jeudi, décembre 4, 2025
Accueil Blog Page 296

La DGA notifie la commande de 54 Griffon MEPAC dotés de mortiers de 120mm 2M2R

Dans un communiqué de presse publié le 24 janvier, le GME Scorpion –Groupement Momentané d’Entreprises constitué de Nexter, Arquus et Thales– déclarait que la DGA leur avait notifié le 30 décembre 2019 d’un nouvel avenant au contrat du programme SCORPION. Cet avenant porte sur la commande attendue depuis l’été dernier de 54 véhicules blindés multi-rôles Griffon équipés pour embarquer un mortier rayé de 120mm dans leur soute. L’avenant permet ainsi de respecter la cible des 1872 véhicules SCORPION prévue dans l’actuelle loi de programmation militaire.

Cette nouvelle variante du Griffon est désignée MEPAC, pour Mortier Embarqué Pour l’Appui au Contact, le mortier en question étant le 2R2M de Thales. Véritable succès international, et déjà éprouvé au combat, ce mortier de nouvelle génération est conçu pour être embarqué à bord de véhicules motorisés. Il équipe ainsi l’Arabie Saoudite, à bord de véhicules M113, l’Italie à bord de 8×8 Freccia, la Malaisie sur des véhicules chenillés et des 8×8 co-conçus avec la Turquie, ou encore le Sultanat d’Oman sur une base de VAB. Une version dérivée du 2R2M, le Dragon Fire, équipe également l’USMC à bord de LAV-25, ou bien tracté par des Humvee. En préparation du contrat Griffon MEPAC, l’Armée de Terre a également testé le MEPAC à bord d’un VAB 6×6 modifié pour les circonstances.

DCV9bBEXgAEbdnt Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Un VAB 6×6 a été spécialement modifié pour permettre de tester le 2M2R embarqué dans des conditions opérationnelles. Si certains VAB 4×4 avaient été livrés avec un mortier de 81mm, l’Armée de Terre n’opère plus aujourd’hui que des mortiers tractés.

Sur le plan technique, le Griffon MEPAC sera équipé d’un toit ouvrant sur sa cabine arrière afin de permettre la mise en œuvre rapide du mortier, l’avant du véhicule conservant la tourelle d’autodéfense des variantes transport de troupe du Griffon. Le 2R2M est un mortier de 120mm rayé équipé d’un frein de recul lui offrant deux fois plus de précision qu’un mortier tracté 120RT actuellement en service dans l’Armée de Terre. Doté d’un système de recharge semi-automatisé, le 2R2M est mis en œuvre par deux hommes uniquement, et dispose d’une cadence de tir de 10 coups par minute. Son installation à bord d’un Griffon permet un déploiement extrêmement rapide, quelques secondes seulement après l’arrêt du véhicule. Le système dans son ensemble est particulièrement mobile, permettant de déplacer le véhicule avant même que les premiers obus tirés ne touchent leur cible. Les mortiers étant conçus pour opérer au contact, à seulement une dizaine de kilomètres de leur cible, cette mobilité améliore considérablement leur survivabilité notamment face au tirs de contre-batterie ennemis.

Dans le cadre du programme SCORPION, le MEPAC sera pleinement intégré aux outils numériques de gestion en réseau des combats, ce qui n’est pas le cas pour les mortiers tractés. Le système de gestion des feux ATLAS de Thales permet ainsi d’optimiser les effets tactiques de toutes les pièces d’artillerie disponibles sur le théâtre des opérations, en liaison avec les divers systèmes de commandement de l’Armée de Terre, tout en étant interopérable avec les équipements alliés. La désignation des cibles pourra ainsi se faire par le biais des unités au contact, via une liaison de données, par l’optronique optimisée des Griffon MEPAC, mais aussi par le biais de micro-drones embarqués à bord des véhicules Griffon. En cas d’environnement numérique brouillé ou contesté, les Griffon MEPAC conserveront une capacité d’opérer en mode dégradé, avec un chargement et un réglage du feu manuel.

MEPAC Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le système 2R2M est particulièrement compact, son chargement semi-automatisé permettant une mise en oeuvre par deux personnes uniquement.

Pour le moment, la DGA et le GME Scorpion n’ont pas communiqué directement sur le choix des munitions devant être intégrées sur les 2R2M des Griffon MEPAC. Il semblerait toutefois que, en plus des munitions actuellement opérées par les mortiers 120mm de l’Armée de Terre, les Griffon MEPAC puissent embarqués des munitions de nouvelle génération. Thales et TDA travaillent ainsi sur une famille de munitions MURAT (Munition à Risque Atténuée) plus fiables et plus sûres à manipuler, et disposant également d’une portée améliorée de 10 ou 12%. L’industriel français propose également des munitions guidées dotées d’une précision métrique à des distances entre 15 et 18km. De quoi améliorer à la fois la portée et la précision du soutien d’artillerie dispensé par les mortiers dans les années à venir.

Attendus pour être livrés entre 2023 et 2027, les Griffon MEPAC sont avant tout adaptés au combat de haute intensité, et resteront en cela complémentaires des canons de 155mm et des mortiers tractés, qui connaissent un véritable succès opérationnel au sein de l’Armée de Terre. Comparativement à un canon automoteur Caesar, le MEPAC disposera d’une plus faible portée de tir, mais d’une bien meilleure mobilité. Basé sur le châssis Griffon, nouvelle monture de référence de l’Armée de Terre, le MEPAC pourra accompagner toutes les unités au plus près des combats, et sera bien plus facilement repositionnable que des canons de 155mm, même automoteurs. Toutefois, Griffon MEPAC restera sans doute trop lourd et spécialisé pour remplacer les 120RT tractés. Ces derniers peuvent être mis en place plus facilement, dernière un 4×4 léger ou sous un treuil d’hélicoptère. Toutefois, ils ne disposent pas de la même protection, de la précision de tir ou de la capacité à opérer en réseau des futurs MEPAC.

Si le Griffon MEPAC va apporter une toute nouvelle dimension à l’appui-feu par mortier, via sa connectivité, sa mobilité et sa précision, on notera toutefois que l’Armée de Terre a fait le choix, comme la plupart des forces terrestres actuelles, d’un système connu et maîtrisé. A bord du MEPAC, les améliorations systémiques sont avant tout incrémentales, le concept du mortier de 120mm étant amélioré à la marge pour lui permettre d’opérer dans les combats infocentrés des prochaines décennies.

MIGALE AAROK TURGIS GAILLARD Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le combat en réseau ouvre théoriquement la voie à des capacités d’appui-feu dispersées sur des véhicules de combat, de transport d’infanterie ou, ici, des forces spéciales. La solution présentée par AA/ROK, à partir de technologies existantes, allait dans ce sens.

On est ainsi assez loin des solutions de ruptures tant technologiques que conceptuelles qui avaient pu être un temps proposées par des acteurs industriels émergents ou des bureaux d’études indépendants. On se souvient ainsi du système SSA-1108 MIGALe (munition interarmes guidée d’appui léger) qui avait été présenté par le bureau d’étude AA/ROK, aujourd’hui intégré au groupe Turgis & Gaillard. Cette solution ingénieuse reprenait un propulseur de missile Mistral, un autodirecteur d’AASM, et les possibilités de désignation de cibles en réseau offertes par SCORPION. Des modules de 8 à 12 missiles légers auraient ainsi pu être intégrés à n’importe quel véhicule Griffon, entre-autres, permettant de diluer les capacités d’appui-feu et de se passer d’unités spécialisées équipées de véhicules MEPAC.

Si une telle approche s’avère séduisante sur le papier, elle est sans doute également à la fois trop coûteuse à développer et à mettre en œuvre, et trop innovante pour convenir aux structures de forces et aux doctrines d’emploi actuelles. De plus, contrairement à une solution d’artillerie ou de mortier classique, de tels missiles opérant en réseaux ne permettent pas une utilisation en mode dégradé. Néanmoins, si les promesses faites en matière de combat info-centré ou de miniaturisation des systèmes de guidage d’artillerie sont tenues, les missiles polyvalents légers devraient rapidement trouver leur place dans l’appui-feu. Ainsi, dans le cadre du concept Lynkeus, MBDA et Novadem auraient déjà réalisé des essais visant à permettre à un micro-drone NX70 de désigner une cible « à l’aveugle » à un missile MMP, qui sera intégré de base sur le Jaguar, l’autre véhicule phare du programme SCORPION.


Téléchargez l’article au format pdf


Nouvelles fonctionnalités pour les abonnés méta-defense

0

De nouvelles fonctionnalités font leurs apparitions sur le service Meta-Défense :

  • Les articles restent désormais en parti consultables au delà des 48 heures d’accès public (les 2 premiers paragraphes)
  • Les abonnés professionels peuvent désormais télécharger les articles au format .pdf notamment pour pouvoir copier-coller partiellement le contenu. La publication des .pdf en langue anglaise, puis d’en d’autres langues, se fera progressivement.
  • En revanche, du fait de nombreux excès constatés, les fonctionnalités permettant le copier-coller des articles ont été désactivées.
  • A venir mi-février, tous les abonnés pourront télécharger les articles en Podcast en français.
  • Enfin, depuis la fin de la période de promotion de Noël, la souscription d’un abonnement avec paiement annuel vous offrira 15 mois d’abonnement pour le prix de 10 mois en abonnement mensuel.

D’autres fonctionnalités pour les abonnés personnels et professionels vont être publiées dans les prochaines semaines.

Création d’un commandement de défense spatiale au Japon

Après la création officielle de l’US Space Force le 20 décembre 2019, ou encore celle d’un Commandement de l’espace au sein de l’Armée de l’Air française le 9 janvier dernier, c’est maintenant au tour du Japon d’annoncer la formation d’une unité de défense spatiale, comme le rapporte Mari Yamaguchi de Associated Press. Le Premier Ministre japonais, Shinzo Abe, a déclaré ce lundi que cette nouvelle unité serait opérationnelle d’ici 2022 afin de protéger le pays contre toutes menaces spatiales, en coordination étroite avec l’US Space Force qui devrait connaître une montée en puissance significative dans les quatre prochaines années.

L’unité spécialisée dans les missions du domaine spatial (Space Domain Mission Unit) débutera ses activités au sein de la Force Aérienne d’Autodéfense Japonaise (JASDF) à partir du mois d’avril, avec un quartier général établi sur la base aérienne de Fuchu, à l’ouest de Tokyo. Une vingtaine de personnes devraient initialement y travailler, mais les ressources humaines devraient rapidement augmenter d’ici à la fin 2022.

h3 main 001 Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le Japon dispose d’une gamme complète de lanceurs spatiaux, capables de déployer des satellites lourds géostationnaires mais aussi, si nécessaire, des constellations de petits satellites militaires en orbite basse

Dans un premier temps, la SDMU sera chargée de gérer les communications et la navigation par satellite au profit des forces japonaises. Par la suite, les fonctions de cette unité seront élargies à la protection contre toute menace exo-atmosphérique. Le spectre exact de ces compétences devrait être défini dans les deux années à venir, mais il pourra s’agir d’assurer :

  • Le suivi des vecteurs spatiaux adverses,
  • La détection à très haute altitude des missiles balistiques, planeurs hypersoniques et autres intercepteurs exo-atmosphériques,
  • La protection des satellites japonais contre les agressions physiques et les menaces accidentelles,
  • La protection des satellites contre les agressions cyber et électromagnétiques,
  • Le soutien aux opérations de la JAXA, l’agence d’exploration spatiale japonaise.

La création de cette unité, loin de répondre uniquement à la mise en fonction du nouveau commandement américain, répond à un besoin bien établi sur le théâtre Asie-Pacifique. Les nouveaux vecteurs de dissuasion nucléaire et conventionnelle mis en œuvre par la Russie et la Chine, capables de manœuvrer sur les couches supérieures de l’atmosphères, demandent ainsi la mise en place d’une surveillance satellitaire renforcée pour en assurer avec précision la détection et le suivi en continu.

De plus, ces deux pays, tout comme les États-Unis et l’Inde, sont en mesure de détruire activement des satellites par le biais de missiles ou d’intercepteurs cinétiques. Sans forcément aller jusque-là, ces dernières années ont vu l’apparition de nouveaux moyens spatiaux et terrestres destinés à brouiller, espionner ou mettre hors fonction des satellites adverses, plus ou moins discrètement. Cela peut passer par des lasers aveuglants, des impulsions électromagnétiques incapacitantes ou un brouillage du signal au sol, mais aussi par l’utilisation de satellites parasites. En 2018, la France avait ainsi accusé la Russie d’avoir tenté d’espionner le satellite franco-italien Athena-Fidus par le biais de son propre satellite Louch-Olymp.

771px SM 3 launch to destroy the NRO L 21 satellite Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
En 2008, l’US Navy avait procédé à la destruction d’un satellite en orbite basse à partir d’un missile SM-3 lancé par l’USS Lake Erie, démontrant ainsi les capacités étendu du système antimissile balistique embarqué.

Le rôle de la nouvelle unité japonaise, loin d’être un simple supplétif à l’USSF, pourrait alors consister à établir rapidement une stratégie spatiale nationale capable de prendre en compte l’émergence et l’évolution rapide de ces menaces. A terme, si les menaces déjà constatées par la France et les États-Unis se confirment, la SDMU pourrait ainsi opérer ses propres satellites de défense ou intercepteurs spatiaux destinés à protéger ses intérêts en orbite basse et géostationnaire, ou bien déployer des systèmes de protection laser ou électromagnétiques. La force spatiale japonaise pourrait aussi, sur le modèle américain, encourager et accompagner le développement de nouvelles flottes de satellites plus petits, plus redondants et moins coûteux, sur le modèle des constellations civiles.

L’avantage pour le Japon réside dans la portée principalement régionale de son besoin de couverture satellitaire, permettant un déploiement plus rapide et plus économe d’éventuels nouveaux vecteurs. Une autre option pourrait également consister à participer de manière intégrée au programme de nouvelle architecture spatiale japonaise en cours de développement par la Space Development Agency du Pentagone. Le Japon pourrait ainsi déployer ses propres satellites de détection et de suivi de cibles, adaptés à ses besoins (détection antimissile et suivi de pistes maritimes par exemple), tout en s’appuyant sur la « Couche Transport de données » américaine pour assurer la coordination des satellites et les relais de communication avec le sol.

Quels que soient les choix qui seront effectués par les forces d’autodéfense japonaises en matière de spatial militaire, la seule création de cette nouvelle unité est ainsi symptomatique d’une nouvelle tendance forte au sein des forces occidentales et de leurs principaux alliés.


Téléchargez cet article au format .pdf


La Défense des Etats-Unis doit se réinventer pour s’adapter aux enjeux à venir

A la sortie de la Guerre Froide, les forces armées américaines étaient, sans conteste, la plus puissante force militaire mondiale, capable à elle seule de s’imposer sur l’ensemble des Théâtres. Et pendant prés de 25 ans, ce statu quo perdura, confortant Washington et le Pentagone dans la toute puissance de leurs forces armées. Mais depuis quelques années, la montée en puissance simultanée des forces armées chinoises et russes remet en cause cet hégémonisme, au point que, désormais, les stratèges américains estiment qu’ils ne pourraient simultanément s’imposer en Europe contre la Russie, et dans le Pacifique face à la Chine, le cas échéant. Mais alors que les Etats-Unis concentrent déjà plus de 30% des dépenses mondiales de Défense, avec un budget plus de deux fois supérieur à celui du couple sino-russe, les seules réponses apportées par le Pentagone pour répondre à ces menaces reposent sur l’augmentation des budgets consacrés à la Défense. En réalité, la Défense américaine fait face à une crise conceptuelle profonde, et ne parvient pas à se réinventer pour faire face aux défis posés par Moscou et Pékin.

L’hégémonie militaire américaine de l’après guerre-froide

En 1991, alors que l’URSS venait de s’effondrer sous le poids de ses investissements de Défense, les Etats-Unis à la tête d’une coalition internationale emportaient, en quelques jours, une victoire décisive face à l’Irak, alors présentée comme la quatrième armée mondiale. La victoire militaire venait conforter la victoire politique de Washington sur le camp communiste, et de ses équipements sur les armes d’origine soviétique et partiellement européenne. Cette supériorité militaire se prolongea du fait de l’absence de challenger, alors que, conjointement, les forces américaines et leurs alliés s’engageaient dans des guerres très dissymétriques, comme en Afghanistan, en Irak ou en Libye. Rien ne semblait pouvoir s’opposer à l’US Army, ses chars Abrams et ses hélicoptères AH-64 Apache, à l’US Navy, ses super porte-avions Nimitz et ses sous-marins Los Angeles, ou à l’US Air Force, ses F22 furtifs et ses 2500 avions de chasse.

PAN ford Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le porte-avions John C.Stennis de l’US Navy est le symbole de la puissance technologique et militaire américaine, mais aussi de sa démesure

Enfermées dans leurs certitudes, les armées américaines évoluèrent peu durant les années 90 et 2000, si ce n’est pour affirmer davantage leur perception de supériorité technologique, avec des programmes de plus en plus chers, et de moins en moins viables, parmi lesquels les sous-marins Sea Wolf, les hélicoptères Comanche, ou le désastreux programme Futur Combat System devant remplacer les Bradley et qui couta 14 Md$ avant d’être annulé. A l’entrée des années 2010, les forces américaines disposaient encore d’une majorité d’équipements en service lors de la première guerre d’Irak en 1990, et les seuls programmes aboutis furent ceux destinés à renforcer les forces engagées sur les théâtres asymétriques, comme en Irak. Quand aux quelques programmes qui parvinrent à aboutir, comme le F35, les sous-marins Virginia ou les améliorations d’équipements existants comme le char Abrams ou les destroyers A. Burke, le firent en voyant leurs couts associés sensiblement grimper.

Le défi russe et chinois

Désormais, la Russie, avec un budget défense égale à 7% de celui des États-Unis, et grâce à des programmes bien pensés et calibrés pour neutraliser la puissance militaire de l’OTAN, et la Chine, qui en 20 ans de temps est passée d’une armée massive mais technologiquement très en retard, à une puissance militaire moderne et efficace, sont perçues, en bien des domaines, comme capables de prendre l’avantage sur l’occident, surtout si les deux pays venaient à agir conjointement. Moscou fit reposer son renouveau militaire sur le développement simultané d’une puissance militaire conventionnelle numériquement importante basée sur la modernisation des matériels militaires hérités de l’époque soviétique et disponibles en grand nombre, comme les chars T72B3 ou T90 et les avions de combat de la famille Flanker comme le Su34 et le Su35s, et le développement de quelques technologies capables d’apporter un avantage notable sur l’OTAN, comme La Défense anti-aérienne et anti-missile multi-couche ou les missiles hypersoniques.

Mig31 des forces aeriennes russes equipe du missile hypersonique Kinjhal Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Mig 31 russe emportant le missile hypersonique Kinzhal d’une portée de 2000 km et ne pouvant être intercepté par les défenses anti-missiles occidentales

Pékin prit une trajectoire différente, avec l’entrée en service de très nombreux nouveaux équipements, comme le chasseur léger J10, le chasseur furtif J20, le destroyer Type 052 ou le char de combat Type 99, créant un profond bouleversement des capacités militaires de l’Armée Populaire de Libération. En outre, cette dernière n’est aujourd’hui qu’au tiers de sa transformation militaire, qui doit atteindre sa puissance optimum en 2049 pour le centenaire de la création de la République Populaire de Chine, le président chinois XI Jinping ayant posé cette date pour objectif pour devenir la première puissance économique et militaire mondiale.

Le manque de solutions du Pentagone

Pendant longtemps, les montées en puissance russes et chinoises furent ignorées par les occidentaux, et les américains en particuliers, jugeant leur avance technologique et militaire telles qu’elles ne pourraient être contestées avant longtemps. Mais à partir de 2013, la prise de la Crimée et le début des travaux en mer de Chine, la condescendance occidentale fit rapidement place à de l’inquiétude. Après quelques années d’errements, la réponse apportée par le Pentagone et les états-majors américains se résuma en un unique paradigme : l’augmentation des budgets.

F35A Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le F35A doit remplacer les A10, F16, F18 et Harrier dans les armées américaines

Après avoir initialement accédé aux demandes des militaires, amenant le budget des armées à plus de 740 Md$, le président Trump, et surtout le Congrès des États-Unis, durent réduire la voilure, et limiter la croissance de ce budget, laissant les militaires sans solution. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui, nous assistons à des tentatives de préemption budgétaire entre les 3 armées, l’US Navy voulant plus de crédits pour satisfaire aux 355 navires voulus par le président, l’US Air Force voulant plus de crédits pour pouvoir s’imposer sur deux fronts, et l’US Army voulant plus de crédits pour reproduire le succès du super-programme BIG 5 des années 70 par un nouveau super programme, nommé BIG 6, devant assurer la supériorité des forces américaines sur les champs de bataille pour les décennies à venir. L’ensemble de ces exigences donnent lieu à une lutte d’influence entre les armées, à la Maison Blanche, au Capitole comme sur les médias, sans toutefois apporter de solution applicable.

L’obligation de se réinventer pour les armées US

Malgré la débauche d’arguments pour tenter de tirer la couverture budgétaire, les efforts des armées américaines sont évidemment condamnés à échouer. Avec une dette publique dépassant les 107% du PIB en 2020, dont 27% sont détenus par la Chine, les marges de manœuvre budgétaires sont très réduites, pour ne pas dire inexistantes, surtout avec un budget des armés de 738 Md$ en 2020 représentant déjà plus de 3,9% du PIB du pays. Pourtant, le besoin de répondre au renforcement russe et à la montée en puissance chinoise appelle bien une réponse, mais elle ne peut être que qualitative, seule solution pour libérer les marges de manœuvres pour répondre au défi quantitatif principalement porté par Pekin.

O.H Perry Adelaide Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
les frégates de la classe O.H Perry constituèrent la colonne vertébrale de l’US Navy durant les années 80 et 90.

Une solution pourrait être de mettre fin à la course à la supériorité absolue pour se satisfaire d’une supériorité relative. Ainsi, durant la Guerre froide, la puissance navale américaine reposait certes sur la vingtaine de croiseurs Aegis Ticonderoga, mais surtout sur les 80 escorteurs de la classe O.H Perry et Knox, des frégates économiques, performantes et disponibles en grand nombre. Or, aujourd’hui, il est possible de construire et mettre en œuvre 3 frégates de type FDI françaises pour le prix d’un unique destroyer Burke américain. Certes, le Burke emporte autant de missiles que les 3 FDI réunies. mais il ne peut être à 3 endroits à la fois, ni ne peut chasser 3 sous-marins simultanément.

Dans le même ordre de grandeur, Naval Group estime pouvoir concevoir et construire un porte-avions nucléaires de 70.000 tonnes pour mettre en œuvre une cinquantaine d’appareils pour 5 Md€, soit 2,5 fois moins cher que les porte-avions de la classe Ford. Avec la mutualisation des couts de développement, nul doute que le rapport de 1 à 3 serait atteint. Dans les airs, l’avion Gripen NG suédois, qui a des capacités d’emport et de rayon d’action comparables au F35A, coute 2 fois moins cher à l’achat et 4 fois moins cher à la possession que l’avion américain, et conserve un avantage technologique significatif sur les avions chinois et russes, comme les Su30 ou les J10 et J11. Sur terre, le budget gaspillé dans la tentative de developpement du Futur Combat System aurait permit d’acquérir une force de 5.600 véhicules de combat d’Infanterie comme le CV90 suédois et anglais, soit largement de quoi remplacer les Bradley à bout de souffle, tout en assurant un avantage tactique sur leurs équivalents russes ou chinois.

Le Technologisme, pierre angulaire de la doctrine américaine

Le technologisme, au sens de la volonté de toujours intégrer plus de technologies dans un équipement pour s’assurer d’un avantage supposé dans la durée, semble bel et bien être la cause de l’impasse conceptuelle dans laquelle se trouvent les armées US. Plutôt que de chercher à mettre en œuvre une flotte de surface de 70 croiseurs et destroyers Ticonderoga et Burke, et de 20 frégates FFG/X (qui sont en fait des destroyers), la flotte de surface combattante américaine bénéficierait largement de la réduction du nombre de croiseurs et gros destroyers à une trentaine d’unités, soit autant qu’il y a de grands navires à escorter, d’augmenter la flotte de FFG/X à une quarantaine de bâtiments, et de mettre en oeuvre une flotte de frégates semblables au FDI et forte de 70 à 80 unités, tout en libérant des ressources pour d’autres programmes critiques comme le flotte logistique. L’US Air Force pourrait limiter le nombre de F35 en service à quelques centaines, soit largement assez d’appareils pour éliminer les défenses anti-aériennes adverses, et permettre au gros de la force composer de chasseurs légers et moyens plus économiques d’assurer le soutien rapproché des forces.

FDI grecque Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
La FDI de Naval Group coute 3 fois moins chère qu’un destroyer de la classe Burke

En outre, avec des programmes plus courts et moins chers, l’industrie américaine permettrait à ses alliés de s’équiper de matériels performants et économiques en nombre suffisant, et donc de disposer d’une puissante force militaire alliée sur laquelle Washington pourra effectivement compter. Avec une trentaine de d’appareils en parc, combien la Belgique pourra mettre de F35 à disposition d’une force inter-alliée, et combien devra-t-elle en conserver pour tenter d’assurer La Défense de son territoire et de son espace aérien ?

Une leçon pour les programmes européens

Le travers qui aujourd’hui immobilise la transformation de la puissance militaire américaine doit servir de leçon aux européens, notamment concernant les grands programmes franco-allemands et européens annoncés depuis quelques années. Ainsi, les ambitions du programme de Système de Combat Aérien du Futur, ou SCAF, qui rassemble la France, l’Allemagne et l’Espagne, au même titre que celles du programme Tempest rassemblant Britanniques, italiens et Suédois, reposent sur de très grandes ambitions technologiques, au point de se positionner dans une nouvelle génération d’avions de combat. Mais aucun pays européen n’a conçu d’appareil de 5ème génération, et les britanniques et italiens qui participent au programme F35, n’ont eu qu’une expérience limitée des contraintes de création de cet aéronef. De fait, entre les Rafale et Typhoon actuels, et le SCAF et le Tempest de demain, les points communs technologiques seront peu nombreux, comme le seront les applications et tactiques opérationnelles.

Maquette du SCAF Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le SCAF est un programme de « 6ème génération » alors qu’aucun des 3 participants n’a développé d’appareils de 5ème génération

Ce grand écart voulu par les européens n’est évidemment pas sans rappeler celui du programme F35, initialement un appareil devant remplacer le F16, puis évoluant pour remplacer la majorités des appareils en service, y compris les avions à décollage vertical Harrier, avec comme conséquence l’augmentation très marquée des couts et des délais. Initialement, le F35 dans sa version terrestre ne devait pas dépasser les 50m$, alors qu’aujourd’hui, Lockheed affiche comme un immense succès que d’arriver sous la barre des 80m$. En outre, même avec le Rafale, pourtant un appareil présentant un excellent rapport performances/prix, l’Armée de l’Air fait tout ce qu’elle peut pour prolonger ses mirage 2000, afin de préserver un format supérieur à 250 avions de combat, là ou le livre blanc ne prévoit que 185 Rafale pour les remplacer. Et même avec ces appareils, elle reste en surchauffe opérationnelle chronique depuis des années, alors même que le pic de tension est à venir.

De fait, sur la base de moyens limités par des contraintes économiques importantes, et même en prenant en compte les mesures d’optimisation budgétaires comme La Défense à Valorisation Positive, la planification défense occidentale, qu’elle soit américaine ou européenne, se doit désormais d’abandonner son recours excessif à l’innovation technologique à outrance, même si elle fait plaisir aux autorités politiques et aux industriels, pour revenir à des considérations plus appliquées, à court terme, basée sur la technologie mais également le nombre. Dans ce domaine, le programme SCORPION de l’Armée de terre peut certainement servir d’exemple, tant il est conçu pour optimiser le rapport entre l’investissement consenti et la puissance opérationnelle résultant du nombre de véhicules et de leurs capacités opérationnelles.


Téléchargez l’article au format .pdf


Premier vol du CMV-22B Osprey qui remplacera les avions logistiques C-2A Greyhound sur les porte-avions de l’US Navy

Alors que l’avion est déjà en service dans le corps des Marines et dans l’US Air Force, Bell Boeing a annoncé le 21 janvier dernier que le CMV-22B Osprey destiné à l’US Navy aurait réalisé son premier vol au centre d’assemblage de Bell à Amarillo au Texas.

Peu de détails ont été dévoilés sur ce premier vol, mais il semble qu’il aurait eu lieu en réalité un mois plus tôt, des spotters l’ayant détecté le 19 décembre 2019. Devant être pleinement opérationnel dès 2022, le CMV-22B Osprey remplacera progressivement les C-2A Greyhound de l’US Navy dans leur rôle de Carrier Onboard Delivery (COD).

Dans les groupes aéronavals américains, le COD désigne les avions chargés des missions logistiques entre le porte-avions et la terre. Il sert ainsi, entre autre chose au transport rapide et à longue distance de passagers, aux évacuations sanitaires, aux livraisons d’équipements, de courrier ou de matériel médical.

Par la suite, le cargo peut être dispatché vers les autres navires du groupe aéronaval par hélicoptère, le cas échéant. Partout ailleurs dans le monde, notamment en France, les missions COD sont réalisées directement par des hélicoptères opérant entre la côte et la flotte, ce qui peut obliger le porte-avions à opérer plus près du littoral tout en allongeant les délais de transport.

CMV-22B Osprey
Si les Osprey n’auront pas l’autonomie maximale ni la vitesse du Greyhound, ils disposeront d’une capacité d’emport largement supérieure, y compris à longue distance.

Toutefois, avec l’arrivée prochaine du CMV-22B Osprey, le COD va entrer dans une nouvelle ère ! Le V-22 Osprey est en effet un appareil convertible dont les rotors basculent entre les phases de décollage et d’atterrissage et le vol de croisière.

Il dispose ainsi de la vitesse et de l’autonomie d’un avion tout en pouvant opérer verticalement depuis une piste rudimentaire ou la plateforme hélicoptère d’un navire. Cela ouvre de toutes nouvelles possibilités en matière de logistique sur le plan opérationnel.

Contrairement au C-2A qu’il remplace, le CMV-22A pourra ainsi opérer directement au profit de l’ensemble de la flotte, sans avoir à transiter obligatoirement par un porte-avions.

Ceci est particulièrement intéressant dans le cas des évacuations sanitaires ou pour la livraison de pièces détachées critiques. Ce point reste à pondérer, puisque tous les navires de l’US Navy ne sont pas dimensionnés pour opérer le Osprey, mais cela offre tout de même une souplesse opérationnelle inédite, d’autant plus que le CMV-22B pourra délivrer des charges sous élingue, y compris à destination des navires d’escorte comme les destroyers et les frégates.

En matière de performances pures, le CMV-22B représente un véritable saut qualitatif par rapport au C-2A Greyhound. Ce dernier dispose toujours d’une vitesse plus élevée et d’une autonomie maximale légèrement supérieure, notamment pour le transport de passagers sans charge cargo. Sur tous les autres points, néanmoins, le Osprey dans sa version Navy devrait s’avérer supérieur, en particulier grâce à sa capacité d’emport.

CMV 22B GoldenMile web Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Avec le CH-53, le MV-22 des Marines était pour l’instant le seul appareil capable de transporter le réacteur F135. Le CMV-22B permettra d’accroître encore cette capacité de support cruciale.

Ainsi, si le C-2A pouvait emporter jusqu’à 4500 kg de cargo à courte distance, le CMV-22B sera capable d’emporter une charge deux fois plus importante, à la fois en cabine et sous élingue.

À longue distance, le CMV-22B devrait pouvoir transporter 3 tonnes de cargos ou de passagers sur 2130km, et près de 4 tonnes sur 1800km, des distances inaccessibles pour le Greyhound avec de telles charges à bord. De plus, contrairement au Greyhound, le CMV-22B disposera d’une perche de ravitaillement en vol pour étendre son autonomie.

Sa capacité à se poser verticalement lui ouvrira aussi beaucoup plus de terrains de dégagement, ainsi que la possibilité de se ravitailler à mi-chemin entre la terre et le porte-avions, depuis un navire amphibie de l’US Navy par exemple.

De plus, sa cabine est à même d’embarquer le moteur F135 qui propulse les F-35B et F-35C des Marines et de la Navy. Pesant 4,2 t avec son conteneur de transport, le F135 n’entre tout simplement pas dans la section cargo des C-2 Greyhound, justifiant le remplacement de ces derniers avant 2027 et l’arrivée opérationnelle du F-35C. Le besoin exprimé par la Navy pour la mission COD est de 44 appareils, 39 ayant déjà été commandés.

Sur le plan technique, le CMV-22B ressemble beaucoup au MV-22B des Marines. En dehors de sa livrée deux tons, la principale distinction externe est un agrandissement des caissons latéraux qui contiennent les réservoirs supplémentaires de cette variante de l’appareil. Les capacités d’emport et l’autonomie du CMV-22B pourraient, si besoin, lui permettre d’élargir le spectre de ses missions pour le compte de l’US Navy.

air refueling v22 Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
L’acquisition d’une capacité ravitailleur sur ses CMV-22B n’est pas la priorité de l’US Navy. Néanmoins, ses besoins dans ce domaine sont bien réels, et la solution n’est pas définitivement rejetée.

Les CMV-22B pourraient ainsi facilement mettre en œuvre le système de ravitaillement en vol adopté par les Osprey des Marines, ou bien être opérés pour des missions de recherche et de sauvetage avec un treuil latéral.

De telles capacités, cependant, ne seront sans doute développées qu’après la fin des livraisons des 39 premiers CMV-22B. Pour l’US Navy, la priorité est en effet au remplacement des Greyhound et à la prise en main du Osprey, qui permettra d’évaluer son potentiel à venir.

Dans tous les cas, la variante de lutte anti-sous-marine étudiée au début du développement du V-22 semble définitivement exclue, les qualités de vol stationnaire du Osprey ne lui permettant pas d’opérer un sonar trempé avec la même précision et efficacité qu’un hélicoptère plus léger.

Plus près de nous, le remplacement imminent des C-2A COD de l’US Navy interroge sur l’avenir de cette capacité pour le groupe aéronaval français. En 2011, lors de l’intervention en Libye, deux Greyhound de l’US Navy avait été prêtés pendant deux semaines à la Marine Nationale pour opérer entre le Charles de Gaulle et le Sud de la France. L’acquisition d’un petit nombre de Greyhound, qui aurait été envisagée lorsque le porte-avions était en achèvement, n’a jamais été validée faute de financement.

ob 004d96 2015mtln161 040 216 Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le prêt à la France de deux C-2A en 2011 a démontré, s’il était besoin, l’intérêt opérationnel d’un tel équipement pour la conduite d’opérations de combat intensives par l’aéronavale française.

Le retrait du service des C-2A pourrait laisser entrevoir la possibilité d’acheter deux ou trois appareils d’occasion pour équiper la Marine Nationale, à condition que les cellules disposent encore d’un potentiel suffisant. Le cas échéant, il resterait encore à convaincre de l’intérêt prioritaire d’une telle solution, alors même que le Ministère de la Défense a déjà refusé l’achat d’un quatrième avion radar E-2C Hawkeye au milieu des années 2000, pourtant proposé à un excellent prix.

Dans tous les cas, il est peu probable qu’un renforcement américain similaire à celui de 2011 soit possible à l’avenir, le revêtement de pont du porte-avions français étant incompatible avec l’utilisation intensive du CMV-22B, également bien plus coûteux et complexe à opérer, surtout en micro-flotte.

À l’heure où se profile le remplacement du Charles de Gaule, la question du COD ne devra pas être négligée par la Marine Nationale, puisqu’elle permet d’apporter une plus-value opérationnelle essentielle à relativement peu de frais, pour peu que le besoin soit identifié et anticipé.


Téléchargez l’article au format .pdf


La Pologne commandera officiellement 32 F35A dans les prochains jours

Selon les déclarations du ministre de La Défense polonais Mariusz Blaszczak, faites le 22 janvier, Varsovie devrait officialiser la commande de 32 F35A auprés du constructeur américain Lockheed-Martin, avec une date de livraison initiale fixée à 2024. Le montant du contrat global n’est pas officiellement publié à ce jour, mais selon le quotidien polonais Dziennik Gazeta Prawna, les autorités polonaises et américaines se serait entendues pour ne pas demander de clauses d’offset ou de compensations industrielles, contrairement à la demande initiale, permettant de réduire le délais ainsi que le cout global du contrat qui devrait s’établir autour de 4 Md$ (3,6 Md€), incluant la formation et un soutien pour la maintenance des appareils. Le prix unitaire du F35A dans ce contrat serait inférieur à 80 m$, soit 72 m€.

Lorsque, à l’été 2019, la décision fut prise de ne pas livrer les 100 F35 commandés par la Turquie en raison de l’acquisition par Ankara de batteries de missiles anti-aériens S400 de facture russe, Washington avait immédiatement déclenché un plan de « secours » visant à préserver le planning de production. Ce plan reposait sur 3 pays européens : La Grèce, la Roumanie et la Pologne. Concomitamment à une offensive officielle dans les hautes sphères des ministères de La Défense et des gouvernements de ces 3 pays, une action de communication d’ampleur fut lancée pour amener l’opinion publique à soutenir l’offre. En Grèce notamment, en à peine 3 jours, la sphère médiatique Défense, très active sur internet et les réseaux sociaux, bascula d’une position très hostile au F35A, jugé trop cher, trop complexe, trop peu fiable et surtout potentiellement mis en oeuvre par Ankara, à un soutien presque unanime, et inconditionnel, pour « le meilleur avion de combat du moment ».

Rafale Francais et F35A Americain au point dattente Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Malgré des performances très élevées et une évolutivité inégalée, le Rafale n’est jamais parvenu à s’imposer face au F35 dans une compétition européenne ou internationale

La Pologne sera donc le 7ème pays européen à commander l’appareil américain, après la Grande-Bretagne, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Danemark et la Belgique. Outre les Etats-Unis, ou l’appareil a été commandé par l’US Air Force, l’US Navy et l’US Marines Corps, le F35 a également été commandé par Israël, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et Singapour. Il est présentement engagé dans des compétitions en Suisse, en Finlande et au Canada, et plusieurs pays ont déclaré leur intention de le commander, comme la Grèce et la Roumanie. Enfin, certains pays, comme Taiwan, les Emirats Arabes Unis ou le Royaume d’Arabie saoudite se sont déclarés prêts à l’acquérir, mais n’ont pas reçu l’autorisation de le faire de la part de Washington. Au total, presque 500 appareils avaient été livrés au début de l’année 2020, alors que la production annuelle devrait s’établir, cette année, à 141 aéronefs, en faisant incontestablement l’avion de combat le plus produit sur la planète aujourd’hui. Lockheed estime que d’ici 2035, plus de 3500 F35 auront été fabriqués et livrés au travers le monde.

Certes, l’appareil a des qualités, et des capacités uniques, notamment en terme de furtivité passive. Mais ce succès ne peut s’expliquer par ces uniques points forts, par ailleurs de plus en plus contestés, soit par de nouvelles technologies de détection comme les radars passifs, les radars à basse fréquence ou les IRST, soit par l’évolution des autres appareils présents sur le marché, notamment concernant les capacités de fusion de données. En outre, il reste un avion lourd, peu manœuvrant et monomoteur, évoluant dans la gamme de prix des avions de combat bimoteurs comme le Rafale, le Typhoon ou le Su-35. Enfin, il rencontre toujours des problèmes de maintenance, avec un cout de possession deux fois plus élevé que ses homologues européens. Malgré cela, il s’est vendu plus de F35 ces 10 dernières années, que de Rafale, Typhoon, F15, F18, Su-30 et Su-35 réunis.

F35B et Typhoon prefigurant la Royal Air France pour les 30 annees a venir Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
La Grande-Bretagne et l’Italie ont choisi le F35 alors même qu’ils participent à la fabrication et l’évolution du Typhoon.

Les raisons de ce succès sont à rechercher non pas dans les performances ou les technologies misent en oeuvre par l’avion e Lockheed, mais par un marketing politique et global particulièrement efficace, bien davantage que ne l’est celui des sociétés européennes. Car plutôt que de concentrer leurs efforts sur la sphère en capacité de décision, comme le font traditionnellement les européens, les équipes américaines mènent conjointement des actions vers ces élites politiques, mais également vers une base politique et surtout vers l’opinion publique. Comme le montre l’exemple grec, le discours et la méthode sont parfaitement rodés, et en quelques jours, le F35 peut devenir l’unique choix qui s’impose, surtout quand, conjointement, vous parvenez à faire dire en public à certaines autorités politiques et militaires que l’appareil est le plus performant actuellement disponible, comme ce fut le cas en Belgique, en Grèce, en Pologne, ou récemment en Suisse. En réalité, le F35 s’est imposé sur tous les marchés qu’il a visé, à l’exception notable de l’Allemagne qui, avec le soutien de la France et dans l’optique du programme SCAF, a écarté l’appareil de la compétition opposant Typhoon et Super Hornet pour le remplacement des Tornado de la Luftwaffe. Et ce, malgré le soutien très appuyé des autorités de cette même Luftwaffe et même de l’OTAN en faveur de l’avion furtif américain. Les avions européens, eux, n’ont pu s’imposer que sur des marchés sur lesquels le F35 n’était pas exporté, au Moyen-Orient et en Asie.

Malgré les performances annoncées du futur standard F4 du Rafale, et du Typhoon dans sa version ECR/SEAD, qui n’auront rien à envier au F35, ces appareils ne pourront probablement pas s’imposer tant que les constructeurs européens, et leurs états de tutelle, ne mettront pas en oeuvre un stratégie globale comparable à celle de Lockheed-Martin et des Etats-Unis, notamment vis-à-vis des opinions publiques. Ainsi, en Belgique, l’opinion publique flamande et le ministre de La Défense Steve Vandeput, très en faveur du F35 et hostile au Rafale, finit d’achever les quelques velléités wallonnes et du gouvernement de Charles Michel en faveur d’un partenariat européen, qui ne reçu aucun soutien en matière de communication ni de la part d’Airbus DS, ni de Dassault Aviation, et qui pourtant furent crucifiés par une bonne partie de la presse française pour avoir « trahi » les ambitions européennes.

typhoon ECR 1 Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le futur Typhoon ECR/SEAD présenté par Airbus DS offrira des performances en matière d’élimination des défenses anti-aériennes adverses égalant très largement celles du F35

Malheureusement, et en dépit de l’évidence, nombre d’européens, français en tête, préféreront vociférer contre la décision de Varsovie d’acquérir le F35, plutôt que de s’interroger sur les raisons profondes du succès de l’avion américain dans le Monde, et de tenter d’y répondre par une approche moderne et adaptée, et non des paradigmes éculés depuis les années 2000.


Téléchargez cet article au format .pdf


Le futur drone-cible furtif de l’USAF commence ses essais

Le 13 janvier dernier, Aviation Week révélait que la start-up californienne Sierra Technical Services Inc. avait dévoilé pour la première fois son 5GAT, un drone furtif d’un tout nouveau genre qui aurait débuté ses essais au sol. Si les avionneurs historiques comme les nouveaux acteurs du secteur de la défense nous ont habitué depuis quelques années aux drones de reconnaissance voire aux démonstrateurs de drones de combat furtifs, le « 5th Generation Aerial Target » n’est pas un UAV comme les autres. Comme son nom l’indique, sa fonction première sera de servir d’engin cible de nouvelle génération, représentatif des nouvelles menaces aériennes en cours de développement partout dans le monde. A noter qu’il y a quelques mois, la Chine avait présenté un drone furtif dédié à cette même fonction, le LJ-1.

Le concept du 5GAT avait été détaillé par STS dans une présentation dès 2012, et tout porte à croire que l’engin dévoilé il y a quelques jours respecte dans les grandes lignes la feuille de route initiale. Long d’environ 15m, soit à peu près autant qu’un F-16 ou qu’un avion d’entrainement T-38 Talon, l’engin reprend d’ailleurs la motorisation de ce dernier, avec deux turboréacteurs à post-combustion J85-5. Cette motorisation lui offrira d’excellentes performances pour un engin de cette catégorie. Mais cela permettra surtout de réduire son coût de production et son empreinte logistique. Les stocks de J85-5 au sein de l’USAF sont en effet assez conséquents, et devraient s’accentuer lorsque les Talon seront remplacés par les nouveaux T-7 Red Hawk de Boeing. Pour l’instant, le prix unitaire est estimé à 10 millions $, mais pourrait encore baisser lors de la production en série.

5gat sierra technical services Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le 5GAT pourrait servir de plateforme d’essais pour des systèmes de contrôle autonome des drones du programme Skyborg

Avec une masse maximale d’environ 6 tonnes, sensiblement équivalente à celle du T-38, le 5GAT pourra croiser en haut subsonique. Le président de STS a même indiqué à Flight Global qu’il n’aurait pas trop de difficultés à passer le mur du son, mais la cellule n’a pas été testée en ce sens pour le moment. Le drone-cible présenterait également une très bonne maniabilité, étant capable de soutenir +7,5g et -2g sur de courtes périodes, afin de simuler le comportement évasif d’un véritable avion de chasse.

Au-delà des performances dynamiques de l’engin, sa surface équivalente radar a été particulièrement soignée. Le 5GAT présente ainsi une allure résolument furtive. L’appareil peut également mettre en œuvre des leurres ainsi qu’un brouillage électronique, pour un comportement encore plus réaliste.

QF 16 drone cible Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le 5GAT viendra compléter le QF-16 pour les usages nécessitant une cible furtive, notamment pour tester les missiles et radars des forces armées américaines.

Le concept du 5GAT, porté par l’US Air Force, remonte au moins à 2006, et répond à un besoin bien précis :

  • D’une part, un engin-cible furtif et manœuvrant doit participer au développement de tactiques et de technologies capables de contrer les chasseurs furtifs ennemis. Il permettra ainsi de tester les systèmes de défense aérienne et les radars embarqués à bord des aéronefs américains. On sait que, aujourd’hui, de tels essais demandent l’utilisation des trop rares et très coûteux F-35 ou F-22, voire des quelques F-117 conservés en état de vol à des fins de tests.
  • D’autre part, un drone-cible furtif est jugé indispensable par l’USAF pour permettre un entrainement adéquat des pilotes et servants de missiles sol-air qui risquent de se retrouver dans les prochaines années face à des avions furtifs de nouvelle génération. Il viendra en cela compléter le QF-16, version cible télé-opérée du F-16 qui a définitivement remplacé le QF-4 en 2015 pour les tirs réels de missiles.
  • Enfin, le 5GAT sera sans aucun doute au cœur des campagnes d’essais des futurs missiles air-air américains, dont le AIM-260 JATM destiné à remplacer l’AMRAAM et développé sur mesure pour pouvoir contrer des menaces furtives telles que le Su-57 russe ou le J-20 chinois.

Si la fonction de drone-cible furtif justifie en soi le développement du 5GAT, ses concepteurs chez STS y voient également une porte d’entrée dans le domaine en plein essors des Loyal Wingmen. D’après Sierra Technical Services, le 5GAT pourrait servir de base de développement pour un engin sans pilote accompagnant ou précédant les patrouilles de chasseurs F-35 ou Super Hornet.

Conçu pour être un drone-cible, le 5GAT se présenterait ainsi comme une solution plus abordable, mais également plus maniable et plus rapide, que le Kratos XQ-58A Valkyrie, également dérivé d’un drone-cible. Malgré l’enthousiasme de ses concepteurs, les chances de l’engin sur le marché des Loyal Wingmen sont aujourd’hui assez faibles. En effet, le XQ-58A de Kratos ou le Airpower Teaming System de Boeing se présentent comme des options certes plus coûteuses, mais également plus robustes, plus durables et plus mâtures.

Le drone Skybord de Boeing dans le programme loyal wingman Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Si le XQ-58 décolle via un système de catapulte et atterrit grâce à un parachute, le 5GAT opère de manière conventionnelle à la manière des chasseurs de l’USAF

Pour autant, STS n’en démords pas : le potentiel commercial du 5GAT ne se limitent pas au marché des engins-cibles. Destiné in fine à être détruit en vol, le 5GAT pourrait ainsi être dérivé en « Loyal Wingman consommable ». La destruction de l’appareil à la fin de la mission ne serait pas vu comme un évènement regrettable bien que sans gravité, mais bien comme faisant partie intégrante du déroulé de l’opération. Reste que, même en dessous de 10 millions $ pièce, une telle pratique ne pourrait se justifier qu’avec une importante plus-value opérationnelle. Le 5GAT étant dépourvu de capacité d’emport en armement, il pourrait alors être chargé de détecter l’ennemi à l’avant des raids, d’assurer la protection électronique de ces derniers, voire d’attirer à lui les défenses adverses, reprenant ici son rôle d’engin-cible.

Dans tous les cas, Sierra Technical Services entend bien se présenter comme un nouvel acteur sur le marché des systèmes aériens déportés agissant au profit des forces conventionnelles. Un marché qui devrait connaître une croissance rapide dans les prochaines années, que ce soit avec les concepts américains ou australiens de Loyal Wingman, ou sa variante européenne de Remote Carrier.

La Marine Nationale va louer 16 hélicoptères Dauphin et H160M dès cette année

Dans un article paru dans le quotidien Ouest-France, on apprend que la Marine Nationale va au cours de l’année 2020 recevoir les premiers hélicoptères d’occasion Dauphin qui seront, pour l’occasion, loués à un groupement entre les sociétés DCI et Heli-Union. Ce contrat, d’une durée de 10 ans, a été notifié le 3à décembre 2019, et porte sur 12 hélicoptères Dauphin acquis d’occasion auprés de sociétés qui les mettaient en oeuvre au profit de compagnies pétrolières dans le domaine du off-shore en Afrique. Ils seront préalablement révisés, modernisés et adaptés aux besoins spécifiques de la Marine nationale par HeliDax, et remplaceront les Alouette III et Lynx restant en service dans l’Aéronautique navale sur les Frégates de Surveillance servant outre-mer, les porte-hélicoptères PHA, le porte-avions Charles de Gaulle et les bâtiments de ravitaillement. Ils armeront également le Plan d’Assaut Immédiat au profit des forces de l’Etat, en cas d’attaque terroristes.

Par ailleurs, 4 hélicoptères H160, le nouvel appareil moyen de Airbus Hélicoptères dont la version Militaire H160M Guépard doit entrer en service dans les 3 armées françaises en 2026, seront loués à la société britannique Babcock, au profit des missions de service publique de la Marine Nationale, et notamment pour assurer les missions de sauvetage en mer.

Lynx Marine premiere livree Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le Westland Lynx dans sa première livrée pour la Marine Nationale. Chaque frégate pouvait emporter jusqu’à 2 de ces hélicoptères légers spécialisés dans la lutte anti-sous-marine

Les reports répétés des programmes visant à remplacer les voilures tournantes dans la Marine Nationale ont créé une grave pénurie dans ce domaine, alors même que le besoin est plus pressent que jamais avec la recrudescence des tensions mondiales. En 1990, la Marine nationale disposait de plus de 100 hélicoptères Lynx, Dauphin, Panther, Alouette II et III et Super Frelon. En 2022, avec le retrait des Lynx restant et des Alouette III, elle alignera à peine une quarantaine d’appareils, dont 4 Dauphins sont d’ores et déjà loués à la société NHV depuis 2018 pour assurer la formation des pilotes au sein de l’escadrille 22S de Lanvéoc. Dans le même temps, le nombre de grands navires porte-hélicoptères est passé de 3 à 4, et le nombre de frégates mettant en oeuvre ces appareils est passé de 12 à 23. Même si un NH90 embarqué sur une frégate FREMM assure le même travail que 2 lynx à bord d’une frégate Tourville, le déficit est évidemment flagrant.

Le recours à la location est certes une bonne méthode, puisqu’elle permet de combler un déficit capacitaire temporaire sans acquérir des appareils au potentiel technologique limité dans l’attente de l’entrée en service du H160M et des derniers NH90 Caïman Marine devant être livrés. Mais le format des commandes actuelles, à savoir 49 H160M et 27 NH90 Caïman marine, apparait comme extrêmement limité eu égard à la pression opérationnelle, notamment au niveau des frégates qui passeront en équipage double, des contraintes de maintenance et de formation, et de l’attrition nous souhaitée mais plus que probable qui réduira le parc. En outre, le recours à la location risque de masquer, en partie du moins, les contraintes en matière de maintenance, et donc de personnels, alors même que la solution n’est que transitoire.

NH90 marine nationale Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Les NH90 Caiman Marine de la Marine Nationale assurent les missions de lutte anti-sous-marine et anti-surface au profit des frégates qui les embarquent

De fait, à l’instar des flottes d’hélicoptères de l’Armée de terre et de l’Armée de l’Air, le format de la flotte de la marine aura été conçu au plus juste, sans prendre en considération ces différents paramètres qui contribuent grandement à assurer la résilience d’une force navale. Sachant que nos armées risquent d’être de plus en plus sollicitées, et de plus en plus durement à en croire le Général Lecointre, il est probablement temps de mettre fin à ces approches comptables pour apporter une réponse cohérente à la réalité des besoins. Dans ce domaine, le recours à la location peut en effet apporter des solutions, plus efficaces, pour décaler le poids de l’acquisition de quelques années, le temps de faire croitre les budgets conformément aux objectifs de la LPM, et ce sans créer de dette souveraine. Une telle approche permettrait bel et bien d’accélérer le renouvellement, la modernisation et l’extension du format des équipements en service, sans devoir passer par des solutions d’attente que l’on sait souvent servir de prétexte à des reports de paiement et autres artifices budgétaires

L’hypothèse de sous-marins Scorpene de Naval Group aux Philippines se précise

Au cours des 20 dernières années, le nombre de sous-marins mis en oeuvre par les marines de guerre des pays du Sud-Est asiatique a presque quadruplé. Ceci a amené certains pays, jusqu’ici dépourvus de ce type de navire, à vouloir rapidement acquérir cette capacité, et donc ces bâtiments. C’est le cas des Philippines qui, selon un article de latribune.fr, serait de plus en plus intéressée par l’acquisition de 2 sous-marins conventionnels Scorpene auprés du français Naval Group.

L’information n’est pas nouvelle, puisque déjà au mois de juillet 2019, nous évoquions cet intérêt marqué par les autorités de Manille pour le submersible français. Mais il semble que, désormais, les choses se précisent, puisque le secrétaire à la Défense de la République des Philippines, le général Delfin Lorenzana, a signé le 27 novembre 2019 un mémorandum de coopération de défense avec son homologue française, Florence Parly, à l’occasion d’une nouvelle visite à Paris. Visite au cours de laquelle Naval Group lui aurait transmis une offre en bonne et due forme portant sur la construction de 2 sous-marins Scorpene en France, ainsi que sur un transfert de technologies vers les industries philippines. Outre les 2 Scorpene, le général Lorenzana serait également intéressé par l’acquisition de 2 OPV, des patrouilleurs de haute mer, et une offre a également été transmise à ce sujet par la société Kership, co-entreprise entre Naval Group et Piriou, spécialisée dans ce domaine.

Scorpene Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le Scorpene de Naval Group a déjà été exporté au Chili, en Malaisie, au Brésil et en Inde.

La demande en matière de sous-marins semble très dynamique depuis quelques mois, notamment en Asie. Outre le programme P75i indien pour lequel Naval Group est considéré comme un des favoris, l’Indonésie semble également s’intéresser au modèle Scorpene, le ministre de La Défense indonésien Prabowo Subianto s’étant à ce sujet rendu à Paris pour rencontrer autorités et industriels français au sujet de l’acquisition possible de 3 à 4 Scorpene, ainsi que de 2 corvettes Gowind 2500 et de 48 avions Rafale. La Thailande, pour sa part, a commandé des sous-marins chinois S26T dérivés du type 039A, alors que le Myanmar a réceptionné un sous-marins project 877EKM Kilo d’origine russe en provenance d’Inde.

Cette recrudescence du nombre de marine s’équipant de sous-marins est évidemment liée à la montée en puissance de la Marine chinoise, et des tensions que cela engendre notamment avec les marines du camps occidentale, comme l’Australie, le japon ou la Corée du Sud. A eux 3, ces pays aligneront pas moins de 50 submersibles d’excellente facture en 2035, que ce soit les KS-III sud-coréen, les Soryu et Improved Soryu japonais, et évidemment les 12 Shortfin Barracuda Australiens, incontestablement les plus puissants de ce théâtre avec les sous-marins nucléaire d’attaque Virginia américains. Dans le même temps, la Marine Chinoise devrait aligner 60 à 70 sous-marins à propulsion conventionnelle, principalement des modèles dérivés du Type 039/A/B/C, et une vingtaine de sous-marins nucléaire d’attaque Type 09III et 09V.

Type 039C Yuan cover Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Le Type 039C chinois peut rester en plongé plus de 21 jours grâce à sa propulsion AIP

En additionnant ces unités à celles de l’US Navy, de la Russie, et des autres pays de la région, la densité de submersibles en Asie du Sud-Est sera la plus importante sur la planète, une première depuis la création de l’arme sous-marine, alors que jusqu’ici l’Europe détenait cette triste position. Plus encore que les avions de combat, les porte-avions, ou les chars, c’est bien la recrudescence du nombre de sous-marins et de marines les mettant en oeuvre en Asie du Sud Est qui marque le glissement du centre de gravité géostratégique mondiale vers cette région qui va concentrer dans les décennies à venir une part croissante des richesses, des outils industriels et de la puissance militaire mondiale.

L’US Space Force pourrait opérer un millier de satellites d’ici 2026

On en sait désormais un peu plus sur les moyens dont compte disposer la toute nouvelle US Space Force, et ces derniers sont tout simplement impressionnants ! Lors d’une conférence tenue avant-hier au Pentagone, le directeur de la Space Development Agency Derek Tournear a dévoilé qu’il comptait déployer plusieurs douzaines de satellites militaires d’un nouveau type dès 2022, pour une capacité totale de près de 1000 satellites à partir de 2026. Des chiffres qui paraissent sans commune mesure pour un programme militaire, mais qui dénotent en réalité une conception radicalement nouvelle de l’espace militaire.

Traditionnellement, les satellites militaires de communication et de surveillance –notamment antimissile– sont déployés en orbite géostationnaire, l’orbite basse étant plutôt réservée aux satellite de reconnaissance. En orbite géosynchrone, il suffit d’une poignée de satellites, généralement entre quatre et douze, pour disposer d’une couverture mondiale. Néanmoins, de tels satellites sont particulièrement volumineux, et donc très coûteux à développer, à construire et à mettre en orbite haute, d’où ils peuvent opérer plusieurs dizaines d’années.

La SDA propose donc de changer en profondeur la manière de concevoir le spatial militaire, en passant d’un modèle de déploiement géostationnaire à un modèle basé sur des constellations de petits satellites en orbite basse déployés en couches. Chaque couche de satellites serait spécialisée dans une tâche, et l’ensembles des couches interagiraient en réseau afin de fournir des données complètes, en temps réel, aux forces militaires terrestres, navales et aériennes.

Architecture Satellite Space Force Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Vue synthétique de la nouvelle « National Defense Space Architecture » par empilement de constellations spécialisées

Mieux encore, chaque couche s’appuierait sur un très grand nombre de petits satellites légers, simples de conception, et basés sur des technologies éprouvées. De quoi maîtriser les coûts de développement, de construction et de déploiement, tout en permettant une construction en série plus économique. La durée de vie des satellites serait alors d’environ cinq ans uniquement. Le taux de remplacement serait alors assez élevé, ce qui permettra de renouveler régulièrement les capteurs et effecteurs spatiaux. Les constellations seront ainsi mises à jour continuellement, leur permettant d’adapter leurs capteurs et effecteurs à l’évolution des besoins.

Dans un premier temps, la SDA entend lancer un premier lot d’une ou deux douzaines de satellites, la Tranche 0, à partir de 2022. Une nouvelle tranche sera développée tous les deux ans, en améliorant et modifiant la précédente. Ainsi, contrairement aux programmes spatiaux actuels, les lancements ne seront pas retardés si certaines capacités ne sont pas technologiquement matures au moment du déploiement d’une tranche. En effet, le renouvellement permanent des satellites garantit une mise en orbite en moins de deux ans de toute nouvelle innovation. Chaque satellite pèserait quelques centaines de kilogrammes tout au plus, et devrait coûter moins de 10 millions $ pièce, contre plusieurs centaines de millions –ou quelques milliards– pour les lourds satellites militaires géostationnaires. Plusieurs satellites pourront ainsi être mis en orbite avec un unique lanceur commercial ou militaire.

La Tranche 0 devrait comprendre principalement des satellites de la couche Transport, ainsi que les premiers éléments de la couche Tracking. La couche Transport de données sera au cœur de cette nouvelle architecture spatiale. Cette constellation, qui comprendra à terme près de 700 satellites, déploiera un réseau de communication spatial sur lequel viendront s’appuyer les autres constellations, ou couches, destinées à des usages bien particuliers, comme la défense antimissile ou le suivi de cibles aériennes, navales et terrestres. La couche Tracking aura quant à elle pour mission de suivre les vecteurs ennemis, notamment les nouveaux missiles et planeurs hypersoniques, tandis qu’une couche Désignation permettra ultérieurement de désigner des cibles terrestres et navales –voire aériennes– au-delà de l’horizon au profit des unités tactiques américaines.

priorités couche transport Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Schéma présentant les huit priorités de la nouvelle architecture spatiale voulue par la SDA

L’objectif industriel fixé par la SDA est de pouvoir produire un satellite par semaine pour chaque couche, soit une cinquantaine de satellites de communication par an, et à terme autant de satellites de surveillance, de reconnaissance navale, de suivi de cible terrestre ou de détection spatiale. Si les déploiements commencent en 2022, année où le SDA intégrera l’US Space Force, l’USSF devrait disposer d’une couverture régionale dès 2024 et d’une couverture globale en 2026, avec pas loin de 1000 petits satellites déployés sur plusieurs couches.

Les avantages offerts par cette architecture particulièrement innovante sont très nombreux. D’une part, cela offre une redondance bienvenue face aux systèmes antisatellites qui sont de plus en plus répandus dans le monde. Ensuite, le renouvellement permanent des moyens spatiaux garantira une adaptation rapide aux nouveaux besoins opérationnels des forces armées. Enfin, sur le plan industriel, cette architecture fait écho à de nombreux projets civils des acteurs du New Space, ce qui devrait permettre de trouver plus facilement les ressources humaines, les moyens industriels et logistiques ainsi que les lanceurs adaptés à la gestion de constellations en orbites basses et médianes.

space war attack Analyses Défense | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense
Les constellations de satellites militaires offrent une meilleure résilience face aux menaces ASAT

Cependant, une telle révolution dans les affaires spatiales militaires ne se fera pas sans soulever quelques problèmes. En premier lieu, la gestion d’autant de vecteurs spatiaux imposera de redimensionner à la hausse les segments sols, qu’il s’agisse du contrôle des opérations ou de la chaîne logistique. Ensuite, une telle flotte va demander une attention particulière pour éviter les collisions spatiales, notamment en désorbitant régulièrement les anciens satellites.

Enfin, cette nouvelle architecture demandera un suivi impératif en matière de financement. Sur les programmes spatiaux actuels, les limitations budgétaires imposent de réduire le format des flottes et donc de diminuer immédiatement le champ d’action géographique d’une constellation géostationnaire. Ainsi, le programme français Syracuse 4 ne disposera que de deux satellites ne permettant d’assurer qu’une couverture régionale des communications militaires. Mais dans le cadre d’une architecture en constellation renouvelable, un arrêt des financements n’aura pas d’impact géographique immédiat. Il pourrait cependant compromettre en quelques années uniquement l’intégralité du système, qui deviendrait rapidement hors service sur l’ensemble de ces fonctionnalités.

Reste que, dans le domaine militaire comme dans le domaine civil, les projets de constellations de satellites semblent prendre peu à peu le pas sur les satellites géostationnaires, trop lourds, trop coûteux et trop rigides d’emploi. De fait, les défis que rencontrera l’US Space Force seront en partie les mêmes que ceux auxquels seront confrontés les acteurs privés comme SpaceX ou OneWeb.


Téléchargez l’article au format pdf