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La menace des drones d’attaque sur les navires de surface est-elle transitoire ?

Mi-février 2024, un rapport obtenu par la chaine américaine CBS, mit en évidence la menace des drones d’attaque sur les navires de surface, et en particulier sur les destroyers et croiseurs de l’US Navy.

Celui-ci affirmait, en effet, que les escorteurs américains déployés en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, avaient déjà tiré presque une centaine de missiles antiaériens Standard SM-2 et SM-6, pour intercepter les missiles, et surtout les drones lancés par les rebelles Houthis contre eux, ou contre les navires marchands escortés.

Ces drones Houthis, comme les drones de surface employés par les Ukrainiens en mer Rouge, ont fait apparaitre une nouvelle menace, contre laquelle les unités d’escorte navales alliées, ne sont pas équipées efficacement, provoquant une utilisation rapide et peu efficace de missiles antiaériens onéreux, sans pouvoir remplacer, à la mer, les missiles tirés. La situation est encore plus préoccupante pour la Marine russe, obligée de mettre fin à la majorité de ses opérations navales en mer Noire.

Dans ces conditions, de nombreuses voix se sont élevées pour mettre en évidence la menace drone sur les navires militaires, allant jusqu’à remettre en question la pertinence, pour les états, de se doter d’une couteuse marine militaire de surface, incapable de se prémunir contre ces drones peu onéreux et pouvant être employés simultanément en grand nombre, pour saturer les défenses, et en venir à bout.

Alors, les drones vont-ils signer l’arrêt de mort des grandes unités de surface navales ? C’est loin d’être certain, car les parades, pour répondre à ces menaces, existent déjà, et sont activement déployées à bord des navires militaires.

Utilisation massive de drones d’attaque en mer Rouge et épuisement des magasins des navires d’escorte

Depuis le début des attaques, en novembre 2023, les rebelles Houthis ont lancé de 300 à 350 drones, ainsi qu’une centaine de missiles antinavires, pour une cinquantaine d’attaques contre les navires marchands croisant en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, ainsi que contre la vingtaine de destroyers et frégates occidentales évoluant dans cette zone, pour les protéger. Plusieurs navires marchands ont été endommagés, et un cargo battant pavillon du Bélize, le Rubymar, a coulé suite à ces attaques, le 2 mars 2024.

Cargo Rubymar coulé mer rouge
Le cargo Rubymar a coulé après avoir été touché par des drones d’attaque Houthis au debut du mois de mars 2024

Pour protéger ce trafic commercial, depuis le début de cette campagne Houthis « en soutien à la cause Palestinienne », l’US Navy, mais aussi la Royal Navy, la Marine nationale, ainsi que plusieurs autres Marines occidentales, ont déployé des destroyers et des frégates. Jamais, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les marines occidentales n’avaient tiré autant de missiles, et abattu autant de vecteurs aériens, que lors de cette mission.

En dehors de quelques incidents spécifiques, concernant la frégate allemande Hessen, et la frégate danoise Iver Huitfeldt, les navires d’escorte occidentaux, comme leurs systèmes embarqués, se sont bien comportés face aux drones et missiles Houthis, y compris contre les missiles balistiques antinavires interceptés par des missiles Aster 30 français et SM-6 américains.

Toutefois, l’intensité des tirs Houthis a rapidement mis à mal les magasins de missiles et VLS des escorteurs déployés. Ne pouvant être réapprovisionnés à la mer, ces navires ont fait davantage usage d’autres moyens au fil du temps, comme les missiles sol-air à courte portée ESSM ou Ram, l’artillerie navale de 127 et 76 mm, et même leurs hélicoptères embarqués, pour intercepter les drones Houthis, des cibles relativement lentes et faciles à intercepter.

Pour autant, s’agissant d’intercepter les drones restés hors de portée pour attaquer les navires marchands, ainsi que les missiles de croisière plus rapides, les missiles à moyenne et longue portée Aster et SM-2, ont souvent été privilégiés, épuisant rapidement les réserves des navires, et limitant, donc, leur autonomie de combat.

Aster frégate Alsace
Bien que très efficaces, les missiles surface-air à moyenne et longue portée, n’ont pas été conçus pour intercepter des drones légers et économiques.

Dans le même temps, de nombreuses questions sont apparues, quant au dimensionnement de ces magasins, jugés trop réduits, y compris pour les destroyers de l’US Navy et leurs 90 à 96 silos verticaux, pour soutenir une telle activité, et surtout pour faire face à de possibles attaques massives et coordonnées, visant à saturer ces systèmes de défense, en épuisant leurs missiles.

L’Ukraine neutralise la flotte en mer Noire russe avec des drones d’attaque de surface

Si les drones Houthis posent un sérieux problème aux marines occidentales en mer Rouge, les drones de surface Ukrainiens, eux, sont effectivement parvenus à repousser la puissante flotte de la mer Noire russe, y compris au-delà de son port d’attache de Sevastopol.

Ainsi, 7 des 17 grandes unités navales russes coulées ou endommagées, depuis le dragueur de mine Ivan Golubets, le 29 octobre 2022, jusqu’au grand navire de débarquement de chars Tsezar Kunikov, le 24 mars 2024, l’ont été par les petits drones de surface envoyés par les Ukrainiens, parfois jusqu’au port de Novorossiysk, de l’autre côté de la mer Noire.

À l’inverse des drones aériens Houthis employés en mer Rouge, contre lesquelles les marines occidentales disposaient d’armes somme toute efficaces du point vu opérationnel, les drones de surface ou semi-submergés ukrainiens, comme le Sea Baby ou le Magura V5, ont pris au dépourvu les navires russes, souvent incapables de s’en protéger.

drones d'attaque Ukrainiens
Le Olenegorsky Gonyak, attaqué près du port de Novorossiysk par des drones navals ukrainiens.

Au fil du temps, des parades ont été déployées par la Marine Russe, alors que les Ukrainiens produisaient de nouvelles versions de leurs drones d’attaque navals, leur permettant de les contourner.

Notons, à ce titre, que les ukrainiens ont privilégié les drones de surface, et non aériens. En effet, comme les marines occidentales, la Marine russe dispose de moyens bien plus performants face à des cibles aériennes, que contre des cibles de surface de très petite taille et rapides.

Les frégates et destroyers mal équipés face à ces menaces émergentes

Qu’il s’agisse de lutter contre les vagues de drones aériens Houthis, ou contre les flottilles de drones de surface Ukrainiens, les navires d’escorte, occidentaux comme russes, étaient donc mal équipés contre ces types de menaces, lorsqu’elles sont apparues.

Destroyers, frégates et corvettes étaient, en effet, conçus pour lutter contre des unités navales militaires majeures, à minima de la taille d’un patrouilleur, ou contre des cibles aériennes rapides et relativement imposantes, comme les avions de combat, les hélicoptères navals, ou encore les missiles antinavires.

Si la menace drone, dans le domaine naval, est apparu il y a une dizaine d’années, il ne s’est longtemps agi que de drones de reconnaissance légers, traités par des armes elles-aussi légères, ou de drones de type MALE, contre lesquels les missiles antiaériens étaient justifiés.

SM-3 Burke
Les magasins des destroyers et frégates ont été dimensionnés pour faire face à des menaces de missiles ou d’aéronefs, beaucoup plus onéreux que les drones Houthis, qui necessitent pourtant le même missile pour être interceptés.

En revanche, rien n’était expressément conçu pour contrer des drones d’attaque beaucoup plus économiques que les missiles de croisière antinavires, ni contre des drones d’attaque de surface, ayant à peine la taille d’un hors-bord ou d’un RHIB, d’autant que l’un comme l’autre sont mis en œuvre en groupe, pour mener des attaques coordonnées visant à diviser les défenses des navires visés, ou de leur escorte.

C’est souvent à ce niveau de l’analyse, que certains ont vu une trajectoire de supériorité majeure des drones et systèmes autonomes, contre les couteuses unités de surface, prédisant, alors, la fin des Marines de haute mer, de leurs destroyers et frégates, mais aussi de leurs grandes unités amphibies et des porte-avions.

Les réponses technologiques à la menace navale des drones arrivent

Si les escorteurs sont, aujourd’hui, le plus souvent dépourvus des technologies adaptées pour répondre efficacement à ces deux types de menace, celles-ci existent déjà. Certaines marines ont d’ailleurs pris le parti d’en équiper partiellement, mais rapidement, certains de leurs navires, ou tout simplement de faire évoluer leur doctrine d’emploi, pour permettre l’utilisation des systèmes existants à cet effet.

Utilisation accrue de l’artillerie navale et les nouveaux dispositifs électro-optiques de surveillance et conduite de tir

La première des alternatives aux couteux missiles, repose sur l’utilisation, plus intensive, de l’artillerie navale, déjà disponible à bord des destroyers et frégates. Ainsi, si les premières interceptions par missiles de drones Houthis par l’US Navy, remontent à la mi-novembre 2023, il faudra atteindre plus d’un mois, pour qu’un de ses destroyers, l’USS Carney, utilise son canon de 127 mm pour abattre ce type de cible.

Frégate Lorraine Paseo XR
Installation du Paseo XR sur la frégate Lorraine repéré par Navalnews.com.

L’exemple du destroyer américain a rapidement été suivi par d’autres unités navales, américaines comme européennes, les frégates britanniques, françaises, allemandes ou italiennes, ayant rapporté avoir abattu des drones Houthis à l’aide de leur artillerie navale, à une ou plusieurs reprises.

Il faut dire que celle-ci compense une bonne partie des défauts des missiles employés jusque-là : non seulement les obus sont-ils considérablement moins onéreux que les missiles, dans un rapport pouvant atteindre 1 pour 200, mais le navire dispose d’une grande quantité de ce type de munitions à son bord, et peut, sans aucun mal, recharger la pièce à la mer.

Dans ce domaine, la Marine nationale a même pris les devants, en installant, à bord de ses frégates, le système de surveillance et de conduite de tir balistique électro-optique Paseo XR, dérivé du Paseo qui équipe les EBRC Jaguar de l’Armée de Terre, pour améliorer la détection, l’engagement et la destruction, des cibles aériennes ou navales, y compris lorsque le navire évolue en émissions restreintes, pour préserver sa discrétion.

Les missiles antiaériens et polyvalents légers à très courte portée

La seconde alternative pour renforcer les capacités d’auto-protection de ces navires d’escorte, repose sur l’utilisation de missiles antiaériens légers, à courte ou très courte portée, pour renforcer les capacités CIWS (Close-In Weapon System ou Système d’arme à courte portée) du navire.

Contrairement aux missiles antiaériens navals à longue portée, comme l’Aster 30 ou le SM-2, ou à moyenne portée comme l’ESSM, le CAAM ou le MICA VL, ces missiles légers, Stinger, Mistral, ou RAM, sont sensiblement plus économiques à l’achat, coutant de 10 à 50% du prix des missiles plus imposants.

SADRAL Charles de Gaulle
Les missiles sol-air à très courte portée, comme le Mistral 3, représentent une alternative economique et opérationelle pertinente face aux drones aériens. Leur autodirecteur infrarouge devrait également permettre d’engager des drones de surface, au besoin.

Ils sont aussi beaucoup plus légers. Il est ainsi possible, pour un navire à la mer, de recharger ses lanceurs après le tir, pour régénérer son potentiel défensif immédiat, pour peu qu’il dispose effectivement de munitions de réserve.

Enfin, l’autodirecteur infrarouge, dont ces missiles sont le plus souvent dotés, permet d’engager des cibles aériennes, y compris des drones, ainsi que des cibles navales, le cas échéant, y compris des drones d’attaque de surface.

Les CIWS de nouvelle génération qui arrivent

De nouveaux systèmes de protection rapprochée sont en cours de développement, voire de déploiement, et vont, rapidement, apporter des moyens supplémentaires tant pour se protéger des drones navals que des drones d’attaque aériens.

Le Rapid Fire de Thales, peut contenir une attaque simultanée de plus de 8 drones

C’est le cas, par exemple, du système CIWS Rapid Fire développé par Thales et Nexter, sur la base du canon CT40 qui arme l’EBRC jaguar français, ou l’Ajax britannique. Par son calibre de 40 mm, ce canon peut engager des cibles aériennes ou navales jusqu’à 4 km, venant créer un rideau défensif très efficace contre ce type de menace.

Thales Rapid Fire
Le RapidFire de Thales offre un excellent compromis de portée et de cadence de tir, pour optimiser le potentiel de contre-saturation d’une unité navale.

En effet, un drone volant à 200 km/h, va mettre 1min 16s pour parcourir les 4 km nécessaires jusqu’à sa cible. Le Rapid Fire, lui, peut se mettre en position de tir et tirer une salve de trois obus en cinq secondes seulement. En d’autres termes, un Rapid Fire, à lui seul, à un potentiel de contre saturation contre les drones aériens (200 Km/h), de 15 drones se présentant simultanément, à cette distance, puis d’un nouveau drone toutes les cinq secondes.

Même en considérant un taux d’impact, particulièrement bas, de 50 %, une unique pièce peut contenir une menace simultanée de 7 à 8 drones aériens d’attaque. Ce chiffre descend à 2 contre des missiles de croisière antinavires évoluant à 900 km/h, qui parcourent 15 km/ min. Au-delà, le Rapid Fire peut contenir un drone ou un missile, franchissant cette limite d’engagement à 4 km, toutes les 10 secondes (à 50%).

On comprend, ici, tout l’intérêt du calibre de 40 km, offrant un compromis très efficace entre la portée opérationnelle et la cadence de tir, pour obtenir un potentiel de contre-saturation le plus élevé possible.

Le LMP de Naval Group, un pouvoir d’arrêt de 8 missiles antinavires en saturation

Le Lanceur Modulaire Polyvalent, de Naval Group, est un autre dispositif offrant des capacités accrues de lutte contre les drones, qu’ils soient aériens ou de surface. Celui-ci permet, en effet, d’armer dynamiquement chacun de ses 4 modules, de 4 missiles Mistral 3, ou de 2 missiles Akeron MP, voire de 10 roquettes de 70 mm.

Ainsi, dans sa version anti-aérienne, le LMP offre un pouvoir d’arrêt pouvant atteindre 8 missiles antinavires, à raison de 2 Mistral par missile, ou de 14 drones, avec un taux d’impact supérieur à 85 %. Contre des drones navals, il peut employer jusqu’à 8 missiles Akeron MP, avec un taux d’impact très élevé, ou jusqu’au 40 roquettes de 70 mm, là encore, avec un pouvoir d’arrêt considérable contre ce type de menace.

LMP Naval group
Si le LMP n’a pas de potentiel de contre-saturation glissant, comme le Rapid Fire, il offre toutefois un excellent pouvoir d’arret contre les drones aériens et navals, ainsi que contre les missiles antinavires.

Comme évoqué précédemment, outre sa polyvalence, le LMP a l’avantage crucial de pouvoir être réarmé à la mer, permettant au navire de reconstituer son potentiel défensif rapidement, voire de l’adapter à l’évolution de la menace.

Qu’il s’agisse du Rapid Fire ou du LMP, ces systèmes permettent de réduire considérablement l’utilisation de missiles antiaériens à moyenne et longue portée, pour traiter des drones aériens, tout en offrant des capacités renforcées contre les drones de surface, surtout s’ils sont couplés à des systèmes de surveillance et de conduite de tir, comme le Paseo XR.

La portée réduite de ces systèmes, entre 4 et 8 km, est sans doute satisfaisante pour la protection du navire porteur. En revanche, pour ce qui concerne celle des navires escortés, il faudra à l’escorteur, soit assurer une grande proximité, ce qui réduit de fait le nombre de navires potentiellement escortés, soit faire tout de même usage de ses missiles, lorsque l’interception par ces moyens est impossible. Dans tous les cas, ces systèmes doivent être considérés en complément des systèmes existants, et non en substitution de ceux-ci.

Vers une transformation radicale du potentiel de contre-saturation instantanée des escorteurs navals

Les menaces posées par les drones aériens et de surface, telles qu’employés par les Houthis et les Ukrainiens, ne représentent, cependant, qu’un premier échelon dans l’évolution à venir de ces nouvelles armes.

En effet, pour l’heure, si l’un comme l’autre ont utilisé plusieurs drones simultanément, pour mener leurs attaques, celles-ci n’ont jamais fait l’objet de véritables schémas d’attaque coordonnée massifs visant à saturer les défenses instantanées adverses, par l’usage d’essaims ou, plus simplement, d’un grand nombre de drones simultanément.

Essaim de drones
L’arrivée des essaims de drones d’attaque navals, devrait intervenir dans les années à venir. Il convient de se doter des moyens pour s’en prémunir efficacement.

Or, c’est précisément ce vers quoi tendent les recherches entreprises dans de nombreux pays, y compris en Europe, avec un calendrier d’entrée en service désormais particulièrement proche.

Dans ce domaine, le calcul du potentiel de contre-saturation de l’artillerie navale, évoqué plus haut, compensé, ou pas, par le pouvoir d’arrêt de systèmes CIWS employant des missiles, va certainement devenir un paramètre clé dans l’évaluation de la survivabilité d’une unité navale, et donc dans son efficacité potentielle au combat.

En outre, l’ajout d’un unique RapidFire et d’un LMP, à bord d’une frégate, peut radicalement transformer sa survivabilité, mais aussi son autonomie au combat, en préservant l’utilisation de ses missiles principaux, aux cas les plus nécessaires.

Concernant les unités navales majeures, comme les grands navires amphibies et les porte-avions, ces systèmes permettront de sensiblement densifier les capacités de défense, tant contre les menaces classiques, tels les missiles antinavires, que contre les menaces hybrides ou émergentes.

Cette transformation est d’autant plus indispensable, qu’elle est, toute proportion gardée, peu onéreuse, y compris au regard des prix des missiles employés jusqu’ici, et d’autant plus urgente, que le niveau de menace actuel que représentent ces drones, n’est qu’un avant-gout de celui qui va émerger dans les années à venir.

Les armées danoises en pleine tourmente !

Rien ne va plus pour les Armées danoises. Bien que ne disposant que d’un budget relativement réduit, Copenhague ne consacrant, en 2024, que 1,5% de son PIB à son effort de défense, les armées danoises étaient, jusqu’à présent, considérées comme efficaces et professionnelles, au sein de l’OTAN.

Contrairement à certains autres pays européens, celles-ci avaient, en effet, fait montre de qualités lors d’opérations conjointes par le passé. Par ailleurs, si elles sont compactes en termes de format, elles disposaient d’équipements censés être performants, et bien entretenus.

Enfin, la position volontaire de Copenhague, dans son soutien à l’Ukraine, depuis le début du conflit, avait fait figure d’exemple dans ce domaine. Ce sont notamment des F-16 danois qui rejoindront, en premier, les forces aériennes ukrainiennes, alors que le pays n’a pas hésité à transfert à Kyiv ses 19 systèmes d’artillerie Caesar 8×8, pour répondre à l’urgence opérationnelle.

Cette image de performances et de fiabilité des armées danoises, vole progressivement en éclat, alors qu’elles font face, simultanément, à plusieurs incidents opérationnels et politiques, aussi inquiétants qu’ils ont le potentiel de profondément déstabiliser cet allié clé pour le théâtre scandinave de l’OTAN.

Les défaillances en série de l’armement de la frégate Iver Huitfeldt en mer Rouge

La première alerte est venue il y a quelques jours, lorsque le retour précipité au Danemark de la frégate Iver Huitfeldt, déployée depuis un peu plus d’un mois en mer Rouge et dans le golfe d’Aden, pour escorter les navires de commerce civils contre les missiles et drones Houthis.

frégate danoise Iver Huitfeldt
En mer rouge, la frégate antiaérienne Iver Huitfeldt a connu, coup sur coup, une defaillance de sons système ESSM, puis de ses canons de 76 mm.

Bien qu’il s’agisse d’une frégate de défense aérienne bien équipée, avec 32 missiles SM-2, 24 missiles ESSM et 2 canons de 76 mm, l’Iver Huitfeldt a frôlé le désastre, lorsque deux de ses systèmes anti-aériens clés, le missile ESSM et l’artillerie navale de 76 mm, rencontrèrent successivement des dysfonctionnements importants, alors que quatre drones Houthis se dirigeaient vers elle.

Si la frégate est finalement parvenue à détruire les quatre drones antinavires, ses problèmes amenèrent l’amirauté danoise à ordonner son retour au Danemark, d’autant que l’équipage n’était pas en mesure de les résoudre en mer.

Bien évidemment, l’affaire fit grand bruit dans le pays, d’autant qu’il est rapidement apparu que certains des problèmes étaient connus, mais volontairement ignorés, de longue date, et que d’autres étaient la conséquence de ce qui apparait comme des procédures hâtivement exécutées, pour transférer les équipements des frégates de la classe Niels Juel, qui les précédaient.

Une nouvelle catastrophe évitée de justesse à bord de la frégate Niels Juel avec un missile Harpoon

Si l’épisode du Iver Huitfeldt en mer Rouge ne suffisait, un second grave incident est survenu, le 3 avril, à bord de la frégate Niels Juel, la troisième et dernière unité de la classe Iver Huitfeldt, baptisée du nom de la précédente classe, évoquée dans le précédant paragraphe (histoire de rendre tout cela, pas clair du tout !).

Missile Harpoon
La procédure de vérification d’un des booster des missiles Harpoon de la frégate danoise Niels Juel, a engendré un important incident dans le port de Korsør.

Alors qu’elle effectuait une procédure de maintenance et d’essai classique de ses missiles antinavires Harpoon, dans le port militaire danois de Korsør, sur l’île de Zélande, la frégate ne parvint pas à désactiver l’activation du booster du missile, faisant porter un risque de voir le missile prendre l’air, et voler sur plusieurs kilomètres.

Le booster du Harpoon permet au missile de quitter son tube de stockage, et d’atteindre la vitesse de croisière, avant d’être éjecté pour laisser le turboréacteur embarqué du missile, prendre le relais, pour la suite du vol.

Si la Marine danoise affirme que ni le turboréacteur, ni la charge militaire du missile ne risquaient pas d’être activés, elle a toutefois fait évacuer un polygone de 7 km de côté face au missile, et de 1000 mètres d’altitude, si le missile viendrait à partir.

Le scandale en gestation de la commande des systèmes d’artillerie israéliens Atmos et PULS

N’en jetez plus, la cour est pleine ? Eh bien, non… Depuis les Tontons Flingueurs, tout le monde sait que « Les emmerdes, c’est comme les cons, ça vole en escadrille« . Et pour les armées de Copenhague, jamais la phrase de Michel Audiard n’aura été si pleine de sens.

Le 3 avril, un nouveau scandale en gestation a, en effet, émergé à nouveau au ministère de la Défense Danois, lorsque Troels Lund Poulsen, le ministre danois de la Défense, a annoncé par voix de communiqué, que la livraison des canons automoteurs israéliens Atmos, devant remplacer les 19 Caesar français envoyés en Ukraine, prendra 6 à 18 mois supplémentaires, par rapport au calendrier initial, tout comme les systèmes d’artillerie à longue portée PULS, commandés conjointement.

ATMOS
Les Atmos danois ne seront finalement pas livrés avant 2026, et couteront plus chers que prévu.

Selon l’Agence du matériel et des achats du ministère de la Défense danois, les systèmes danois ne parviennent pas à fonctionner conjointement avec les autres systèmes des armées danoises, nécessitant donc des délais de développement supplémentaires.

Or, la procédure qui aboutit à la sélection du système israélien, fut menée de manière très opaque, de sorte à exclure les autres offres, notamment celle du français Nexter. À l’époque, le ministre de la Défense par intérim, Jacob Ellemann-Jensen, avait expliqué qu’ils étaient pressés par le temps, ayant transféré l’ensemble de leurs tubes de 155 mm vers Kyiv, et que l’offre israélienne était la seule à répondre aux impératifs de délais, et de couts, imposés par l’appel d’offre Danois.

Cette procédure avait été vivement critiquée par les parlementaires danois, entrainant des excuses officielles de la part du ministre et la démission du secrétaire d’État permanent du ministère de la Défense.

Son rebondissement, aujourd’hui, pourrait bien engendrer encore davantage de dégâts. En effet, non seulement les délais promis par les israéliens ne seront pas tenus, mais les prix seront revus à la hausse. Pire encore, les danois vont devoir payer pour un developpement, qui avait déjà été financé… pour les CAESAR 8×8 envoyés en Ukraine.

Nexter Caesar 8x8
Le Danemark n’a pas voulu se tourner à nouveau vers le Caesar 8×8 de Nexter pour son artillerie, avant des questions de délais et de couts pour justifier son arbitrage envers l’Atmos israléien.

De fait, si Copenhague s’était tourné vers Nexter pour un simple réassort, non seulement les délais de livraison auraient été plus courts, mais les couts auraient été plus bas, alors que les armées, elles-mêmes, avaient déjà anticipé l’arrivée des Caesar français.

Si l’opinion publique danoise, comme les parlementaires du pays, avaient bien voulu feindre le désintérêt, concernant la conduite de ce programme pour privilégier l’offre israélienne, maintenant que les délais et les couts sont moins performants que les offres concurrentes, notamment celle de Nexter, on peut s’attendre à ce que le scandale aille grandissant, dans les jours à venir.

Le chef d’état-major des armées danoises paie l’addition et est démis de ses fonctions

Reste que, face à tous ces incidents, parfois potentiellement graves, et dysfonctionnement, apparus en moins d’une semaine, une réaction de la part du gouvernement, était bien évidemment nécessaire.

C’est le chef d’état-major des armées danoises, le général Flemming Lentfer, qui a été sacrifié par le ministre de la défense, Troels Lund Poulsen, pour tenter de contenir le scandale.

chef des armées danoises général Flemming Lentfer
Le général Lentfer, chef d’état-major des armées danoises, a été démi de ses fonctions le 3 avril.

L’officier général était la tête des armées danoises depuis 2020, et avait, auparavant, dirigé les acquisitions et la logistique du ministère de la Défense, à partir de 2017. Il constituait, dès lors, une cible de choix, pour endosser la responsabilité de ces échecs successifs, et est remplacé, de manière intérimaire, par le Major Général Michael Wiggers Hyldgaard, jusqu’à la nomination d’un nouveau chef d’état-major.

L’armée danoise, une armée Potemkine au bord de l’implosion ?

Pour autant, quelles que soient les responsabilités réelles ou supposées du général Lentfer, dans ces différents épisodes consécutifs, ils auront sévèrement détérioré la crédibilité des armées danoises.

La question se pose, désormais, de savoir à quel point, celles-ci sont effectivement opérationnelles, ou si, comme on peut le craindre, elles ne constituent pas une armée de représentation, sans réelles capacités de combat soutenues.

D’ailleurs, si la question se pose pour les armées danoises, elle devrait, également, être étendue à d’autres armées majeures, parfois européennes, dont l’efficacité opérationnelle peut être mise en doute, pour différentes raisons, comme les armées belges qui souffrent d’un déficit de moyens, les armées allemandes engoncées dans une chape législative, ou les armées italiennes, dont la combativité peut être questionnée.

F-16 Danois
les forces danoises, notamment les forces aériennes du pays, jouissent pourtant d’une réputation de fibailité et d’efficacité au sein de l’OTAN.

Alors que les tensions vont croissantes avec la Russie, et que la protection américaine peut-être remise en question, par l’élection de Donald Trump ou par l’émergence d’un conflit dans le Pacifique, il convient, en effet, de disposer d’un état des lieux objectif des moyens militaires effectivement disponibles, pour contenir cette menace, et pas d’un simple empilement théorique de moyens sans lien avec la réalité.

Car, si ces faiblesses peuvent échapper aux Européens, elles n’échapperont pas, en revanche, aux adversaires potentiels, ceux-là même que les armées européennes devront probablement dissuader, ou contenir.

Le Tampon d’exportation d’armement, le pari gagnant allemand et italien.

Si les prix et compensations industrielles ou politiques ont été au cœur des attributions de contrats d’exportation d’armement, ces trois dernières décennies, les délais de livraison sont devenus, depuis quelques années, l’un des principaux critères de sélection, dans ces dossiers.

Les chefs d’État et de gouvernement, en Europe et ailleurs, s’évertuent, en effet, à compenser, le plus rapidement possible, 30 années de bénéfices de la Paix, ayant laissé leurs armées exsangues et incapables de combattre.

Plusieurs pays, en Europe, ont anticipé ce bouleversement, et en tirent, désormais, d’importants bénéfices. L’Allemagne, comme l’Italie, ont ainsi entrepris de commander des équipements de défense surnuméraires auprès de leurs industriels, pour constituer des stocks, ou des capacités de production industrielles, afin de répondre à l’urgence des délais requis par leurs futurs clients.

76 des 105 Leopard 2A8 précommandés par Berlin iront en République tchèque.

En mai 2023, Berlin annonçait la commande de 123 nouveaux chars lourds Leopard 2A8, une évolution du Leopard 2A7HUN conçu pour les armées hongroises, et disposant, notamment, d’un système hard kill Trophy, d’une optronique améliorée, et d’un blindage modulaire renforcé.

Exportation d'armement Leopard 2A8 republique tchèqye
Le Leopard 2A8 est dérivé du Léopard 2A7HUN acquis par la Hongrie.

Toutefois, seuls 18 de ces 123 chars lourds, étaient effectivement destinés à la Bundeswehr, pour remplacer les 18 Leopard 2A6 prélevés sur son parc, pour être expédiés en Ukraine.

Les 105 blindés restants étaient, eux, commandés sur le budget allemand, mais destinés à l’exportation, permettant d’atteindre un volume initial de commande pour lancer production du nouveau char, tout en garantissant des délais de livraison courts à ses futurs clients.

Le pari de Berlin, et de KMW, a été payant. Non seulement la République tchèque vient-elle de commander 76 des 105 Leopard 2A8 précommandés par l’Allemagne, mais Budapest a, par ailleurs, validé l’acquisition de 28 Leopard 2A4 d’occasion, alors que la Bundeswehr va offrir deux dépanneurs de chars WZT Bergepanzer 3 aux armées tchèques.

Si plusieurs pays, dont les Pays-Bas, s’intéressent aux 29 Leopard 2A8 restants à saisir dans le stock allemand, d’autres se sont orientés vers des commandes directes auprès de KMW, la Norvège avec 54 exemplaires commandés en juin 2023, alors que l’Italie se dirige vers une commande de 132 Leopard 2A8 construits, en partie, sur place, une fois que la pérennité de ce modèle fut garantie par la précommande de Berlin.

2 PPA italiens classe Thaon di Revel vendus à l’Indonésie

Si le stock allemand a permis de sécuriser des commandes de chars de combat, l’Italie, pour sa part, a fait de même, avec ses frégates. Déjà, en 2020, Rome avait vendu au Caire deux frégates FREMM de la classe Bergamini. Les deux navires avaient directement été prélevés sur la flotte italienne, garantissant des délais de livraison particulièrement courts à la Marine égyptienne.

PPA Thaon di Revel
La Marine italienne a commandé 8 patrouilleurs lourds de la classe Thaon di Revel, en 3 versions d’armement.

La semaine dernière, c’était au tour de Jakarta d’officialiser la commande de 2 frégates PPA de la classe Thaon di Revel, pour un montant de 1,2 Md€. Jakarta devait, initialement, commander des six frégates FREMM italiennes, avec une construction locale.

Face à la pression opérationnelle croissante pour la Marine indonésienne, l’acquisition de navires prêts à l’emploi, a été privilégiée par Jakarta, dans ce dossier, même si ce sont des bâtiments aujourd’hui en construction, qui seront cependant livrés sur des délais courts.

On pourrait penser que perdre deux navires, prochainement livrables, pourrait courroucer la Marine italienne, surtout dans le contexte de tensions actuel. Cependant, tout indique que celle-ci n’a tout simplement pas le nombre d’équipages nécessaire, pour armer l’ensemble des navires commandés à ce jour.

La méthode du tampon d’exportation d’armement, appliquée par l’industrie de défense allemande et italienne

Dans les deux cas, Rome et Berlin ont appliqué une logique de tampon d’exportation des équipements de défense, en commandant, et finançant sur le budget des armées, un volume de matériels dépassant sensiblement les besoins de leurs armées.

Outre l’aspect purement commercial, avec des atouts évidents en termes de délais à l’exportation, cette approche produit d’autres avantages, parfois très significatifs. Rappelons, ainsi, qu’en passant de 17 à 8 frégates FREMM, sur fond de restrictions budgétaires, la Marine nationale a vu le prix unitaire de chaque navire plus que doubler entre 2008 et 2014.

Naval Group était, en effet, parvenu à concevoir un modèle de production à ce point optimisé, autour du programme FREMM initial, qu’il permettait de livrer un navire tous les 7 mois, pour à peine plus de 400 m€ par unité.

FREMM classe Aquitaine
Initialement, la Marine nationale devait commander 17 frégates FREMM pour remplacer les frégates T67 et T70, ainsi qu’une partie des A69.

Le détricotage méthodique de ce modèle, en plusieurs étapes, sous les présidences Sarkozy et Hollande, ramena le nombre de navires commandés à seulement huit unités, six de la classe Aquitaine, et deux de la classe Alsace à capacités antiaériennes renforcées, pour plus de 800 m€ par navire, et à raison d’un navire tous les 16 mois.

Pire encore, la Marine nationale due commander, pour 4 Md€, 5 frégates FDI supplémentaires, pour remplacer une partie des FREMM annulées, et conserver un format de 15 frégates de premier rang, exigé par le Livre Blanc de 2013. Au final, elle aura acquis 13 frégates pour un peu plus de 12 Md€, contre 17 pour 8 Md€, initialement planifiées.

Bien que plus modernes, notamment avec le Radar Seafire, les FDI de la classe Amiral Ronarc’h sont toutefois plus compactes, et surtout moins bien armées que les FREMM, avec seulement 2 VLS Sylver, contre 4 sur les classes Aquitaine et Alsace.

Sur la même logique inversée, en augmentant, ab initio, le volume des commandes, quitte à dépasser les besoins propres de ses armées, Rome comme Berlin se sont assurés d’obtenir des conditions commerciales et industrielles optimisées, tout en donnant, à leurs équipements, un positionnement concurrentiel important sur la scène internationale.

Une solution efficace, mais difficilement applicable en France, et ses armées d’emploi

Si cette solution est, de toute évidence, efficace des points de vue industriels comme commerciaux, elle impose, cependant, certaines contraintes difficilement contournables, pour un pays comme la France.

Caesar Armée de terre
Les armées françraises font face à une pression opérationelle bien plus intense que les armées allemandes ou italiennes.

En effet, contrairement à l’Allemagne et l’Italie, la France a une armée d’emploi, fréquemment déployées, y compris au combat, et sollicitées sur des théâtres complexes et risqués. Dans ce contexte, il leur est inabordable de consacrer une partie de leur budget d’acquisition d’équipements, pour constituer des stocks de matériels ne devant pas être utilisés, et destinés l’exportation.

Impossible, dans ces conditions, à la Marine nationale d’immobiliser plusieurs centaines de millions d’euros pour construire des coques de FDI supplémentaires, ou à l’Armée de terre pour construire des Jaguar ou des Caesar supplémentaires, pour en optimiser le processus industriels et accroitre leurs chances à l’exportation, alors que l’une comme l’autre, ont des besoins immédiats non couverts, comme l’installation de systèmes Hard-kill sur les Leclerc et VBCI, ou de SYLVER supplémentaires et de RapidFire sur les FDI, Horizon et FREMM.

C’est la raison pour laquelle la Marine nationale n’achète pas quelques sous-marins à propulsion conventionnelle à Naval Group, en dépit de l’intérêt commercial et industriel considérable qu’une telle mesure apporterait, étant obligée d’optimiser ses moyens budgétaires, pour répondre à ses trop nombreuses missions et zones de responsabilité.

Inverser les paradigmes de possession des équipements militaires, pour s’adapter à la demande

Alors, le Tampon d’exportation, et ses nombreux atouts, est-il définitivement hors de portée de la France et de son industrie de défense ? Pas nécessairement ! En effet, plusieurs solutions s’offrent à Paris, pour s’appuyer sur des modèles similaires.

FDI classe Amiral Ronarc'h
La commande de 3 FDI par la Grèce a permi de planifier une production de 8 navires de manière optimisée.

Le premier est d’ailleurs déjà mis en œuvre, que ce soit avec la Belgique dans le cadre du programme Camo, ou avec la Grèce, concernant les frégates FDI. Dans les deux cas, ces pays ont été intégrés dans le programme en début de processus industriel, de sorte qu’il a été possible, dès le départ, d’intégrer aux programmes concernés, les bénéfices d’une production étendue, en volume, comme dans le temps, pour en optimiser les processus et les prix.

Le second modèle a, lui aussi, déjà été mis en œuvre par la France, qui a vendu des équipements de défense à mi-vie à certains partenaires, comme cela a été le cas des 12 avions Rafale d’occasion vendus à la Grèce, puis autant, à la Croatie. Ce modèle a permis de créer une rotation d’équipements neufs pour l’Armée de l’Air et de l’Espace, tout en garantissant des délais de livraison exceptionnellement courts, et des tarifs d’acquisition compétitifs, à ses partenaires.

Le Rafale étant toujours en production, avec un carnet de commande bien rempli, et en marge d’une évolution majeure entrainant une divergence dans son arborescence de progression, ce modèle permet à l’Armée de l’Air de migrer une partie de sa flotte vers cette nouvelle génération (Rafale F5), tout en minimisant son impact budgétaire, et en soutenant les volumes.

Le dernier modèle, lui, n’est pas appliquée par la France, même s’il permettrait de calquer le tampon d’exportation allemand ou italien. Celui-ci supposerait, il est vrai, une certaine inversion de paradigmes, concernant la possession des équipements militaires.

Rafale B croate
Si la vente des Rafale d’occasion à la Grèce et à la Croatie, a quelque peu desorganisée l’Armée de l’Air et de l’Espace, elle permet à celle-ci d’acquerir des appareils plus modernes et plsu évolutifs en remplacement.

Ainsi, les équipements destinés à ce tampon, seraient acquis par un partenaire tiers, probablement privé, pour des raisons de conformité budgétaire européenne. Ils seraient alors prêts à être vendus sur la scène internationale, tout en étant employés par les Armées françaises, au travers d’un mécanisme de location.

Bien évidemment, les armées devraient considérer ces équipements disponibles comme des équipements surnuméraires, n’impliquant pas une diminution de ses moyens disponibles lorsque vendus, mais simplifiant, ou fluidifiant, ses propres processus.

On imagine, ainsi, plutôt que d’armer des frégates en double équipage, que certains de ces équipages pourraient, temporairement, armer des navires loués, réduisant la pression sur les navires eux-mêmes, au profit d’une posture défensive renforcée, tout en permettant aux armées de négocier des équipements à des prix plus compétitifs, avec un volume supérieur. C’est, du reste, une modèle proche de celui appliqué par le Pentagone, avec le Foreign Military Sales.

Conclusion

On le voit, le pari fait par Berlin autour du Leopard 2A8, et par Rome autour de ses frégates, s’avère, de toute évidence, un pari gagnant, pour soutenir à la fois leurs exportations militaires, et leurs industriels.

Ligne de production Rafale Merignac
L’optimisation industrielle en amont des programmes, ou par la vente d’équipements d’occasion à mi-vie, permet à la France de se positionner sur les marchés à délais courts.

Toutefois, appliquer un modèle strictement similaire, en France, serait presque impossible, les armées françaises, comme l’état lui-même, n’étant pas en mesure d’immobiliser de tels investissements, par ailleurs bien plus utiles pour répondre à l’urgence d’équipement ou de modernisation de ses forces dédiées à un emploi opérationnel intensif.

Pour autant, des alternatives existent. Certaines ont même été mises en œuvre, ces dernières années, pour s’adjuger des succès commerciaux de taille, en matière d’exportation d’équipements de défense.

Il apparait, cependant, qu’une intrication accrue des intérêts des armées en matière d’équipement, des industriels en termes d’exportation, et de l’état, en matière d’optimisation budgétaire, permettrait certainement de faire émerger de nouveaux modèles potentiellement bénéfiques aux trois.

Les drones ukrainiens frappent une base aérienne en Russie, malgré l’interdit américain

Une vaste attaque, menée par des drones ukrainiens, aurait été menée dans la nuit du 4 au 5 avril 2024, contre la base aérienne russe de Morozovsk, dans le nord-est de l’Oblast de Rostov.

Selon la presse ukrainienne, plusieurs bombardiers Su-34 auraient été détruits ou endommagés, alors qu’une vingtaine de militaires russes aurait été blessée ou tuée par cette attaque.

La presse russe, quant à elle, annonce l’interception d’un grand nombre de drones ukrainiens dans cette région cette nuit, sans faire état de cette attaque, par ailleurs largement abordée dans la sphère des blogueurs militaires du pays.

Cette attaque est intervenue trois jours après que le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, s’était opposé à ce que des frappes ukrainiennes puissent être menées sur le sol russe, en particulier contre les installations énergétiques du pays.

Attaque massive de drones ukrainiens contre la base aérienne russe de Morozovsk, près de Rostov-sur-le-don

Les armées ukrainiennes ont mené, dans la nuit du 4 au 5 avril 2024, une attaque massive de drones contre l’aérodrome militaire de Morozovsk, au nord-est de l’Oblast de Rostov, et à 200 km de la frontière avec l’Ukraine.

Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux russes Vk et Telegram, attestent de cet engagement, montrant une intense activité antiaérienne de la DCA russe, mais aussi des explosions au sol suivies d’explosions secondaires, ce qui tendrait à confirmer que des cibles militaires auraient bien été atteintes.

L’aérodrome de Morozovsk accueille le 559ᵉ régiment de bombardement de la Garde, appartenant à la première division aérienne mixte de la Garde. Il se compose de chasseurs bombardiers Su-24, Su-24M et surtout de Su-34, qui aujourd’hui mettent en œuvre les bombes guidées planantes FAB-500/1000/1500 et 3000, qui posent d’importants problèmes aux forces ukrainiennes. Des avions d’escorte Su-27 auraient également été déployés sur cette base aérienne.

Guerre de communiqués concernant les effets de cette attaque

Selon la presse ukrainienne, cette attaque aurait permis de détruire et d’endommager 6 à 8 chasseur-bombardiers, et tués ou blessés de 20 à 40 militaires russes. Il est, bien évidemment, très difficile de confirmer ou d’infirmer ces chiffres, même si les vidéos publiées de l’engagement, montrent qu’effectivement, des cibles contenant du carburant, ou des munitions, auraient été atteintes par les drones ukrainiens.

Outre les cibles militaires, il semble que les infrastructures énergétiques de la base aérienne et alentours, auraient également été ciblées, la presse ukrainienne rapportant des coupures de courant dans l’ensemble du district. Le gouverneur régional russe, Vasily Golubev, reconnait une quarantaine de frappes cette nuit.

Su-34
La base aérienne de Morozoksk accueille les Su-34 du 559ème régiment de bombardement de la Garde

Du côté de la presse russe, aucune mention n’est faite de cette attaque dans les principaux sites d’information en ligne en langue russe, comme Izvestia ou Tass. En revanche, plusieurs sources russes font état de l’interception d’une quarantaine de drones ukrainiens durant la nuit, sans préciser le nombre total de drones engagés.

Kyiv passe outre l’interdit américain de frapper sur le sol russe

L’attaque ukrainienne intervient deux jours seulement après qu’Antony Blinken, a précisé que les États-Unis s’opposaient à ce que l’Ukraine frappe le sol russe, en particulier, les infrastructures énergétiques du pays.

Pour l’administration Biden, engagée dans une campagne électorale qui promet d’être spécialement difficile, il n’est pas question, en effet, que les frappes ukrainiennes sur le territoire russe, entrainent par ricochet, une baisse des capacités de raffinage du pays, et donc une hausse des prix du carburant, un marqueur politique particulièrement sensible outre-atlantique.

Antony Blinken
En visite à Paris, Antony Bliken a déclaré que les Etats-Unis s’opposaient à la poursuite des frappes ukrainiennes sur le sol russe, ce 2 avril.

En outre, de nombreux facteurs semblent tendres, désormais, vers une volonté de désengagement progressif de Washington concernant ce conflit, tout au moins sur la durée de la campagne.

Une détérioration des tensions entre la Russie et l’OTAN pourrait, en effet, obliger les États-Unis à accroitre leur présence militaire en Europe, faisant le jeu du discours plus isolationniste de Donald Trump, qui trouve un important écho auprès de l’opinion publique américaine.

Les armées européennes montent en puissance et se préparent à toutes les options

De fait, en dépit des affirmations américaines concernant son soutien plein et entier à l’Ukraine, ainsi qu’à la protection de l’OTAN, certaines armées européennes se préparent à de nouveaux scénarios, et à toutes les options.

C’est en particulier le cas des Armées françaises. Traditionnellement peu loquaces sur ce type de sujet, le Chef d’état-major des Armées, le général Thierry BURKHARD, suivi peu après par le chef d’état-major de l’Armée de terre, le général Pierre Schill, ont confirmé, ces derniers jours, que les armées françaises se préparaient pour de nouvelles options, y compris pour répondre à un nouvel échelon d’engagement face à la menace russe.

CEMAT général Pierre Schill
Le CEMAT, le général Pierre Schill, a confirmé que l’Armée de terre frnaçaise se preparait à répondre à une nouvel élévation du niveau d’engagement pour repondre à la menace russe.

Sans explicitement l’affirmer, il apparait donc que les armées françaises, se préparent effectivement à des déploiements significatifs pour contrôler la menace russe, qu’il s’agisse de protéger les sites vitaux de l’État ukrainien, ou certains des alliés européens, de l’OTAN, comme les pays baltes, ou pas, comme la Moldavie.

Reste à voir qui, parmi les européens, seront effectivement prêts à suivre Paris si une telle initiative venait à se concrétiser, surtout si les États-Unis s’y opposent, comme il semble que cela soit le cas.

Rappelons, à ce titre, que le président Macron à juger utile de préciser à son interlocuteur américain, que si des forces françaises venaient à être engagées en Ukraine, la France ne demanderait pas le soutien de l’OTAN, si elles venaient à être engagées par les forces russes.

La Corée du Nord a testé le missile hypersonique Hwasongpho-16B, et c’est inquiétant !

Les médias nord-coréens ont diffusé, le 3 avril, des clichés et vidéos montrant le tir d’essai du nouveau missile hypersonique Hwasongpho-16B, un IRBM à carburant solide monté sur un véhicule TEL 7×7, en présence du leader Kim Jong-Un.

Si ce tir est à ce point médiatisé, c’est que le Hwasongpho-16B semble emporter un planeur hypersonique, ce système de rentrée atmosphérique conçu pour défier les défenses antibalistiques les plus évoluées, en conservant de très importantes capacités de manœuvre, tout en maintenant une vitesse hypersonique.

Pyongyang développe ses capacités de frappe nucléaire à marche forcée

Depuis 2015, la Corée du Nord a considérablement accru ses efforts pour moderniser et étendre ses capacités de frappes distantes, en particulier celles pouvant emporter des armes nucléaires.

Alors que le pays employait, encore, de pâles copies du Scud soviétique, il n’y a de cela que 15 ans, celui-ci a fait la démonstration des progrès réalisés dans ce domaine, avec les premiers tests du SLBM Pukkuksong-1 et 2 à changement de milieu et du premier missile balistique IRBM à portée intermédiaire Hwasong-12, puis du premier ICBM Hawsong-15, pour la seule année 2017.

SLBM Pukkuksong-3
Test du missile balsitique à changement de milieu SLBM Pukkuksong-3 en 2019

Deux ans plus tard, elle testait pour la première fois le Pukkuksong-3 qui armera son nouveau sous-marin lance-missiles Hero Kim Gun-ok, et du missile à trajectoire semi-balistique KN-23 à courte portée, inspiré de l’Iskander russe, et conçu pour défier les défenses antibalistiques américaines, sud-coréennes et japonaises.

Les essais et les tirs ont encore augmenté en intensité à partir de 2021, avec l’apparition de nouveaux missiles de croisière, d’une nouvelle version de l’ICBM baptisée Hawsong-17, puis, à partir de 2022, de nouvelles versions de missiles annoncés comme hypersoniques et embarquant du carburant solide, plutôt que liquide.

Premier tir du missile hypersonique Hwasongpho-16B IRBM nord-coréen

C’est dans ce contexte que s’inscrit le premier tir, cette semaine, du nouveau missile balistique à portée intermédiaire Hwasongpho-16B, largement relayée par l’agence de presse d’état KCNA et la télévision publique KCTV nord-coréenne.

En effet, le nouveau missile est présenté comme portant, avec lui, une évolution majeure concernant les capacités de dissuasion de Pyongyang. Celui-ci serait, ainsi, un missile balistique de portée intermédiaire, c’est-à-dire d’une portée allant de 2 500 à 6 500 km, à carburant solide, et monté sur un transporteur-érecteur-lanceur (TEL) à sept essieux.

Montage vidéo du lancement du missile hypersonique Hwasongpho-16B.

À elles seules, ces deux caractéristiques constituent une avancée notable dans les capacités de frappe nord-coréenne. En effet, non seulement le système est-il mobile, donc beaucoup plus difficile à localiser avec précision pour mener des frappes préventives, mais il peut être mis en œuvre sur des délais beaucoup plus courts que s’il avait employé du carburant liquide, nécessitant un transfert de carburant avant le tir.

De fait, ce missile, dont la portée serait suffisante pour atteindre toute la péninsule Coréenne, et l’archipel japonais, à partir de la profondeur stratégique nord-coréenne, et pouvant être armée d’une tête nucléaire pas nécessairement miniaturisée, constitue une réponse à la doctrine 3 axes sud-coréenne, conçue pour contenir, de façon conventionnelle, la menace nucléaire de Pyongyang.

Un planeur hypersonique emporté par le Hwasongpho-16B

Pour autant, ces caractéristiques, déjà remarquables, et potentiellement très préoccupantes, pourraient bien n’être que secondaires, dans cet essai. En effet, les images transmises par les médias nord-coréens, du fait de la présence de Kim Jong-Un sur le site lors de ce tir, montre que le Hwasongpho-16B, serait doté d’un véhicule de rentrée atmosphérique, ayant l’aspect d’un planeur hypersonique.

À l’inverse d’une ogive de rentrée atmosphérique classique, un planeur hypersonique conserve de très grandes capacités de manœuvre, y compris dans les couches basses de l’atmosphère, tout en maintenant une vitesse hypersonique, supérieure à Mach 5.

missile hypersonique Hwasongpho-16B
La Corée du Nord a testé le missile hypersonique Hwasongpho-16B, et c'est inquiétant ! 30

Cette technologie, maitrisée semble-t-il par la Russie avec l’Avangard su missile ICBM RS-28 SARMAT, et par la Chine avec le missile balistique de moyenne portée DF-17, fait l’objet d’intenses efforts de R&D et d’investissements aux États-Unis et en Europe, pour s’en doter le plus rapidement possible.

Elle permettrait, en effet, de réduire considérablement l’efficacité des défenses anti-missiles hautes couches, comme le THAAD et le SM-3 américains, conçus pour intercepter le missile dans sa phase balistique, en calculant très précisément sa trajectoire.

Certaines informations corroborées par les données radar sud-coréennes et japonaises

Si les clichés du Hwasongpho-16B et de son planeur hypersonique, peuvent éventuellement être considérés comme une nouvelle opération de communication dont Pyongyang a le secret, la vidéo montrant le tir de ce missile coiffé du planeur hypersonique, tend à l’accréditer.

Comme les communiqués diffusés par les armées sud-coréennes et japonaises, qui ont suivi le tir et son déroulement, à l’aide de leurs systèmes radars anti-balistiques. Ainsi, selon Séoul, le missile aurait atteint une portée de 600 km, en mer du Japon, mais hors des zones économiques, exclusives, nippones et sud-coréennes. En dépit de cette faible distance, les armées sud-coréennes estiment que le missile était bien un IRBM.

Selon les Forces d’autodéfense nippones, celui-ci aurait suivi une trajectoire à double apogée, une première à 100 km, une seconde à 73 km, ce qui tend à confirmer l’emploi d’un nouveau véhicule de rentrée atmosphérique a capacité de manœuvres, comme le remarque aussi le communiqué de Séoul.

Une opération de communication réussie, mais une capacité incertaine

Ces données ne permettent pas de confirmer que Pyongyang dispose, bel et bien, d’un missile doté d’un planeur hypersonique. Spécialement, rien n’indique, à ce jour, que le planeur hypersonique du Hwasongpho-16B, a réalisé des évolutions justifiant de cette qualification, lors de cet essai.

missile hypersonique Hwasongpho-16B Kim jong Un
La Corée du Nord a testé le missile hypersonique Hwasongpho-16B, et c'est inquiétant ! 31

Toutefois, il est clair, désormais, que la Corée du Nord est particulièrement investie dans le développement de cette technologie ô combien problématique pour l’équilibre des forces dans la péninsule coréenne. Pire encore, Pyongyang semble effectivement proche d’une capacité opérationnelle dans ce domaine.

En tout état de cause, le Hwasongpho-16B pourrait, sur des délais relativement courts, constituer le pendant nord-coréen du DF-17 chinois, un IRBM d’une portée de 2 000 km, apparu pour la première fois publiquement en 2019, et coiffé d’un planeur hypersonique.

C’est d’ailleurs bien davantage l’entrée en service du DF-17 chinois, que celle du Kinzhal russe, annoncées toutes deux en 2019, qui a déclenché les investissements massifs aux États-Unis, pour se doter de capacités similaires, qu’elles soient terrestres, navales ou aéroportées.

Le spectre de l’assistance technologique militaire russe et chinoise à la Corée du Nord

Les progrès spectaculaires réalisés par Pyongyang, ces dernières années, dans le domaine des missiles balistiques et de croisière, alimentent les thèses de transferts de technologies défense venues de Pékin, mais aussi de Moscou, vers la Corée du Nord, en violation des sanctions internationales, votées par ces deux pays au sein de l’ONU.

Le pays est, en effet, un partenaire de longue date de la Chine communiste, qui représente le principal partenaire commercial et politique de la Corée du Nord, sur la scène internationale, depuis la fin de la Guerre de Corée.

DF-17
Le missile IRBM hypersonique chinois DF-17 a été présenté en 2019

Le très important soutien de Pyongyang à Moscou, concernant la Guerre en Ukraine, avec la livraison documentée de plusieurs milliers de conteneurs de munitions à destination des armées russes, accroit les inquiétudes de transferts de technologies, voire d’armements russes, vers les armées nord-coréennes.

Ces soutiens sino-russes à la Corée du Nord, en matière d’armement et de technologies de défense, expliquent-ils les avancées réalisées par Pyongyang en matière de capacités de frappe à longue et très longue portée ? Il s’agit certainement d’un facteur clé. Toutefois, tout indique que les ingénieurs nord-coréens ont, eux aussi, acquis des compétences très avancées dans ces domaines.

Il faut, dès lors, probablement s’attendre à ce que les armées nord-coréennes enrichissent et étendent, dans les mois à venir, leurs moyens stratégiques et tactiques, de frappe à longue portée, avec des capacités conçues pour défier les technologies occidentales les plus avancées.

Lorsque l’on connait l’agressivité de Kim Jong-Un, et de sa nouvelle doctrine stratégique, on comprend les changements de posture en Corée du Sud comme au Japon, pour tenter de contenir une menace qui n’ira, très probablement, que croissante, dans les années à venir.

La Russie a bien perdu son armée en Ukraine en 2022, mais l’a reconstruite plus puissante depuis !

Au matin de l’offensive russe contre l’Ukraine, le 24 février 2022, bien peu étaient ceux qui imaginaient que les armées ukrainiennes seraient en mesure de contenir le rouleau compresseur lancé par Moscou vers Kyiv.

Non seulement les combattants Ukrainiens parvinrent à résister sur de nombreux fronts, à Kyiv, à Kharkiv, et dans le Donbass, mais après un mois d’intenses combats, les pertes russes étaient telles, qu’il leur fallut revoir leurs objectifs, et entamer une retraite vers des positions défensives préparées.

L’euphorie gagnât alors aussi bien l’état-major ukrainien que ses soutiens occidentaux, persuadés que les armées russes avaient perdu tant de matériels, et d’hommes, qu’elles ne s’en remettraient pas avant de nombreuses années.

Un an plus tard, force est de constater que la situation est radicalement différente. Non seulement l’Armée russe est-elle toujours bel et bien là, en dépit de pertes effroyables, mais elles semblent, désormais, plus efficaces face à des combattants ukrainiens aussi usés que leurs équipements.

Car si la Russie a bien perdu son Armée engagée initialement contre l’Ukraine, elle est parvenue, depuis, à en reconstruire une nouvelle, plus imposante et plus efficace au combat, créant un gradient aujourd’hui très inquiétant dans le rapport de force face à l’Ukraine, et peut-être demain, face à l’Europe.

Les pertes humaines et matérielles des armées russes en Ukraine, dépassent le déploiement de force initial de février 2022

En février 2022, Moscou avait massé, autour de l’Ukraine, une très puissante force militaire, composée de plus de 200 000 hommes, de près de 1 500 chars, d’un millier de systèmes d’artillerie, protégée par plus de 500 systèmes anti-aériens. Les forces aériennes russes avaient, pour leurs parts, déplacé plus de 300 avions de combat à proximité des frontières ukrainiennes.

KA-52 russie abattu en Ukraine
Les armées russes ont perdu une centaine d’hélicoptères de combat et de manoeuvre en Ukraine.

La flotte de la mer Noire, enfin, disposait d’une soixantaine d’unités navale combattantes, dont le croiseur Moskva, une dizaine de frégates, autant de grandes unités amphibies, six sous-marins et une quinzaine de corvettes armées de missiles.

Il s’agissait, alors, de rien de moins que la plus importante concentration militaire opérationnelle déployée en Europe, depuis la fin de la guerre Froide, et d’une force près de deux fois la taille du dispositif envoyé par l’Union Soviétique en Afghanistan, au plus fort des combats, en 1986 et 1987.

Deux ans plus tard, l’immense majorité des forces terrestres, et 30 % des dispositifs aériens et navals, ont été détruits, ou lourdement endommagés, alors que le nombre de soldats russes tués dépasserait les 100 à 150 000 hommes, avec deux fois plus de blessés.

Ainsi, le nombre de chars perdus par les armées en Russie, évolue de 1 800 à 2 800 selon les sources, comme celui des blindés, autour de 7 000, et des systèmes d’artillerie, de 900 à 1450. Plus d’une centaine d’avions de combat, et autant d’hélicoptères russes, ont été abattus ou détruits au sol, alors qu’une vingtaine d’unités navales a été coulée ou sévèrement endommagée, dont le Moskva, le navire amiral de la flotte de la mer Noire, coulé le 14 avril 2022.

croiseur Moskva coulé le 4 avril 2022
lLattaque du Moskva a été le premier grand succès ukrainien dans le domaine naval de la guerre.

De fait, quelle que soit la manière de compter ou d’envisager les pertes russes documentées, la Russie a bel et bien perdu son Armée initialement envoyée contre l’Ukraine. Cela aurait certainement convaincu l’immense majorité des pays de renoncer. Vladimir Poutine a, cependant, pris le parti de reconstruire son armée, en la rendant plus imposante, et plus performante, pour venir à bout de l’adversaire ukrainien. Il est en passe d’y arriver, aujourd’hui.

L’efficacité de la ligne Sourovikine en Ukraine, et le rebond de l’industrie de défense russe fin 2022

Si la décision de reconstruire l’Armée perdue en Ukraine, est avant tout d’essence politique, et liée au contrôle qu’assure Vladimir Poutine sur l’ensemble des rouages politiques, économiques et sociaux du pays, son exécution a été rendue possible grâce à deux initiatives concomitantes.

La première a été la manœuvre de repli exécutée par le corps d’armée russe survivant déployé en Ukraine, pour rejoindre, en bon ordre relatif, des lignes défensives préparées préalablement à cet effet. Il s’agit, incontestablement, de la manœuvre militaire la plus réussie des armées russes, peut-être même du conflit, depuis qu’il a débuté.

Sa planification et son exécution, sont à mettre au crédit du général Sergueï Sourovikine, qui fut nommé à la tête de l’opération spéciale militaire début octobre 2022, avant d’être remplacé par le chef d’état-major Valery Gerasimov, en janvier 2023, et de tomber en disgrâce, après avoir eu une posture jugée ambiguë, lors de la rébellion Wagner. Comme tous les dictateurs, Poutine privilégie la dévotion à la compétence.

défenses russes ligne Surovikine
Lignes défensives russes en Mai 2023 – sources The Kiyv Indepedant

Si cette manœuvre permit aux armées ukrainiennes de reprendre rapidement plus de 30 % du territoire précédemment perdu, elle préserva l’intégrité des forces rescapées, et figea le front, qui n’a que peu évolué depuis, laissant le temps aux Armées russes de lécher leurs plaies, et de reconstituer leurs unités.

Dans le même temps, à partir de septembre 2022, l’industrie de défense russe entreprit une profonde transformation tant de ses capacités de production, que de la chaine de sous-traitance. L’objectif était de passer outre les conséquences des sanctions occidentales, en particulier concernant les composants technologiques de facture US ou européenne, largement employés jusque-là dans les systèmes d’armes russes.

Concomitamment, la production de ces grandes entreprises de défense russes, a été augmenté, parfois de plusieurs fois, afin de compenser les pertes enregistrées en Ukraine, ainsi que pour renforcer et accroitre les moyens des armées russes, dans l’absolue.

Les armées de Russie se reconstruisent plus vite qu’elles s’érodent depuis janvier 2023

Le point d’équilibre entre production et pertes instantanées, semble avoir été atteint entre juin et octobre 2023, alors que certaines grandes entreprises russes, comme l’usine de fabrication de chars Uralvagonzavod, avaient multiplié par 2 ou 3 le nombre de véhicules blindés produits chaque mois, par rapport à ce qu’elles produisaient avant-guerre.

uralvagonzavod
L’usine Uralvagonzavod produirait desormais de 30 à 50 T-90M et BMP-3M chaque mois.

En janvier 2024, tout indiquait que l’industrie de défense russe compensait intégralement les pertes en Ukraine, et permettait, dans le même temps, de moderniser les unités, voire d’en équiper de nouvelles.

Il semble, à ce sujet, que les Armées russes ne souffrent pas de difficultés particulières, tout au moins jusqu’à présent, pour remplacer leurs pertes humaines. Elles prévoient d’ailleurs d’augmenter en format de près de 20 %, sur la seule année 2024.

En d’autres termes, d’une érosion considérée, non sans raison, comme certainement létale, à l’automne 2022, les Armées russes sont désormais engagées fermement dans une dynamique de croissance et de montée en puissance, tant dans le domaine des effectifs que des équipements.

À l’inverse, l’Ukraine, comme ses soutiens occidentaux, paraissent incapables de briser l’étiolement de ses moyens militaires, humains comme matériels, alors même qu’elle est censée s’appuyer sur une alliance économique représentant plus de 35 % du PIB mondial.

Des forces russes plus efficaces, qui s’adaptent rapidement aux innovations ukrainiennes

Non seulement les armées russes se reconstruisent-elles, mais de nombreux rapports indiquent qu’elles sont, aujourd’hui, plus efficaces qu’elles ne l’étaient précédemment, même si certains officiers continuent de faire des erreurs tactiques grossières, de l’avis des spécialistes.

Cope cage
les cages de protection contre les drones et missiles Hellfire, apparues sur les chars russes dès la fin du mois de mars 2022, constitue un exemple du processus RETEX très efficace au sein des armées russes.

À titre d’exemple, si les drones TB-2 Bayraktar ont joué un rôle décisif dans le harcèlement de la colonne blindée envoyée contre Kyiv en février et mars 2022, ceux-ci sont presque inutiles depuis l’été 2022, la DCA russe ayant appris à les détecter, et à les contrer.

Cette faculté d’adaptation des armées russes pose un problème alors que les occidentaux pariaient sur la supériorité technologique des équipements transférés à Kyiv, pour compenser l’infériorité numérique des armées ukrainiennes.

Les roquettes HIMARS, les missiles Javelin, comme les missiles SCALP-EG confiés aux ukrainiens, permirent de mener des frappes significatives lors de leur entrée en scène, se taillant parfois une aura symbolique de game-changer, dans l’opinion publique ukrainienne. Depuis, leur efficacité, si elle n’a pas été neutralisée, est toutefois moins considérable, là encore, du fait de l’adaptation des russes, et de l’intégration des RETEX (RETour d’EXpérience).

Ce comportement des russes ne devrait, d’ailleurs, pas surprendre les spécialistes de cette armée. Celle-ci a, en effet, à de nombreuses reprises, démontré qu’elle savait s’appuyer sur des cycles Retex particulièrement courts, pour s’adapter à l’évolution de la menace, comme cela fut le cas, par exemple, en Syrie.

Une trajectoire catastrophique sans réaction massive et très rapide des occidentaux

C’est d’ailleurs bel et bien cette capacité d’adaptation, ainsi que la main mise ferme et sans faille du Kremlin sur l’ensemble des rouages de la société russe, mais aussi sur les esprits d’une grande partie des russes, qui expliquent en grande partie la situation défavorable et inquiétante de l’Ukraine et de ses armées, aujourd’hui.

Vladimir Poutine
Malgrè des pertes presque dix fois supérieures à celles enregsitrées par les armées soévitiques en Afghanistan, la guerre en Ukraine, et le pouvoir de Vladimir Poutine, ne sont nullement remis en cause dans le pays.

En dépit de très nombreuses erreurs et défaillances majeures, ayant lourdement entravé le début de cette Opération Militaire Spéciale russe, et des extraordinaires pertes enregistrées depuis février 2022 par les forces russes, c’est bien cette capacité à s’adapter rapidement, et massivement, qui aura permis à Moscou et à ses armées, de renverser une situation qui semblait presque désespérée en septembre 2022.

Si les Ukrainiens présentent bien souvent les mêmes qualités que les Russes, y compris dans ce domaine, ils souffrent de moyens largement inférieurs, et d’un manque évident de profondeur stratégique, pour appliquer les mêmes méthodes.

Il revient donc aux occidentaux, qui clament être prêts à tout faire, pour empêcher la défaite de l’Ukraine, de réagir rapidement, et surtout massivement, pour espérer renverser la dynamique en cours.

Toutefois, ceux-ci semblent bien loin d’afficher la même adaptabilité et réactivité que les russes, ou que les ukrainiens. En dépit de moyens considérables, et d’une évidente profondeur stratégique n’étant pas directement menacée par Moscou, ceux-ci continuent, depuis deux ans, à tergiverser à coups de demi-mesures et d’effets d’annonces, espérant, probablement, qu’un autre vienne sauver la situation.

Conclusion

Une chose est certaine, dorénavant : sauf à revoir radicalement la nature, le calendrier et le volume de l’aide militaire occidentale envoyée à Kyiv, dans les tous prochains mois, le pire est à craindre concernant la résistance ukrainienne, face à la montée en puissance des armées russes.

caesar Ukraine
Les occidentaux vont devoir livrer massivement et rapidement les équipements de défense necessaires pour stabiliser le front. Faute de quoi, les européens risquent de devoir traiter une vague de réfugiés ukrainiens sans aucune equivalence historique, sont le pouvoir destabilisateur pourrait être autrement plus important que la crise Covid, ou que les 1 ou 2 % de PIB necessaires pour l’empecher.

Le niveau opérationnel que ces dernières atteignent désormais, n’a rien de surprenant. L’ensemble des paramètres qui lui ont donné naissance, a été détaillé et commenté depuis plus d’un an, tout comme les risques que l’évolution de l’industrie de défense et de la doctrine russe, allaient engendrer sur le conflit.

Si l’Ukraine venait à tomber, ce qui est du domaine du possible, la responsabilité de cette défaite incomberait pleinement et exclusivement aux occidentaux, américains et britanniques en têtes, car garants du mémorandum de Budapest. La confiance réciproque dans la force de l’alliance, et dans la signature de ces grandes puissances, en sera, elle, certainement longtemps et sensiblement altérée.

Dans le même temps, les Européens doivent s’attendre à accueillir plusieurs millions de réfugiés Ukrainiens, certainement plus de dix, peut-être quinze ou vingt, suivis rapidement de réfugiés Moldaves, ce qui engendrera un séisme socio-économique, ainsi qu’une désagrégation partielle de l’Union européenne, qui couteront bien plus que les 0,5 à 1 point de PIB nécessaires pour l’empêcher.

Il convient, dès lors, aux dirigeants européens et américains, de comparer ces deux scénarios, dont aucun n’est parfaitement satisfaisant, mais qui ont toutes les chances de s’exclure l’un l’autre, sans offrir d’autres alternatives.

Car l’excuse de la surprise, lorsque 15 millions de réfugiés ukrainiens et moldaves arriveront en Pologne et en Roumanie, et que les armées russes viendront se masser face aux pays baltes, plus fortes que jamais, aura peu de chances de convaincre qui que ce soit, et aucune chance d’apporter une quelconque solution.

Le Rafale intéresse les forces aériennes du Sultanat d’Oman

Inde, Égypte, Grèce, Colombie, Arabie Saoudite, Qatar… Les négociations menées actuellement par Dassault Aviation, concernant la vente de nouveaux Rafale, sont nombreuses, au point que l’on pouvait douter de l’opportunité de voir d’autres prospects émerger à court termes.

C’est pourtant bien ce qui semble arriver, alors que Michel Cabirol révèle, dans un article publié par latribune.fr, que des discussions seraient en cours entre Dassault Aviation et Mascate, pour équiper les forces aériennes du Sultanat d’Oman, de 12 à 18 Rafale.

Un nouveau prospect inattendu pour le Rafale de Dassault Aviation, dans un contexte sécuritaire qui se dégrade rapidement

Selon le journaliste spécialisé, plusieurs sources concordantes ont confirmé que des discussions ont été entamées, entre l’avionneur français, et les autorités du Sultanat d’Oman, concernant la possible acquisition d’un escadron du chasseur français.

Rafale F4
Le Rafale interesse de nombreuses forces aériennes dans le Monde.

Ces appareils, reconnus pour leur polyvalence, pourraient alors évoluer aux côtés des 22 F-16 C/D Block 50, formant la colonne vertébrale de deux escadrons de chasse des Forces Aériennes Royales d’Oman, ou RAFO, basés sur la base aérienne de RAFO Thumrat, ainsi que des 12 Eurofighter Typhoon du 8ᵉ escadron de la base aérienne RAFO Adam.

Ce possible renforcement s’inscrit dans la détérioration sensible de la situation sécuritaire de ce sultanat frontalier des EAU, de l’Arabie Saoudite et surtout du Yémen, et faisant face à l’Iran, distante de seulement 300 km sur la rive nord du golfe d’Oman.

Le discret état de 300 000 km², avec une population d’à peine plus de 4 millions d’habitants, a fait sa fortune sur l’exploitation de ses réserves de pétrole et de gaz, mais a su transformer son économie.

Il a ramené les exportations d’hydrocarbures sous la barre des 20 % de son PIB, tout en s’appuyant notamment sur le tourisme et les services, ce qui lui permet d’afficher un PIB par habitant de 25 000 $, proche des 30 000 $ saoudiens, mais très supérieurs aux 4 670 $ iraniens.

Mascate, sa capitale, entretient, à ce titre, des relations apaisées, parfois même fructueuses, avec Téhéran, ceci expliquant que le pays a été préservé, ces dernières années, des tensions régionales. Pour autant, il consacre plus de 6 % de son PIB à ses armées, qui disposent d’un budget annuel 8 Md$.

Les forces aériennes du Sultanat d’Oman, un client traditionnel de l’industrie aéronautique anglo-saxone.

Comme beaucoup de pays de la région, Oman a été sous protectorat britannique de la fin du 19ᵉ siècle, jusqu’en 1971. Ses armées ont été façonnées, entrainées et équipées par les armées britanniques durant cette période.

Hawker Hunter
Le Hawker Hunter a été le prmier chasseur des forces aériennes royales d’Oman, après la fin du protectorat britannique en 1971.

Il n’est donc en rien surprenant que, comme l’Arabie Saoudite, les forces aériennes royales d’Oman, ont été équipées, jusqu’ici, d’appareils de conception britannique, comme le Hawker Hunter, puis le SEPECAT Jaguar, le BAe Hawk et, enfin, l’Eurofighter Typhoon.

Si, en 2005, Mascate s’est tournée, comme ses voisins, vers les États-Unis pour acquérir un premier, puis un second escadron de F-16, rien n’indiquait, jusqu’à présent, que les avions français pouvaient être considérés par les autorités du pays.

Dans ce dossier, le succès récent du Rafale sur la scène internationale, en particulier aux Émirats arabes unis qui ont commandé 80 Rafale F4 en 2022, et les discussions qui continuent entre Dassault Aviation et Ryad, là encore un client traditionnel de l’aviation de combat britannique, ont probablement influencé les dirigeants du pays, alors que le futur standard F5 promet de nouvelles performances au chasseur français, le positionnant pleinement dans la tant désirée 5ᵉ génération.

De nombreuses négociations susceptibles d’aboutir à tout moment vers de nouvelles commandes de Rafale

Selon l’article de la Tribune, Dassault Aviation n’a pas souhaité s’exprimer sur ce sujet, sans toutefois le nier. Il apparait que l’avionneur français, dont le carnet de commande est déjà suffisamment plein pour justifier de l’augmentation des cadences de production pour atteindre 3 avions de combat par mois, chercherait à compléter son planning de production, avec des commandes réduites de 12 à 18 appareils, précisément la fourchette indiquée par Oman.

Rafale M armé d'un missile ASMPA nucléaire au catapultage
Les négociations concernant l’acquisition par la marine indienne de 26 Rafale M, pourraient aboutir à tout moment.

Il est d’ailleurs probable que Dassault est assez confiant à ce sujet, suffisamment pour risquer l’activité à moyen terme de sa ligne de production, en augmentant ses cadences, afin d’être en mesure de proposer des délais de livraison plus courts à ses nouveaux clients.

Plusieurs discussions sont en cours, concernant le Rafale, en Europe (Serbie, Grèce), au Proche et Moyen-Orient (Qatar, Égypte et maintenant, Oman), en Amérique du Sud (Colombie, Brésil ?), ainsi qu’en Asie (Marine indienne).

L’avionneur s’est même dit prêt à passer à quatre avions par mois. Il faudra, toutefois, qu’une ou plusieurs commandes importantes soient annoncées, par exemple, avec l’Arabie Saoudite (54 appareils), ou avec l’Inde (MMRCA pour 114 chasseurs).

Dans de telles hypothèses, on peut s’attendre cependant à ce que le client négocie une production locale, même partielle, ce qui ne nécessiterait pas une telle augmentation des cadences, en France tout au moins.

En outre, le nombre de dossiers menés simultanément par la Team Rafale, s’il est révélateur du succès de l’appareil, pose également des difficultés immédiates à l’avionneur, qui n’était pas structuré pour répondre à autant de sollicitations concomitantes.

Nul doute, cependant, que Dassault se satisfait de ces difficultés, en se rappelant des moments de vaches maigres, et de critiques politiques et médiatiques, au sujet de son Rafale, pas si éloignés que cela.

L’Estonie veut acquérir 12 canons CAESAR alors que KNDS vise 12 systèmes par mois

Après la Belgique, la République tchèque, le Danemark et la Lituanie, l’Estonie s’apprête à commander 12 canons CAESAR auprès de KNDS-Nexter, pour renforcer son artillerie, selon le ministre de la Défense estonien Hanno Pevkur.

Si cette annonce est incontestablement une excellente nouvelle pour Nexter, ce n’est probablement pas une surprise pour l’industriel. Celui-ci a annoncé, en effet, en marge de la visite du Secrétaire d’Etats américain Anthony Blinken sur son site de Satory, qu’il doublerait, une nouvelle fois, les cadences de production du CAESAR, pour atteindre 12 systèmes par mois, anticipant une probable augmentation des commandes internationales à venir, alors que le canon français montre des performances remarquées en Ukraine.

La guerre en Ukraine révèle les performances des équipements français, et accroit leur attractivité internationale

Longtemps, les spécificités des équipements de défense français, ne parvenaient pas à convaincre en Europe. Décalés vis-à-vis des paradigmes américains, ces équipements hexagonaux étaient souvent plus légers, plus économiques, et faisaient porter leur valeur ajoutée, sur des critères différents de ceux des autres industriels occidentaux.

55 canons caesar en Ukraine
Les Caesar employés par les forces ukrainiennes jouent un rôle déterminant dans la resistance face aux assauts russes.

La guerre en Ukraine, depuis deux ans, semble montrer que les paris des industriels et militaires français, n’étaient pas vains. Sans être des armes miracles, ça n’existe pas, les AMX-10RC, SAMP/T et autres VAB livrés aux forces ukrainiennes, considérés avec un certain dédain par de nombreux observateurs au début du conflit, montrent des performances plus que satisfaisantes, parfois même remarquables au combat.

C’est particulièrement le cas du canon CAESAR de KNDS-Nexter, qui constitue aujourd’hui un des piliers de la résistance ukrainienne face aux assauts russes. Performants et précis grâce à son tube de 52 calibres d’une portée de 40 km, et à son calculateur balistique dynamique, le canon porté de facture française brille surtout par sa grande mobilité, lui permettant d’éviter les tirs de contrebatterie et les drones adverses, tout en portant des coups sévères aux lignes et dispositifs russes.

Ces performances au combat, associées à un prix spécialement accessible, accroissent l’attractivité du système français sur la scène internationale, y compris en Europe, alors la Belgique, la République tchèque et la Lituanie, l’ont déjà commandé. Un second pays Balte, l’Estonie, vient d’annoncer qu’elle s’apprêtait à faire de même, alors que Nexter a indiqué qu’il entendait amener la production des CAESAR à 12 unités par mois, contre 6 aujourd’hui.

Après la Lituanie, l’Estonie s’apprête à rejoindre le club CAESAR

En effet, le 2 avril, le ministre de la Défense estonien, Hanno Pevkur, a indiqué que son pays entendait acquérir 12 canons CAESAR, dans une interview donnée au site d’information Postimees. Ils seront directement attribués à la 1ʳᵉ division, et viendront compléter les 24 canons automoteurs K9 Thunder acquis auprès de la Corée du Sud, et des six systèmes HIMARS commandés auprès des États-Unis.

Finlande K9
Les armées estoniennent emploient 24 canons automoteurs K9 Thunder sud-coréens.

Le calendrier et l’enveloppe de cette future commande, n’ont pas été dévoilés par le ministre estonien. On ignore, par ailleurs, si cette commande se fera en substitution, ou en complément, des 12 systèmes K9 en option prévus par l’Armée Estonienne.

Selon l’homme politique, décision a été prise de se tourner vers un système de canon sur roues, pour bénéficier de la grande mobilité du système, et de la souplesse d’utilisation qu’il confère, pour apporter la puissance de feu là où elle est nécessaire.

Il est intéressant de constater que ce sont les qualités de mobilités et d’efficacité du système d’artillerie français, qui sont mises en avant par le ministre estonien, et pas le rapport performances-prix du système, pourtant très attractif, un K9 Thunder coutant le prix de presque 3 CAESAR.

Les canons CAESAR et la tactique du Scoot-and-Shoot en Ukraine

Il faut dire que depuis bientôt deux ans que les premiers CAESAR français ont été livrés à l’Ukraine, le système français a démontré le bienfondé des paradigmes lui ayant donné naissance.

Bien plus léger que les autres systèmes d’artillerie modernes occidentaux, avec une masse au combat de 18 tonnes, le canon français se révèle, en effet, un précieux outil pour les défenseurs Ukrainiens, qui appliquent, désormais, la tactique du Scoot-and-Shoot, pour en tirer le meilleur parti.

Caesar task Force Wagram Irak
La tactique du Scoot-and-Shoot avaient été expérimentée par la Task Force Wagram française en Irak, à l’aide de ses 4 canons Caesar.

Cette tactique, que l’on peut traduire en français par un raid d’artillerie, repose pleinement sur la grande mobilité du CAESAR. Elle avait été employée dès 2015 par la Task Force Wagram déployée par la France en Irak, contre l’État Islamique. Les Caesar français pénétraient dans les lignes islamistes, profitant de leur vitesse et mobilité, pour s’enfoncer dans le dispositif adverse, frapper l’adversaire dans sa profondeur, puis quitter la zone et revenir en zone sécurisée, avant même qu’il puisse réagir.

Les Ukrainiens font de même, avec leurs CAESAR, même si le conflit et l’adversaire sont très différents. Les canons pénètrent ainsi dans la bande de 40 km bordant la ligne d’engagement, pour entrer dans une zone potentiellement atteignable par l’artillerie et les drones russes.

Ils s’y déplacent rapidement, prennent leur position de tir, font feu, puis retournent rapidement hors de portée des systèmes russes, avec une vélocité permettant d’éviter la contrebatterie et les drones.

De fait, bien qu’étant sensiblement moins blindés que les autres systèmes d’artillerie, ainsi que beaucoup plus économiques, les CAESAR affichent un taux de perte de l’ordre de 10 %, selon Nexter, 3 fois inférieurs à ceux des autres systèmes occidentaux, en dépit d’un usage particulièrement intensif par les forces Ukrainiennes, alors même qu’il a été le premier à rejoindre ce théâtre d’opérations.

KNDS-NEXTER anticipe une hausse des commandes internationales du CAESAR

On remarquera que les mots employés par le ministre estonien, au sujet du rôle des futurs CAESAR qui seront acquis, se calent parfaitement dans l’utilisation faite du système par les Ukrainiens face aux russes, et les français face aux djihadistes irakiens.

KNDS-NExter usine
Nexter veut passer la production mensuelle de Caesar à 12 exemplaires par mois, pour raccourcir les délais de livraison.

De toute évidence, les performances du système d’artillerie, mais aussi la logique inhérente à son utilisation, diffusent désormais auprès des états-majors, y compris en Europe.

On comprend, dans ces conditions, pourquoi Nexter anticipe de futures commandes, et se met en position d’y répondre, avec des délais de livraison courts, en produisant un nouvel effort pour atteindre 12 exemplaires produits chaque mois. Pour rappel, il y a juste 18 mois, Nexter ne produisait que 3 Caesar par mois.

Bien évidemment, le concept du canon automoteur sur un véhicule sur roues, est dorénavant largement répandu. Le Zuzana-2 slovaque, l’Archer suédois, le RCH-155 allemand, et même le Malva russe, reposent sur ce modèle.

Toutefois, si ces derniers ont franchi l’étape de la roue, ils n’ont pas adhéré à la logique même du CAESAR, à savoir miser sur la mobilité, et la légèreté, et pas sur le blindage, pour assurer la survivabilité du système.

RCH-155 Krauss-Maffei Wegmann.
Beaucoup plus lourd avec 40 tonnes au combat, le RCH-155 allemand s’apparente davantage à un Pzh2000 sur roues, qu’à un CAESAR.

Ainsi, le Zuzana-2 a une masse au combat de 34 tonnes, l’Archer-2 atteint 38 tonnes, et le RCH-155 allemand, flirte avec les 40 tonnes. Beaucoup plus lourds, ses systèmes sont sensiblement moins mobiles, consomment davantage, et sont beaucoup plus chers que les CAESAR français. Ainsi, les RCH-155 commandés par la Bundeswehr auprès de KNDS, bardés de technologies et de blindage, couteront entre trois et quatre fois plus chers que les Caesar MK2.

On comprend, dans ces conditions, la confiance de Nexter, dans les succès futurs de son CAESAR, sur la scène internationale. Comme la Guerre des 6 jours, avait démontré toute l’efficacité du Mirage III, et ouvert un formidable marché export à l’appareil, et à l’industrie aéronautique militaire française, la Guerre en Ukraine fait la démonstration des performances du CAESAR, et de la justesse du concept de rupture développé par les ingénieurs et militaires français, au début des années 90.

Avec un retard moyen de 2 ans, l’industrie navale US devient le point faible de l’US Navy

Après deux décennies de navigation à vue dans une brume épaisse, la planification de l’industrie navale US revêt, pour l’US Navy des aspects stratégiques, en particulier dans le bras de fer qui se dessine avec une Marine chinoise en pleine expansion, et en pleine transformation.

L’industrie navale américaine est, bien évidemment, au cœur de cet effort, alors que le Pentagone attend d’elle qu’elle accélère les cadences de livraison de certains navires clés, comme les destroyers Arleigh Burke, les sous-marins nucléaires d’attaque Virginia, et les frégates Constellation.

Toutefois, celle-ci peine, déjà aujourd’hui, à respecter les calendriers de livraisons. Pour comprendre ces enjeux, le Secrétaire à la Navy, Carlos des Toro, avait annoncé, mi-janvier, avoir ordonné la rédaction d’un rapport de synthèse, sur les enjeux et difficultés rencontrés par la programmation industrielle navale US, et avait donné un délai de 45 jours pour le rédiger.

C’est ce rapport qui a été présenté en début de semaine au Secrétaire à la Navy, et en partie rendu public. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’invite pas à la sérénité, dans le présent contexte international.

D’importants retards touchent les grands programmes navals américains

En effet, si certains programmes, nommément les destroyers de la classe Arleigh Burke, les grands navires amphibies des classes America et San Antonio, et les pétroliers ravitailleurs demeurent « sur le trait », beaucoup d’autres affichent des délais très importants, trop diront beaucoup.

classe Constellation
Les frégates de la classe Constellation doivent permettre de renforcer les capacités d’escorte de l’US navy, en particulier dans le domaine de la lutte anti-sous-marine.

C’est le cas des tranches IV et V des ô combien sensibles sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Virginia, particulièrement suivis avec le programme SSN AUKUS, qui prévoit la vente de 3 à 5 d’entre eux à l’Australie dans les années à venir. Les navires Block IV affichent ainsi un retard de 36 mois, alors que les Block V, sont déjà 24 mois derrière la programmation de l’US Navy.

Les nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Columbia, qui doivent remplacer les 12 SSBN de la classe Ohio, souffrent également de retards problématiques de 12 à 16 mois, en dépit du caractère hautement stratégique de ce programme.

Le troisième porte-avions nucléaire de la classe Gerald Ford, l’USS Enterprise est, lui aussi, très en retard sur son planning, de 18 à 26 mois selon le rapport, alors qu’il doit remplacer, en 2029, l’USS Carl Vinson, qui aura alors l’âge canonique de 47 ans de service.

Enfin, la classe de frégates Constellation, appelées à jouer un rôle central dans la modernisation de la flotte de surface américaine, en particulier dans le domaine de la lutte anti-sous-marine, affiche un retard considérable de 36 mois.

Un rapport de synthèse rare aux États-Unis ordonné par le Secrétaire à la Navy, Carlos del Toro.

Le rapport de l’US Navy constitue un choc pour de nombreux acteurs américains de ce domaine. En effet, si les retards de ces programmes étaient évoqués auparavant, notamment à l’occasion de la rédaction du budget annuel de l’US Navy, il présente une vision globale inquiète, parfois peu flatteuse, de ce qui constitue, pourtant, une des grandes fiertés de l’industrie de défense américaine.

SECNAV Carlos del Toro.
Le rapport ordonné par le Secretaire à la Navy, Carlos del Toro, sera certainement un précieux outil de négociation avec le Congrès américain.

Pour l’US Navy, ce rapport va certainement représenter un précieux outil dans ses négociations avec le Congrès pour obtenir des rallonges budgétaires en 2025, non pour construire davantage de navires, aucun n’est demandé, mais pour financer la transformation de l’industrie navale militaire américaine.

En effet, comme évoqué dans un précédent article, la Marine militaire américaine a fait de ce dossier le pivot de son dossier de projets non financés transmis au Congrès, dans le cadre du budget 2025, demandant une rallonge budgétaire de 2.2 Md$ à cet effet.

On comprend le poids des révélations faites dans ce nouveau rapport, mettant les sénateurs et représentants américains, face à des réalités très palpables et synthétiques, quant aux conséquences des difficultés rencontrées par l’US Navy, dans sa planification industrielle.

Recrutements, Supply-Chain, infrastructures… L’industrie navale US peine à se reconstruire

Bien évidemment, l’industrie navale américaine est largement mise en cause, dans les retards évoqués par le rapport. Pour autant, celui-ci n’a pas été rédigé dans le but de distribuer bons points et punitions, à ces industriels. Au contraire, il s’agissait d’identifier les problèmes rencontrés, leurs causes, ainsi que d’évoquer les pistes pour tenter de les résoudre.

Ces problèmes sont nombreux, et beaucoup remontent à la crise Covid, et à ses conséquences. En effet, à cette occasion, les chantiers navals américains, ont perdu un grand nombre de leurs ressources humaines, et sont dans l’incapacité, depuis, de les reconstituer.

Industrie navale US
Certains programmes, comme les destroyers de la classe Arleigh Burke, parviennent à respecter leur calendrier.

L’éloignement de l’opinion publique des travaux industriels, pour des fonctions moins contraignantes, d’une part, et un taux de chômage exceptionnellement bas aux États-Unis, de l’autre, handicapent lourdement les grands chantiers navals américains, qui peinent à stabiliser leurs effectifs, et ne parviennent pas à les augmenter, pour répondre à l’augmentation des commandes et des attentes de l’US Navy.

Ces grands industriels, comme HII, Bath Iron Work et Marinette Shipbuildings, rencontrent également des difficultés pour transformer leurs infrastructures, afin de s’adapter à l’évolution de la demande, tout en satisfaisant aux exigences de livraison de l’US Navy.

Si le problème est important pour ces grands chantiers navals, il l’est encore davantage pour la chaine de sous-traitance de ce secteur, identifiée par le rapport comme le point le plus critique de cette dynamique de production, et qui rencontre des difficultés de même nature, mais démultipliées, que les géants industriels.

Le pilotage industriel de l’US Navy également mis en cause

Le pilotage industriel de l’US Navy est, lui aussi, largement pointé du doigt par ce rapport. Ce n’est d’ailleurs pas tant l’US Navy qui est, ici, remise en cause, que les contraintes imposées par le Congrès, qui handicapent celle-ci, mais aussi les industriels eux-mêmes, pour tenter de sortir de l’ornière dans laquelle ils se trouvent.

Gerald Ford carrier
Le troisième porte-avions de la classe G. Ford, l’USS Enterprise, aurait de 18 à 26 mois de retard sur son calendrier prévisionnel.

En effet, en dehors des très grands navires, comme les porte-avions, l’US Navy commande ses unités navales de manière séquentielle, chaque année, et non de manière groupée. Ainsi, tous les ans, les chantiers navals découvrent le nombre et la nature des navires commandés, et doivent adapter leur outil de production, ainsi que leurs effectifs, à ce nouveau calendrier.

Enfin, l’absence de trajectoire établie et stable, pour la stratégie industrielle de l’US Navy, est également identifiée comme un facteur aggravant renforçant l’imprévisibilité au niveau industriel et de la Supply Chain.

Rappelons, à ce titre, que la planification de l’US Navy a été exceptionnellement chaotique ces huit dernières années, amenant celle-ci à proposer, chaque année, non pas un, mais plusieurs plans de constructions navales à long terme, sans qu’aucun ne soit jamais gravé dans le marbre, ni par l’exécutif, ni par le Congrès.

Cette imprévisibilité structurelle constitue un handicap sévère, identifié dans le rapport, pour tenter de mettre en œuvre des correctifs efficaces afin de réformer l’industrie navale américaine, et lui permettre de répondre aux attentes de l’US Navy.

Conclusion

On comprend, dans ce contexte, la portée et la pertinence du rapport remis à Carlos del Toro, cette semaine. Celui-ci va, en effet, constituer un support très efficace, dans les négociations que le chef civil de l’US Navy, ainsi que de l’US Marine Corps et des US Coast Guards, entend mener avec le Congrès, peut-être même avec sa propre administration.

Marine chinoise Type 055 Type 052D Type 056
L’industrie navale chinoise produit ses navires trois fois plus vite que l’indsutrie navale américaine.

Si des questions budgétaires seront au cœur de ces négociations, des sujets plus techniques, mais non moins clés, comme le passage de contrats pluriannuels globaux portant sur plusieurs unités navales, plutôt que des contrats individuels itératifs, seront certainement décisifs, dans l’évolution de ce dossier.

Reste à voir si ce sera bien le cas. Le Congrès américain est particulièrement protecteur de ses prérogatives, et entend conserver la main, dans la durée, sur les arbitrages budgétaires militaires, qui revêtent des aspects locaux et sociaux clés pour les parlementaires américaines, souvent plus pressants que les seuls besoins de l’US Navy.

Alors que la Chine est engagée dans un formidable effort, par ailleurs très efficacement mené, pour se doter d’une flotte de haute mer censée faire jeu égal avec l’US Navy d’ici à une vingtaine d’années, il faudra, au Secrétaire à la Navy, se montrer très convaincant, pour passer au-delà de ces calculs de politique intérieure, et amener les Parlementaires américains, à changer de perspective pour relever ce défi.

La frégate Iver Huitfeldt danoise aurait frôlé le drame en mer Rouge, face aux drones Houthis

Il y a quelques jours, la Marine Royale Danoise publiait un communiqué concernant l’intervention de la frégate Iver Huitfeldt, pour détruire quatre drones Houthis lancés contre elle et contre les navires escortés. Le 9 mars, vers 04h00 du matin, le navire danois détectait plusieurs drones Houthis, et les avait détruits, avec l’armement de bord, avant qu’ils n’atteignent leurs cibles.

Ce succès avait été largement mis en avant par la presse danoise. Peut-être hâtivement. En effet, selon le site danois Olfi, spécialisé dans les questions de défense, la frégate aurait rencontré plusieurs problèmes successifs, à ce moment-là, dans la mise en œuvre de ses armements, ayant mis en danger le navire et la mission.

La frégate Iver Huitfeldt de la Marine danoise quitte précipitamment la mer Rouge

Le site danois cite, à ce sujet, un message envoyé par le commandant du navire quelques jours plus tard à l’OTAN, en communication restreinte, exposant les différents mauvais fonctionnements auxquels le navire a été exposé durant cette mission, et qui n’ont pas, au moment de la rédaction du message, de solution.

frégate iver huitfeldt classe
La classe Iver Huitfeldt se compose de 3 frégates de défense anti-aériennes, entrées en service entre janvier et novembre 2011.

Sans que l’on sache, en l’absence de communication officielle de la part de la Marine danoise, si c’est lié, ou pas, la frégate Iver Huitfeldt a, peu de temps après ce message, quitté la zone d’engagement, pour prendre le chemin de son port danois, alors qu’elle devait rester sur place encore jusqu’à la mi-avril.

Quant aux révélations du site Olfi, elles ont rapidement provoqué l’émoi et la colère dans la classe politique danoise, et un grand embarras de la part du ministre de la Défense, qui a assuré ne pas avoir été informé du sujet, et avoir diligenté des investigations en ce sens.

Impossible de lancer les missiles ESSM contre les drones Houthis

Il faut admettre que les problèmes rencontrés par la frégate Iver Huitfeldt, ce 9 mars, selon cette communication citée par le site danois, ont de quoi inquiéter. Ainsi, une fois les drones Houthis détectés par les radars de la frégate antiaérienne, celle-ci entrepris d’employer l’un des 24 missiles antiaériens à courte et moyenne portée ESSM, embarqués dans les 12 silos de son système VLS Mk56.

Plus économique que les 32 missiles antiaériens SM-2 embarqués dans le système Mk41 du navire, l’ESSM est un missile d’une portée d’une portée pouvant atteindre 50 km, et suffit tout à fait pour traiter de type de cible. Pour peu qu’il parte effectivement…

missile ESSM
Le missile ESSM est un missile antiaérien à courte et moyenne portée américain, employé par de nombreuses marines occidentale.

En effet, pendant 30 minutes, la frégate danoise a été incapable de lancer ses missiles. Selon les informations disponibles, il semblerait que le radar APAR, employé pour la surveillance à courte portée et le guidage des ESSM, et le système de combat C-FLEX du navire, ne sont pas parvenus à communiquer, empêchant le tir des missiles.

Conçu par Thales Netherland, le radar APAR est employé sur de nombreux navires occidentaux. Le Combat Management System (CMS) C-FLEX, a été conçu par le Danemark pour ses propres navires. Le missile ESSM, lui, est conçu par Raytheon. Si ces trois systèmes ont montré leurs performances indépendamment, il semble, qu’à bord de l’Iver Huitfeldt, ceux-ci ne sont pas parvenus à communiquer, bloquant le système à un moment des plus critiques.

Si, en lieu et place de drones, la menace Houthis avait été composée de missiles antinavires, un tel dysfonctionnement aurait certainement pu engendrer des conséquences dramatiques, pour la frégate, et/ou pour les navires escortés.

Vieux de 30 ans, les obus antiaériens de 76 mm explosent bien avant la cible

Fort heureusement, il s’agissait de drones. Et contre de telles cibles, relativement lentes et peu évolutives, d’autres navires occidentaux avaient déjà démontré toute l’efficacité du canon de 76 mm OTO-Melara. Le Iver Huitfeldt, dispose de deux de ces canons.

Une fois à portée de tir, le navire danois entrepris donc de traiter les cibles avec cette artillerie navale. Elle y parvint, mais pas sans se faire une grosse frayeur. En effet, les obus tirés par les deux canons, ont commencé à exploser à des distances incohérentes, parfois même à peine étaient-ils sortis du tube, fort heureusement, sans faire de blessé, ni infliger de dégâts au navire.

guided missile frigate hdms iver huitfeldt f361 photo in publ Flotte de surface | Actualités Défense | Conflit Yemen
La frégate iver Huiltfeldt (F361) dispose de deux canons de 76 mm OTO-Melara.

De toute évidence, les fusées de proximité d’un grand nombre des obus employés, ont été défaillantes, pour provoquer ce comportement hiératique. Il semblerait, toujours selon Ofi, que ces munitions étaient vieilles de plus de 30 ans, et avaient été réarmées en 2005 de nouvelles fusées de proximité, qui ne conviennent pas à une utilisation au combat.

Des problèmes qui mettent en danger le navire et ceux qu’il escorte

Ces deux défaillances critiques consécutives, n’ont pas entrainé de conséquences dramatiques. Les canons OTO-Melara de 76 mm couplés au radar de conduite de tir CEROS 200 de Saab, étant particulièrement efficaces, les quatre drones Houthis ont pu être abattus.

Toutefois, si, en lieu et place de drone volant à 200 km/h, la frégate danoise avait dû faire face à des missiles de croisière, voire à une attaque combinée, il est très possible que la conclusion aurait été très différente, et bien plus dramatique. On comprend, dès lors, la colère de la classe politique danoise, d’autant que, semble-t-il, l’un de ces problèmes n’a rien de nouveau.

En effet, l’inadéquation des obus de 76 mm pour une utilisation en zone de combat, avait été documentée depuis de nombreuses années, sans qu’aucune action ait été entreprise pour la corriger.

MK41 Iver Huitfeldt
Les frégates Iver Huitfeldt emportent 4 systèmes VLS Mk41 emportant chacun 8 missiles anti-aérien à longue portée Standard SM-2 BlockIIIa.

Pire encore, malgré les investigations et tentatives de correction menées par l’équipage, la communication entre le radar APAR et le CMS C-FLEX, n’a pas été rétablie, un problème de jetons, semble-t-il, bloquant le système.

De fait, le navire se trouvait à devoir utiliser ses conduites de tir CEROS plutôt que le radar APAR, limitant considérablement ses capacités défensives, en particulier pour suivre et engager simultanément plusieurs cibles. Sans que cela ait été officialisé, ces raisons sont très probablement à l’origine du départ précipité de la frégate danoise de mer Rouge, pour retourner à son port d’attache dans les jours à venir.

De nouvelles conséquences des « bénéfices de la paix » en Europe

Si ces révélations pourront en faire sourire certains, elles seront prises au sérieux par de nombreux marins, au Danemark et partout en Europe. En effet, les dysfonctionnements critiques expérimentés par la frégate Iver Huitfeldt, montrent des défaillances sévères en matière de maintenance, d’entrainement et de modernisation, au sein des forces navales danoises.

Or, comme de nombreux autres pays européens, le Danemark s’était pleinement engagé dans la baisse des crédits de défense dans les années 2000 et 2010, en application des Bénéfices de la Paix, pour atteindre un plancher à 1,1 % de son PIB entre 2014 et 2017. Il ne dépassera pas 1,6 % du PIB en 2024, même si les autorités ont promis un important effort pour atteindre les 2 % demandés par l’OTAN en 2030.

Marine royale danoise
Bien que forte de seulement 3 500 hommes et femmes, la marine danoise dispose d’une flotte de surface imposante et homogène. Elle ne dispose en revanche d’aucun sous-marin, ni de grand navire amphibie.

En dépit de cette trajectoire, il faudra de très nombreuses années pour que ces hausses (promises), finissent d’apurer les conséquences de 20 années de sous-investissements, d’autant qu’il est souvent tenant, pour les autorités politiques, d’attacher à ces hausses de crédits, des hausses de format ou de nouvelles acquisitions, très ostentatoires, mais venant amputer les budgets consacrés à la simple reconstruction des capacités perdues.

Conclusion

Nul doute que l’équipage de la frégate Iver Huitfeldt a dû vivre des moments particulièrement désagréables ce 9 mars au matin. Qu’un système tombe en panne au pire moment, c’est extrêmement stressant, mais cela arrive. Qu’un second système montre, au même moment, des signes de mauvais fonctionnement flagrants, peut gravement remettre en question sa confiance dans le navire, voire dans la chaine de commandement et dans la Marine, elle-même.

Sortir la frégate du théâtre d’engagement, était très certainement la seule chose à faire, à court terme, pour éviter qu’un drame n’arrive. Toutefois, il faudra produire des explications très crédibles, et des processus de corrections globaux allant bien au-delà des seuls systèmes concernés, pour éviter que cet épisode ne créé des effets délétères à moyen termes, sur les militaires eux-mêmes, alors que les ressources humaines sont, au Danemark comme ailleurs, au cœur des préoccupations des armées.

ATMOS canon
La sélection du canon porté Atmos isralien, pour remplacer les Caesar 8×8 offerts par Copenhague à l’Ukraine, il y a un an, aurait été largement favorisée par des manoeuvres au sein du Ministère de la Défense danois.

Quant au ministre de la Défense danois, Troels Lund Poulsen, il va certainement passer au travers de moment difficile dans les semaines et mois à venir, autour de ce scandale sous couveuse.

S’il n’est en poste que depuis aout 2023, il pourrait lui être reproché le jeu de chaises musicales, joué avec son prédécesseur, Jakob Ellemann-Jensen, avec qui il a interverti le portefeuille des affaires économiques, après que ce dernier a été mis en cause autour de l’appel d’offres pour le remplacement des CAESAR 8×8 donnés par Copenhague à Kyiv, ayant très largement privilégié l’Atmos israélien, bien au-delà du raisonnable, peut-être du légal.

Les petites ententes politiques danoises, alors que l’équipage de la frégate Iver Huitfeldt s’est retrouvé dans un contexte extrêmement dégradé, dont les responsabilités remonteront, tôt ou tard, au ministère, auront certainement du mal à passer, dans les armées, la classe politique, et peut-être dans l’opinion publique du pays.