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Olaf Scholz promet d’amener l’effort de défense allemand à 2% et de soutenir l’Ukraine… Encore…

S’exprimant à l’occasion de la visite d’une usine de Rheinmetall, Olaf Scholz a promis qu’il amènerait l’effort de defense allemand au-delà des 2 % requis par l’OTAN, et qu’il augmenterait l’aide militaire fournie à l’Ukraine. Il s’agissait, pour le chancelier, de répondre aux menaces faites par le candidat Trump, et de tenter de reprendre un certain leadership sur ces dossiers en Europe, comme il le fit, il y a bientôt deux ans, après le début de l’invasion russe de l’Ukraine.

Toutefois, le manque de détermination dont il a fait preuve pour appliquer le Zeitenwende (changement d’époque), durant les deux années qui viennent de s’écouler, mais aussi son évident suivisme américain, lorsqu’il s’est agi de livrer des armes à l’Ukraine, risquent fort de ne pas donner, à lui, comme à l’Allemagne, la même impulsion et le même crédit, dont ils furent crédités après son premier discours.

Les différentes réponses à l’évolution de la menace russe en Europe

Il est des pays européens, et des chefs d’État, qui se sont engagés avec conviction dans la reconstruction de leurs armées, en particulier après que la Russie a lancé son opération militaire spéciale contre l’Ukraine, et qui se sont tenus à cette ligne avec détermination. C’est le cas des pays scandinaves, baltes, de la Pologne, des Pays-Bas, et plus généralement, des pays d’Europe de l’Est.

Il en est d’autres qui font toujours la sourde oreille, et qui, en dépit de certaines promesses et déclarations, continuent d’évoluer avec un effort de défense particulièrement bas, loin des standards exigés par la situation. C’est le cas de la Belgique, du Canada, ou encore de l’Espagne.

Olaf Scholz Bundestag
Le discours du 27 février 2022 donné par Olaf Scholz devant le Bundestag qui donna le coup de départ du Zeitenwende reçu un soutien massif des parlementaires allemands

Il est enfin un pays, et un chef d’État, qui semblent adapter leurs convictions à l’actualité, et aux mots clés tendances sur Twitter. Il s’agit, bien évidemment, de l’Allemagne, et d’Olaf Scholz, qui ne cessent d’adapter son discours dans ce domaine, aux attentes perçues de son opinion publique, et de son industrie de défense, tout en fardant cette détermination d’un maquillage très européen.

Ainsi, quelques jours après le début de l’offensive russe contre l’Ukraine, et surtout après que le chef d’état-major de la Luftwaffe a publié, sur LinkedIn, un post empreint d’un certain désespoir, mettant en évidence l’impréparation de la Bundeswehr pour faire face à une éventuelle guerre de haute intensité, le Chancelier allemand fit un discours très offensif au Bundestag, pour reconstruire en urgence le potentiel défensif de l’armée allemande.

À l’entendre alors, le nouveau chancelier, à peine élu, avait effectivement pris toute la mesure du défi qui se présentait, en annonçant simultanément la création d’un fonds d’investissement de 100 Md€ pour traiter en urgence les déficiences les plus importantes de la Bundeswehr, et la hausse du budget des armées au-delà de 2 % du PIB, pour maintenir cet effort dans la durée.

La détermination d’Olaf Scholz pour mettre en œuvre le Zeitenwende face à l’épreuve du temps

Rapidement, une fois le choc initial passé, et l’anxiété de l’opinion publique allemande sous contrôle, le chancelier allemand fit marche arrière. D’abord, en intégrant, progressivement, les dépenses liées au fonds spécial d’investissement à l’objectif des 2 %, puis en y intégrant, au fil du temps, des programmes déjà planifiés par ailleurs, et des dépenses de fonctionnement.

De fait, en un peu plus d’un an, l’effort exceptionnel en faveur de la reconstruction de la Bundeswehr, voté par le Bundestag, avait été vidé de presque toute sa substance, alors que les armées allemandes voyaient leurs espoirs d’un renouvellement rapide des équipements, voire d’un changement de format, s’envoler.

Puma Bundeswehr
La disponibilité des materiels et unités de la Bundeswehr demeure particulièrement problèmétique, deux ans après le lancement du Zeitenwende.

Au final, deux ans après le discours du Bundestag, la Bundeswehr demeure dans une situation opérationnelle souvent désastreuse, avec une disponibilité des forces exceptionnellement faible, des programmes de renouvellement des équipements ayant glissé au fil de l’étiolement de la détermination politique, et des investissements pilotés davantage pour soutenir les exportations de l’industrie de défense allemande, que pour renforcer la résilience de la Bundeswehr.

Le soutien allemand à l’Ukraine a généralement été du même acabit que son effort de défense. Ainsi, Berlin a refusé de livrer des chars Leopard avant que Washington ait promis de livrer des Abrams, en dépit des promesses françaises et britanniques de livrer des AMX-10RC et des Challenger 2.

De même, l’Allemagne refuse toujours obstinément de livrer des missiles de croisière Taurus à Kyiv, alors que Paris et Londres ont livré plusieurs dizaines de SCALP ER / Storm Shadow, mais que Washington n’a toujours pas livré de Tomahawk.

L’effort de défense allemand atteindra 2 %, confirme Olaf Scholz le 13 février 2024

En dépit de ce bilan plus que contestable, et du manque évident de leadership et de conviction dont Olaf Scholz a fait preuve, depuis le début de ce conflit, le chancelier allemand a, une nouvelle fois, fait une déclaration fracassante, en réponse au discours de Donald Trump concernant l’OTAN.

En effet, après avoir évolué dans une certaine forme de déni pendant quelques jours, Scholz s’est présenté comme particulièrement offensif, à l’occasion d’une visite dans une usine d’armes de l’industriel Rheinmetall, le 13 février.

Effort de defense allemand à 2 % par Olaf Scholz
Le cahncellier allemand, accompagné de son ministre de la défense, a une nouvelle promis que l’allemagne consacrerait 2 % de son PIb à ses armées, à l’occasion d’une visite d’une usine Rheinmetall le 13 février 2024

« Nous devons passer de la fabrication à la production à grande échelle d’équipement de défense » a-t-il déclaré à cette occasion. « C’est urgent. Parce que aussi dure que cette réalité soit : nous ne vivons pas en temps de paix » ajouta-t-il.

Au sujet de l’aide à l’Ukraine, celui-ci a précisé « Non seulement les États-Unis, mais tous les pays européens doivent faire encore plus pour soutenir l’Ukraine. Les promesses faites jusqu’à présent ne sont pas suffisantes. Le pouvoir de l’Allemagne à lui seul ne suffit pas.« , ce qui ne manque pas de piquant lorsque l’on regarde la manière dont Berlin a systématiquement refusé, jusqu’ici, de livrer un quelconque type d’équipement n’ayant pas été, préalablement, livré ou promis par Washington.

Une réponse aux menaces de Trump, plus qu’aux évolutions sécuritaires en Europe et en Ukraine

De toute évidence, le facteur déclencheur, pour Olaf Scholz, n’a été ni la situation très difficile dans laquelle se trouve l’Ukraine aujourd’hui, ni la menace que représente, pour l’Europe, la montée en puissance de l’outil industriel russe. Ceux-ci sont connus et détaillés depuis de nombreux mois, y compris par la Bundeswehr et le BND, les services de renseignement allemands.

Le discours fait par Olaf Scholz, n’est autre qu’une réponse aux menaces de Trump, quant à la mise en retrait potentielle des États-Unis de l’OTAN, s’il venait à être élu, et son refus de protéger les pays qui ne satisferaient pas à ses exigences, sans que celles-ci aient été explicitement définies, par ailleurs.

SCALP EG ukraine
Contrairement à la France avec le SCALP EG, et la Grande-bretagne avec le Storm Shadow, l’Allemagne refuse toujours de livrer des missiles de croisière Taurus à l’Ukraine. Il est vrai que les Etats-unis ne se sont pas engagés à livrer des Tomahawk non plus…

Sous couvert de volontarisme européen, le chancelier allemand donne, en effet, au possible futur président, les garanties qu’il espère, répondront aux exigences de Washington, notamment en dépensant bien plus de 2% du PIB allemand dans l’effort de défense du pays, et en faignant de promouvoir la prise en charge du conflit ukrainien par les Européens, Allemagne en tête.

Le soutien à l’industrie de défense allemande au cœur des préoccupations du chancelier

Il eut été, évidemment, bienvenue d’annoncer, dans le même discours, la livraison de missiles de croisière Taurus, ou de nouveaux Leopard 2 à l’Ukraine. Mais de ça, il n’en a pas été question. La préoccupation du chancelier était, en effet, toute autre.

Celui-ci a, ainsi, appelé les européens à se rapprocher pour commander de nouveaux équipements de défense, de sorte à pouvoir dimensionner les outils industriels en donnant, à ces derniers, la visibilité requise pour justifier les investissements, pour accroitre la production, comme requis par Donald Trump, et pour soutenir l’Ukraine en lieu et place des États-Unis.

« Si je veux acheter une VW Golf dans deux ou trois ans, alors je sais aujourd’hui : elle existera. Je devrais peut-être attendre trois ou six mois pour cela, mais alors, la voiture sera dans la cour » a-t-il donné comme justification hasardeuse à son propos. En d’autres termes, il est temps, pour les européens, de passer des commandes massives à l’industrie de défense, de préférence allemande, s’ils veulent être livrés dans les temps. Sans que l’on sache si l’échéance est la menace russe ou l’élection possible de Donald Trump…

La dynamique du Zeitenwende est irrémédiablement perdue en Europe, comme en Allemagne

Reste que le coup de bluff d’Olaf Scholz, par ailleurs très affaibli dans les sondages, a peu de chances d’avoir les mêmes résultats et les mêmes soutiens, qu’en février 2022. Entre-temps, en effet, députés de l’opposition, mais aussi militaires, ont vivement critiqué le manque de constance et de conviction du chancelier allemand, en matière de défense.

Bundeswehr
Olaf Scholz promet d'amener l'effort de défense allemand à 2% et de soutenir l'Ukraine... Encore... 6

De toute évidence, la dynamique insufflée il y a deux ans est irrémédiablement retombée, même si l’opinion publique est, à ce sujet, à nouveau en faveur d’une hausse des dépenses de défense, et de l’augmentation de l’aide militaire allemande à l’Ukraine.

Il est, en effet, très peu probable que le nouveau revirement d’Olaf Scholz, puisse redorer son blason auprès de celle-ci, alors que le SPD n’est crédité, aujourd’hui, que de 15 % d’opinions favorables, devant les verts (13%), mais loin derrière la CDU/CSU (31%), et l’AfD (20 %), le parti d’extrême-droite allemand.

Russie, Ukraine, États-Unis…: La Loi de programmation militaire française est-elle déjà obsolète en 2024 ?

En de nombreux aspects, les certitudes qui avaient cours, lors de la rédaction de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030 française, en France comme dans l’ensemble du bloc occidental, à la fin de 2022, ont été profondément bouleversées par les évolutions du conflit Ukrainien, de la puissance militaire et industrielle russe, et même par les positions américaines, présentes et à venir.

Qu’il s’agisse du dimensionnement de la dissuasion ou des armées, du calendrier des évolutions technologiques en cours, et même du rôle que Paris, comme Londres, seront probablement appelés à jouer dans les années à venir, pour garantir la sécurité du vieux continent, tous ont profondément évolué, décrivant une menace, donc des besoins pour y faire face, sans rapport avec ceux visés par cette LPM.

Les certitudes de la Loi de Programmation Militaire française 2024-2030 ont volé en éclat ces derniers mois

Basée sur les conclusions de la revue stratégique 2022, rédigée à la suite de l’élection présidentielle française, la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, doit encadrer l’ensemble de l’effort de défense du pays, dans les sept années à venir. Elle détermine, notamment, le format des armées, les équipements majeurs qui seront acquis ou modernisés, les technologies qui seront développées, et alloue les moyens budgétaires pour y parvenir.

Et d’ambitions, la LPM 2024-2030, n’en manquait pas, promettant d’amener le budget des armées à 67 Md€ en 2030, deux fois que celui qui était le sien en 2015. Même en tenant compte de l’inflation passée et de la probable inflation à venir, cette augmentation est considérable, et aurait satisfait, sans aucun doute, n’importe quel militaire au milieu des années 2010.

Loi de Programmation militaire sénat Lecornu
En dépit d’un travail exemplaire du ministère des Armées, et des parlmentaires, la LPM 2024-2030 n’a pas été conçue pour répondre aux évolutions constatées de la situation sécuritaire en Europe ces deux dernières années.

Cependant, le contexte géopolitique, en Europe, et dans le monde, a considérablement évolué depuis le moment où la Revue Stratégique, sur laquelle la LPM a été construite, a été rédigée. Ainsi, à l’automne 2022, et l’hiver 2023, la Russie était à la peine en Ukraine, cette dernière préparant, avec confiance, une contre-offensive de printemps qui se voulait être décisive, notamment pour atteindre la Crimée.

Les armées russes avaient alors dû faire appel à une mobilisation partielle pour remplacer les effectifs perdus lors des premiers mois de la guerre, et l’industrie de défense du pays, semblait très handicapée par les sanctions occidentales. De l’avis de tous les experts, il faudrait, aux armées russes, et à leur industrie de défense, bien plus d’une décennie pour retrouver une puissance opérationnelle similaire à celle qu’elles avaient avant-guerre.

Un contexte géostratégique européen qui se dégrade rapidement

Le constat, douze mois plus tard, est sans appel. Non seulement la contre-offensive ukrainienne a-t-elle échoué, mais les armées de Kyiv ont enregistré d’importantes pertes, venues éroder ses capacités offensives et défensives.

Dans le même temps, les armées russes semblent ne rencontrer aucune difficulté pour renouveler leurs effectifs, en dépit de pertes effroyables, et bénéficient d’un flux constant de munitions et de nouveaux équipements, pour remplacer ceux perdus ou consommés au combat.

Pire encore, non seulement l’industrie russe semble parfaitement capable, aujourd’hui, de remplacer les pertes en matériels et d’alimenter en munitions les forces engagées en Ukraine, mais, dans le même temps, les industries européennes et américaines, principaux soutiens des armées ukrainiennes, en sont, en revanche, incapables.

Ouralvagonzavod
La transformation rapide de l’indsutrie de défense russe donne à Moscou et à ses armées des moyens, aujourd’hui, qu’il était presque impossible d’imaginer sur un tel calendrier à l’autonme 2022, lors de la rédaction de la Revue Stratégique 2022.

De fait, l’optimisme de fin 2022, début 2023, concernant la conclusion du conflit russo-ukrainien, a cédé la place, ces derniers mois, à des inquiétudes croissantes, d’abord si la guerre venait à durer, puis, à beaucoup plus court terme, quand il est devenu évident que les armées ukrainiennes n’avaient plus d’autres choix, que de s’enterrer, pour tenter d’absorber les offensives russes en infligeant le maximum de dégâts.

Les capacités de mobilisation et de régénération de l’outil militaire russe sont désormais telles, que beaucoup de services de renseignement européens, estiment qu’il sera en capacité de menacer les pays de l’OTAN, sur un calendrier bien plus court, une échéance à cinq ans étant de plus en plus souvent évoquée.

La menace d’une mise en réserve des États-Unis de l’OTAN et de la défense de l’Europe

À la menace russe, se sont ajoutés, ces dernières semaines, d’autres sujets d’inquiétudes, comme l’implication de l’Iran dans le soutien aux rebelles Houthis et aux milices Irakiens à l’origine des attaques contre les navires commerciaux et militaires navigants en mer Rouge, ou contre des bases américaines en Irak et en Jordanie.

Loin d’être anecdotique, ces tensions menacent une partie importante du trafic maritime vers l’Europe et le Proche-Orient, ainsi qu’une bonne partie des câbles sous-marins qui constituent les backbones de l’internet mondial.

Dans le même temps, les tensions dans le Pacifique se sont sensiblement accrues. Entre la Chine et les États-Unis, d’abord, autour de Taïwan, alors que les deux pays semblent s’être engagés dans une trajectoire de probable confrontation à moyenne échéance.

Kim Jong Un
Le dictateur nord-coréen Kim Jong Un a multiplié les démonstrations de force et les provocations ces derniers mois, contre la Corée du Sud, le Japon et même les Etats-Unis.

En Corée, également, Pyongyang multipliant les provocations et les démonstrations de forces, contre Séoul, mais aussi contre Tokyo. En Mer de Chine du Sud, enfin, notamment entre la Chine et les Philippines, alliés des États-Unis, avec des tensions de plus en plus intenses.

A ce sujet, ces derniers mois, il est devenu plus qu’évident que les Etats-Unis seront contraints de concentrer l’essentiel de leurs moyens pour faire face à Pékin, et devront se retirer, progressivement, d’Europe et du Proche et Moyen-Orient, pour y parvenir, laissant aux européens, israéliens et à leurs autres alliés, la responsabilité de ces théâtres.

Enfin, depuis quelques semaines, à l’occasion de la campagne électorale américaine, il est apparu que le candidat Trump, qui remportera sans aucun doute les primaires républicaines, et qui est donné gagnant de la présidentielle dans les sondages, entendait prendre beaucoup de distance avec les engagements américains concernant la protection de l’Europe. Ce qui ne manqua de provoquer un certain vent d’inquiétudes, si pas de panique, sur le vieux continent.

Le retour de la menace stratégique étendue et de la nécessité d’une puissante dissuasion en Europe

La montée en puissance de l’industrie de défense et des armées russes, associée à un éventuel retrait américain de la protection de l’Europe, redéfinit de fait radicalement l’équation stratégique française, en Europe et dans le Monde.

SNLE triomphant
Les 4 SNLE français, et les 4 SSBN britanniques, ne suffiront pas à contre-balancer la puissance stratégique russe.

En effet, là où les équilibres stratégiques navals en Europe reposaient sur une flotte de 12 SSBN américains, de 8 SSBN européens, 4 français et 4 britanniques, et de 57 sous-marins nucléaires d’attaque, dont 7 britanniques et 6 français, cette flotte sera ramenée à 8 SSBN européens, soit au mieux 4 navires à la mer sur une durée relativement courte, et 13 SSN, si le bouclier nucléaire américain venait à être retiré, pour faire face à 12 SSBN et une vingtaine de SSN/SSGN russes.

Ce rapport de forces sous-marines défavorable, est cependant le meilleur, concernant l’opposition stratégique entre Russie et Europe. Ainsi, dans le domaine aérien, l’Europe ne pourra s’appuyer que sur les deux escadrons de Rafale B français armés de missiles ASMPA, soit une vingtaine d’appareils, pour contenir la centaine de bombardiers stratégiques russes Tu-95MS et Tu-160M2, sans compter les quelque 130 Su-34, les trente Tu-22M3M et les quelques Mig-31K dotés potentiellement de la capacité d’emporter des munitions nucléaires.

Tu-160M2
A terme, les forces aériennes stratégiques russes aligneront une cinquantaine de bombardiers stratégiques supersoniques à long rayon d’action Tu-160M2

Enfin, dans le domaine des missiles balistiques ou de croisière, la Russie dispose simultanément de plus de 500 missiles balistiques ICBM, d’autant de missiles balistiques Iskander-M pouvant être armés d’une tête nucléaire, ainsi que d’une flotte d’une cinquantaine de frégates, corvettes et sous-marins, susceptibles d’emporter le missile Kalibr, lui aussi potentiellement armé d’une tête nucléaire. Les pays européens, y compris la France et la Grande-Bretagne, ne disposent d’aucun de ces systèmes d’arme.

Pour soutenir le défi stratégique russe, mais aussi l’arrivée de plus en plus possible de l’Iran au sein des nations dotées, la France, et avec elle la Grande-Bretagne, devront très certainement largement étendre leurs capacités dans ce domaine, non seulement en étendant la flotte de SSBN, mais aussi en renforçant les forces aériennes stratégiques, et en se dotant de missiles sol-sol ou surface-sol à capacités nucléaires, idéalement balistiques et/ou hypersoniques.

De nouvelles ruptures technologiques qui se dessinent sur un calendrier resserré

Le contexte technologique militaire a, lui aussi, considérablement évolué ces deux dernières années, c’est-à-dire depuis la rédaction de la Revue Stratégique et de la Loi de Programmation Militaire française.

Cet aspect ne se caractérise pas tant pas l’émergence subite de nouvelles technologies, même si dans le domaine des drones, de l’Intelligence Artificielle, mais aussi de l’artillerie, des blindés et des armes hypersoniques, le paysage est fort différent de ce qu’il était.

S97 RAider
L’annulation du programme FARA par l’US Army, est un indicateur important concernant le changement de tempo technologique défense à l’échelle de la planete.

C’est, en effet, le tempo technologique, qui conditionne l’émergence de ces nouvelles technologies, et des nouvelles générations d’équipements, qui a été sensiblement accéléré, entrainant certains arbitrages radicaux, comme l’annulation récente du programme d’hélicoptère de reconnaissance et d’attaque FARA de l’US Army.

De toute évidence, l’engagement coopératif, les systèmes autonomes, les armes hypersoniques et les armes à énergie dirigée, revêtent désormais un caractère prioritaire pour de nombreuses armées, sur un calendrier particulièrement court. Ce qui n’est pas le cas de la LPM française, qui vise ces capacités après 2030, voire au-delà de 2040.

AbramsX
Le nouveau M1E3 Abrams de l’US Army sera beaucoup plus leger, mobile, numérique et protéger activement, que les modèles précédants.

Dans le même temps, une certaine aspiration à la simplification des équipements, notamment pour en réduire les couts et délais de conception, en réduire la maintenance et raccourcir les délais de prise en main, et surtout, pour en augmenter le nombre, est apparue dans de nombreux domaines, dont celui des blindés.

De toute évidence, là encore, plusieurs des certitudes qui existaient lors de la rédaction de la LPM, ont été profondément altérées, voire frappées d’obsolescence, en particulier en lien avec les enseignements de la guerre en Ukraine.

Le rôle de la France en Europe qui évolue

Ces bouleversements rapides, alors que la France est le seul pays de l’Union européenne à disposer d’une dissuasion, et d’une industrie de défense globale, imposent une nécessaire évolution du rôle de la France en Europe.

Trump primaire
Les menaces de Donlad Trump concernant l’OTAN, ont provoqué un puissant electrochoc en Europe.

Il ne fait aucun doute, en effet, qu’une éventuelle mise en réserve de l’OTAN des États-Unis ordonnée par Donald Trump, imposerait à Paris, avec Londres, d’assurer la posture de dissuasion pour l’ensemble de l’Europe face à la Russie. Ces deux pays sont, aussi, les seuls à disposer de certaines technologies clés, comme dans le domaine de la propulsion des aéronefs, des missiles balistiques, ou encore de la propulsion nucléaire des navires et sous-marins.

De fait, la posture de Paris, comme de Londres, doit dès à présent évoluer en Europe, pour anticiper les conséquences d’une telle décision américaine et, plus globalement, de l’inévitable bascule vers le Pacifique des forces US face à la Chine.

Considérant l’immédiateté d’une décision politique unilatérale, face aux délais nécessairement longs pour être en mesure de passer d’une posture de dissuasion exclusivement nationale, à une posture potentiellement binationale étendue à l’ensemble du continent européen, il convient donc d’anticiper dès à présent l’hypothèse, d’autant qu’un tel retrait pourrait déclencher certaines actions d’opportunités contre les pays européens de la part de Moscou.

Une révision des ambitions et des moyens alloués à la Défense française s’impose de toute urgence

Il ressort de ce qui précède, que de nombreux aspects structurants et constitutifs de la LPM 2024-2030, sont dès à présent frappés d’obsolescence, ou menacent de l’être à court terme.

EMBT Nexter
Le besoin pour l’Armée de terre de disposer d’un char de génération intermédiaire, pour élargir sa flotte face à la menace, est dorénavant très important.

La révision de la LPM s’impose probablement. Pour lui conférer toute son efficacité, en France comme en Europe, celle-ci devrait sûrement reposer sur une nouvelle Revue Stratégique rédigée, cette foi, de manière indépendante, pour identifier et quantifier les menaces, présentes et à venir, sur un calendrier réaliste, et identifier, là encore de manière indépendante, les moyens pour y faire face.

Il serait surtout nécessaire que le cadre de la future LPM, à savoir le budget alloué, ainsi que sa progression, ne soit pas défini avant que l’analyse des menaces, et celle des moyens requis pour y répondre, soient réalisées.

Car, de toute évidence, un effort de défense à 2 % du PIB, comme une Force opérationnelle terrestre à 77 000 soldats, 77 tubes de 155 mm et 200 chars, une force aérienne et aéronavale de 225 chasseurs sans capacités de bouillage et de suppression des défenses adverses, une force navale de 10 véritables frégates de premier rang et un unique porte-avions, et moins de trois semaines de réserves de munitions et de pièces détachées au combat, ne correspondent en rien, à ce qu’exigerait la réalité de la menace aujourd’hui.

Encore moins face à la situation qui émergera en Europe dès le début de l’année 2025, et au-delà, alors que le format des armées en 2030, prévu par la LPM 2024-2030, différera à peine de ce tableau fort inquiétant.

Conclusion

On le voit, une profonde révision de la LPM, comme de la Revue Stratégique qui lui donne sa substance, s’impose certainement aujourd’hui, alors que les évolutions constatées du contexte géostratégique, ces deux dernières années, étaient certainement très improbables, donc ignorées, lors de la rédaction de cette loi qui, en dépit de ses indéniables qualités, s’avère inadaptée pour répondre aux enjeux qui se sont révélés ces derniers mois.

PAN Charles de Gaulle et HMS Queen Elizabeth
La France et la Grande-Bretagne ont, désormais, un rôle et une reposabilité nouvelle, que seuls ces deux pays peuvent assumer, pour garantir la sécurité de l’Europe dans les années à venir.

Dans ce domaine, la France, mais aussi la Grande-Bretagne, ne peuvent pas se satisfaire d’une posture d’attente, tant ces deux pays jouent un rôle déterminant dans la réorganisation du dispositif dissuasif et défense de l’ensemble du continent, face à des menaces en évolution très rapide, ne laissant aucun répit aux dirigeants européens.

En de nombreux aspects, la situation géopolitique qui se dessine aujourd’hui en Europe, donne raison aux positions exprimées par les différents présidents français ces dernières décennies.

À Paris, désormais, de montrer qu’au-delà de cette clairvoyance, la France saura également prendre les devants, et ses responsabilités, pour mettre en pratique ce qu’elle appelle de ses vœux depuis de nombreuses années, à savoir une véritable défense européenne, stratégique et autonome, correspondant à la puissance économique et technologique du vieux continent.

Trump ou pas, la menace russe est désormais le problème des armées européennes

Alors que les menaces proférées par Donald Trump à l’encontre des Européens continuent de défrayer la chronique, un rapport des services de renseignement extérieurs russes, dresse un tableau des plus inquiétants concernant le potentiel industriel militaire européen en développement dans les années à venir, face à celui des armées russes.

En effet, selon ce rapport, en dépit des annonces et déclarations politiques, les européens ne parviendraient pas, par manque de munitions, à contenir la menace russe dans les années à venir, en appliquant les plans qui sont les leurs aujourd’hui, et il leur faudra quinze ans pour être en mesure de mener un conflit majeur.

Cette faiblesse structurelle européenne créera, selon le rapport des services de renseignement extérieurs russes, de nombreuses opportunités pour que Moscou puisse exploiter son rapport de force favorable, pour tenter de prendre l’avantage sur l’UE et l’OTAN. Car de toute évidence, que Trump soit ou non élu en novembre prochain, les européens devront contenir seuls, et à court terme, la menace russe.

L’électrochoc Trump pour sortir les européens de leur léthargie volontaire

Quatre jours après avoir été prononcées, les menaces faites par Donald Trump, à l’encontre des pays membres de l’OTAN, à l’occasion d’un discours lors des primaires républicaines, continuent de faire la une des chaines d’information et grands sites d’information européens.

menace russe trump
Les meances préférées par D. Trump ont fait l’effet d’un electrochoc en Europe.

Il faut dire que la menace de retirer la protection américaine aux pays qui ne « paieraient pas ce qu’ils doivent aux États-Unis« , a sorti brutalement de leur torpeur un grand nombre de dirigeants européens, persuadés que la protection que leur confèrent les États-Unis depuis 75 ans maintenant, était inamovible et illimitée, et qu’il leur suffisait d’acheter quelques avions et missiles américains, pour assurer leur sécurité.

De fait, un certain vent de panique est venu souffler dans les chancelleries européennes, entrainant des réactions allant de la prise de conscience violente, à une certaine forme de déni peu convaincant, voulant se persuader que la menace est purement électorale, voire que le peuple américain, et ses représentants au Congrès, ne laisseraient pas Donald Trump prendre une telle posture, s’il venait à remporter les prochaines élections.

Pourtant, les données actuellement disponibles, montrent qu’une victoire de Donald Trump, à la Maison-Blanche, mais aussi dans les deux chambres américaines, est de plus en plus possible, alors que la candidature Biden est remise en question en raison de l’âge du président, et que les alternatives, comme Kamala Harris, sont systématiquement données perdantes face à Trump.

Or, si Donald Trump venait à s’imposer lors des prochaines élections, et qu’il détenait la majorité au Sénat et la Chambre des Représentants, les risques qu’il puisse, effectivement, mettre en œuvre son projet, sont très élevées, d’autant qu’il en a fait un thème récurrent de sa campagne et un argument majeur de sa réélection.

L’indispensable basculement des armées américaines vers le Pacifique face à la Chine

Si les positions de Trump font l’effet d’un électrochoc sur les européens, elles sont loin d’être les seules à venir remettre en question la protection, par les armées US, de l’Europe. En effet, comme abordé à plusieurs reprises sur ce site, le Pentagone sera, bientôt, contraint d’effectuer un redéploiement majeur de ses forces déployées en Europe, en Afrique, et au Moyen-Orient, pour concentrer l’immense majorité de ses moyens militaires face au théâtre Pacifique.

Marine chinoise Type 055 Type 052D Type 056
La montée en puissance de l’Armée Populaire de Libération chinoise va imposer aux armées américaines de concentrer tout leurs moyens sur le théatre Pacifique.

Pire encore, si un conflit venait à éclater en Europe, Washington serait certainement dans l’incapacité de venir renforcer, de manière significative, le dispositif européen, au risque de donner à Pékin l’opportunité de déclencher une action militaire contre laquelle les armées US n’auraient plus les moyens de réagir, et de perdre, ainsi, sur les deux tableaux.

Les différences, avec les menaces faites par Donald Trump, sont tout de même significatives. En effet, dans le cas d’un redéploiement américain encadré, le bouclier antimissile, et surtout, le parapluie nucléaire américain, demeurerait en place, contenant de fait un potentiel chantage nucléaire russe, qui devrait, autrement, être contenu par les seuls moyens français et britanniques.

En outre, les armées US pourraient continuer à alimenter leurs alliés en matière de renseignement et de communication, en particulier grâce à la galaxie de satellites en cours de déploiement, alors que les européens auraient l’assurance de pouvoir s’appuyer sur l’industrie américaine de défense, tout au moins pour un temps, tant que cela ne viendra pas menacer le bon fonctionnement des armées US face à l’APL.

En revanche, que Trump mette ou pas en œuvre ses menaces, il ne fait guère de doutes qu’à compter de 2025, probablement avant, les européens devront assurer eux-mêmes leur propre sécurité, et contenir la Russie, sans pouvoir compter sur une aide conventionnelle américaine significative dans ce domaine.

Les armées européennes doivent anticiper et accompagner le désengagement américain, plutôt que le subir

Il apparait, de ce qui précède, que le retrait des armées américaines d’Europe, a un caractère inéluctable et indépendant du résultat des élections présidentielles à venir. Ne pouvant agir ni sur les électeurs américains, ni sur les impératifs des États-Unis en matière de défense, et la priorité donnée au théâtre pacifique et la Chine dans ce domaine, les européens n’ont d’autres choix, que d’accompagner au mieux ce désengagement, plutôt que de le subir.

Armées US en Europe
Les armées américaines n’uront très bientot d’autre choix que de quitter l’Europe pour se redéployer face à la Chine.

La première étape, pour y parvenir, serait de mettre fins aux faux espoirs, et aux dénis de réalité, que l’on peut percevoir, encore, dans les déclarations de certains dirigeants européens, comme Olaf Scholz. Il s’agit, en effet, d’anticiper cette transformation, dans toute son urgence, y compris en agissant bien avant l’élection possible de Trump.

Cette prise de conscience suppose, d’ailleurs, un effort de bonne volonté de la part des États-Unis, qui doivent aussi, de leurs côtés, reconnaitre le plus rapidement possible, la nécessité de ce désengagement, et ne pas mettre les européens devant le fait accompli, comme ils le firent en Afghanistan, ou plus récemment, en Ukraine.

Les européens, de leurs côtés, sont en devoir de considérer, dès à présent, l’hypothèse de devoir contenir la menace russe, sans s’appuyer sur les États-Unis, y compris en matière industrielle et technologique.

Cela suppose, évidemment, la mise en œuvre d’un vaste plan de réinvestissement industriel, de sorte à être en mesure de soutenir un conflit majeur de longue durée, le cas échéant, et de repenser le format des armées, pour contenir une armée forte de près de 2,5 millions d’hommes, soit les 1,5 million de militaires d’active et le million de réservistes russes.

Le renseignement extérieur russe estime qu’il faudra 15 ans aux européens pour mener une guerre de haute intensité

En effet, la faiblesse des européens, dans ces deux domaines, aiguise désormais jusqu’aux appétits des services de renseignement russes. Ainsi, un récent rapport des services de renseignement extérieur, le SVR, a présenté un tableau pour le moins inquiétant, mais pas nécessairement exagéré, des capacités des industries de défense européennes, aujourd’hui, et dans les années à venir.

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Selon le SVR russe, il faudra quinz ans à l’indsutrie de défense européenne, pour être en mesure de soutenir un conlfit de haute intensité face à la Russie.

Selon lui, les européens ne seront pas en mesure de prendre le relais des États-Unis pour soutenir l’Ukraine dans le domaine des munitions, avant 2025, créant une fenêtre d’opportunités pour les armées russes pour agir dans ce créneau face à des armées ukrainiennes, qui seront certainement sous-équipées, en manque de munitions, et donc probablement proche de l’effondrement capacitaire et moral.

Si le soutien à l’Ukraine est déjà, en soi, un problème important pour les européens, la reconstruction de leurs capacités industrielles de défense, face à la Russie, l’est encore davantage. En effet, selon ce même rapport, il faudra quinze ans aux européens, pour reconstruire une industrie de défense suffisante pour soutenir un conflit majeur face à la Russie.

Si les services de renseignement russes ne préconisent pas d’action militaire contre l’Europe pour exploiter cette faiblesse, ce n’est pas leur rôle, ils préconisent, cependant, d’exploiter cette faiblesse relative sensible, pour déstabiliser, voire briser, les alliances qui existent en Europe, en détachant, un à un, les pays les plus vulnérables ou exposés, de l’UE et de l’OTAN, en agitant la menace militaire, et en menant, simultanément, des actions de déstabilisation politique.

Nous voila prévenu ! Alors que certains estiment encore que la Russie n’est pas un adversaire des européens, de toute évidence, l’Europe est désormais l’adversaire à abattre pour Moscou, ses services de renseignement, et ses armées.

Le rôle stratégique de l’aide européenne à l’Ukraine pour contenir la menace russe

Ce rapport fait écho à d’autres rapports, occidentaux cette fois, particulièrement pessimistes quant à l’avenir du conflit en Ukraine. Selon ceux-ci, l’action conjuguée de l’arrêt de l’aide militaire américaine, les difficultés de l’industrie européenne pour prendre le relais de Washington dans ce domaine, et celles rencontrées par les Armées ukrainiennes pour renouveler leurs effectifs, dessinent des perspectives des plus inquiétantes dans les mois à venir pour Kyiv, alors que, dans le même temps, Moscou peut s’appuyer sur une industrie en pleine croissance, et une population docile et mobilisée.

Caesar Ukraine
L’aide militaire européenne à l’Ukraine va devoir très rapidement se substituer à l’aide américaine, pour éviter l’effondrement des armées de Kyiv.

Certes, les armées ukrainiennes peuvent toujours s’appuyer sur la plus-value conférée par leur posture défensive, engendrant bien plus de pertes chez l’attaquant que chez le défenseur, pour des gains territoriaux limités.

Toutefois, le potentiel militaire ukrainien semble s’user bien plus rapidement que celui des russes, de sorte que l’hypothèse d’une rupture n’est plus à exclure, sauf à ce que les européens parviennent à augmenter rapidement, et de manière très conséquente, leur soutien militaire, et ce, sans attendre que les États-Unis fassent de même, comme évoqué, là encore, par Olaf Scholz.

En effet, si les lignes défensives ukrainiennes venaient à céder, la chute du pouvoir politique, donc du pays, ne peut probablement pas être évitée. Dans l’hypothèse d’une victoire russe en Ukraine, Moscou disposerait alors d’un outil militaire susceptible d’être rapidement régénéré, par son industrie, et tout aussi rapidement redéployé, pour venir menacer certains pays européens, sans que ceux-ci puissent y répondre de manière symétrique.

Rappelons, à ce titre, qu’il ne fallut, en 1945, que 3 mois aux armées russes, pour déplacer plusieurs corps d’armées du théâtre européen, à la frontière avec la Corée et la Mandchourie, face à l’Empire du Japon, à 8 000 km de là, après la victoire alliée contre l’Allemagne Nazie.

De fait, déplacer de mille ou deux mille kilomètres le dispositif russe face à l’Ukraine, est largement à la portée des armées et chemin de fer russes, en quelques semaines seulement. En outre, une fois le pouvoir politique ukrainien tombé, les armées russes pourront aisément venir se déployer sur les frontières occidentales du pays, bordant la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie, ou encore la Roumanie, quatre pays de l’OTAN et de l’UE, et la Moldavie, candidate à l’adhésion.

Russie tank
En cas de victoire en Ukraine, les armées auront une position très favorable pour miltiplier les menaces et les actions de destabilisation contre les pays européens, avec un rapport de force très favorable.

De fait, le soutien européen à l’Ukraine représente, aujourd’hui, un impératif de portée stratégique pour l’Europe, et les européens, et leur sécurité, pour contenir et limiter la menace russe immédiate, alors même qu’aucune armée européenne n’est effectivement prête à s’engager dans un conflit de haute intensité aujourd’hui.

Un changement radical de calendrier s’impose pour la modernisation des armées et de l’industrie de défense européennes

De toute évidence, et de ce qui précède, un changement radical de calendrier s’impose concernant la modernisation des armées européennes, pour répondre à la dynamique de la menace qui se dessine.

Non seulement, les européens doivent-ils mobiliser leurs moyens pour garantir la résistance des armées ukrainiennes face aux coups de boutoirs russes, mais aussi, doivent-ils réviser en profondeur les calendriers qui, aujourd’hui, encadrent la modernisation de leurs forces, et le redéploiement industriel qui l’accompagne.

Loin de représenter une opportunité commerciale ou politique, comme plusieurs dirigeants européens continuent de la considérer, l’évolution de la menace russe, cumulée à l’inévitable retrait américain du théâtre européen, constitue un enjeu sécuritaire existentiel pour l’ensemble des organes politiques mis en place depuis 70 années pour assurer la sureté du vieux continent, qui ne résisteront pas à un rapport de force trop défavorable en faveur de la Russie, sans une protection américaine de plus en plus incertaine.

2S35 Koalitsiia
2024 verra l’arrivée de nouveaux materiels russes, comme le canon 2S35 Koalitsiia, aux perfomrnances comprables à celles des systèmes européens.

En particulier, les européens, et plus spécifiquement les économies les plus importantes du vieux continent, doivent accroitre leurs investissements en matière de défense, avec des objectifs à court terme, dans les 5 ans à venir, et non se contenter de projets à long terme, au-delà de 2040, alors que le pic de la crise se situera probablement entre 2027 et 2032.

Surtout, les dirigeants européens doivent cesser de considérer avec dédain les alertes des services de renseignement, des armées, et du pouvoir politique des pays d’Europe de l’Est les plus concernés, qui sont en première ligne face à cette menace, et bien souvent, qui connaissent le mieux la Russie.

C’est à cette condition, et seulement celle-ci, que l’Europe pourra traverser les crises qui se dessinent dans les années à venir, et qui ont un pouvoir déstructurant plus que considérable.

La course aux drones tueurs est bien lancée entre grandes puissances militaires en 2024.

Le sujet des drones tueurs défraie, depuis quelques années, la chronique en Europe et aux États-Unis. Association entre des drones militaires armés, et des intelligences artificielles dotées d’une grande autonomie, ils représentent, simultanément, un enjeu militaire majeur pour la conduite des conflits à venir, ainsi qu’un terreau fertile pour les imaginaires, qu’ils soient publics ou politiques.

Cette contradiction, entre le besoin militaire d’une part, et la crainte publique de l’autre, va bientôt être au cœur de nombreux débats, alors que d’autres pays, et non des moindres comme la Russie, la Chine ou l’Iran, avancent rapidement dans ce domaine porteur d’une recomposition profonde des rapports de force.

Car, qu’on le veuille ou non, la guerre des drones aura probablement lieu dans un avenir relativement proche, et la course pour s’équiper de ces systèmes, est belle et bien lancée, entre les grandes puissances militaires mondiales.

Les drones tueurs, entre imaginaire collectif et application militaire bien réelle

Si les progrès de l’Intelligence Artificielle sont, globalement, perçus positivement par les opinions publiques, l’émergence possible de « drones tueurs« , capables de choisir eux-mêmes leurs cibles, et de les frapper, embrase l’imaginaire collectif, et le débat politique, depuis de nombreuses années, au point que de nombreux parlements ont déjà pris des mesures pour tenter d’en encadrer l’apparition.

drone naval ukraine
Les drones jouent un rôle central dans le conflit en Ukraine, y compris dans le domaine naval, les drones ukrainiens ayant coulé ou endommagés plus de 20 % de la flotte russe de la mer Noire.

Cependant, les bénéfices attendus par l’embarquement d’IA à bord des drones, n’a échappé à aucun état-major dans le monde, et la plupart des programmes de drones militaires en cours de développement, sont déjà dotés de certaines capacités déléguées à l’Intelligence Artificielle, que ce soit pour alléger le travail des opérateurs, ou pour en améliorer les performances.

Comme on pouvait s’y attendre, un conflit majeur, comme celui qui se déroule en Ukraine, aura rapidement fait évoluer les certitudes dans ce domaine, y compris des militaires, et les drones en cours de développement, dans de nombreux pays, se voient dotés d’IA bien plus évoluées, et surtout, capables de substituer, au besoin, à l’arbitrage humain.

De fait, en dépit des nombreuses assurances données il y a encore quelques mois à ce sujet, la course au développement de drones tueurs, tout contestable que puisse être ce terme, est bien lancée entre grandes puissances militaires, qui désormais l’envisage comme un pilier majeur de leurs capacités militaires à venir, pour tenter de contenir, ou de vaincre l’adversaire.

Et la dynamique engagée, sera très probablement impossible à arrêter, venant profondément modifier la nature même des conflits et des rapports de force dans les années à venir.

Pourquoi l’Intelligence Artificielle change-t-elle la donne à bord des drones militaires.

Il faut dire que l’intégration de modules d’intelligence artificielle à bord des drones, démultiplie objectivement leurs performances et efficacités. En effet, si les drones ont déjà profondément changé la nature des engagements, que ce soit dans les airs, mais aussi sûr et sous les océans et, dans une moindre mesure encore, sur terre, ils souffrent encore de nombreuses faiblesses, entamant significativement leur potentiel opérationnel.

drones iran
L’intelligence artificielle va démultiplier les performances des drones d’attaque dans un avenir proche.

Ainsi, si certaines fonctions de vol et de navigation sont déjà assurées par des intelligences artificielles, la plupart de ces drones, aujourd’hui, emploient une liaison de données, permettant à un opérateur d’en contrôler la trajectoire, mais aussi la mission, y compris dans l’identification des éventuelles cibles. Surtout, la décision de feu reste encore la seule décision d’un opérateur humain.

Or, cette liaison de données, constitue aujourd’hui la plus importante faiblesse, et la plus grande limitation, concernant l’utilisation des drones militaires. Celle-ci est non seulement peu discrète, puisque le drone est émitif, ses émissions pouvant donc être détectées par certains dispositifs adaptés, mais elle représente aussi l’une des plus grandes faiblesses actuellement employées pour venir à bout des drones, à savoir sa vulnérabilité au brouillage électromagnétique.

Privée de sa liaison de données, ou simplement du signal des satellites de géolocalisation, l’immense majorité des drones employés aujourd’hui, se retrouvent incapables d’agir, et donc sans utilité au combat.

En outre, cette liaison de données oblige un opérateur à contrôler le drone. Il est ainsi nécessaire de disposer de presque autant d’opérateurs que de drones déployés, ce qui en limite le nombre, donc le potentiel d’utilisation, en particulier pour venir saturer les défenses adverses.

liaison de données TB2 Bayraktar Ukraine
Si la liaison de données offre des images spéctaculaires, elle constitue aussi l’une des plus grande faiblesses de drones actuellement employés, sensibles au brouillage, et peu discrets.

Les IA apportent des réponses à tous ces domaines. Elles peuvent naviguer avec précision, même privées d’un signal GPS. Elles peuvent rechercher, détecter et identifier des cibles, sans qu’une liaison de données soit nécessaire, renforçant de fait sa résistance au brouillage et sa discrétion. Elles permettent, enfin, à un unique opérateur, de diriger le vol et la mission de nombreux drones simultanément, que ce soit, ou non, dans le cadre d’un vol en essaim.

Bien évidemment, l’absence de liaison de données n’est pas sans imposer quelques contraintes, en particulier dans le domaine de l’évaluation de l’efficacité des frappes, mais aussi concernant les risques d’identification erronée d’une cible.

Cependant, pour de nombreux état-majors, les bénéfices de se doter de drones capables de mener une mission en parfaite autonomie, y compris avec des frappes létales, surclassent nettement les contraintes et risques.

États-Unis, Russie, Chine … : les grandes puissances se sont lancées dans le développement d’IA autonomes pour leurs drones militaires

C’est la raison pour laquelle, depuis quelques mois, maintenant, les annonces se multiplient au sujet du développement de drones militaires dotées d’intelligences artificielles bien plus étendues qu’ils ne pouvaient l’être jusqu’il y a peu.

Le conflit en Ukraine agit, dans ce domaine, comme un accélérateur puissant. Ainsi, à l’occasion du salon Army 2023, qui s’est tenu en septembre dernier à Moscou, les industriels russes ont présenté plusieurs modèles de drones de reconnaissance, mais aussi de combat, équipés d’IA avancées. Selon l’agence TASS, l’utilisation de ces drones aurait d’ailleurs débuté en Ukraine depuis quelques mois.

murnition rodeuse Lancet
La Russie aurait doté le Lancet 3 d’une IA pour en augmenter les performances et la resistance au brouillage

La Chine, aussi, investit massivement dans les IA embarquées à bord de drones. Bien que la communication, comme pour tout ce qui attrait aux questions de défense, est parfaitement maitrisée par Pékin, des publications récentes attestent des avancées chinoises en matière d’IA embarquées, et de drones autonomes, sans que l’on puisse attester, avec certitude, sur le fait que ces technologies soient, ou non, déjà employées par l’Armée Populaire de Libération.

Longtemps contraints par des considérations politiques et éthiques, le Pentagone est resté pendant plusieurs années accroché à la doctrine « Man in the Loop« , obligeant que le tir létal d’un drone soit exclusivement lié à une intervention humaine.

Toutefois, face à l’évolution rapide des menaces, aux avancées russes et chinoises dans ce domaine, et au rapport de force défavorable face à l’APL dans le Pacifique, les lignes bougent rapidement aux États-Unis, en particulier autour du programme Replicator, qui prévoit de doter les armées US d’une gamme de drones autonomes évoluant en essaim d’ici à 2026.

Cette nouvelle course aux IA autonomes embarquées sur des drones, n’est cependant pas exclusivement réservée aux seules grandes puissances militaires. Ainsi, des pays comme l’Iran, mais aussi la Corée du Nord, ont annoncé d’importants progrès dans ce domaine ces derniers mois.

Siruis drone russie
Le salon russe Army 2023 a été en grande partie consacré aux progrés relaisés par l’insutrie militaire russe en matière de drones, et des IA qu’ils emporteront.

Si les allégations de Téhéran et de Pyongyang sont, bien souvent, à prendre avec les plus grandes précautions, tant ces deux régimes exagèrent les performances et caractéristiques de leurs nouveaux armements, l’accessibilité des algorithmes d’IA, et les savoir-faire reconnus de ces deux pays en matière de développement numérique, rendent toutefois ces déclarations crédibles.

Les Européens, comme fréquemment, sont plus en retrait à ce sujet, du fait de son importante dimension étique et de la pression des opinions publiques. Beaucoup de pays européens, dont l’Allemagne, refusent toujours d’employer des drones armés, en lien avec des débats étiques parfois très houleux au sein de leurs parlements respectifs, voire du Parlement européen.

Néanmoins, si les IA autonomes ne sont pas encore prévues d’embarquer à bord des drones de facture européenne, de nombreux travaux sont réalisés dans ce domaine, par plusieurs pays et plusieurs armées, conscients qu’il ne s’agit, aujourd’hui, que d’une question de temps, avant que le besoin pour ce type de drones s’impose de lui-même.

Des risques bien réels, et partiellement maitrisés

Les hésitations des européens, et dans une moindre mesure, des américains, pour se tourner vers les drones autonomes, ne sont pas dénuées de fondement. En effet, plusieurs risques et contraintes liés à leur utilisation, ont été mis en évidence, y compris récemment, tant part les armées que par certaines équipes de chercheurs.

Le taux d’erreur admis concernant les IA militaires

La première faiblesse, concernant ces drones autonomes, concerne le taux d’identification constaté lors des essais. Les données, à ce sujet, sont le plus souvent confidentielles, bien qu’il soit possible, en cherchant bien, de trouver certaines indications en ce domaine.

Drone ukraine
les drones légers employés tant par les ukrainiens que les russes, ont rendu le champ de bataille transparent, ceci jouant un rôle important dans la neutralisation réciproque observée aujourd’hui.

Ainsi, une équipe russe a dernièrement annoncé un taux d’identifications correctes des matériels et équipements adverses, de l’ordre de 93 %, pour son nouveau réseau neural destiné à être embarqué à bord de drones légers.

Si 93 % apparait un taux très élevé d’identification, il indique aussi que 7 fois sur 100, l’IA a fait une erreur dans son processus, erreur pouvant entrainer la destruction de véhicules civils, voire, pire (du point de vue militaire), d’un véhicule allié.

Toutefois, la portée de ce chiffre est à mettre en perspective. En effet, les opérateurs humains, eux aussi, font des erreurs de ce type. Et s’il est difficile de trouver des informations de ce type concernant les IA, c’est encore plus difficile concernant les opérateurs humains, tant les implications sont problématiques.

Reste que, dans l’imaginaire collectif, les erreurs d’identification d’une IA, constitue une peur bien réelle, et un frein important à leur déploiement, en particulier au sein des armées protégeant les démocraties.

L’évolution du seuil d’engagement et l’augmentation des risques d’escalade des conflits

À l’autre bout du spectre, l’utilisation des drones autonomes et des IA engendre un risque à l’échelle du conflit lui-même. On peut ainsi se demander si Téhéran aurait pris le risque, en juin 2019, de détruire un avion américain doté d’un équipage, plutôt qu’un drone RQ-4. Pourtant, même s’il ne s’est agi que d’un drone, Donald Trump ordonna des frappes massives contre l’Iran en riposte à cette destruction.

RQ-4 Global Hawk
L’utilisation des drones tendrait à augmenter la prise de risque des deux bélligerants, selon la Rand, comme on a pu le constater avec la destruction du RQ-4 par la DCA irabienne en 2019.

Si la riposte américaine fut annulée in extremis par le président américain, probablement sous les conseils avisés de ses conseillers du moment, cet épisode montre toute l’imprévisibilité nouvelle qu’engendre l’utilisation de drones, dans les conflits humains, et notamment leur influence sur l’abaissement du seuil d’engagement, et l’augmentation des risques d’engrenages et d’escalade.

Le sujet avait donné lieu à une analyse poussée par la Rand Corporation en janvier 2020, qui montrait, justement, l’influence délétère des drones dans ces deux domaines. Celle-ci montra que l’utilisation des systèmes non pilotés augmentait sensiblement la prise de risque de la part des deux protagonistes d’un éventuel conflit, mais aussi le manque de discernement des IA pour répondre à des situations complexes, qui engendre un risque d’escalade bien plus élevé, et plus rapide.

L’IA hors de contrôle, un scénario pas seulement cinématographique

Le troisième risque, concernant l’utilisation des IA autonomes à bord de systèmes d’armes, semble avoir plus qu’un pied dans la science-fiction et la littérature apocalyptique. Il s’agit, bien évidemment, des intelligences artificielles qui deviendraient, soudainement, hors de contrôle, se retournant contre leurs concepteurs, voire contre toute l’humanité.

De Terminator à Ghost in the Shell, en passant par le cycle des Robots (Asimov) et le djihad Buttlérien de Dune (Herbert), la menace qu’une IA hors de contrôle peut représenter, a été un thème récurrent ces dernières décennies. Ce qui a, incontestablement, joué un rôle non négligeable dans les réserves qui ont encadré l’arrivée des drones et des IA dans les armées depuis 10 ans.

IRST
L’identification est un art qui repose autant sur le support que sur le contexte, et beaucopup craignent que les IA manquent precisement de ce contexte pour obtenir des resultats comparables à ceux de l’identification humaine.

Pourtant, le risque est loin d’être aussi imaginaire qu’il n’y parait. Il y a bientôt un an, un officiel de l’US Air Force relata ainsi, à l’occasion d’une conférence, l’histoire d’un drone dont l’IA aurait décidé de se retourner contre ses opérateurs, car ils l’empêchaient de frapper ses cibles. L’histoire a depuis été plus enterrée que vraiment démentie, même s’il ne fait guère de doutes que les opérateurs de l’USAF conservaient en permanence la possibilité de désactiver l’IA pour reprendre le contrôle du drone.

Quoi qu’il en soit, de nombreux scientifiques de renoms, dont Stephen Hawking, ont appelé à la prudence quant à l’utilisation faite des IA, en particulier dans le domaine militaire, avec le risque, bien réel, de comportements hiératiques, voire d’une perte de contrôle complète de la part des opérateurs.

En outre, plus le système est autonome, et plus il est partagé, plus les risques seraient élevés. Ce sans même parler des comportements induits par des attaques cyber, qui font l’objet de recherches dans de nombreux pays.

À l’aube d’une nouvelle ère dans les conflits humains

Reste qu’en dépit de ces risques, comme de ces contraintes, il semble, désormais, que l’arrivée des drones dotés d’une intelligence artificielle autonome, ne puisse plus être contenu, ce dans toutes les armées.

drones tueurs en essaim
L’arrivée des drones dotés d’une IA autonome n’est désormais plus une hypothèse, mais une réalité qu’il convient desormais de considerer et d’encadrer au mieux.

En effet, au-delà de leurs capacités individuelles déjà évoquées, ces drones dotés d’une IA autonome, apportent une dernière caractéristique, qui en fait, pour ainsi dire, son principal atout de promotion : il permet de hiérarchiser, à nouveau, les capacités militaires des pays, en fonction de leurs capacités technologiques, industrielles et surtout, économiques.

Comme l’ont montré de nombreux conflits récents, y compris en Ukraine, les armements légers sont devenus à ce point économiques et performants, qu’ils nivellent par le bas le gradient opérationnel, la masse reprenant l’ascendant sur les performances technologiques et industriels des pays.

Or, ce nivellement ne fait pas du tout l’affaire des grandes puissances économiques mondiales qui, justement, peinent de plus en plus à répondre à cet objectif de masse, et qui voient ainsi leur avantage opérationnel s’étioler, en dépit de leurs richesses très supérieures.

Les drones autonomes dotés d’IA, en revanche, ressuscitent cette hiérarchie, les pays les plus riches, et les plus avancés technologiquement parlant, n’ayant aucun mal à produire un grand nombre de drones, pour reprendre l’avantage face à un adversaire disposant d’une masse très supérieure, mais de technologies et de moyens moindres.

Sea Hunter US Navy
La technologie des drones autonomes ne concerne pas uniquement les drones aériens, mais aussi les navires et sous-marins autonomes, ainsi que les robots terrestres.

De fait, et pour ainsi dire, paradoxalement, puisque ce sont les européens et américains qui sont les plus rétifs dans ce domaine, les drones autonomes sont surtout à l’avantage de ces pays, pour préserver leurs positions dominantes mondiales.

Pour autant, les pays moins riches, n’en seront pas nécessairement exclus, le ticket d’entrée pour developper une vaste flotte de drones autonomes à capacités stratégiques ou tactiques, étant à la portée de nombreux pays ne disposant pas, aujourd’hui, de moyens de projection de puissance significatifs.

Ces deux constats, mis bout à bout, dessinent un avenir dans lequel le drone autonome représentera l’un des outils clés des équilibres mondiaux, mais aussi de la conduite des opérations militaires

On peut d’ailleurs supposer que ces drones dotés d’une IA auront une influence, à terme, probablement aussi importante que ne l’a été l’arrivée de l’électronique, de l’arme nucléaire, du moteur à explosion, ou de la poudre noire, en matière de technologies militaires, et donc l’émergence d’une nouvelle ère des conflits humains, qui, pour le coup, risquent de l’être de moins en moins… humains.

Les hélicoptères de combat sont-ils trop vulnérables désormais ?

L’US Army a annoncé qu’elle mettait fin au programme FARA visant à developper des hélicoptères de combat et de reconnaissance pour remplacer les OH-58 Kiowa et une partie des AH-64 Apache qu’elle met en œuvre.

Les crédits ainsi libérés, soit plusieurs milliards de dollars dans les années à venir, permettront de financer l’acquisition de nouveaux hélicoptères de manœuvre UH-60M Black Hawk et hélicoptères de transport lourd CH-47F Chinook, alors que les missions de reconnaissance et d’attaque seront assurées par des drones légers et des munitions rôdeuses.

Cette décision, qui a surpris jusqu’aux industriels participant au programme, n’est cependant pas issue d’un nouveau revirement programmatique dont le Pentagone a le secret. En effet, la guerre en Ukraine, a montré l’extrême vulnérabilité des hélicoptères de combat lorsqu’ils s’approchent de la ligne d’engagement, mais aussi toute l’efficacité des drones et munitions rôdeuses, pour s’y substituer.

Les hélicoptères de combat russes neutralisés en Ukraine, et remplacés par les drones de reconnaissance et les munitions rôdeuses

60 sur 133 ! C’est le taux de pertes documentées (détruits ou endommagés) qu’a enregistré la flotte d’hélicoptères de combat Ka-52 Hockum-B des forces armées russes en Ukraine, après deux ans de guerre. Une fois ajoutés les Mi-28N, Mi-24 et Mi-35 perdus, les armées russes auraient perdu 90 voilures tournantes de combat, sur les 135 hélicoptères abattus, détruits au sol ou endommagés depuis le début du conflit.

Ka-52 Hockum-B abattu en Ukraine
Les armées russes ont perdu presque la moitié de leurs 133 Ka-52 Hockum-B depuis le debut du conflit en Ukraine

Ce taux de perte extraordinairement élevé, dépassant de très loin celui de l’aviation tactique pourtant, elle aussi, très exposée, a conduit l’état-major russe à réduire considérablement l’utilisation de ses hélicoptères de combat à proximité de la ligne d’engagement, leur faisant perdre une grande partie de la plus-value opérationnelle qu’ils devaient apporter.

Alors que le rôle des hélicoptères de combat s’est considérablement réduit ces derniers mois le long de la ligne de front en Ukraine, celui des drones de reconnaissance, ainsi que des munitions rôdeuses, est monté en flèche, précisément pour remplir les missions de ces appareils désormais trop exposés.

Loin de représenter une alternative affichant des performances dégradées, aux hélicoptères de reconnaissance, l’emploi des drones plus ou moins légers, pour rechercher et identifier les forces et matériels adverses, a permis de sensiblement accroitre la transparence du champ de bataille, dans son exhaustivité comme dans la durée.

Dans le même temps, les munitions rôdeuses, comme le Lancet russe ou le Switchblade américain, permettent de faire peser une menace constante sur les infrastructures et blindés adverses, se substituant efficacement aux hélicoptères d’attaque dans cette mission.

L’US Army abandonne le programme FARA

Ce constat implacable, et que l’on peut difficilement ignorer, a certainement pesé lourd dans la décision rendue publique, le 8 février par le Pentagone, de mettre fin au programme FARA d’hélicoptères de reconnaissance et d’attaque à hautes performances, lancé en 2018.

Hélicoptères de combat Invictus Bell
Bell avait été retenu avec le B360 Invictus comme l’un des deux finalistes du FARA

Pour justifier cette décision, et tenter d’adoucir la pilule que représentent les 7 Md$ qui seront dépensés d’ici à ce que les derniers engagements contractuels liés à ce programme soient apurés, le chef des acquisitions de l’US Army a indiqué que les budgets ainsi libérés permettront d’accélérer l’acquisition d’autres voilures tournantes, en l’occurrence, les nouveaux hélicoptères de manœuvre UH-60M Black Hawk, ainsi que celle de l’hélicoptère de transport lourd CH-47F Block II Chinook.

Il s’agit d’un profond changement de cap au sein du programme Futur vertical lift, qui doit permettre de moderniser et d’adapter l’ensemble des moyens aéroportés de l’US Army, hélicoptères et drones, aux nouveaux enjeux du champ de bataille.

Il n’y a de cela que quelques années, celle-ci estimait, en effet, qu’il était inutile d’acquérir de nouveaux hélicoptères lourds Chinook, et que les efforts budgétaires devaient porter sur le développement de nouvelles voilures tournantes à très hautes performances.

Deux programmes émergèrent de ce cahier des charges, le Futur Long Range Air Assault, ou FLRAA, destiné à remplacer les Black Hawk, et le Futur Attack Reconnaissance Aircraft, ou FARA, devant remplacer les OH-58 Kiowa de reconnaissance, retirés du service en 2014, ainsi qu’une partie des AH-64 Apache.

Sikorsky V-280 Valor FLRAA
Sikorsky a remporté le programme FLRAA avec le V-280 Valor

En décembre 2022, l’US Army désigna le Bell V-280 Valor, équipé de rotors basculants, comme le vainqueur de la compétition FLRAA, et le profond remaniement présenté cette semaine, n’altère en rien la trajectoire prévue pour ce programme.

Ce n’est pas le cas du programme FARA, dont les prototypes de l’Invictus de Bell, et celui du Raider-X de Sikorsky, sont toujours en cours de construction, sans que l’on sache s’ils pourront aller au bout, alors que le développement de la turbine de nouvelle génération qui devait les propulser, fait également partie des programmes touchés par le remaniement du programme FLV.

Les avancées technologiques développées dans le cadre du FARA, pourront servir de socle pour la conception de futurs programmes, en particulier l’éventuel successeur de l’hélicoptère d’attaque Apache, selon l’US Army, qui est cependant restée très évasive sur cette hypothèse.

Les drones pour assurer les missions des hélicoptères de combat ?

En effet, bien que le sujet ait été à peine abordé lors de l’annonce de la fin de son programme d’hélicoptère de reconnaissance, l’US Army entend se tourner vers l’utilisation massive de drones, en particulier de drones légers de reconnaissance, et de munitions rôdeuses, pour assurer les missions qui devaient lui être confiées, comme c’est aujourd’hui le cas en Ukraine.

Switchblade 600
Les munitions vagandones comme le Switchblade 600 permettent de se subsittuer à la puissance de feu d’un hélicoptère d’attaque.

L’utilisation de ces drones, et particulièrement des plus légers et économiques d’entre eux, simplifie, en effet, sensiblement l’exécution de la mission de reconnaissance et d’attaque, en particulier en se défaisant de toute la difficulté liée à la mise en œuvre, de plus en plus complexe, lourde et onéreuse, des hélicoptères de combat, fussent-ils plus légers, comme c’était le cas de FARA.

En outre, étant par nature d’essence sacrifiable du fait de leur faible cout relatif, ces drones peuvent être employés pour mener des missions dans des zones particulièrement contestées, à proximité desquelles il serait impossible, ou suicidaire, d’envoyer un hélicoptère.

Reste que les drones ne sont pas dénués de certaines faiblesses et vulnérabilités, en particulier, dans le spectre électromagnétique, mais aussi, pour ce qui concerne leur vitesse et autonomie plus réduites. Ils ont alors un périmètre de déploiement plus réduit, face à un hélicoptère capable de voler plusieurs heures à plus de 400 km/h, comme devaient en être capables les FARA.

Les hélicoptères de manœuvre et de transport lourd toujours indispensables

Si l’hélicoptère de reconnaissance et d’attaque est jugé trop vulnérable par le Pentagone, pour exécuter sa mission sur un théâtre de haute intensité, ce n’est pas le cas des hélicoptères de manœuvre et de transport lourd, qui apparaissent au cœur de ses préoccupations aujourd’hui.

CH-47 Chinook
Alors que le Pentagone souhaitait cesser les achats de Ch-47 Chinook en 2018, la ligne de production fut preservée grâce à l’intervention du Congrès. Aujourd’hui, l’Army veut à nouveau se touner ver cet appareil de transport lourd.

Évoluant plus loin de la ligne d’engagement, au-delà de la portée des systèmes antiaériens à courte portée, et trop bas pour pouvoir être engagés par les systèmes antiaériens à moyenne et longue portée, les hélicoptères de transport continuent, en effet, de jouer un rôle clé dans la mobilité des forces, l’évacuation des blessés et le flux logistique.

Ils permettent, ainsi, d’exploiter le plus efficacement possible, les informations remontées par les drones de reconnaissance, pour réagir rapidement à une menace, ou exploiter une faiblesse, en déplaçant sur de courts délais les moyens nécessaires, en application de la nouvelle doctrine All-Domain américaine, qui entend exploiter l’agilité du commandement, de ses moyens de communication et de mobilité, comme un multiplicateur de force dynamique, mais permanent, sur le champ de bataille.

Il n’est donc en rien surprenant, dans ce contexte, que l’essentiel de l’effort de l’armée américaine, concernant sa composante aéroportée, se concentre dorénavant sur ses capacités de transport et de mobilité, avec le programme FLRAA, l’acquisition des nouveaux UH-60M et Chinook CH-47F Block II, plutôt que sur des hélicoptères d’attaque à l’utilité incertaine, et pouvant potentiellement être remplacés avantageusement par l’utilisation massive de drones par les unités au feu, donc au plus près de leurs besoins.

Quels enseignements pour les forces armées européennes

Le changement radical de posture, mis en évidence par l’annulation du programme américain d’hélicoptère de reconnaissance, va certainement prendre à revers de nombreuses armées européennes, en particulier celles qui, ces dernières années, ont annoncé des commandes, parfois importantes, d’hélicoptères de combat.

AH-64E Gardian
Plusieurs pays européens ont annoncé, ces derniers mois, l’acqusition d’hélicoptères d’attaque américains, comme la Pologne qui a commandé 96 Ah-64E Gardian.

Le fait est, l’arbitrage américain, associé au constat fait en Ukraine quant à l’extrême vulnérabilité des hélicoptères lorsqu’ils évoluent à proximité des lignes adverses (là où, précisément, les hélicoptères d’attaque et de reconnaissance sont censés intervenir pour remplir leurs missions), remet en question l’avenir, et surtout la pertinence, de ces appareils, en particulier ceux qui ont été récemment acquis auprès des États-Unis.

En effet, en suivant la logique décrite autour de l’annulation de FARA, on peut supposer que l’US Army entend se défaire d’une grande partie de sa composante d’attaque héliportée, un Apache n’étant pas moins vulnérable que ne l’aurait été un Invictus ou un Raider-X, bien au contraire.

En outre, si l’on accorde du crédit au constat américain, il conviendrait, dans le même temps, d’accroitre et de durcir considérablement l’offre de drones de reconnaissance tactique consommables, comme celle de munitions rôdeuses, précisément pour remplir ces missions qui demeurent indispensables à la conduite d’un engagement moderne.

Drones en Ukraine
Les drones qui devront se substituer aux hélicoptères de reconnaissance, devront être bien plus résistant et fiable que les modèles civils adaptés utilisés, avec succès, par les armées ukrainiennes.

De manière intéressante, on constate, aujourd’hui, que l’intérêt porté aux drones, par les armées, concerne surtout des équipements légers, peu onéreux, et sacrifiables, bien davantage que des appareils sans équipages répliquant les capacités d’avions, d’hélicoptères, de navires ou de blindés, qui souffriraient certainement des mêmes faiblesses et contraintes, que les systèmes qu’ils doivent remplacer.

Dans tous ces domaines, l’expérience acquise ces dernières années et derniers mois, en Ukraine, mais aussi au Moyen-Orient, apparait aujourd’hui bien plus significative, et disruptive, qu’on ne pouvait le penser il y a encore quelques mois.

L’US Navy cherche une solution antidrone en urgence pour contrer les nouvelles menaces

L’US Navy a lancé un appel d’offre pour équiper ses navires d’une solution antidrone destinée à intercepter les nombreux drones lancés par les rebelles Houthis contre ses destroyers, et les navires qu’ils escortent, sur une base désormais quotidienne.

Si la nouvelle solution devra répondre aux contraintes imposées par cette menace, notamment en termes de couts et de consommation de munition, la demande de l’US Navy se caractérise surtout par son calendrier excessivement court pour un projet américain.

En effet, les destroyers américains devront recevoir le, ou les nouveaux systèmes, avant 6 à 12 mois, un délai très inhabituel pour les armées US, qui met en évidence l’urgence et la réalité de cette menace, qui concerne aussi les navires européens.

La réalité de la menace drone dans le domaine naval mise en évidence en mer Rouge

D’émergente, la menace que représentent les drones, pour les navires militaires, ainsi que ceux qu’ils escortent et protègent, est devenue, en quelques semaines, bien réelle pour les navires de l’US Navy évoluant en mer Rouge, et dans le golfe d’Aden.

À l’instar des autres navires militaires protégeant le trafic commercial de la menace Houthis dans cette zone, les destroyers de l’US Navy ont dû, à de nombreuses reprises, mettre en œuvre leurs missiles antiaériens, pour intercepter les missiles de croisière et missiles balistiques antinavires lancés à partir du Yémen.

Arleigh burke destroyer
Les missiles SM-2 et ESSM employés par les destroyers de l’US Navy pour intercepter les drones Houthis coutent 10 à 30 fois plus chers que les drones qu’ils interceptent.

Surtout, faute de système adapté, ils durent faire usage de ces mêmes missiles SM-2, ESSM et SM-6, à plusieurs millions de $ l’unité, pour intercepter des drones d’attaque qui ne coutent que quelques dizaines de milliers de $ à fabriquer.

Outre l’évident déséquilibre économique, l’interception de ces drones vient surtout vider les silos américains de leurs missiles, réduisant d’autant leur capacité à assurer la mission dans la durée. Il est, en effet, impossible de réarmer un silo missile à la mer, pour l’instant tout du moins.

À cette contrainte déjà majeure, s’ajoute un risque désormais évident : si les Houthis parvenaient à lancer simultanément un nombre suffisant de drones, ceux-ci viendraient saturer les systèmes de défense des puissants destroyers de l’US Navy à plus de 2,5 Md$ l’unité, permettant à d’éventuels missiles antinavires lancés par la suite de frapper ces navires, pour un investissement ne dépassant pas les 10 m$, largement à la portée de Sanaa ou de Téhéran.

L’US Navy veut une nouvelle solution antidrone pouvant être installée sur ses navires d’ici à 6 à 12 mois

De toute évidence, l’US Navy ne veut pas attendre qu’un tel événement, qui serait aussi traumatisant qu’humiliant, ne survienne, et entend prendre les devants pour s’en prémunir. En effet, il y a quelques semaines, le Naval Sea Systems Command a publié une demande d’information, concernant un système embarqué qui serait spécifiquement dédié à cette mission.

Drone MALE Wing Loong 2
La solution antidrone recherchée par l’US Navy doit être capable d’intrercepter les drones MALE comme le Wing Loong 2 chinois

La demande américaine est particulièrement précise. Il s’agit, en effet, de trouver un système capable d’intercepter et détruire des drones de catégorie 3, 4 et 5, c’est-à-dire allant du drone d’attaque, comme le Shahed 136, au drone MALE comme le Wing Loong 2.

Pas question, ici, d’un simple système destiné à brouiller ou détruire des drones légers. Les drones MALE pouvant évoluer largement au-delà de 3 000 mètres d’altitude, à une vitesse dépassant les 250 nœuds, sont aussi hors de portée de la plupart des systèmes d’artillerie antiaériens de faible calibre qui équipent déjà les destroyers américains.

Le type de système proposé n’est pas imposé par la requête de l’US Navy. Il peut s’agit donc d’un système cinétique, missiles ou canon, d’un système à énergie dirigée, d’un système de brouillage et à impulsion électromagnétique, ou d’un drone d’interception, voire à une association de plusieurs de ces capacités.

En revanche, celui-ci doit pouvoir être installé sur les navires américains, dans un délai maximal de 6 à 12 mois après la passation du contrat, 1 à 6 mois étant jugés préférables, ce qui suppose que la technologie proposée soit déjà opérationnelle ou très proche de l’être. En outre, le système doit être intégré avec une empreinte minimum sur les navires, comme dans les systèmes de celui-ci.

Arleigh Nurke destroyer fire missile
La consommation de munitions engendrées par les drones Houthis représente une contrainte importante dans le deploiement des moyens navals en mer Rouge et dans le golfe d’Aden

Bien que ce ne soit pas directement spécifié, il est probable que l’US Navy s’intéressera avant tout aux systèmes offrant une importante résilience face aux attaques de saturation, même répétées, ce qui suppose la possibilité d’être rechargé à la mer (missiles, munitions), d’être réutilisable (drones) ou de ne pas dépendre de consommables (armes à énergie dirigée).

Plusieurs systèmes américains répondent aux besoins de l’US Navy

L’appel d’offres de l’US Navy peut s’appuyer sur plusieurs solutions développées par les industriels américains. À ce titre, il est très probable que seules les équipements américains pourront répondre aux besoins exprimés, en particulier pour satisfaire aux contraintes d’intégration rapide aux systèmes du navire.

Dans le domaine des missiles, la société BlueHalo a présenté, il y a quelques mois, une nouvelle munition surface-air conçue spécifiquement pour intercepter les drones, offrant notamment un prix de revient spécialement bas, et pouvant être combiné au laser LOCUST destiné à intercepter les drones les plus légers.

Next Generation Missile BlueHalo
Le Next Generation Missile de BlueHalo est spécifiquement conçu pour répondre à la menace drone, en particulier avec un cout de production particulièrement bas.

L3 Harris a, pour sa part, développé une munition d’artillerie de 57 mm, capable d’atteindre des altitudes supérieures aux 18 000 pieds employées par la classification des drones de 5ᵉ catégorie. EPIRUS, de son côté, a développé une version navale de son canon à micro-ondes.

Enfin, la BITD américaine a développé plusieurs drones conçus précisément pour l’interception d’autres drones, comme l’Anduril Roadrunner-M, ou le FS-LIDS conçu par l’US Army sur la base du drone Coyote Block 2 de RTX (ex Raytheon).

solution antidrone Coyote US Army
RTX developpe, avec l’US Army, un drone conçu pour intercepter les autres drones, sur la base du Coyote Block 2.

On peut également anticiper que, face à une telle demande, les grands industriels américains, comme Lockheed-Martin ou Raytheon, ne manqueront pas de produire une solution aussi attractive qu’onéreuse, mais s’intégrant au mieux avec les systèmes des navires qu’ils ont eux-mêmes conçus.

Un besoin qui concerne toutes les unités navales de surface de premier rang, y compris en Europe.

Si la solution qui équipera les navires américains reste encore à déterminer, le constat fait par l’US Navy, lui, est certainement incontournable, et concerne, de fait, l’ensemble des marines qui déploient des navires en mer Rouge et dans le Golfe d’Aden aujourd’hui, et ailleurs, dans les mois et années à venir.

En effet, si la guérilla navale menée par l’Ukraine ne manquera pas d’inspirer de nombreuses marines dans les années à venir, l’utilisation faite par les Houthis des drones d’attaque pour menacer les navires commerciaux comme militaires, suivra probablement la même trajectoire, tant elle constitue une efficace réponse du faible au fort.

Sea Viper Aster missile destroyer britannique
Les missiles Aster des frégates françaises et britanniques se sont montrés trés efficaces contre les drones Houthis, mais souffrent des mêmes contraintes que les SM-2 et ESSM américains.

De fait, les frégates des marines européennes participant fréquemment à ce type de déploiement, comme la Royal Navy britannique, la Marina Militare italienne, ou encore la Marine Nationale française, sont exposées aux mêmes risques et contraintes que les destroyers américains.

Elles devraient, donc, et de manière tout aussi urgente, engager, elles aussi, un programme similaire, faute de venir constituer, dans un avenir proche, une cible de choix pour ce type de menace, en particulier lorsqu’elles évolueront aux côtés de navires américains bien plus résilients.

Le couple Rapid Fire / Lanceur Modulaire Polyvalent, offre une réponse performante à ce besoin urgent

Après avoir longtemps négligé la défense antiaérienne rapprochée, la France est, paradoxalement, certainement le pays qui dispose de la solution la plus efficace pour répondre à la menace que représentent aujourd’hui les drones navals et aériens, aux mains d’acteurs étatiques ou semi-étatiques.

La solution française s’appuie sur deux systèmes complémentaires. D’abord, désormais bien connu, le canon de 40 mm RapidFire, de Thales, qui équipe déjà le nouveau navire logistique Jacques Chevallier, et qui armera également les nouveaux patrouilleurs hauturiers et grands bâtiments de guerre des mines de la Marine Nationale.

Rapid Fire Thales
Le RapidFire de Thales permet de poser une bulle de protection aérienne et navale dans un rayon de 3 km.

Employant le même canon à munition télescopée que les nouveaux EBRC Jaguar de l’Armée de Terre, le RapidFire dispose d’une importante cadence de tir, et surtout d’une portée de plus de 3 000 m, assurant une protection rapprochée efficace aussi bien contre les menaces navales, grâce à un important pouvoir d’arrêt, et aériennes, en particulier lorsque la nouvelle munition Airburst sera disponible.

Ensuite, Naval Group a présenté, il y a quelques mois, à l’occasion des Innovation Days, un système parfaitement complémentaire au Rapid Fire, pour durcir la défense anti-drones et rapprochée des navires militaires, avec le Lanceur Modulaire Polyvalent.

Ce système se compose d’un lanceur à 4 cellules, chacune pouvant recevoir un module pour 4 missiles antiaériens à courte portée Mistral 3, ou dix roquettes à guidage laser de 70 mm, deux missiles tactiques Akeron MP, deux grenades anti-sous-marines, voire des leurres.

LMP Lanceur Modulaire Polyvalent Naval Group
Le Lanceur modulire Polyvalent de Naval group apporte une réponse innonvante et efficace contre la menace drone, qu’elle soit aérienne, navale et même sous-marine.

Si la polyvalence du LMP constitue son principal atout, il permet surtout de recomposer les munitions mises en œuvre, ou réarmer les modules à la mer, offrant ainsi une flexibilité hors norme, pour une empreinte sur le navire particulièrement réduite, d’autant qu’il se connecte directement sur le système de combat et les senseurs du navire.

Ainsi, dans sa configuration antiaérienne, le LMP peut mettre en œuvre 16 missiles Mistral 3, que l’on sait très performants aussi bien contre les drones que contre les missiles, et même les aéronefs, bien plus que les SADRAL actuel (six missiles), et presque autant que le RAM américain, moins efficace et plus onéreux. Si la menace est polymorphe, il peut remplacer un ou deux modules Mistral, par un module roquette ou Akeron, capables d’arrêter net tous les drones navals de surface.

Conclusion

L’urgence qui ressort de l’appel d’offre de l’US Navy, pour trouver une réponse à la menace drone pour ses navires, sur un calendrier extraordinairement réduit, ne laisse aucune place pour le doute ou la passivité, quant à la réalité de cette menace dans les mois et années à venir.

drones iran
Les temps sont proches, désormais, ou certains pays n’hésiterons pas à lancer une centaine de drones contre un unique navire américain ou européen, afin de saturer ses défenses, pour le couler ou, tout au moins, gravement l’endommager.

Si l’industrie de défense américaine saura, sans le moindre doute, répondre aux exigences de l’US Navy, elle n’est cependant pas la seule à disposer de solutions adéquates pour contenir une telle menace, par nature évolutive et polymorphe.

Dans ce domaine, le couple formé par le canon Rapid Fire de Thales, et le nouveau Lanceur Modulaire Polyvalent de Naval Group, constitue certainement une capacité très efficace, qu’il s’agisse de répondre au défi des drones d’attaque aérien, ou des drones navals.

Il ne reste plus, désormais, au ministère des Armées, qu’à lancer, sur un calendrier tout aussi resserré, le déploiement de ces systèmes sur les frégates de premier rang de la Marine Nationale, ainsi que sur les grandes unités navales de surface potentiellement exposées. Faute de quoi, les navires français risquent fort de rapidement se transformer en cible privilégiée, pour ce type d’attaque.

Il faudra une gamme de drones de combat pour accompagner le Rafale F5, selon les simulations

Le think tank américain Mitchell Institute, a réalisé plusieurs simulations mettant en évidence la valeur ajoutée qu’une gamme de drones de combat étendue apporte dans le combat collaboratif moderne, en particulier pour se confronter à un adversaire symétrique disposant de puisant systèmes de déni d’accès, comme c’est le cas de la Chine.

Les conclusions du think tank apportent un éclairage intéressant sur le programme Rafale F5, qui repose sur un unique drone de combat lourd de type Loyal Wingmen, et non une gamme de drones complémentaires, comme celle ayant montré les meilleurs résultats lors des simulations sur le théâtre taïwanais.

Annonces en série de programmes de drones de combat Loyal Wingmen en Occident

L’annonce, par le ministre des Armées Sébastien Lecornu, du développement d’un drone de combat dérivé du Neuron, pour accompagner le Rafale F5, dès le début de la prochaine décennie, a constitué l’un des moments forts de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030.

Ce drone lourd, mais furtif, qui remplira le rôle de Loyal Wingman pour le Rafale, conférera aux forces aériennes qui en seront dotées, des capacités avancées en matière de suppression des défenses adverses, comblant l’une des rares défaillances de l’avion de Dassault Aviation.

Rafale et Neuron
Le Rafale F5 devra être accompagné par différents drones de combat, pour être pleinement efficace, selon les conclusions des simulations du Mitchell Institut

La France n’a toutefois pas été la seule à s’engager dans une telle trajectoire. L’Allemagne, la Grande-Bretagne et surtout les États-Unis, se sont, eux aussi, engagés des programmes similaires, que ce soit pour accroitre les performances des Typhoon et F-35, ou pour accompagner les futurs avions de combat des programmes GCAP et NGAD.

C’est précisément pour évaluer le rôle que ces drones pourront jouer, dans l’hypothèse d’un conflit majeur, que le think tank américain Mitchell Institute, a effectué plusieurs simulations sur le scénario taïwanais.

Selon les conclusions publiées, si les drones peuvent, effectivement, jouer un rôle décisif pour contenir la supériorité numérique et le déni d’accès chinois, il est cependant indispensable, pour y parvenir, de disposer d’une gamme étendue de drones aux capacités complémentaires.

Les enseignements des simulations américaines autour de Taïwan

Les simulations américaines s’appuyaient sur une gamme de drones particulièrement large, allant du drone de combat furtif lourd, coutant plus de 40 m$ l’unité, disposant d’un important potentiel, et ne pouvant être sacrifié, aux drones ne coutant qu’un ou deux millions de dollars, employés pour saturer les défenses, et pouvant être aisément perdus.

Les différentes simulations ont montré que l’effet optimal, face aux importants moyens détenus par l’Armée Populaire de Libération, est atteint lorsque le nombre de drones peu onéreux, donc sacrifiables, est très élevé, alors que les drones à hautes performances opèrent à l’identique, ou presque, des avions de combat pilotés.

gamme de drones de combat américain XQ-58A
Le XQ-58A de Kratos fait parti des drones de combat sacrifiables testés par l’US Air Force

Ces drones sacrifiables jouent notamment un rôle décisif lors des premiers jours du conflit, lorsqu’il s’agit, pour l’état-major américain, d’éliminer les systèmes de déni d’accès de l’APL, tout en préservant ses moyens pour des actions d’exploitation ultérieures.

Une fois cette première phase passée, au bout de quelques jours, le rôle des drones, plus performants, tend à monter en puissance, précisément pour apporter de la masse aux forces aériennes engagées dans les missions de supériorité aérienne, d’appui au combat, ou de frappes contre les lignes logistiques adverses.

La complémentarité des drones au centre de l’efficacité de la guerre aérienne de demain

En d’autres termes, la complémentarité des drones, dans leurs missions, mais surtout dans leurs caractéristiques, capacités et couts, constituerait le socle sur lequel une guerre aérienne efficace, s’appuyant sur l’utilisation optimale des drones, devrait être construite.

Ce constat, mis en évidence par les simulations du Mitchell Institute, correspond, à ce titre, à l’effort industriel poursuivi outre atlantique dans ce domaine, alors que les industriels, mais aussi la DARPA, et les armées elles-mêmes, sont engagés dans de nombreux programmes pour developper des drones allant du Loyal Wingman lourd aux drones sacrifiables aéroportés ou lancés par des dispositifs terrestres sans piste, en passant par les drones d’attaque, ainsi que toute une gamme intermédiaire.

MQ-28 Ghos Bat de Boeing
Co-developpé par l’Australie et Boeing, le MQ-28 Ghost Bat est un drone de type Loyal Wingmen très performant mais onéreux, et ne pouvant être sacrifié.

Ainsi, dans le cadre du programme Venom, lui-même intégré au programme NGAD, l’US Air Force a annoncé qu’elle avait commandé 1 000 drones de type Loyal Wingmen, des drones à hautes performances, mais aussi onéreux, destinés à accompagner le futur remplaçant du F-22 Raptor, ainsi que plusieurs centaines de F-35A spécialement modifiés pour contrôler ces appareils.

La DARPA, pour sa part, travaille sur plusieurs programmes de drones, dont le Gremlin, un drone aéroporté léger pouvant être lancé et récupéré en vol, par un avion C-130, ainsi que sur le drone Longshot, lui aussi aéroporté, spécialisé dans les missions d’appui aérien rapproché et armé notamment d’un canon à cet effet.

Cette richesse de la gamme de drones en développement outre-atlantique, modère d’ailleurs un reproche pouvant être fait concernant les simulations du Mitchell Institute, qui prennent comme point de départ, précisément, une vaste gamme de drones disponible, sans étudier certains scénarios plus contraints.

Il faudra une gamme de drones pour accompagner le Rafale F5

Ces conclusions trouvent un écho particulier lorsque confrontées aux annonces faites autour du Rafale F5. En effet, si, dans le cadre du programme SCAF, sont développés des drones légers et sacrifiables, comme le Remote Carrier Expendable, conçu par MBDA, il n’y a aucune confirmation que ce type de drones sera effectivement disponible concomitamment au Loyal Wingmen Neuron accompagnant le Rafale F5.

Remote Carrier Expendable de MBDA
Les drones aéroportés Remote Carrier Expendable de MBDA, viendraient efficacement compléter un eventuel Loyal Wingman pour former le socle d’une gamme de drones accompagnant le Rafale F5.

Or, à en croire les simulations américaines, ce sont concrètement ces drones sacrifiables, mais aussi de la gamme des drones plus ou moins spécialisés, et pouvant être régénérés au besoin, que le combat collaboratif aérien trouve sa plus grande efficacité, en particulier face à de puissants systèmes de déni d’accès.

À ce titre, si ces systèmes antiaériens sont au cœur des préoccupations américaines concernant Taïwan, ils constituent également le principal défi auquel les forces aériennes européennes pourraient être confrontées dans l’hypothèse d’un engagement contre la Russie, avec des contraintes certainement similaires entre les deux théâtres d’opération, tout au moins dans ce domaine.

Un programme propice à la coopération avec le « Club Rafale »

Le développement d’une gamme de drones susceptible d’agir de manière coordonnée, autour d’un système central comme pourra l’être le Rafale à partir du F5, représente assurément un défi technologique et budgétaire important, en particulier considérant les délais relativement courts disponibles pour les developper.

Dans ce domaine, la France peut s’appuyer sur un atout de taille, la richesse technologique et industrielle de son « club Rafale », formé par les nations ayant fait le choix de s’équiper de l’avion français.

Rafale C Inde
Le Club Rafale peut s’appuyer sur plusieurs nations disposants d’importants moyens technologiques et indsutriels, comme l’Inde.

En effet, la conception d’une gamme de drones de combat, aux performances et capacités échelonnées, mais intégrée dans un système unifié, pourrait aisément être ventilée vers certains des membres de ce club, notamment les plus désireux de faire progresser leur propre industrie de défense comme l’Inde, l’Égypte, les Émirats arabes unis, ou encore la Grèce.

Reste que pour engager une telle initiative, il sera nécessaire, à la France, de faire les premiers pas, à savoir effectivement lancer le développement du drone de combat dérivé du Neuron, alors que Dassault Aviation est toujours dans l’attente d’une notification en ce sens par le ministère des Armées, ainsi que l’accélération de celui du Remote Carrier Expendable par MBDA, pour coller au calendrier du Rafale F5.

FC-31, Su-75 : Russie et Chine parient sur les chasseurs furtifs pour relancer leurs exportations

Le salon saoudien World Defense Show 2024, russes et chinois ont dévoilé leur nouvelle stratégie, articulée autour de chasseurs furtifs FC-31 et Su-75, pour tenter de séduire certains partenaires moyen-orientaux, et ainsi relancer leurs exportations aéronautiques militaires.

Accompagnés de promesses attractives en matière de transfert de technologie et de coproduction industrielle, ces deux offres sont conçues pour exploiter la frustration croissante des dirigeants de ces pays disposant de grandes ambitions industrielles et politiques, et de moyens considérables pour leur donner corps.

Les chasseurs chinois et russes peinent à trouver de nouveaux marchés internationaux

Depuis plusieurs années, les ventes d’avions de chasse de facture chinoise ou russe, sur la scène internationale, sont presque devenues marginales, face au succès du Rafale français, et surtout du F-16V et du F-35 américains.

Ainsi, le Su-35s n’a été exporté qu’à 24 exemplaires auprès de la Chine, et peut-être auprès de l’Iran, alors que le MIG-35 ne parvient pas à séduire, côté russe. La situation est un peu meilleure pour Pékin, avec le Pakistan qui a acheté 36 J-10CE, en plus des quelque 150 chasseurs légers JF-17 codéveloppés avec la Chine. Le chasseur léger a également été vendu au Myanmar (16 exemplaires) et au Nigéria (8 appareils commandés).

JF-17 Myanmar
Le Myanmar a acquis 16 JF-17 auprès de la Chine. En dépit de performances interessantes et d’un prix attractif, le chasseur leger sino-pakistanais ne parvient pas à trouver son marché à l’exportation.

Dans le même temps, le F-35 américain a été acquis à plus de 600 exemplaires sur la scène internationale, auxquels il convient d’ajouter plus de 300 F-16V, et plusieurs dizaines de F-15. La France, pour sa part, a vendu presque 300 Rafale depuis 2015 sur la scène internationale, soit bien davantage que les exportations cumulées russes et chinoises.

Cette situation n’est, bien évidemment, pas du gout des dirigeants des deux pays, alors que l’achat d’avions de chasse constitue, le plus souvent, un lien particulièrement puissant entre les États, que ce soit militairement et politiquement, et ce dans la durée.

Russes et chinois instrumentalisent la frustration des clients de l’industrie aéronautique occidentale

De toute évidence, russes et chinois ont décidé de passer à l’offensive sur ce marché, pour retrouver la place qui était la leurs, il n’y a de cela pas si longtemps. Pour ce faire, les deux pays s’appuie sur la même stratégie, même si les appareils qu’elle recouvre, sont assez différents.

Celle-ci s’appuie sur un produit d’appel particulièrement attractif, en l’occurrence de chasseur bimoteur FC-31 Gyrfalcon, récemment annoncé comme vendu au Pakistan par la Chine, et le monomoteur furtif Su-75 Checkmate russe, deux appareils qui se réclament de la fameuse 5ᵉ génération.

À ces offres déjà alléchantes, s’ajoutent, dans les deux cas, une approche industrielle particulièrement souple, mettant en avant d’importantes coproductions, et de nombreux transferts de technologies. Des arguments que l’on sait efficace, en particulier auprès de certains pays de la bulle moyen-orientale comme l’Arabie Saoudite et l’Égypte, ayant fait du développement de leur industrie de défense un enjeu stratégique.

F-34A
Le refus américain de vendre le F-35 à certains alliés, comme l’Arabie Soudite, le Qatar, ou les Emirats Arabes Unis, a engendré une réelle frustration de la part de leurs dirigeants.

Enfin, ces offres profitent d’un effet de loupe particulièrement efficace, en lien avec les refus et difficultés répétés de la part des pays occidentaux, liés à la vente d’appareils évolués vers ces pays. Rappelons ainsi que Washington a toujours refusé fermement de vendre son F-35 à l’Arabie Saoudite, l’Égypte, le Qatar ou les Émirats arabes unis, entrainant un profond sentiment de frustration de la part de ces pays envers Washington.

Plus récemment, le refus allemand, pendant cinq ans, de vendre de nouveau Typhoon à Riyad, et celui de Tokyo concernant l’entrée de l’Arabie Saoudite dans le programme GCAP, ont également laissé des marques. De toute évidence, les occidentaux, au sens large, veulent bien vendre certains avions de combat au prix fort aux pays du Moyen-Orient, tant qu’ils ne sont pas trop évolués.

Bien évidemment, russes et chinois ont su exploiter ce ressentiment, en concevant une offre qui présente un fort contraste avec les offres occidentales, associant des appareils se voulant « aussi performants que le F-35 », et d’importants transferts de technologies pour faire monter en compétence l’industrie aéronautique militaire des éventuels partenaires.

La Chine propose son FC-31 Gyrfalcon et de nombreux transferts de technologies au salon World Defense Show 2024 saoudien.

Le chasseur bimoteur FC-31 Gyrfalcon est au cœur de l’offensive chinoise dans ce domaine. Bien que n’étant pas en service au sein des forces aériennes de l’Armée Populaire de Libération, l’appareil, initialement développé pour l’exportation, semble proche d’une entrée en production, comme l’atteste l’annonce récente, par Islamabad, de l’acquisition prochaine d’un escadron de ce chasseur furtif.

En outre, le FC-31 a servi de point de départ pour la conception du J-35, désignation toujours temporaire, du nouveau chasseur embarqué bimoteur furtif destiné à opérer à bord des porte-avions dotés de catapultes de la Marine chinoise, et que l’on sait, également, bien avancé.

FC-31 Gyrlfacon Zuhai air show 2021
Le design du FC-31 a considérablement évolué depuis son premier vol en 2012, notamment pour en accroitre la furtivité jugée insuffisante lors des essais.

Long de 17,3 m pour une envergure de 11,5 m, le chasseur aurait une masse maximale au décollage de 28 tonnes, le plaçant dans la même catégorie des chasseurs moyens que le Rafale, le Typhoon ou le Super Hornet. Il est propulsé par deux turboréacteurs WC-13 de conception chinoise, développant six tonnes de poussée sèche, et presque neuf tonnes avec la post-combustion, par moteur.

Bien qu’étant présenté comme un chasseur de 5ᵉ génération furtif, et qu’il affiche un aspect comparable à celui du F-35, référence en la matière, les performances exactes de l’appareil, notamment en matière de furtivité, restent à déterminer. Toutefois, dans la mesure où celui-ci a subi, depuis son premier vol en 2012, une profonde refonte, précisément pour en améliorer cet aspect, on peut supposer qu’il peut effectivement s’appuyer sur une discrétion efficace.

La Russie multiplie les offres de partenariats pour codévelopper le Su-75 Checkmate

La Russie, de son côté, arrive avec plusieurs cordes à son arc. D’abord, elle propose une version export du nouveau Su-57, présentée à l’occasion du salon Army 2021, un chasseur bimoteur lourd associant des performances très élevées, et une discrétion radar avancée, même si elle n’équivaut certainement pas celle des chasseurs américains.

Mais le fer de lance de l’offre russe, repose toujours sur le Su-75 Checkmate, un programme de chasseur monomoteur de 5ᵉ génération, qui ambitionne de concevoir un appareil performant et surtout économique, pouvant constituer une flotte de chasse massive pour un ticket d’entrée accessible.

Su-75 Checkmate Army 2021
Le Su-75 Checkmate était la grande star du salon Army 2021, qui s’est tenu a Moscou. Depuis, cependant, il n’a guère évolué, faute d’avoir reussi à convaincre sur la scène internationale

Comme le FC-31, le Su-75 n’a pas été commandé par les forces aériennes russes, et le programme évolue lentement sur les fonds propres de Rostec, au point que nombreux ont été ceux qui l’avaient considéré comme abandonné. Pourtant, celui-ci fait toujours l’objet de dépôt de brevets, sans toutefois qu’un quelconque calendrier n’ait été annoncé, en particulier concernant la construction d’un éventuel prototype.

Cette faiblesse apparente est présentée par Rostec comme un atout. En effet, l’industriel russe se montre particulièrement ouvert et souple, dans le discours tout du moins, pour ce qui concerne un éventuel codéveloppement du chasseur, avec un ou plusieurs pays partenaires. Cette coopération s’accompagnerait de très importants transferts de technologies, avec la promesse d’amener les industries nationales partenaires, à un niveau proche de l’autonomie stratégique dans ce domaine.

Le spectre des sanctions CAATSA toujours bien présent

Reste que, jusqu’à présent, les offres russes ou chinoises, toutes alléchantes qu’elles puissent paraitre, ne semblent pas donner lieu à des discussions sérieuses avec les partenaires éventuels envisagés, que ce soit au Moyen-Orient (Arabie Saoudite, EAU…), en Afrique (Égypte, Algérie…), ou en Asie (Vietnam, Inde…).

Plusieurs raisons expliquent ce manque d’appétence. La plus contraignante, n’est autre que la menace de sanctions américaines, liées à la législation CAATSA. Celle-ci permet, en effet, à l’exécutif ou au Congrès américain, de mettre en œuvre de sévères sanctions contre les éventuels clients de l’industrie de défense des pays « ennemis ».

Su-35s export
L’Iran aurait commandé un escadron de chasseur Su-35se, dans le cadre de la nouvelle cooépration entamée entre téhéran et Moscou autour de la guerre en Ukraine.

C’est cette législation qui a été employé pour mettre la Turquie sous sanction après l’acquisition par Ankara d’une batterie S-400 auprès de Moscou. Elle a également permis de dissuader le Caire d’acquérir un escadron de Su-35se russes, et a éloigné plusieurs pays, clients traditionnels de l’industrie russe, comme l’Indonésie, de ces équipements.

Elle est d’autant plus dissuasive que beaucoup des pays qui pourraient être éventuellement intéressés par les offres chinoises ou russes, emploient de nombreux équipements américains, dont la disponibilité pourrait rapidement être mise à mal en cas de sanctions américaines.

La Chine n’est pas, pour l’heure, directement visée par cette législation, mais les tensions entre Washington et Pékin allant croissantes, il ne fait guère de doute que cela menace n’importe laquelle des négociations avec la Chine, dans ce domaine.

Conclusion

Il faudra donc, aux négociateurs russes et chinois, faire preuve de beaucoup de persuasions, pour parvenir à séduire, avec le FC-31 et le Su-75, d’autres partenaires que ceux déjà tout acquis à leur cause.

Reste que, dans un environnement international en recomposition très rapide, qui se caractérise, aujourd’hui, par l’émergence de nombreuses ambitions nationales allant bien au-delà des traditionnelles sphères d’influence, celles-ci sont effectivement parées de nombreux atours des plus séduisants, susceptibles de convaincre certains partenaires excédés par les atermoiements, vétos et hésitations occidentales.

Comment répondre à la Guérilla Navale qui menace de se répandre sur l’exemple ukrainien ?

En appliquant une tactique de Guérilla navale particulièrement efficace pour empêcher la flotte russe de prendre le contrôle de la mer Noire, la Marine ukrainienne est parvenue à remporter de nombreux succès, depuis la destruction du croiseur Moskva en avril 2022, jusqu’à celle du patrouilleur lance-missile Ivanovets, il y a quelques jours.

À l’aide de missiles antinavires, de drones navals légers et rapides, et d’une bonne dose d’imagination et de réactivité, les ukrainiens sont ainsi parvenus à couler ou endommager 40 % de la flotte de la mer Noire, à prévenir un débarquement autour d’Odessa, et même à repousser les navires russes au-delà de ses cotes.

L’efficacité de cette tactique ne manquera cependant pas d’inspirer de nombreux autres acteurs mondiaux, et risque fort de venir menacer, dans un avenir proche, bien plus que les navires militaires russes.

La Guérilla navale au cœur de la contestation de la mer Noire par la Marine ukrainienne

Au début de l’offensive russe contre l’Ukraine, ils étaient rares, parmi les spécialistes du sujet, ceux à estimer que les armées ukrainiennes parviendraient à résister au rouleau compresseur russe plus de deux mois.

Personne, en revanche, n’a imaginé qu’après deux ans de conflit, la puissante flotte de la mer Noire russe, aurait perdu 40 % de ses unités de surface. Surtout après que la Marine ukrainienne avait sabordé l’immense majorité de ses moyens, lors des premiers jours du conflit.

guerilla navale tarantul II Ivanovets coulé
Le patrouilleur lance-missile Ivanovets a été coulé par un drone naval ukrainien il y a trois semaine

Pourtant, au travers d’une tactique, aussi innovante qu’efficace, de Guérilla Navale, Kyiv est parvenu à empêcher la flotte russe de prendre le contrôle de la mer Noire, et ainsi de mener des opérations amphibies, par exemple, sur les plages proches d’Odessa.

Mieux encore, les faibles moyens ukrainiens, employant des drones navals légers plus bricolés que conçus comme un système d’armes, parvinrent à frapper les infrastructures navales et les navires à quai, au cœur même de la base navale de Sevastopol, en Crimée.

Si l’inventivité et la détermination des ukrainiens leur permet de résister sur les mers, comme sur terre et dans les airs, aux importants moyens des armées russes, cette nouvelle tactique va, aussi, immanquablement venir inspirer de nombreux autres pays, voire des organisations paraétatiques, pour venir contester une puissance navale supérieure adverse, y compris occidentale.

Les risques sont donc importants, dans un avenir proche, que les marines occidentales soient confrontées, elles aussi, à ce type de menace, en particulier sur certains théâtres complexes, comme au Proche et Moyen-Orient ou en Afrique. Quelles sont, aujourd’hui, les menaces qui se profilent dans ce domaine, et comment s’en prémunir pour y faire face ?

Les quatre caractéristiques fondamentales de la Guérilla Navale Ukrainienne

La tactique employée par l’Ukraine, dans ce domaine, répond, en effet, à merveille à la classification de guérilla, puisqu’elle en reprend les quatre piliers principaux.

Accessibilité des moyens employés, une réponse du faible au fort

D’abord, celle-ci s’articule autour des moyens très limités, à la portée des faibles capacités de production d’une industrie ukrainienne soumise à la menace permanente des forces russes. Impossibles, dans ces conditions, de construire des navires militaires, et encore moins des sous-marins, pour venir contester la supériorité navale russe en mer Noire.

drone naval ukrainien Sea Baby
Les drones navals ukrainiens sont peu oénreux, faciles à contruire et peuvent être transporter et mis à l’eau de manière discrete.

Les ingénieurs ukrainiens se sont tournés vers des capacités beaucoup plus accessibles et légères, pouvant être produites à partir de moyens industriels limités, dans le plus pur style de la réponse du faible au fort qui caractérise la guérilla.

Ainsi, les drones navals ukrainiens, qui ne sont pas sans rappeler, dans l’esprit, les drones d’attaque iranien Shahed 136, sont à la fois faciles et rapides à produire, efficaces pour les missions qu’ils doivent effectuer, et particulièrement discrets pour surprendre l’adversaire.

Des frappes imprévisibles et des moyens conçus pour être le plus discret possible

La surprise est, à ce titre, au cœur de la stratégie de la guérilla navale ukrainienne, comme elle l’est de toutes les actions de guérilla. Il s’agit, pour Kyiv, de frapper la Marine russe où, et quand, elle ne s’y attend pas.

Ce fut le cas lors de l’opération qui permit de couler le croiseur Moskva, en patrouille au large des côtes ukrainiennes, sans qu’il ait jamais eu pleinement conscience de la menace qui le visait avant qu’il ne soit trop tard. Depuis, la plupart des attaques ukrainiennes, couronnées de succès, furent caractérisées par l’emploi de nouveaux systèmes, de nouvelles tactiques, voire de nouvelles cibles.

lance-roquette Dzhmil sur drone Sea baby
Lance-roquette Dzhmil sur drone Sea Baby

Afin de renforcer l’effet de surprise, les drones navals ukrainiens ont été conçus pour être le plus discrets possibles, que ce soit lors de leur mise à l’eau, qui peut s’effectuer à partir d’infrastructures de plaisance très nombreuses sur la côte ukrainienne, comme lors du transit ou de l’attaque, grâce à un profil très bas sur l’eau, pour en accroitre la discrétion radar. Bien souvent, les équipages russes n’ont eu connaissance de la menace que quelques minutes avant l’explosion ou l’interception des drones.

Un tempo tactique et technologique très rapide

Pour maintenir l’indispensable effet de surprise, les ingénieurs et militaires ukrainiens, soutiennent un tempo extrêmement rapide concernant l’évolution des moyens à leur disposition, ainsi que des doctrines et tactiques mises en œuvre.

En effet, la Marine russe, elle aussi, s’adapte rapidement à ces nouvelles menaces, comme le montre, par exemple, les moyens déployés, depuis la première attaque, pour protéger le port de Sevastopol.

Ainsi, l’ensemble de la baie abritant le port militaire, s’est vue garnie de pièces d’artillerie légère, mais aussi, de nouveaux radars et senseurs, alors que des filets barrent les trajectoires des drones, et que des hélicoptères d’attaque se tiennent prêts à prendre l’air pour intercepter les menaces.

Il en va de même concernant la protection des piliers du pont de Crimée, visés également par une attaque de drones navals ukrainiens il y a quelques mois, et dont les défenses ont été adaptées, y compris par l’ajout de puissants fumigènes pour les masquer aux systèmes de guidage optique des drones ukrainiens.

base navale de Sevastopol
Le port militaire de Sevastopol a reçu de nouveaux moyens defensifs pour faire face aux attaques de drones navals ukrainiens, rendant cette tactique beaucoup moins efficace desormais.

Loin de renoncer face à ces défenses efficaces, les ukrainiens répondirent d’abord en dotant leurs drones de roquettes, sans grand succès cependant, puis parvinrent à détecter, attaquer et frappe un patrouilleur lance-missile de type Tarantul II à la mer, là où, jusqu’à présent, les attaques s’étaient principalement concentrées sur des unités à l’ancre, ou évoluant à vitesse réduite.

Un objectif raisonnable : priver l’adversaire de sa liberté d’action

Enfin, la Guérilla navale ukrainienne est d’autant plus efficace, qu’elle vise des objectifs qui sont à sa portée, à savoir de priver l’adversaire de sa liberté d’action naval, dans un périmètre côtier limité.

Il n’est ainsi pas question, pour la Marine ukrainienne, d’espérer obtenir une quelconque suprématie navale face à la flotte de la mer Noire, et encore moins de revendiquer une victoire dans ce domaine. En revanche, elle parvient efficacement à fortement contraindre la liberté de manœuvre de celle-ci, et donc sa capacité à imposer une suprématie navale.

En particulier, par l’usage conjoint de batteries côtières mobiles, de mines navales, et la menace que font peser ses drones navals, l’état-major ukrainien est parvenu à dissuader la flotte russe de mener une manœuvre amphibie sur ses côtes, surtout à proximité d’Odessa, malgré la puissante force amphibie de la flotte de la mer Noire.

LST classe Rapucha
Malgrè son imposante flotte de debarquement, la flotte de la mer Noire n’est jamais parvenue à mener une opéraiton amphibie sur les cotes ukrainiennes, en aprticulier autour d’Odessa

Ce faisant, la Marine russe, en dépit de ses très faibles moyens, a permis à des unités déployées en protection autour d’Odessa, d’être redéployées sur la ligne de front, notamment les très performantes unités de l’infanterie de Marine.

Loin d’être anecdotique ou limitée à quelques actions d’éclats à fort retentissement médiatique, l’action de la Guérilla navale ukrainienne, joue donc un rôle majeur dans la protection du territoire, tout en ne mobilisant que des moyens réduits, ne venant que très peu ponctionner l’effort de défense du pays.

L’inévitable diffusion de la Guérilla navale dans les années à venir, et la confrontation avec les Marines occidentales

L’efficacité de la tactique de guérilla navale mise en œuvre par l’Ukraine, joue un rôle important dans le conflit qui l’oppose à la Russie. Toutefois, cette même efficacité ne manquera pas d’inspirer de nombreuses autres marines, industriels navals, mais aussi certains groupes terroristes ou paraétatiques, pour qui elle représente une solution efficace et accessible, pour contrer une puissance navale hostile.

De fait, depuis deux ans maintenant, les maquettes et prototypes de drones navals offensifs légers, qu’ils soient destinés à un usage kamikaze, comme les drones ukrainiens, ou armés de systèmes plus lourds, se multiplient sur tous les salons navals militaires de la planète.

Il ne fait, alors, aucun doute que, dans un avenir relativement proche, les marines occidentales, qui demeurent les forces militaires navales les plus fréquemment employées pour des missions de projection de puissance, pour protéger le trafic maritime commercial, ou pour mettre en œuvre un embargo, se retrouveront confrontées à ce type de menace.

fregate al madinah endommagée 2017
La frégate saoudienne Al Madinah a dubit de très lourds degats après l’attaque d’un drone naval suicide en 2017

Notons que l’utilisation de drones d’attaque navals est antérieure à la guerre en Ukraine. En 2017, les rebelles Houthis étaient parvenus à endommager la frégate saoudienne Al Madinah à l’aide d’une embarcation dronisée. Toutefois, l’Ukraine est le premier pays à mettre en œuvre une véritable doctrine de Guérilla navale menée avec des moyens, et des objectifs, répondant à cette classification.

De nombreux pays, en particulier au Proche et Moyen-Orient, en Afrique ou dans la zone indo-pacifique, comme certains groupuscules paramilitaires plus ou moins terroristes, disposent, en effet, des moyens suffisants pour se doter de capacités similaires, pour venir menacer les marines occidentales ou le trafic commercial.

On pense particulièrement aux rebelles Houthis au Yémen, qui emploient massivement déjà des drones aériens pour menacer les navires civils et militaires croisant en mer Rouge, mais également l’Iran pour faire de même dans le golfe Persique, la Corée du Nord pour contenir la puissante flotte sud-coréenne, et bien d’autres.

Or, à l’instar de la Marine russe jusqu’ici, les marines occidentales ne disposent pas, aujourd’hui, des moyens et des doctrines pour faire face efficacement à ce type de menace.

Comment les marines occidentales peuvent-elles répondre à cette Guérilla Navale ?

Il est donc indispensable, aujourd’hui, aux marines occidentales, de se préparer à répondre, dans un proche avenir, à cette menace, dans toute sa complexité.

IRST Artemis 360 Thales
Les systèmes IRST navals, comme l’ARTEMIS de Thales, permettent de considerablement renforcer la surveilalnce contre les drones navals (et aériens), sans venir alterer la discretion electromagnétique du navire.

En premier lieu, les unités navales déployées, comme les infrastructures portuaires qui les accueilleront, devront être dotées de senseurs conçus pour détecter l’approche de ces drones navals ou aériens, avec un préavis suffisant pour pouvoir y répondre. Ces senseurs doivent notamment être en mesure d’assurer cette surveillance et détection, y compris lorsque le navire évolue en émission restreinte pour garantir sa discrétion électromagnétique.

Une fois la menace détectée, les navires doivent être en mesure de s’en protéger, y compris pour faire face à des attaques visant à saturer les défenses du navire visé. L’artillerie navale constitue, évidemment, la réponse de prédilection dans ce domaine, qu’il s’agisse de la pièce principale de 76 ou 127 mm, ou de pièces secondaires, de plus petit calibre.

D’autres solutions, comme les armes à énergie dirigée, mais aussi le brouillage électromagnétique, peuvent être employées, l’idéal étant de disposer simultanément de moyens cinétiques et non-cinétiques.

Surtout, ces systèmes d’armes doivent être en mesure de pointer et cibles des drones navals manœuvrant rapidement, très bas sur l’eau, offrant une surface de cible très réduite, et être placés pour couvrir l’ensemble des angles d’attaque possible. En outre, les navires ne disposant pas de ce type de senseurs et systèmes d’armes, devraient être exclus des zones ou une telle menace existe, sauf à être escortés par au moins deux unités navales en disposant.

Bien évidemment, les équipages devront préalablement avoir été entrainés pour répondre à ce type de menace, et son tempo particulier. C’est probablement dans ce domaine que la Marine russe a le plus péché, ceci expliquant la perte de certaines grandes unités de surface, en particulier à la mer. Dans le même temps, les procédures et doctrines adaptés doivent être conçues, expérimentées et enseignées, pour une efficacité optimale.

Centre opération frégate Auvergne
Les équipages devront être formés pour faire face aux différentes menaces, par nature évolutives, de la Guerilla navale.

Enfin, et ce sera certainement le plus difficile, il convient que ces trois facteurs, puissent évoluer au même rythme que la menace, sur un tempo technologique et tactique bien plus rapide que celui auquel les marines de guerre modernes sont habituées.

Il sera, de fait, nécessaire de créer des canaux de communication particulièrement efficaces, entre les services de renseignement susceptibles d’anticiper la menace, les état-majors des marines concernées, les industriels apportant les réponses requises, et les équipages devant être formés, mais également source d’information et de retour d’expérience.

Conclusion

On le voit, si la guérilla navale imaginée et mise en œuvre, avec un réel succès, par la Marine ukrainienne face à la Russie, est porteuse d’espoir dans ce conflit, elle constitue, aussi, un véritable enjeu pour les marines militaires, spécialement occidentales, à une échéance probablement rapprochée.

Canon Rapid Fire
Le canon de 40 mm Rapid Fire offre un excellent compromis entre puissance d’arret, precision et cadence de tir, pour faire face à la menace des drones navals.

C’est donc dès aujourd’hui qu’il convient d’anticiper cette nouvelle menace, d’autant que, pas davantage que les navires russes, les navires occidentaux ne sont prêts pour y répondre efficacement. Pour y parvenir, les amirautés vont devoir relever de nombreux défis, qui pourraient s’apparenter, dans certains domaines, à un véritable choc culturel, qui sera difficile à imposer.

Pour autant, et pour peu qu’une procédure efficace soit mise en œuvre, la diffusion probable de ces drones navals, et plus généralement, de la doctrine de guérilla navale expérimentée en Ukraine, pourrait avoir des conséquences limitées sur les opérations navales occidentales, qui jouent souvent un rôle crucial dans la prévention ou la conclusion des tensions et conflits.

Comment les drones d’attaque dotés d’une IA vont-ils bouleverser l’équation stratégique mondiale ?

Ces derniers mois, les annonces se sont multipliées concernant le développement d’une nouvelle génération de drones d’attaque dotés d’une intelligence artificielle, pour en renforcer l’efficacité, que ce soit en Russie, en Chine, en Iran et même en Corée du Nord.

Loin d’être anecdotique, l’arrivée de cette nouvelle génération de drones militaires à longue portée, dont l’efficacité a été démontrée en Ukraine avec le Shahed 136, va créer une nouvelle capacité de frappe contre les infrastructures stratégiques adverses, comme contre son dispositif défensif, avec des effets proches de ceux que l’on peut obtenir par l’utilisation d’armes nucléaires.

Alors que les systèmes d’arme susceptibles d’apporter une défense efficace contre ces nouveaux drones, sont encore à découvrir, on peut s’attendre à ce que leur potentiel tactique comme stratégique, et un ticket d’entrée budgétaire et technologique particulièrement faible, vont provoquer un profond bouleversement de l’équation stratégique mondiale établie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur les seules armes nucléaires.

L’emploi des drones d’attaque à longue portée Shahed 136 contre les infrastructures civiles Ukrainiennes

Dès septembre 2022, une nouvelle arme a été lancée par les forces russes, aux côtés des traditionnels missiles balistiques et de croisière, pour frapper les villes ukrainiennes de Kyiv, Dnipro, Kremetchouk, Zaporojie ou encore Kharkiv. Loin des armes technologiques que l’occident commençait à livrer aux forces ukrainiennes, il s’agissait d’un drone peu onéreux, facile à produire, et acquis en grande quantité par la Russie auprès de l’Iran, le drone d’attaque Shahed 136.

drones d attaque Shahed-136
Le drone d’attaque à longue portée iranien Shahed 136 a été révélé pour la première fois en decembre 2021, et employé au combat en Ukraine à partir de septembre 2022.

Pour la première fois, des drones ont été employés pour mener des missions stratégiques, à savoir frapper des infrastructures civiles, et même la population de l’adversaire. Il avait seulement 2,5 m d’envergure et de 200 kg, mais il était capable de parcourir jusqu’à 2 000 km à l’aide de son moteur à piston MD-550, et de frapper avec précision une cible grâce à son guidage satellite, pour faire détoner sa charge militaire de 30 à 50 kg.

Surtout, son prix de production, estimé autour de 20 à 40 000$, était sans commune mesure avec celui des missiles de croisière employés jusque-là par Moscou, comme le Kalibr et le Kh-55, mais aussi avec celui des missiles employés pour le contrer.

Alors que les stocks de munitions à longue portée russe tendaient à se vider, les quelque 800 Shahed 136 livrés par l’Iran à la Russie, permirent aux forces russes de maintenir une pression importante sur les défenses antiaériennes ukrainiennes, obligées d’être déployées, et employées, pour protéger les infrastructures stratégiques du pays. Ils ont par ailleurs engendré une importante consommation de munition et la dispersion des forces de DCA pour les armées ukrainiennes.

Depuis, le Shahed 136, et sa version produite localement en Russie, baptisée Geran-2, sont employés systématiquement en complément des frappes de missiles de croisière et de missiles balistiques contre les infrastructures civiles et militaires ukrainiennes, souvent afin d’attirer le feu de la DCA censée les protéger, et ainsi augmenter l’efficacité des missiles eux-mêmes, bien plus destructeurs.

Vers une seconde génération de drones d’attaque équipés d’une IA et plus performants

De nouveaux modèles de drones d’attaque à longue portée, ont été employés depuis, que ce soit en Ukraine, ou par les rebelles Houthis et les forces supplétives iraniennes, au Yémen comme en Irak. C’est le cas du Shahed 238, une évolution du 136 dotée d’un petit réacteur, lui conférant une vitesse de croisière estimée entre 600 et 800 km/h, contre seulement 185 km/h pour l’ancien modèle.

drone d'attaque Shahed 238
Le drone Shahed 238 est doté d’un turboreacteur, et disposerait d’une IA embarquée, selon téhéran. la Russie a developpé sa propre version du drone, baptisée Geran-3, elle aussi dotée d’une IA.

Si ces nouveaux drones améliorent certaines capacités, et parfois accroissent la difficulté à les intercepter, ils n’en changent pas, cependant, le contexte d’utilisation. Toutefois, face au potentiel opérationnel démontré par le Shahed 136 en Ukraine, plusieurs pays, dont l’Iran, mais aussi la Russie avec le Geran-3, la Chine et d’autres, ont entrepris de developper une nouvelle génération de ces drones d’attaque, dotée cette fois d’une Intelligence Artificielle, leur conférant des performances sans équivalents.

En effet, si la Shahed 136 est adapté pour frapper des infrastructures, il est incapable de viser autre chose que des coordonnées géographiques préalablement établies. Impossible, donc, pour lui, d’être utilisé pour frapper dynamiquement des défenses antiaériennes, par nature mobiles.

Surtout, son utilisation suppose de disposer d’informations très précises quant à la position et la disposition de la cible, comme concernant la trajectoire à suivre pour y parvenir. Enfin, le guidage satellite de ces drones, au cœur de leur précision, constitue également leur plus grande faiblesse. En effet, un puissant brouillage, par exemple, sous la forme de spoofing, suffit à les faire dévier de leur trajectoire, et d’aller frapper des champs de colza, plutôt que la grille électrique.

L’embarquement d’une intelligence artificielle, même relativement peu évoluée, viendrait non seulement renforcer la résistance des drones d’attaque au brouillage, mais il leur conférerait une adaptabilité très importante, pour frapper des cibles potentiellement mobiles, ou pour combler les trous de renseignement dans la navigation ou concernant la cible elle-même, afin de déterminer la meilleure trajectoire à suivre.

Essaim de drones
Les essaims de drones permettent de coordonner l’action de chacun des drones le composant, avec celle des autres, pour un effet optimisés global.

L’utilisation d’une IA permet, également, de coordonner le schéma d’attaque d’un ensemble de drones, pour le faire évoluer en essaim, de sorte à saturer les défenses adversaires en exploitant au mieux les limites des systèmes employés.

Selon les autorités russes, qui semblent ne plus se soucier des considérations de fiabilité concernant l’utilisation de l’IA dans les drones, comme avant-guerre, cette phase d’embarquement d’une IA dans les drones d’attaque et munition rôdeuse, aurait déjà débuté, et devrait arriver sur le champ de bataille, dans les mois à venir.

Une arme stratégique accessible, peu onéreuse et contre laquelle il est difficile de se protéger

Ces drones d’attaque dotés d’une IA seront, évidemment, plus onéreux que le Shahed 136. Outre les capacités de traitement numériques nécessaires, ils devront être dotés de certains capteurs, caméra et antennes, et de moyens de communications, dont le drone iranien n’a pas l’usage aujourd’hui.

Ces systèmes, ainsi que le poids supplémentaire engendré, nécessiteront des drones plus imposants, donc disposant d’un moteur plus puissant, et de davantage de carburant pour atteindre le même rayon d’action.

Toutefois, l’ensemble de ces facteurs ne justifie pas une augmentation inconsidérée de la gamme de prix dans laquelle évoluent aujourd’hui les drones d’attaque. Au pire, le prix de revient d’un système augmentera de quelques dizaines de milliers de dollars, avec un cout de production qui ne dépassera pas les 100 000 $.

Iris-T SLM
Si les systèmes sol-air comme l’IRIS-T SLM, employés en Ukraine, se montrent efficaces pour intercepter les drones d’attaque Shahed 136, le prix d’un de ses missiles depasse de ving fois celui de la cible détruite.

En outre, le ticket d’entrée technologique pour concevoir et produire ces drones d’attaque de nouvelle génération, reste relativement bas. Il suffit de compétences aéronautiques et dans le domaine des drones relativement limitées, ainsi que de certains capteurs aisément importables, et d’une IA loin d’être spécialement complexe, pour concevoir un de ces systèmes, ce qui est à la portée de nombreux pays.

Enfin, leur rapport d’efficacité / prix, y compris simplement pour venir viser les systèmes de défense antiaériens de l’adversaire, est largement en faveur du drone, car l’interception de ces systèmes demeure, aujourd’hui, un problème particulièrement complexe à équilibrer.

L’emploi de missiles semble inapproprié, surtout pour ce qui concerne les systèmes à moyenne et longue portée, tant l’écart de prix entre la cible et le missile est défavorable. L’utilisation de canons antiaériens, mais aussi d’armes à énergie dirigée, s’avère plus efficace de ce point de vue. Toutefois, la portée limitée de ces systèmes, obligerait à en déployer un nombre considérable, ne serait-ce que pour protéger les infrastructures les plus critiques, ou tenter d’opacifier les frontières aériennes.

Ainsi, pour protéger efficacement un pays comme la France, qui héberge plusieurs milliers de cibles d’intérêt stratégique (centrales nucléaires, barrages, ouvrages d’art, sites politiques, infrastructures de transport et de communication…), il serait nécessaire de déployer au moins 10 000 systèmes antiaériens de ce type (pour 2500 cibles et 4 systèmes par site), nécessitant plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissement, et surtout 100 000 militaires ou réservistes supplémentaires, pour armer ces systèmes simultanément le cas échéant.

France reacteru nucléaire
la France, a elle seule, abrite 58 reacteus nucléaires, et près de 600 barrages hydroelectriques, chacun d’eux représentant une cible stratégique de choix pour une attaque stratégique de drones d’attaque à longue portée. Aucun de ces sites ne dispose, aujourd’hui, d’une veritable défense antiaérienne suceptible de repousser une attaque de drones à longue portée.

À l’inverse, pour construire une flotte de 50 000 drones, soit 20 drones par cible stratégique, le cout, à 100 000 $ le drone d’attaque doté d’une IA, n’attendrait que 5 Md$, soit un investissement à la portée de la plupart des pays dotés, par exemple, d’une force aérienne significative.

Dit autrement, pour 5 Md$, un pays comme l’Algérie, distant de seulement 1000 km des côtes françaises, pourrait faire peser une menace stratégique globale sur la France, contre laquelle le pays n’aurait aucune solution pour se défendre, en dehors de mobiliser son armement nucléaire. Ce qui serait difficile à justifier.

En effet, outre ses différentes caractéristiques, le drone d’attaque, employé pour cibler des infrastructures stratégiques, ne peut en aucun cas être considéré comme une arme de destruction massive, car les pertes en vies humaines seraient probablement limitées.

Un potentiel tactique aussi efficace et moins contraignant que les armes de destruction massive

Si ces drones d’attaque peuvent conférer à leur détenteur, un important potentiel stratégique, ils peuvent également être employés sur le champ de bataille, pour simuler l’emploi d’une attaque nucléaire.

Ainsi, l’envoi de 5 000 ou 10 000 de ces drones, capables d’évoluer en essaim, et programmer pour trouver et détruire l’ensemble des infrastructures défensives de l’adversaire, serait en mesure de créer un trou de plusieurs kilomètres dans le dispositif défensif adverse, dans lequel pourront s’engouffrer les éléments du corps mécanisé d’exploitation.

Lignes défensives ukrainiennes
Les munitions rodeuses dotées d’une IA, employées en grand nombre, sont suceptible de neutraliser l’ensemble des infrastructures défensives d’une partie du front, créant une breche équivalente à celle obtenue par l’utilisation d’une arme nucléaire de faible puissance, sans devoir en assumer les conséquences ‘(contamination, escalade stratégique..)

Un tel dispositif, peut avoir des conséquences tactiques comparables, sur une de champ de bataille relativement figé, comme en Ukraine, à celles de l’utilisation d’une arme nucléaire de faible puissance, en application de la plus pure doctrine qui avait cours pendant la Guerre Froide.

En outre, contrairement à l’arme nucléaire, l’espace libéré ne serait pas contaminé, et ne nécessite donc pas d’employer des forces adaptées pour évoluer dans cet environnement ; les pertes civiles seraient minimes ; et les risques d’escalade nucléaire parfaitement maitrisés.

Là encore, l’utilisation de 10 000 drones susceptibles de creuser une brèche de 10 km x 10 km dans les lignes adverses, avec une densité de 100 frappes de précision de drones par km², ne couterait que 1 Md$ d’investissement. À comparer avec les dizaines de Md$ perdus en matériels détruits en offensives infructueuses par la Russie depuis le début du conflit.

La course aux arsenaux de drones d’attaque stratégiques et munitions rôdeuses va bientôt débuter

Il est évidemment possible qu’à l’avenir, des systèmes de défense émergent, pour apporter une réponse efficace et soutenable, contre ce type de menaces, que ce soit pour assurer la protection des infrastructures critiques civiles, ou pour neutraliser une attaque massive en essaim sur la ligne d’engagement.

Plusieurs approches peuvent être considérées, allant des armes à énergie dirigée, en particulier aéroportées, aux drones d’interception, eux aussi dotés d’une IA, et conçus pour patrouiller un espace aérien et intercepter toutes les menaces de ce type, en passant par les attaques cyber, destinées à neutraliser les IA ici employées.

laser Rheinmetall
Les armes à énergie dirigée ont un prix par tir particulièrement attractif, mais un prix d’acquisition et de mise en oeuvre très élevé, en faisant une arme peu adaptée, pour aujourd’hui au moins, pour proteger les infrastructures civiles stratégiques.

À plus court terme, cependant, la réponse la plus efficace, repose sur le fait de disposer d’une flotte de drones similaire, voire supérieure, à celle de l’adversaire potentiel, susceptible de lui infliger au moins autant de dégâts qu’il ne peut espérer lui-même en obtenir, s’il venait à mettre en œuvre son arsenal.

Cette nouvelle dissuasion, que l’on peut qualifier de « stratégique, mais faiblement létale« , a toutes les chances de s’imposer, non pas en remplacement, mais en supplément, de la dissuasion nucléaire classique, sans en assumer, cependant, l’ensemble des contraintes.

En effet, les risques liés à l’utilisation massive de ces drones, que ce soit à l’échelle tactique ou stratégique, y compris contre un adversaire doté de ces mêmes capacités en miroir, peuvent être considérées comme acceptables par certains, pour obtenir les résultats escomptés, sans risquer une escalade nucléaire.

On pense notamment à des pays comme l’Iran, pour frapper Israël, à la Corée du Nord, pour frapper la Corée du Sud, ou même pour la Russie et la Chine, dont la réalité géographique met hors de portée d’une frappe de riposte, une grande partie de leur territoire.

De fait, non seulement sera-t-il nécessaire, aux occidentaux, qui représentent évidemment la cible privilégiée pour ce type de menace, car disposant de la plus grande densité d’infrastructures critiques, de disposer des mêmes capacités que celles en possession de l’adversaire potentiel, mais ils devront, en outre, s’assurer que les performances de leurs propres systèmes sont suffisantes, pour rendre cette menace de riposte aussi crédible et efficace que possible.

Conclusion

On le voit, l’arrivée prochaine des drones d’attaque à longue portée, héritiers du Shahed 136, va certainement engendrer de grands bouleversements dans l’équitation stratégique mondiale. Non seulement ces drones offrent-ils de capacités de frappes d’ampleur stratégique, sans risquer de riposte nucléaire par leur faible létalité, mais ils sont à la portée de beaucoup plus de pays que ne l’est l’arme nucléaire aujourd’hui.

Lancet-3 Russie
Selon Kalakshnikov, la munition rodeuse Lancet sera bientot dotée d’une intelligence artificielle, ce qui augmentera considerablement sa resistance au brouillage.

Du point de vue tactique, ils peuvent, également, venir débloquer le pat stratégique lié à la suprématie absolue de la posture défensive constatée en Ukraine depuis deux ans, en simulant, sans les contraintes, les effets de l’utilisation d’une arme nucléaire tactique, pour créer une brèche dans le dispositif adversaire, pouvant être exploitée par un corps mécanisé.

Toutefois, le ticket d’entrée technologique et budgétaire de cette technologie étant particulièrement faible, on peut craindre, dans les années à venir, que l’arrivée massive de ces drones, engendre une grande période d’instabilité, et de crises à répétition, tant ils peuvent offrir de nouvelles options aux dirigeants politiques et militaires, en particulier pour ce qui concerne les conflits latents.