jeudi, décembre 4, 2025
Accueil Blog Page 295

Le Vietnam acquiert 12 avions d’entraînement Yak-130 auprés de Moscou

Depuis le retrait du service de ses Mig 21 en 2015, l’Armée Populaire Vietnamienne sont à la recherche d’un nouvel appareil pour moderniser ses forces aériennes. Outre les Mig 21, les nouveaux appareils devront également remplacer la trentaines de chasseurs bombardiers Su-22 encore en service. Hanoï semble s’intéresser à plusieurs appareils, dont le F16 américain, le Typhoon européen, le Gripen E suédois et le Rafale Français. Mais il semble que la Russie ait pris une certaine avance dans cette compétition avec la nouvelle commande passée par les autorités vietnamienne à l’industrie de Défense russe, portant sur 12 avions d’entrainement avancé Yak-130.

Conçu pour remplacer les avions d’entrainement L-39, le Yak-130 est entré en service en 2010, et a déjà été exporté en Biélorussie, en Algérie et au Myanmar, ainsi que dans 3 autres forces aériennes. Il est issu d’un developpement initial commun avec l’Italie, qui développera pour sa part le M-346, alors que la Russie poursuivra vers le Yak-130, ceci expliquant les ressemblances nombreuses entre les deux appareils. Capable de dépasser les 1000 km/h, d’emporter jusqu’à 2,5 tonnes d’armement, et disposant d’un cockpit moderne comparable à ceux employés sur Su-30SM, Su-34 et Su-35s, l’avion a pour fonction de former les jeunes pilotes de chasse dans un environnement le plus proche possible de celui des avions d’armes, mais à des couts bien plus réduits, un Yak-130 ne coutant que 14 m$ à l’achat.

Yak 130 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Yak 130 des forces aériennes du Bangladesh

En choisissant le Yak-130, Hanoï fait évidemment un grand pas vers l’industrie aéronautique russe pour remplacer ses Mig 21 et Su-22. A ce titre, pour de nombreux observateurs, les rumeurs portant sur un prochain contrat d’exportation du bombardier Su-34 russe vers un client inconnu concernerait probablement le Vietnam, pour remplacer, justement, la trentaine de Su-22 encore en service. Pour remplacer les Mig-21, le choix pourrait dés lors se porter sur le Su-30SMD, version modernisée du chasseur lourd biplace russe, ou sur le Su-35s, considéré comme le plus performant des chasseurs polyvalent monoplace russe aujourd’hui. Le Mig-35, évolution ultime du Mig-29, pourrait également convenir pour remplacer les Mig 21, mais rien n’indique à ce jour qu’Hanoi se soit intéressé à l’appareil. Quand au Su-57, si Moscou a déjà identifié le Vietnam comme client potentiel, son cout le met, pour l’heure, probablement hors de portée des moyens dont dispose l’Armée Populaire Vietnamienne.

Guepar fregate vietnam Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
La Marine vietnamienne a commandé 6 frégates Guepard 3.9 auprés de la Russie, dont 4 sont d’ores et déjà en service.

La modernisation des forces vietnamiennes est induite par les tensions croissantes avec la Chine, notamment depuis l’annexion d’une partie de la Zone Economique Exclusive du pays sous couvert d’appartenance historique de la Mer de Chine par Pékin. Ces dernières années, Hanoi a ainsi commandé 6 nouvelles frégates Guépard et 64 chars de combat T90 auprés de Moscou. Mais avec un budget limité à 6 Md$ par an, représentant tout de même plus de 2,3% du PIB du pays, les capacités d’investissement et de modernisation des forces armées sont limitées. Dès lors, les chances des appareils occidentaux comme le Rafale, le Typhoon ou le Gripen, pour remplacer les Mig21 vietnamiens étaient évidemment faibles. Avec la commande des Yak-130, elles sont désormais plus que réduites…


Téléchargez l’article au format pdf


La Russie présente les prochaines évolutions du système antiaérien Pantsir

Le système de défense antiaérienne et anti-missiles rapprochée russe Pantsir-S est un des grands succès commerciaux de l’industrie de défense russe ces dernières années, ayant été exporté dans 11 pays dont Oman, les Emirats Arabes Unis et récemment la Serbie. Identifié par l’OTAN comme le SA-22 Greyhound, le système a été massivement employé en Syrie pour protéger les infrastructures russes déployées depuis 2015, et plus particulièrement la base aérienne de Hmeimim, cible de plusieurs attaques de la part des forces démocratiques syriennes et de Daesh.

Alors que les premiers rapports pointaient un manque d’efficacité du système, il semble que les modifications apportées récemment aient changé la donne, du moins à en croire l’interview donnée à l’agence TASS par Valery Slugin, Designer en chef pour La Défense aérienne au bureaux d’étude Shipunov, filiale de la société Rostec. En effet, le Pantsir aurait été modifié pour être en mesure de détecter et d’engager des drones légers ayant une faible observabilité, comme ceux employés par les combattants syriens. Si initialement, ces derniers employaient des drones lourdement chargés de 12 mini-bombes, faciles à détecter, ils ont rapidement évolué vers des drones n’emportant que 2 mini-bombes, et se déplaçant à faible vitesse. Ceci explique probablement le rapport qui faisait état des difficultés qu’avait rencontré le Pantsir pour différencier les drones des oiseaux présents dans la zone. Une fois les modifications apportées, et les personnels entrainés pour faire face à cette évolution de la menace, le système a semble t il retrouvé une efficacité conforme aux attentes, et aurait éliminé plus de 100 drones au cours des nombreuses attaques menées contre Hmeimim, dont la dernière eut lieu le 19 janvier.

Pantsir S2 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le Pantsir-SM va recevoir de nouveaux missiles 57E6M-E à la portée étendue

Mais ce sont les évolutions à venir présentées par Valery Slugin qui offrent le plus grand intérêt. Ainsi, comme nous l’avions déjà indiqué, le Pantsir-SM recevra un nouveau missile, le 57E6M-E, évolution du 57E6M déjà en service, doté d’une portée de 40 km contre 18 km pour le 57E6M, et d’une vitesse hypersonique supérieure à Mach 5. Ce missile permettra d’exploiter au mieux l’extension de la portée du radar sur Pantsir-SM à venir, qui atteindra 75 km. Mais le 57E6M-E ne sera pas le seul nouveau missile a rejoindre l’arsenal du Pantsir. Un nouveau « mini-missile », dont la nomenclature est inconnue, pourra remplacer une partie des 12 missiles actuels, à raison de 4 mini-missiles par missile remplacé. On parle alors de système « quadpack ». Ces mini-missiles sont avant tout destinés à éliminer les drones légers et mini-drones, souvent déployés en nombre. Associés au 57E6M-E à moyenne portée, aux 57E6M à courte portée et aux 2 canons de 30 mm ayant une cadence de tir de 40 coups minutes, ces nouveaux mini-missiles compléteront parfaitement les moyens du Pantsir pour faire face à l’ensemble des menaces aériennes connues actuellement, à l’exception des armes balistiques et hypersoniques.

Outre les nouveaux missiles, et la capacité de faire feu en mouvement, le système Pantsir va également évoluer dans sa globalité, notamment en transformant le véhicule de transport et de chargement des munitions de la batterie, ou TLV. Ce véhicule pourra prochainement, selon Valery Slugin, mettre en oeuvre des missiles au profit de l’ensemble de la batterie, les projectiles étant contrôlés par les radars de Pantsir-S eux même. Ainsi, le TLV disposerait de 24 missiles prêts au feu, soit autant que 2 Pantsir supplémentaires, tout en conservant les 48 missiles de rechargement, sa fonction initiale. Sachant qu’une unité Pantsir est en général composée d’un TLV pour deux Pantsir, cette nouvelle fonctionnalité doublerait la puissance de feu de chaque batterie, avec 48 missiles prêts à faire feu, et probablement bien plus avec les nouveaux mini-missiles quadpack. De fait, le Pantsir deviendrait un système conçu pour faire face à des attaques de saturation, une fonction rare pour un système SHORAD (Short Range Air Defense).

Pantsir sable Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Pantsir S1 de l’armée Syrienne en camouflage sable

Le dernier point abordé par Valery Slugin concerne l’utilisation du Pantsir contre des cibles terrestres ou navales. Si en Syrie, le Pantsir aurait déjà assuré son autodéfense en employant ses canons de 30 mm pour détruire tout intrus entrant dans un rayon de 1,5 km, il semble que cette fonctionnalité face l’objet de travaux supplémentaires, avec la possibilité, à terme, d’employer non seulement les canons mais également les missiles contre des cibles terrestres, et surtout navales, grâce au système de guidage optronique du Pantsir. Si cette capacité mérite évidemment d’être développée, elle n’est cependant pas appelée à devenir une des fonctionnalités essentielles du Pantsir. Non blindé, le système antiaérien russe est avant tout conçu pour protéger des infrastructures critiques distantes de la zone d’engagement. La protection des unités de contact russe est du ressort des systèmes TOR M1/M2, SOSNA et Tunguska qui, eux, disposent des capacités de protection adéquate contre les armes légères et le shrapnel.

TOR M2 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
La protection rapprochée des unités mobiles est confiée au système TOR M1/M2

Cette débauche d’informations sur les évolutions et performances du Pantsir n’est évidemment pas anodine. Le succès des récentes attaques employant des drones au Moyen-Orient, et l’incapacité des systèmes occidentaux, et notamment américains, pour y faire face, offre d’importantes opportunités à la Russie pour proposer son Pantsir, que ce soit au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique. Surtout, l’axe choisi en fera le seul système d’arme disponible capable d’effectivement s’opposer à des attaques employant des drones légers. A ce titre, l’absence de capacité de défense antiaérienne, antimissiles et anti-drones rapprochée, représente probablement la plus importante faille capacitaire opérationnelle des armées européennes aujourd’hui, d’autant que la menace ne concerne pas uniquement les engagements de haute-intensité, et qu’il n’est plus qu’une question de temps avant qu’une attaque par drones ne frappe les forces européennes présentent au Mali, par exemple.


Téléchargez l’article au format pdf


L’Allemagne annule sa commande de drones MQ-4C Triton au profit d’avions Global 6000

La nouvelle a surpris jusqu’aux observateurs les plus attentifs du dossier PEGASUS (Persistent German Airborne Surveillance System). D’après DefenseNews, citant des sources officielles allemandes, Berlin aurait annulé sa décision d’acheter quatre drones HALE (Haute Altitude, Longue Endurance) MQ-4C Triton auprès de l’Américain Northrop-Grumman. Le contrat, évalué à 2,5 milliards $, ne sera finalement pas signé, le choix allemand semblant se porter en lieu et place vers une variante dédiée de l’avion d’affaires Global 6000 du Canadien Bombardier.

Cette annonce, si elle est confirmée, viendra alors clore le feuilleton rocambolesque du Q-4 Global Hawk/Triton en Allemagne, entamé il y a près de 20 ans et ayant déjà coûté plus de 700 millions d’euros à la défense allemande, sans qu’un seul appareil ne soit jamais opérationnel. Pour autant, si Berlin devait tourner définitivement la page du Global Hawk/Triton, le programme PEGASUS ne serait pas encore réellement tiré d’affaire.

content dam mae online articles 2014 12 global hawk 18 dec 2014 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le RQ-4 Global Hawk est la plateforme HALE de référence aux USA. L’avion est opérationnel dans l’USAF et au sein de l’OTAN, et a été sélectionné par la Japon et la Corée du Sud. La variante navale MQ-4C a été choisi par l’US Navy et l’Australie.

L’origine du programme PEGASUS remonte au tout début des années 2000, quand le ministère de la défense allemand étudia le remplacement des avions de patrouille Atlantic de la Marinefliger, utilisés notamment pour les missions d’écoute radio et radar, également appelées renseignement électromagnétique ou SIGINT. Dès 2001, il est alors envisagé d’utiliser une plateforme sans pilote opérant à très haute altitude basée sur le RQ-4 Global Hawk de Northrop-Grumman. Un partenariat est alors créé entre l’avionneur américain et EADS, devenu par la suite Airbus Defense & Space, afin de développer un Euro Hawk équipé d’une charge utile allemande.

Très tôt, cependant, il est apparu que le contexte opérationnel allemand allait requérir un investissement gigantesque afin de permettre un déploiement d’un tel appareil autonome au sein de l’espace aérien européen. Un prototype de l’Euro Hawk, ayant coûté à lui seul près d’un demi-milliard d’euros, vole ainsi dès 2010. Mais des problèmes sur l’intégration des capteurs électroniques européens et les surcoûts liés à l’intégration à l’espace aérien conduisent à l’arrêt du programme Euro Hawk en 2013. L’unique prototype, démilitarisé par l’USAF en 2017, finira par être vendu en pièces détachées pour soutenir la flotte de Global Hawk déployés en Sicile par l’OTAN.

Dès 2015, il a donc été décidé d’acquérir une plateforme sur étagère et de lui intégrer une version simplifiée de la charge utile électronique. Le MQ-4C Triton, version navale du Global Hawk, a donc été sélectionnée en raison de ses systèmes de sécurité accrue (dégivrage, protection antifoudre, etc.) censés facilité sa certification aux normes de navigation civiles, notamment au-dessus de zones habitées. Au total, quatre appareils devaient être achetés et livrés rapidement aux forces allemandes, avec à leur bord la charge utile ISIS-ZB développée par Hensoldt pour le programme Euro Hawk. Mais, aux dernières nouvelles donc, il n’en sera finalement rien.

MQ 4C Triton USN Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Contrairement au MQ-4C Triton de base, la version allemande aurait du embarquer sa charge d’écoute ELINT/COMINT sous des gondoles de voilure.

D’après DefenseNews, cette annulation serait toujours due aux mêmes problèmes –étroitement liés– de coûts et de certifications, qui peinent à trouver des solutions rapides. A l’origine, le programme PEGASUS spécifiait en effet que le vecteur d’emport de la charge SIGINT allemande devait être capable de naviguer sans restriction dans l’espace aérien européen à partir de 2025. Ces derniers mois, il apparaissait que le calendrier de certification allait être particulièrement serré, sans qu’une annulation du programme ne soit pour autant envisagée. Malheureusement, les restrictions qui ont été très récemment imposées sur les Global Hawk de l’OTAN basés à Sigonella en Italie semblent avoir définitivement enterré tout espoir de voir respecté –même dans les grandes lignes– le calendrier allemand.

Fort logiquement, Berlin se dirigerait alors vers une solution pilotée, qui présentera l’avantage de pouvoir naviguer sans restriction dans l’espace aérien international. Une telle solution, néanmoins, présentera également certains inconvénients sur le plan opérationnel. D’une part, un avion d’affaire ne dispose ni de l’autonomie, ni de l’endurance, ni du plafond opérationnel d’un drone HALE. Cela limite alors sa persistance sur zone mais aussi la portée de ses capteurs. D’autre part, un avion mis en œuvre par un équipage ne peut se permettre de prendre les mêmes risques qu’un avion sans pilote, tout particulièrement au sein des forces allemandes, particulièrement sensibles sur la question de l’exposition au risque. Enfin, alors que l’intégration de l’ISIS-ZB aurait été assez simple sur le Triton, puisqu’elle reprenait les travaux effectués sur l’Euro Hawk, il conviendra de refaire toutes les démarches d’intégration physique et électromagnétique à bord de la nouvelle plateforme.

Globaleye saab Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le GlobalEye, basé sur le Global 6000, a été développé par SAAB pour les EAU. Il peut servir d’avion-radar, de plateforme de guerre électronique et d’avion de patrouille maritime, démontrant la facilité d’intégration d’équipements sur l’avion

En cela, le choix annoncé du Global 6000 semble logique, le gros jet d’affaires de Bombardier présentant un risque limité sur ce segment de marché. En effet, il a déjà servi de base à de nombreux avions de missions, dont le E-11A de l’USAF, le Sentinel R1 britannique ou encore le GlobalEye vendu par SAAB aux Emirats Arabes Unis. L’appareil dispose ainsi des réserves pour l’intégration de divers radomes et antennes, ainsi que de prédisposition pour la protection électromagnétique de la cabine.

Reste que, malheureusement, l’appareil arrive bientôt en fin de production afin de laisser sa place au Global 6500. Si Berlin compte réellement installer sa charge ISIS-ZB à bord de l’appareil, il conviendra de passer rapidement commande au risque d’être contraint de trouver une plateforme différente. Le cas échéant, toutefois, des solutions ne manqueraient pas d’exister, puisque l’intégration d’équipements ELINT/COMINT de dernière génération à bord d’avions d’affaires semble séduire de plus en plus d’avionneurs et de forces aériennes. Au-delà du GlobalEye, on peut ainsi citer le programme français ARCHANGE, développé sur une base de Falcon 8X ou encore le MC-55A Peregrine dérivé d’un Gulfstream G550.


Téléchargez l’article au format pdf


Commande des « Falcon Archange » : un renouvellement capacitaire bienvenu mais insuffisant

Il y a quelques jours le ministère des armées annonçait la commande des deux premiers Falcon Archange à destination de l’armée de l’air. Si le renouvellement programmé des canonique C-160 Gabriel est objectivement une bonne nouvelle pour nos capacités de ROEM, leur conception traduit une approche obsolète, a tout le moins incomplète, de la sphère politique face aux enjeux nouveaux de la « guerrelec ».

Issus de la collaboration de Dassault pour le vecteur (Falcon 8X) et de Thalès pour sa charge utile : CUGE (Capacité Universelle de Guerre Électronique) les deux premiers exemplaires (sur trois) du Falcon ARCHANGE [efn_note] « Avions de Renseignement à CHArge utile de Nouvelle GEnération. » [/efn_note] ont été commandés pour une mise en service opérationnelle entre 2025 et 2030. Il viendront en remplacement des très vieillissant C-160 Gabriel, déjà anciens en 1991 lors de la seconde guerre du Golfe. Le Falcon Archange sera en mesure de transporter huit personnels et trois membres d’équipage. Bénéficiant d’une vitesse maximale à Mach 0,90, d’une autonomie de 12 000 km et d’un plafond de 15 500 mètres il offre des capacités aéronautiques largement supérieures au Gabriel même si son absence de soutes limitera en partie l’emport de charges utile.

Toutefois sa CUGE qui offre de larges capacités Elint, Sigint et Comint adossées à des technologies d’Intelligence Artificielle et des antennes multi-polarisation devrait compenser cette perte. Le manque de détail sur la technologie ne permet pas de dire si l’Archange sera en mesure d’employer ses capacités à distance de sécurité (stand off) car ses caractéristiques aéronautiques le place de facto dans le spectre d’une défense anti-aérienne solide telle que mise en œuvre par la Russie ou la Chine. Par voie de conséquence, si ce vecteur est destiné à être utilisé en complément du système satellitaire CERES dans le processus de ciblage et dans la cartographie GEOINT, se pose toute de même la question de sa survivabilité sur un théâtre d’opération non-permissif.

Falcon 8X ARCHANGE Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Les Archange de l’Armée de l’Air permettront de collecter de nombreuses et précieuses informations électromagnétiques. Mais la France a t elle les moyens d’exploiter ces renseignements du point de vue opérationnel ?

Ses services seront toutefois décisifs sur des théâtres d’opérations asymétriques tel que l’opération Barkhane où ces capacités font défaut [efn_note] D’où la volonté de l’Armée française de voir les américains maintenir leurs Reaper au Sahel, ces derniers étant équipés de pods de surveillance EM contrairement aux drones français [/efn_note]. Globalement l’Archange se situe dans l’actuelle incrémentation des moyens de surveillance électro-magnétique à tout les échelons dont le niveau tactique. Ce dernier étant servie par la dotation progressive d’ALSR[efn_note] Avion Leger de Reconnaissance et de Surveillance. [/efn_note] munis de capteurs de ROEM (Renseignement d’Origine Electro-Magnétique). La composante non-pilotée, le drone MALE 2020, devrait potentiellement fournir dans un futur proche des capacités similaires, si toutefois le programme est mené à bout.

Affermir une capacité met en avant d’autres limitations

La bonne nouvelle de la future intégration de cet aéronef met cependant en relief les manques criants des forces armées française dans le spectre EM. Le plus regrettable à première vue concerne l’absence de capacités de Contre-Mesures Électroniques (CME). Ce dernier domaine, conditionné par la surveillance électromagnétique, va pourtant se révéler décisif à l’avenir étant donné la densification électromagnétique des théâtres. En effet, la détection est une chose, le déni des capacités adverses en est une autre. Certes la détection des signaux permet via des liaisons de données C2 de désigner leur localisation à des vecteurs dotés de moyens d’attaque cinétique. Toutefois des vecteurs disposant de moyens de détections tout comme de CME sont en mesure de rationaliser véritablement la boucle OODA[efn_note]doctrine reposant sur un cycle décisionnaire Obervation, Orientation, Décision et Action[/efn_note]. Cette dernière étant tout autant valable dans le spectre électro-magnétique.

Tornado allemand equipe du missile HARM Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
La Luftwaffe est une des seules forces aériennes européennes à maintenir une force de guerre électronique et de suppression des défenses antiaériennes adverses

On rétorquera que l’Archange est un vecteur de renseignement stratégique mais cette vision comporte deux faiblesses majeures. La première tient à l’utilisation de ce vecteur au sein d’un théâtre non-permissif : déployé en petit nombre, il est peu redondant et vulnérable. La capacité à pouvoir brouiller ou « leurrer » les télécommunications ou les radars adverses pourrait augmenter sa survivabilité. La seconde faiblesse est plus doctrinale. L’Archange, dont la commande a été présentée en grande pompe par la ministre des armées Florence Parly comme un avantage décisif en termes de capacités de « guerrelec » est symptomatique de la vision parcellaire – officiellement du moins – de ce domaine par l’échelon politique. Le spectre de la guerrelec ne peut plus se cantonner à une vision uniquement « défensive » dans le monde qui vient. L’Archange est une capacité fondamentale, mais la 3ème dimension ne pourra faire l’économie longtemps de moyens offensifs telles que les CME ou bien l’Attaque Electronique (AE).

Des défauts capacitaires porteurs de germes de défaite

La faille s’élargie si on tire la réflexion à un niveau plus global. On s’aperçoit dés lors du manque de briques capacitaires essentielles. En effet, il serait souhaitable de disposer de moyens de surveillance/détection EM combinées à des capacités de CME et d’EA (armes à énergie dirigés, missiles antiradars…) aux niveaux tactiques voire opératif. Pour des forces engagées sur des théâtres semi et non permissifs il seront fondamentaux au succès des missions SEAD [efn_note] Brouillage, spoofing ou destruction des radars, attaques par déni de service, ect… [efn_note] mais pas uniquement. Il s’agira en outre d’assurer la protection active des vecteurs via la neutralisation EM au sein de bulles d’interdiction [/efn_note] telles que mises en ouvre par les forces Russes, Chinoises ou apparentées. Leurs systèmes A2AD jouant sur la complémentarité entre bulles EM et défense AA multicouches, une confrontation pourrait s’avérer un piège redoutable propre à paralyser totalement une force expéditionnaire.

typhoon ECR 1 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Airbus DS propose à l’Allemagne un Typhoon ECR spécialisé dans l’élimination des défenses antiaériennes adverses

Les futurs engagements nécessiteront une architecture de pénétration complexe dans lesquels s’imbriqueront intimement guerrelec et capacités cinétiques afin permettre la survie des systèmes C4ISTAR nécessaire à la manœuvre interarmes. Sans cela non seulement les missions SEAD deviendront illusoires et mais aussi l’utilisation de l’ensemble des liaisons COM, SATCOM, BLOS et les moyens de détection radar. Avec pour conséquence la perte de la supériorité aérienne entrainant à son tour la paralysie et la neutralisation des forces au sol. Ces dernières d’autant plus vulnérables qu’actuellement inadaptées [efn_note] Un état de fait qui concerne l’ensemble des forces occidentales dont les États-Unis [/efn_note] à des engagements massifs face à de grandes unités blindés ou mécanisées qu’elles ont en partie délaissées pour un dimensionnement uniquement destiné aux conflits asymétriques. La vulnérabilité de nos armes devient critique face au niveau technologique, numérique et organisationnel atteint par les unités de guerrelec russes [efn_note] Polarisées largement dans la 1ere dimension elle sont constituées en un ensemble de brigades EM indépendantes et de compagnies GE rattachées à chaque brigade de combat « classique ». [/efn_note] destinées explicitement à la neutralisation des systèmes C4ISTAR occidentaux.

En d’autres termes : Russie, Chine et apparentés se préparent à affronter des forces occidentales sur leurs principaux multiplicateurs de forces en ciblant autant leurs architectures informationnelles (menace EM) que les piliers (notamment vecteurs aériens) qui les soutiennent (menace AA). Combiné au dimensionnement massif et saturant de leur unités blindés et mécanisées, c’est à un déclassement militaire majeur auxquels nous sommes confrontés. Le CEMA l’a d’ailleurs bien rappelé récemment aux parlementaires devant lesquels il a plaidé la nécessité de reconstruire une « armée de guerre ». Une prise en compte politique plus aiguë de cette problématique doit donc être prise.

SPEAR et SPear EW Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le SPEAR EW est le nouveau missile de MBDA destiné à brouiller massivement les défenses anti-aériennes adverses pour les neutraliser

La BITD française est pourtant virtuellement en mesure de fournir des capacités plus musclées notamment dans le domaine des contres mesures et de l’attaque. En témoigne le récent missile SPEAR EW de MBDA qui pourrait fournir aux forces aériennes française leur nouveau missile SEAD, capacité inexistante depuis le retrait de service AS-37 Martel. En outre la gamme LAND CIEW de Thales pourrait fournir une composante solide de CME tactiques, comme la version ECR (Electronic Combat Role) d’Airbus. Évidemment un ensemble de technologies éclatées ne fondent ni une capacité ni une doctrine mais le savoir-faire est bien là. Dés lors l’annonce de la conception d’un avion de guerre électronique de type EA-18 Growler, la dotation de pods de guerrelec pour nos drones et une politique d’incrémentation capacitaire de l’existant, dont les Archanges, serait une excellente nouvelle pour les forces armées françaises et européennes tout comme une nouvelle opportunité commerciale pour la BITD. Les initiatives européennes dans le cadre de la coopération permanente structurée (PESCO) dans ce domaine prennent, dès lors, un intérêt stratégique pour l’ensemble des pays européens, et pour la France en particulier.



Téléchargez l’article au format pdf


Airbus et l’Eurofighter Typhoon connaissent de nouveaux déboires au Moyen-Orient

Décidément, les succès à l’exportation de l’Eurofighter Typhoon semblent s’accompagner de scandales judiciaires à répétitions. Après les enquêtes sur le contrat saoudien, enterrées sous une couche de secret défense et d’intérêts stratégiques, ou encore les soupçons de corruption et de fraude dans la vente de quinze appareils en Autriche, c’est au tour du contrat koweïti d’être soupçonné de malversations.

Ainsi, d’après le journal koweitien Ai-Rai citant des sources judiciaires, le Ministre de la Défense et vice-Premier Ministre Cheikh Ahmed Al-Mansour aurait soumis un rapport dénonçant plusieurs violations à la loi dans le cadre de la vente 28 chasseurs Typhoon, signée en avril 2016. Plusieurs fonctionnaires actuels et anciens fonctionnaires du Ministère seraient mis en cause, ainsi qu’au moins un ancien Ministre, dont l’identité n’aurait pas été révélée. Les accusations portent sur le versement de commissions liées au contrat, mais aussi sur le contournement de procédures réglementaires, possiblement liées à la sélection de l’appareil. Saisi par le Ministère, le procureur public aurait ainsi ouvert une enquête officielle pour corruption ce 25 janvier. Bien que le contrat koweïti ait été négocié avant tout par l’Italien Leonardo, le consortium Eurofighter reste avant tout détenu par Airbus. De fait, l’enquête ouverte ces derniers jours au Koweit semblerait également se porter sur un autre contrat majeur signé ces dernières années, celles des 30 hélicoptères Caracal de Airbus Helicopters.

Typhoon KAS Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Les 72 Eurofighter Typhoon opérés par l’Arabie Saoudite ont conduit de nombreuses frappes au Yémen. De nouveaux appareils optimisés pour la frappe aérienne devraient remplacer à terme les Tornado saoudiens

Pour l’heure, l’enquête n’en est qu’à ses débuts, et les allégations portées par le Ministre de la Défense actuelle pourraient aussi comporter, en partie, une dimension politique et diplomatique, à l’heure où le pays multiplie les achats –et donc les dépenses– de défense. Néanmoins, de telles accusations font écho à l’annonce faite hier par Airbus évoquant des accords trouvés à la fois en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis dans le cadre de plusieurs enquêtes pour corruption actuellement en cours. Ces dernières concerneraient à la fois le secteur civil et militaire, avec des allégations de pots de vin ou encore de contournement des réglementations ITAR. Après avoir découvert les faits en 2013, Airbus aurait attendu trois ans avant de se dénoncer cherchant, comme aujourd’hui, à contrôler au mieux la communication autour de ces enquêtes.

Ces dernières, cependant, tombent bien mal dans le cas koweitien. Mais elles pourraient aussi plomber un peu plus les chances d’Eurofighter dans les compétitions suisses et finlandaises. Jusqu’à aujourd’hui, l’avion européen n’a réussi à remporter aucune compétition ouverte internationale, et n’a terminé en final qu’une fois face au Rafale en Inde. Alors que tous ses contrats exports ont été négociés de gré à gré, et que nombre d’entre eux ont connus par la suite divers scandales judiciaires, une victoire dans un appel d’offre véritablement transparent serait non seulement une aubaine pour la communication du consortium européen, mais aussi un véritable soulagement d’un point de vue industriel.

Helicoptere EC725 Caracal des forces speciales de lArmee de lAir Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
La vente de 30 H225M Caracal par Airbus pourrait également être éclaboussée par les soupçons de corruption au Koweit.

En effet, les appareils restant à livrés au Koweit et au Qatar seront parmi les derniers Eurofighter Typhoon à sortir de chaîne. Pour Airbus, Leonardo et BAE Systems, qui forment le consortium Eurofighter, il est indispensable de sceller de nouveaux contrats dans les trois ou quatre prochaines années faute de quoi les chaînes d’assemblage seront définitivement fermées. L’Allemagne devrait ainsi commander 33 exemplaires supplémentaires pour remplacer ses vieux Eurofighter de la Tranche 1, et pourrait sélectionner le Typhoon pour remplacer ses Tornado dans les missions d’attaque au sol et de suppression des défenses adverses ennemies. Mais, jusqu’à présent, l’option la plus sérieuse pour une commande importante à l’exportation résidait dans l’Arabie Saoudite, qui temporise depuis une dizaine d’années l’achat d’une nouvelle tranche d’appareils, cette fois-ci dans une version multirôle similaire à celle acquise par le Qatar et le Koweit.

Alors qu’une commande de 48 appareils était attendue prochainement, pour un montant de 5 milliards £ (environ 6 milliards €), la presse anglaise a rapporté récemment que le contrat serait pour le moment bloqué par l’Allemagne dans le cadre des sanctions imposées suite à l’assassinat de Jamal Khashoggi. Pour les commentateurs britanniques, il s’agit à coup sûr d’un coût dur pour l’industrie britannique, alors que plusieurs milliers d’emplois dépendent de la chaîne d’assemblage de BAE, au nord de l’Angleterre. Des officiels britanniques et des représentants de BAE auraient ainsi exprimé leur inquiétude en cas d’annulation du contrat, ou de report au-delà de la date prévue de fin d’activité de la chaîne.

typhoon ECR 1 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Eurofighter présentait en 2019 une variante du Typhoon optimisée pour la guerre électronique, en vue de remplacer les Tornado ECR de la Luftwaffe

Cette situation, cependant, n’est pas sans soulever certains questionnements. D’une part, s’il peut être de bon ton de rendre l’Allemagne responsable des malheurs du programme industriel Eurofighter au Royaume-Uni, force est de constater que Berlin est le seul pays du consortium européen à considérer sérieusement de continuer à soutenir le Typhoon par des achats pour sa propre armée de l’air. D’autre part, les 72 Eurofighter Typhoon vendus par le Royaume-Uni à l’Arabie Saoudite avaient été prélevés sur les dotations prévues pour la Royal Air Force, et non pas rajoutées au cumul des commandes, privant ainsi les autres membres du consortium de retombées industrielles tout en réduisant la part des commandes britanniques, alors même que la juste répartition industrielle du programme devait être proportionnelle aux commandes de chacun. D’autant plus que le nombre de chasseurs en service au Royaume-Uni est à son plus bas historique et que le F-35 continue de ponctionner une grande partie des crédits d’équipement de la RAF au détriment de nouveaux achats d’Eurofighter par le Royaume-Uni, et pour le Royaume-Uni.

Au-delà, bien évidemment, une telle situation interroge à l’heure où l’Europe redistribue ses cartes aéronautiques autour des programmes Tempest et SCAF. Cela démontre les tensions industrielles et politiques qui peuvent se créer autour de la gestion multinationale d’un programme stratégique, tout en illustrant les risques diplomatiques liés aux ventes de ces équipements. Alors que la France est un des plus grands pourvoyeurs d’armes pour le Moyen-Orient, il conviendra ainsi de veiller à ce que sa coopération avec Berlin autour du NGF ne conduise pas à des crises diplomatiques de ce style à répétition.


Téléchargez l’article au format pdf


Pourquoi le budget du Fond Européen de Défense est-il menacé ?

Le 20 février prochain, les chefs d’Etats de l’Union européenne devront statuer sur le budget alloué au Fond Européen de Défense, et sur la proposition faite par la présidence Finlandaise visant à réduire de moitié l’enveloppe consacrée à cette effort de défense, afin de rééquilibrer le financement de la Politique Agricole Commune suite à la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union. La France, mais également la Commission Européenne et le Parlement Européen, ont fait savoir qu’ils étaient opposés à cette diminution. Pourtant, il est probable qu’une réduction sensible de l’enveloppe ait lieu, sur l’autel des équilibrages globaux des dépenses et investissements entre les états membres, avec probablement en arrière plan, un lobbying américain que l’on sait très hostile à cette initiative européenne.

Mais au delà des actions en sous-mains de certains, et des adaptations conjoncturelles, n’y aurait-il pas un ensemble de facteurs structuraux qui menacerait en permanence le financement de l’effort de défense européen ? et si tel est le cas, y a t’il une solution pour y remédier ?

European Patrol Corvette la Bulgarie dans la cooperation structuree permanente Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le programme de corvette européenne est un exemple des programmes menacés par une réduction des crédits européens consacrés au Fond Européen de Défense

Un déséquilibre structurel majeur

Comme l’ensemble des budgets relatifs aux programmes d’investissements industriels et de recherche de l’Union européenne dans les pays membres, le Fond Européen de Défense repose sur un budget alloué annuellement, prélevé sur le budget global de l’Union, et ventilé dans le financement de programmes reposant sur la coopération de plusieurs états européens. Les Etats et les entreprises spécialisées proposent des programmes coopératifs avec une partie du financement assumée par les Etats participants, et une partie du ressort du fond européen de défense. Mais l’industrie de Défense est très différente des autres secteurs d’investissement industriels et économiques de l’UE :

  • Seuls les Etats peuvent être clients des équipements et technologies développées
  • L’industrie de Défense existante en Europe est détenue par un petit nombre de pays, et suffirait à subvenir à l’ensemble des besoins en matière d’équipements de défense de l’ensemble des membres
  • Le principal fournisseur de ces équipements en Europe n’est pas européen. Ce sont les industries de défense américaine, même lorsque des équipements équivalents existent en Europe.
  • Le domaine est très concurrentiel, et le sera encore davantage dans les prochaines années avec la montée en puissance chinoise, sud-coréenne, turque, etc…
  • Certains pays, comme la France qui dispose, avec la Grande-Bretagne, de l’industrie de défense la plus importante et la plus performante de l’Union, ont des intérêts très divergents de ceux qui n’en disposent pas ou très peu, comme certains pays de l’Est, alors que d’autres n’ont qu’une industrie de défense spécialisée dans certains domaines, comme les Pays-bas, la Finlande, la Grèce.

De fait, la vision de l’efficacité de l’investissement européen en matière de défense diffère considérablement selon que l’on soit Roumain, Polonais, Suédois ou Français. En outre, les Etats-Unis tentent autant que faire ce peu, de déstabiliser cette initiative susceptible de renforcer l’autonomie stratégique européenne, de lui fermer d’importants débouchés d’exportation et de la concurrencer sur les marchés d’exportation plus efficacement. Des pays comme la Pologne, les Pays-Bas, la Suède ou l’Italie ont ainsi développé leur propre offres et équipements de défense sur la base de technologies américaines, et en partenariat avec l’industrie de défense US.

gripene eajp 00 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le Gripen E suédois intègre bien davantage de technologies américaines que de technologies européennes, en premier lieu desquelles le moteur F414

En d’autres termes, pour de nombreux pays, le fonctionnement proposé pour le Fond Européen de Défense, et son financement, n’apportent pas de valeur ajoutée suffisante pour justifier d’en promouvoir le bon fonctionnement au delà des autres volets d’investissement européens, comme la Politique Agricole Commune. Et de considérer, dès lors, ce budget d’investissement non pas comme un outil pour renforcer l’industrie de défense à l’échelle européenne, mais comme une valeur d’ajustement entre les grands programmes européens, pour équilibrer autant que possible les dépenses consenties par chaque pays avec les investissements reçus.

Changer de perspective pour changer de paradigme

Dans ce cas, les initiatives européennes en faveur de l’industrie de défense sont elles condamnées à péricliter ?
Pas nécessairement, mais il sera nécessaire d’en changer profondément le fonctionnement et le mode de financement, pour les rendre attractives et pérennes .

En premier lieu, il est important de rappeler le principe de la doctrine économique « Défense à Valorisation Positive », déjà traitée à plusieurs reprises ici-même. La Défense à Valorisation Positive, ou DVP, permet de calculer le retour budgétaire pour l’Etat de l’investissement dans l’industrie de défense, de manière étendue, c’est à dire en prenant compte non seulement des recettes mais des économies budgétaires réalisées suite à cet investissement. En France, par exemple, ce retour budgétaire excède 100% des montants investis, et peu même atteindre et dépasser les 150% en prenant en considération les exportations.
Pour un pays comme la Grèce, qui dispose d’une industrie de défense capable de produire une partie des équipements, le retour budgétaire peut atteindre 65% à 75% selon les programmes. En outre, la DVP permet d’évaluer le solde social de cet investissement, en matière d’emplois créés et/ou préservés, et en matière de recettes et économies sociales (chômage, vieillesse, maladie…) consécutives à cet investissement. Là encore, en France, le solde social est très performant, avec 25 emplois créés et 900.000 € de solde social par million d’euro investis, très au delà des autres investissement d’état qui ne dépasse que rarement les 12 emplois créés. En Grèce, le nombre d’emplois créés peut atteindre les 35 emplois par m€, mais le solde social est limité à 450.000 €.

Pour en savoir plus sur la Défense à Valorisation Positive, cliquez ici

Intégrer la Défense à Valorisation Positive dans la construction du Fond Européen de Défense et dans son financement permettrait, dès lors, de profondément en changer le fonctionnement, l’efficacité, l’attractivité et, de fait, la pérennité. En effet, il serait possible de faire reposer la majeure partie de l’investissement des programmes sur les Etats qui en assurent l’essentiel de la production, le financement purement européen ne constituant dés lors qu’une part minoritaire. Ce financement porterait non seulement sur les programmes de Recherche et de Développement, mais sur la production industrielle elle-même, changeant profondément la perception que pourraient en avoir de nombreux pays.

Char de combat K2 du Sud coreen Hyundai Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
La Pologne s’intéresse au char de combat K2 sud-coréen, et a déjà acquis 150 canons automoteurs K9 de même origine. Dans les deux cas, des alternatives européennes existaient

En effet, si 50% des couts de production d’un équipement « européen » était payés par les Etats percevant les retombées économiques consécutives de ce programme, les couts d’acquisition des équipements européens deviendraient naturellement très attractifs. En outre, il ne serait pas nécessaire de tenter de developper, comme aujourd’hui, des infrastructures industrielles sur-capacitaires pour espérer récupérer quelques recettes de l’investissement consenti. De nombreux états européens conditionnent leurs acquisitions d’équipements de défense à des transferts de technologie et des prestations locales. Mais quel est la pérennité d’une nouvelle usine d’assemblage d’hélicoptères alors que celles présentes en Europe suffisent déjà à répondre à la demande, et que de nouveaux acteurs, comme la Chine, vont probablement réduire le marché adressable mondial ?

Conclusion

Il est donc possible non seulement de sanctuariser le financement du Fond Européen de Défense, mais d’en étendre les moyens. En outre, en acceptant de ne pas intégrer les investissements réalisés dans ce domaine dans le déficit public et la dette publique, avec des limites raisonnables évidemment, l’Union européenne pourrait donner à cette initiative un dynamisme et des moyens inespérés, capables de supplanter le lobbying US, et de renforcer considérablement les crédits en matières d’innovation, de recherche, et d’investissement industriels européens autour de La Défense, avec, en corollaire, une autonomie stratégique effective. Encore faudra-t-il vaincre les conservatismes puissants en matière de finances publiques de certains Etats membres, Allemagne en tête.

Si la France veut effectivement amener les Européen à changer leur perception en matière de Défense, elle ne peut se contenter de discours et de jugements corrosifs. Elle se doit de montrer le chemin, et d’innover elle même dans sa propre ingénierie budgétaire pour investir dans sa défense, et retrouver sa propre autonomie stratégique. La France pourrait ainsi promouvoir sa conception d’une Europe puissante en se basant sur son propre exemple de réussite en la matière. Si tant est qu’elle aussi, parvienne à vaincre ses propres conservatismes …


Téléchargez l’article au format pdf


Le Rafale a terminé sa campagne d’essais en Finlande

En Europe, le Rafale est engagé dans deux compétitions internationales visant toutes deux à remplacer des F/A-18C/D Hornet. Après la Suisse, qui a évalué le Rafale l’été dernier sur la base de Payerne, c’était donc au tour de la Finlande d’inviter Dassault à présenter son Rafale sur la base de Tampere-Pirkkala dans le cadre de la compétition HX. Cette évaluation fait suite à celle du Eurofighter Typhoon et précède celle du Saab Gripen E, qui débute demain. Par la suite, les forces aériennes finlandaises recevront le F-35 de Lockheed Martin puis, dans la foulée, le F/A-18E/F Super Hornet de Boeing.

C’est donc le 20 janvier que deux Rafale sont arrivés en Finlande, et leur retour en France est attendu aujourd’hui même. Il s’agit de deux biplaces, le Rafale B n°354 de l’Armée de l’Air et le Rafale B n°301 utilisé par la DGA et Dassault Aviation pour la mise au point des derniers standards de l’appareils. Ce sont donc, a priori, les mêmes appareils que ceux qui avaient été déployés en Suisse. Tous deux sont au standard F3R, aujourd’hui opérationnel dans les forces françaises, mais le n°301 semble incorporer des éléments propres à un avion d’essais et représentatifs de certaines fonctionnalités en cours de développement pour le standard F4 ou pour certains clients étrangers.

Le Rafale lors des tests en Finlande Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le Rafale connait bien la Finlande, pour y avoir effectué une partie des essais de ses campagnes de certification

La campagne d’essais d’une semaine a pour but d’évaluer le Rafale dans les conditions opérationnelles de l’hiver arctique, un environnement particulièrement contraignant mais que les équipages de Rafale connaissent bien pour y avoir été régulièrement déployés en exercices. Au cours de la semaine, les deux chasseurs biplaces ont mené un programme intensif de tests, comprenant des combats aériens dissymétriques contre des Hornet et Hawk finlandais, des assauts à terre, des simulations de missions de pénétrations ou encore des missions de reconnaissance.

Dans la compétition HX, le Rafale fait pour l’heure office de challenger, au moins aux yeux du grand public et de la presse locale. Il faut dire que l’avion français souffre d’un manque criant de visibilité, alors même que SAAB, Eurofighter ou encore Lockheed Martin ont mené des campagnes de lobbying intenses auprès des médias finlandais. Au point que certains d’entre eux se sont vus recadrés par les autorités, notamment pour éviter toute tentative de corruption vis-à-vis des membres du comité en charge du dossier. Néanmoins, pour nombre d’analystes et de bookmakers, le message est déjà passé et bien ancré au fond des esprits, renvoyant le Rafale au rang de concurrent sans grande chance face aux rouleau compresseur américain ou au local de l’étape, le Suédois Gripen E/F.

81945298 2793105350753426 8769541581628768256 o Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
L’Eurofighter Typhoon lors de son évaluation en Finlande. Si l’appareil se présente comme une solution européenne, c’est aussi la solution la plus risquée à long terme sur le plan industriel et logistique

En attendant, comme à son habitude, Dassault Aviation joue les bons élèves et réalise une campagne de charme à destination des évaluateurs basée sur les qualités techniques de l’appareil. Et il faut bien reconnaître que, sur ce plan, le Rafale ne manque pas d’arguments.

  • D’une part, la conception même de l’appareil répond parfaitement au besoin de remplacement du Hornet, l’appareil français étant un biréacteur de hautes performances aussi à l’aise pour les missions d’interception que pour la frappe au sol ou l’assaut à la mer, ce dont ne peut se targuer aucun autre concurrent de la compétition.
  • D’autre part, les équipements embarqués sur les deux avions de tests étaient représentatifs de la variante opérationnelle de l’appareil. Or, le système d’autoprotection SPECTRA, la nouvelle nacelle de désignation laser et de reconnaissance TALIOS ou encore le missile à très longue portée METEOR sont aujourd’hui parmi les meilleurs systèmes au monde, chacun dans leur catégorie. Et cela sans même parler de l’antenne SATCOM ou du viseur de casque Targo qui ont été repérés sur les appareils déployés en Finlande. Si ces systèmes ont déjà de quoi briller en soi, les éventuels futurs Rafale finlandais seraient livrés au standard F4, nettement plus avancé en matière de systèmes électroniques, de communication et d’armements.
  • Enfin, la carrière opérationnelle du Rafale n’a plus à démontrer ses performances au combat ou encore ses qualités en matière de logistique. Un point qui intéresse particulièrement les forces aériennes finlandaises dès lors que la doctrine nationale entend pouvoir assurer la conduite d’opérations aériennes en toute autonomie, sans attendre d’aide militaire ou logistique de la part de ses alliés.

Et, au-delà des aspects techniques et opérationnels, l’offre française n’est pas dépourvue de potentiel politique et diplomatique. Si les relations entre Helsinki et Stockholm restent solides, malgré quelques tensions ponctuelles, les autorités civiles et militaires locales commencent à douter de la solidité de leurs relations transatlantiques, particulièrement dans un contexte de tensions avec la Russie. A l’inverse, la France apparaît comme un allié continental solide et un fournisseur d’armement fiable, doté d’une politique étrangère globalement alignée sur celle d’Helsinki. La participation française aux dispositifs de renforcement de l’OTAN dans la Baltique tout comme son volontarisme au sein des instances de défense européennes pourraient également jouer en faveur de l’offre de Paris. Enfin, la France a historiquement la réputation de ne pas entraver la libre utilisation du matériel militaire qu’elle fournit, tout en étant généralement un bon élève en matière d’offsets, le contrat HX imposant au moins 30% de retombées industrielles en Finlande.

82842361 2816713655059262 834602292681375744 o Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le Rafale B 301 avant un vol d’évaluation. Les biplaces envoyés en Finlande auraient permis d’effectuer des vols avec observateurs des forces aériennes finlandaises.

Dans un tel contexte, on ne peut que regretter l’absence d’une campagne de communication dirigée vers le grand public, la presse généraliste et spécialisée locale ou encore les décideurs politiques, comme bien trop souvent avec les propositions françaises dans des appels d’offre internationaux. En laissant ce champ libre à la concurrence anglo-saxone et surtout aux Suédois de chez SAAB, et en se reposant uniquement sur le volet diplomatique pour convaincre la sphère politique finlandaise, Dassault Aviation se prive de la possibilité de mobiliser des leviers d’opinions locaux, dont certains semblent pourtant convaincus par les arguments techniques de l’avionneur français. Pire encore, il risque de renvoyer l’image d’un concurrent peu investi, en manque de motivations commerciales et, par effet de bord, diplomatiques. Alors même que la décision, comme en Suisse, sera in fine politique, indépendamment du succès des évaluations et de l’opinion de la force aérienne.

Après la phase d’essais, l’appel d’offre devrait être lancé en juillet de cette année, et les offres des différents concurrents soumise avant la fin 2020, pour une décision en 2021. Lors de la dernière compétition, le Mirage 2000 avait été finaliste face au Hornet, son élimination étant due à la complexité de sa logistique, devenue aujourd’hui un des points forts du Rafale. De quoi permettre de souhaiter plus de chance au dernier-né de Dassault que n’en avait eu son prédécesseur.


Téléchargez l’article au format pdf


La British Army dévoile le char Streetfighter II alors que l’avenir du Challenger 2 reste incertain

La British Army a dévoilé le démonstrateur de char Streetfighter II conçu sur les enseignements des engagements récents sur la base du Challenger 2, sans qu’elle ait la certitude de pouvoir maintenir sa composante de chars de combat dans un avenir proche.

Il y a quelques jours, suite à un exercice à Coperhill Down, le Royal Tank Regiment de la British Army a dévoilé un démonstrateur de char de combat Challenger 2 optimisé pour le combat urbain. Désignée Streetfighter II, cette variante modifiée du char de combat britannique fait suite au Streetfighter premier du nom, un autre démonstrateur destiné à tester l’intégration de drones roulants, de nouveaux blindages anti-IED, d’une caméra arrière ou encore d’une tourelle téléopérée pour l’armement secondaire.

La nouvelle mouture du Challenger 2 présentée par la British Army dispose d’un ensemble de modifications devant permettre au char d’améliorer ses performances globales au combat, notamment en zones urbaines ou semi-urbaines.

Depuis le désastre de l’intervention russe dans Grozny en 1994, les chars lourds ont été de plus en plus souvent amenés à combattre au cœur des villes, où ils fournissent un appui lourd aux troupes d’infanterie ou aux forces spéciales.

Cependant, ces espaces se sont rapidement avérés très complexes à gérer, particulièrement pour des véhicules lourds et peu maniables. L’intrication des populations civiles et des combattants, l’impossibilité de manœuvrer à sa guise, mais aussi la prise en compte de menaces venues de dessus et de dessous (étages des immeubles, souterrains, etc.) ne permettent pas de tirer le meilleur parti des chars lourds.

streetfighter 1 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le Streetfighter II est basé sur la même cellule que le Streetfighter I, ici représenté avec un drone tout terrain. Aucun de ces démonstrateurs ne devrait cependant donner naissance à une variante opérationnelle.

Dans un tel contexte, la British Army a modifié un Challenger 2 destiné aux essais pour lui inclure des équipements devant permettre d’améliorer sa létalité, sa connaissance de la situation tactique et ses capacités de coopération avec les troupes d’infanterie alliées.

  • Sur le plan de la létalité augmentée, le char Streetfighter II intègre une mitrailleuse en tourelleau de 12,7 mm contre 7,62 mm pour les Challenger 2 opérationnels. Mais, surtout, un caisson intégré à gauche de la tourelle permet de mettre en œuvre un missile antichar longue portée Brimstone.
  • Pour améliorer la connaissance de la situation tactique, le Royal Tank Regiment a travaillé en collaboration avec Elbit Systems UK pour l’intégration du système de vision synthétique IronVision. Ce système utilise des caméras disposées tout autour du véhicule permettant d’offrir une vision à 360°, en temps réel, projetée sur un HUD fixé sur le casque de l’équipage.
  • Pour la coopération avec l’infanterie alliée, le Streetfighter II dispose de communications améliorées, mais surtout d’équipements prépositionnés sur sa coque afin de fournir aux troupes alliées des kits médicaux, des stocks de munitions ou du matériel logistique. Des supports sont également intégrés au blindage pour permettre de transporter directement des fantassins à l’extérieur du char.

Avec toutes ces modifications, le Streetfighter II devrait permettre aux chars de combat de la British Army d’agir comme de véritables centres névralgiques du combat urbain. En communication directe avec les véhicules et l’infanterie alentour, les chars pourraient ainsi collecter des informations sur les positions ennemies et les communiquer à l’échelon tactique, appuyer les déploiements de fantassins, détruire des positions avancées ennemies, tout en résistant au feu adverse.

Challengers elbit Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le Streetfighter II, à gauche sur l’image, reprend le camouflage urbain qui était porté par les tanks britanniques déployés à Berlin Ouest durant la Guerre froide.

Bien entendu, cette mise à niveau du Challenger 2, à l’instar des modifications qu’ont pu connaître le M1 Abrams américain ou le Leclerc français, ne transforme pas radicalement l’utilité tactique du char de combat en milieu urbain.

Si les améliorations le rendent plus résilient à ce type d’engagement, les vulnérabilités d’un char lourd en environnement fermé ne disparaissent pas pour autant. Le manque de maniabilité de ces engins et leur blindage moindre sous la caisse et sur la tourelle continuent d’en faire des cibles privilégiées pour l’aviation adverse, mais aussi pour l’artillerie guidée ou l’infanterie équipée de missiles antichars légers. D’autant plus que l’utilisation de systèmes de protections actives est particulièrement complexe à proximité de fantassins alliés.

Dans les faits, ce type de modernisations s’avère nécessaires pour permettre aux chars d’assaut de conserver leur rôle tactique traditionnel dans un environnement urbain clos, particulièrement contesté et imbriqué.

Ainsi, comme pour le combat en zones dégagées, les chars doivent continuer d’agir en coordination avec l’infanterie, mais aussi avec des véhicules blindés de combat et d’appui plus légers, qui leur offrent une couverture contre l’infanterie ennemie ou encore les menaces aériennes.

Plus que jamais, dans un environnement 3D particulièrement complexe, le combat urbain impose donc un haut niveau de coordination et de soutien mutuel entre les différents éléments des dispositifs alliés.

elbit challenger streetfighter Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le Streetfighter II est conçu directement par les militaires de la British Army afin de proposer, entre autres, des solutions améliorées de soutien à l’infanterie.

Malheureusement, malgré toute la bonne volonté des équipes du Royal Tank Regiment, tout laisse à croire que la variante Streetfighter II du Challenger 2 ne verra jamais le jour, ou en tout cas pas sous cette forme. En effet, la situation financière et matérielle des régiments britanniques est particulièrement inquiétante, notamment en matière de blindés.

Aujourd’hui, seuls deux régiments de première ligne et une unité d’entrainement se partagent environ 170 chars, dont 112 pour les régiments de combat. Alors que les régiments de blindés ont connu deux réductions drastiques de leurs effectifs en moins de dix ans, une troisième pourrait en effet se profiler à l’horizon.

En théorie, le programme Life Extension Project (LEP) ne devrait en effet permettre la modernisation que de 150 Challenger 2, mais le nombre total de chars modernisés tout comme le périmètre exact de la modernisation reste encore soumis à conditions de financement.

Longtemps opposés sur ce programme, Rheinmetall et BAE Systems ont formé une joint-venture en juillet 2019 qui se retrouve seule candidate pour le programme LEP. Ce dernier devrait porter en priorité sur un traitement des obsolescences, mais pourrait inclure un changement de canon au profit d’un L/55 120 mm lisse aux standards OTAN, une nouvelle vétronique de Thales.

AS90 british Army Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
En matière d’artillerie, la British Army fait également face à un manque criant de moyens matériels.

Cependant, fin 2019, le ministère de la Défense britannique a annoncé repousser d’encore deux ans le lancement du programme LEP. Le périmètre des modernisations, qui reste à définir, pourrait intégrer certaines des capacités dévoilées avec le Streetfighter II, mais certainement pas toutes.

Pire encore, selon l’impact économique du Brexit, le programme LEP pourrait bien ne concerner que le traitement des obsolescences, et réduire encore le format blindé de l’Army à un unique régiment, voire signer la fin des chars de combat lourds au Royaume-Uni.

Alors que la France ne compte plus que 220 chars Leclerc, que l’Allemagne n’aligne plus que trois centaines de Leopard 2 et que la Belgique a décidé de se passer tout simplement de cette capacité, rien n’interdit d’imaginer qu’une nation insulaire comme le Royaume-Uni, aussi expéditionnaire qu’elle puisse être, finisse par se passer définitivement d’une cavalerie blindée.


Téléchargez l’article au format pdf


Fincantieri renforce ses liens avec le Qatar

Les chantiers navals italiens Fincantieri et le Ministère Qatari de La Défense ont signé un Mémorandum of Understanding (MoU) afin de renforcer les liens et les travaux conjoints entre le groupe naval italien et la holding Barzan détenue par l’Etat du Qatar. Cet accord porte sur la coopération technologique en matière de construction navale, mais également de Cybersecurité et de radar, et pourrait donner lieu à de nouvelles commandes. En outre, il intègre la construction de la base navale d’ou opéreront les nouveaux bâtiments de la flotte commandée en 2016, ainsi que l’ensemble des prestations de service entourant cette flotte, comme la maintenance et la formation des équipages.

Avec ce MoU, Fincantieri s’impose donc comme le partenaire à long terme de Doha dans les questions navales, verrouillant tous les aspects de la coopération, qu’ils soient industriels, opérationnels ou commerciaux. Le groupe italien entend bien profiter de cette position pour rayonner dans tout le Moyen-Orient, et a d’ailleurs créé une filiale à cette effet à Doha. Mais si Rome et Doha se retrouvent sur de nombreux dossiers internationaux, notamment, par exemple, en Libye, le choix du Qatar pourrait s’avérer beaucoup moins pertinent qu’il n’y parait, tant le schisme entre l’alliance de fait du Qatar, de la Turquie et du Pakistan ressemblés sous la main mise des Frères Musulmans, devient antagoniste de celle rassemblant la majorité des pays sunnites autour de l’Arabie saoudite, l’Egypte et les Emirats Arabes Unis.

Corvette qatar Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Vue d’artiste des futures corvettes anti-aériennes de la marine Qatari qui seront construites par Fincantieri

Force est toutefois de constater la proximité qui existe aujourd’hui entre les pays appartenant à cette alliance de fait autour des Freres Musulmans, et Rome, surtout lorsqu’il s’agit de questions de Défense. Ainsi, outre le contrat des 4 corvettes, 2 OPV et du porte-hélicoptères Qatari signé en 2016 entre Fincantieri et Doha, c’est également un transfert de technologie massif en provenance de Rome qui permit à Ankara de construire l’hélicoptère T-129 Atack, version turque du A-129 Mangusta, par ailleurs exporté … au Pakistan. C’est également vers l’Italie que menace de se retourner le président Erdogan si la France venait à persister dans son refus de transférer certaines technologies autour du programme de système de défense aérienne longue portée basé sur l’Aster franco-italien. Et si l’Italie avait joint l’élan européen concernant l’embargo sur les armes vers la Turquie suite à l’offensive menée dans le nord de la Syrie contre les kurdes du YPG alliés des occidentaux contre Daesh, il ne semble pas avoir toucher la production d’hélicoptères T-129 pourtant employés dans cette offensive.

Alors que les relations entre l’Emir du Qatar et la France sont particulièrement tendues, ayant presque menées à l’annulation du contrat portant sur l’acquisition de 490 VBCI 2 il y a quelques semaines, Rome apparait très opportunément comme prête à reprendre le flambeau dans ce pays. Si Paris et Rome parviennent à se coordonner dans la Région, ce redéploiement des zones d’influence sera bénéfique à l’influence globale européenne au Moyen-Orient. L’exemple du contrat Qatari de 2018 portant sur 28 HN90 pour presque 3 Md€, 12 en version Navale NFH assemblés en Italie par Leonardo, et 16 en version transport tactique TTH assemblés à Marignane par Airbus Helicopters avec les 16 H125 écureuil également commandés, montre le potentiel de cette coopération, lorsqu’elle est bien menée. Dans le cas contraire, cela risque de créer beaucoup de tensions, tant entre les deux pays européens partenaires en bien des domaines, que dans la région du Golfe.


Téléchargez l’article au format pdf


MBDA dévoile son missile SPEAR EW pour éliminer les défenses anti-aériennes adverses

La suppression des défenses anti-aériennes est reconnue comme étant le point faible des forces aériennes européennes, qui ne disposent ni d’avions de soutien dédiés au brouillage, comme l’EG-18 Growler américain, ni de munition air-sol spécialisée dans cette mission de facture européenne. Du moins était-ce la cas jusqu’à présent, puisque le missilier européen MBDA en partenariat avec l’italien Leonardo, ont présenté leur nouveau missile SPEAR EW (Electronical Warfare ou Guerre électronique), destiné prioritairement à équiper les avions Typhoon européens.

Jusqu’à aujourd’hui, les missions SEAD (Search and Destroy) destinées à éliminer les défenses anti-aériennes adverses étaient confiées à des appareils pouvant mettre en oeuvre le missile anti-radar AGM-88 HARM de facture américaine. Le missile de Raytheon, évolution de l’AGM-45 Shrike qui fit ses début lors de la guerre du Vietnam, peut détruire un radar distant de 150 km, a été qualifié sur F16, F18, Tornado et Typhoon, et a été acquis en Europe par l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la Grèce. Pour trouver sa cible, le HARM dispose d’un autodirecteur radar passif à large bande, capable de remonter le faisceau électromagnétique d’un radar jusqu’à sa source pour la détruire. Même si le radar cessait d’émettre, le missile continuerait de cibler la dernière position connue et peut donc détruire la source, sauf si celle ci a été déplacée rapidement.

Tornado allemand equipe du missile HARM Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Les Tornado ECR de la Luftwaffe emportent des missiles HARM anti-radiation. l’Allemagne a récemment commandé 91 de ces missiles à l’américain Raytheon

Mais telle n’est pas la fonction du SPEAR EW. En effet, le nouveau missile de MBDA n’a pas pour finalité de détruire un radar, mais de neutraliser un ou plusieurs radars dans une zone donnée, grâce à un puissant brouilleur embarqué prenant la place de la traditionnelle charge militaire. Ainsi, le missile, conçu pour équiper les Typhoon, peut brouiller et leurrer les radars de surveillance, et amener les radars de conduite de tir, ceux qui dirigent les missiles anti-aériens, à se révéler, en simulant un nombre importants de cibles qui n’existent pas, permettant ainsi de les éliminer avec des missiles HARM ou plus simplement avec des munitions air sol de précision.

La technologie choisie par le missilier européen et son partenaire italien est en fait particulièrement interessante, car elle permet de neutraliser non pas 1 ou 2, mais de nombreux radars simultanément, le temps d’effectuer la mission. Elle est donc particulièrement efficace contre des défenses anti-aériennes denses et redondantes comme celles misent en oeuvre par la Russie ou la Chine. En effet, la suppression d’un ou deux radars d’une batterie Buk ou S400 n’élimine nullement la menace, les missiles pouvant être guidés par les autres radars du théâtre. En outre, elle est non létale, ce qui peut s’avérer crucial pour neutraliser une menace potentielle sans pour autant engager une action de guerre. Sur certains théâtres, comme en Syrie, une telle fonctionnalité peut s’avérer déterminante pour mener des actions sans risquer une escalade dramatique.

Rafale.SCALP EG AdlA 1068x710 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Construction aéronautique militaire
Le missile de croisière SCALP et le système SPECTRA du Rafale lui offre des capacités limitées pour éliminer des défenses aériennes modernes, mais l’absence de missiles anti-radiation et/ou de systèmes de brouillage comme le SPEAR EW en restreignent la portée et la durée.

Reste que l’absence d’un avion spécialisé dans les missions de brouillage, capable de neutraliser de manière continue, les radars d’un adversaire potentiel est une faiblesse stratégique pour les forces aériennes européennes, et plus particulièrement pour les forces françaises. Certes, la pénétration à basse altitude et le système de protection SPECTRA du Rafale offrent des options tactiques, mais sans avion de brouillage ni même de munition air-sol anti-radar en stock, l’Armée de l’Air et l’Aéronavale françaises sont handicapées dès lors qu’il s’agirait de se confronter à des systèmes de défense anti-aériens modernes et denses. Et si l’utilisation du missile de croisière aéroportée SCALP offre une alternative, elle ne peut être que très limité eu égard au nombre de missiles à disposition ou en phase de modernisation. Dans ce domaine, le programme européen Airborn Electronic Attack, rassemblant l’Espagne (Indra), l’Allemagne (Hensoldt), la France (Thales), l’Italie (Leonardo) et la Suède (Saab), apparait comme l’un des plus stratégique de la Coopération Permanente Structurée ou PeSCO. Esperons que les atermoiements politiques et budgétaires européens ne toucheront pas ce programme critique et très attendu.


Téléchargez l’article au format pdf