par AVIC
Ceci dit, d’autres facteurs peuvent créer le doute quand aux performances annoncées par AVIC. En premier lieu, la forme de l’appareil semble bien peu compatible avec les performances annoncées, et notamment la vitesse, du fait de l’immense trainée qu’elle générera dès lors que la vitesse augmentera. En outre, le controle aérodynamique au delà des basses vitesses risque fort d’être très difficile pour un tel appareil, du fait des turbulences aérodynamiques et des trainées générées par cette imposante masse. Cette trainée, enfin, s’opposera directement au deplacement de l’aéronef, nécessitant une dépense d’énergie supplémentaire pour franchir une distance équivalente, ce qui entamera sensiblement l’autonomie et le rayon d’action de l’appareil.
Eclaté du Super Great White Shark. remarquez le turboréacteur de propulsion, et le rotor autour de la cabine
Il est plus que probable que les constructeurs aéronautiques chinois, comme leurs homologues occidentaux et russes, soient engagés dans une course pour améliorer les performances et la survivabilité des voilures tournantes, ceci passant, entre autre, par l’augmentation de la vitesse. Comme il est probable qu’un des axes de recherche ait donné naissance au Super Great White Shark, pour en étudier les différents paramètres, opportunités et contraintes. Toutefois, il semble difficile d’imaginer qu’un tel design puisse, un jour, donner lieu à un appareil de combat produit en série. Des solutions plus abouties et moins contraignantes semblent émerger, comme les hélices propulsives, les rotors basculant, et pourquoi pas, un jour, des soufflantes mobiles. En revanche, le Super Great White Shark risque fort de rester un prototype de salon et d’exposition, destiné à capté l’attention des visiteurs, et des médias.
La France est engagée aujourd’hui dans un programme européen, aux cotés de l’Allemagne et de l’Espagne, visant à concevoir et construire un système de combat aérien du futur, ou SCAF, destiné à remplacer les Rafale et Typhoon des forces aériennes des 3 pays, à partir de 2040. Entre temps, ce même programme produira des technologies qui seront utilisées telles des briques technologiques pour moderniser les avions de combat Rafale et Typhoon, de sorte à les maintenir au niveau des enjeux opérationnels et technologiques du futur. En procédant ainsi, les autorités vont pouvoir partager les couts de developpement de l’appareil et des technologies constituantes, et produire un volume plus élevé de systèmes de sorte à atteindre des seuils de productivité permettant de baisser les couts de fabrication et d’utilisation des flottes de chasse des 3 pays.
Les limites du programme SCAF
Mais le programme SCAF n’est pas exempt de défaut, et d’effet négatif, notamment vis-à-vis de la Base Industrielle Technologique de Défense française, la seule, parmi les 3 pays membres du programme, à avoir aujourd’hui la capacité à mener le programme à terme dans son intégralité. En effet, le partage des investissements entraine, de façon naturelle, un partage industriel entre les 3 pays, de sorte à distribuer les retours budgétaires générés. De fait, une partie de l’industrie de Défense française se verra exclue de projets pourtant indispensables au maintien des compétences et des savoir-faire souvent acquis avec beaucoup d’efforts et d’investissement au fil des années.
Le Next Generation Fighter (NGF) du SCAF sera un appareil imposant, comme on le voit sur cette maquette à l’échelle 1:1 présentée lors du Salon du Bourget 2019
En outre, le SCAF est conçu autour un appareil lourd, le NGF, dont la maquette à l’échelle 1:1 présentée lors du salon du Bourget laisse présager un avion ayant une masse maximum au décollage autour ou au dessus de 30 tonnes, avec un prix en conséquence. Or, les forces aériennes françaises, comme de nombreuses fortes aériennes européennes, peinent à financer une flotte d’appareils lourds ayant un volume suffisant, ou tout simplement à acquérir des appareils aussi onéreux. Rappelons à ce titre que l’appareil le plus vendu en Europe et dans le Monde en 2019 reste le F16V Viper…
De fait, serait-il possible, pour la France, de developper un second programme, parallèle au SCAF, pour concevoir un appareil monomoteur de la classe du Mirage 2000, ayant les attributs de la 5ème génération, pour renforcer les forces aériennes nationales, préserver et étendre les savoir-faire de la BITD, et étendre l’offre internationale française ? et si oui, comment le financer ?
Un Chasseur léger de 5eme génération français
La BITD Francaise, et Dassault Aviation en particulier, a créé plusieurs chasseurs légers qui marquèrent l’histoire de l’aéronautique, comme le Mirage III et V, le Mirage F1, le Super-Etendard et le Mirage 2000, construits à plus de 2800 exemplaires entre 1956 et 2009. Ces appareils associaient de très bonnes performances, une bonne manoeuvrabilité, et des systèmes embarqués modernes et efficaces, en faisant de redoutables systèmes de combat, maintes fois éprouvés avec succès. Si la conception et la construction du Rafale, un appareil bimoteur plus lourd et plus onéreux que les chasseurs français traditionnels, se justifiait parfaitement par l’allonge, la capacité d’emport et les systèmes embarqués qu’il apportait à l’Armée de l’Air et à l’Aeronautique navale française, force est de constater que les forces aériennes nationales parviennent aujourd’hui à répondre à la pression opérationnelle grâce au renfort des mirage 2000 C, mirage 2000-5 et mirage 2000D encore en service.
Les mirage 2000D de l’Armée de l’Air continueront de porter une part significative de la pression opérationnelle jusqu’en 2030-35
Or, les technologies qui définissent un appareil de « 5ème génération », comme la furtivité, la fusion de données ou la super-croisière, sont désormais maitrisées par la BITD française, notamment grâce aux programmes NEURON et Rafale. D’autre part, il n’existe aujourd’hui, et pour de nombreuses années, qu’un unique appareil de 5ème génération disponible en occident, qui plus monomoteur, le F35 de Lockheed. Mais là ou l’avion américain a essuyé les plâtres technologiques (et continue de le faire), et souffre d’un cahier des charges trop ambitieux avec, notamment, les contraintes imposées par la version F35B à décollage et atterrissage vertical, un appareil conçu aujourd’hui par la BITD française s’appuierait sur des technologies plus matures, et une meilleure compréhension des intérêts et limites de chacune d’entre elles, de sorte à produire un appareil plus équilibré et robuste.
De fait, la conception d’un nouvel chasseur monomoteur de classe 15 tonnes, comme le mirage 2000, ayant les attributs de la 5ème génération, par la BITD française, pourrait produire un appareil performant et économique, pouvant trouver sa place dans les forces aériennes nationales, et dans de nombreuses forces aériennes européennes et internationales, en tant qu’alternative économique au F35 américain.
Le tuilage technologique entre Rafale et SCAF
Comme nous l’avons déjà abordé, ce programme de chasseur monomoteur de 5eme génération, que nous nommerons CM5 dans la suite de l’article, permettrait à la BITD française de maintenir l’ensemble de ses compétences sur la durée, notamment celles qui devront être confiées à l’Allemagne et l’Espagne autour du programme SCAF. Mais là n’est pas le seul intérêt du programme.
En effet, le developpement du CM5 pourrait s’intégrer avec ceux du Rafale et du SCAF sous forme de tuilage technologique, de sorte à développer conjointement ce qui peut l’être avec les deux programmes lourds, et donc réduire l’impact budgétaire du developpement. En outre, le CM5 agirait comme une phase d’expérimentation partielle et de validation opérationnelle des technologies qui seront intégrées au SCAF, de sorte à éviter les écueils rencontrés par le F35 dans son developpement, liés à une mauvaise compréhension de certains développements et de certaines technologies.
Le programme F35 a souffert d’un cahier des charges trop ambitieux, avec notamment une version ADAC/V F35B
Enfin, en procédant ainsi, le programme CM5 pourrait, sous réserve d’obtenir le soutien politique adéquate, être développé dans des délais relativement courts, par exemple entre 2022 (prochaine échéance présidentielle) et 2032, de sorte à pouvoir être effectivement prêt pour remplacer les mirage 2000-5 et mirage 2000D lors de leur retrait du service, sans avoir à réduire le format déjà trop limité de l’Armée de l’Air. A noter qu’en développant, comme cela fut fait avec le Rafale, une version prévue dès le départ comme pouvant être embarquée, le CM5 pourrait également être utile pour renforcer l’aéronautique navale, qui bénéficierait elle aussi d’un appareil furtif complémentaire au Rafale.
Comment financer le programme ?
Un programme comme le CM5 serait onéreux, il n’y a pas de doute sur le sujet. Sur la base des technologies existantes, et eu égard aux besoins liés à ce nouveau programme, notamment un nouveau moteur et un nouveau système de détection et de fusion de donnée, le developpement de l’appareil peut être évalué entre 15 et 20 Md€. Mais ce montant est à relativiser.
En effet, une partie de ces développements sont, en fait, à mettre en parallèle avec les developpement des futurs standards du Rafale, le F4 puis le F5, comme ce sera le cas de l’IRST, ou du système d’autoprotection SPECTRA, ainsi que d’une part importante de l’avionique et des armements (MiCA NG, FMdC etc…). D’un autre coté, plusieurs technologies, comme celles liées à la furtivité et la propulsion, seront directement liées aux travaux concernant le SCAF. Il ne restera donc, en investissement direct, que la conception de la cellule, du gestionnaire de vol, ainsi que du système de systèmes et du radar, qui sont précisément les domaines chapotés par l’Allemagne et l’Espagne dans le SCAF. De fait, le cout final réel du programme sera très inférieur au 20 Md€ initialement statué, pour s’établir autour de 10 Md€, soit 1 Md€ par an sur 10 ans, pour la phase d’étude et de developpement.
Le programme KFX sud-coréen doit entrer en service en 2026, pour un prix unitaire s’établissant autour de 50 m$
Il est difficile de définir, de prime abord, le prix d’un tel appareil. Mais on peut définir un prix cible. Dans ce cas, le CM5 ne devrait pas excéder les 60 m$ en Fly Away condition, de sorte à rester compétitif face aux TFX turcs et KFX sud-Coréens, tous deux visant un prix unitaire de 50 m$, mais n’ayant pas tous les attributs de la 5ème génération. En outre, il resterait pertinent face au Su57, bien que beaucoup plus léger, et aux appareils chinois présents et à venir, ainsi que, bien évidemment, au F35 américain. Enfin, à ce tarif, le CM5 serait dans la même gamme de prix que le F16V, qui, nous l’avons vu, n’a aucune difficulté aujourd’hui à trouver son marché export.
De fait, la conception du programme, et la construction d’une flotte de 200 appareils (160 AA, 40 MN) pour les forces aériennes françaises, reviendraient à 20 Md€, ou 1 Md€ par an sur 20 ans, un niveau d’investissement largement accessible au prorata des bénéfices opérationnels qu’apporterait un tel appareil dans l’arsenal français.
En outre, le CM5 arriverait sur le marché alors que la majorité des F16 MLU arriveront en limite de potentiel, soit un marché supérieur à 800 appareils en occident, dont 250 appareils en Europe. Des pays comme le Portugal, la Grèce, la Roumanie et même la Pologne, ne pourront en effet constituer leurs forces aériennes autour de l’unique F35 qui, même s’il voit son prix d’acquisition baisser, reste dramatiquement cher à l’usage. D’autres pays, comme l’Egypte, le Maroc, les EAU, pourraient également y voir une solution interessante pour remplacer leurs F16, comme le seraient Israel ou le Pakistan, au delta prêt des critères politiques, ou comme pourrait l’être l’Ukraine et plusieurs ex-république soviétique, pour remplacer les appareils en service, ou simplement mettre en service une force aérienne. Enfin, le CM5 serait également un bon appareil pour revenir sur les marchés sud-américains, asiatiques ou africains perdus par la France ces dernières décennies. Au total, le CM5 pourrait être, comme le fut le mirage III en son temps, le bon appareil, au bon prix, au bon moment, et faire renouer l’industrie aéronautique militaire française avec l’exportation de masse.
Le F16V a été l’appareil le plus exporté en 2019 , notamment en Europe.
Rappelons que, comme nous l’avons à plusieurs reprises abordé dans divers articles, la doctrine Défense à Valorisation Positive montre que l’investissement d’Etat dans l’Industrie de Défense génère un retour budgétaire positif dans les caisses de l’Etat, évoluant entre 110% et 150%, selon les paramètres considérés. Si le programme CM5 était conçu en tenant compte de cette doctrine, nul doute qu’il pourrait s’avérer une très bonne opération pour les finances publiques françaises, même à court terme.
Des partenaires européens ?
Le CM5 pourrait participer à préserver les compétences et savoir-faire de la BITD française, mais il pourrait également être efficace pour consolider l’industrie de Défense nationale au niveau européen. En effet, plusieurs pays, comme le Portugal ou la Grèce, pourraient être intéressés à la fois par l’appareil, et par le programme. En ouvrant des négociations suffisamment tôt dans le programme, il serait possible, pour la France et ses industries, de négocier des partenariats industriels avec ces pays, sur la base d’une consolidation européenne industrielle, l’objectif étant de préserver les emplois, et donc une partie des retours budgétaires, sur le sol de ces partenaires, tout en procédant au renforcement des grandes entreprises de Défense nationales, à l’instar de ce que Thales fait très bien depuis des années, notamment en Grande-Bretagne, aux Pays-bas et en Australie.
Ces pays pourraient, dès lors, participer à la fabrication des appareils, voir même à une partie de leur conception n’entrant pas en concurrence avec les domaines hors SCAF de l’Industrie nationale, de sorte à baisser le niveau d’investissement initial pour la France.
La Grèce va devoir remplacer, à horizon 2030, ses mirage 2000 et une partie de ses F16
Le CM5 pourrait également, de façon moins évidente il est vrais, constituer une alternative interessante pour certains utilisateurs du F35 qui ont du atrophier leurs flottes pour respecter les recommandations de l’OTAN. C’est le cas, notamment, du Danemark et de la Belgique, qui pourraient bien voir un intérêt avéré à compléter leur flotte de F35A par un appareil plus économique mais tout aussi performant, de sorte à pouvoir assumer l’ensemble des missions qui lui sont confiées, au sein de l’OTAN comme des coalitions européennes. Là encore, cette intégration pourrait se faire sous forme de partenariat avec, à la clé, une consolidation de l’industrie européenne de Défense.
Conclusion
On le voit, un programme de chasseur monomoteur de 5ème génération français présenterait de nombreux avantages, tant du point de vu industriel que technologique, et pour la consolidation de l’industrie européenne de Défense. Il permettrait également de renforcer les forces aériennes nationales en volume, constituant, de fait, une réponse aux inquiétudes répétées des Chefs d’Etat-Major de l’Armée de l’AIr présents et passés, ainsi que des Chefs d’Etats-Majors de la Marine, tous ayant exprimés le besoin de retrouver « de l’épaisseur » pour faire face aux enjeux opérationnels à venir.
Il constituerait, également, une réponse à court terme aux besoins de capacités hautes intensités des forces aériennes, notamment en disposant d’un appareil à visibilité réduite pour évoluer dans les environnements fortement contestés, comme les zones en déni d’accès russes, chinoises (ou turques ?). Enfin, il permettrait de répondre de façon adaptée aux besoins spécifiques à chaque zone d’engagement, selon que l’on ait besoin d’un appareil à long rayon d’action et grande capacité d’emport comme le Rafale, ou d’un pareil plus léger, économique et furtif, comme le CM5.
Le programme CM5 pourrait être le chainon manquant entre les appareils de la génération Typhoon et Rafale, et le SCAF qui arrivera en 2040.
De fait, un tel programme s’avérerait profitable à tous les points de vue pour la France, ses armées, son industrie, et son rayonnement mondial, tout en permettant d’envisager le programme SCAF, son agenda et son partage industriel, avec beaucoup plus de sérénité. Notons, en guise de conclusion, qu’en développant des alternatives technologiques nationales à celles qui équiperont le SCAF et qui seront produites en Allemagne, la France pourrait, si besoin, proposer une version de l’appareil non soumise aux autorisations d’exportation de Berlin, ce qui, là encore, pourrait faciliter les négociations pour accélérer l’entame des travaux, comme le demande Dassault Aviation et Airbus. Loin d’être un programme antagoniste au SCAF, le CM5 pourrait bien être, en réalité, son meilleur allié.
En quelques jours, avec le déclenchement de l’opération militaire contre les Kurdes du nord de la Syrie, le président Turc est parvenu à fédérer l’immense majorité des opinions publiques occidentales, comme des chancelleries, contre lui. L’attaque des alliés occidentaux kurdes, suite aux déclarations du président Trump, avait déjà déclenché de vives réactions en Europe et aux Etats-Unis, mais le bombardement à proximité d’une position des forces spéciales américaines et les menaces ouvertes contre l’Europe en agitant le risque migratoire, auront fini de convaincre les plus réservés.
La cheffe de la diplomatie européenne a condamné l’intervention turque face au parlement européen
Mais c’est en Europe qu’il faut trouver les critiques les plus acerbes de l’offensive turque. Toutes les grandes capitales européennes ont unanimement condamné cette intervention, et appelé à y mettre fin. l’Union européenne a fait de même, par la voix de Federica Mogherini, la Cheffe de la diplomatie européenne
L’opération turque dans le nord-est de la Syrie peut ouvrir un nouveau chapitre dramatique dans l’histoire déjà très sombre de la guerre en Syrie. Les conséquences potentielles d’une telle action militaire sont claires pour tout le monde et pour nous. Les répercussions peuvent être extrêmement graves sur les plans humanitaire, politique et stratégique. Pour toutes ces raisons, nous appelons la Turquie à mettre fin à son action militaire unilatérale.
Federica Mogherini, au Parlement Européen le 12 octobre 2019
Le président turc, R.T Erdogan a immédiatement, comme nous l’avions anticipé, menacé l’Europe de cesser de maintenir les quelques 4 millions de réfugiés qui sont, aujourd’hui, sur son sol, ce qui pourrait créer une nouvelle crise des migrants en Europe, et notamment dans les pays les plus exposés, comme la Grèce, et ses pays frontaliers.
Si vous (les européens) continuez de qualifier cette opération d’invasion, c’est très simple, nous allons ouvrir les portes, et laisser 3,6 millions de réfugiés sur vos routes
R.T Erdogan, au parlement turc, le 12 octobre 2019
l’Offensive turque a déjà envoyé plus de 60.000 civils sur les routes dans le nord de la Syrie
Car si la menace des migrants peut effectivement s’avérer un important problème pour les Européens, des sanctions européennes contre l’économie et l’industrie de Défense turque pourraient, elles, finir d’achever politiquement le président Erdogan, déjà en perte de popularité depuis quelques mois dans son pays. En effet, sur la scène internationale, la Turquie d’Erdogan a, incontestablement, pris de l’ampleur, mais cela s’est fait au détriment de l’économie du pays. Ainsi, la Livre turque a perdu, en 5 ans, plus de la moitié de sa valeur face à l’Euro ou au dollar, soit une trajectoire similaire à celle du rouble russe, sans les sanctions économiques. Le chômage est passé de 8,5% en 2011 à plus de 14% à l’été 2019, se concentrant, comme souvent, sur les jeunes. Après une période de forte croissance entre 1990 et 2013, le PIB du pays est passé de 950 Md$ (2013) à 850 Md$ (2015) et ne parvient à retrouver une faible croissance qu’à compter de 2018, alors que les investissements étrangers ont été divisés par 2 vis-à-vis des années 2000, et ne semblent pas donner de signes de reprise significative.
De fait, si l’offensive turque venait à patiner face aux défenses kurdes, ou si les Européens et le Congrès Américains venaient à mettre en oeuvre des sanctions sévères contre l’économie du Pays, le président turc pourrait rapidement se trouver très affaiblit politiquement. On peut se demander, également, quelle serait la portée de mesures à forte valeur symbolique, comme l’arrêt définitif des négociations concernant l’adhésion du pays à l’UE, ou une procédure d’exclusion de l’OTAN, sur la pérennité du président turc à son poste. Une chose est certaine, les Européens ne peuvent plus, désormais, se contenter de déclaration de forme vis-à-vis du président Erdogan, qui ne se comporte ni comme un ami, ni comme un allié.
PS : Par la voix de la ministre des Armées, Florence Parly, la France rejoint les pays ayant déjà mis la Turquie sous embargo des systèmes de Défense. Les échanges franco-turques de Défense sont peu nombreux, mais cette annonce peut potentiellement mettre fin au programme de missile sol-air à moyenne portée turc auquel devait participer MBDA. L’Allemagne, par la voix de son ministre des affaires étrangères Heiko Maas, à fait de même il y a quelques heures, rejoignant ainsi la Norvège, la Suède, la Finlande, les Pays Bas, et la France. En revanche, les deux principaux fournisseurs européens de technologies de Défense, le Royaume-Unis qui participe au programme TFX, et l’Italie avec, notamment, l’hélicoptère T-129 Attak, n’ont pas annoncé de sanctions à cette heure.
Le 1er
octobre dernier, la Chine montrait au monde sa puissance militaire
par le défilé fêtant les 70 ans du régime. Le but affiché est de
prouver que son armée se modernise au plus haut point. Les efforts
chinois afin de maîtriser l’IA ne sont pas à négliger. Le rêve
affiché du Parti Communiste Chinois (PCC) est d’être la première
puissance en la matière. En
outre, la Chine reste un
acteur premier du cyberespace.
Par exemple, en
2018, le nombre
d’internautes chinois était estimé à
800 millions. Pour
comprendre la stratégie
de cette puissance en vue
d’acquérir la supériorité technologique en terme
d’IA, il faut comprendre la structure de son cyberespace lui
permettant de capter
un maximum de données en
vue du développement de l’IA.
L’instauration d’un intranet national : le Big Brother chinois
Le cyberespace a
été perçu comme étant une priorité de développement par
le PCC
pour
accroître la croissance économique. Dès lors, l’intégralité du
développement numérique sur le territoire chinois a été impulsée
et coordonnée par le Parti unique.
Dès
1993, le Conseil conjoint de l’informatisation économique
nationale a été fondé dans
le but de concevoir et
planifier le réseau national. Depuis 2008, ce Conseil a fusionné
avec d’autres entités afin de devenir le ministère de l’Industrie
et des Technologies de l’Information. Selon le discours du PCC, 4
300 milliards de yuans, environ 561 millions d’euros, ont été
ainsi
investis entre 1997 et 2009. De plus, un réseau de câbles à fibre
optique a été mis en place pour être constitué de sept câbles à
fibre optique maritimes, et de vingt câbles à fibre optique
terrestres. Le PPC a également lancé de vastes programmes de
recherche pour accroître les capacités de son réseau Internet.
Ainsi, la Chine a massivement investi dans le réseau IPv6. Cette
technologie a permis d’augmenter le nombre d’adresses web
disponible. En effet, lorsque le réseau Internet chinois était en
IPV4, il n’y avait pas assez d’adresses IP différentes pour les
besoins des utilisateurs chinois. L’adaptation vers l’IPV6 a
permis de contrer cette restriction. De nombreux plans ont détaillé
les objectifs que la Chine visait dans son cyberespace. Par exemple,
les buts fixés actuels pour développer le réseau Internet chinois
dépendent de la Stratégie pour le développement de
l’informatisation au niveau national (2006-2020) élaboré en
novembre 2005 et mis à jour par le treizième Plan quinquennal
2016-2020. Cette implication étatique a également permis au Parti
de limiter le nombre de FAI.
In fine,
l’architecture réseau chinois se compose de neuf FAI tous
autorisés et liés au PCC. Ces derniers permettent aux internautes
chinois de se connecter au réseau mondial. Le principal FAI, China
Public Computer Internet, bénéficiait d’un quasi-monopole en
fournissant l’accès Internet à 80% des internautes chinois en
2007.
L’encadrement
du Parti sur l’architecture de l’Internet en Chine explique que
le cyberespace chinois est considéré comme étant un intranet
national. En effet, les neuf FAI sont en pratique de « véritables
postes-frontières du réseau chinois » en limitant les
contenus étrangers pour les internautes chinois. Le pouvoir
politique chinois étant de nature autoritaire, le contrôle des
données a été une priorité pour assurer son autorité. A cette
fin, la Chine use de la censure sur Internet, contrairement à ce qui
est prétendu dans le Livre Blanc sur la situation de l’internet en
Chine ayant un chapitre nommé « Assurer aux citoyens la
liberté d’expression en ligne ».
Toutefois,
l’émergence d’Internet a fait évoluer la communication des
autorités politiques chinoises avec la population. D’un dialogue à
sens unique venant du Parti envers la population durant les années
maoïstes, le Parti actuel souhaite dialoguer avec sa population.
Mais ce dialogue reste strictement encadré par le Parti. Par
exemple, le 31 avril 2019, les autorités chinoises ont rendu
obsolètes une centaine de Virtual Private Network (VPN) par une mise
à jour de leur Firewall. Les opposants au système gouvernemental
chinois se servaient de VPN pour s’émanciper de la censure du
Parti sur Internet. Le contrôle du Parti sur le cinquième milieu
est nommé « Bouclier doré » ou encore le Great Firewall
en référence à la Grande Muraille de Chine. Les agissements du PCC
sont justifiés par sa philosophie d’Internet. « Sur le
territoire chinois, Internet est sous la juridiction de la
souveraineté chinoise. La souveraineté de la Chine sur Internet
doit être respectée et protégée.»
Par
le nombre limité de FAI, le pouvoir chinois s’assure de filtrer le
contenu internet étranger afin de le limiter pour les internautes
situés sur son territoire. De même, de véritables patrouilles du
Net sévissent sur l’intranet chinois. Elles s’assurent que
certains mots clés, voire des thèmes de sujets, soient
inaccessibles. A ce titre, les évènements de la place Tian’Anmen
et l’indépendance du Tibet sont proscrits. Cette censure a été
raillée lorsque le terme de Winnie l’ourson a été prohibé. En
effet, le président chinois Xi Jinping était comparé à ce
personnage de fiction par les opposants au régime.
Par
ailleurs, le PCC utilise les données des citoyens chinois de manière
à régir l’ordre social. D’ici fin 2020, le système de crédit
social devrait être totalement instauré dans les provinces
chinoises. Chaque citoyen chinois sera noté en fonction de certains
critères, comme la légalité et la moralité, contrôlés par le
PCC. En fonction de leur notation, certains services leur seront
proposés, ou, à l’inverse, retirés. Pour le moment, seul
l’historique bancaire des citoyens est appliqué. Par exemple, 23
millions de mauvais payeurs chinois ont été privés de voyager.
Le
marché chinois étant un vivier sans cesse en expansion, les
sociétés numériques occidentales tentent de s’y installer en
suivant les directives du Parti. Par exemple, en 2005, Yahoo a
dévoilé le nom d’un dissident, Shi Tao, aux autorités chinoises
faisant arrêter par la même cet opposant au régime. De même,
Google a appliqué la censure du Parti sur son moteur de recherche en
2006, et songerait à mettre sur le marché un moteur de recherche
spécifiquement adapté au marché chinois. En effet, la volonté
chinoise de renforcer le contrôle des informations sur Internet en
Chine tend à se maintenir. Le dernier Livre Blanc, publié le 24
juillet 2019, dispose qu’il faut préserver la cyber-souveraineté
nationale, et la sécurité de l’information. L’imbrication entre
les BATX et le PCC a été prouvée par la création de la Fédération
chinoise des sociétés de l’Internet visant à censurer tout
contenu contraire aux valeurs du PCC. Les vice-présidents de cette
fédération sont les dirigeants des BATX.
En instaurant le Great Firewall, le PCC a pu strictement encadrer la
datasphère de son territoire faisant apparaître des frontières
numériques par ces pratiques. Mais l’ambition chinoise tend à
s’étendre au plan international.
Les BATX : fer de lance de la stratégie chinoise en matière numérique
A la différence de la Russie, la
Chine dispose de véritables entreprises liées aux technologies de
l’information et de la communication (TIC) amenées à rivaliser
avec les GAFAM. Il s’agit principalement de Baidu, Alibaba,
Tencent, Xiaom (BATX). Ces quatre entreprises disposent du soutien
inconditionnel du PCC.
Ce
protectionnisme étatique explique le manque de présence des GAFAM
sur le territoire chinois. Pour l’instant, la présence des BATX
reste encore ancrée sur le territoire chinois. Alibaba est ainsi la
plate-forme principale d’achats en ligne en Chine tandis que
Tencent y est l’application de messagerie la plus courante. Le PCC
a assis sa souveraineté numérique en instaurant les BATX. Dès
lors, le Parti s’est assuré que les BATX ne soient pas
concurrencés sur le marché national par des entreprises étrangères.
Leur relative visibilité sur les marchés occidentaux est due à
leur expansion touchant en priorité la zone asiatique et les pays en
voie de développement où les GAFAM ont moins d’assises. Pour
preuve, en Indonésie, Alibaba a massivement investi dans la
plate-forme de e-commerce indonésienne Lazada.
En
outre, les Nouvelles routes de la soie voulues par le PCC ont un
aspect numérique visant à créer une Route de la Soie numérique.
Relativement méconnue pour le moment, il s’agit d’un des aspects
des Nouvelles routes de la soie qui aura le plus d’impact pour les
territoires liés à cette ambition. En effet, ces États useront des
technologies des entreprises numériques chinoises telles que la
dorsale de fibre optique voulue par Pékin. Dès lors, l’implantation
chinoise dans de telles infrastructures représente un risque dans la
souveraineté numérique de ces États. Les TIC chinoises auront plus
de facilité à développer le réseau numérique sur ces territoires
qu’une entreprise locale. Le danger est donc de voir ces
entreprises chinoises dominer ces marchés locaux au point de former
une oligarchie numérique chinoise. Le Cloud est le principal domaine
de risque de domination des entreprises chinoises sur la Route de la
Soie numérique. Toutefois, il est annoncé que de nombreuses
entreprises occidentales, telles que Oracle, établiront des
partenariats avec la Chine pour couvrir les besoins Cloud à venir de
ces zones. En effet, Pékin ne souhaite pas avoir de monopole sur les
Nouvelles Routes de la soie. Si cela était le cas, ses gains,
notamment réputationnels, seraient trop limités par rapport aux
efforts investis. Une des craintes majeures de cette Route de la Soie
numérique est une surveillance des données par la Chine. Les États,
européens notamment, souhaitent éviter un scandale pouvant être
comparable au programme PRISM américain.
Le succès de la fusion des sphères publique et privée en vue de la maîtrise de l’IA
Le 12 mars 2016, l’IA
« AlphaGo » de DeepMind remporte sa série de
confrontations contre le champion sud-coréen de jeu de Go Lee Sedol.
Ce succès est considéré comme une véritable prouesse car ce jeu
comprend une multitude de combinaisons. Le jeu de Go était considéré
comme un palier majeur à franchir dans le développement de l’IA.
Ce succès a été un traumatisme pour la Chine. En effet, le jeu de
Go est d’origine chinoise et a longtemps été dominé par les
joueurs de cet État. Ainsi, dès 2017, la Chine a publié sa
stratégie nationale en matière d’IA.
Trois étapes majeures se
détachent de ce document officiel.
Premièrement,
l’objectif est d’avoir procédé à une découverte majeure d’ici
2020 afin de pouvoir asseoir ses normes au niveau international en
matière d’IA. A cette fin, la Chine compte accroître le nombre de
ses spécialistes en la matière..
Deuxièmement,
le PCC compte avoir procédé à une technologie de rupture dans le
champ de l’IA à des fins principalement civiles telles que la
médecine, les smarts cities, les industries. Néanmoins, les
utilisations militaires ne sont pas exclues. Cette technologie de
rupture pourrait concerner la « national defense
construction », c’est-à-dire la construction de la défense
nationale chinoise. Comme lors de son premier objectif, le but est
d’innover en premier pour
fixer les normes juridiques et éthiques de manière la plus légitime
possible.
Troisièmement,
la Chine se veut être la puissance principale et dominante en
matière d’IA dès 2030. A cette fin, elle a annoncé investir 22
milliards d’euros dans l’IA jusqu’en 2020, puis de monter à 59
milliards d’euros par an d’ici à 2025. Cependant, le Pentagone
estime que ce chiffre est d’or et déjà largement dépassé en
avoisinant les 70 milliards.
Ainsi,
le domaine de l’IA est un moyen efficace pour renforcer l’économie
et le rang sur la scène internationale de la Chine. Il est bien
rappelé que l’IA affectera tous les domaines. Dès lors, il est
vital pour la Chine de se positionner en tant que puissance
principale en la matière pour espérer acquérir ce marché qui est
estimé à 15 700 milliards de dollars.
Pour
parvenir à ses fins, la Chine bénéficie d’un avantage
structurel. Le PCC contrôle aussi bien les sphères publiques que
privées. Ces sphères sont historiquement liées. Dès lors, les
BATX sont des acteurs indispensables pour le Parti dans
le but de réaliser ses
projets IA. Grâce à leur développement dans le marché intérieur
chinois, ces entreprises ont pu investir massivement dans ce domaine.
La société Tencent a ainsi inauguré un laboratoire dédié au
machine learning, tandis que Alibaba a lancé un programme de
recherche sur l’IA estimé à 15 milliards de dollars sur trois
ans.
Toutefois,
l’intérêt des BATX pour cette technologie a précédé celui de
l’État chinois. Dès 2013, Baidu a lancé son Institut de deep
learning pour améliorer
ses capacités en IA. En 2014, la même entreprise a ouvert un centre
de recherche dans la Silicon Valley. De même, en 2015, le dirigeant
de Baidu, Robin Li, a proposé le plan « China Brain » au
PCC. Les propositions de ce programme sont au cœur de la stratégie
nationale chinoise en matière d’IA. Ainsi, les volontés
d’accroître le nombre de spécialistes, les financements, et de
soutenir les innovations sont les principales clés.
En
outre, la Chine ne dispose pas de législation protectrice des
données personnelles. Il est donc aisé de disposer d’une quantité
importante de données. Concernant le territoire chinois, le PCC peut
donc exploiter les données des 800 millions d’utilisateurs
internet chinois, sans compter celles des individus dont la présence
numérique est captée par vidéosurveillance par exemple. L’anonymat
est une notion en voie de disparition avec l’émergence des smart
cities multipliant le nombre de caméras, donc potentiellement le
risque de l’omniprésence de reconnaissance faciale.
Afin
d’asseoir ses ambitions, les chercheurs chinois sont de plus en
plus présents dans le champ des publications de recherche liées à
l’IA. Ainsi, entre 2001 et 2010, la Chine n’avait produit que 554
publications liées à cette technologie contre 6 046 pour les
États-Unis. Or, les positions se sont inversées sur la période
2011-2015. Toutefois, quantité n’implique pas qualité.
Pourtant,
le PCC est suspecté d’afficher une capacité d’innovation en
matière d’IA plus importante qu’elle ne l’est réellement. En
effet, le nombre de chercheurs spécialisés en IA est a priori
insuffisant pour que les trois objectifs cités puissent être
accomplis selon les dates données. Il est donc vital que la Chine
capte les cerveaux de manière efficace si elle souhaite respecter
les échéances de ses objectifs. Cette volonté de captation des
esprits tend à se mettre en place progressivement mais son
effectivité reste fragile. Par exemple, en 2014, Baidu a réussi à
convaincre Andrew Ng, pilier de la recherche en deep learning, de
diriger son centre de recherche en la matière. Néanmoins, dès
2017, ce dernier a quitté le groupe Baidu. Sa démission n’a pas
été isolée, Baidu a dû surmonter le départ de certains de ses
piliers en matière d’IA.
Pour
conserver les profils les plus prometteurs pour ses programmes
concernant l’IA, le PCC souhaite également limiter la migration
d’étudiants et ingénieurs chinois vers les États-Unis pour
qu’ils incorporent des entreprises nationales.
Enfin,
les États-Unis conservent leur avantage technologique sur les
matériaux nécessaires au développement des IA. En effet, les
entreprises outre-atlantique telles que Intel
ou Nvidia conservent leur leadership sur
les microprocesseurs. Or ces composants sont indispensables pour
affiner les méthodes d’apprentissages des IA.
Pour illustration, Intel est impliqué dans la construction d’un
supercalculateur « Aurora with Intel » censé être livré
pour 2021. La Chine tente de palier à ce retard en construisant ses
propres microprocesseurs tel
que XuanTie 910 par
Alibaba via sa filiale
Pingtouge.
Ainsi, la Chine se positionne encore dans la position d’outsider à défaut de ne pas encore pouvoir prétendre être à la tête des puissances en matière d’IA.Cependant, seule la Chine semble en mesure de pouvoir rivaliser frontalement avec les États-Unis dans ce domaine. Pourtant, la volonté de l’Union Européenne émerge dans le but de devenir l’arbitre de cette rivalité en imposant ses normes telles que ses lignes directrices éthiques.
les autorités sud-coréennes ont annoncé leur intention de commande 20 F35 supplémentaires pour renforcer les 40 appareils déjà commandés, dont 8 unités ont été livrés à ce jour. Le modèle de F35 n’est pas encore statué, même si plusieurs sources indiques qu’il s’agira probablement de F35A, et non de F35B comme spéculé initialement. Il semble en effet que les autorités militaires du pays préfèrent attendre l’entrée en service des 2 porte-aéronefs d’assaut de 30.000 tonnes annoncée cet été pour déployer des appareils à voilure fixe, et que les LHD de classe Doko ne verront finalement pas de F35 sur leurs ponts.
La commande, évaluée à 3,3 Md$, est cohérente avec la commande précédente de 40 appareils pour 6,4 Md$, mais semble signifier que le pays n’envisage pas de baisse des prix à venir, au delà du tarif unitaire à 80 m$ atteint aujourd’hui. Il est probable qu’au delà de la seconde phase du programme F-X III, qui s’étale de 2021 à 2026, une nouvelle commande de F35, de type F35B cette fois, interviendra pour équiper les 2 porte-aéronefs qui doivent entrer en service autour de 2030. Il n’a pas été fait état dans ces déclarations de F35C ou de la nouvelle classe de porte-avions dont s’est fait l’écho la presse locale.
Le programme KF-X est aujourd’hui le principal axe de modernisation de la flotte de chasse des forces aériennes sud-coréennes
Il est interessant de constater le nombre limité d’appareils commandés par Seoul, alors que sa force aérienne aligne aujourd’hui plus de 500 appareils de combat, dont 158 F5, 168 F16, 71 F4 Phantom, 59 F15 et 60 T50. Les F35 ne sont, en effet, que destiné à remplacer une partie des F4 et F5 datant des années 80, alors qu’elle prévoit d’acquérir au moins 250 K-FX pour remplacer les F4 et F5 restants, et les F15 et F16 les plus anciens.
Reste qu’avec une centaine de F35 (60 F35A et 40 F35B), et 250 K-FX, le pays ne parviendra pas à remplacer l’ensemble de ses appareils, et manquera notamment d’un appareil lourd pour prendre le relais des F15 qui assurent, aujourd’hui, le gros des missions de défense aérienne dans le pays. Il est vrais que la principale menace pour Seoul, la Corée du Nord, ne dispose pas d’une force aérienne particulièrement moderne ou puissante, même si elle aligne plus de 500 appareils. En effet, hormis la trentaine de Mig29, elle n’aligne que des appareils très anciens comme le Mig21 ou 23, ou des copies chinoises comme le J7. Mais les récents déploiements de force sino-russes aux abords de l’espace aérien sud-coréen amènera probablement les autorités du pays à reconsidérer la modernisation des appareils de défense aérienne à moyen terme.
La Corée du nord ne dispose que d’une trentaine de MIG29, les plus modernes de ses quelques 500 appareils de chasse.
Avec le Japon et les Pays-Bas, c’est donc le 3eme pays employant des F35A à commander de nouveaux exemplaires de l’appareil cette année. Il semble bien que, si l’avion furtif de Lockheed n’est pas dénué de défaut, il donne tout de même satisfaction aux forces aériennes qui l’emploient, alors que le constructeur américain a présenté son plan d’évolution de l’appareil pour le doter de capacités de « 6eme génération », et tenter de couper l’herbe sous le pied des Tempest et autres SCAF européens. Une menace à ne pas négliger en Europe, d’autant que les programmes européens ne prévoient pas d’entrer en service avant 2035 ou 2040, laissant largement le temps au F35 de verrouiller la majorité du marché adressable …