mercredi, décembre 3, 2025
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Porte-avions, sous-marins nucléaires, arsenal ships, la Marine Sud Coréenne a de grandes ambitions

La Marine de Corée du Sud est engagée, depuis une vingtaine d’années, dans une profonde mutation visant à se doter de capacités de haute mer et de projection, concomitamment au developpement de son industrie navale de Défense, qui aujourd’hui parvient même à s’imposer dans des compétitions internationales. Elle dispose, aujourd’hui, de 20 sous-marins d’attaque, 12 destroyers, autant de frégates, et de 10 navires d’assaut dont 2 LHD de la classe Doko (plus un en fabrication), jaugeants 18.000 tonnes et pouvant projeter 700 hommes et 200 véhicules.

Elle est également engagée dans plusieurs programmes de navires de combat avancés, comme les sous-marins d’attaque Dosan Ahn Changho de 3700 tonnes, avec 9 unités commandées, les destroyers du programme KDX-III et KDX-IV, ou les frégates Daegu de 3500 tonnes, avec 8 unités en commande. Mais au delà de la modernisation de ses moyens actuels, la Marine Sud-Coréenne a également annoncé la construction de nouvelles unités majeures, comme les deux porte-aéronefs d’assaut de 30.000 tonnes dont le developpement a été annoncé en juillet 2019, conçus pour pouvoir mettre en oeuvre 16 avions F35B, et renforcer les capacités aéronavales très limitées des Doko actuels.

Les 2 modèles de porte-avions actuellement étudiés par l’Amirauté Sud-Coréenne

3 programmes illustrent parfaitement cette ambition Sud-Coréenne de disposer, à horizon 2040, d’une Marine de premier rang, qui dépasserait même les meilleures marines européennes, comme la Royal Navy ou la Marine Nationale :

  • Le programme de porte-avions sud-coréens, dont la presse du pays s’est fait récemment l’écho. Deux pistes sont à l’étude, un bâtiment de 70.000 tonnes pour 298 m de long, pouvant mettre en oeuvre 40 aéronefs, et un bâtiment de 40.000 tonnes pour 238 m de long, pouvant en recevoir 20. Il semble que la Marine Sud-Coréenne envisage le F35C pour constituer sa force aéronavale embarquée, le même que celui équipant l’US Navy au coté des F/A 18 E/F Super Hornet, ce qui confirme, comme le montrent les illustrations, que ces porte-avions seraient équipés de catapultes, et non d’un tremplin. Le pluriel étant utilisé dans la presse sud-coréenne, il s’agirait d’une flotte d’au moins 2 portes-avions qui serait envisagée.
  • Le programme de sous-marins nucléaires d’attaque, dérivé de la classe Dosan Ahn Changho, qui devrait entrer en service en 2031. Pour l’heure, il n’est question de ne construire que 2 unités, mais il est probable que si le pays parvenait à maitriser cette technologie, de nouveaux navires verraient rapidement le jour. Si les sous-marins d’attaque munis de piles à combustibles lithium-Ions peuvent aujourd’hui rester plusieurs semaines en plongée, ils n’ont pas les capacités océaniques d’un SNA, capable de parcourir rapidement de grandes distances en plongée, et dont les limitations sont liées à l’équipage, et non au bâtiment ni à sa production énergétique. A noter que le pays s’intéresse au modèle Barracuda de Naval Group.
  • Le programme de 3 Arsenal Ships, des navires de 5000 tonnes dérivés d’une coque de destroyer, emportant 240 silos pour missiles anti-navires, anti-aériens, balistiques et missiles de croisière, qui fournirait un regain de puissance de feu très important aux unités navales du pays. Un type de navire qui montre que la Corée du Sud est capable non seulement de reproduire avec brio les technologies et doctrines occidentales, mais qu’elle est également capable d’innover et de prendre des risques, pour se doter de systèmes de rupture.
L’Arsenal Ship tel qu’imaginé par la Marine Sud Coréenne emporte 240 silos verticaux sur une coque de 4000 à 5000 tonnes dérivée des destroyers KDX-II

Cette volonté sud-coréenne de disposer d’une flotte de premier rang, est en partie la conséquence du renforcement des capacités balistiques nord-coréennes, capables aujourd’hui de déjouer La Défense anti-missile américaine et sud-coréenne qui protège le pays. En disposant d’une importante flotte hauturière, le pays conserve une importante capacité de riposte même une fois frappé par les missiles nord-coréens, ce qui contribue, évidemment, à accroitre sa dissuasion. Mais cet aspect ne permet pas d’expliquer l’ensemble de ces programmes. Il apparait dès lors que le pays veut également disposer d’une flotte capable de s’opposer à la flotte chinoise si besoin, tant pour se protéger que pour protéger ses lignes commerciales et énergétiques, vitales pour un pays qui importe plus de 150 Md$ par an de produits énergétiques pétrole inclus, et qui envoie chaque année 600 Md$ de produits manufacturés par la mer dans le monde.

On comprend également que, si le pays continue de maintenir des liens très étroits avec les Etats-Unis, il se prépare également à un possible désengagement de Washington dans la région, pour quelque raison que ce soit, en développant une force armée puissante et capable d’intervenir dans l’ensemble des domaines, ainsi qu’une industrie de Défense de plus en plus autonome, et ce dans tous les domaines. Rappelons que pour soutenir cet effort, le gouvernement sud-coréen a engagé un plan visant à augmenter le budget de La Défense de 40% d’ici 2022.

La Maquette du chasseur KF-X dont le prototype est en cours d’assemblage, et qui doit entrer en service en 2026.

Quoiqu’il en soit, dans les années à venir, les forces armées terrestres, navales et aériennes de Corée du Sud sont appelées à jouer un rôle de plus en plus important en zone Asie-Pacifique, et fera probablement jeu égal avec le Japon avant la fin de la prochaine décennie. A ce titre, il s’agit probablement, avec la Chine Populaire et la Russie, d’un des pays ayant vu ses capacités militaires et industrielles de Défense progresser le plus durant ces 20 dernières années.

L’Ecole de l’Air offre un abonnement Meta-Défense à ses élèves

L’Ecole de l’Air et de l’Espace, située à Salon de Provence sur la BA 701 et qui forme les officiers de l’Armée de l’Air, a souscrit un abonnement Education auprés de Meta-Défense afin de fournir à chacun de ses élèves un compte individuel pour accéder à l’ensemble des articles et analyses du service, sur le web ou sur l’application mobile. L’objectif est d’améliorer et d’étendre l’information, et donc la formation, des élèves et officiers de demain, aux questions de défense internationales, ainsi que leurs donner une meilleure connaissance des différentes forces armées et des équipements de Défense au delà de ceux employés par l’Armée de l’Air.

Meta-Défense est un service d’information et d’analyse des questions entourant l’actualité de Défense, les relations internationales, les forces armées et équipements de défense dans le Monde. Le service est accessible par abonnement, via internet et application mobile sur système Android et IOS.

L’offre « Education » propose des abonnements en lots (à partir de 100 comptes) à des tarifs spéciaux à partir de 6€ par an par abonné, et une procédure d’abonnement simplifiée. Elle s’adresse aux écoles, universités, centre de formation et aux services publics d’Etat, et peut être mise en oeuvre en moins de 24 heures. Au delà des accès distribués, elle offre la possibilité de publier des articles à destination des seuls abonnés de l’Ecole ou du service, ainsi qu’un rapport statistique anonymisé concernant l’utilisation faite du service. Pour plus d’information : metadefense.fr@gmail.com

Safran peut-il sauver le programme de turboréacteur indien Kaveri ?

Le Rafale a le vent en poupe en Inde, et l’on assiste même à une certaine Rafale-Mania dans les médias, qui contraste avec les attaques incessantes, et parfois farfelues, sur le programme et l’appareil menées par l’opposition au premier ministre N. Modi l’année dernière, sur fond de campagne législative nationale. Mais depuis, le premier ministre Modi a remporté ces élections, et même obtenu, a avec son parti, la majorité absolue au parlement, le premier Rafale indien a été officiellement cédé à l’IAF par Dassault, et plusieurs indiscrétions laissent entendre qu’une nouvelle commande, cette fois assemblée en Inde, serait en préparation, et pourrait être annoncée lors de la visite du président Macron à New Dehli le 26 janvier 2020 à l’occasion de la fête nationale du pays.

Lors de la signature de la première commande de 36 appareils, les industriels français s’étaient engagés à réinvestir 50% du montant de la commande, soit prés de 4 Md€, dans l’industrie aéronautique et de Défense Indienne. Parmi eux, Safran, le spécialiste français des moteurs d’avions, qui a conçu et fabrique, entre autres, le M88 qui propulse le Rafale, avait annoncé qu’il participerait à la conception et la fabrication du turboréacteur Kaveri, le premier réacteur de facture indienne, qui rencontrait alors de nombreuses difficultés, tant au niveau des performances que de sa fiabilité. Le programme était alors jugé critique par les autorités indiennes, puisque le moteur devait équiper le programme d’avions léger Tejas Mk2, et le programme d’avion de prochaine génération AMCA.

Le Tejas, ici au second plan, restera propulsé par un moteur F404 américain si l’Inde ne parvient pas à concevoir un moteur Kaveri fiable et performant

Mais là ou Dassault Aviation, Thales et MBDA sont parvenus à déployer un modèle économique efficace pour leurs investissements et leur intégration à l’écosystème indien, SAFRAN s’est, de son coté, retrouvé enfermée dans des négociations très difficiles avec la DRDO, la direction de la recherche de Défense indienne, qui pilote le programme Kaveri, ainsi qu’avec les autorités, et les industriels. Au final, le motoriste français n’est pas parvenu à trouver un terrain de négociation favorable avec ses interlocuteurs, et s’est, peu à peu, retirer du programme, laissant le Kaveri sans solution. Depuis, les autorités indiennes ont annoncé que le Tejas Mk2 serait équipé du F404 américain, comme le Mk1, et que le Kaveri ne serait pas non plus retenu pour équiper le futur programme AMCA.

Mais les nouvelles négociations en cours au sujet du Rafale pourraient bien changer la donne, comme l’indique la visite du ministre de La Défense indien, Rajnath Singh, dans les locaux de Safran à Villaroche, qui suivait la cérémonie officielle de transfert du premier Rafale indien qui s’était tenue, la veille, à Bordeaux. Bien qu’aucune annonce n’ait été faite durant la visite, sa simple existence montre que le ministre indien, qui a déjà marqué son ministère de son empreinte en simplifiant une partie du dédale administratif indien pour les procédures d’acquisition d’armement venant de l’étranger, ne ferme pas la porte à de nouvelles négociations qui se tiendraient, dès lors, au niveau politique. A l’issue de la visite, le ministre indien a tenu à lancer un message aux industriels français, et particulièrement à Safran, précisant que désormais il existait deux corridors d’entreprises technologiques offrant des conditions attractives pour les investissements technologiques, et surtout en insistant sur les besoins de l’Inde en matière de moteurs d’avions, qu’ils soient militaires ou civiles.

L’Assemblage d’une nouvelle série de Rafale en Inde pourrait être l’opportunité manquante pour trouver un accord entre Safran et le DRDO au sujet du moteur Kaveri

De nombreuses voix s’élèvent en Inde pour ne pas abandonner le volet du programme aeronautique indien, considéré, à juste titre, comme indispensable pour l’autonomie stratégique et technologique du pays. En effet, et on le voit avec la Chine, la technologie des moteurs d’avion militaire, est particulièrement délicate à maitriser, et aujourd’hui, très peu de pays savent concevoir ce type de propulseur. Les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne et la France ont l’experience et le savoir faire requis, et la Chine, a la suite d’un investissement très important, et de beaucoup de retro-ingenieurie des moteurs russes, parvient à peine à produire des moteurs à peine performants. De fait, le soutien de Safran dans la conception du Kaveri pourrait bien être une chance inespérée pour New Dehli de developper son industrie aéronautique dans sa globalité, sans dépendre d’arbitrages extérieurs, et Rajnath Singh en est, évidemment, parfaitement conscient.

Il reste encore beaucoup d’inconnues dans ce dossier, et le retour de Safran dans le programme Kaveri est encore lointain et incertain. Mais le cadre qui se dessine aujourd’hui est évidemment bien plus favorable qu’il ne l’était il y a un an, et les opportunités qui s’en dégagent, tant du coté indien que français, invitent à l’optimisme. Ceci, avec l’Inde, on n’est jamais sûr de rien …

Pourquoi l’US Navy ne parvient-elle pas à faire ce que la Marine Chinoise réussit si bien ?

Un récent rapport du CBO, le Congressional Budget Office, a lancé un pavé dans la marre de la planification des constructions navales de l’US Navy. En effet, avec 290 navires majeurs en service aujourd’hui, et un objectif de 355 en 2034, l’US Navy va devoir mettre en service 304 nouveaux bâtiments sur cette période, afin de remplacer les navires obsolètes, et augmenter son format. Elle prévoit pour cela un budget global de 865 Md$, soit 22 Md$ par an, en matière d’investissement et d’acquisition.

Mais pour le CBO, ce montant est considérablement sous-évalué , car il faudrait non pas 22 Md$, mais 31 Md$ par an, pour tenir ces engagements, eu égards à la croissance des couts de construction, et des besoins technologiques qui accompagnent chaque navire moderne. Et force est de constater que, ces dernières années, l’US Navy n’a pas brillé par sa capacité à respecter ses prévisions en matière de couts et de délais, pas plus que les autres corps des Etats-Unis ceci-dit … Ainsi, le programme LCS, qui devait initialement ne couter que 290 m$ par navire, coute désormais le triple, alors que les navires ont été amputés d’une bonne partie de leurs capacités opérationnelles prévues initialement. Les portes-avions de la classe Ford sont passés, eux, de 9 à 12 Md$. Mais c’est évidemment le programme Zumwalt qui bat tous les records, avec un cout final de 22 Md$ pour 3 navires, amenant un destroyer Zumwalt au prix de 3 sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Virginia, qui sont déjà loin d’être considérés comme « économiques ».

Les 3 destroyers de la Classe Zumwalt auront couté chacun plus de 7,5 Md$, soit le prix d’un porte-avions de la classe Nimitz

L’US Army avec ses 6 programmes stratégiques au planning maitrisé, ou l’US Air Force et l’approche visant à créer une nouvelle « série Century », semblent s’engager vers des approches visant à résoudre ces problèmes de couts et de délais. De son coté, l’US Navy semble, elle, incapable d’y répondre efficacement, enfermée entre une approche globale politique, des pressions économiques locales, et un contexte technologique et opérationnel de plus en plus contesté, auxquels la seule réponse aujourd’hui est de construire toujours plus lourd, plus technologique et plus puissamment armé, et d’espérer que l’arrivée des drones navals apportera une solution magique.

L’US Navy pourrait être bien inspirée d’observer comment son principal adversaire, la Marine Chinoise, parvient à résoudre cette équation, au point de viser, en 2035, un format qui sera supérieur à 450 navires, avec au moins 7 ou 8 porte-avions dont 4 seront à propulsion nucléaire et d’un tonnage comparable aux Nimitz américains, une trentaine de croiseurs, une vingtaine de navires d’assaut lourds, une soixantaine de destroyers, autant de frégates et de sous-marins d’attaque, la majorité d’entre eux ayant un âge inférieur à 15 ans à cette date. A la différence de l’US Navy, la Marine Chinoise ne construit pas des bâtiments pour être au sommet des systèmes d’armes dans 20 ans, mais pour apporter un bénéfice immédiat, quitte à évoluer, parfois en profondeur, dans les années à venir.

Le croiseur Type 055 emporte plus de 110 missiles en silos verticaux, et de nombreux systèmes de protection et de détection, dont un radar AESA, en faisant un des navires les plus puissant du théâtre Pacifique

Ainsi, avec les croiseurs Type 055, qui sont produits à un rythme de 4 unités par an, la Marine Chinoise n’a pas cherché à concevoir un système révolutionnaire équipé de technologies non matures, et les navires emportent des radars, sonars, missiles et systèmes de défense à la fois modernes et basés sur des technologies maitrisées et fiables. Au final, un Type 55 coute au budget chinois le prix d’un LCS américain, donc 10 fois moins cher qu’un destroyer Zumwalt, et 2 fois moins chers que les destroyers Arleigh Burke, qui portant n’ont rien à envier au navire chinois sur le plan technologique. Surtout, le navire est conçu pour évoluer rapidement et facilement, notamment grâce à une production énergétique largement surcapacitaire dépassant les 100 MW, qui permettra d’ajouter, lorsque les technologies seront prêtes, un Rail Gun, ou un système d’arme à énergie dirigée, sans devoir profondément refondre le navire.

La course aux armements qui renait aujourd’hui, entrainera un emballement technologique rapide qui rend, si pas impossible, en tout cas très difficile la planification technologique à très long terme. De fait, les pays qui visent des gains opérationnels à courts et moyens termes, avec une approche tuilée des bons technologiques, peuvent aujourd’hui faire jeu égal avec des très grandes puissances, comme les Etats-Unis, qui semblent avoir des difficultés à sortir des paradigmes de la période post guerre froide, et ce malgré des moyens plus réduits. C’est également ce qui explique comment des pays comme la Russie, aux moyens infiniment plus limités, parvient à faire peser un haut niveau de menaces sur l’OTAN, avec des navires et sous-marins de faible tonnage mais bien armés et disponibles en quantité, des chars de génération précédente mais modernisés, bien protégés et là encore, disponibles en quantité, ou des avions de combat, plus rustique, mais bien armés, et toujours, évidemment, en quantité importante.

L’Italien Fincantieri propose sa FREMM pour la compétition FFG/X

On ne peut qu’espérer, pour l’US Navy, que le programme de frégates FFG/X, ouverts aux chantiers navals européens, et qui associe des ambitions raisonnables à des bénéfices à courts termes dans un calendrier réduit, inspirera les planificateurs et les industriels américains. Car c’est probablement aujourd’hui le programme le plus raisonnable et le plus efficace de l’US Navy depuis bien des années.

Le Sénat Américain prépare un durcissement sévère des sanctions contre la Turquie

Alors que les opérations militaires turques dans le nord de la Syrie contre les kurdes du YPG s’étendent, et que le président D.Trump semble déterminé à ne pas interférer, le Sénat des Etats-Unis prend, pour sa part, fait et cause contre cette offensive. Ainsi, le sénateur Républicain de Caroline du Sud Lindsey Graham, et le sénateur Démocrate du Maryland Chris Van Hollen, sont parvenus à un accord bipartisan pour intensifier les sanctions contre la Turquie, ses dirigeants, son armée et son industrie de Défense.

Concrètement, les sénateurs des deux camps vont, au retour d’une retraite de 2 semaines du Congrès, faire voter une série de sanctions visant les leaders turques, y compris le président R.T Erdogan, les industrie de l’énergie et de la Défense Turques, ainsi que toutes les entreprises et personnes qui leur apporteront un soutien financier, technologique ou militaire. Les Etats-Unis vont interdire toute vente d’armement au pays, ainsi que les déplacements de ses dirigeants politiques et industriels sur le territoire américain. Il ne s’agit, ni plus ni moins, que l’application intégrale des mesures prévues par la loi CAATSA, telle qu’appliquée, par exemple, contre la Russie, avec les conséquences que l’on connait sur son industrie de Défense.

L’hélicoptère de combat T-129 Attack turc est une version sous licence du A-129 Mangusta du constructeur italien Agusta

Cela touche évidemment plusieurs entreprises de Défense européennes qui collaborent ou fournissent des équipements aux forces turques ou à leur industrie de Défense. Outre les fournisseurs actuels d’équipements, comme KWM/Rheinmetall, TKMS, Agusta-Westland, Airbus DS, plusieurs entreprises européennes sont impliquées dans les programmes de développement en cours, comme BAe et Rolls-Royce dans la conception du chasseur TF-X, ou MBDA dans la conception d’un système de défense anti-aérienne à moyenne et longue portée de facture locale. Les clients de l’industrie de Défense turques pourraient également se retrouver viser par des sanctions américaines, comme par exemple le Pakistan qui a commandé des corvettes et des hélicoptères de combat, ou le Qatar, qui a commandé des chars de combat Altay

Coté européen, si les déclarations condamnant l’intervention turque sont nombreuses, aucune mesure de rétorsion n’est pour l’heure annoncée, ni via Bruxelles, ni par une des chancelleries européennes. Trois pays européens membres du conseil de Sécurité des Nations Unis, l’Allemagne, la Belgique et la Pologne, ainsi que les 2 membres permanents la Grande-Bretagne et la France, ont appelé à une réunion de ce conseil pour traiter de l’intervention turque dans le nord de la Syrie, réunion qui se tiendra ce jeudi. Mais, comme cela a déjà été évoqué, les gouvernements européens craignent qu’en prenant des mesures contre la Turquie, cette dernière ne cesse de maintenir les 4 millions de réfugiés, essentiellement de Syrie, sur son territoire, et de déclencher ainsi une nouvelle crise migratoire européenne.

5 pays européens membres du Conseil de Sécurité ont appelé à une réunion au sujet de l’offensive turque en Syrie

Le grand vainqueur de cette crise pourrait bien être, une nouvelle fois, Vladimir Poutine, qui verrait Ankara devoir se rapprocher encore plus rapidement de Moscou, face à l’embargo occidental sur les armes promis par le Congrès américain. Mais l’on est en droit de se demander si cette fin n’est pas, en réalité, inéluctable, tant la défiance entre les autorités turques et l’occident devient sévère. Peut-on vraiment considérer aujourd’hui la Turquie comme un membre à part entière de l’OTAN, alors même que le pays serait visé par des sanctions comparables à celles qui visent la Russie ?

La volonté de D.Trump de sortir du traité Ciel Ouvert menace-t-elle la sécurité en Europe ?

Parmi les nombreuses initiatives non-concertées que le président D.Trump, en pleine campagne pour un second mandat, a lancé ces dernières mois, la sortie des Etats-Unis du traité Ciel Ouvert peut apparaitre comme secondaire, face à la sortie du traitée INF déjà actée, celle du traité START sur la limitation des armes nucléaires souhaitée par le président, ou le retrait des forces américaines du nord de la Syrie, avec les conséquences que l’on connait. Pourtant, cette volonté du président américain, qu’il justifie par le fait que les autorités russes ne respecteraient pas les engagements du traité, se voit, une nouvelle fois, attaquée par de nombreux sénateurs et représentants démocrates, ainsi que quelques personnalités du camps républicain.

Signé à Helsinki en 1992 par les anciens membres du Pacte de Varsovie et de l’OTAN, le traité, qui rassemble 34 états, sera promulgué le 1er janvier 2002, après une ratification américaine en 1993, et une ratification russe en 2001. Depuis, huit nouveaux états l’ont rejoint, la Suède, la Finlande, les Etats Baltes et 3 états de l’ex Yougoslavie (Croatie, Slovénie et Bosnie-Herzegovine). Le traité prévoit que chaque état peut mener des vols d’inspection des infrastructures et forces militaires dans un autre pays de l’organisation, et qu’il doit, en retour, autoriser le même nombre de vols sur son territoire de la part des membres signataires. Les appareils menant ces vols peuvent être équipés de moyens d’observation vidéo, infrarouge et d’imagerie radar aux performances normées et controlées.

Selon la Maison Blanche, la Russie ne respecterait pas ses engagements en matière d’autorisation de survol, notamment en ayant, pendant plusieurs années, tergiversé sur le modèle d’appareil qu’elle pourrait utiliser pour remplacer ses Tu-154 assignés à cette mission, ou en prétextant des risques opérationnels pour dénier des autorisations de vol au dessus, par exemple, de l’enclave de Kaliningrad. De fait, l’administration américaine considère qu’elle pourrait faire un meilleur usage du quart de milliard de dollars que coute, chaque année, l’entretien des deux OC-135 dédiés à cette mission.

Les autorités ont fini, en 2018, par sélectionner le Tu-214 pour mener les missions Ciel Ouvert en remplacement des Tu-154

Pour les opposants à cette décision, le retrait des Etats-Unis du traité donnerait à la Russie une excellente excuse pour s’en retirer également, ce qui renforcerait la capacité de Moscou à déplacer des troupes et des forces, et donc d’en évaluer les risques. Ainsi, en 2015, c’est à l’occasion de ce type de vol en Ukraine que les Etats-Unis ont pu observer des forces russes redéployées dans le Donbass, et agir en conséquence. En outre, ces vols permettent de faire baisser les tensions ou de faire passer des messages, lorsque nécessaire.

Mais au delà des déclarations partisanes, et certains mêmes objectives, de la classe politique américaine sur ce sujet, on se doit de remarquer, qu’une fois encore, le président Trump entreprend une initiative qui engage l’ensemble de ses partenaires et alliés de l’OTAN, sans avoir préalablement pris ne serait-ce que la précaution de les en informer. La sortie du traité INF, justifiée par Washington par le missile 9M729 Novator russe qui ne respecterait pas les restrictions du traité, avait déjà été faite sans aucune concertation, et permet désormais à la Russie, comme aux Etats-Unis, de posséder et déployer des armes balistiques de moyenne portée et de portée intermédiaire sur le sol européen, faisant fi des enseignements de la crise des euromissiles de 1983, ou que plus aucun pays européens de l’OTAN ne dispose de ce type d’armements, qu’ils soient conventionnels ou nucléaires. De même, les menaces explicites contre le traité de limitation des armes nucléaires START, ou le traité Ciel Ouvert, ne feront qu’augmenter la capacité de menace de la Russie vis-à-vis des pays européens pour répondre au renforcement américain, alors même que cette menace était maitrisée jusqu’ici, même de manière imparfaite, par ces traités.

Le Système 9M729 Novator mis en cause par Washington pour la sortie du traité INF

Une chose est certaine, la destruction méthodique de l’ensemble des traités signés à la fin de la Guerre Froide, si elle libère probablement des marges de manoeuvre aux Etats-Unis pour contenir la puissance militaire chinoise grandissante et non contrainte par ces engagements, risque de dégrader significativement et rapidement la situation sécuritaire des européens, et donc leur dépendance à la protection américaine. Au final, ce sont donc bien les européens, et nuls autres, qui seront les grands perdants de ces décisions, prises à Washington

Les opérations turques dans le nord de la Syrie ont commencé

Les premiers éléments mécanisés de l’avant garde turque ont franchit la frontière syrienne ce matin, pour préparer ce qui s’annonce comme une opération massive de l’armée turque pour dégager une bande de 30 km entre la frontière turco-syrienne, et le territoire controlé par les forces kurdes du YPG. L’objectif annoncé par le président Erdogan est d’atteindre la ligne marquée par l’autoroute M-4, qui longe la frontière avec la Turquie, et qui mène jusqu’à la ville de Manjib, afin d’empêcher la création d’un état kurde jouxtant sa frontière. Les premières unités turques doivent ouvrir la voie à une force qui rassemblera, aux dires des officiels turcs, des dizaines de milliers d’hommes, ainsi que de nombreux chars, véhicules de combat d’infanterie et blindés de transport de troupe.

Les combattants kurdes ont immédiatement appelé toutes les forces à rejoindre la ligne de front, pour s’opposer à l’incursion turque. Les YPG, pour « Unités de Protection du Peuple », rassemblent 50.000 combattants kurdes en Syrie, dont 10.000 environs sont actifs. Elles peuvent être renforcées par les YPJ, ou « unités de protection des Femmes », qui rassemblent entre 10.000 et 20.000 volontaires. Selon les conséquences politiques et sociales de l’opération turque, il n’est pas exclut que des forces en provenance des Peshmergas, les forces du Kurdistan Irakien, soient amenées à intervenir pour renforcer les forces syriennes, même si les deux organisations d’entretiennent pas d’excellentes relations.

Lors de la bataille Aphrin, les combattantes du YPJ sont parvenues à détruire des chars Leopard 2A5 des forces turques à l’aide de missiles antichars.

Ces forces ont montré d’excellentes qualités opérationnelles face à Daesh, face aux forces syriennes loyalistes et même face aux forces turques. Elles sont en partie équipées par des équipements occidentaux, fournis par les Etats-Unis et les Européens, et disposent, notamment, de missiles antichars et de missiles antiaériens portables. Elles ne disposent pas de forces lourdes, d’artillerie structurée ou d’aviation, mais ont l’avantage de connaitre parfaitement le terrain, et d’avoir pu préparer, depuis quelques mois, des positions défensives renforcées, qui rendront la progression des forces turques difficiles, et probablement couteuses en matériel comme en hommes.

Un hélicoptère de combat léger T_129 Atak des forces syriennes au dessus de véhicules de transport de troupe blindés à la frontière Syrienne

La position américaine reste, elle, très ambiguë. Officiellement, les forces américaines déployées dans la zone aux cotés des forces kurdes n’ont pas été retirées, mais le président Trump a indiqué qu’elles ne « s’opposeraient pas » à une intervention turque, tout en précisant que si la Turquie « allait trop loin », elle en paierait le prix …. Cette position, jugée incompréhensible pas de nombreux parlementaires américains, qu’ils soient démocrates ou républicains, est considérée comme un blanc sein donné au président Turc par de nombreux spécialistes, et comme un abandon des alliés kurdes par les Etats-Unis, entamant une nouvelle fois l’image du pays dans ce domaine.

Le président E.Macron a reçu hiers mardi les représentant du YPG à l’Elysée, mais la position française, comme celle de l’ensemble des européens, est largement contrainte par les 4 millions de réfugiés qui restent en Turquie, que le président Erdogan peut à tout moment lâcher sur l’Europe, créant ainsi une nouvelle crise migratoire. Aucune information n’est donnée concernant les forces spéciales françaises que l’on suppose présentes dans la région, mais il est peu probable qu’elles adoptent une posture différente de celle des FS Américaines.

S’ils n’ont pas de moyens lourds, les combattants du YPG sont aguerris, mobiles, et ont l’avantage du terrain

Quoiqu’il en soit, l’opération turque lancée ce matin va probablement rencontrer une opposition kurde très importante, et organisée. Il faudra à l’Armée turque faire montre de compétences et de détermination pour emporter la décision face à des forces aussi aguerris que les combattants kurdes. En 1995, les forces russes, à Grosny, avaient fait l’experience de ce qu’une force d’infanterie mobile et aguerrie pouvait infliger à des forces mécanisées, et ce malgré des équipements jugés très performants, comme le T80. Si le déclenchement de cette opération était effectivement devenue indispensable au président Erdogan pour conserver sa crédibilité, elle pourrait bien être, à terme, le tombeau de ses ambitions, si les forces turques ne parvenaient pas à atteindre leurs objectifs avec des pertes limitées, et dans des délais courts.

Les Pays-Bas commandent 9 F35A supplémentaires pour satisfaire aux besoins opérationnels

Après la Norvège, c’est au tour des Pays-Bas de revoir à la hausse leur flotte de F35A. Les autorités bataves ont en effet confirmé qu’elles prévoyaient d’acquérir 9 avions F35A pour compléter la flotte de 37 appareils commandée jusqu’ici. Le montant de la commande s’élèverait à 1,1 Md$, et intégrerait des pièces de rechange, un simulateur et le soutien nécessaire pour permettre aux forces aériennes néerlandaises de poser les bases d’un troisième escadron opérationnel.

A l’issue d’une compétition tendue qui opposa le F35A, le Rafale, le Typhoon et le Gripen Suédois, les Pays-Bas commandèrent à Lockheed 85 F35A, sur des caractéristiques techniques et des représentations financières théoriques puisque l’appareil ne volait pas encore, pour un montant de 5,5 Md€. En 2013, face à l’explosion des couts du programme, et dans la dynamique globale en Europe de réduction des dépenses de Défense, cette commande fut ramenée à 37 appareils, et son montant à 4,5 Md€. Mais maintenir une posture opérationnelle permanente avec moins de 40 appareils est une tache très difficile, pour ne pas dire impossible. Outre les appareils en maintenance, qui représentent toujours la moitié du parc des F35A, un certain nombre d’appareils doit être dédié à l’entrainement des pilotes, d’autres à la Défense du ciel, et certains doivent répondre aux sollicitations de l’OTAN. En outre, les appareils qui sont déployées hors du pays, que ce soit pour des exercices, des missions de réassurance, ou pour des opérations exterieures, doivent disposer d’un potentiel[efn_note]représente le nombre d’heures de vol qu’un appareil peut effectuer avant de devoir passer une visite de maintenance lourde[/efn_note] suffisant pour pouvoir assurer un certain nombre de missions, et disposer d’un potentiel de réserve si besoin.

un F35A et un F16 des forces aériennes néerlandaises encadrent un avion ravitailleur KDC-10

De fait, les forces aériennes hollandaises sont, comme les forces norvégiennes avant elles, arrivées à la conclusion qu’il était indispensable de disposer d’un troisième escadron de chasse pour satisfaire à ce cycle opérationnel, pourtant de relativement basse intensité, puisque les Pays-Bas ne participent qu’à peu d’opérations exterieures ces dernières années. D’ou la nouvelle commande annoncée aujourd’hui, qui d’ailleurs laisse présager d’une commande complémentaire de 9 appareils, qui sera probablement nécessaire pour disposer de 3 escadrons pleins. Reste que les autorités néerlandaises sont parvenues à passer d’une commande de 85 appareils à 5,5 Md€ en 2008, à une commande totale de 46 appareils pour 5,5 Md€ en 2019. De quoi forcer le respect !

En revanche, force est de constater que le prix unitaire du F35A est effectivement à la baisse depuis quelques temps. Ainsi, cette nouvelle commande de 9 appareils, accompagnés d’un simulateur et de pièces de rechange, le prix unitaire de l’appareil passe largement sous la barre des 100 m€ en condition de vol. Il ne faut cependant pas omettre que le gros des investissements, en matière d’infrastructures, de bancs de maintenance, et de formation des personnels, aura été financé lors de la commande précédente. En revanche, les couts de maintenance de l’appareil semblent ne pas vouloir montrer des signes de fléchissement, est restent dramatiquement élevés, au delà de 30.000 $ par heure de vol.

Avec seulement 27 F35, les forces aériennes Danoises vont, elles aussi, rencontrer d’importantes difficultés pour assurer leurs missions de temps de paix.

Cette commande devrait interroger certains autres clients du programme F35A, comme la Belgique avec 34 appareils, ou le Danemark avec 27 appareils, qui eux aussi ont commandé des micro-flottes, et qui vont rapidement devoir faire face aux mêmes contraintes que les forces aériennes néerlandaises. On peut se demander à quel point ces limites étaient effectivement inconnues du constructeur, mais également des autorités militaires qui ont encadré les processus de sélection des programmes. En effet, la Marine Nationale française, qui pourtant n’a pas les contraintes opérationnelles d’une force aérienne unique, a depuis longtemps fait savoir qu’elle devait s’appuyer sur 3 flottilles, et plus de 40 appareils en parc, pour assurer un volume d’opérations cohérent, tout en maintenant un niveau d’entraînement suffisant pour ses équipages. En outre, les difficultés de maintenance d’un appareil comme le F35A, qui nécessite plus de 35 heures de maintenance par heure de vol, sont elles aussi connues depuis plusieurs années.

Au delà des questions purement techniques de gestion de flotte, les tensions qui ne cessent d’apparaitre, à l’Est de l’Europe, au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique, devraient également alerter au sujet du format des flottes aériennes conçu au plus juste, pour des missions de temps de paix. Un pays comme la Russie, qui n’a qu’un PIB double de celui des Pays-Bas, construit chaque année 45 à 50 nouveaux avions de combat pour ses forces aériennes, soit plus qu’il n’y en aura dans la force aérienne batave. De quoi s’interroger sur la validité des formats des forces aériennes de nombreux pays européens …

La Corps de Marines n’est pas « optimisé » pour faire face à la Chine ou la Russie

Dire que la montée en puissance des forces militaires chinoises et russes est au coeur des préoccupations du Pentagone serait un doux euphémisme. Mais ce qui interpelle le plus aujourd’hui, ce sont les nombreuses déclarations d’officiers généraux au sommet de la hiérarchie, qui considèrent que ces deux pays pourraient avoir l’ascendant militaire sur les Etats-Unis, si un affrontement devait se produire.

C’est le cas du général David Berger, nouveau commandant du Corps des Marines des Etats-Unis. Dans sa première allocution publique depuis sa prise de fonction en juillet 2019 à la très influente et très respectée fondation Heritage, le général Berger a déclaré que le corps, perçue au Etats-Unis comme une unité d’élite, n’était pas prêt à affronter des adversaires comme les forces russes ou chinoises, et d’ajouter que le corps n’était tout simplement pas prêt à une guerre de haute intensité. En précisant sa pensé, le général américain a insisté sur l’efficacité des systèmes de déni d’accès navals et aériens, mais il indiqua également que, selon lui, l’US Marines Corps, et l’US Navy avec lui, avaient perdu la capacité à soutenir des actions navales, aéronavales et amphibies de grande envergure et de longue durée, comme celles qui seraient requises dans le Pacifique si un conflit devait s’y déclarer.

Le Corps de Marines est spécialisé dans l’assaut amphibie et dispose pour cela de nombreux véhicules amphibie, comme l’AAV7.

Bien souvent, lorsqu’un officier général dans la position du général Berger tient se type de discours, c’est pour demander des moyens supplémentaires, comme ce fut le cas par exemple du général norvégien Rune Jakobson il y a quelques jours. Mais là n’est pas la position de l’officier américain. Au contraire, conscient que le pays allait probablement faire face à des difficultés économiques dans un avenir proche, il a indiqué que les solutions devaient se trouver « dans le Corps des Marines lui-même », et pas dans la poche de ses concitoyens. Pour cela, les Marines américains allaient devoir re-acquerir les savoir-faire de la guerre de haute intensité, et des fondamentaux ayant fait la réputation de ce corps, comme les opérations amphibies.

L’intervention du Général Berger est en phase avec celles de nombreux officiers généraux, notamment français, qui s’inquiètent aujourd’hui des capacités insuffisantes des forces qui leurs sont confiées en matière de combat contre un adversaire technologique majeur comme la Russie ou la Chine. En effet, ces deux pays ont reconstruit leur outil de défense sur cette seule hypothèse, et ont donc fait leurs arbitrages technologiques, materiels et humains à la seule fin de constituer une force optimisée pour le combat de haute intensité. A l’inverse, les pays occidentaux, et notamment ceux qui, comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou la France, ont été très engagés dans des opérations exterieures, ont pendant deux décennies cherché à transformer leurs forces, initialement conçues pour la haute intensité, vers un modèle de guerre de moyenne ou basse intensité, voir de guerre hybride. C’est ainsi qu’apparurent, par exemple, les brigades Stryker de l’US Army, dont la fonction était précisément de pouvoir être très rapidement déployées par des moyens aériens, et d’être optimisées pour faire face à des engagements asymétriques, comme ceux rencontrés en Afghanistan ou en Irak.

Les unités du corps de Marines ont massivement été déployées en Afghanistan et en Irak lors des interventions américaines.

Malheureusement, au basculement de la nouvelle décennie de 2010, il devint rapidement évident que le contexte géostratégique évoluait rapidement, et que la Russie comme la Chine étaient engagées dans une profonde transformation de leurs outils militaires, de leurs doctrines, ainsi que de leurs ambitions. Il fallut cependant attendre l’annexion de la Crimée, la guerre du Donbass, et l’annexion de la Mer de Chine, pour que les grandes puissances occidentales admettent, sans pour autant agir, que les paradigmes des années 2000 étaient révolus. Et il fallut encore quelques années à ces pays pour se convaincre de la nécessité de re-capitaliser l’outil militaire. De fait, dans la majorité des pays de l’OTAN, l’augmentation effective de l’effort de Défense n’est intervenue qu’après 2015, soit 10 ans après l’engagement des premières réformes russes et chinoises.

La problématique de ces combats de haute intensité est déjà au coeur des réformes en cours dans l’US Army, et le sera très probablement pour les programmes de planification à venir des forces armées européennes. Reste qu’entre aujourd’hui et l’obtention d’une force adaptée à ce type d’engagement, et disponible en volume suffisant, se passera entre 15 et 20 années, durant lesquelles l’Europe restera très vulnérable, faute d’une anticipation et d’une prise en compte suffisante au niveau politique de cette menace. De part sa supériorité démographique et économique sur la Russie, l’Europe pourrait réduire sensiblement ce délais, laissant toute liberté aux Etats-Unis pour contenir la puissance chinoise. Encore faudrait-il que la prise de conscience se fasse au niveau politique, et ce dans des délais courts. Car si les programmes européens, comme SCAF, Tempest et MGCS, se préparent aujourd’hui pour le monde de 2040, ils laissent l’Europe très vulnérable entre 2020 et 2040, sans que cela ne semble inquiéter personne ….

L’OTAN et l’US Army préparent un exercice de renforcement massif des défenses européennes

Depuis quelques années, les exercices de l’OTAN prennent du volume, à l’instar des exercices annuels russes. Ainsi, en 2020, l’exercice Defender 2020 sera l’occasion de tester les capacités de renforcement massif des défenses européennes, avec le déploiement de 3 brigades blindées et d’une brigade d’artillerie de l’US Army, dans des conditions les plus proches possibles d’un scénario de crise.

Pendant la guerre froide se tenait chaque année l’exercice Reforger, qui consistait à amener en Europe un nombre important de troupes venant des Etats-Unis qui utilisaient les équipements prépositionnés en Allemagne, pour tenir notamment la fameuse « trouée de Fulda » au centre de l’Allemagne Fédérale, identifiée comme l’axe majeur de progression d’une attaque blindée du pacte de Varsovie. Avec la fin de la Guerre Froide, l’exercice Reforger perdit rapidement de son intérêt, et les couts représentés par les materiels pré-positionnés en Allemagne devinrent rapidement des cibles de choix pour des économies budgétaires. Mais depuis 2008 et la guerre de Georgie, suivie en 2013 par l’annexion de la Crimée et en 2014 par la guerre du Donbass, les risques de devoir faire face à un conflit armé de haute intensité en Europe réapparurent et s’amplifièrent rapidement.

Le missile balistique Iskander russe peut déjouer les défenses anti-missiles de l’OTAN, et frapper les infrastructures sensibles de l’alliance comme des dépôts de carburant, des centres logistiques ou de communication

Bien que la Russie ne soit pas l’Union Soviétique, et qu’elle n’en ait ni la puissance économique, ni démographique, le pays est parvenu en pas même deux décennies à reconstituer une force militaire de premier rang, dépassant significativement les capacités défensives conventionnelles des forces européennes, pourtant 4 fois plus nombreux et 10 fois plus riches que les Russes. Avec 2500 chars de combat en ligne, 10.000 blindés chenillés, 2000 pièces d’artillerie mobile, 2000 hélicoptères de combat et 1200 avions de combat, les forces russes surpassent en nombre, et souvent en qualité, ce que pourraient effectivement mettre en oeuvre l’ensemble des pays européens pour assurer leur propre défense. En outre, les ingénieurs russes sont parvenus à doter le pays de quelques systèmes d’arme à très forte valeur ajoutée, comme le missile hypersonique Kinzhal, les systèmes de défense anti-aérien multi-couches S400/Buk/Tor ou le missile balistique à courte portée Iskander, agissant comme des multiplicateurs de forces face à des défaillances occidentales bien identifiées.

Dès lors, et comme durant la Guerre Froide, l’Europe dépend aujourd’hui de renforts venus des Etats-Unis et du Canada dans le cadre de l’OTAN pour atteindre une capacité défensive suffisante pour dissuader tout aventurisme militaire de la part de le Moscou. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’exercice Defender 2020 a pour but, comme c’était le cas des exercices Reforger, de tester le bon déroulement des procédures de renforcement, mais surtout de montrer que Washington a les moyens, et la volonté, de défendre ses alliés européens, ce message s’adressant d’ailleurs aussi bien à Moscou qu’aux capitales européennes elles-mêmes.

Une partie des véhicules blindés seront déployés par avion C17 Globemaster, comme ici ce véhicule de combat d’infanterie Bradley M2

Et pour cet exercice, l’US Army mobilisera de très importantes forces, avec 29.000 hommes sur les 37.000 participants à l’exercice ainsi que 33.000 pièces d’équipements dont 20.000 viendront des Etats-Unis et 13.000 des stocks prépositionnés. Contrairement aux exercices Reforger, l’exercice Defender 2020 ne se limitera pas à renforcer l’axe principal d’attaque en Allemagne, mais se repartira sur 10 pays, dont les pays Baltes, la Pologne, la République tchèque et même la Georgie, autant de cibles potentielles à défendre. Les forces américaines et européennes devront se déployer à partir de 14 ports et aéroports européens de 8 pays, via 12 itinéraires de convoie différents, pour renforcer les forces de ligne. Enfin, l’exercice se tiendra conjointement et concomitamment à 5 autres exercices de l’OTAN à base régionale.

Defender 2020 ne sera pas le plus important exercice de l’OTAN depuis la fin de la Guerre froide, l’exercice Trident Juncture 2018 avait, par exemple, rassemblé 50.000 personnels de 31 nations, 10.000 véhicules, 250 avions et 65 navires de guerre. En revanche, c’est incontestablement le plus ambitieux pour l’US Army, qui renoue avec un scénario longtemps mis de coté, et qui reprend les rênes de La Défense européenne. C’est également le signe d’un changement profond de priorité au Pentagone, avec le retour des problématiques haute intensité en Europe, mais également dans le Pacifique, avec l’exercice Defender 2020 Pacifique.

Le deplacement des forces sera un des points clés de l’exercice Defender 2020, et notamment les capacités de deplacement ferroviaire.

Reste qu’il est difficile de justifier qu’une puissance économique, démographique et politique comme l’Union européenne, soit contrainte d’attendre une aide militaire en provenance des Etats-Unis pour être en mesure de faire face au challenge militaire de la Russie, un pays dont la population est égale à celle du couple franco-allemand, et dont le PIB est inférieur de 25% à celui de la France. Pour être crédible et peser sur la scène internationale, l’Europe doit commencer par être en mesure d’assurer sa défense par ses propres moyens, ce qui ouvrirait, très probablement, des perspectives géopolitiques nouvelles et assurerait une paix stable en Eurasie.