Comme il est d’usage, pour crédibiliser la posture de dissuasion britannique, ce 30 janvier 2024, le sous-marin nucléaire lanceur d’engins HMS Vanguard britannique, lança, pour exercice, un missile stratégique SLBM Trident 2 D5, au large des côtes de Floride. Celui-ci devait parcourir plusieurs milliers de kilomètres, avant de frapper une zone déterminée dans l’Atlantique sud, préalablement protégée.
Malheureusement pour Londres, et pour le Secrétaire à la Défense, qui était à bord du sous-marin, ce tir se conclut rapidement en un cinglant échec, le missile étant venu percuter l’eau après quelques centaines de mètres seulement. Pire encore, il s’agit du second échec consécutif, concernant le tir d’un missile Trident par un sous-marin britannique.
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Second échec consécutif pour un tir de démonstration d’un missile SLBM Trident par un sous-marin britannique
Après l’échec du tir précédent, qui avait eu lieu en 2016, le succès du tir d’essai du missile SLBM Trident 2 D5, ce 30 janvier, revêtait un caractère d’autant plus stratégique, que les tensions avec la Russie n’ont cessé de croitre ces derniers mois.
De fait, le HMS Vanguard, le sous-marin nucléaire lanceur d’engins SSBN, un navire de 150 mètres et 13 000 tonnes, transportant 16 missiles SLBM Trident, et formant, avec les trois autres navires de la classe, l’ossature de la dissuasion britannique, accueillait Grant Shapps, le Secrétaire de la Défense, et le chef d’état-major de la Royal Navy, pour l’occasion.
Le SSBN HMS Vanguard, est l’un des quatres sous-marins nucléaires lanceurs d’engins assurant la posture de dissuasion britanniques. Il sera remplacé, dans les années à venir, par le nouveau HMS Dreadnaught, premier navire de la classe éponyme.
Comme évoqué en introduction, le test fut un pitoyable échec. Lancé à partir de la profondeur de tir de 44 pieds, le missile réalisa la phase de changement de milieu avec succès, mais un problème de propulseur le fit immédiatement dévier de sa trajectoire, pour venir s’abimer en mer à quelques dizaines de mètres du navire, qui n’a cependant pas été endommagé par les débris, selon la Royal Navy.
La zone, au large des côtes américaines de Floride, a naturellement été opacifiée, pour permettre à l’US Navy de récupérer le missile à 17 m£, bardé de technologies hautement confidentielles. Rappelons, en effet, que la Grande-Bretagne utilise les mêmes missiles que l’US Navy à bord de ses SSBN, même si Londres détient seul la capacité d’armer les têtes nucléaires et de désigner les cibles aux missiles eux-mêmes.
Des échecs qui viendront handicaper la dissuasion britannique face à Moscou
Comme on pouvait s’y attendre, le ministère de la Défense britannique est immédiatement venu minimiser les conséquences de cet échec, expliquant notamment, de manière bien peu convaincante d’ailleurs, que si le tir avait été réel, celui-ci se serait passé sans anicroche. « La dissuasion britannique demeure sûre, sécurisée et efficace » a déclaré le ministère de la Défense dans son communiqué.
La Marine russe prévoit de disposer de 12 SSBN des classes Boreï et Boreï-A d’ici à la fin de la decennie, dans un important effort de sa triade nucléaire.
Cependant, et quoi qu’en disent les autorités britanniques, cet échec vient sensiblement affaiblir la crédibilité de la dissuasion britannique, ce d’autant que Londres de dispose que de ce seul vecteur sous-marin pour porter sa posture nucléaire, ayant renoncé depuis 30 ans à la composante aérienne, sur fond de contraintes budgétaires.
Il en fut de même pour la Russie, lors de la conception du R-30 Bulava, qui enregistra 8 échecs sur 22 tirs de validation et de mise au point, entre 2003 et 2023. De même, le M51 français, rencontra un échec lors du tir de validation N°6 en mai 2013. Cependant, à ce moment-là, le Bulava comme le M-51 n’équipaient pas les sous-marins russes et français, et n’engageaient donc pas la crédibilité de la dissuasion des deux pays qui, par ailleurs, disposent d’autres composantes nucléaires.
Un tir réussi est désormais indispensable pour effacer les deux échecs passés de la Royal Navy
Il est donc, désormais, indispensable, pour la crédibilité de la dissuasion britannique, d’enregistrer, à court terme, un tir réussi de missile Trident, pour effacer les doutes engendrés par les échecs de 2016 et du 30 janvier 2024.
On peut s’attendre, étant donné la sensibilité du sujet, que Londres ne communique sur le sujet, qu’une fois le succès du tir validé, de sorte à ne pas devoir éteindre l’incendie dévastateur qu’un nouvel échec entrainerait, en Grande-Bretagne, mais aussi sur la scène internationale.
Comme la Grande-Bretagne, la France dispose de 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, qui emploient cependant des missiles SLBM M51 de conception entièrement nationale, contrairement aux Trident 2 D5 américains employés à bord des SSBN britanniques.
En effet, les 4 SSBN britanniques de la classe Vanguard, comme les quatre navires français de la classe le Triomphant, jouent un rôle déterminant dans l’équilibre des forces de dissuasion dans le monde, en conservant, à minima, un navire de chaque en patrouille, et deux navires en temps de crise.
Ajoutés aux 12 SSBN de la classe Ohio de l’US Navy, ils sont en mesure de contenir la menace posée non seulement par les 12 SSBN russes des classes Boreï/A et Delta, mais aussi pour les SSBN chinois Type 09IV, dont au moins six navires seraient déjà en service, sur les huit planifiés.
Dans ce contexte, les doutes qui assaillent la dissuasion britannique, irradient jusque sur l’ensemble de la posture de seconde frappe occidentale, garante de la non-utilisation des armes nucléaires par un éventuel adversaire, y compris de manière préventive.
Londres doit-il repenser sa dissuasion face à l’évolution de la menace en Europe ?
Pour autant, ce second échec consécutif d’un tir de missile trident à partir d’un de ses sous-marins nucléaires, devraient aussi inciter Londres à réviser la construction même de ses forces de dissuasion.
Ainsi, à l’instar de la France, il serait certainement des plus utiles et efficaces, dans le contexte qui se dessine, de doter la Royal Air Force d’une capacité de frappe nucléaire à moyenne portée, capable d’atteindre la profondeur du territoire adverse, à l’aide, par exemple, d’un missile de croisière hypersonique aéroporté, comme c’est le cas pour l’Armée de l’Air et de l’Espace Française, avec ses deux escadrons de Rafale B transportant le missile de croisière supersonique ASMPA.
Contrairement au Royaume-Uni, la France dispose d’une dissuasion à deux composantes, avec deux escadrons de chasseurs Rafale armés de missiles de croiisère supersoniques ASMPA armés d’une tête nucléaire.
Au-delà du domaine des frappes purement stratégiques, les Armées britanniques bénéficieraient, assurément, de disposer, comme la Russie, d’une capacité de frappe sol-sol à courte ou moyenne portée, de sorte à répondre, au besoin, à la menace posée par le déploiement de missiles balistiques Iskander-M russes, contre les troupes britanniques déployées dans le pays baltes ou en Europe du Nord.
Comme évoqué dans de précédents articles, la Grande-Bretagne, aujourd’hui, dispose d’un vocabulaire particulièrement limité dans le dialogue des dissuasions en Europe, ne pouvant s’appuyer que sur ses seuls sous-marins nucléaires armées de missiles SLBM stratégiques.
L’extension horizontale de ses capacités, dans ce domaine, avec la mise en œuvre d’une composante aéroportée, ou d’une composante sol-sol, viendrait sensiblement renforcer ce vocabulaire, donc le rôle qui pourrait jouer Londres dans le dialogue stratégique européen, et surtout éviter, comme c’est le cas aujourd’hui, au Royaume-Uni de se retrouver bègue, après deux échecs de tirs de missiles.
L’US Navy et le Pentagone ont de grandes ambitions, qui reposent beaucoup sur l’augmentation des cadences de production de l’industrie navale US, afin de pouvoir faire face à la Chine et sa puissante Marine en évolution rapide. Les chantiers navals américains vont, en effet, devoir produire deux sous-marins nucléaires d’attaque, et un sous-marin nucléaire lanceur d’engins, beaucoup plus imposant, chaque année, pour donner corps à la flotte espérée par l’amirauté américaine.
Toutefois, cette industrie semble à la peine pour augmenter ses cadences de production, comme le montre la loi de finance du Pentagone pour 2025, en cours de conception, qui ne prévoit de ne commander qu’un unique SSN classe Virginia, dans ce qui ressemble beaucoup, à une inévitable régression à la moyenne.
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Un seul sous-marin nucléaire d’attaque SSN classe Virginia Block IV commandé par l’US Navy en 2025
Après avoir commandé deux nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque classe Virginia en 2023, et en 2025, l’US Navy s’apprêterait donc, selon les informations obtenues par plusieurs sites spécialisés défense, outre-atlantique, à ne commander qu’un unique Virginia en 2025.
Les chantiers navals américains construisent simultanément, et à chaque instant, 8 sous-marins classe Virginia, à différent stade de finition.
Ces deux entreprises se sont partagées, jusqu’ici, la construction des SSN de la classe Virginia, depuis 1999, alors que GDEB a entamé, en 2022, la construction du premier SSBN de la classe Columbia, appelé à remplacer les Ohio à partir de 2031, jusqu’en 1942, et la livraison du dernier navire de la classe.
L’industrie navale US est en saturation de production, et ne parvient pas à progresser
Il y a, aujourd’hui, six Virginia en cours de construction avant leur lancement, et deux déjà lancés, en cours de finition. La construction de ces navires a débuté en 2020, à raison de deux nouveaux navires par an, jusqu’en 2023.
Sachant que 5 années séparent, en moyenne, l’entame des travaux et la livraison à l’US Navy, les chantiers navals américains ont donc atteint leur format critique, avec 8 navires en construction fin 2023, pour soutenir le rythme de 2 SNA par an.
Cependant, cette vision est trompeuse. En effet, la construction d’un unique SSBN classe Columbia a débuté en 2022, alors qu’il faudra, pour tenir les délais de livraison, 10 années pour livrer le navire.
La production industrielle américiane pourrait certainement soutenir le rythme de 2 SSN Virginia livrés chaque année. Mais ce sera très difficile de la faire, en devant livrer simultanément un SSBN Columbia par an.
En d’autres termes, la construction des 12 SSBN classe Columbia, va venir très largement ponctionner, à partir de 2025, et jusqu’en 2034, les capacités de production des chantiers navals américains, avec de 3 à 9 SSBN en construction simultanément.
Sachant qu’un SSBN est considéré comme équivalent à 2 SSN, en termes de poids industriel, le plan actuellement suivi par l’US Navy, va certainement venir considérablement réduire les capacités de productions des chantiers navals américains, en matière de SSN, dans les années à venir, peut-être même les geler pendant quelques années.
Pour tenter de maintenir les cadences de production de SSN à un navire par an, soit cinq navires en production, dont un en finition, à chaque instant, il sera probablement nécessaire aux chantiers navals américains de doubler leurs effectifs, alors que la construction simultanée de SSBN, qui atteindra 6 ou 7 navires en cale, et 2 ou 3 en finition, nécessitera de nouvelles infrastructures industrielles considérables.
Les plans de l’US Navy menacées par les difficultés de recrutement de l’industrie navale américaine.
On comprend, dans ce contexte, pourquoi l’US Navy tablait sur le recrutement de plusieurs centaines de milliers de nouveaux ouvriers, dans les années à venir, pour être en mesure de soutenir le rythme industriel souhaité, d’autant que celui-ci sera tout aussi soutenu en matière d’unités de surface, du porte-avions à la frégate, ce afin de rester au contact de la Marine chinoise, qui ne semble pas rencontrer de difficultés dans ce domaine.
Le remplacement des SSBN de la classe Ohio de l’US Navy ne peut souffrir du moindre retard, tant les navires sont stratégiques en cette période de tensions très élevées.
Malheureusement, pour les chantiers navals américains, mais surtout pour l’US Navy et le Pentagone, les industriels rencontreraient, dès à présent, d’importantes difficultés pour recruter, alors que la pression demeure encore relativement faible, face à ce qu’elle devrait devenir, en application de ce plan.
Pire encore, il semblerait qu’ils ne parviennent pas même à retrouver le format RH qui était le leur, avant la crise Covid, en dépit d’efforts considérables dans ce domaine. Ces difficultés, documentées depuis plusieurs mois, avaient amené plusieurs organismes d’audit indépendants du Congrès américains, à mettre en doute la soutenabilité des ambitions de l’US Navy dans ce domaine.
La commande d’un unique SSN classe Virginia, en 2025, a, dès lors, certainement pour objet, de réduire la pression opérationnelle à venir sur ces industriels, alors que le programme de construction des DDBN classe Columbia sera encore en phase ascendante.
Et la réussite des deux chantiers navals américains (dans le domaine des unités sous-marines), pour faire croitre leurs forces productives respectives, au cours de cette année, déterminera, très certainement, l’ensemble de la stratégie navale américaine dans ce domaine, ainsi que la nature du rapport de forces à venir, entre l’US Navy et la Marine chinoise, en admettant que la Marine russe sera, essentiellement, déléguée aux européens.
Une terrible épée de Damoclès sur le programme SSN-AUKUS et sur la flotte sous-marine de la Royal Australian Navy
Toutefois, cette épée de Damoclès, car c’est bien de cela qu’il s’agit, qui pèse sur le format et la modernisation de l’US Navy, risque de faire plus d’une victime, nommément, la Royal Australian Navy, au travers du programme SSN-AUKUS.
L’US Navy doit livrer deux SSN Virginia à l’Ausralie en 2034 et 2035, prélevés sur son propre inventaire. Mais cette transsaction n’aura lieu que si l’indsutrie navale US peut livrer les navires de remplacement en temps, et en heure.
Rappelons que celui prévoit que la Marine australienne fera l’acquisition, entre 2033 et 2035, de trois SSN de la classe Virginia, deux navires en occasion récente, en service au sein de l’US Navy, et un navire neuf, avant de construire cinq sous-marins nucléaires d’attaque codéveloppés avec le Royaume-Uni, et livrés à partir de 2040, dans le meilleur des cas.
Or, pour accepter la vente des trois Virginia à Canberra, le Congrès américain a préalablement exigé que la transaction ne vienne pas affaiblir les moyens dont disposera l’US Navy.
En d’autres termes, les deux navires prélevés devront être presque immédiatement remplacés par des navires neufs, et les trois navires produits, ne devront pas venir entamer l’objectif de 2 SSN par an pour l’US Navy, indispensable pour relever le défi chinois.
Pour y parvenir, il sera nécessaire d’augmenter la production de SSN américain, qui passerait, de 2028 à 2037, de 2 SNA à 2,35 SNA par an. Ce qui parait, à la vue des éléments exposés ici, au mieux très difficile à atteindre, au pire, à la limite du vœu pieux.
Or, si l’US Navy ne parvient pas à compenser les SNA cédés à Canberra, faute de capacités de production industrielle suffisantes, il est presque certain que le Congrès refusera la transaction, laissant la Marine australienne sans solution pour remplacer ses sous-marins Collins, qui marquent déjà le poids des années.
Les 6 Collins de la Marine australienne, ne parveindront pas à être prolongés au delà de 2035, et devront imperativement être retirés successivement du service entre 2035 et 2040.
Conclusion
Reste à voir, eu égard au poids politique que revêt ce programme aussi bien en Australie qu’aux États-Unis, ainsi qu’à la manière dont il a été présenté, depuis trois ans, aux opinions publiques, s’il y aura un dirigeant américain ou australien pour oser regarder en face les problèmes, et les risques qui en découlent, et pour prendre les mesures conservatoires indispensables, comme l’acquisition, en urgence, de 6 ou 8 sous-marins à propulsion conventionnelle pour la Marine australienne ?
Malheureusement, dans ce domaine, il apparait que les décisions, spécifiquement à Canberra, sont bien plus souvent prises sur des considérations de politique intérieures, plutôt que sur l’anticipation des risques et menaces à venir, et de la manière façon d’y répondre.
11 mois après son premier roulage, le nouveau chasseur TAI Kaan turc, issu du programme TF-X, a effectué son premier vol ce 20 février, selon les autorités du pays. Le vol, lui-même, n’a duré que 11 minutes, alors qu’un F-16D des forces aériennes turques a accompagné le prototype pour son vol inaugural, train sorti, comme il se doit.
Il s’agit d’un grand succès pour l’industrie aéronautique de défense turque, et surtout TAI qui pilote le programme, et qui intervient à peine 10 mois après le premier vol de l’avion d’entrainement et d’attaque Hürjet, premier avion militaire équipé de turboréacteur, conçu par l’industrie du pays.
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Le premier vol du TAI Kaan a eu lieu avec un an d’avance sur le calendrier initial
Alors que le calendrier initial du programme TF-X prévoyait un premier vol en 2025, celui-ci aura eu lieu ce 20 février 2024, avec presque un an d’avance. Il marque le début de la seconde étape, les essais en vol, de la conception de l’appareil destiné à remplacer les F-16 C/D des forces aériennes turques à partir de la seconde moitié de la décennie en cours.
Long de 21 mètres pour 14 mètres d’envergure, le TAI Kaan a une masse maximale au décollage estimée de 27 tonnes, le plaçant dans la catégorie des chasseurs moyens, comme le Rafale (25 tonnes), l’Eurofighter Typhoon (23,5 tonnes) ou le Super Hornet (29,9 tonnes), mais aussi du KF-21 Boramae sud-coréen (25,5 tonnes) et le FC-31 chinois (entre 25 et 28 tonnes selon la motorisation).
La TAI Kaan a, en de nombreux aspects, beaucoup de similarité avec le KF-21 Boramae sud-coréen, qui termine sa pahse d’essais en vol en ce moment, et devrait bientôt entamer la production industrielle.
Il est propulsé par deux turboréacteurs américains GE F110, développant une poussée de presque 8 tonnes, et de plus de 13 tonnes avec post-combustion, lui conférant un rapport poussée poids proche de 1, même lorsqu’il est au décollage en configuration lourde de combat.
L’avionique du TFX Kaan est exclusivement turque, avec les désormais traditionnels, pour les appareils modernes, radar AESA, systèmes de protection et de guerre électronique et système de détection électro-optique avec canal infrarouge et vidéo.
Il est conçu pour mettre en œuvre une vaste panoplie de munitions air-air, air-sol et air-surface, de facture turque, dont les missiles air-air du programme Görtüc, les munitions air-sol/surface Kuzgun ou encore la game Çakir. Il est également prévu qu’il puisse employer le missile air-air Meteor européen, et le missile air-sol Spear britannique.
Enfin, comme le Boramae, l’appareil a été conçu pour avoir une discrétion renforcée, sans pour autant pouvoir être qualifié de furtif.
Un véritable succès pour l’industrie aéronautique militaire turque et un marché export prometteur
Si le TAI Kaan a encore beaucoup à démontrer, en particulier lors de la phase d’essais en vol, il part donc, sur le papier, avec de sérieux arguments pour séduire, même si son prix promet d’être, lui aussi, élevé, autour de 100 m$ l’exemplaire, selon certaines déclarations turques, soit le prix d’un Rafale, d’un Typhoon ou d’un Super Hornet.
Le Hürjet, permier avion de combat à turboreacteur de conception turque, a effectué son premier vol en avril 2023, il y a tout juste 10 mois.
Il n’y a guère de raisons de douter que ce soit le cas. En effet, le Hürjet montre des qualités toutes occidentales lors des essais en vol, comme c’était le cas, précédemment, des hélicoptères produits par TAI. En outre, l’appareil s’appuie sur deux turboréacteurs F-110 réputés pour leur fiabilité, et largement employés à bord des F-16, mais aussi du nouveau F-15EX, et du chasseur japonais F-2.
Il s’agit donc d’un grand succès pour TAI, et l’ensemble de l’industrie aéronautique turque, qui a rejoint, par ce premier vol, le club très fermé des constructeurs d’avions de combat modernes, venant combler un des derniers grands volets pour permettre à Ankara d’atteindre l’autonomie stratégique, même si, comme la Corée du Sud, la Suède, ou encore l’Inde, le chasseur turc dépendra des turboréacteurs américains, faute d’avoir pu s’entendre avec Rolls-Royce au sujet de l’EJ200, initialement envisagé.
Le Kaan pourrait d’ailleurs, assez rapidement, maintenant qu’il a effectué son premier vol, rencontrer certains succès sur la scène internationale. On pense, naturellement, aux partenaires et clients traditionnels de l’industrie de défense turque, comme le Qatar, mais aussi l’Azerbaïdjan, deux pays qui partagent avec Ankara, bien plus que des relations contractuelles.
La marine turque a présenté certains aspects de son futur porte-avions, le Trakya, dérivié du LHD TCG Anadolu entré en service il y a quelques mois. Remarquez les Kaan sur le pont (source : Naval news)
Nonobstant l’autorisation d’exportation des F110 donnée, ou non, par Washington, d’autres pays pourraient voir dans le Kaan, un appareil d’intérêt, comme la Libye, la Tunisie, et même l’Ukraine, d’autant que cette dernière est engagée dans le développement d’un turboréacteur avec la Turquie, pour se substituer au F110.
Le rôle du feu vert américain sur l’exportation de nouveaux turboréacteurs F110 vers Ankara
Ce premier vol doit beaucoup aux ingénieurs turcs, à la détermination de son président, R.T Erdogan, pour doter le pays d’une industrie de défense globale, mais aussi à Joe Biden, le président américain, qui a donné, en juillet 2022, l’autorisation d’exportation pour dix turboréacteurs F-110, afin de permettre au programme TF-X de se poursuivre.
Notons que cette autorisation est intervenue après les élections présidentielles et législatives turques ayant reconduit Erdogan et son parti à la tête du pays, mais alors que les tensions étaient encore vives entre Ankara et Athènes, notamment autour de la mer Égée et de l’exploitation de ses ressources gazières, et que le président Erdogan s’opposait à l’adhésion de la Suède à l’OTAN.
Cette autorisation d’exportation, même limitée, a probablement joué un rôle dans la normalisation de la posture turque avec l’occident ces derniers mois, comme un gage de bonne foi quant à l’autorisation de livraison des F-16V attendus par Ankara, si le Parlement turc autorisait l’adhésion suédoise, et si les tensions avec Athènes venaient à diminuer, dans un parfait exemple de la théorie de la négociation, dérivée de la théorie des jeux.
Les forces aériennes turques vont entrer dans une phase intense de modernisation, avec l’arrivée de 120 F-16V, la possible acquisition de Typhoon et de F-35, et les premieres livraisons de TAI Kaan, pour remplacer les F-16 les plus anciens.
Le fait est, si le programme TF-X a pu, rapidement, progresser, la Turquie a, dans le même temps, sensiblement adouci son discours international, venant apaiser les tensions avec Athènes, et autorisant l’arrivée de Stockholm au sein de l’OTAN.
Aujourd’hui, Ankara va pouvoir acquérir les 40 F-16V ainsi que les 80 kits de modernisation attendus pour moderniser sa flotte de chasse, pourra certainement acheter les 40 Eurofighter Typhoon négociés avec l’Espagne et la Grande-Bretagne, et pourrait, sous couvert de l’achat de Patriot et du retrait de la batterie S-400 russe, rejoindre à nouveau le programme F-35.
Reste à voir, dorénavant, comment le programme d’essais en vol du TAI Kaan, se déroulera, si le chasseur répondra aux attentes et ambitions qu’il porte, et si, comme on peut s’y attendre, l’appareil rencontrera le succès anticipé sur la scène internationale. Une chose est certaine, cependant, la Turquie a fait un immense pas symbolique, ce mercredi, vers son autonomie stratégique, et a rejoint l’élite des industries de défense mondiales, capables de concevoir et faire voler un avion de combat moderne.
Le ministre de la Défense australien, Richard Marles, a présenté le très attendu plan pour la modernisation de la Marine Australienne, en début de semaine, à Sydney. Sans surprise, il prévoit la diminution du nombre de frégates classe Hunter, sur fond de dérives budgétaires du programme, mais annonce surtout le doublement de la flotte de surface combattante du pays.
Parmi les nouvelles classes de navires qui rejoindront la Royal Australian Navy, une classe de 11 frégates polyvalentes, constituant sa colonne vertébrale à venir, correspond bien davantage, dans sa description, aux futures frégates américaines de la classe Constellation, qu’aux frégates légères européennes et asiatiques initialement identifiées.
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Un nouveau plan de construction navale pour la modernisation de la Marine Australienne
Le nouveau plan australien prévoit, comme on pouvait s’y attendre, la diminution du nombre de frégates Type 26 de la classe Hunter, de conception britannique, dont seuls 6 exemplaires, et non 9 comme initialement prévu, seront livrés à partir de 2034, jusqu’en 2040. Avec les trois destroyers antiaériens de la classe Hobart, elles formeront la flotte de premier rang (Tier 1 dans le texte), de la Royal Australian Navy.
Ces navires seront épaulés par 17 navires de second rang (Tier 2), une flotte composée de 11 frégates polyvalentes destinées aux missions d’escorte, et de six grands navires à équipage optionnel, ou Large Optionally Crewed Surface Vessels (LOSV), destinés à porter des capacités de frappe à longue distance, vers la terre et vers les navires adverses. Enfin, une flottille de 25 navires de troisième rang, minor war vessels, dont six nouveaux grands patrouilleurs de type OPV, assureront les missions de défense côtière.
La Royal Australian Navy aligne 8 frégates de la classe Anzac à ce jour, deux navires servant au sein de la marine neozélandaise.
L’objectif annoncé par Richard Marles, ici, est de doubler le format de la flotte de surface combattante de la Royal Australian Navy, d’ici à 2040. Toutefois, de nombreuses inconnues demeurent dans la mise en œuvre de ce nouveau plan qui, comme souvent en Australie, se veut très ambitieux, mais truffé de zones d’ombre.
Des frégates AEGIS qui s’approchent beaucoup des frégates Constellation américaines
La première d’entre elles, n’est autre que le modèle qui sera choisi par Canberra, pour constituer les 11 frégates de second rang de la RAN. À l’occasion de la revue navale publiée il y a presque un an, plusieurs frégates avaient été avancées comme satisfaisant aux besoins potentiels de l’Australie : La Meko-200 allemande, l’Alfa3000 espagnole, la Daegu Block III sud-coréenne, et la FFM Mogami japonaise.
Depuis, le cahier des charges imposé par la RAN, a sensiblement évolué (comme c’est très fréquemment le cas dans ce pays). En effet, les frégates devront accueillir un système AEGIS, donc un radar SPY-6, ainsi qu’au moins silos 32 VLS, très probablement des Mk41 américains. Or, aucune des classes précédemment identifiées, n’a été conçue pour accueillir le système AEGIS, et pour emporter 32 silos verticaux pouvant mettre à profit l’AEGIS, pour accueillir, à minima, les missiles SM-2 ou SM-6.
En revanche, cette exigence, ainsi que la description des missions qui devraient être confiées aux frégates australiennes, semblent correspondre à merveille aux nouvelles frégates américaines de la classe Constellation, dont vingt exemplaires, au moins, seront construits pour l’US Navy.
La classe Consteallation serait assurement un choix raisonnable, du point de vue industriel comme militaire, pour constituer la colonne vertabrale de la Marine australienne
Il s’agirait, pour Fincantieri, qui construit les Constellations sur la base des FREMM italiennes, d’une formidable revanche sur BAe, après que ce dernier l’a écarté, en 2015, du programme ayant donné naissance aux frégates ASM de la classe Hunter.
Surtout, cela permettrait à la RAN d’accroître encore davantage son interopérabilité avec l’US Navy, chose que l’on sait être au centre des préoccupations de l’état-major australien face à la Chine.
Même d’un point de vue industriel, l’hypothèse serait raisonnable. Comme le montre l’exemple grec récent, les États-Unis et Fincantieri semblent particulièrement souples pour des accords de construction locale des frégates Constellation. Ce qui n’est pas surprenant, dans la mesure où les capacités industrielles disponibles aux États-Unis, sont insuffisantes pour répondre aux seuls besoins de l’US Navy, y compris dans le domaine des frégates.
En outre, l’hypothèse de disposer, en Australie, d’un chantier naval capable d’assurer la maintenance, y compris lourde, des frégates Constellation, en cas de besoin, ne serait probablement pas pour déplaire au Pentagone.
Il faut donc, probablement, s’attendre à ce que dans les mois à venir, l’hypothèse de la Constellation, comme colonne vertébrale de la Royal Australian Navy, s’impose à Canberra.
Un basculement de plus en plus marqué vers les équipements américains
Un tel choix serait parfaitement dans l’alignement des derniers arbitrages australiens, qui ont sacrifié, parfois de manière très étonnante, certaines capacités militaires efficaces, pour libérer des espaces afin d’accroitre l’interopérabilité avec les forces américaines.
Royal Australian Air Force F/A-18 Hornets fly in formation with an F-35A Joint Strike Fighter over Newcastle, NSW.
Ainsi, les forces aériennes australiennes sont intégralement aux mains des constructeurs aéronautiques américaines Boeing et Lockheed-Martin, avec le Super Hornet, le Growler et le Lightning 2 pour la chasse ; le E-7A Wedgetail pour l’alerte aérienne avancée ; le C-17, le C-27 et le C-130 pour le transport. Même le nouveau drone de combat MQ-28 Ghost Bat, a été développé avec Boeing. Dans ce paysage, les 7 KC-30A (A330 MRTT) de ravitaillement en vol et les 3 Falcon 7X français, font office d’exception.
Dans le domaine des forces terrestres, le bilan n’est guère éloigné, même si Canberra a commandé le Boxer allemand et l’AS21 Redback pour ses véhicules blindés de reconnaissance et de combat d’infanterie, il y a peu. Ainsi, l’Australian Army a commandé 75 chars lourds M1A2 Abrams SEPv3 pour moderniser cette composante, et son artillerie repose, aujourd’hui, sur le canon tracté M777 américain.
Dans le domaine des hélicoptères, là encore, l’Australian Army a fait le choix d’une interopérabilité maximale avec les forces américaines, abandonnant successivement, et sur des arguments hautement contestables, ses hélicoptères de transport Taipan (NH90) et Tigre européens, pour acquérir des Black Hawk et des Apache américains.
Dans le domaine naval, enfin, après s’être initialement tourné vers les européens au milieu des années 2010, pour la construction de ses destroyers antiaériens classe Hobart (Navantia), ses frégates classe Hunter (BAe) et ses sous-marins classe Attack (Naval Group), Canberra semble à nouveau privilégier l’interopérabilité avec l’US Navy.
The commissioning crew of HMAS Hobart, line the decks, alongside Garden Island, Sydney during the ceremony.
D’abord, comme on s’en souvient, le contrat Sea 1000 portant sur la construction de 12 sous-marins à propulsion conventionnelle Shortfin Barracuda français, a été unilatéralement annulé par Scott Morrison, alors premier ministre, pour lancer le programme SSN-AUKUS, visant à doter de pays de huit sous-marins nucléaires d’attaque, dont au moins 3 Virginia américains.
Dans ce contexte, se tourner vers la classe Constellation, apparaitrait évidemment raisonnable, d’autant que l’Australie a déjà dépensé beaucoup de crédits dans le programme Hunter. Il est probable, à ce titre, que si la Type 26 Hunter n’était pas de conception britannique, partenaire clé du programme SSN Aukus, celle-ci aurait connu le même destin que les sous-marins français.
Des moyens obsolètes et insuffisants face à la Chine en 2030
Pour autant, le chamboulement qu’engendre le nouveau plan de Richard Marles, n’est pas sans conséquence, et sans poser d’importantes questions. Ainsi, il apparait que la Royal Australian Navy entamera, effectivement, la seconde phase de sa modernisation, le remplacement des frégates Anzac et des sous-marins Collins, qu’à partir de 2033 ou 2034, dans le meilleur des cas, et que cette transition s’étalera au moins jusqu’en 2045.
Or, pour de nombreux spécialistes, y compris au Pentagone, le pic de tension avec la Chine dans le Pacifique, pourrait intervenir bien plus tôt, 2027 étant souvent avancée, outre-Atlantique, comme une date probable concernant une possible opération chinoise pour reprendre Taïwan.
La Marine chinoise admet au service une dizaine de frégates et destroyers modernes chaque année, des navires contre lesquels les Anzac et Collins australiens ne font pas le poids.
Dans ce contexte, la Marine australienne pourrait devoir s’engager dans un éventuel conflit, aux côtés des États-Unis, face à la très puissante, et très moderne marine chinoise, avec des moyens pour le moins datés, comme les frégates Anzac, et même obsolètes, avec les sous-marins Collins.
D’autre part, si le plan présenté cette semaine par le gouvernement Albanese, est ambitieux dans ses objectifs, il semble être particulièrement flou quant aux moyens qui seront effectivement attribués à la RAN, pour lui donner corps. Celui-ci prévoit, certes, qu’un budget de 54 Md$ australiens, soit 33 Md€, sur la décennie à venir, lui sera alloué pour lui donner corps, sans que l’on sache, toutefois, comment il sera constitué.
Par ailleurs, sachant l’extrême propension australienne à complexifier ses programmes, et à voir calendriers et budgets s’envoler à chaque nouvelle évolution demandée par l’Amirauté, ou changement de gouvernement, il est peu probable que ce plan soit exécuté sans accroc dans ce calendrier, et dans ce budget.
On peut se demander, dès lors, si les hésitations, retours en arrière, et les plans radicaux, comme celui présenté cette semaine, constituent, aujourd’hui, la meilleure manière pour renforcer les moyens dont devra disposer la Royal Australian Navy, pour faire face au défi posé par la Marine chinoise, dans les années à venir.
Appliquée en Norvège et en Suède, peut-être bientôt en Croatie, la conscription choisie représente une manière originale d’appliquer la conscription obligatoire, tout en respectant l’ensemble des contraintes qui s’appliquent aujourd’hui aux armées européennes.
Alors qu’elles rencontrent des difficultés croissantes pour maintenir leurs effectifs, et que la menace internationale impose des moyens densifiés, ces armées doivent désormais envisager tous les modèles, y compris moins classiques, pour répondre aux défis sécuritaires qui se présentent aujourd’hui, et qui iront, certainement, croissants demain.
Sommaire
Depuis la fin de la Guerre Froide, les armées européennes ont connu une déflation d’effectif considérable, le plus souvent en lien avec la fin de la conscription obligatoire. Ainsi, les Armées françaises sont passées d’un format de 562 000 hommes en 1985, dont 280 000 appelés, contre 207 000 militaires d’active aujourd’hui. Il en est allé de même dans toutes les armées européennes.
Sur la base des bénéfices de la Paix, et de la disparition de la menace soviétique, les armées européennes ont, pour la plupart, mis à fin à la conscription, vécue alors comme une contrainte inutile, aussi bien par les appelés, que par les militaires eux-mêmes.
Exposés à des missions extérieures nombreuses auxquels les conscrits ne pouvaient pas, statutairement, participer, et des crédits en baisse, les militaires eux-mêmes privilégiaient une armée de métier, au format resserré, mais adaptée aux missions par sa professionnalisation, et la technicité accrue de ses opérateurs.
Difficultés de recrutement et fidélisation déclinante, le défi pour maintenir des effectifs déjà insuffisants dans les armées européennes
Au fil du temps, cependant, deux problèmes vinrent mettre à mal ce modèle pourtant raisonnable. D’abord, la fin de la conscription vint sensiblement éroder le brassage entre les armées et la société civile, entrainant une diminution très sensible du volume de candidats chaque année.
la France prévoit de faire croitre le nombre de gardes nationaux de 40 000 à 80 000 d’ici à 2030, mais l’objectif sera difficile à atteindre.
Le problème est tel que, bien souvent désormais, le nombre de candidats ayant simplement les aptitudes physiques requises, est inférieur au nombre de postes proposés, parfois de manière très importante.
Les armées européennes, mais aussi américaines, sont dorénavant exposées à un cruel dilemme : réduire leurs critères de sélection, avec le risque que cela ne vienne se répercuter sur l’efficacité opérationnelle, ou ne pas remplir leurs quotas de recrutement, ce qui, là aussi, a des conséquences opérationnelles évidentes.
À ce problème déjà plus que sérieux, depuis le début des années 2010, s’en est ajouté un second, encore plus contraignant. Apparu en 2012, avec l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en Chine, et le retour de Vladimir Poutine au Kremlin, il n’a cessé de croitre depuis.
En effet, les deux hommes ont conjointement accru la puissance militaire de leurs pays respectifs de façon considérable, tout en se montrant de plus en plus belliqueux sur la scène internationale, en particulier vis-à-vis de l’occident, qu’il s’agisse du cas de Taïwan dans le Pacifique, ou de l’Ukraine en Europe.
Les armées ukrainiennes ont montré que les conscrits peuvent reprrésenter une force armée de premier rang, y compris contre des forces profesionelles.
Il est, de fait, devenu évident, depuis l’entame du conflit en Ukraine, que les armées européennes n’avaient pas le format requis pour répondre à la menace, et surtout aux contraintes liées à une guerre de haute intensité moderne, particulièrement consommatrice de munitions, de matériels et d’hommes.
Elles se retrouvent donc dans une situation particulièrement complexe, ne parvenant pas même à stabiliser leurs effectifs professionnels, tout en devant, dans le même temps, les augmenter.
L’impossible retour à la conscription obligatoire généralisée en Europe
Dans ce contexte, il pourrait sembler que le retour à la conscription constituerait une solution toute désignée, celle-ci ayant fait ses preuves durant toute la guerre froide. D’ailleurs, l’hypothèse fait surface dans le débat publique, en France comme en Allemagne, et ailleurs, de manière régulière depuis de nombreuses années.
Cependant, le plus souvent, les soutiens, et ils sont nombreux, au retour à la conscription obligatoire généralisée, visent des objectifs qui n’ont aucun rapport avec la défense, comme le brassage social, l’intégration, voire une certaine manière de lutter contre la délinquance.
Comme c’est fréquent en Europe, les Armées servent, ici, de béquille au manque de résultats, ou d’imagination, des politiques publiques, pour des missions qui ne sont pas les siennes.
Les armées européennes avaient fait le choix de la professionalisation pour répondre aux exigences des missions exterieures
Rien de surprenant, dans ce contexte, que les militaires représentent les plus fervents opposants à ce modèle, qui viendrait lourdement détériorer leurs capacités opérationnelles déjà insuffisantes, sans perspectives militaires, et pour des résultats sociaux probablement inexistants.
En outre, un tel projet nécessiterait une hausse considérable des budgets militaires, ne serait-ce que pour doter à nouveau les armées des infrastructures nécessaires pour accueillir les conscrits, et pour constituer et équiper les unités militaires qui devraient les accueillir. Budget qui serait, par ailleurs, bien mieux utilisé pour renforcer les armées professionnelles, nonobstant les problèmes de recrutement.
Pour autant, la conscription obligatoire généralisée, n’est pas le seul modèle de conscription susceptible de répondre aux enjeux de croissance des effectifs des armées. Depuis plusieurs années, en effet, un modèle de conscription bien plus souple, moins contraignant, et répondant mieux aux besoins des armées, a été mis en œuvre par plusieurs pays européens, en particulier en Scandinavie : la conscription choisie.
La Conscription choisie, un modèle paré de nombreuses vertus
Son principe est relativement simple. Si la conscription reste obligatoire, et si toute la classe d’âge doit répondre à la convocation des armées pour venir effectuer une intégration initiale de quelques jours, seule une partie de celle-ci, est effectivement appelée pour venir rejoindre les armées.
La conscription choisie offre de nombreux atouts, et beaucoup moins de contraintes que la conscription généralisée.
Ce sont les armées qui sélectionnent, elles-mêmes, les candidats, qui sont alors dans l’obligation de venir réaliser un service militaire, en général d’une année. Elles se basent, précisément, sur les résultats des tests, ainsi que sur le dossier scolaire et social, et sur un éventuel volontariat des jeunes, pour établir ses listes.
Bien que proche, dans ses fondements, de la conscription généralisée, qui, elle aussi, n’appelait, dans les faits, qu’une partie d’une classe d’âge, elle offre cependant des atouts sans équivalent, et répond bien mieux au présent contexte européen.
D’abord, la conscription choisie permet aux Armées d’adapter leurs recrutements de conscrits, à leurs besoins spécifiques, que ce soit en nombre, comme en qualité. Ainsi, il leur est possible de faire croitre le format des armées de manière particulièrement souple, simultanément à la construction de nouvelles infrastructures et de nouvelles unités, pour les accueillir.
Outre le format des armées, ce mode de conscription permet aux armées de choisir précisément les profils dont elle a besoin, pour venir renforcer la mission défense. Elle peut, de cette manière, adapter la conscription à certains déficits de recrutement présents ou à venir, ou faire croitre progressivement les effectifs de ses unités de conscrits, en recrutant initialement des profils d’encadrement, puis des profils opérationnels.
Les Armées suédoises font a nouveau appel à la conscription depuis 2017, mais cela ne touche qu’environ 10% d’une même classe d’âge.
Le recrutement choisi offre, en outre, un bras de levier efficace pour anticiper les besoins à venir des armées professionnelles, d’active ou de réserve. En effet, la conscription joue un rôle d’une grande efficacité pour faire naitre des vocations. Ainsi, en adaptant les recrutements de conscrits, il est possible de venir gonfler, assez rapidement, le nombre de candidats pour les armées professionnelles, de manière particulièrement maitrisée.
Le caractère obligatoire, mais choisi, peut apparaitre comme un déni d’équité de la citoyenneté, surtout lorsque la conscription est imposée. Toutefois, avec des objectifs de conscription relativement limités, de l’ordre de 10 ou 15 % d’une classe d’âge, soit de l’ordre de 60 à 80 000 jeunes gens, en France ou en Allemagne, les Armées ont précisément l’opportunité d’éviter d’appeler les profils les plus rétifs ou revendicatifs, et s’assurent donc de devoir encadrer des effectifs bien plus motivés que ne l’étaient les appelés dans les années 80.
Norvège, Suède, Chine : ces pays qui appliquent déjà la Conscription choisie
En effet, ce modèle est appliqué par plusieurs pays, notamment Scandinave, et offre un retour d’expérience spectaculairement rassurant, dans tous les domaines.
Ainsi, en Norvège, avec un taux de recrutement de l’ordre de 10 %, la sélection par les Armées est devenue, pour la jeunesse, jeunes femmes comprises, un marqueur puissant d’excellence, particulièrement pour entamer une carrière professionnelle. De sorte qu’aujourd’hui, le nombre de volontaires dépasse le nombre de postes disponibles. Des situations similaires sont observées en Suède, qui a remis en place une conscription, mais cette fois choisie, depuis 2017.
En dépit d’un service miltiaire de 2 ans, l’Armée Populaire de Libération a fréquemment plus de candidats que de postes disponibles pour la conscription.
Hors d’Europe, la conscription choisie est également mis en œuvre par certains pays, et plus particulièrement, par la plus grande armée du Monde, l’Armée Populaire de Libération. Comme en Norvège, l’APL choisie les jeunes gens qui effectueront un service militaire, de deux ans cette fois.
Là aussi, le nombre de volontaires excède régulièrement le nombre de postes, mais pour des raisons différentes. En effet, le service militaire constitue un atout de taille dans la société chinoise, notamment pour travailler dans l’administration, pour obtenir un logement, ou pour créer une société.
Conclusion
Alors, la conscription choisie représente-t-elle le Graal, pour résoudre les difficultés de recrutement et d’augmentation de format des armées européennes ? Comme nous venons de la voir, c’est fort possible, et c’est pourquoi le modèle commence à séduire en Europe.
Cette solution associe, en effet, les bénéfices (militaires) de la conscription, a certains atouts qui lui sont exclusifs, et qui la rapproche, en qualité des recrutements comme en flexibilité, du recrutement professionnel.
Reste qu’il sera, certainement, difficile de promouvoir ce modèle en Europe, en particulier en Europe occidentale, qui souffre d’un débat souvent extrêmement polarisé, y compris en matière de défense, et de certitudes souvent plus dogmatiques que pragmatiques ou raisonnées.
De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les insuffisances de l’effort de defense français face à la montée en puissance des menaces internationales, alors que l’encre de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, votée en juillet dernier, est à peine sèche.
Entre le spectre d’une Chine surpuissante, la renaissance de la puissance militaro-industrielle russe, les perspectives pessimistes concernant la guerre en Ukraine, les tensions au Moyen-Orient et le possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, plus que jamais depuis la fin de la crise des Euromissiles, le rôle des armées françaises, pour garantir la sécurité du pays, mais aussi de ses alliés, est aujourd’hui crucial.
La LPM 2024-2030, en reprenant le format des armées conçu en 2013 par un Livre Blanc structuré autour d’une menace dissymétrique, et en ne visant que le plancher d’investissement fixé par l’OTAN de 2 % du PIB, ne répond ni en volume, ni dans son calendrier, aux défis qui s’accumulent face aux armées françaises.
Sommaire
Pour autant, les arguments avancés pour expliquer ce manque d’ambition et de moyens, apparaissent raisonnables, avec un déficit public chronique ne parvenant pas à passer sous la barre des 3 %, une dette souveraine s’approchant des 120 % de PIB, et une économie encore chancelante avec une croissance limitée et un chômage vivace, le tout venant caper les capacités d’investissements de l’État.
Alors, est-il illusoire de vouloir amener l’effort de défense français au niveau requis pour effectivement répondre aux enjeux sécuritaires ? Comme nous le verrons dans cet article, tout dépend de la manière dont le problème est posé.
Une LPM 2024-2030 à 2 % PIB est objectivement insuffisante pour répondre aux enjeux sécuritaires à venir
Si la LPM 2024-2030 s’enorgueillit d’une hausse inégalée des dépenses de défense sur sa durée, avec un budget des armées qui passera de 43,9 Md€ en 2023 à 67 Md€ en 2030, l’effort de défense, c’est-à-dire le rapport entre ces dépenses et le produit intérieur brut du pays, demeurera relativement stable, autour de 2 %.
Certains équipements des armées, comme les hélicoptères Gazelle, devront jouer les prolongations bien au-delà du raisonnable, du fait des limitations de la LPM 2024-2030
De fait, en de nombreux aspects, cette hausse annoncée des crédits sera en trompe-l’œil, d’autant qu’elle sera en partie érodée par les effets de l’inflation, comme ce fut d’ailleurs le cas lors de la précédente LPM.
Dans un précédent article, nous avions montré qu’il serait nécessaire, pour la France, de produire un effort de défense supérieur ou égal à 2,65 % PIB pour répondre aux enjeux du moment. Depuis sa rédaction, plusieurs facteurs sont venus aggraver les menaces, donc le calendrier des besoins pour les armées, et avec eux, les besoins d’investissements.
Répondre au besoin de recapitalisation des armées françaises
D’abord, avec un effort à 2,65 % tel qu’il a été préconisé, la recapitalisation des armées françaises, après 20 années de sous investissements critiques, se voulait relativement progressive. En effet, le pic de menaces alors évalué se situait entre 2035 et 2040, ce qui laissait une quinzaine d’années à l’effort de défense pour combler les lacunes constatées, et remplacer les matériels les plus obsolètes comme les hélicoptères Gazelle, les Patrouilleurs Hauturier, et bien d’autres.
Or, le tempo s’est considérablement accru ces derniers mois, sous l’effet conjugué d’une Chine de plus en plus sûre d’elle dans le Pacifique, d’une Russie, en pleine confiance, qui a renoué avec une puissance militaro-industrielle de premier ordre, d’un axe de fait qui s’est formé entre ces deux pays, l’Iran et la Corée du Nord, et la menace désormais très perceptible du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche à l’occasion des élections présidentielles américaines de 2024.
Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche est désormais une hypothèse crédible avec laquelle il convient de composer dans la planification stratégique en France comme en Europe.
En d’autres termes, là où l’on pouvait considérer raisonnable, un délai de 15 ans pour recapitaliser les armées françaises il y a quelques mois, il est aujourd’hui nécessaire de faire le même effort de modernisation et de transformation, sur un délai sensiblement plus court, le pic de menace pouvant débuter dès 2028, voire avant cela, selon les prévisions les plus pessimistes.
Assurer la transformation conventionnelle vers le théâtre européen
Sur ce même intervalle de temps, les armées françaises doivent aussi assurer une profonde transformation d’une partie significative de leurs forces, pour répondre aux besoins spécifiques du théâtre centre-Europe face à la Russie.
En effet, à ce jour, une part majoritaire des armées françaises, et plus spécifiquement de l’Armée de Terre, est conçue et organisée pour répondre aux besoins de projection de puissance sur des théâtres dissymétrique, en Afrique notamment. Légères et très mobiles, ces unités ont démontré une grande efficacité en Irak ou dans la zone Sud-saharienne.
Toutefois, force est de constater que les VBCI, VAB et même les VBMR et EBRC plus récents, manquent de puissance de feu et de protection pour évoluer face à un adversaire symétrique comme peut l’être la Russie, alors que, dans le ciel, les forces aériennes souffrent de ne disposer d’aucune capacité avancée de guerre électronique ou de suppression des défenses aériennes adverses, pour s’opposer à une défense antiaérienne performante, dense et structurée, comme c’est le cas dans les armées russes.
Étendre les armées et leur résilience
Non seulement les armées françaises apparaissent « trop légères » pour un affrontement en Europe centrale, mais elles souffrent, dans le même temps, d’un format trop réduit pour envisager de s’engager dans un affrontement conventionnel symétrique.
Ainsi, avec seulement 200 chars de combat, moins de 120 tubes d’artillerie, et au mieux, deux brigades lourdes, et deux brigades moyennes, pouvant répondre à ce type d’engagement, les armées françaises ont tout juste la possibilité d’engager une division mécanisée complète sur un éventuel front oriental.
Le 24ᵉ RI est le seul régiment français exclusivement composé de réservistes. En revanche, il n’est que très légèrement équipés, ne disposant d’aucun véhicule de combat blindé en propre.
Pire encore, une fois les deux brigades disponibles engagées, l’Armée de terre ne dispose que de peu de réserves matérielles pour assurer la rotation des forces, même si un effort a été fait lors de la LPM 2024-2030, pour tenter d’accroitre les forces de réserves, afin de renforcer la résilience humaine des armées.
La situation n’est guère meilleure dans les autres armées, avec une flotte de chasse limitée à 185 appareils pour l’Armée de l’air, un unique groupe aéronaval pour la Marine, et une flotte d’escorteurs de premier rang trop réduite pour effectivement assurer la sécurité des grandes unités majeures que sont le porte-avions et les 3 PHA, encore moins d’assurer la sécurité des espaces maritimes dont elle a la charge.
Renforcer l’industrie de défense nationale
Si la guerre en Ukraine a montré, de manière évidente, les insuffisances de format des armées françaises, elle a aussi mis en évidence le sous-dimensionnement et la vulnérabilité de l’industrie de défense nationale, qui peine à produire ne serait-ce qu’une partie des munitions nécessaires à l’Ukraine pour tenir face à la puissance retrouvée du complexe industriel militaire russe. Rappelons , à ce titre, que la France a un PIB presque 60 % plus important que celui de la Russie.
Sur ce même intervalle de temps réduit, allant jusqu’en 2028, 2030 au mieux, il serait donc aussi indispensable de reformater l’ensemble de l’outil industriel de défense français, afin de répondre aux besoins de reconstruction et d’extension des armées, mais aussi pour soutenir, dans la durée, les opérations militaires des armées françaises engagées dans un conflit conventionnel symétrique, le cas échéant.
Il convient aussi de conscidérer que l’industrie française, par sa position géographique, et par le statut spécifique du pays disposant d’une dissuasion, pourrait avoir un rôle tout particulier à jouer pour soutenir les armées européennes dans un tel engagement, et pas uniquement les armées françaises, en charge d’une portion seulement de la ligne de défense.
Renforcer la dissuasion française face à la menace sino-russe
Enfin, il s’avèrerait probablement nécessaire de revoir le format et les moyens à disposition de la dissuasion française, aujourd’hui construite sur le principe de stricte suffisance, mais en temps de paix.
Le passage d’une flotte de 4 à 5 ou 6 SNLE s’avèrerait plus que bienvenue pour contrebalancer les 12 SNLE Boreï et Boreï-A russes.
En effet, la Russie a explicitement fait savoir qu’elle n’était plus engagée par les accords internationaux post-guerre froide, alors que la Chine est engagée dans un effort sans précédant pour renforcer sa triade nucléaire, et la mettre au niveau des Etats-Unis et de la Chine.
Ne pouvant écarter un possible retour de l’isolationnisme américain, et devant anticiper un engagement total des forces US dans le Pacifique face à la Chine, il revient donc à la France, et à la Grande-Bretagne, d’assurer le parapluie dissuasif des pays européens.
Or, pour ce faire, les deux pays souffrent d’un déficit de moyens pour contrer la menace russe qui peut s’appuyer sur une triade nucléaire forte de 12 SNLE (contre 8 franco-britanniques), de 110 bombardiers stratégiques (contre une vingtaine de Rafale/ASMPA français), et de plusieurs centaines de missiles ICBM et SRBM terrestres (contre 0 dans les deux pays).
Un effort de défense à 3 % PIB comme point d’équilibre entre besoins immédiats et à venir
Relever le défi préalablement esquissé, d’ici à 2030, nécessiterait une étude approfondie et un effort national dépassant de beaucoup le seul périmètre du ministère des Armées, et surtout de cet article.
En revanche, sur la base d’un point d’équilibre moyen établit autour de 2,65 % de PIB, comme analysé dans de précédents articles, on peut estimer qu’un effort de défense transitoire à 3 % du PIB s’avèrerait nécessaire, dans les années à venir, pour financer l’ensemble des mesures requises, sur le calendrier imposé par la détérioration de la situation internationale.
La production française de munition est très loin d’être suffisante pour permettre aux armées françaises de soutenir un engagement symétrique durable.
Or, dans la situation budgétaire actuelle du pays, qui peine déjà à financer les 47 Md€ des armées valant moins de 2 % du PIB 2023, comment peut-on espérer amener cet effort de défense à 70 Md€ (2023), soit 3 % du PIB ?
Combien coute à l’État le budget des armées 2023 à 45 Md€ ?
Pour répondre à cette question, il convient dans un premier temps d’estimer la soutenabilité de l’effort de défense à 2 % du PIB en 2023, valant 47 Md€. Il est nécessaire d’introduire la notion de retour budgétaire, c’est-à-dire les recettes et économies budgétaires réalisées par sur le Budget de l’État, en application des investissements consentis sur le budget des armées.
La notion de retour budgétaire
Pour calculer ce retour budgétaire, il convient dans un premier temps d’effectuer une découpe synthétique du budget des armées, comme suit :
20 Md€ pour les frais de personnels militaires et civils
19 Md€ pour les acquisitions, R&D et entretient des équipements des armées
et enfin 8 Md€ pour la dissuasion, dont 4 Md€ pour les couts de personnels, et 4 Md€ pour les investissements industriels et technologiques.
De fait, on peut décomposer le budget des armées en deux catégories, 24 Md€ pour les couts de personnels, et 23 Md€ pour les investissements industriels. Or, chacune de ces catégories produit un retour budgétaire propre.
Ainsi, les recettes d’état concernant les dépenses de personnels peuvent s’évaluer au travers du taux de prélèvement moyen sur PIB français calculé par l’OCDE, qui s’élève à 47 % en 2022. Ainsi, les 25 Md€ qu’auraient dû investir les armées pour les couts de personnel en 2023 si l’effort de defense avait atteint 2%, auraient généré 11,3 Md€ de recettes fiscales et sociales dans le pays.
Les plus attentifs auront certainement remarqué que ce calcul prend en compte des recettes sociales qui, logiquement, ne s’imputent pas au budget de l’État. Toutefois, dans la mesure où les comptes sociaux sont structurellement déficitaires en France, et compensés chaque année par le budget de l’État, il est possible, par simplification, de considérer que toutes les recettes s’appliquant aux comptes sociaux, diminuent d’autant la compensation de l’État chaque année, et donc s’imputent à son budget.
Calcul du retour budgétaire sur le budget théorique des armées 2023 à 2 % PIB
Le taux est sensiblement différent pour ce qui concerne les investissements industriels, et ce, pour plusieurs raisons. En premier lieu, le taux de TVA appliqué à toutes ces prestations est fixe à 20 %, là où le taux moyen de recette de TVA par rapport au PIB n’est que de 12 %. En d’autres termes, la simple application systématique d’un taux de TVA à 20 % fait croitre le taux de prélèvement moyen sectoriel appliqué à l’industrie de défense de 8 %, pour atteindre 55 %.
L’industrie de défense française s’appuie sur une chaine de sous-traitance riche et efficace. Ainsi, la team Rafale se compose de pas moins de 500 entreprises allant de groupes internationaux, comme Safran, Thales et Dassault, à des PME de quelques salariés.
En second lieu, l’industrie de défense est, par nature, beaucoup moins exposée que le marché national aux importations, de sorte que l’immense majorité de son réseau de sous-traitance est, lui aussi, national.
S’applique donc un coefficient multiplicateur de recettes supplémentaires pour l’état, que l’on peut aisément ramener par défaut à 65 % des investissements consentis, en lien avec le coefficient multiplicateur keynésien ramené à ce seul secteur industriel. Sur cette base, les 23 Md€ d’investissements industriels et technologiques des armées, génèrent donc 15 Md€ de recettes et économies sur le budget de l’État.
Ainsi, sur les 47 Md€ investis initialement par l’état à 2% du PIN, nous venons de montrer que le cout résiduel ne serait que de 47 – (11,3 + 15) = 20,7 Md€. Ce cout doit encore diminuer. En effet, les industries de defense françaises exportent, en moyenne chaque année, l’équivalent de 50 % des investissements nationaux réalisés.
Ainsi, si 23 Md€ sont investis par l’État, cette règle empirique, mais aisément confirmée sur les 20 dernières années, voudrait qu’en moyenne, les industries de defense françaises exportent chaque année pour 11,5 Md€ d’équipements de defense. Déduction faite de la TVA puisque exportés, et des productions locales, ces exportations rapportent 40 % des sommes investis en taxes et cotisations sociales au budget national, soit 4,6 Md€.
Au total, donc, sur les 47 Md€ investis, l’état récupère ou économise en moyenne 30,9 Md€, et ne doit abonder ce budget par d’autres sources de financement qu’à hauteur de 16,1 Md€.
Combien couterait à l’état un budget des armées (2023) à 3 % PIB (70 Md€)
Sur les mêmes hypothèses, il est possible de calculer quel serait le surcout réel engendré par une hausse de l’effort de defense de 2 à 3 % du PIB, soit un budget des armées à 70 Md€ sur la même hypothèse de travail 2023.
Avec seulement 200 chars Leclerc et 120 tubes d’artillerie, l’Armée de terre n’a pas la puissance de feu et la protection requise pour s’engager durablement sur un théâtre symétrique.
L’approche la plus triviale serait de s’appuyer sur une croissance homothétique des couts, c’est-à-dire des couts de personnels passant de 22 à 32,7 Md€, des couts industriels de 19 à 28,3 Md€, et une dissuasion passant de 8 à 11,9 Md€, dont 6 Md€ de couts de personnels. Ainsi posé, le reste à charge de l’État passerait de 20,7 à 37,7 Md€, soit une hausse de 17 Md€, sans tenir compte des exportations.
Cette hypothèse est pourtant aussi peu efficace que peu crédible. En effet, passer les dépenses de personnels totales de 23 Md€ à 32,7 Md€ n’aurait aucun sens, les armées ne parvenant déjà pas à remplir leurs objectifs de recrutement aujourd’hui. En outre, les besoins identifiés en début d’article, porte davantage sur de nouveaux équipements, et de nouvelles capacités industrielles et opérationnelles, que sur des forces simplement augmentées de 50%.
Hypothèse d’une croissance budgétaire optimisée
Prenons donc une hypothèse différente, à savoir des couts de personnels amenés à 28 Md€, une dissuasion amenée à 11 Md€ dont 5 Md€ pour les personnels, et les investissements industriels et technologiques passant de 19 à 31 Md€. Ce découpage génère un investissement total RH de 33 Md€, pour un investissement industriel total de 37 Md€.
En appliquant les mêmes données que lors du calcul précédent, nous obtenons donc un retour budgétaire RH de 15,5 Md€, et un retour budgétaire industriel de 24 Md€, soit un total initial de 39,6 Md€. En reprenant l’hypothèse de croissance homothétique des exportations à 50 % des investissements industriels, nous atteignons 7,4 Md€ de recettes supplémentaires.
La ressource humaine est aujourd’hui la ressource la plus difficile à maitriser et à étendre pour les armées.
Au total, donc, les 70 Md€ (2023) initialement investis, engendreraient un retour budgétaire de 47 Md€, soit un cout marginal de 23 Md€. En comparaison des 16,1 Md€ aujourd’hui, le surcout du reste à charge de l’État n’augmenterait que de 6,9 Md€.
Un surcout budgétaire de 7 Md€ surévalué
Ce solde est toutefois très supérieur à ce que le budget de l’État devrait effectivement supporter en termes de charges supplémentaires. En effet, en passant de 23 à 37 Md€ d’investissements, les industries de défense seraient amenées à créer de 100.000 à 130.000 emplois directs, et autant d’emplois indirects et induits, soit un total de plus de 200.000 emplois créés en hypothèse basse, auxquels il convient d’ajouter 100.000 emplois supplémentaires liés à la hausse des exportations.
Ces 300.000 créations d’emplois viendraient, évidemment, alléger les dépenses sociales de l’état et des collectivités locales, en soutien aux chercheurs d’emplois, si pas directement, tout au moins par transitivité, à termes.
Avec un cout moyen par chercheur d’emplois estimé aujourd’hui autour de 15 000 € par an pour les différents services de l’État, ces 300 000 nouveaux emplois représenteraient 4,5 Md€ d’économies sur le budget de l’État.
Ainsi, le reste à charge net de l’état, pour avoir amener le budget des armées de 47 Md€ et 2 % du PIB, à 70 Md€ et 3 % du PIB, n’atteindrait que 2,4 Md€ par an, soit à peine plus de 0,09 % du PIB français.
Applications et contraintes du modèle présentée
Bien évidemment, l’approche proposée ici, n’est pas exempte de faiblesses. La plus évidente d’entre elles, est le fait de considérer qu’un constat empirique puisse être transposé comme une règle.
Ainsi, si effectivement, sur les décennies passées, les exportations de l’industrie de défense française ont respecté, en moyenne, le principe des 50 % des investissements nationaux, rien ne garantit qu’une hausse des investissements dans ce domaine puisse être, automatiquement, suivie par une hausse similaire des exportations.
Les armées peinent de plus en plus à recruter des personnels qualifiés répondant à leurs attentes
Pour sécuriser cet aspect, il serait, en effet, nécessaire que les armées adoptent une stratégie d’équipement plus favorable aux exportations, et ainsi garantir que la hausse des crédits disponibles s’accompagne d’une hausse des marchés adressables par l’industrie de défense française.
On notera également que pour répondre aux enjeux sécuritaires, il serait nécessaire d’augmenter les effectifs des armées, probablement par l’intermédiaire d’une extension rapide de la Garde Nationale. Cela suppose non seulement que la Garde nationale vienne renforcer les unités existantes de l’armée de terre comme aujourd’hui, mais qu’elle puisse donner naissance à des unités autonomes et intégralement équipées, à l’instar de la Garde Nationale US.
En outre, il serait indispensable, dans cette hypothèse, aux armées technologiques, Marine nationale et Armée de l’Air, de mener une réflexion pour intégrer efficacement le potentiel RH de la Garde Nationale et de la Réserve, pour étendre leurs capacités opérationnelles, et pas simplement pour les suppléer.
Conclusion
On le voit, amener l’effort de défense de la France à 3 % du PIB, ce qui paraissait hors de portée des finances publiques à l’entame de cet article, semble bien plus accessible à la fin de celui-ci.
Pour y parvenir, il faut cependant accepter de profondément faire évoluer le paradigme fort encadrant l’effort de défense national, à savoir ne considérer celui-ci, au seul prisme des dépenses, sans jamais considérer, dans sa conception et son équilibrage, les recettes qui seront, ou sont, générées par ces investissements.
La Russie s’est mise en économie de guerre, consacrant une part très importante de son PIB à la fabrication d’armement et au soutien des armées.
Ce dogme, hérité d’un gaullisme qui n’avait connu qu’une croissance forte et des budgets excédentaires, ne peut plus, aujourd’hui, répondre aux enjeux spécifiques qui encadrent le financement des armées françaises.
Toutefois, contrairement à de nombreux pays, la France dispose d’un atout pour augmenter ses dépenses et investissements dans ce domaine, une industrie de défense globale capable de produire la presque totalité des équipements de defense des armées. Cette industrie est, par ailleurs, largement exportatrice, et faiblement exposée aux importations, en faisant un outil exceptionnel en matière d’efficacité de l’investissement public.
Évidemment, 2,4 Md€ de surcouts, ce n’est pas rien, ce d’autant qu’il faudra très certainement une période de croissance et d’adaptation pour que les équilibrés évoqués se stabilisent. Pour autant, l’effort à consentir, pour effectivement transformer les armées françaises en une force de protection répondant aux enjeux du moment, apparait parfaitement à la portée des finances publiques d’un pays comme la France, qui plus est en les mettant en perspective des risques associés à l’inaction, ou à une action trop timorée.
Reste que si l’innovation technologique est plébiscitée au sein du ministère des Armées, et plus globalement, de la fonction publique, les modèles disruptifs venant bousculer des décennies de planification, certes inefficaces, mais confortables, sont beaucoup plus difficiles à imposer, ou simplement à faire valoir.
S’exprimant au sujet de la conception de la future frégate Type 32 de la Royal Navy, John Howie, le directeur des affaires internes des chantiers navals Babcock, a indiqué que l’entreprise entendait diviser par deux l’équipage de la frégate par rapport à la frégate Type 31, dont elle sera dérivée, et qui doit remplacer une partie des frégates anti-sous-marins Type 23.
Pour y parvenir, les ingénieurs britanniques vont s’appuyer sur les récents progrès technologiques réalisés ces dernières années, en particulier concernant les navires autonomes, pour prendre en charge les fonctions d’une partie de l’équipage.
Reste que réduire le format de l’équipage d’un navire militaire, aussi crucial que peut l’être une frégate, n’est pas sans faire face à d’immenses défis, mais également des risques significatifs, auxquelles les expériences précédentes, menées dans ce domaine, ne pretent guère à l’optimisme.
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50 membres d’équipage à bord d’une frégate Type 32 de la Royal Navy
Si plusieurs marines, dont l’US Navy, estiment qu’il sera possible, d’ici à 2035, de mettre en œuvre des grands navires entièrement robotisés, aux côtés de leurs destroyers, frégates et porte-avions, il devrait être possible, en appliquant les mêmes technologies, de réduire de moitié, l’équipage d’une frégate à cette même échéance.
Les frégates type 23 de la classe Duke, qui seront remplacées par la frégate Type 32 au sein de la Royal Navy, a un équipage de 185 membres.
C’est très probablement le point de départ pris par les ingénieurs des chantiers navals britanniques Babcock, qui aujourd’hui construisent déjà les frégates Type 26 de la classe City, et les futures frégates Type 31, qui remplaceront les frégates de lutte anti-sous-marine Type 23 de la classe Dukes.
Et de fait, dans une interview donnée au quotidien The Telegraph, John Howie, le directeur des affaires internes de Babcock, a indiqué que son groupe visait, désormais, à ramener le format de l’équipage de la frégate Type 32, une évolution de la frégate Type 31 dont elle reprendrait de nombreux attributs, à seulement une cinquantaine de marins, officiers mariniers et officiers, contre 105 pour la Type 31, et 185 pour les Type 23 qu’elles remplaceront.
Une révolution rendue possible par les progrès de l’automatisation et de l’Intelligence artificielle
Pour y parvenir, Babcock entend s’appuyer sur les nouvelles technologies développées ces dernières années. Sans qu’elles fussent précisément listées, on imagine aisément qu’il s’agit, ici, des progrès réalisés en matière d’automatisation et de robotique, mais également dans les domaines de l’intelligence artificielle, du machine learning et de la présence virtuelle, pour y parvenir.
Il s’agit, en effet, des technologies au cœur de la révolution qui doit permettre la conception et la mise en œuvre d’une flotte de navires autonomes de grandes tailles, destinés à évoluer en soutien des grandes unités combattantes de surface, mais aussi sous-marines, dotées d’un équipage.
L’US Navy produit d’importants efforts en vue de préparer la construction d’une flotte de 150 grands navires de surface autonomes.
Et si un navire de 80 mètres et 1000 tonnes, armés de canons et de missiles, et dotés de senseurs évolués, comme ceux envisagés par l’US Navy pour sa flotte robotisée de 150 unités de surface combattantes, seront en mesure d’évoluer sans équipage, il est raisonnable de penser qu’une frégate Type 32 de 130 mètres et 6 000 tonnes, pourra voir son équipage divisé par deux, en appliquant les mêmes paradigmes.
Une réponse potentielle aux immenses difficultés RH des armées britanniques
Bien évidemment, si tel est le cas, et que la nouvelle frégate demeure efficace et résiliente au combat, la solution proposée par Babcock, aura de quoi séduire la Royal Navy. En effet, comme toutes les armées britanniques, et plus globalement, comme la plupart des armées occidentales, celle-ci rencontre de très importantes difficultés pour simplement maintenir ses effectifs, perdant ses marins trois fois plus vite qu’elle ne parvient à recruter, aujourd’hui.
Ainsi, en remplaçant une frégate dotée d’un équipage à 185 membres, comme la classe Dukes, par une frégate Type 32 à 50 membres, la Royal Navy parviendrait à absorber sensiblement la réduction de ses effectifs, qui parait, dorénavant, inévitable, et même d’améliorer la disponibilité de ses navires, par exemple, en les dotant d’un double équipage, comme le fait déjà la Marine nationale française.
En procédant ainsi, la Royal Navy pourrait d’absorber la réduction de ses effectifs, tout en réduisant la pression opérationnelle sur les équipages, et donc, en réduisant les contraintes, notamment sur la vie de famille de ses marins qui, aujourd’hui, représentent l’une des principales causes d’insatisfaction expliquant le faible taux de fidélisation qu’elle rencontre.
Le facteur humain demeure déterminant à bord d’un navire militaire : l’expérience des frégates de la classe Aquitaine
Les ambitions exposées par Babcock, seront cependant confrontées à de très importantes difficultés, rencontrées par d’autres marines ayant déjà tenté l’expérience par le passé, sans grand succès.
La Marine Nationale a du ramener l’équipage de ses frégates FREMM des classes Auitaine et Alsace à 108 membres, et non 96 comme initalement prévu, face à l’épuisement rapides des personnels à la mer.
Ainsi, les frégates FREMM françaises, de la classe Aquitaine, spécialisées dans les missions de lutte anti-sous-marine, comme la future Type 32 britanniques, emportaient, initialement, un équipage de 96 membres, précisément en s’appuyant sur les progrès réalisés en matière d’automatisation et de traitement numérique, contre 244 pour les frégates de la classe Georges Leygues, et même 299 pour la classe Tourville, qu’elles remplacent.
Rapidement, cependant, il est apparu que ce format, trop réduit, entrainait un épuisement rapide de l’équipage et, avec lui, d’importantes contraintes et risques dans la mise en œuvre du navire.
Aujourd’hui, les classes Aquitaine et Alsace, de la Marine nationale, disposent d’un double équipage de 108 membres, permettant une relève, y compris en déploiement. Un modèle qui s’est, à plusieurs reprises, montré particulièrement efficace et adapté.
À ce titre, les nouvelles Frégates de Defense et d’Intervention de la classe Amiral Ronarc’h, qui enteront en service dans la Marine nationale, à compter de 2025, conserveront un équipage de 110 membres, plus 15 marins appartenant au détachement aéronautique. Pourtant, le navire s’appuie sur des technologies d’automatisation et de numérisation très avancées, et ne fait que 120 mètres, et 4 500 tonnes.
La face cachée des navires robotisés
Au-delà de ce facteur humain déjà bien difficile à négocier et fort contraignant, la robotisation et l’automatisation des navires n’est pas, elle non plus, sans certains effets pervers, probablement insuffisamment considérés à ce jour, par manque de recul, comme par excès d’enthousiasme technologique.
La Royal navy perd, en moyenne, 3 marins pour chaque nouvelle recrue. il lui faut donc trouver, rapidement, des solutions pour s’adapter et réduire l’hémorragie en cours.
Parmi ces effets, il convient de citer une vulnérabilité croissante à la menace cyber, mais aussi une augmentation des risques d’engagement et d’escalade, ainsi que celui de venir saturer les infrastructures de maintenance, tous ayant fait l’objet, déjà, de nombreuses analyses prospectives préoccupantes.
En effet, qu’il soit autonome ou non, un navire à la mer se détériore, et a donc besoins d’une maintenance importante. L’équipage réalise une grande partie de ses opérations de maintenance à la mer. Privée d’équipage, ou dotée d’un équipage réduit, une frégate aura donc besoin d’une maintenance accrue au port, ce qui viendra, probablement, réduire sa disponibilité opérationnelle et, peut-être, saturer les capacités industrielles de maintenance de la marine les mettant en œuvre.
Dans ce contexte, on peut se demander si les paradigmes sur lesquels les chantiers navals Babcock basent leurs ambitions concernant les frégates Type 32, et son équipage réduit, sont effectivement réalistes et efficaces, ou s’il s’agit d’une nouvelle fausse bonne idée, comme il y en a eu beaucoup ces dernières années, sous couvert d’une confiance excessive dans les évolutions technologiques ?
Depuis quelques semaines, et encore davantage depuis les menaces proférées par D. Trump envers l’OTAN s’il était élu, les pays européens, et leurs dirigeants, semblent mus par une nouvelle dynamique. Sans grande surprise, puisque c’est quand on est dos mur, qu’on a le plus besoin d’avancer.
Dans ce contexte, la présidente de la commission européenne, Ursula von der Leyen, a tenu un discours particulièrement incisif et ambitieux, dans un entretien donné au Financial Times. Celle-ci veut, en effet, faire de la Commission Européenne, et l’UE en général, une puissance structurante pour stimuler et soutenir l’effort de défense des pays européens, et pour les inciter à produire et acheter européen, plutôt qu’américain, sud-coréen et israélien, comme aujourd’hui.
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Vers une initiative similaire au Plan Covid de la Commission Européenne pour soutenir l’effort de défense européen
Dans cet entretien, dont on peut regretter, par son importance, qu’il soit réservé aux abonnés au Financial Times, tant il concerne 450 millions d’européens, la présidente de la Commission européenne a, en effet, prit des positions très offensives, tant pour renforcer le rôle et les aides de l’UE dans le domaine de l’effort de défense des pays européens, que pour soutenir l’autonomie stratégique européenne, en augmentant sensiblement les acquisitions d’équipements de défense européens, par les armées européennes.
Lors de la crise Covid, l’Union Européenne, sous la rpésidence d’Ursula von der Leyen, lança un plan de relance de 750 Md€, aujourd’hui amené à plus de 800 Md€ pour tenir compte de l’inflation.
Pour donner le ton de ses ambitions, alors qu’elle semble être candidate à sa propre succession à la suite des prochaines élections européennes, Ursula von der Leyen a comparé le rôle que pourrait jouer l’Union européenne, dans le domaine de la défense du vieux continent, à celui qui fut le sien, lors de la crise Covid.
Rappelons qu’à cette occasion, l’Union européenne avait mis en place un plan de relance de plus de 800 Md€, mais également assuré la coordination de l’achat des vaccins entre les pays européens, et autorisé, temporairement, d’importantes dérogations aux plafonds de déficits publics, aux pays membres.
Un nouveau Commissaire Européen à la Défense est nécessaire, pour Ursula von der Leyen
Toutefois, il n’est pas question, dans le discours de la présidente de la Commission, de réitérer le modèle du plan de relance Covid, particulièrement onéreux. En revanche, celle-ci entend user du pouvoir législatif et structurant de l’UE, pour optimiser et accroitre les capacités d’investissement des pays européens, au profit de leurs armées, en tenant compte de l’urgence des besoins, en Europe, mais aussi en Ukraine.
La première mesure clé, qu’elle a évoquée, serait la création d’un poste de commissaire européen à la Défense, un Commissaire de plein droit, membre à l’identique des autres, au sein de la commission.
Le commissiaire au marché intérieur Therry Breton est très actif sur les questions d’industrie de défense européenne aujourdh’ui.
Rappelons qu’à ce jour, les questions de défense sont réparties entre la présidente de la commission européenne, elle-même, le Commissaire au marché intérieur, le Français Thierry breton, et l’Espagnol Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui n’a pas les mêmes prérogatives qu’un Commissaire européen de plein droit.
Un Commissaire européen à la défense, permettrait, ainsi, de centraliser l’ensemble des dossiers, et de créer une interface unique, entre la commission européenne, les Etats, mais également l’ensemble des industriels européens de défense, grands groupes comme Supply Chain, tant pour mettre en œuvre les mesures décidées, que pour garder le pouls de ces acteurs.
Produire et acheter européen, au cœur des ambitions de la Commission Européenne
La présidente de la Commission européenne a, par ailleurs, établi les priorités de l’action européenne dans ce domaine. « Nous devons dépenser plus, nous devons dépenser mieux, nous devons dépenser européen » a-t-elle ainsi déclaré au Financial Times, lors de son entretien.
Il s’agit, ici, de réagir non seulement à l’évolution de la menace, que ce soit face à la montée en puissance de l’industrie de défense et des armées et de l’industrie de défense russes, comme face à l’inévitable désengagement américain du théâtre européen, mais encore de donner corps aux objectifs d’autonomie stratégique établis par la Boussole Stratégique européenne, publiée il y a déjà deux ans, et bien peu suivie d’effets depuis.
La montée en puisssance des indsutries de défense russes, fait peser une menace imminente sur les pays bordant la Russie et la Bielorussie, en particulier les très vulnérables pays baltes, et la Finlande.
En effet, face à la crainte qu’inspire Moscou, les Européens se sont massivement tournés vers des industriels américains, mais aussi sud-coréens et israéliens, pour moderniser rapidement leurs armées, plutôt que vers des offres européennes existantes, qui souffrent, de toute évidence, d’un manque de compétitivité dans de nombreux domaines, tant le phénomène est sensible.
Or, comme le montre l’épisode de l’aide américaine à l’Ukraine, dépendre d’un allié ne partageant pas le même agenda, et pas même le même théâtre stratégique, pour assurer sa défense, représente un risque majeur, comme c’était le cas, il y a quatre ans, dans le domaine des médicaments, des masques et des vaccins.
Un effort structurant pour l’effort de défense européen dans le périmètre restreint de l’UE
Un Commissaire européen à la Défense devrait permettre, face à ce constat, d’apporter une réponse plus fine et efficace, tant pour créer que pour articuler les actions de soutien dans ce domaine, en dépit du périmètre d’intervention étroit de la commission et du Parlement européen concernant les questions de Défense.
Ceux-ci sont, en effet, engoncés entre l’OTAN, d’un côté, avec l’influence américaine qui en découle, et la défense nationale, de l’autre, une chasse gardée des États européens, sur laquelle l’UE n’a pas de droit de regard.
Si l’Europe tente de soutenir plus activement l’industrie de défense européenne, il faut s’attendre à de rudes combats entre la commission européenne, les lobbys industriels américains, mais aussi sud-coréens et israléiens, ainsi qu’avec les pays qui dépendent beaucoup de ces indsutries extre-européennes.
À ce titre, il y a fort à parier qu’à peine les ambitions d’Ursula von der Leyen ont été révélées, que le lobbying américain, israélien et sud-coréen, et des pays clients de leur industrie de défense, y compris l’Allemagne, s’est mis en action, pour empêcher que des mesures trop européennes, soient prises. Ce fut aussi le cas lors de la mise en place du fonds européen de défense, et du PESCO.
Pour autant, en dépit de cette menace très sérieuse, et du périmètre d’intervention restreint de l’Europe au sujet des questions de défense, celle-ci pourrait mettre en œuvre plusieurs mesures qui, effectivement, iraient précisément dans le sens des ambitions évoquées par Ursula von der Leyen.
Des options efficaces bien réelles pour la Commission Européenne
Celles-ci ont été évoquées, il y a peu, dans un précédent article, et s’appuient simultanément sur le contrôle européen sur la TVA intracommunautaire, sur le contrôle des critères de calcul des déficits publics, et sur la mise en œuvre de mécanismes compensatoires intraeuropéens, d’équilibre des recettes fiscales et sociales, liées à l’achat d’équipements de défense européens.
Adossées à une offre de dette mutualisée à bas taux, comme mis en œuvre dans le cadre de la crise Covid, celles-ci permettraient d’augmenter rapidement les investissements de défense pour les armées européennes, de soutenir la croissance et la consolidation de l’industrie de défense européenne, de prendre le relais des États-Unis dans un soutien nécessaire et suffisant à l’Ukraine, et donc, de considérablement renforcer l’autonomie stratégique européenne, tout en restant dans des mesures non contraignantes respectant son propre périmètre.
Les menaces portées apr Donald Trump mettent en evidence le caractere indsiepsanble de disposer d’une réelle autonomie stratégique au niveau européen, si pas au niveau national.
Reste à voir, désormais, si les convictions affichées par la Présidente de la Commission Européenne, pourront aller au-delà du remaniement de la Commission après les prochaines élections européennes, sachant, d’ailleurs, que l’urgence de la situation exige probablement que les actions cadres pour donner à vie à ces ambitions, soient lancées avant le 9 juin 2024, et les résultats des élections européennes.
Pas certain, en effet, qu’avec l’évolution de la menace russe, il reste quoique ce soit à soutenir en Ukraine à cette date, si les européens ne réagissent pas avant cela.
Le 15 février, le ministre de la Défense turc a signé une lettre d’intention, pour l’adhésion de la Turquie, à l’European Sky Shield Initiative, ou ESSI, conjointement à son homologue grec Nikolaos Dendias. Cette annonce, qui a surpris de nombreux observateurs, marque une nouvelle évolution, de la part d’Ankara, pour normaliser ses relations avec la Grèce, mais également les Européens et les américains.
En effet, pour rejoindre l’ESSI, la Turquie va, très probablement, devoir faire l’acquisition des batteries antiaériennes et antimissiles Patriot, proposées depuis plusieurs années par Washington, comme une alternative au système S-400 russe, livré par Moscou à la Turquie en 2019, et à l’origine de nombreuses sanctions américaines, y compris l’expulsion de la Turquie du programme F-35.
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La Turquie rejoint l’European Sky Shield Initiative conjointement à la Grèce
En signant cette lettre d’intention pour rejoindre l’ESSI, conjointement à Nikolaos Dendias, Yasar Guler, le ministre de la Défense turc, a envoyé de nombreux messages simultanés, à destination de la Grèce, de l’Allemagne, et des européens dans leur ensemble.
L’entrée de la Turquie dans l’ESSI, et la probable acquisition de batteries Patriot américaines, permettra probablement à Ankara d’amadouer Berlin pour pouvoir acquerir les 40 Eurofighter Typhoon en négociation.
Si l’autorisation d’exporter 40 nouveaux F-16V et 80 kits, ainsi qu’un grand nombre de pièces, munitions et systèmes de maintenance, le tout pour 20 Md$, a rapidement été obtenue par Ankara, après l’autorisation donnée à Stockholm de rejoindre l’Alliance Atlantique, l’acquisition d’une quarantaine d’Eurofighter Typhoon, en négociation depuis plusieurs mois, était toujours à l’arrêt, face aux hésitations allemandes.
Le second message, donc, est à destination des européens, et plus particulièrement, de Berlin. En rejoignant l’ESSI, une initiative allemande visant à harmoniser et interconnecter les systèmes de défense anti-aériens et anti-missiles de l’ensemble des participants, et ils sont déjà nombreux, Yasar Guler s’assure certainement de la levée du veto allemand concernant les Typhoon.
Berlin aurait, en effet, beaucoup de mal à justifier un tel refus d’exporter, tout en acceptant la Turquie dans l’initiative la plus stratégique non nucléaire lancée en Europe, sous pilotage allemand.
L’acquisition de batteries Patriot américaines par Ankara de plus en plus probable
Le troisième message, envoyé par la signature de cette lettre d’intention, est évidemment à destination de Washington. En effet, l’ESSI, tel qu’organisée aujourd’hui, ne prévoit l’interconnexion que de trois types de systèmes antiaériens et antimissiles : l’IRIS-T SLM allemand à courte et moyenne portée, le Patriot américain à longue portée et à interception endo-atmosphérique, et le système antimissile Arrow-3 exo-atmosphérique israélien, acquis exclusivement par l’Allemagne.
La Turquie a developpé les systèmes HIDAR-A et HISAR-U, offrant des performances similaires à l’IRIS-T SLM allemand
Or, l’achat d’IRIS-T SLM par les armées turques est très improbable. En effet, celles-ci mettent en œuvre, depuis 2021, les systèmes HISAR-A à courte portée, et HISAR-U à moyenne portée, développés par Roketsan et Aselsan, dont les performances sont comparables à celles du système allemand.
L’acquisition par Ankara de systèmes Arrow-3 est, par ailleurs, lui aussi très improbable, d’autant que le président Erdogan a pris des positions particulièrement critiques contre la riposte de Jérusalem contre le HAMAS et la bande de Gaza, à la suite de l’attaque du 7 octobre.
Dans le cadre du programme HISAR, Roketsan et Aselsan développent également le HISAR-O, un système antiaérien et antibalistique aux performances proches de celles du Patriot PAC, ou du Mamba européen. Toutefois, le programme est encore loin de pouvoir entrer en service.
De fait, il est plus que probable qu’en rejoignant l’ESSI, Ankara planifie, dans le même temps, d’acquérir les batteries Patriot proposées par Washington en remplacement du système S-400, sujet de tant de frictions jusqu’à présent. Rappelons qu’il y a quelques jours, l’administration Biden avait à nouveau fait savoir qu’elle était prête à vendre à la Turquie le Patriot, contre le retrait de la batterie S-400 russe.
Le problème des S-400 turcs évacué, Ankara aura toute latitude pour rejoindre le programme F-35.
À ce sujet, le 30 janvier 2024, la secrétaire d’État adjointe par intérim, Victoria Nuland, avait ouvert une porte qui, de toute évidence, a interpellé Ankara. En effet, celle-ci a indiqué que si la Turquie acceptait de remplacer son système S-400 russe, par des Patriot américains, l’administration américaine pourrait rouvrir les négociations avec la Turquie, afin de lui permettre d’acquérir à nouveau des F-35.
L’acquisition de F-35, y compris la version ADAC/V F-35B, semble se dessiner pour Ankara.
Dès lors, en rejoignant l’European Sky Shield Initiative, la Turquie s’ouvrirait de nombreuses portes, en particulier pour relancer la modernisation de ses forces aériennes, à l’arrêt depuis maintenant cinq ans.
Après avoir déjà obtenu le feu vert de Washington pour acquérir les F-16V tant attendus, on peut également anticiper, par cette manœuvre, qu’Ankara puisse bientôt finaliser les négociations autour de l’achat de 40 Eurofighter Typhoon, mais aussi, puisse rejoindre, selon un calendrier qui reste à déterminer, le programme F-35, lui permettant notamment de faire des porte-aéronefs TCG Anadolu et TCG Trakya, les porte-avions légers espérés initialement.
Par ailleurs, la levée des sanctions américaines et européennes, permettra certainement à l’industrie turque, d’accélérer le développement de plusieurs programmes critiques, comme le chasseur TFX KAAN (turboréacteur américain), le char lourd Altay (moteur et transmission allemands), ainsi que plusieurs programmes d’hélicoptères, employant des turbines US.
Faut-il croire en le changement de posture radicale de R.T Erdogan ?
Demeure, toutefois, la question de la confiance que l’on peut effectivement accorder au changement radical de position de R.T Erdogan, ces derniers mois. Une fois les élections passées, et la victoire assurée, celui-ci a, en effet, réalisé une volte-face remarquable dans sa posture de défi vis-à-vis de l’occident, et pris ses distances avec Moscou, Pékin et Téhéran, sans néanmoins rompre avec eux.
Faut-il avoir confiance dans la sincérité du revenirement de posture de R.T Erdogan vis-à-vis de l’Europe et des Etats-Unis ?
Or, si le président turc a pu faire un tel revirement, sans que le contexte international ni même économique ne puisse le justifier, on peut, raisonnablement, se demander s’il ne fera pas de même, une fois les appareils et technologies européennes et américaines pour finir la modernisation de ses armées, obtenus.
Non pas, cela dit, que les grecs, européens et américains, aient vraiment le choix dans ce dossier. En effet, face à la dégradation de la situation sécuritaire autour de l’OTAN, la puissance des armées turques, et la position stratégique du pays, qui contrôle notamment les détroits donnant accès à la mer Noire, mais aussi l’accès au Proche-Orient et au Caucase, pour l’OTAN, ne peuvent certainement pas être ignorés par les occidentaux.
« Il faut amener l’effort de défense pour les armées françaises à 3 % du PIB, comme pendant la guerre froide ! » Cette phrase, vous l’avez certainement entendue ces derniers mois, si vous suivez l’actualité défense française ou européenne.
En effet, les évolutions de la menace, en particulier en Europe, et même concernant la dissuasion nucléaire, jettent le doute sur la pertinence du seuil des 2 % visé par la LPM 2024-2030, qui semble incapable de donner aux armées les moyens nécessaires pour accomplir raisonnablement leurs missions à venir.
Comme c’est souvent le cas, ce type de certitudes s’appuie davantage sur un puissant ressenti, ainsi que sur certains raccourcis historiques, économiques, sociaux et même militaires, que sur une analyse construite de l’hypothèse.
Alors, à quoi pourraient ressembler les Armées françaises, si celles-ci venaient, effectivement, à disposer d’un budget équivalent à 3 % du PIB du pays ? Cette hypothèse est-elle efficace pour répondre aux menaces ? Surtout, est-elle réaliste et applicable, face aux nombreux défis et aux contraintes auxquelles les armées doivent répondre ?
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L’évolution de l’effort de défense français de la Guerre Froide aux bénéfices de la Paix
De 1950 à 1970, les dépenses de défense de la France, représentaient, en moyenne, 5 % de la richesse produite chaque année par le pays. Ce taux, très élevé, s’explique par l’action conjuguée de la guerre Froide et de la menace soviétique, particulièrement pressante sur cette période, mais également par les deux guerres coloniales auxquelles elles ont participé, en Indochine puis en Algérie.
Le Mirage IV a porté la composante aérienne de la Dissuasion frnaçaise de 1964 à 2005
Surtout, sur la même période, le pays s’est reconstruit des conséquences de la Seconde Guerre mondiale et de l’occupation allemande, avec un très important effort de réindustrialisation et dans certains domaines technologiques, dont le nucléaire, ce qui transforma profondément l’économie du pays.
Ainsi, le PIB par habitant en France est passé de 10 500 à presque 16 000 $ sur la décennie 1960-1970. Le PIB du pays, quant à lui, est aussi passé de 15 Md$ en 1950 à 126 Md$ en 1970, pour s’envoler à 1060 Md$ en 1990, et 2650 Md$ en 2022. Même compensé de l’inflation, on comprend les raisons qui obligeaient la France à consacrer de tels pourcentages à son effort de défense jusqu’en 1970, et une partie des raisons ayant entrainé la baisse de cet effort, à partir de 1980.
Difficile, dans ces conditions, de comparer l’effort de défense en 1970 de 3,06 %, et celui qui est consacré aujourd’hui à cette même fonction par le pays, tant les contextes économiques, sociaux, politiques, industriels, technologiques et même internationaux, sont sans comparaison avec ce qu’ils étaient alors.
Les limites du seuil à 2 % du PIB pour l’effort de défense français
Le SNLE Triomphant doit rester indétectable pour assurer sa mission de dissuasion
Et pour cause, avec un effort de défense à 2 % PIB, la dissuasion française ne pourra s’appuyer que sur 4 SNLE et deux escadrons de bombardement stratégique, l’Armée de Terre sur une forte opérationnelle terrestre forte de seulement 77 000 militaires d’active, renforcé, il est vrai, par une grande partie des 80 000 gardes nationaux.
Cette force est armée d’uniquement 200 chars de combat, 600 véhicules de combat d’infanterie et à peine plus d’une centaine de systèmes d’artillerie, et 10 à 20 lance-roquettes à longue portée, soit bien moins que ce que produit l’industrie de défense russe en une seule année.
La Marine nationale n’est pas mieux lotie, avec son unique porte-avions, une aberration opérationnelle, ses six sous-marins d’attaque, ses trois porte-hélicoptères dont un servant de navire école, et sa quinzaine de frégates de premier rang, pour un pays dont la métropole a trois façades maritimes, et qui a la plus grande zone économique exclusive repartie sur tous les océans de la planète.
L’Armée de l’Air et de l’Espace, enfin, a dû ramener sa chasse à 185 appareils, dont une trentaine sont consacrées à la seule mission nucléaire, une cinquantaine d’avions de transport tactique et stratégique, une quinzaine d’avions ravitailleurs et quatre Awacs, moins de dix batteries antiaériennes et antimissiles à longue portée. Elle ne dispose même plus d’appareils d’entrainement à hautes performances, pour la formation de ses pilotes de chasse, et l’entrainement des pilotes et abonnés dans les escadrons.
Avec seulment 185 avions de combat, l’Armée de l’Air et de l’Espace ne dispose pas du format necessaire pour soutenir, sur la durée, un conflit de haute intensité.
La défense étant un exercice relatif, il convient de comparer ce format des armées françaises à 2 % PIB, fortes de 208 000 hommes, avec les armées russes, disposant d’un budget de 110 Md$ équivalent à 6,5 % du PIB, fortes de 1,5 million d’hommes, alignant 12 SNLE, plus de 500 missiles stratégiques ICBM, une centaine de bombardiers stratégiques, 2500 à 3500 chars, 5000 véhicules de combat blindés et d’infanterie, plus de 2000 canons automoteurs et lance-roquettes, 300 batteries antiaériennes à longue portée, et un millier d’avions de combat.
Certes, la France n’est pas seule pour s’opposer à la menace russe en Europe, et beaucoup de pays produisent d’importants efforts pour rééquilibrer le rapport de force défavorable. Pour autant, les armées françaises disposent, en Europe, de moyens détenus, à part par elles, uniquement par l’allié américain, voire par les britanniques dans certains cas.
Quelles pourraient être les armées françaises si la France consacrait 3 % au budget des armées.
Dans ce contexte, porter l’effort de défense à 3 %, permettrait-il de rétablir un rapport de force favorable, face à la menace russe et mondiale, en Europe et ailleurs ? Ce serait, comme nous le verrons, probablement le cas.
Ainsi, les évolutions de format des armées, en passant de 2 à 3% du PIB, seraient bien plus sensibles qu’elles ne le furent en passant de 1,5 à 2 %, de 2016 à 2024. En effet, à l’issue de cette première hausse, qui permit avant tout de ramener les armées à un point d’équilibre budgétaire sur le format qui est le leur, les forces françaises respectent toujours les volumes visés par le Livre Blanc de 2013, que ce soit en termes d’hommes, de blindés, d’avions et de navires.
La LPM 2024-2030 ne prévoit ni de remplacer le char Leclerc, ni d’augmenter les 200 exemplaires devant être modernisés, dans l’attente du MGCS qui devrait arriver au delà de 2040.
À l’inverse, passer à 3 %, permettrait de s’appuyer sur l’ensemble des investissements de fonctionnement et de développement déjà couverts par le passage à 2 %, pour consacrer les efforts, précisément, à une évolution de format sensible. Car, avec un PIB 2023 de 2650 Md€, un effort de défense à 3 % permettrait au budget des armées de passer de 47 Md€ à presque 80 Md€, soit une plus-value de plus de 30 Md€.
Une dissuasion française à nouveau dimensionnée pour contenir la menace russe
Face à la menace russe, et la possible réorganisation de la dissuasion européenne, un budget défense à 80 Md€, permettrait d’augmenter sensiblement le potentiel opérationnel de la dissuasion française, en passant notamment de 4 à 6 SNLE.
Avec 6 SNLE, la Marine nationale pourrait, en effet, maintenir en permanence deux navires à la mer, et un troisième en alerte à 24 heures, sur une durée illimitée, contre un navire en patrouille, et un en alerte aujourd’hui.
Or, la montée en puissance de la flotte sous-marine russe, mais également l’arrivée aussi massive qu’inévitable de drones sous-marins de surveillance, augmenteront, dans les années à venir, le risque qu’un SNLE à la mer puisse être compromis, donc incapable d’assurer sa mission de dissuasion.
Or, si un sous-marin nucléaire lanceur d’engins à la mer a, admettons, 1 % de se faire détecter lors de sa patrouille par ces nouveaux moyens, un risque que l’on peut juger relativement faible, cela signifie également que la posture de dissuasion française, donc européenne, serait menacée 3,5 jours par an. Il suffirait à l’adversaire d’être un minimum patient, pour éliminer potentiellement ce risque.
La dissuasion française doit disposer d’un système équivalent au système balistique sol-sol à courte portée Iskander-M pour disposer de l’ensemble du vocabulaire requis pour le dialogue de dissuasion avec Moscou.
Avec 2 navires à la mer, le risque que les deux navires soient, simultanément, compromis, ne représente plus que 0,01 % du temps, soit à peine 1 jour tous les trente ans. Le rapport au temps, ici, pour une crise qui se déroule sur plusieurs mois, voire une ou deux années, plaide effectivement, dans ce contexte, pour une flotte à 6 SNLE, plutôt que 4.
Au-delà de la flotte océanique stratégique, la posture de dissuasion française pourrait voir sa composante aérienne passer de 2 à 3 escadrons, et de doter à nouveau l’Armée de Terre de régiments dotés de missiles balistiques à courte portée et capacités nucléaires, pour répondre à la menace des Iskander-M russe.
Enfin, il conviendrait de permettre aux missiles de croisière navals, le MdCN et son futur remplaçant, de transporter, au besoin, une tête nucléaire, là encore, pour se doter de capacités en miroir de celles en service en Russie, et ainsi disposer d’un vocabulaire de dissuasion aussi fourni que peut l’être celui de Moscou.
Une nouvelle division blindée pour l’Armée de Terre
L’Armée de terre serait, en bien des domaines, celle qui bénéficierait le plus d’un passage à un effort de défens à 3 % PIB. Elle pourrait, ainsi, se doter d’une troisième division organique qui, pour le coup, serait conçue comme une division blindée, avec une brigade blindée de rupture, deux brigades d’infanterie mécanisée, et une brigade de soutien, soit une force de 40 000 hommes, 350 chars de combat, 700 véhicules de combat d’infanterie et blindés de combat et de reconnaissance, 1500 blindés multirôles Griffon et Serval, une centaine de tubes de 155 mm, autant de mortiers et de pièces de DCA mobiles, ainsi que quarante hélicoptères.
L’Armée de Terre ne dispose que de deux brigades lourdes, disposant d’un régiment de chars.
Conçue spécifiquement pour être employée en Europe orientale face à un adversaire symétrique, cette division pourrait être très majoritairement constituée de régiments de Garde nationaux, ou de conscrits choisis (ce qui sera abordé plus bas), pour répondre à un risque de très haute intensité, mais dont la probabilité demeure faible.
En outre, une brigade mécanisée supplémentaire, elle aussi composée majoritairement de gardes nationaux et de conscrits choisis, serait intégrée à chaque division existante, avec l’objectif de renforcer la masse de ces divisions, et surtout d’assurer les capacités de rotation des forces et des matériels, au niveau organique de la division, avec des forces déjà intégrées.
En procédant ainsi, la Force Opérationnelle Terrestre serait doublée, pour atteindre 150 000 hommes, mais verrait certains de ses moyens tripler, comme les chars de combat et l’artillerie. Certains nouveaux moyens pourraient également rejoindre les brigades de l’Armée de terre, comme, on peut l’espérer, dans le domaine de la défense antiaérienne et des drones.
Permanence du Groupe aéronaval et des flottilles d’action navale de la Marine nationale
La Marine nationale verrait sensiblement ses moyens augmenter, sans atteindre une évolution aussi importante que celle de l’Armée de Terre. Elle recevrait, ainsi, deux sous-marins nucléaires d’attaque supplémentaires, sans qu’il soit vraiment possible, cependant, d’aller au-delà, eu égard à la difficulté de créer des tranches nucléaires dans les équipages, d’autant que 2 SNLE supplémentaires ont été évoqués précédemment.
La Marine nationale n’aura qu’un unique porte-avions nucléaire de nouvelle génération, ce qui pose de serieux problèmes quant à la disponibilité du groupe aéronaval.
Pour renforcer la flotte sous-marine, face à la trentaine de sous-marins nucléaires russes, et autant de sous-marins conventionnels, celle-ci se verrait dotée d’une flottille de sous-marins conventionnels et/ou de drones sous-marins de grande taille. Ces navires devront assurer la protection des arsenaux, de la base sous-marine stratégique de l’ile-longue, et éventuellement de certains territoires ultramarins, et ainsi libérer la flotte de SNA de ces tâches.
La flotte de surface, elle, verrait ses capacités s’étendre, notamment avec l’entrée en service de deux porte-avions légers, des navires de 40 000 tonnes à propulsion conventionnelle, destinés à assurer la permanence opérationnelle du groupe aéronavale aux côtés du porte-avions nucléaire, sans avoir les couts de ce dernier, et ayant l’immense avantage de pouvoir être potentiellement exportés.
La flottille de frégates serait, elle aussi, étendue, avec deux frégates antiaériennes et cinq frégates anti-sous-marines supplémentaires, ainsi que 11 corvettes lourdes ou frégates légères, pour remplacer les frégates de surveillance et les frégates légères furtives. La flotte de patrouilleurs et d’OPV, elle, demeurerait inchangée.
Doublement de la chasse et de la défense antimissile de l’Armée de l’Air et de l’Espace
L’Armée de l’air et de l’Espace pourrait, enfin, retrouver un format suffisant pour s’engager dans un conflit de haute intensité, avec une douzaine d’escadrons de chasse tactique, en plus des trois escadrons de chasse stratégiques déjà abordés, soit 240 chasseurs tactiques pour un total de 300 avions de combat, contre 185 aujourd’hui.
L’acqusition de drones de combat et de remote carrier est indispensable pour permettre à l’Armée de l’Air et à la MArine nationale dd’evoluer dans des espaces contestés.
Ces escadrons pourront, en outre, recevoir le futur drone de combat du Rafale F5, probablement 200 à 300 exemplaires, et plusieurs centaines de drones aéroportés légers Remote Carrier, pour disposer d’une importante capacité de suppression des défenses adverses.
La flotte de transport et de soutien, elle aussi, croitrait conséquemment, avec une flotte de transport amenée à 60 appareils contre 45, 25 avions ravitailleurs contre 15, et 6 avions Awacs contre 4. La flotte d’hélicoptères, notamment pour les missions SAR, évoluerait proportionnellement à la flotte de chasse.
La défense antiaérienne et antimissile pourrait être renforcée, notamment pour pouvoir, le cas échéant, mettre en œuvre un bouclier antimissile sur un large périmètre, alors que les défenses antiaériennes à courte et moyenne portée évolueraient proportionnellement aux besoins, c’est-à-dire à l’évolution de la menace, et du nombre de bases et de sites à protéger.
Enfin, dans le domaine spatial, l’AAE pourrait se voir doter de satellites de reconnaissance et de communication supplémentaires, tant pour en étendre la couverture que pour couvrir le risque d’attrition.
40 000 militaires d’active, 40 000 gardes nationaux et 80 000 conscrits sélectionnés supplémentaires, pour 28 Md€ de surinvestissements par an
la mise en œuvre de l’ensemble de ces évolutions, nécessiteraient un profond changement dans le format des armées. Celles-ci devront, en effet, recruter 40 000 militaires d’active supplémentaires pour atteindre les 250 000 hommes et femmes en 2035. Ces militaires formeront essentiellement les cadres des nouvelles unités, et capacités ainsi créées, en particulier au sein de l’Armée de terre, et permettront de renforcer certaines capacités exclusivement aux mains des militaires d’active, comme en matière de dissuasion.
Le recrutement et la fidelastion des effectifs est un défi pour toutes les armées occidentales.
L’essentiel de l’évolution du format, quant à lui, s’appuierait sur une nouvelle augmentation de la réserve opérationnelle, qui passerait des 80 000 visés par la LPM 2024-2030, à 120 000 Gardes nationaux en 2035, mais aussi par la mise en place, comme dans les pays scandinaves, d’une conscription obligatoire sélective, n’intégrant que 10 % d’une classe d’âge, soit 80 000 jeunes par an.
La mise en œuvre de ce format nécessiterait au minimum 10 ans, probablement 15, en particulier pour ne pas venir sur-dimensionner inutilement les capacités de l’industrie de défense française, et que son format de sortie, corresponde effectivement aux besoins de renouvellement des équipements des armées, et du marché international potentiellement adressable.
En matière de surcouts, étalés sur 10 ans, les couts d’acquisition des équipements représentent entre 16 et 18 Md€ annuels linéarisées, les couts de maintenance et d’entrainement 5 à 6 Md€ à termes, et les surcouts concernant les ressources humaines, 7 à 9 Md€, pour un total de 28 Md€ (en euro 2024), à 35 Md€ (en euro 2035 probables), soit dans le périmètre budgétaire libéré par le passage à un effort de défense à 3 % PIB.
Des défis difficiles à relever pour atteindre ces objectifs
On le voit, passer à un effort de défense à 3 % PIB, induirait une évolution de format très sensible des armées françaises, avec parfois des capacités multipliées par deux, comme dans le cas de la FOT, de la flotte de chasse, ou du potentiel aéronaval.
Pour accroitre les capacités opérationelles, il sera indispensable d’accoitre sensiblement les effectifs, donc de relever le defi RH des armées.
Pour autant, la mise en œuvre d’un tel objectif, se heurte à de nombreuses difficultés et obstacles, qui ne peuvent être ignorés, et qui sont loin d’avoir des solutions évidentes.
L’écueil des ressources humaines et le retour à une conscription obligatoire sélective
Le premier, et certainement le plus important, n’est autre que les grandes difficultés que rencontrent les armées, aujourd’hui, pour attirer des candidats satisfaisants, pour armer l’ensemble des postes disponibles, alors que le format est restreint. Dans ce contexte, comment imaginer pouvoir recruter les 40 000 militaires d’actives, et les plus de 100 000 réservistes d’active indispensables à la mise en place du nouveau format ?
L’obstacle est, certes, de taille, mais il n’est pas sans solution. En premier lieu, le passage à 3 % PIB libère davantage de crédits qu’employés par le changement de format. Les crédits supplémentaires, de l’ordre de 3 Md€/an, peuvent être employés pour accroitre l’attractivité de la fonction militaire.
En second lieu, une telle transformation des armées françaises, et les acquisitions de matériels qui seront annoncées, engendreront une attractivité renforcée de la fonction militaire, mais aussi de nombreuses occasions de communiquer sur l’évolution du risque international, et la nécessité de participer à l’effort de défense. Ce type de message, dans ce type de contexte, a souvent fait émerger de nombreuses vocations par le passé.
L’évolution du format des armées permettra de multiplier les supports de communication pour améliorer le recrutement.
Enfin, l’hypothèse retenue, ici, est de s’appuyer sur un retour à la conscription, une mesure probablement indispensable pour répondre aux enjeux. Cependant, il ne s’agirait pas de remettre en œuvre le service militaire tel qu’il était connu, en France, par le passé, mais de s’appuyer sur un service militaire obligatoire, mais sélectif, comme mis en oeuvre, avec succès, dans les pays scandinaves depuis plusieurs années.
Associés à une image sélective extrêmement valorisante pour la future vie professionnelle, les conscrits sélectionnés ne viendraient pas, ainsi, saturer les infrastructures des armées, qui pourront faire évoluer le nombre de conscrits à leurs infrastructures disponibles et besoins existants. En outre, les armées sélectionnant les candidats, les difficultés rencontrés par le Service militaire par le passé, en matière d’encadrement, seraient largement diminuées.
Enfin, le service militaire sélectif, a le potentiel de créer une base très efficace pour améliorer le recrutement des armées, et de la Garde Nationale, permettant d’atteindre bien plus aisément les objectifs préalablement établis dans ces deux domaines.
La transformation de l’outil industriel de défense et le défi de la Supply Chain
Le second défi majeur à relever, pour parvenir à mettre en œuvre une évolution aussi importante, concerne la transformation de l’outil industriel de défense, qui va devoir livrer, sur une période relativement courte, un nombre très élevé d’équipements parfois très complexes, et nécessitant des infrastructures industrielles rares et très onéreuses, ainsi qu’une main d’œuvre qualifiée, tout aussi rare, et tout aussi onéreuse.
L’industrie de défense française devra évoluer en volume et capacités, mais de manière raisonnée.
Dans le même temps, cette transformation de l’outil industriel, doit aussi se faire de manière raisonnée, afin que l’outil résultant, en sortie de cette phase de croissance rapide, puisse être maintenu en activité, par l’action conjuguée du renouvellement des équipements des armées françaises, ainsi que les commandes à l’exportation.
Enfin, cette évolution raisonnée et contrôlée de l’outil industriel, doit concerner aussi bien les grands groupes de la BITD, tels Nexter, Thales, Dassault ou Naval Group, que l’ensemble de la Supply Chain. Or, si ces grands groupes ne rencontreront certainement aucune difficulté pour financer leur croissance, ce n’est pas le cas de cette Supply Chain, que l’on sait être sévèrement handicapée, aujourd’hui, par le manque de soutien du secteur bancaire.
Pour donner à corps à cet objectif, il sera donc indispensable de résoudre le problème d’accès au crédit des ETI et PME de la BITD auprès du réseau bancaire national, probablement par des voix légales et avec la mise en place d’un système de garantie d’état, sous couvert d’une grande cause nationale.
Comment financer l’effort de défense face à la dette et aux déficits ?
Reste, évidemment, l’écueil du financement qu’une telle augmentation du budget des armées, ne manquera pas de faire émerger, face à la situation socio-économique du pays, et en particulier concernant sa dette souveraine, et son déficit public.
Le recrutement de la main d’oeuvre sépcialisée par l’indsutrie de défense, sera également un enjeu d’une transformation importante des armées françaises.
Pour autant, en tant que lecteur assidu de Meta-Defense, vous savez que plusieurs solutions peuvent être envisagées, pour que le « Quoiqu’il en coute Défense« , que le passage de l’effort de défense à 3 % entrainerait, ne se solde pas, comme pour le Covid, par l’explosion de la dette et des déficits.
Le principe de la « Défense à Valorisation Positive« , permettrait déjà de sensiblement diminuer le poids budgétaire de cette hausse des investissements engendrerait sur les finances publiques. Il s’agit, ni plus ni moins, que de tenir compte des recettes sociales et fiscales, mais également des économies sociales, que l’augmentation des dépenses d’état va engendrer, par la création d’emplois directs, indirects et induits, dans les armées, la BITD, la Supply Chain et la société civile.
Selon les démonstrations déjà effectuées, ce montant atteint et dépasse les 50 % des sommes investies dans l’industrie de défense, et 30 % concernant les dépenses d’effectifs. En tenant compte de la hausse probable des exportations d’équipements de défense français, consécutives de la hausse des commandes françaises et des capacités industrielles disponibles, le retour budgétaire d’état sur l’investissement industriel peut atteindre, et même dépasser, les 75 %, et venir flirter avec les 100 %, si l’on considère les économies sociales conséquences de la création d’emplois dans la BITD.
Le second axe pour réduire les effets de cette hausse des investissements défense français, sur la dette souveraine et les déficits sociaux, repose sur l’intervention de l’Union européenne sur son propre périmètre. Il serait possible, de cette manière, de sortir du déficit de calcul, la différence d’investissement entre les 2 % visés par la LPM, et les 3 % évoqués ici, du fait du rôle que les armées françaises auraient concernant la sécurité européenne, notamment en termes de dissuasion.
Conclusion
Nous voilà au terme de cette longue analyse. Il apparait, comme évoqué, que si la France a bien connu un effort de défense de 3 % de son PIB, voire davantage, par le passé, la justification de la soutenabilité d’un tel effort, par cette seule référence historique, est bien insuffisante, tant les différences sont nombreuses concernant l’ensemble des données économiques et sociales entre les deux époques.
À quoi ressembleraient les armées françaises avec 3 % de PIB ? 62
En revanche, les Armées françaises pourraient, effectivement, avoir un format et des capacités opérationnelles, donc dissuasives, bien plus importantes, y compris proportionnellement parlant, en passant de 2 à 3 % d’effort de défense, alors que l’ensemble des défaillances constatées aujourd’hui, les concernant, y trouveraient leurs solutions.
Pour y parvenir, il sera cependant nécessaire de relever de très nombreux défis, particulièrement complexes. Non que la tâche soit impossible, d’ailleurs. Il existe, en effet, des solutions efficaces tant pour répondre aux difficultés de recrutement, que pour financer la mesure sans creuser les déficits, et pour accompagner l’indispensable changement de format de la BITD.
De fait, amener l’effort de défense français à 3 % du PIB est, effectivement, possible, et certainement plus que souhaitable. Mais il faudra bien plus qu’une simple conviction, exprimée avec passion, pour y parvenir. Comme c’est souvent le cas pour les questions de défense.